TEMPS
Chacun sait à quel aspect de son expérience répond le mot de temps; mais aucune définition de la notion correspondante n’a reçu jusqu’ici, chez les savants comme chez les philosophes, une approbation unanime. Sensible à cette difficulté qu’il jugeait caractéristique de toutes les notions premières, Pascal estimait que le temps est de ces choses qu’il est impossible et même inutile de définir; il s’accommodait d’ailleurs assez bien des désaccords existant à son sujet, puisque ceux-ci ne pouvaient porter préjudice, pensait-il, à l’identité objective qui est désignée par le même terme: «Le temps est de cette sorte. Qui le pourra définir? Et pourquoi l’entreprendre, puisque tous les hommes conçoivent ce qu’on veut dire en parlant de temps, sans qu’on le désigne davantage?» (De l’esprit géométrique ).
Replacée dans son contexte, cette remarque témoigne d’une science mathématique encore peu avancée. Elle peut encore être soutenue si l’on suit les développements de la psycho-linguistique qui sont favorables à un certain innéisme des notions premières. Toutefois, s’il s’agit précisément du temps, on ne peut pas dire que le langage ordinaire désigne en toute certitude l’expérience à laquelle il renvoie. Il faut d’abord écarter, comme une équivoque particulière de la langue française, la signification météorologique qui est un sens dérivé aisément explicable: la température et le climat d’un lieu varient, en effet, en fonction du temps, entendu au sens propre. Mais ce sens premier lui-même est loin d’être fixé d’une façon univoque: est-il synonyme de simultanéité, comme dans l’expression «en même temps», de succession, comme dans l’expression «le temps passe vite», de durée, comme dans l’expression «il a manqué de temps pour accomplir son œuvre»? En vérité, il semble que la notion de temps englobe les trois concepts de simultanéité, de succession et de durée; il faut même ajouter à ces trois concepts, qui semblent plus fondamentaux que celui de temps, ceux de présent, de passé et d’avenir, qui apparaissent, à leur tour, comme constitutifs à l’égard du temps, puisqu’ils en désignent des parties ou des phases bien déterminées, quand on se place à un instant précis, notamment à celui du discours. Comme ces deux triades se recoupent constamment, il faut reconnaître que le même mot «temps» se prête à au moins neuf usages, dont il n’est pas difficile de faire ressortir les contradictions. Il importe cependant d’être attentif à l’emploi spécifique qui se trouve attaché à chaque triade, laquelle se trouve ainsi relever d’une logique particulière.
Le premier emploi a trait aux trois concepts dits fondamentaux. Il permet de ranger dans ce qu’on appelle l’ordre temporel n’importe quel événement dont on connaît l’une ou l’autre des trois relations temporelles qu’il possède vis-à-vis des autres événements. Comme la simultanéité est la négation de la succession, il est possible de réduire l’ordre temporel à une suite unilinéaire. Comme les chevauchements des durées particulières peuvent aller à l’infini, et comme l’expérience du mouvement nous permet d’assigner à chaque position spatiale une position temporelle, il est possible de considérer la suite unilinéaire comme continue et de lui appliquer les procédés de mesure. Il en résulte que le temps physique est doté de la même structure qu’une dimension de l’espace physique euclidien. Le problème se pose de savoir si la suite des instants ou positions temporelles est limitée ou non, dans un sens ou dans l’autre. Cela dépend de la connaissance qu’on a ou croit avoir de l’Univers dans son ensemble [cf. COSMOLOGIE].
Le deuxième emploi a trait à l’expérience humaine, effective ou possible, de ces mêmes événements. Ceux-ci ne sont directement accessibles que s’ils sont présents; s’ils ne peuvent être que retenus, remémorés, reconstruits, il faut les dire passés; s’ils doivent être anticipés, attendus ou prévus, il faut les dire futurs. On ne peut pas reconnaître la même modalité d’existence à ces trois espèces d’événements. Ils peuvent pourtant être envisagés ensemble, puisque c’est dans le présent, une partie du temps qu’il ne faut pas réduire à la pure limite qu’est l’instant, qu’apparaissent les perspectives organisées du passé et de l’avenir. Le rôle constitutif du présent de conscience a été, pour la première fois, signalé dans toute son ampleur par saint Augustin (Confessions , livre XI). Le même auteur a signalé que c’est dans l’âme que le temps passe, puisque l’objet de l’attente devient celui de l’attention, puis celui de la mémoire.
La science, qui tend à l’objectivité, privilégie, de façon constante, le premier emploi de la notion de temps en ce qu’il fait abstraction de la situation de l’observateur dans le temps. Une première analyse du temps entendu dans ce sens a été fournie par Aristote (Physique , IV, 10-14) qui définit le temps «le nombre du mouvement, selon l’avant et l’après». D’autres analyses, enrichies de nouvelles distinctions et d’alternatives, sont proposées dans les constructions axiomatiques contemporaines. Toutefois, la science physique elle-même ne peut pas toujours considérer d’égale façon, par exemple en thermodynamique, le passé et l’avenir. Dans l’étude des processus concrets, qui embrassent une foule d’évolutions particulières, on ne remonte pas dans le passé de la même façon que l’on avance vers l’avenir (cf. chap. 2). Il y aurait donc une flèche ou direction du temps qui ne serait pas seulement caractéristique du temps vécu et qui distinguerait l’anisotropie du temps de l’isotropie de l’espace. Dès l’Antiquité, certains philosophes avaient signalé ce privilège du temps par rapport à l’espace; leur doctrine a inspiré nombre de penseurs modernes; on peut citer dans cette tradition Plotin, Hegel, Bergson.
Dans ces conditions, il est aisé de retrouver les marques de deux philosophies antagonistes du temps. Si l’on insiste sur l’irréversibilité des processus temporels, par opposition à la réversibilité des opérations spatiales, on aura tendance à identifier le temps au devenir [cf. DEVENIR]. Si l’on remarque, au contraire, qu’il n’y a pas lieu de mettre en mouvement les relations de succession et de simultanéité, qui, une fois établies, restent toujours les mêmes, on aura tendance à faire du temps le milieu immobile de tous les changements. Aucune des deux conceptions ne peut prétendre être plus objective ou subjective que l’autre. C’est la première, par exemple, qui inspire la théorie, à la fois mythique et mathématique, de Newton: du temps absolu, qui coule uniformément, sans relation à rien d’extérieur. Newton a pu faire, jusqu’à la théorie de la relativité, le temps de la physique moderne; ce temps permettait, en effet, d’inclure tout ordre temporel relevé empiriquement. C’est la seconde conception, au contraire, qui inspire la théorie, à la fois subjective et métaphysique, de Kant: de la forme du sens interne Kant a voulu faire la condition transcendantale de la mécanique newtonienne, et la plupart des physiciens ont longtemps préféré la conception kantienne à l’absolutisme newtonien. Aujourd’hui encore l’espace-temps de Minkowski semble favoriser la conception statique du temps par rapport à la conception dynamique; mais Einstein n’a pas craint de réintroduire un temps cosmique, muni d’une direction, et l’on a vu que certains secteurs de la physique témoignent, eux aussi, de l’existence d’une flèche du temps.
Il ne faut peut-être pas exagérer l’opposition des deux images que nous nous formons du temps: devenir universel ou milieu de tous les changements. Cette dualité tient sans doute à l’imperfection de notre connaissance. Il sera intéressant de se demander si la construction même de la notion de temps ne met pas en évidence l’entrelacs des facteurs externes et internes, des contenus fluents et des relations stables.
1. Genèse de la notion du temps
En faisant du temps la forme du sens interne, la conception kantienne s’élevait, en quelque sorte, au-dessus de l’opposition des notions statique et dynamique du temps. Elle n’ignorait pas, en effet, que le temps concerne la sensibilité, qui reçoit des impressions successives, plus encore que l’entendement, qui conçoit l’ordre général d’apparition des phénomènes, mais elle ne laissait pas de faire du temps le cadre universel de toutes nos connaissances. Ce privilège était dû à la jonction de l’intuition et de la forme a priori qui caractérise, chez Kant, le temps comme l’espace. Il permettait de fonder la mathématique pure et la science pure de la nature, qui trouvaient, l’une et l’autre, dans ces deux formes de la sensibilité, la matière suffisante aux jugements synthétiques a priori. Ceux-ci fournissaient au philosophe les fondements métaphysiques de toute connaissance qui pouvait se faire passer pour science. Cependant, un tel succès était payé très cher: il fallait renoncer à connaître les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes, il fallait se résigner à posséder une connaissance d’autant plus sûre, d’autant plus objective même, qu’elle portait moins sur la réalité. D’autre part, il n’était pas sûr que les sciences mathématiques et physiques pourraient apparaître toujours comme la vérification expérimentale de la métaphysique qui avait été conçue pour elles: l’apparition des géométries non euclidiennes allait relativiser l’intuition pure et formelle de l’espace euclidien et, l’abandon de la théorie de l’éther allait, plus tard, mettre en cause l’intuition pure et formelle d’un temps universel. Le déclin des absolus scientifiques entraînait, malgré elle, la philosophie qui avait renoncé à la connaissance des absolus ontologiques pour offrir à la science ce qu’on pourrait appeler des absolus méthodologiques.
Il faut reconnaître que la philosophie n’a pas attendu le verdict tardif de la science pour proposer des alternatives à la solution kantienne. D’un côté, elle revenait, avec l’idéalisme allemand, à la conception d’une connaissance absolue qui restaurait l’emprise des notions sur les choses; d’un autre côté, elle proposait, avec les essais d’un empirisme subtil, une nouvelle base aux conquêtes plus récentes de la science. Or ce qui oblitère les ingénieuses constructions de l’idéalisme, c’est qu’elles ne proposent, en définitive, rien de plus que ce que la tradition philosophique offrait déjà de façon dispersée; elles avancent des synthèses conceptuelles qui ne font que survoler le travail laborieux et progressif des sciences. Sous ce dernier rapport, l’empirisme des XIXe et XXe siècles est peut-être plus fidèle à l’idée de l’unité de la connaissance, qui animait l’œuvre critique de Kant. En ce qui concerne le problème du temps, en particulier, c’est à cet empirisme qu’il faut demander la dissociation de l’intuition et de la forme, qui était devenue la tâche première de la philosophie depuis que la fusion opérée par Kant était apparue d’autant plus vulnérable aux objections du sens commun qu’elle ne bénéficiait plus de la caution offerte par les sciences existantes. Bien qu’ils ne se réclament pas tous également de l’empirisme, c’est à Bergson, Husserl et Russell qu’on demandera cette nouvelle approche de la conscience du temps, qui permet d’envisager une genèse de la notion de temps. Si leurs tentatives n’apparaissent pas rompre suffisamment avec le formalisme kantien, alors on proposera une voie nouvelle, qui recoupe bien d’autres essais contemporains.
Critique des approches modernes
Bergson
La conception bergsonienne du temps était, il y a peu, familière à tous les Français qui avaient suivi un cours de philosophie. Le grand mérite de son auteur est de n’en avoir pas proposé des versions foncièrement différentes, pendant le demi-siècle où il domina la philosophie française. Il s’agit toujours d’opposer la durée pure, qui est le temps vécu, à la variable numérique t , qui est le temps spatialisé. Il n’est pas exact de prétendre que Bergson s’appuie uniquement, pour fonder cette distinction, sur la perception intérieure. Il reconnaît, en effet, que nos états de conscience ne se présentent pas, à première vue, dans un ordre différent de celui qu’on attribue, par exemple, au passage des astres sur la voûte céleste. Il est vrai que ces états semblent se succéder en nous de la même façon que les étoiles au zénith. Mais cette constatation du sens commun, qui préfigure la généralisation scientifique, est, pour Bergson, profondément trompeuse. Elle est commandée inconsciemment par des schèmes pratiques, à la nature desquels Bergson réduit les formes kantiennes de l’intuition a priori. En réalité, dit Bergson, la conscience, qui s’accroît sans cesse, ne sépare pas ses continuelles acquisitions; or, c’est à elle qu’il faut demander l’origine de l’idée de succession, qui suppose la mémoire et qui ne correspond à rien de matériel; il faut donc penser la succession sans distinction: c’est en cela que consiste l’intuition de la durée pure. À partir d’une telle intuition, il est possible, pense Bergson, de rendre compte aussi bien de la genèse de la représentation du temps, qui naît dans notre esprit de la spatialisation du fond intime de la mémoire, que de l’évolution réelle du monde, qui naît de la résistance que la matière oppose à la poussée de l’élan vital. Dans les deux cas, on va de l’un au multiple, de la durée concrète au temps spatialisé. Ainsi, la connaissance scientifique n’est pas fausse, elle est seulement superficielle. Le temps matériel est la détente d’un élan, comme le temps mental le déploiement en éventail d’une mémoire.
Face à Kant, Bergson a donc réussi à instituer une correspondance entre les formes de la connaissance et la structure que prennent les choses. Mais, en proposant une explication qui est un mythe philosophique pour engendrer le temps à partir de la durée, il n’explique pas comment les deux versions, intérieure et cosmique, du même mythe parviennent à s’accorder. Bien plus, il leur interdit de diverger, même si c’est au mépris de la science, comme il apparaît dans Durée et Simultanéité . C’est que Bergson considère comme allant de soi que la simultanéité s’établisse, de façon universelle, entre le cours de la conscience et celui que suivent les choses. Le philosophe a donc bien vu que la constitution du temps est liée à la mise en œuvre des relations de simultanéité. Mais il n’explique ni comment ces relations peuvent relier des termes aussi hétérogènes que le sont, en eux-mêmes, la durée et l’espace, ni même comment elles se tissent entre des rythmes différents de durée. Il n’envisage jamais que le résultat d’un tel amalgame, qu’il appelle, par exemple, le mécanisme cinématographique de la pensée. À l’origine «obscure ou inconsciente» de ce mécanisme se trouve donc bien ce que Kant appelait la forme du sens interne et ce dont Bergson affirmait pouvoir se dispenser. Dans la genèse bergsonienne de la notion de temps, c’est en définitive un formalisme de type kantien qui assure la naissance du temps universel.
Husserl
Au cours de sa carrière, Husserl est revenu plusieurs fois sur la question du temps et de la temporalisation. Pour ne pas prêter à cet auteur une évolution illusoire, il est prudent de s’en tenir à la version tardive des Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps , dont Husserl lui-même confia le texte à Heidegger; celui-ci en assura l’édition en 1928.
On sait que l’objet de la phénoménologie husserlienne est de retrouver les data phénoménologiques, qui sont recouverts, dans la pensée commune et scientifique, par les objectivités du monde de la nature, mais qui sont les véritables sources de celles-ci. La méthode que la phénoménologie utilise dans ce dessein est la réflexion transcendantale, qui diffère de la méthode kantienne en ce qu’elle fait retour non à des formes pures, mais à des actes de conscience qui, s’ils sont purifiés de toute imagination adventice, peuvent être l’objet d’une perception pure. Il s’agit donc, en particulier, de retrouver la perception pure du temps phénoménologique. Mais il s’agit aussi, sinon la phénoménologie n’assumerait pas la tâche d’une théorie de la connaissance, de «dévoiler les vérités aprioriques qui appartiennent aux moments constitutifs de l’objectivité».
Husserl montre d’abord que, dans le «présent psychique» dont les psychologues de la fin du XIXe siècle empruntaient la notion à saint Augustin, la conscience de succession s’accomplit avec la distinction nette des moments successifs. Ainsi en va-t-il pour les notes d’une mélodie ou même les phases d’un son unique. C’est par là que la description de Husserl diffère de l’analyse de Bergson. Cependant, Husserl remarque que, pour parler des phases d’un son, il faut d’abord présupposer l’unité de l’objet temporel qu’est le son, c’est-à-dire sa durée propre. Du coup, la phénoménologie est reportée à la constitution de l’objet temporel immanent. Mais alors elle tombe dans des présuppositions tout aussi évidentes, bien qu’inavouées. Husserl montre que la continuité d’écoulement des diverses phases d’un son est due à la continuité des modes d’écoulement des divers instants de la durée du son, ce qui présuppose la continuité de ces différents instants eux-mêmes. N’est-ce pas retomber dans la position kantienne qu’on avait voulu éviter?
Pour échapper au kantisme raffiné qui consiste à doter la forme temporelle du flux propre au devenir (solution semblable à celle de Newton), Husserl multiplie les analyses supplémentaires. Mais toujours il se trouve pris dans un dilemme: ou bien il limite le «champ temporel originaire» où s’effectue la rétention du passé, mais il avoue alors qu’il doit insérer ce champ dans son «temps objectif», ou bien il porte son attention sur le «point-source originaire» de tout écoulement, mais alors il ne peut caractériser ce point-source par sa matière, puisque celle-ci n’est pas continuellement changeante. Dans les deux cas, il rejoint le kantisme, la première fois explicitement, la seconde fois au moyen d’un détour par une sorte de bergsonisme. Pas plus que Bergson, en effet, Husserl ne peut éviter de doter l’«impression originaire» d’une situation temporelle propre ni d’en faire le critère d’une simultanéité universelle. De cette façon, le «mécanisme cinématographique» dont parlait Bergson se trouve réintroduit. Il est facile d’en déduire les lois aprioriques du temps.
En montrant qu’à partir de la conscience du temps perpétuellement mobile se constitue un temps objectif «un, homogène, continu », Husserl, d’un certain point de vue, semble avoir accompli son programme. Mais l’étude critique fait apparaître qu’il a commis précisément l’erreur dont il voulait se garder, à savoir de présupposer ce qu’il voulait constituer.
Russell
La philosophie de Russell, plus encore que celle de Husserl, est faite de corrections et de reprises. On s’en tiendra ici aux dernières positions du philosophe, exprimées dans Human Knowledge (1948) et dans My Philosophical Development (1959).
C’est une théorie causale de la perception qui fonde cette dernière philosophie. Le monde extérieur est cause de la perception qui se passe dans le cerveau de l’homme; mais celui-ci ne peut connaître cette perception que par l’expérience intime. C’est donc à partir de cette expérience intime que se construisent le monde du sens commun et le monde de la science.
S’il s’agit du temps, on aboutit à distinguer trois représentations différentes: celle du sens intime et de la mémoire, celle du sens commun et de l’histoire, celle de la science et de la théorie de la relativité. La tâche du philosophe est de montrer sur quels postulats se fonde le passage d’un type de représentation à un autre. S’il s’agit du passage du temps historique au temps scientifique, la solution alternative que propose Russell, par rapport à celle de Newton qui posait un devenir absolu, est digne d’être retenue. On peut certes en discuter, mais on verra plus loin comment il est nécessaire d’y recourir, d’une certaine façon, si l’on veut éviter que le «temps mathématique» soit seulement une version plus subtile d’un mythe à peu près universel.
Le point faible de la philosophie russellienne du temps se trouve dans le passage du temps subjectif, celui du sens intime, au temps objectif, celui du sens commun. C’est aussi sur ce point que cette philosophie a le plus varié. Tout allait bien quand Russell croyait à la réalité des «particuliers» égocentriques, qui étaient, en quelque sorte, les effets directs des changements extérieurs. Mais, quand il prit conscience, sous l’influence de William James, du caractère propre aux enchaînements internes, il s’aperçut qu’il tombait dans les difficultés du bergsonisme et qu’il ne pouvait établir une correspondance terme à terme entre les sense data et les événements extérieurs. Dès lors, toute la construction intellectuelle antérieure se trouvait atteinte dans sa validité objective, et un scepticisme, analogue à celui de Hume, s’installait dans la philosophie russellienne. En ce qui concerne plus précisément le temps, ce scepticisme présente une forme particulière: s’il s’agit de fonder la relation asymétrique de succession (si A est avant B, alors B est différent de A), Russell fait appel au postulat suivant: Aucun événement ne revient. Mais il se rend compte que ce postulat, s’il n’est pas établi a priori à la façon kantienne, doit reposer sur l’expérience. Dans le cas d’une seule personne, le postulat semble assez bien fondé, en raison des modifications incessantes de l’appareil mémoriel. Mais il devient plus difficile à soutenir si l’on envisage l’expérience de toutes les personnes. S’il faut fonder la construction du temps sur l’examen de toutes les biographies, la tâche est manifestement impossible. Ainsi, Russell n’échappe au kantisme que par une généralisation de l’expérience, de caractère douteux. Mais n’y a-t-il pas quelque complaisance à accentuer ainsi la difficulté de la philosophie et, par là, de la connaissance? Est-il vrai qu’on ne peut rien affirmer de sûr, ou du moins de probable, sans faire un pari hasardeux à partir d’une expérience intime?
Principes d’une genèse non subjective
Il y a quelque chose de commun aux trois auteurs précédemment examinés: tous conçoivent qu’une succession régulière s’institue au sein de l’expérience intime. Mais on peut se demander si le contenu de la conscience n’est pas fait, au contraire, d’un chevauchement d’intérêts qui se disputent la prépondérance en un jeu continuel. Sans nier, par conséquent, que la notion de temps ait sa racine dans l’expérience interne, il faut considérer s’il ne conviendrait pas de distinguer les rôles que peuvent y jouer les deux triades constitutives qui ont été déjà distinguées. À la première (simultanéité, succession, durée) reviendrait la constitution de l’ordre temporel, qui est d’emblée objectif, qui concerne les événements du monde, non les états de conscience, de telle sorte que le temps est une forme de l’objectivité, comme l’avait bien vu Kant, alors qu’il en fit paradoxalement une forme subjective. À la seconde (présent, passé, avenir) reviendrait la tâche de permettre l’élaboration consciente de cet ordre temporel qui ne s’impose pas d’égale façon dans toutes les parties du temps, si bien qu’il faudrait dire que le temps objectif dépend du devenir, plutôt que de le concevoir, à l’instar de l’espace, comme un milieu tout fait. Ce qui serait exclu, ce serait de confondre le présent avec la simultanéité, l’antériorité avec le passé, la postériorité avec l’avenir, et la durée avec le devenir, dans cette espèce de microcosme où se trouverait transfigurée l’expérience subjective. Ce qui serait premier alors, ce ne serait pas la succession de mes états psychiques, mais celle des événements qui me harcèlent; ce qui me permettrait de parler d’un temps historique, ce n’est pas la comparaison de toutes les biographies, mais la continuité de la vie sociale elle-même, qui fournit des repères à l’ordonnance des souvenirs personnels; ce qui légitimerait l’asymétrie de la relation de succession, ce n’est pas l’usage plus ou moins justifié d’une forme logique intemporelle, mais l’expérience même que je fais de la contrainte du devenir universel dont la notion de temps s’efforce de saisir les traits les plus généraux. Il faudrait donc partir de l’expérience que l’homme fait de sa situation dans le monde et montrer comment, grâce à la réflexion consciente qui éclaire cette expérience, la représentation logico-mathématique du temps se construit, comme une conquête de l’intelligence sur les obscurités du sens intime. D’où les trois étapes d’une construction de la notion de temps, qui n’en méconnaîtrait pas l’architecture complexe: genèse anthropologique, genèse bio-psychologique, genèse rationnelle. On va voir que ces trois genèses ont entre elles de multiples liens, non seulement de dépendance progressiste, mais encore de correspondance et d’analogie.
Genèse anthropologique
La première institutrice de la pensée, c’est l’action. Celle-ci ne commence jamais, mais, comme la vie, elle ne fait que continuer, à des niveaux plus ou moins complexes, l’activité primaire qui assure la survie. Il faut donc prendre ici l’action dans un sens global, incluant l’affectivité, dont on peut faire tour à tour l’effet et le moteur de l’action. Or, c’est un fait que le nourrisson et le bébé acquièrent les premiers schèmes temporels de persistance (ou de durée) et de succession avant même de prendre conscience de leur moi. Les études de J. Piaget et celles des psychologues qui se réclament de Freud (Anna Freud, R. A. Spitz, S. Lebovici) sont d’accord sur ce point. Il ne semble donc pas que la simultanéité d’instant soit une relation temporelle primitivement acquise, bien qu’elle soit très importante dans le temps de l’action, chez l’adulte.
Le deuxième instituteur de l’homme est le langage. L’acquisition de celui-ci est liée aux rapports intersubjectifs de l’enfant, notamment aux relations qu’il entretient dès sa naissance avec sa mère ou son substitut. Grâce au langage, les données mémorielles de l’enfant parviennent à s’organiser: le symbolisme linguistique, confronté à l’expérience, assure à la représentation du temps une première consistance. L’enfant parvient à distinguer la suite des jours et à ne pas confondre «hier» et «demain» dans l’ailleurs temporel. Ainsi, le passé et l’avenir se distinguent; mais la notion de présent a beaucoup de mal à s’insérer dans un symbolisme approprié. Le linguiste G. Guillaume, qui a étudié la «chronogenèse» linguistique, a montré que, de toutes les langues indo-européennes, seul le français avait réussi à créer, dans le système verbal, un temps qui corresponde exactement au «présent».
Le troisième maître de l’homme est le spectacle du monde, notamment celui du ciel étoilé. Ce n’est pas d’abord un spectacle désintéressé, car l’homme apprend très vite qu’il ne doit pas tenir compte seulement, en ses actions, de ses semblables, mais des forces naturelles, qu’il symbolise par des puissances divines. La divination et la religion agraire lui apprennent à tenir compte des rythmes végétaux et astronomiques. Comme l’a montré R. Berthelot, l’astrobiologie conduit à l’établissement d’un calendrier. Alors l’homme possède une connaissance «protoscientifique» du temps. À ces progrès dans l’ordre des connaissances sont généralement associés cependant ceux de la réflexion. En Grèce tout au moins, Aristote est parvenu à distinguer la notion de temps de celle du mouvement uniforme de la sphère céleste. La philosophie apprend ainsi à l’homme à dissocier le temps des mouvements qui servent à le mesurer. À la faveur de cette dissociation apparaissent les rôles respectifs du psychisme qui réfléchit les changements et de la raison qui nombre et qui mesure.
Genèse bio-psychologique
La réflexion sur la notion de temps ramène donc l’homme à son expérience intime. Le temps n’est pas une chose qu’on peut saisir dans l’espace, c’est au contraire une sorte d’espace mental où se déroulent les choses. Tel était déjà le résultat des analyses de saint Augustin. Mais les études de psychologie contemporaine obligent à distinguer plusieurs niveaux de l’expérience intérieure du temps.
Le premier niveau, commun à l’homme et à l’animal, est celui des rythmes biologiques et des réflexes conditionnés. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de ce niveau sous prétexte qu’il ne fait qu’effleurer la conscience. Si l’on modifie, en effet, le rythme organique en modifiant son environnement, on change, du même coup, l’expérience que l’homme a du temps et qu’il exprime en des jugements conscients (expériences de Michel Siffre et du professeur Fraisse). Ainsi, l’expérience consciente du temps se trouve encadrée non seulement par les connaissances vulgaires ou scientifiques, mais encore par le soubassement organique qui est structuré temporellement non moins que spatialement, comme le montre la science biologique.
Le deuxième niveau est celui du «présent psychique» ou du «pseudo-présent» que les psychologues ont remis en honneur à la fin du XIXe siècle. Dans ce présent, les relations de durée, de succession et de simultanéité ne sont pas seulement pensées, mais éprouvées et vérifiées. D’autre part, comme on l’a vu, c’est là que se distinguent les deux orientations opposées du passé et de l’avenir. Les dissensions sur le sens de la notion de temps proviennent des interprétations différentes qui sont faites de ce nœud de l’expérience temporelle. On y reviendra dans la genèse rationnelle.
Le troisième niveau est celui de la réflexion qui double l’expérience du «présent» par la représentation objective du passé et de l’avenir et par l’estimation relative et quantitative de ces portions de temps reconnues comme absentes. Comme on l’a dit déjà, l’expérience sociale du temps, l’usage du calendrier et des horloges sont ici d’un grand secours. Piaget n’y attache pas cependant une importance décisive. Il pense que la notion de temps, au sens de durée, n’est pas primitive, mais qu’elle dérive d’une mise en relation de l’espace parcouru et de la vitesse, s’il s’agit d’un mouvement extérieur, du travail accompli et de l’effort dépensé, s’il s’agit d’une activité propre. Les résultats expérimentaux montrent une certaine concordance avec l’hypothèse de Piaget s’il s’agit de la mesure d’un temps vécu. Mais on ne peut identifier le temps avec sa mesure ou son estimation. D’autre part, il n’est pas possible de construire axiomatiquement une notion de temps sans faire intervenir des relations qui correspondent aux notions intuitives de durée ou d’intervalle (essais de J.-B. Grize et de S. Papert). Il ne semble donc pas qu’il faille demander à des mécanismes psychologiques obscurs la clarification d’une notion que l’analyse rationnelle directe peut offrir, sans s’éloigner de l’expérience commune, ni s’écarter des acquis scientifiques.
Genèse rationnelle
Il n’est pas facile de définir la raison. On désignerait peut-être cependant ce qui la caractérise le mieux en disant qu’elle est créatrice de formes. S’il s’agit de la raison théorique, l’idéal de connaissance exige que la forme créée soit adéquate à la matière qu’elle doit recouvrir. La notion de temps ne peut échapper à cette exigence. Est-il possible d’en faire un ensemble de relations tel qu’il définisse une dimension de la réalité caractérisée par l’anisotropie, et de plus la continuité et la mensurabilité?
L’anisotropie signifie que la relation de succession est asymétrique et transitive. Cela veut dire que, si A est antérieur à B, B est postérieur à A et que, si A est antérieur à B et B antérieur à C, A est antérieur à C. Russell, on l’a vu, proposait de justifier ces lois «aprioriques» du temps par le postulat suivant: «Aucun événement ne revient.» Mais, pris objectivement, ce postulat semble un paradoxe. Après un certain nombre d’essais, les dés retombent sur les mêmes chiffres. Ma disposition d’aujourd’hui peut reparaître dans quelques jours. De telles expériences ont suscité la croyance au retour éternel. Une telle croyance a certainement des racines psychologiques plus profondes: devant l’impuissance de la raison à embrasser la totalité du devenir ou devant l’échec du courage quand il s’agit de modifier profondément le cours des choses, on peut penser que l’homme adhère, par une sorte de compensation, à ce mythe très ancien. On a vu déjà que les cycles végétaux et astronomiques pouvaient le justifier. Pour en limiter la validité à certaines répétitions offertes par notre expérience, il convient, sans doute, de revenir à l’expérience du devenir et aux deux triades par lesquelles nous en prenons connaissance. Si l’on se reporte, en effet, à la deuxième triade, on s’aperçoit que la flèche du temps n’est pas d’abord constatée mais présupposée. C’est la vie qui l’impose. Nous allons vers l’avenir. Nous agissons afin d’obtenir un résultat conforme à nos vœux. Or les choses ne se passent pas exactement, sauf circonstances exceptionnelles, de la façon dont elles ont été prévues. À mesure que nos plans se réalisent ou échouent, la succession des événements acquiert un ordre intangible. Alors que la finalité oriente d’aval en amont le devenir éprouvé selon la deuxième triade, la nécessité oriente d’amont en aval les événements ordonnés selon la première triade. On peut imaginer le devenir dans les deux sens, mais seul le second sens (celui de la succession) est celui de l’ordre temporel. C’est aussi celui de l’action. Comme le dit Einstein, on ne télégraphie pas dans le passé: l’ordre du temps est celui de la causalité. À première vue, cela pourrait favoriser la croyance à l’éternel retour, car les mêmes causes produisent les mêmes effets. Mais nous savons bien que les mêmes actions ne réussissent pas toujours: elles se heurtent à des circonstances différentes. De là viennent l’irréversibilité des processus historiques et le tragique de certains échecs. L’histoire ne donne pas deux fois sa chance au même homme. Waterloo débouche sur Sainte-Hélène et non plus sur l’île d’Elbe. Ainsi, l’asymétrie est la loi du devenir humain. Mais elle doit l’être aussi du devenir naturel. En effet, même si les lois de la mécanique classique sont invariantes par renversement du temps, il n’en est plus de même en thermodynamique. Cela veut dire que la nature, comme l’histoire, est une mêlée confuse, où les morts ne reviennent plus sur le champ de bataille. Cela veut dire aussi qu’une combinaison locale peut bien se reconstituer, mais non pas l’ensemble des choses dans lesquelles elle est prise. Ainsi, ce n’est pas l’événement qui ne peut pas revenir, c’est l’instant. Comme l’a bien vu Russell lui-même, l’instant est une classe d’équivalence qui renferme les événements reliés par une relation symétrique transitive. La simultanéité, en effet, est symétrique, tandis que la succession ne l’est pas. Si le temps n’était que l’ordre des événements successifs, comme le posait Leibniz, alors l’asymétrie du temps serait mise en échec au cas où le même événement se reproduirait. Mais le temps est aussi, en raison de la simultanéité, l’ordre des événements coexistants. C’est la coexistence des événements qui définit l’instant. Par cette composante spatiale du temps, l’asymétrie s’impose aux instants successifs. Ainsi, c’est la conjonction des deux relations temporelles de succession et de simultanéité qui fonde l’anisotropie du temps. Celui-ci s’oppose à l’espace parce qu’il l’embrasse en le réduisant, d’un instant en instant, à un point. Si Leibniz pouvait se dispenser de rendre l’espace et le temps dépendants l’un de l’autre, c’est parce qu’il les réunissait autrement par l’hypothèse métaphysique de l’harmonie préétablie. Si l’on ne pose pas cette hypothèse, on rencontre dans le temps lui-même la dualité de l’espace et du temps, qui est bien celle de la symétrie et de la dissymétrie, de la simultanéité et de la succession. Cette dualité intervient, de façon d’ailleurs plus subtile, dans la théorie de la relativité, comme on le verra dans le chapitre 2 ci-dessous.
La continuité du temps introduit une hypothèse indépendante de la précédente. Pour dire que les instants du temps forment une série compacte, c’est-à-dire qu’entre deux instants il en existe toujours un autre, il faut introduire, dans un court laps de temps, une infinité de changements qui déterminent une infinité de classes d’événements infiniment resserrées les unes sur les autres. Si l’on veut pousser jusqu’à la continuité proprement dite, on s’aperçoit qu’il faut poser des modifications absolument continuelles, ce à quoi Bachelard se refusait pour sa part. Mais rien n’interdit, semble-t-il, de prendre le problème autrement. Puisque tout événement physique est durable, il est possible de déterminer sur cette durée autant de positions temporelles qu’on prendrait de positions spatiales sur une portion d’étendue qui l’accompagnerait en glissant le long de son immobilité supposée. L’analogie structurale de l’espace et du temps s’impose en bien des domaines, notamment dans l’étude du mouvement, comme le montrent les paradoxes de Zénon d’Élée. Il y a donc de bonnes raisons pour munir la série ordonnée des instants de la structure mathématique d’un corps ordonné et complet.
La mensurabilité du temps repose, elle aussi, sur une nouvelle hypothèse. On peut bien dire que, si l’on pose la continuité au sens mathématique, on munit par le fait même tous les instants du temps d’une valeur numérique et que la mesure de l’intervalle entre deux instants est définie par la différence de leurs valeurs numériques. Mais on oublie alors que le temps n’est pas une dimension spatiale donnée tout entière à la fois. Pour mesurer le temps, il faut disposer d’une horloge, c’est-à-dire d’un instrument doté d’un mouvement ou d’une fréquence uniforme. La détermination de l’uniformité de ce mouvement ou de cette fréquence est l’hypothèse supplémentaire qu’il faut se donner pour faire du temps une grandeur physiquement mesurable. Un des progrès de la science a consisté à déterminer avec de plus en plus de soin cet étalon de temps (cf. chap. 2). Il est significatif de constater que ce progrès s’inscrit dans l’idée très ancienne de répétitions régulières, qui étaient offertes, croyait-on, par les cycles astronomiques.
La perspective d’une construction rationnelle du temps place, on l’a vu, devant des choix qui ne s’imposent pas nécessairement mais laissent à la pensée une certaine marge de liberté. Les moins graves sont ceux qui concernent l’instrument de mesure adéquat et la continuité ou la densité du temps. Plus fondamentaux sont ceux qui se rapportent à la succession des instants. Car l’instant est le résumé d’un espace. On peut alors s’estimer fondé à déterminer plusieurs espaces non seulement en physique et en biologie, mais en histoire et en sociologie. En ce dernier domaine, par exemple, il est clair que l’espace technico-économique ne coïncide pas avec l’espace politique ni avec l’espace culturel. Au sein de la culture, on peut déterminer encore des sous-aires. D’un autre côté, il ne faut pas oublier les interdépendances. Chez Leibniz, elles étaient totales, quoique sans causalité effective, et c’est pourquoi il y avait dans son système un seul espace et un seul temps. Si l’on pense, au contraire, que le temps est la pensée du devenir qui est l’effet de causalités multiples pas nécessairement coordonnées, il est loisible d’imaginer des découpages différents qui peuvent avoir chacun sa justification. On pourrait alors concevoir des espaces et des temps superposés, comme on s’y applique, par exemple, en histoire (F. Braudel). Mais l’introduction de la précision dans de tels domaines est difficile. S’il s’agit du temps humain, l’impossibilité de déterminer à l’avance l’ordre temporel montre que l’histoire du passé est plus certaine, ce qui ne veut pas dire plus intéressante, que la futurologie.
2. Le temps physique
Parmi les diverses grandeurs définies et étudiées par le physicien avec l’idéal constant de parvenir à les rendre mesurables [cf. MESURE], le temps possède des caractères propres. Par la richesse de ses implications qui ne concernent pas la physique (implications sociologiques, biologiques, psychologiques, métaphysiques), il s’entoure d’une aura non dénuée de quelque mystère: «Si on ne me le demande pas, je crois savoir ce qu’est le temps, écrivait saint Augustin. Mais si on me le demande, je ne le sais plus.» Malgré toutes les réflexions faites et les connaissances accumulées à son propos, et par de nombreux spécialistes, le visage tant scruté du temps reste par certains côtés celui d’un sphinx.
«La vérité recule, écrivait Henri Poincaré, mais le savant avance.» Dès son origine, la mécanique de Kepler, de Galilée, de Newton, de Huygens a su définir de manière opératoire le temps comme une grandeur mesurable et, plus tard, légaliser de mieux en mieux cette définition (cf. GALILÉE, HUYGENS, KEPLER, MÉCANIQUE CÉLESTE, MESURE – Étalons fondamentaux, NEWTON). Par la suite, l’électromagnétisme, puis l’optique, en liaison d’abord avec la mécanique classique et ensuite, beaucoup plus fondamentalement, avec la mécanique quantique, ont permis des progrès considérables sur le plan de la technologie de la mesure et sur celui des définitions fondamentales (cf. HORLOGES ATOMIQUES, LASERS, MASER, effet MÖSSBAUER).
Aux anciennes définitions légales de l’étalon de temps, fondées sur la durée du jour solaire moyen ou du jour sidéral, puis de l’année tropique [cf. TERRE], a été substituée, en 1968, par décision du Bureau international des poids et mesures (B.I.P.M.), une définition fondée sur la période d’une radiation judicieusement choisie dans le spectre du césium 133 (cf. MESURE – Étalons fondamentaux). Cette décision doit évidemment être rapprochée de la décision antérieure du B.I.P.M. de substituer, en 1960, à l’étalon matériel des longueurs (mètre en platine iridié, conservé au pavillon de Breteuil à Sèvres) l’étalon optique représenté par la longueur d’onde d’une radiation choisie dans le spectre du krypton 86. Cela ne fut légalement possible qu’à la suite de l’expérience de Michelson-Morley qui démontrait, en 1887, l’inexistence du «vent d’éther». Rapprochée de la précédente, cette définition met en évidence le rôle essentiel que joue la vitesse de la lumière dans le vide c , rapport entre la longueur d’onde et la période d’une radiation électromagnétique ou optique, ainsi que le rôle de la théorie de la relativité qui légalise le concept de l’invariance absolue de cette vitesse c (cf. EINSTEIN, ESPACE-TEMPS, RELATIVITÉ). Au total, quatre expériences de métrologie fondamentale sont ici en interaction étroite: expérience de Michelson-Morley, chronométrie hertzienne ou atomique, métrologie optique ou atomique, mesures de la vitesse de la lumière dans le vide.
L’ensemble de ces technologies a connu des progrès si décisifs que, par décision de la 17e Conférence générale des poids et mesures tenue en octobre 1983, le mètre est dorénavant défini comme «la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière pendant une durée de 1/299 792 458 de seconde». La définition de la seconde reste celle qui a été adoptée en 1968: la seconde est la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de césium 133. La précision avec laquelle se trouve ainsi défini le mètre est supérieure à celle que permettrait le meilleur des étalons matériels. La résolution du B.I.P.M. s’accompagne de recommandations incluant une liste de radiations des domaines optique et hertzien pouvant être utilisées comme étalons secondaires du temps et, par conséquent, de la longueur.
Ces progrès métrologiques saisissants illustrent bien ce qu’il advient d’un concept (ici, le temps) lorsque la physique le soumet à ses méthodes d’analyse théorico-expérimentale, ici l’analyse du mouvement au sens large: relation entre une longueur parcourue et le temps de parcours par l’intermédiaire de la vitesse; c’est la «spatialisation du temps» analysée par Bergson [cf. BERGSON (H.)], et la mise en œuvre de la vieille définition d’Aristote [cf. ARISTOTE]: «Le temps est le nombre du mouvement.»
Cependant, la physique elle-même était amenée à reconnaître l’existence de tout un autre aspect temporel des phénomènes qu’elle étudie: ceux qui manifestent la dissymétrie entre le passé et le futur ou l’irréversibilité du temps . On rattache traditionnellement la découverte de cette irréversibilité à la formulation du principe de Carnot, devenu, grâce aux travaux de lord Kelvin et de Clausius, le deuxième principe de la thermodynamique.
À la vérité, deux autres aspects importants de l’irréversibilité physique étaient déjà reconnus avant l’énoncé du principe de Carnot. D’une part, dans la théorie des ondes de toute nature (ondes acoustiques, élastiques, lumineuses...), on stipulait l’inexistence en physique des ondes convergentes ou centripètes, dites encore avancées , et l’existence exclusive des ondes divergentes ou centrifuges, dites retardées ; ce véritable «deuxième principe» de la théorie des ondes venait exclure une moitié, et par conséquent sélectionner l’autre moitié, des solutions mathématiquement possibles de l’équation des ondes. D’autre part, dans le calcul des probabilités, issu des travaux de Pascal, de Fermat, de Bayes, de Laplace, un important principe de dissymétrie entre problèmes de prédiction et de «rétrodiction» physique se dégageait d’assez bonne heure: le «principe de probabilité des causes», ou principe de Bayes , stipulait, dans son application temporelle, la nécessité de traiter les problèmes de rétrodiction comme impliquant essentiellement des probabilités conditionnelles (cf. calcul des PROBABILITÉS, chap. 2).
De nombreux travaux indépendants ont été consacrés à une analyse en profondeur de l’irréversibilité temporelle des phénomènes physiques et ont abouti, malgré quelques inévitables désaccords, à un assez remarquable consensus général. Il a été signalé que, dans l’interprétation probabiliste de la thermodynamique (qui est due principalement à R. Clausius, J. C. Maxwell, L. Boltzmann et J. W. Gibbs), le principe de Carnot s’interprète comme une spécification du principe de Bayes; cette remarque est due initialement à J. D. van der Waals (1911). Par ailleurs, de nombreux arguments qualitatifs militaient en faveur d’une connexion physique entre le principe de Carnot et le principe des ondes retardées. Plusieurs auteurs ont montré que cette connexion se laisse formuler mathématiquement en termes d’une théorie impliquant à la fois les deux concepts d’onde et de probabilité: la mécanique quantique .
On peut rattacher ces études à celles qui relient le concept de probabilité au concept d’information (cf. CYBERNÉTIQUE, théorie de l’INFORMATION); on peut aussi les relier à celles qui voient dans l’irréversibilité physique une propriété globale de l’Univers se rattachant à des phénomènes cosmologiques (effet Olbers, 1826, effet Hubble-Humason, 1929). Cela confère au concept de l’irréversibilité temporelle une universalité et une profondeur renouvelant cette association de clarté et d’énigme, de lumière et d’ombre, autrefois signalée par saint Augustin.
Équivalence avec l’espace
Chronométrie galiléo-newtonienne
On lit dans Aristote que nous mesurons le temps au moyen du mouvement, et le mouvement au moyen du temps. Le «mouvement» d’Aristote était notre «changement»; notre «mouvement» était pour Aristote le «mouvement local». Si l’on restreint la double assertion aristotélicienne en y lisant mouvement au sens moderne, on y trouve une définition fort exacte de tout le statut de la chronométrie classique, qui vise à mesurer le temps en le référant à l’espace par un mouvement approprié.
Qui dit mesure dit loi et, si possible, loi universelle, c’est-à-dire indépendante de la matière des corps d’épreuve.
Le début de la chronométrie scientifique est associé à l’énoncé des lois de Kepler, qui font des diverses planètes des horloges mutuellement équivalentes pour «nombrer» un seul et même temps. Bientôt après, la dynamique de Galilée et de Newton a défini le temps comme mesurable au moyen d’une formule universelle. La loi d’inertie de Galilée stipule que le mouvement d’un point massif soustrait à toute force est «rectiligne et uniforme»: ce point parcourt des espaces égaux en des temps égaux.
Il existe une relation intime entre le principe d’inertie et le principe de relativité [cf. RELATIVITÉ]. En effet, la cinématique classique postule un «espace euclidien absolu» de métrique:
et un «temps universel» t . On démontre alors que, si la loi d’inertie de Galilée est vraie relativement à certains systèmes d’axes d’espace x , y , z de mêmes mesures, et relativement à certaines échelles du temps t , les seules transformations de x , y , z , t conservant la loi sont, sur t , la transformation linéaire t = at + b , qui n’est que nominalement différente de la transformation identique:
qui est un sous-groupe du groupe conservant la métrique (1).
En d’autres termes, le principe d’inertie de Galilée définit:
– une échelle galiléenne (universelle) du «temps absolu»;
– une famille (universelle) de repères cartésiens de l’«espace euclidien absolu», tous en translation uniforme les uns par rapport aux autres; c’est le principe de relativité restreinte de la dynamique classique (beaucoup plus étroit que le principe du mouvement relatif de la cinématique classique conservant la métrique (1) qui n’exclut notamment ni les rotations ni les translations accélérées).
Bien qu’ils marquent un progrès décisif dans la réalisation du «programme aristotélicien de la chronométrie», les deux principes liés de l’inertie et de la relativité de Galilée ne livrent pas encore un étalon qui réfère directement le temps à l’espace.
En dynamique de Galilée-Newton, la loi universelle de l’accélération d’un point de masse m , sous l’action d’une force extérieure F, s’écrit:
À nouveau, on démontre ici, au moyen de la cinématique classique, que, si cette loi est vraie dans un certain référentiel «galiléen» (x , y , z ) de l’espace et avec une certaine échelle «galiléenne» t du temps, les seules transformations conservant sa forme sont les transformations (2) et (3). Quant à la constante universelle K, un choix convenablement lié des unités de force, de masse, d’espace et de temps lui confère classiquement la dimension 0 et la valeur numérique 1.
Or, les masses sont postulées additives, de même que les grandeurs vectorielles r et F (appartenant par hypothèse à l’espace euclidien «absolu»). La formule (4) de la dynamique du point de Galilée-Newton définit donc le temps comme une grandeur mesurable en tant que référée universellement aux longueurs, aux forces et aux masses (considérées comme directement mesurables).
Cela fonde tout le statut de la chronométrie classique, de la chronométrie «terrestre» inaugurée par Huygens (Horologium oscillatorium , Paris, 1673), où est mise en œuvre la loi d’isochronisme du pendule de Galilée, et, d’autre part, de la chronométrie «céleste» fondée sur la rotation inertiale uniforme de l’horloge Terre, puis sur la déduction par Newton des trois lois de Kepler à partir de la dynamique de Galilée et de la loi de la gravitation universelle.
Chronométrie atomique et relativiste
Vitesse de la lumière
La seconde et essentielle mutation relativiste de la chronométrie a consisté à référer directement l’étalon des temps à celui des longueurs par l’intermédiaire d’une vitesse c ayant un caractère absolu. Une propriété, à l’époque inattendue, de la cinématique des solides est à la clé de cette nouvelle révolution. Cela invite à remarquer rétrospectivement que l’espace euclidien, admettant comme on l’a dit l’indéformabilité des figures par translation et rotation, est physiquement celui où existent des «corps solides». Solide et indéformable étaient ainsi deux concepts pratiquement synonymes. En fait, l’indéformabilité cinématique des solides est une loi physique.
La cinématique classique déduisait du groupe des changements de repères spatio-temporels galiléens (2) et (3) une loi bien connue de composition additive des vitesses. En vertu de cette loi, un système d’ondes sphériques émanant à la vitesse c d’une source ponctuelle S au repos dans un certain repère galiléen ne peut posséder cette propriété d’isotropie dans aucun autre repère de vitesse v relative au précédent. L’existence d’un repère privilégié des espaces, dit physiquement éther , semblait ainsi surgir en optique, alors que ni la cinématique ni la dynamique ne connaissaient rien de tel.
En conséquence, la cinématique classique prévoyait en optique [cf. ÉTHER] des effets de «vent d’éther» dans les repères autres que celui, dit absolu, où l’éther était imaginé «au repos». L’expérience, effectuée d’abord «au premier ordre» en 廓 (égal par définition à v/c ), dès 1818, puis, en 1887, «au deuxième ordre» en 廓2, n’aboutit à rien de tel. En 1818, une expérience de composition des vitesses optiques d’Arago (confirmée en 1851 par une expérience plus directe de A.-H.-L. Fizeau) conduisit A. Fresnel à postuler une loi de composition non additive des vitesses dont Alfred Potier montra, en 1873, l’universalité, et dont il est possible de déduire la cinématique relativiste par un raisonnement de théorie des groupes (J. Hadamard, 1930). L’effet type du deuxième ordre était une discordance en 廓2 entre un étalon solide des longueurs et l’étalon optique constitué par une onde stationnaire, en ce sens que les nombres de nœuds et de ventres d’une telle onde établie entre deux miroirs plans étaient censés dépendre de la vitesse du «vent d’éther». L’expérience de 1887 fut effectuée par A. A. Michelson et E. W. Morley avec une grande précision, sous une forme «différentielle», et se révéla, elle aussi, négative. Une «révolution» scientifique suivit, entraînant d’abord le rejet du postulat du «temps universel», exprimé par la formule (2), et du postulat de l’autonomie de l’espace en lui-même, donné par la formule (1), et aussi le remplacement corollaire de la cinématique classique par la cinématique relativiste.
Le «résultat négatif» de Michelson et Morley prouve l’équivalence inconditionnelle de l’étalon optique et de l’étalon matériel des longueurs. Depuis l’avènement de la mécanique ondulatoire (1924), ce résultat, qui avait tant surpris en 1887, semble des plus naturels, car un corps solide est aujourd’hui conçu comme une «onde matérielle stationnaire» très complexe, et il serait surprenant qu’une onde optique et une onde matérielle stationnaires n’aient pas le même comportement cinématique. Par ailleurs, il est vraiment indiqué de prendre comme étalon des temps une période d’onde lumineuse ou hertzienne: aucune révolution chronométrique ne suivra, car la mécanique ondulatoire associe au mouvement inertial rectiligne et uniforme d’un point matériel ou d’un photon une onde plane monochromatique matérielle ou électromagnétique. Mais, prendre à la fois comme étalons de longueur et de temps la longueur d’onde et la période T d’une onde électromagnétique (ou matérielle), c’est faire ipso facto une constante absolue par définition de la célérité c qui les lie suivant la relation:
ou, dans le cas légèrement moins simple des ondes matérielles:
On vient de voir que cette définition est permise et fortement suggérée par l’absence d’effets de «vent d’éther».
Groupe de Lorentz-Poincaré
Si c est une constante absolue, les lois du changement de référentiel spatio-temporel:
ne peuvent plus avoir la forme simple (2) et (3) conservant (1). Elles devront conserver, en particulier, la loi de propagation d’une onde optique:
et, plus généralement, l’invariant d’espace-temps:
remplaçant (1). À cause du signe moins devant le quatrième carré, le carré s 2 de la «distance spatio-temporelle» peut être positif, négatif ou nul; le vecteur de coordonnées (x, y, z, ct ) est alors dit, respectivement, «du genre espace», «du genre temps» ou «isotrope».
Les lois cherchées seront donc celles d’une rotation d’axes cartésiens dans l’espace-temps:
est la vitesse du repère spatial primé dans le repère non primé, on obtient:
Telles sont les formules du groupe de Lorentz-Poincaré et les bases du concept de l’espace-temps pseudo-euclidien de Poincaré-Minkowski (1908); ce concept succède à l’espace d’Euclide en tant que cadre descriptif des phénomènes physiques [cf. ESPACE-TEMPS].
Les noms qu’on vient de citer, et d’autres (É. Mascart, W. Voigt, J. Larmor), montrent que la relativité était «dans l’air» dès les années 1900. Mais le théoricien qui a vraiment saisi l’essence de la nouvelle théorie avec toutes ses implications est Einstein (1905).
La grande nouveauté des formules (9) par rapport aux formules classiques (2) et (3) est, plus que le dénominateur correctif 連1 漣 廓2, le terme c -2 vx dans t : chaque repère inertial est désormais pourvu de son temps local, ou propre, et devient ainsi un repère spatio-temporel, repère cartésien de l’espace-temps, comme on le lit sur les relations (7). Pour cette raison, les repères inertiaux sont désormais dits lorentziens plutôt que galiléens.
On a |th 﨏| 諒 1; donc, d’après (8), il vient | 廓| 諒 1, ou |v| 諒 c : aucune vitesse de repère lorentzien ne peut surpasser la constante absolue des vitesses c . On montre en dynamique relativiste que cela est vrai aussi de toute vitesse d’énergie transmettant un signal. Il s’ensuit que l’élément de trajectoire d’espace-temps d’un signal est essentiellement du genre temps, puisque v2 麗 c 2 équivaut à:
L’existence de la constante absolue c des vitesses implique une équivalence physique des longueurs et des temps (au sens où l’on parle en thermodynamique d’une équivalence physique entre travail et chaleur); celle-ci est manifeste dans les formules (6) et (7) ou (9) de Poincaré-Minkowski-Lorentz: les changements de repères inertiaux, qui sont des rotations du repère cartésien d’espace-temps, transforment partiellement l’un en l’autre un intervalle d’espace et un intervalle de temps, tout en conservant le carré de l’intervalle spatio-temporel.
Au total, le passage de la métrologie des étalons solides à la métrologie optique et celui de la chronométrie mécanique à la chronométrie hertzienne se font l’un et l’autre avec une continuité à première vue cachée, mais explicitée par la mécanique ondulatoire. Malgré cela, cette double transition implique une révolution de pensée concernant le mutuel rapport des étalons de longueur et de temps: la découverte d’un étalon absolu des vitesses, c’est-à-dire d’une constante universelle c jouant le rôle d’un coefficient d’équivalence entre les espaces et les temps, entraîne que ces deux quantités deviennent mesurables avec la même unité. Ainsi s’accomplit en plénitude le vieux programme aristotélicien de la «mesure du temps par le mouvement local»; le temps devient une grandeur mesurable en tant que rattachée, universellement et directement, à l’espace.
Mesure du temps
Techniquement parlant, le double passage à la métrologie et à la chronométrie «ondulatoires» s’accompagne d’un très grand progrès dans la précision (10-8 dans la mesure relative des longueurs; 10-13 dans la mesure des temps). Il s’accompagne aussi d’un progrès essentiel dans la reproduction des étalons, puisque ceux-ci, fondés sur des transitions atomiques bien choisies [cf. HORLOGES ATOMIQUES], sont en principe garantis reproductibles par les lois universelles de la nature elle-même. Des techniques spéciales (cf. LASERS, MASER, effet MÖSSBAUER) font envisager comme prochains de très grands progrès dans la métrologie et la chronométrie liées suivant le schème d’Aristote, aujourd’hui «mathématisé» par la cinématique ondulatoire relativiste et la dynamique ondulatoire et quantique. Le problème de la mesure de la vitesse de la lumière est aujourd’hui résolu par prétérition puisque, depuis octobre 1983, la même raie atomique sert à la fois d’étalon des longueurs par sa longueur d’onde et d’étalon des temps par sa période.
Paradoxe des jumeaux
Ne quittons pas le sujet de la chronométrie sans mentionner le «paradoxe du voyageur de Langevin» ou paradoxe des jumeaux. Soit, dans l’espace ordinaire, deux automobiles identiques A et B, livrées à Perpignan, leurs compteurs marquant zéro kilomètre, et retrouvons-les à Dunkerque, l’une, A, ayant cheminé «au plus court» à travers le Massif central, l’autre, B, ayant suivi un demi-contour de la France, le long des Pyrénées, de l’Atlantique et de la Manche. Lors de leur seconde rencontre, A aura, disons, 1 000 km à son compteur et B, disons, 1 500. En outre, toutes choses égales d’ailleurs, les usures des deux voitures seront dans le rapport de ces kilométrages.
Soit, de même, deux jumeaux A et B se séparant en l’instant-point x 1, y 1, z 1, t 1 à partir duquel l’un décrira une droite et l’autre une courbe de l’espace-temps, ces deux trajectoires se recoupant en un second instant-point x 2, y 2, z 2, t 2, et les vitesses des deux jumeaux restant inférieures à c (cf. ESPACE-TEMPS, chap. 6). La corde et l’arc de courbe sont, par hypothèse, «du genre temps» ds 2 麗 0, ou dx 2 + dy 2 + dz 2 麗 c 2 dt 2.
Dans l’espace-temps de Poincaré-Minkowski, comme dans l’espace d’Euclide, la corde et l’arc ont des longueurs inégales; mais, ici, l’arc est plus court que la corde. D’après un principe relativiste fondamental, d 精2 令 漣 ds 2/c 2 est le carré du «temps propre vécu» par un mobile x, y, z, t. Dans le repère inertial lié au premier jumeau A, on a:
Pour l’autre jumeau, on a:
on a noté c 廓 la vitesse, variable et non identiquement nulle, du jumeau B dans le repère «propre» de A:
Il apparaît donc que, les chronomètres des deux jumeaux remplaçant les compteurs kilométriques des deux précédentes voitures, le jumeau B, qui a subi des accélérations et ainsi décrit une courbe de l’espace-temps, a moins vieilli entre les deux rencontres que A, qui n’a subi que peu d’accélérations: disons que B a voyagé en astronef et que A est resté sur Terre. Les usures physiologiques des deux voyageurs sont dans le même rapport que les temps marqués à leurs chronomètres. En somme, dans sa thébaïde accélérée, B a converti en temps «gagné» tout le surplus de son parcours spatial, comme précédemment la voiture B avait converti en distance «perdue» tout l’excédent de son parcours «mal orienté». Bien comprise, l’explication de ce phénomène, dit phénomène de Langevin, ne contient rien de paradoxal. Il se vérifie quotidiennement au laboratoire, où la durée de vie moyenne des particules instables est mesurée comme beaucoup plus longue lorsqu’elles sont «en vol» à vitesse peu inférieure à c que lorsqu’elles sont au repos; rien n’empêche en principe d’observer le phénomène sur des particules instables tournant à l’intérieur d’un accélérateur circulaire.
Le phénomène de Langevin nous amène au seuil de la relativité généralisée d’Einstein, théorie de la gravitation où l’espace-temps n’est plus «plat» mais «courbe». Il faut signaler qu’en octobre 1971 une vérification spectaculaire du paradoxe des jumeaux en relativité générale a été réalisée. Des horloges atomiques au césium placées à bord d’avions commerciaux à réaction ont été envoyés autour du monde par les vols réguliers, une fois vers l’ouest et une fois vers l’est, et leurs états ont été comparés à ceux d’horloges de référence restées à l’U.S. Naval Observatory. La courbure de la trajectoire d’espace-temps de l’horloge liée à la Terre est, pour une altitude donnée, moins forte que celle de l’horloge volant vers l’est et plus forte que celle de l’horloge volant vers l’ouest. En outre, dans le champ gravitationnel de la Terre, il faut tenir compte d’un effet d’altitude du vol (pratiquement le même dans les deux sens). Au total, le résultat mesuré a été parfaitement conforme à la théorie, aux erreurs expérimentales près. Il n’y a raisonnablement aucun doute que les voyageurs accompagnant les horloges n’aient subi le même vieillissement: pour un tour du monde, les voyageurs volant vers l’ouest ont «perdu» 273 size=1梁 7 nanosecondes et ceux qui volent vers l’est ont «gagné» 59 size=1梁 10 nanosecondes sur les horloges restées à Washington pour des voyages ayant duré de 40 à 50 heures. Imaginons qu’au départ de Washington les pilotes des avions étaient deux vrais jumeaux rasés de frais; comparées entre elles au retour, les longueurs de leurs barbes seront dans le rapport précédemment indiqué.
Irréversibilité du temps physique
Dissymétrie passé-futur
L’irréversibilité du temps est manifeste dans les phénomènes ondulatoires, où d’ailleurs des observations simples la montrent liée à la dégradation de l’énergie. Lorsqu’une météorite traverse l’atmosphère, elle est freinée en émettant une onde balistique divergente. Une pierre jetée dans un étang y engendre des ondes de volume et de surface divergentes qui, après réflexions et absorptions multiples, dissipent son énergie; mais personne n’a vu, sinon au moyen d’un film de cinéma projeté à rebours, des ondes convergentes naître sur un étang et projeter du fond une pierre juste dans la main d’un promeneur.
Or, les équations des ondes élastiques, électromagnétiques, acoustiques, etc. sont intrinsèquement symétriques entre avenir et passé: la nature mathématique de leurs solutions est insensible au changement t = 漣 t . Pour décrire la dissymétrie physique entre avenir et passé, les physiciens sélectionnent tout simplement une moitié d’une vaste classe de solutions possibles: les solutions retardées , définies aux temps t 礪 t 0 à partir de «conditions initiales» données à l’instant t = t 0. Ils rejettent comme «physiquement inacceptables» les solutions avancées définies aux instants t 麗 t 0 en termes de «conditions finales» données en t = t 0. En bref, les physiciens considèrent qu’il est permis de se donner des conditions initiales, mais qu’il est interdit de se donner des conditions finales. Ce type d’énoncé peut recevoir une forme parfaitement relativiste.
Ainsi, en théorie des ondes, la description de la dissymétrie passé-futur n’est pas attribuée à une propriété intrinsèque des solutions, mais à une propriété extrinsèque sélectionnant un demi-ensemble de solutions: techniquement parlant, une «condition aux limites». C’est là un pur et simple décret analogue à celui qui sélectionne un sens de parcours sur une route au moyen d’un signal sens interdit .
Une seconde classe de phénomènes manifestant l’irréversibilité du temps est étudiée par la thermodynamique et légalisée par le principe de Carnot dont nous rappelons deux aspects importants. D’abord, si un échange de chaleur a lieu entre deux milieux à températures différentes, la chaleur s’écoule de la «source chaude» vers la «source froide», si bien que les deux températures tendent à s’égaliser, et non pas le contraire. En second lieu, tout le monde connaît le phénomène du «frein qui chauffe» en absorbant de l’énergie, énergie mécanique ou autre; jamais un frein serré ne va se refroidir en produisant de l’énergie. La thermodynamique phénoménologique a pour objet de déduire d’énoncés rigoureux du principe de Carnot-Clausius (ou «deuxième principe») et de sa définition du concept d’entropie une classe incroyablement riche de manifestations de l’irréversibilité dans toutes les branches de la physique (cf. ENTROPIE, IRRÉVERSIBILITÉ). Les formes sophistiquées du deuxième principe, dues à C. Carathéodory (1909) et à R. Giles (1964), ne font que changer le libellé, sans changer la nature du signal fondamental «sens interdit».
Devançant des développements cybernétiques récents, Poincaré a signalé une relation étroite entre le deuxième principe et la possibilité de prévoir et d’agir. Dans le paradoxal Univers anti-Carnot, où un mauvais plaisant aurait retourné le signal, il serait dangereux de prendre un bain tiède parce qu’on ne saurait jamais quel bout va geler et quel bout va bouillir. Il serait aussi dangereux de jouer aux boules, parce que la viscosité, accélératrice au lieu d’être retardatrice, ferait sortir les mobiles du repos dans des directions et avec des vitesses imprévisibles. Vers la même époque, Boltzmann, imaginant l’ensemble de l’Univers comme temporellement symétrique avec des régions C à entropie croissante et des régions D à entropie décroissante (ce qui, incidemment, n’est pensable que dans un contexte de «temps déployé en acte», comme dans l’espace-temps relativiste), se convainquait que le temps biologique des êtres vivants en C comme en D devait explorer la courbe de l’entropie dans le sens croissant, en sorte que ces êtres vivaient des temps de sens opposés. Comme le fit remarquer N. Wiener beaucoup plus tard, on ne peut imaginer d’échanges d’informations entre les êtres de C et de D.
Interprétation probabiliste
La mécanique statistique de Maxwell, Boltzmann et Gibbs a pour objet de déduire les phénomènes thermodynamiques de la mécanique classique et du calcul des probabilités. En fait, et contrairement à l’impression qu’on peut retirer de la lecture de Maxwell ou de Boltzmann, mais en accord avec celle qui se dégage d’une étude de Gibbs, la mécanique est finalement secondaire en l’affaire; c’est le calcul des probabilités qui est essentiel, avec la réinterprétation qu’il propose de l’entropie comme le logarithme d’une probabilité. Or, déjà dans la théorie des jeux de hasard simples discutés par Pascal, Fermat et leurs émules, le calcul des probabilités est confronté au paradoxe de l’irréversibilité. Si, par exemple, on bat des cartes, la loi de probabilité d’échange de deux cartes de positions données dans le paquet est insensible à la substitution t = 漣 t . Pourtant, étant donné un jeu de cartes «en ordre» (l’ordre étant défini comme l’appartenance à un petit sous-ensemble de l’ensemble de toutes les permutations possibles), le battage détruira cet ordre en peu de temps. Mais, étant donné un jeu de cartes en désordre, on ne peut pas se fier au battage pour le mettre en ordre. Naturellement, si l’on bat, à raison d’un coup par seconde, un jeu de trente-deux cartes, on verra presque certainement passer, après un temps de battage indéterminé, les vingt-quatre permutations où les quatre couleurs seront chacune groupées et rangées dans l’ordre numérique. L’essentiel ici est qu’on ne peut pas produire ainsi l’ordre à point nommé, tandis qu’on peut le détruire à point nommé.
Pour rendre compte de cette situation de fait, le calcul des probabilités utilise le principe de probabilité des causes de Bayes. Ce principe stipule que, étant donné une permutation «initiale» des éléments du problème en étude, la prédiction statistique aveugle (par les règles combinatoires du calcul des probabilités) est permise, mais que la rétrodiction statistique aveugle est interdite. Tel est le libellé du signal «sens interdit» en calcul des probabilités appliqué à la physique.
Intéressante est l’expression probabilité des causes donnée au principe par Laplace. La causalité est conçue anthropomorphiquement comme produisant des effets après la cause, tandis que la finalité est philosophiquement conçue comme ordonnant intentionnellement des éléments avant leur réalisation. Accepter en physique la causalité et refuser la finalité, c’est aussi poser un signal «sens interdit», quitte à préciser plus tard son interprétation. Or, les récentes études de nombreux physiciens et philosophes des sciences ont montré que l’application temporelle du principe de Bayes est précisément celle qui sélectionne la causalité et exclut la finalité.
Principe de Bayes
Techniquement parlant, le principe de Bayes traite les problèmes de rétrodiction en introduisant un jeu de coefficients (ou probabilités) a priori estimés extrinsèquement à la dynamique interne du problème. Ces coefficients décrivent au mieux, compte tenu de l’information dont on dispose, l’interaction qui a livré dans son état initial le système à l’étude (goutte d’encre déposée par une pipette au sein d’un verre d’eau, grosse planète en équilibre métastable et prête à exploser en engendrant un essaim de petites planètes, noyau radioactif ou atome excité prêt à rayonner). Le fait que, physiquement parlant, les coefficients de Bayes doivent être utilisés en «rétrodiction» mais non en prédiction exprime que, statistiquement parlant, une interaction limitée dans le temps développe ses effets après qu’elle a cessé, mais pas avant qu’elle ait commencé. Par exemple, si, entre les instants t 1 et t 2, un physicien déplace un piston dans la cloison d’un récipient contenant un gaz en équilibre thermique, la distribution «maxwellienne» des vitesses est altérée après l’instant t 2 mais pas avant l’instant t 1, et la perturbation est émise par le piston comme une onde élastique retardée mais non absorbée par le piston comme une onde avancée.
Il apparaît donc que l’application temporelle du principe de Bayes entraîne une description statistiquement conforme au schéma causal, tandis qu’un retournement de ce principe entraînerait un paradoxal déroulement «final» des phénomènes physiques. L’association du concept de finalité avec l’idée d’un retournement temporel du principe de Carnot est depuis longtemps familière aux philosophes. Il est curieux, dans ces conditions, que l’association symétrique du concept de causalité avec le principe de Carnot (ou de Bayes) n’ait été explicitée que tardivement par plusieurs physiciens et philosophes des sciences. Ceux-ci ont identifié le principe de causalité physique avec le principe des actions statistiquement retardées, au sens qu’on a précisé plus haut, conférant ainsi à ce principe une interprétation statistique, et seulement statistique.
Quant à l’identification explicite du principe de Carnot avec une spécification du principe de Bayes, on la trouve pour la première fois, semble-t-il, dans un article de Van der Waals de 1911, et elle est implicite dans un texte souvent cité, écrit par Gibbs à la même époque. Elle a été étudiée plus tard. L’analyse concomitante du principe d’irréversibilité comme un décret extrinsèque ou comme une condition aux limites (initiale et non finale) contient la réponse technique aux paradoxes de Loschmidt et de Zermelo. Ces paradoxes ont donc bien une origine plus profonde que proprement mécanique.
Applications à la mécanique quantique
Puisqu’il s’avère que le principe d’irréversibilité du temps est du type «condition aux limites» aussi bien en théorie des ondes qu’en théorie statistique et que, des deux côtés, le «principe des conditions initiales» est aussi un «principe des actions retardées» ou «de causalité», il est tentant de rechercher une formalisation synthétique des deux aspects du principe. Cela devrait être possible au moyen d’une théorie impliquant à la fois les deux concepts d’onde et de probabilité. Or une telle théorie existe, c’est la mécanique quantique , qui utilise des ondes divergentes ou retardées dans ses multiples problèmes de prédiction statistique (aveugle); elle utiliserait symétriquement les ondes convergentes ou avancées dans des problèmes de rétrodiction statistique (aveugle), ainsi que V. Fock et d’autres l’ont signalé. Il est ainsi manifeste qu’en mécanique quantique les principes, tous deux macroscopiques, des ondes avancées interdites ou de la rétrodiction aveugle interdite ne sont que deux expressions différentes d’un seul et même principe. Des exemples très convaincants peuvent être donnés de cette assertion (diffraction d’une onde matérielle, entropie d’un faisceau lumineux de Planck, etc.), et il est piquant de remarquer après coup que, dans un célèbre «dialogue de sourds», W. Ritz et Einstein soutenaient réciproquement ces deux aspects sans deviner que la mécanique ondulatoire de 1924 permettrait de présenter la synthèse de la thèse et de l’antithèse. Techniquement parlant, l’énoncé de cette synthèse peut être présenté comme une reformulation des termes d’un théorème d’irréversibilité de l’acte de mesure quantique dû à J. von Neumann.
Chronométries fondées sur l’irréversibilité
Peut-on tirer des phénomènes de l’irréversibilité physique des procédés de chronométrie? Certainement. Citons, par exemple, le chronomètre à décharge exponentielle d’un condensateur, l’évaluation des durées préhistoriques ou géologiques par des techniques de radioactivité, l’estimation d’âges d’amas stellaires par la mécanique statistique. L’expansion de l’Univers, «mesurée» grâce à l’effet Hubble («rougissement» des photons issus de sources lointaines; cf. GALAXIES), appartient, au sens large, à cette classe de phénomènes (avec le «bon» signe, conforme à une dégradation de l’énergie utilisable). À l’autre extrémité, la théorie de la largeur des raies spectrales atomiques, et d’autres effets apparentés, se fait aussi en sélectionnant une condition aux limites temporellement asymétrique et conduit à des possibilités de chronométrie en un sens large.
Information et entropie
Notre ultime discussion sur l’irréversibilité sera plus philosophique et portera sur la relation entre information et entropie (cf. ENTROPIE, chap. 3). La définition technique d’une information est la même que celle d’une entropie changée de signe (ou néguentropie: «moins» le logarithme d’une probabilité). Bien que sa définition soit récente, il est clair après coup que le concept d’information est depuis le début impliqué en calcul des probabilités: déjà Pascal, Fermat et Bayes faisaient de l’informatique sans le savoir. En physique proprement dite, citons surtout L. Szilard (1929), G. N. Lewis (1930) et L. Brillouin (1949), qui ont été les protagonistes de la réinterprétation de l’entropie comme un défaut d’information; E. T. Jaynes (1957) et son émule A. Katz (1967) furent les auteurs de présentations systématiques de la mécanique statistique sur cette base, exposés particulièrement éloquents par la concision et l’élégance des raisonnements et des calculs. Or, sans qu’on l’ait cherché, la cybernétique est fondée sur une idée très ancienne, puisqu’elle est due à Aristote: idée capable de résoudre le dilemme apparemment insoluble de savoir si le hasard doit être conçu comme objectif ou comme subjectif. Chez Aristote, l’information est, d’un côté, acquisition de connaissance et, de l’autre, pouvoir d’action ou d’organisation. Tandis que la «diffusion de l’information-connaissance» a acquis la popularité que l’on sait, l’information-pouvoir d’organisation n’est familière qu’à quelques philosophes s’intéressant à la finalité et à la volonté. Cette disparité «de fait plutôt que de droit» est une conséquence de l’irréversibilité physique.
On distingue en cybernétique deux processus types:
(de la néguentropie on tire de l’information à la réception d’un message ou à la lecture d’un appareil de mesure physique) et:
(l’information engendre de la néguentropie à l’envoi d’un message ou dans une opération de tri «anti-Carnot», comme dans le problème du «démon de Maxwell» analysé par L. Szilard, P. Demers et L. Brillouin). On a reconnu en (11) le processus de l’acquisition de connaissance et en (12) le processus de l’action ou de l’organisation.
En raison de l’irréversibilité physique, qui est, rappelons-le, de fait et non de droit, on a les inégalités:
(pour lire une bande codée, il faut l’éclairer, et le calcul montre que la néguentropie perdue par la source surpasse l’information maximale qu’on peut tirer de la lecture) et:
(pour séparer d’un côté les molécules rapides et de l’autre les molécules lentes d’un gaz en équilibre thermique, le «démon de Maxwell» doit pouvoir les distinguer, par exemple en les éclairant, et il dépensera ainsi plus de néguentropie qu’il n’en peut produire par son tri). En bref, il est de fait (mais non de droit) que l’acquisition de connaissance est facile (elle est conforme au principe de Carnot, N1I avec 1 閭 I, admettant comme cas particulier la dégradation non compensée de néguentropie 10), tandis que la mise en ordre est objectivement rare et subjectivement pénible.
En outre, on peut penser que l’information-action est par nature cachée au raisonnement discursif. En effet, la cybernétique montre que l’acquisition de connaissance appartient à la sous-classe physiquement triviale des processus entropiques, retardés et causaux, tandis que l’action, ou le tri, appartient à la sous-classe rare des processus anti-entropiques, avancés et «finaux». Dans ces conditions, l’évidence de la causalité appartient par nature à la conscience cognitive comme, symétriquement, l’évidence de la finalité appartient par nature à la conscience volitive, une distinction connue des philosophes mais que la cybernétique éclaire.
Au total, l’importance, qui ne se dément pas, du calcul des probabilités en physique incite à conférer au hasard un rôle essentiel de charnière entre l’objectif et le subjectif sous ses deux aspects de connaissance et d’action. La conscience cognitive serait ainsi associée aux fluctuations progressives comme la conscience volitive l’est aux fluctuations régressives. La dissymétrie entre ces deux classes de processus serait de fait et non de droit. En d’autres termes, l’information ne serait pas exclusivement d’origine expérimentale, et l’on rejoindrait notamment une intuition de Poincaré lorsqu’il écrivait: «Une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierres n’est une maison», et une problématique de Brillouin comparant «l’information contenue dans une loi physique» exprimée par l’«ensemble des points expérimentaux».
temps [ tɑ̃ ] n. m. I ♦ Milieu indéfini où paraissent se dérouler irréversiblement les existences dans leur changement, les événements et les phénomènes dans leur succession. A ♦ Considéré dans sa durée (chronométrie).
1 ♦ Durée globale. « Il devait encore s'écouler du temps » (Sand). « Il faut du temps à l'âme pour s'accoutumer à la douleur » (R. Rolland). Perdre, gagner du temps. Gain, perte de temps. Rattraper le temps perdu. Le temps c'est de l'argent. « Faire une cour en règle prendrait trop de temps » (Maurois). « Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! » (Hugo). Allus. « Il faut laisser du temps au temps » (Mitterrand),permettre au temps d'agir. Peu de temps avant, après. Dans, sous peu de temps. ⇒ prochainement. Combien de temps dure ce film ? Un laps, un bout de temps. Espace, intervalle de temps. En peu de temps. ⇒ rapidement. En un rien de temps. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Avec le temps (cf. À la longue).
♢ (Considéré comme une grandeur mesurable) Mesure du temps, traditionnellement fondée sur l'hypothèse de la constance de la vitesse de rotation de la Terre. Unités de temps. ⇒ jour, heure, minute, 2. seconde. Instruments anciens (⇒ clepsydre, sablier) , modernes (⇒ chronomètre, horloge, 2. montre, 2. pendule) servant à mesurer le temps. Division du temps. ⇒ calendrier, chronologie; semaine, mois, année, siècle, millénaire.
2 ♦ Portion limitée de cette durée globale; espace de temps (1o). ⇒ moment, période. Un temps long, court. Trouver le temps long. Le temps lui dure. Ça fait passer le temps. Le temps presse. Emploi du temps. Travailler à plein temps, à temps complet; à temps partiel, à mi-temps. Le temps qui nous est imparti. Avoir du temps (de) libre, du temps à soi. ⇒ loisir. Temps d'arrêt. ⇒ pause. Soldat qui a fini son temps (de service).— Unité de temps (au théâtre).— Durant, pendant ce temps, tout ce temps. « Ces empoisonnements qui n'agissent qu'au bout d'un certain temps » (Proust). Pendant, depuis quelque temps. Quelque temps après. « À quelque temps de là » (La Fontaine). Pour un temps. Loc. N'avoir, ne durer qu'un temps : être éphémère, provisoire. La jeunesse n'a qu'un temps. Condamnation, travaux forcés à temps, pour un temps limité, fixé (opposé à à perpétuité, à vie). — Loc. conj. Depuis le temps que... Depuis le temps que tu le sais, tu aurais pu me prévenir. Il y a beau temps que... : il y a longtemps que...
♢ Employé comme adv. (sans prép.) Il attendit un temps, un certain temps, quelque temps, pendant quelque temps. C'est comme cela la plupart, la moitié, les trois quarts du temps : presque toujours, le plus souvent. (1869) Tout le temps : continuellement, sans cesse. Il répète tout le temps la même chose.
♢ LE TEMPS DE (et inf.) :le temps nécessaire pour... Avoir, n'avoir pas le temps de s'amuser. ⇒ loisir. Trouver, prendre le temps de se reposer. Ellipt Vous avez tout le temps. Je n'ai pas le temps. Le temps matériel. — Le temps de (et inf.), le temps que (et subj.),locutions introduisant une proposition qui précise une durée antérieure, une durée d'attente. « Je repris haleine une minute [...] juste le temps d'inventer une histoire » (A. Daudet). Le temps de mettre mon manteau et j'arrive. Laissez-lui le temps de terminer. Le temps que tu y ailles, je serais déjà revenu.
♢ MON, SON TEMPS... Passer, employer, occuper, consacrer son temps à un travail, à travailler. Perdre son temps. ⇒fam. glander. « Ceux qui payent de leur temps et de leur personne » (Balzac). Loc. Le plus clair de son temps. Nous avons tout notre temps : nous ne sommes pas pressés. Prendre (tout) son temps : ne pas se presser. — Avoir fait son temps : avoir terminé sa carrière; (choses) être hors d'usage; dépassé, périmé. Ce manteau a fait son temps.
♢ Spécialt Espace de temps mesuré. Temps qu'un mobile emploie à parcourir un espace. Variable de temps.
♢ Au plur. Durée déterminée de travail. Les temps humains, technico-humains (homme et machine).
3 ♦ (1677) Chacune des divisions égales de la mesure, en musique. Une noire, une croche par temps. Temps fort, qui doit être fortement accentué; fig. le moment crucial, le point culminant. Les temps forts du match. Temps faible, qui ne doit pas être accentué. Valse à trois temps. — Chorégr. Pas composé de plusieurs mouvements. Temps levé.
♢ Gymn., escr. Chacun des mouvements simples, d'une certaine durée, qui interviennent dans l'exécution d'un mouvement ou d'un exercice composé. Loc. fam. (par allus. à la rapidité d'un maniement d'armes) En deux temps, trois mouvements : très rapidement (cf. En deux coups de cuillère à pot). Au temps pour moi : se dit lorsqu'on admet son erreur (souvent écrit à tort autant pour moi).
4 ♦ Mécan. Chacune des phases d'une action, d'une opération, d'un cycle de fonctionnement. Vous procéderez en deux temps. ⇒ étape. Dans un premier temps, vous lirez ce texte, dans un deuxième temps, vous me ferez un compte rendu. ⇒ abord (d'abord); ensuite. — Spécialt Moteur à quatre temps (admission ou aspiration, compression, combustion ou explosion, échappement), à deux temps (où ces quatre phases sont réalisées en deux courses de piston). Subst. Un deux temps.
5 ♦ (1860) Sport Durée chronométrée d'une course. Réaliser le meilleur temps. Faire un bon temps. — Loc. TEMPS MORT, pendant lequel l'arbitre interrompt un match, et qui s'ajoute à la durée totale prévue. Fig. Temps d'inactivité; moment où il ne se passe rien. Un film d'action sans temps mort. — En un temps record.
6 ♦ (v. 1960; angl. time-sharing) Inform. Temps partagé ou partage de temps : découpage du temps permettant à un ordinateur d'exploiter périodiquement plusieurs voies à un rythme assez rapide pour donner à leurs utilisateurs l'impression d'un traitement simultané. — (angl. real time) Temps réel : intervalle de temps compatible avec le rythme réel d'arrivée des données et à l'intérieur duquel un ordinateur peut effectuer les traitements nécessaires. Travailler en temps réel. — Électron. Temps de retard, que met un signal à transiter dans un système.
B ♦ Considéré dans sa succession (chronologie).
1 ♦ Point repérable dans une succession par référence à un « avant » et un « après ». ⇒ date, époque, moment; et aussi 1. passé, 1. présent, 1. avenir, futur. « Il me souvient d'un temps fort éloigné » (Valéry). Le temps n'est pas loin où... En ce temps-là. Depuis ce temps-là : depuis lors. — Loc. En temps utile [ ɑ̃tɑ̃zytil ], voulu, opportun : dans les délais, au moment convenable. En temps et en heure : au bon moment. En temps et lieu. — Chaque chose en son temps : on ne peut s'occuper de tout en même temps, il faut procéder par ordre. Il y a un temps pour tout. — Gramm. Adverbes, compléments de temps, marquant un temps. Subordonnées de temps. ⇒ temporel.
♢ Astron., phys. Ce point déterminé par le calcul. Échelle de temps : système de référence indépendant de l'espace (en mécanique classique; temps absolu) ou qui lui est lié (en mécanique relativiste; temps propre ou temps local (cf. Espace-temps). Temps solaire vrai : angle horaire du Soleil à l'instant considéré. Temps sidéral : angle horaire du point vernal à l'instant considéré. Temps moyen ou astronomique : temps solaire vrai, dépouillé de ses inégalités séculaires ou périodiques (la différence constitue l'équation du temps). Temps civil : temps moyen avancé de 12 heures. Temps universel (T. U.) : temps civil du méridien d'origine. (REM. Comme il s'agit du temps civil et non du temps moyen de Greenwich, l'expr. temps moyen de Greenwich, TMG [ou GMT] est proscrite.) Temps légal : pour un État, temps universel corrigé du nombre entier d'heures le plus voisin de sa longitude moyenne. ⇒ fuseau (horaire); heure (légale). Temps atomique international (T. A. I.) : échelle de temps basée sur la transition entre deux niveaux d'énergie atomique ou moléculaire (cf. Horloge atomique).
2 ♦ La suite des événements, dans l'histoire. ⇒ ère, époque, génération, siècle. Ce temps, le temps dont il est question. Notre temps, celui où nous vivons. Être de son temps, en avoir les mœurs, les idées. Être en avance sur son temps. Le temps actuel, le temps présent. Fam. Par le(s) temps qui cour(en)t : les choses de ce temps étant ce qu'elles sont. Le temps passé; l'ancien, le bon vieux temps. « Ballade des dames du temps jadis », de Villon. « Le bon historien n'est d'aucun temps ni d'aucun pays » (Fénelon). De tous les temps. — Ça se passait du temps, au temps des rois. — Temps de..., occupé, caractérisé par... En temps de paix, de guerre. En temps normal, ordinaire, sans événements exceptionnels. — LES TEMPS (avec une nuance d'indétermination). Les temps les plus reculés. Temps bibliques, héroïques, fabuleux. Depuis la nuit des temps. Les temps modernes, futurs. La suite des temps. Autres temps, autres mœurs. « Ô temps ! ô mœurs ! » (La Fontaine)(cf. lat. O tempora ! o mores ! [Cicéron]). Loc. Les temps sont durs : l'époque est difficile. — Lang. bibl. Ce qui a été prophétisé. Les temps approchent. La consommation des temps. Signe des temps. — Dans les premiers, derniers temps (de qqch.) : au début, à la fin. « Dans les derniers temps de l'Empire » (Renan). Employé comme adv. Je l'ai vu ces derniers temps, ces temps derniers. « Les premiers temps, elle n'osait pas » (Ch.-L. Philippe). Elle est un peu fatiguée ces temps-ci.
3 ♦ Époque de la vie. ⇒ âge. — (Avec un poss.) « Les histoires de mon jeune temps » (Duhamel). De mon temps, quand j'étais jeune. — BON TEMPS : moments agréables, de plaisir. Se donner, se payer, prendre du bon temps, s'amuser, profiter des plaisirs de la vie. C'était le bon temps, une époque où l'on était plus jeune et plus heureux.
♢ Époque de l'année. ⇒ saison. Le temps des moissons, des vendanges. Le temps des cerises. « Le temps des lilas approchait de sa fin » (Proust). Le temps des vacances. — (Année liturg.) Le saint temps de carême. Les quatre temps. ⇒ quatre-temps. Le propre du temps.
♢ LE TEMPS DE (et inf.) :le temps où il convient de... « Ai-je passé le temps d'aimer ? » (La Fontaine). Le temps est venu de prendre une décision. « Il serait toujours temps d'aviser » (Proust). Il est plus que temps de partir. Il n'en est plus temps. Il est (grand) temps que (et subj., avec une idée d'urgence). « Il était temps que le secours arrive » (Hugo). Absolt Il était temps ! (cf. Il était moins une).
4 ♦ Loc. adv. À TEMPS : juste assez tôt; à point nommé. « Nous arrivâmes à temps pour voir rentrer la procession » (A. Daudet ). — EN MÊME TEMPS : simultanément. Ils arrivèrent en même temps. Faire deux choses en même temps. ⇒ parallèlement. À la fois. Le père « était en même temps juge et maître » (Fustel de Coulanges). Aussi bien. « Eugène Delacroix était, en même temps qu'un peintre épris de son métier, un homme d'éducation générale » (Baudelaire). — ENTRE TEMPS. ⇒ entre-temps. — DE TEMPS EN TEMPS [ d(ə)tɑ̃zɑ̃tɑ̃ ]; DE TEMPS À AUTRE [ d(ə)tɑ̃zaotr ] :à des intervalles de temps plus ou moins longs et irréguliers. ⇒ parfois, quelquefois. Il vient de temps en temps. — DE TOUT TEMPS : depuis toujours (cf. De toute éternité). — EN TOUT TEMPS : pas plus à une époque qu'à une autre, toujours. — (1831) Fam. DANS LE TEMPS :autrefois, jadis. « C'est sans doute pour cela, [...] que dans le temps il a refusé de m'épouser » (Stendhal). « elle s'est mise à parler [...] des hivers de “dans le temps” » (Larbaud). — Loc. conj. (XVIIe) DU TEMPS QUE (et indic.) :lorsque. Du temps que les bêtes parlaient... « du temps qu'Arcachon n'était qu'un village » (F. Mauriac) . DANS LE TEMPS, AU TEMPS, DU TEMPS OÙ... : alors que..., quand.
5 ♦ (XIVe) Gramm. Forme verbale particulière à valeur temporelle (⇒ conjugaison). Temps et modes. Temps et aspect. Temps simples : présent, imparfait, passé simple, futur. Temps composés, formés avec les auxiliaires de temps : futur antérieur, passé composé, passé antérieur, plus-que-parfait. Temps surcomposés. Concordance des temps.
C ♦ LE TEMPS (abstrait).
1 ♦ LE TEMPS : entité (souvent personnifiée) représentative du changement continuel de l'univers. « Rien ne peut arrêter le temps » (Fénelon). « le temps n'a point de rive. Il coule et nous passons ! » (Lamartine). Écoulement, fuite du temps. Le cours, la marche du temps. « Ô temps, suspends ton vol ! » (Lamartine). L'action, les injures, les outrages du temps. « Le temps guérit les douleurs » (Pascal). Défier le temps, être plus fort que le temps (⇒ éternel, immortel) ; être hors du temps (⇒ intemporel) .— Loc. Tromper, tuer le temps : échapper à l'ennui, en s'occupant ou en se distrayant avec peu de chose.
2 ♦ (XVIIe) Catégorie fondamentale de l'entendement, objet de la réflexion philosophique et scientifique lié à l'expérience de la durée. « L'erreur de Kant a été de prendre le temps pour un milieu homogène » (Bergson). Le temps et l'espace (cf. Espace-temps). Hors du temps. Temps réel, vécu; temps objectif, mesurable, opératoire. ⇒ durée, temporalité. « donner l'impression vraie du temps » (Maurois).
II ♦ (1160) État de l'atmosphère à un moment donné considéré surtout dans son influence sur la vie et l'activité humaines (⇒ 1. air, ciel, température, vent). Temps chaud, froid; sec, pluvieux. Quel beau temps ! Quel temps fait-il ? Il fait un temps superbe, magnifique. — Mauvais, vilain temps. Temps affreux, épouvantable. Quel sale temps ! Mar. Gros temps (⇒ tempête) , temps calme (⇒ bonace) . Loc. fam. Un temps de saison, considéré comme normal pour la saison. — (Aspect du ciel) Temps couvert, gris. Temps clair, serein. — (Impression produite sur l'homme) Temps lourd, maussade, triste, pourri, incertain. Un temps de chien. Un temps à ne pas mettre un chien dehors. — Le temps se gâte, menace, se met au beau, au froid; se rafraîchit, se radoucit, se lève, s'éclaircit. Le temps est au beau, est à la pluie. Sortir par tous les temps (cf. Qu'il neige ou qu'il vente). — Étude et prévision scientifiques du temps. ⇒ météorologie; baromètre.
♢ Vivre de l'air du temps. La pluie et le beau temps. PROV. Il faut prendre le temps comme il vient, savoir s'accommoder aux circonstances avec philosophie.
⊗ HOM. Tan, taon , tant.
● temps nom masculin (latin tempus) Notion fondamentale conçue comme un milieu infini dans lequel se succèdent les événements : Situer une histoire dans le temps. Mouvement ininterrompu par lequel le présent devient le passé, considéré souvent comme une force agissant sur le monde, sur les êtres : Vous oublierez avec le temps. Durée considérée comme une quantité mesurable : Ce procédé nous fera gagner du temps. Partie limitée de cette durée occupée par un événement, une action : Le temps de la traversée lui a paru interminable. Durée plus ou moins définie, dont quelqu'un dispose : Bien employer son temps. Elle est avare de son temps. Chacune des phases successives d'une opération, d'une action : Un programme de travaux réalisé en deux temps. Moment, époque occupant une place déterminée dans la suite des événements ou caractérisée par quelque chose : En ce temps-là, j'habitais Paris. En temps de paix. Moment, période, saison marqués par un genre de production, par tel caractère, etc. : Le temps des semailles. État de l'atmosphère, en un lieu donné, à un moment donné : Temps chaud et sec. Chorégraphie Moment d'élévation. Une des phases de la décomposition d'un pas. Pas se décomposant en plusieurs mouvements. Équitation Chacun des gestes ou ensemble de gestes qui composent une foulée complète d'un cheval dans une allure donnée. Linguistique Catégorie grammaticale de la localisation dans le temps, qui s'exprime, en particulier, par la modification des formes verbales. Chacune des séries verbales personnelles de la conjugaison (présent, imparfait, etc.). Mécanique Chacune des phases d'un cycle d'un moteur à combustion interne. Musique Division de la mesure. (Suivant que la mesure admet 2, 3, 4, 5 subdivisions ou plus, on dit qu'elle est à 2, 3, 4, 5 temps. Chaque temps est lui-même divisible en 2 ou 3 unités de temps.) Physique Paramètre permettant de repérer les événements dans leur succession. Durée d'un phénomène mesurée par la différence entre les valeurs finale et initiale du paramètre précédent. Sports Durée chronométrée d'une épreuve, en particulier d'une course, d'un match, etc. ● temps nom masculin pluriel Période, moment de la chronologie, de l'histoire, désignés de façon indéterminée, sans précision de durée ni de date : Les temps modernes. Époque contemporaine, celle dans laquelle on vit : Se plaindre de la dureté des temps. ● temps (expressions) nom masculin pluriel Dans la suite des temps, dans l'avenir et jusqu'à une date fort éloignée. Être dans les temps, respecter les délais prévus, ne pas prendre de retard. ● temps (synonymes) nom masculin pluriel Période, moment de la chronologie, de l'histoire, désignés de façon...
Synonymes :
- âges
- ère
- jours
- siècles
● temps (citations)
nom masculin
(latin tempus)
Henri François d'Aguesseau
Limoges 1668-Paris 1751
[…] L'esprit le plus pénétrant a besoin du secours du temps pour s'assurer, par ses secondes pensées, de la justice des premières.
Mercuriales
Théodore Agrippa d'Aubigné
près de Pons, Saintonge, 1552-Genève 1630
Notre temps n'est rien plus qu'un ombrage qui passe.
Les Tragiques
Honoré de Balzac
Tours 1799-Paris 1850
L'amour est la seule passion qui ne souffre ni passé ni avenir.
Les Chouans
Charles Baudelaire
Paris 1821-Paris 1867
Il y a des moments dans l'existence où le temps et l'étendue sont plus profonds, et le sentiment de l'existence intensément augmente.
Fusées
Simone de Beauvoir
Paris 1908-Paris 1986
Ils se contentent de tuer le temps en attendant que le temps les tue.
Tous les hommes sont mortels
Gallimard
Pierre Jean de Béranger
Paris 1780-Paris 1857
Combien je regrette
Mon bras si dodu
Ma jambe bien faite
Et le temps perdu !
Chansons
Henri Bergson
Paris 1859-Paris 1941
Le temps est invention, ou il n'est rien du tout.
L'Évolution créatrice
P.U.F.
Hector Berlioz
La Côte-Saint-André, Isère, 1803-Paris 1869
Le temps est un grand maître, dit-on. Le malheur est qu'il tue ses élèves.
Almanach des Lettres françaises et étrangères
Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux
Paris 1636-Paris 1711
Hâtons-nous ; le temps fuit, et nous traîne avec soi :
Le moment où je parle est déjà loin de moi.
Épîtres
Jacques Bénigne Bossuet
Dijon 1627-Paris 1704
Ah ! que nous avons bien raison de dire que nous passons notre temps ! nous le passons véritablement, et nous passons avec lui.
Méditation sur la brièveté de la vie
Jacques Bénigne Bossuet
Dijon 1627-Paris 1704
[…] Le temps peut être en quelque sorte dans l'éternité.
Oraison funèbre de Mme de Monterby
Louis Bourdaloue
Bourges 1632-Paris 1704
Il n'est rien de plus précieux que le temps, puisque c'est le prix de l'éternité.
Sermon sur la perte de temps
André Breton
Tinchebray, Orne, 1896-Paris 1966
Je cherche l'or du temps.
Introduction au « Discours sur le peu de réalité »
Gallimard
Jean Cassou
Deusto, près de Bilbao, 1897-Paris 1986
Mort à toute fortune, à l'espoir, à l'espace,
Mais non point mort au temps qui poursuit sa moisson.
Trente-Trois Sonnets composés au secret, Sonnet II
Mercure de France
Commentaire
Œuvre publiée sous le pseudonyme de Jean Noir, en 1944, pendant l'Occupation, aux Éditions de Minuit, alors clandestines.
François René, vicomte de Chateaubriand
Saint-Malo 1768-Paris 1848
Admirable tremblement du temps ! Souvent les hommes de génie ont annoncé leur fin par des chefs-d'œuvre : c'est leur âme qui s'envole.
Vie de Rancé
duchesse de Choiseul
1736-1801
Ce n'est pas que je sache bien employer mon temps, mais c'est que je sais bien le perdre ; et, soit dit sans me vanter, c'est peut-être la première de toutes les sciences.
Lettres, à Mme du Deffand
Paul Claudel
Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955
L'eau ainsi est le regard de la terre, son appareil à regarder le temps.
L'Oiseau noir dans le soleil levant
Gallimard
Paul Claudel
Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955
Ce n'est point le temps qui manque, c'est nous qui lui manquons.
Partage de midi, I, Mesa
Gallimard
Jean Cocteau
Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963
Académie française, 1955
Le temps des hommes est de l'éternité pliée.
La Machine infernale
Grasset
Jean-François Collin d'Harleville
Maintenon, Eure-et-Loir, 1755-Paris 1806
Académie française, 1803
Nous n'avions pas le sou mais nous étions contents ;
Nous étions malheureux, c'était là le bon temps.
Poésies fugitives
Pierre Corneille
Rouen 1606-Paris 1684
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Poésies diverses, LVIII, Stances à Marquise Du Parc
Pierre Corneille
Rouen 1606-Paris 1684
Le temps est un grand maître, il règle bien des choses.
Sertorius, II, 4, Viriate
Charles Cros
Fabrezan, Aude, 1842-Paris 1888
Le temps veut fuir, je le soumets.
Le Collier de griffes, Inscription
Charles Cros
Fabrezan, Aude, 1842-Paris 1888
Le temps veut fuir, je le soumets.
Le Collier de griffes, Inscription
Michel Deguy
Paris 1930
Chercher le gué du temps.
Biefs
Gallimard
Robert Desnos
Paris 1900-Terezín, Tchécoslovaquie, 1945
Le temps est un aigle agile dans un temple.
Corps et biens
Gallimard
Denis Diderot
Langres 1713-Paris 1784
Tout s'anéantit, tout périt, tout passe ; il n'y a que le monde qui reste. Il n'y a que le temps qui dure.
Salon de 1767
Joachim Du Bellay
Liré 1522-Paris 1560
Ô mondaine inconstance !
Ce qui est ferme est par le temps détruit,
Et ce qui fuit au temps fait résistance.
Les Antiquités de Rome
François Fayolle
1774-1852
Le temps n'épargne pas ce qu'on a fait sans lui.
Discours sur la littérature et les littérateurs
Nicolas Joseph Florent Gilbert
Fontenoy-le-Château, Vosges, 1750-Paris 1780
Sur les mondes détruits le temps dort immobile.
Le Jugement dernier
Guillaume de Lorris
Lorris-en-Gâtinais vers 1200-1210-après 1240
et
Jean de Meung
Meung-sur-Loire vers 1240-Paris 1305
Le temps qui ne peut séjourner
Mais va toujours sans retourner
Comme l'eau qui s'écoule toute
Sans que n'en remonte une goutte…
Li tens, qui ne puet sejorner,
Ainz vet torjorz sanz retorner
Con l'eve qui s'avale toute
N'il n'en retorne ariere goute…
Roman de la Rose
Guillaume de Lorris
Lorris-en-Gâtinais vers 1200-1210-après 1240
et
Jean de Meung
Meung-sur-Loire vers 1240-Paris 1305
Le temps qui ne peut séjourner
Mais va toujours sans retourner
Comme l'eau qui s'écoule toute
Sans que n'en remonte une goutte…
Li tens, qui ne puet sejorner,
Ainz vet torjorz sanz retorner
Con l'eve qui s'avale toute
N'il n'en retorne ariere goute…
Roman de la Rose
Eugène Guillevic
Carnac 1907-Paris 1997
On ne possède rien, jamais,
Qu'un peu de temps.
Exécutoire
Gallimard
Victor Hugo
Besançon 1802-Paris 1885
Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours.
On sent à quel point il doit croire
À la fuite utile des jours.
Les Chansons des rues et des bois, Saison des semailles, le Soir
Eugène Ionesco
Slatina 1912-Paris 1994
Vouloir être de son temps, c'est déjà être dépassé.
Notes et Contre-notes
Gallimard
Eugène Ionesco
Slatina 1912-Paris 1994
Penser contre son temps, c'est de l'héroïsme. Mais le dire, c'est de la folie.
Tueur sans gages
Gallimard
Marcel Jouhandeau
Guéret 1888-Rueil-Malmaison 1979
Comme rien n'est plus précieux que le temps, il n'y a pas de plus grande générosité qu'à le perdre sans compter.
Journaliers
Gallimard
Henri Lacordaire
Recey-sur-Ource, Côte-d'Or, 1802-Sorèze 1861
Académie française, 1860
Malheur à qui attaque son siècle ! Il faudra bien qu'il subisse les conséquences de cet attentat.
Conférences
Jean de La Fontaine
Château-Thierry 1621-Paris 1695
Sur les ailes du Temps, la tristesse s'envole.
Fables, la Jeune Veuve
Jules Lagneau
Metz 1851-Paris 1894
L'étendue est la marque de ma puissance. Le temps est la marque de mon impuissance.
Célèbres Leçons de Jules Lagneau
Alphonse de Prât de Lamartine
Mâcon 1790-Paris 1869
Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
Premières Méditations poétiques, le Lac
Alphonse de Prât de Lamartine
Mâcon 1790-Paris 1869
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons !
Premières Méditations poétiques, le Lac
Alphonse de Prât de Lamartine
Mâcon 1790-Paris 1869
Ô temps ! suspends ton vol ; et vous, heures propices
Suspendez votre cours !
Premières Méditations poétiques, le Lac
Jean-Marie Gustave Le Clézio
Nice 1940
L'écriture est la seule forme parfaite du temps.
L'Extase matérielle
Gallimard
François de Malherbe
Caen 1555-Paris 1628
Je suis vaincu du temps ; je cède à ses outrages.
Odes
André Malraux
Paris 1901-Créteil 1976
L'œuvre surgit dans son temps et de son temps, mais elle devient œuvre d'art par ce qui lui échappe.
La Métamorphose des dieux
Gallimard
André Malraux
Paris 1901-Créteil 1976
Toute œuvre d'art survivante est amputée, et d'abord de son temps.
Les Voix du silence
Gallimard
Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre
Angoulême 1492-Odos, Bigorre, 1549
Il n'est que d'être
À une fenêtre,
Regardant le beau temps venir.
Théâtre profane, Trop, prou, peu, moins
Clément Marot
Cahors 1496-Turin 1544
Adieu le temps qui si bon a été
Par seul amour.
Rondeaux, LII
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière
Paris 1622-Paris 1673
[…] Le temps ne fait rien à l'affaire.
Le Misanthrope, I, 2, Alceste
Michel Eyquem de Montaigne
château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592
On peut regretter les meilleurs temps, mais non pas fuir aux présents.
Essais, III, 9
Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu
château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755
Les desseins qui ont besoin de beaucoup de temps pour être exécutés ne réussissent presque jamais.
Réflexions sur la monarchie universelle en Europe
Napoléon Ier, empereur des Français
Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821
Le temps est le grand art de l'homme.
Lettres, au roi de Naples, 1er mars 1807
Charles d'Orléans
Paris 1394-Amboise 1465
Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye,
Et s'est vestu de brouderie,
De soleil luyant, cler et beau.
Rondeaux
Georges Poulet
Chênée 1902-Bruxelles 1991
Le temps n'est jamais perdu. Il est là, au-dehors, parmi les choses.
La Distance intérieure, Hugo
Plon
Georges Poulet
Chênée 1902-Bruxelles 1991
Le temps est le lieu de l'insuffisance et, par conséquent, du mal et du malheur.
Études sur le temps humain, Rousseau
Plon
Georges Poulet
Chênée 1902-Bruxelles 1991
L'être humain n'a jamais le temps d'être, il n'a jamais le temps que de devenir.
Mesure de l'instant, Fénelon
Plon
Marcel Proust
Paris 1871-Paris 1922
Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l'ordre des années et des mondes.
À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs
Gallimard
Marcel Proust
Paris 1871-Paris 1922
L'amour, c'est l'espace et le temps rendus sensibles au cœur.
À la recherche du temps perdu, la Prisonnière
Gallimard
Marcel Proust
Paris 1871-Paris 1922
Les jours sont peut-être égaux pour une horloge, mais pas pour un homme.
Chroniques, Vacances de Pâques. Paru dans le Figaro, 25 mars 1913
Raymond Queneau
Le Havre 1903-Paris 1976
Si je parle d'un homme, il sera bientôt mort.
Si je parle du temps, c'est qu'il n'est déjà plus.
Les Ziaux
Gallimard
François Rabelais
La Devinière, près de Chinon, vers 1494-Paris 1553
Le mal temps passe, et retourne le bon,
Pendant qu'on trinque autour de gras jambon.
Le Quart Livre, 65
Jean Racine
La Ferté-Milon 1639-Paris 1699
Il n'est point de secrets que le temps ne révèle […].
Britannicus, IV, 4, Narcisse
Arthur Rimbaud
Charleville 1854-Marseille 1891
Ah ! Que le temps vienne
Où les cœurs s'éprennent.
Derniers Vers, Chanson de la plus haute tour
Pierre de Ronsard
château de la Possonnière, Couture-sur-Loir, 1524-prieuré de Saint-Cosme-en-l'Isle, près de Tours, 1585
Le temps s'en va, le temps s'en va, madame,
Las ! le temps, non, mais nous nous en allons.
Continuation des Amours, XXXV
Jean-Baptiste Rousseau
Paris 1671-Bruxelles 1741
Le Temps, cette image mobile
De l'immobile éternité.
Odes, III, 2
Jean-Jacques Rousseau
Genève 1712-Ermenonville, 1778
Oserais-je exposer ici la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute l'éducation ? Ce n'est pas de gagner du temps, c'est d'en perdre.
Émile ou De l'éducation
Victor Segalen
Brest 1878-Huelgoat 1919
J'étends les deux bras : je touche aux deux bouts du Temps.
Odes
Mercure de France
Victor Segalen
Brest 1878-Huelgoat 1919
Point de révolte : honorons les âges dans leurs chutes successives et le temps dans sa voracité.
Stèles
Plon
Tristan Tzara
Moineşti, Roumanie, 1896-Paris 1963
Je ne chante pas je sème le temps.
De mémoire d'homme
Bordas
Paul Valéry
Sète 1871-Paris 1945
Le Temps scintille et le Songe est savoir.
Charmes, le Cimetière marin
Gallimard
Boris Vian
Ville-d'Avray 1920-Paris 1959
Le plus clair de mon temps je le passe à l'obscurcir.
L'Écume des jours
Pauvert
Ovide, en latin Publius Ovidius Naso
Sulmona, Abruzzes, 43 avant J.-C.-Tomes, aujourd'hui Constanţa, Roumanie, 17 ou 18 après J.-C.
Ô temps rongeur, et toi, envieuse vieillesse,
vous détruisez tout !
Tempus edax rerum, tuque, invidiosa vetustas,
Omnia destruitis !
Les Métamorphoses, XV, 234
Commentaire
V. Hugo, Notre-Dame de Paris (III, 1) : « Tempus edax, homo edacior ».
Virgile, en latin Publius Vergilius Maro
Andes, aujourd'hui Pietole, près de Mantoue, 70 avant J.-C.-Brindes 19 avant J.-C.
Le temps emporte tout, l'énergie comme le reste.
Omnia fert aetas, animum quoque.
Les Bucoliques, IX, 51
Virgile, en latin Publius Vergilius Maro
Andes, aujourd'hui Pietole, près de Mantoue, 70 avant J.-C.-Brindes 19 avant J.-C.
Le temps emporte tout, l'énergie comme le reste.
Omnia fert aetas, animum quoque.
Les Bucoliques, IX, 51
Virgile, en latin Publius Vergilius Maro
Andes, aujourd'hui Pietole, près de Mantoue, 70 avant J.-C.-Brindes 19 avant J.-C.
Le temps irréparable fuit.
Fugit irreparabile tempus.
Les Géorgiques, III, 284
Euripide
Salamine 480-Pella, Macédoine, 406 avant J.-C.
Le temps ne s'occupe pas de réaliser nos espérances ; il fait son œuvre et s'envole.
Héraclès, 506-507 (traduction Grégoire)
Pindare
Cynoscéphales, près de Thèbes, 518 avant J.-C.-Argos ? 438 avant J.-C.
Le temps même, père de toutes choses, ne saurait faire qu'elles n'aient pas été accomplies.
Deuxième Olympique, 19 (traduction Puech)
Théocrite
Syracuse vers 300-vers 250 avant J.-C.
La rose est belle, et le temps la flétrit.
Idylles, XXIII, 28 (traduction Legrand)
Élisabeth Ire, reine d'Angleterre et d'Irlande
Greenwich 1533-Richmond 1603
Tous mes biens pour un peu de temps !
All my possessions for a moment of time !
Commentaire
Dernières paroles.
Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine
Simbirsk 1870-Gorki, près de Moscou, 1924
Le temps n'attend pas.
Proclamation destinée au Comité de Pétrograd, 1918
Commentaire
Dès sa prise de pouvoir, Lénine décida de briser la résistance des paysans riches. Il fit appel à la classe ouvrière pour mener cette lutte : « Camarades ouvriers, sachez que la révolution est dans une situation critique ; sachez que vous seuls pouvez la sauver et personne d'autre. Ce qu'il nous faut, ce sont des dizaines de milliers d'ouvriers d'élite, dévoués au socialisme, pour marcher contre les koulaks. Sans cela, c'est la famine, le chômage, la mort de la révolution. Camarades ouvriers, le sort de la révolution est dans vos mains. Le temps n'attend pas. »
Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau
Le Bignon, aujourd'hui Le Bignon-Mirabeau, Loiret, 1749-Paris 1791
Gardez-vous de demander du temps ; le malheur n'en accorde jamais.
Discours, à l'Assemblée constituante, 26 septembre 1789
Commentaire
Discours à la Constituante sur le projet Necker, le 26 septembre 1789. Il s'agissait, dans ce projet, de faire face aux difficultés financières et économiques croissantes. L'argent émigrait avec les nobles ou se cachait, les industries périclitaient, le chômage n'avait jamais été aussi important. Necker demandait, en conséquence, une contribution du quart du revenu, proposition que Mirabeau appuya sans réserve. C'est au cours de cette discussion qu'il fit cette mise en garde.
John Locke
Wrington, Somerset, 1632-Oates, Essex, 1704
Il faut perdre la moitié de son temps pour pouvoir employer l'autre.
Commentaire
Pensée rapportée par Montesquieu.
William Shakespeare
Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616
La pensée est l'esclave de la vie, et la vie est le fou du temps…
… Thought's the slave of live, and life time's fool…
Henry IV, V, 4, Hotspur
William Shakespeare
Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616
Le Temps, monseigneur, a sur le dos un sac où ce monstre géant d'ingratitude enfouit sans cesse des aumônes pour l'oubli.
Time hath, my lord, a wallet at his back,
Wherein he puts alms for oblivion,
A great-sized monster of ingratitude.
Troïlus and Cressida, III, 3, Ulysses
Herbert Spencer
Derby 1820-Brighton 1903
Temps : Ce que les hommes essaient toujours de tuer, mais qui finit par les tuer.
Time : That which man is always trying to kill, but which ends in killing him.
Definitions
Henry David Thoreau
Concord, Massachusetts, 1817-Concord, Massachusetts, 1862
Comme si l'on pouvait tuer le temps sans insulter à l'éternité.
As if you could kill time, without injuring eternity.
Walden, Economy
● temps (difficultés)
nom masculin
(latin tempus)
Orthographe
1. On écrit au singulier : de tout temps, en tout temps, quelque temps, en temps et lieu, en temps utile, de temps à autre, à temps perdu. - On dit, on écrit, indifféremment au singulier ou au pluriel : par le temps qui court, par les temps qui courent.
2. Entre-temps, avec un trait d'union.
3. Au temps / autant. Le commandement au temps indique (dans les exercices militaires, en gymnastique, en escrime, etc.) un retour au mouvement (temps) précédent. Au figuré, au temps pour moi se dit pour reconnaître qu'on s'est trompé et qu'on est prêt à revenir au point de départ pour reconsidérer les choses : « Il avait dit gaiement « Au temps pour moi ! » »(J.-P. Sartre).
Recommandation Écrire au temps pour moi plutôt que autant pour moi, que l'on rencontre parfois.
Emploi
1. Dans le temps / du temps / au temps. On dit : dans le temps où, ou, plus soutenu et légèrement vieilli, dans le temps que ; du temps où (de), ou, plus soutenu et légèrement vieilli, du temps que ; au temps où (de) ; de mon temps (= à l'époque de ma jeunesse, lorsque j'exerçais encore telle activité, etc.) ; dans le temps (= autrefois).
2. Le temps matériel. Cette locution, fréquente dans l'usage oral courant, est critiquée (le temps étant immatériel). Dans l'expression soignée, préférer le temps nécessaire : je n'aurai jamais le temps nécessaire pour finir mon travail (et non le temps matériel de finir mon travail).
Construction
1. Le temps de (+ infinitif), que (+ subjonctif) : le temps de m'habiller et j'arrive ! ; le feu avait pris, et le temps que les pompiers soient là, tout avait brÛlé.
2. Il est temps de (+ infinitif), que (+ subjonctif) : il est temps de rentrer chez vous ; il était temps que nous nous mettions à l'abri.
● temps (expressions)
nom masculin
(latin tempus)
À temps, au moment approprié, pas trop tard.
Avant le temps, prématurément.
Avoir fait son temps, être arrivé au terme fixé pour une fonction ou, pour un condamné, à l'expiration de sa peine ; avoir accompli son service militaire ; être hors d'usage ou ne plus être d'actualité, être périmé.
Avoir le temps de, avoir le temps nécessaire pour faire quelque chose.
Dans le temps, au temps jadis, autrefois.
Depuis le temps, depuis cette époque éloignée, cela fait longtemps.
De temps en temps, de temps à autre, à des moments plus ou moins éloignés, par intervalles, sans régularité.
En même temps, dans le même instant, simultanément ; à la fois.
En son temps, au moment prévu ou le plus opportun.
En temps et lieu, au moment et à l'endroit convenables.
En temps voulu, en temps utile, au moment opportun.
Être de son temps, penser, vivre, agir en conformité avec les idées couramment admises de son époque.
Il est temps de, le moment est venu de faire telle chose, cela devient urgent.
Il était temps !, il s'en est fallu de peu.
Il n'est que temps, il faut se hâter d'agir.
Le bon vieux temps, passé lointain et indéterminé qui apparaît comme un âge d'or.
N'avoir, ne durer qu'un temps, être de courte durée.
Passer le temps, s'occuper à n'importe quoi en attendant l'heure fixée pour quelque chose.
Prendre, s'offrir, se payer du bon temps, se divertir, profiter de la vie.
Prendre (tout) son temps, faire quelque chose sans se presser.
Familier. Temps de chien, de cochon, sale temps, très mauvais temps.
Temps fort, moment le plus important, point culminant de quelque chose.
Temps mort, moment d'inactivité dans un travail, pause ; moment où il ne se passe rien.
Tout le temps, toujours, sans arrêt.
Travailler à temps partiel, être employé dans une entreprise pendant un nombre d'heures inférieur d'au moins 1°5e de temps à la durée hebdomadaire légale ou conventionnelle du temps de travail (par opposition à plein temps). (L'employeur peut être obligé dans certains cas de proposer le temps partiel [mi-temps thérapeutique, salarié accidenté du travail, par exemple]. La répartition des horaires de travail est fixée selon trois modalités [hebdomadaire, mensuelle, annuelle].)
Temps atomique (TA), échelle de temps déduite des indications d'une horloge atomique.
Temps atomique international (TAI), échelle de temps établie par le Bureau international des poids et mesures sur la base des données fournies par un ensemble d'horloges atomiques.
Temps des éphémérides (TE), échelle de temps déduite de résultats fournis par la mécanique céleste, notamment de l'étude du mouvement de la Lune.
Temps sidéral, échelle de temps fondée sur l'angle horaire du point vernal.
Temps solaire, échelle de temps fondée sur l'angle horaire du centre du Soleil.
Temps universel (UT), temps civil de Greenwich.
Temps universel coordonné (UTC), échelle de temps diffusée par les signaux horaires, selon des règles admises internationalement.
Temps légal, échelle de temps prescrite par la loi dans un pays ou dans une région et correspondant au temps civil d'un méridien donné.
Temps mort, pour un élément d'une chaîne de commande, temps qui s'écoule entre l'application d'un signal d'entrée et le début du signal de sortie correspondant.
Complément de temps, subordonnée de temps, complément ou subordonnée exprimant, par rapport au verbe principal, un moment, une époque, une durée, etc.
Étalon de temps, dispositif définissant un temps très précis devant servir de base de référence.
Coup de temps, synonyme de coup de vent.
Type de temps, ensemble de conditions de température et d'humidité atmosphériques momentanément stables et revenant à des intervalles relativement fréquents, sinon réguliers.
Temps d'antenne, durée déterminée d'émissions de radio ou de télévision diffusées dans le cadre de la programmation.
Temps choisi, travail à horaire variable (temps partiel, horaires à la carte…).
Temps mort, au basket-ball et au volley-ball, minute de repos accordée à la demande d'une équipe.
● temps (homonymes)
nom masculin
(latin tempus)
tan
nom masculin
tant
adverbe
taon
nom masculin
t'en
pronom
tend
forme conjuguée du verbe tendre
tends
forme conjuguée du verbe tendre
● temps (synonymes)
nom masculin
(latin tempus)
Durée considérée comme une quantité mesurable
Synonymes :
- délai
- marge
- répit
- sursis
Partie limitée de cette durée occupée par un événement, une...
Synonymes :
- durée
Chacune des phases successives d'une opération, d'une action
Synonymes :
- étape
- palier
- stade
Moment, époque occupant une place déterminée dans la suite des...
Synonymes :
- date
- époque
- jour
- moment
Moment, période, saison marqués par un genre de production, par...
Synonymes :
- période
- saison
Chronologie. Temps légal
Synonymes :
- heure légale
Marine. Coup de temps
Synonymes :
temps
n. m.
rI./r
d1./d Celle des dimensions de l'Univers selon laquelle semble s'ordonner la succession irréversible des phénomènes. Le temps et l'espace.
|| Fig. "L'ennemi vigilant et funeste, le temps" (Baudelaire).
d2./d Mesure du temps. L'unité de temps est la seconde.
d3./d Espace de temps. Temps de cuisson. Cela n'aura qu'un temps, ne durera pas. Demander du temps pour payer, un délai. Cet habit a fait son temps, il ne peut plus servir.
|| Spécial. SPORT Performance d'un sportif dans une épreuve de vitesse.
|| INFORM Temps réel: mode de fonctionnement qui permet l'introduction permanente des données et l'obtention immédiate des résultats. Temps partagé: mode de fonctionnement dans lequel chaque utilisateur accède en permanence à l'ordinateur sans gêner les autres, et qui autorise les relations entre les usagers.
d4./d Durée (considérée du point de vue de l'activité de qqn). Avoir le temps, du temps devant soi: ne pas être pressé. Ne pas avoir le temps de, le loisir de.
— Perdre son temps: ne rien faire; faire des choses inutiles.
— Prendre son temps: agir sans hâte.
|| (Belgique) Avoir le temps long: trouver le temps long.
d5./d époque, période envisagée par rapport à ce qui l'a précédée ou suivie. Les temps modernes. De mon temps: à l'époque de ma jeunesse. Au bon vieux temps: à une époque lointaine où la vie passe pour avoir été simple et facile.
d6./d Période considérée par rapport à l'état, aux moeurs d'une société. En temps de guerre, de crise.
— Signe des temps: fait, circonstance qui caractérise les moeurs de l'époque dont on parle. être de son temps: se conformer aux idées, aux usages de son époque.
— Prov. Autres temps, autres moeurs.
d7./d Le temps de: la saison, la période de l'année caractérisée par. Le temps des semailles.
d8./d Moment, occasion de faire, d'agir. Il y a (un) temps pour tout. Il est temps de partir. Il est grand temps de, que: il est très urgent de, que.
|| (Suisse) Loc. Avoir meilleur temps (de): avoir avantage (à faire qqch). Si vous êtes pressés, vous avez meilleur temps de passer tout droit.
d9./d GRAM Chacune des différentes séries des formes du verbe marquant un rapport déterminé avec la durée, le déroulement dans le temps. Conjuguer un verbe à tous les modes et à tous les temps: présent, passé, futur. Temps, mode et aspect.
d10./d MUS Chacune des divisions de la mesure servant à régler le rythme. Mesure à trois, à quatre temps. Temps fort, faible.
d11./d TECH Chacune des phases d'un cycle de moteur à explosion. Moteur à deux, à quatre temps.
d12./d Loc. adv. à temps: dans les limites du temps fixé, convenable. Arriver à temps.
|| En même temps: simultanément. Partir en même temps.
|| De tout temps: depuis toujours.
|| En temps et lieu: au moment et dans le lieu convenables.
|| De temps en temps, de temps à autre: à des moments éloignés les uns des autres; quelquefois.
|| Quelque temps: pendant un certain temps.
|| Tout le temps: sans cesse.
|| (Belgique) Tout un temps: assez longtemps.
— Un petit temps: peu de temps.
rII./r état de l'atmosphère. Temps orageux. Beau temps.
— Fig. Prov. Après la pluie, le beau temps: après les ennuis vient un temps plus heureux.
|| MAR Gros temps: mauvais temps, vent fort et mer agitée. Petit temps: vent faible et mer calme.
|| Loc. fig. Parler de la pluie et du beau temps, de banalités. Faire la pluie et le beau temps: avoir beaucoup d'influence, détenir de vastes possibilités d'action, de manoeuvres.
Encycl. Astro. - L'échelle de temps universel (abrév.: UT) se déduit de la rotation de la Terre autour de son axe et de son mouvement autour du Soleil. Le temps solaire vrai est égal à l'angle horaire du Soleil: il est 0 h vraie lorsque le Soleil traverse le méridien. Le temps solaire moyen est calculé en supposant un Soleil fictif dont l'angle horaire varie uniformément, ce qui n'est pas le cas du Soleil réel, compte tenu de l'obliquité de l'écliptique en partic. Au temps solaire moyen on substitue le temps civil, par addition de 12 heures. Le jour civil commence donc à minuit. Le temps universel est par définition égal au temps civil de Greenwich. Les temps légaux dérivent du temps universel suivant le système des fuseaux horaires. En principe, chaque pays adopte l'heure du fuseau qui contient sa capitale (sauf pour les pays très étendus). Il existe un deuxième temps astronomique, le temps des éphémérides, dont l'échelle se déduit du mouvement de la Terre autour du Soleil. Sa période fondamentale est l'année. En 1972, a été définie une base du temps légal, le temps universel coordonné (UTC), établi à partir du temps atomique international (défini sur la base de la vibration de l'atome de césium) et du temps universel.
⇒TEMPS, subst. masc.
I. — Milieu indéfini et homogène dans lequel se situent les êtres et les choses et qui est caractérisé par sa double nature, à la fois continuité et succession.
A. — [Le temps est une durée]
1. Absol. Durée indéterminée et continue. Le temps passe et court. C'est une ruine magnifique et qui bravera le temps et les hommes pendant bien des siècles encore (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 280):
• 1. ... il ne suffisait pas de ce morceau de papier pour bousculer le temps, l'espace et le sens commun.
BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 168.
— [Le temps est la mesure selon laquelle se définit la durée de tel ou tel événement] Consacrer, employer, prendre du temps pour (faire) qqc. Le duc, tout blanc comme un fantôme, dans ses grands peignoirs garnis de dentelles, coulait le temps sur sa chaise percée (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 52).
♦ Il faut laisser du temps au temps. Il faut laisser du temps au temps. Le temps pour nos représentants d'accepter enfin leur condition. Pas celle d'un maître, celle d'un commis (Le Monde, 27 mai 1988, p. 38, col. 6).
— [Compl. d'un verbe désignant l'action d'augmenter ou de diminuer un gain, le temps est perçu comme possédant une certaine valeur] Gagner, gaspiller du temps; avoir du temps à perdre. Tu auras cette lettre demain matin. Je l'envoie directement pour ne pas perdre de temps (HUGO, Corresp., 1852, p. 103).
— Adv. de quantité + temps. Assez, beaucoup, combien de temps; cela prend moins de temps. J'y renonce: trop de temps s'y perdrait que je peux donner au travail (GIDE, Journal, 1943, p. 196).
♦ Peu de temps. Anéantir tant de villes en si peu de temps (VALÉRY, Variété [I], 1924, p. 13).
♦ En un rien de temps. En un rien de temps, je me trouvai allongé sur une table de marbre inclinée (BENOIT, Atlant., 1919, p. 173).
— Subst. + de, du temps
[Le subst. est un déverbal] Écoulement, fuite, mesure du temps; perte, reste de temps. Il en résulte ou bien un gain de temps, ou une économie de nos forces propres, ou un accroissement de puissance, ou de précision, ou de liberté, ou de durée pour notre vie (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 205).
♦ [Le subst. désigne une limite ou une quantité limitée] Espace, intervalle, laps, portion de temps. Aujourd'hui, chacun de ceux-là est sûr de vivre encore un bout de temps (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 58).
2. [Déterminé par un art., un adj. ou un compl. déterminatif ou une sub., le temps désigne un fragment de cette durée]
a) [Limité dans sa longueur]
— Temps + adj. Temps bref, limité. Si l'on observait un gaz pendant un temps assez long, on finirait certainement par le voir s'écarter, pendant un temps très court, de la loi de Mariotte (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 253). Je passe un temps considérable, ce matin, à apprivoiser mon paresseux (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 773).
♦ [La limitation est faite selon une certaine proportion] (À) mi-temps, plein-temps, temps complet. Pendant un long hiver, les trois quarts du temps je n'avais pas eu de compagnon (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 154). Une convention prévoit que les 35 femmes de l'entreprise (sur 225 travailleurs) seront mises au travail à temps partiel. On pourra ainsi dégager des postes de travail pour les hommes et éviter treize licenciements (Libération, 26 nov. 1984, p. 9, col. 1).
♦ Proverbe. Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. V. patience A 5 a.
— Temps de + subst. (donnant une indication de durée). Ce premier mouvement de surprise dura le temps d'un éclair (BERNANOS, Joie, 1929, p. 715).
♦ [Avec une valeur chiffrée] Un temps de quatre ou cinq secondes (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, III, 11, p. 64).
— Subst. (donnant une quantité horaire) + de temps. En quatre heures de temps bien employées on peut faire la remise de bien des caisses (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 122). V'là une demi-heure de temps que j'y ai fichu la barbaque et l'eau est encore propre (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 81).
b) [Limité par la nature de l'événement qui l'occupe]
— Temps + déverbal. Temps d'activité, d'arrêt, d'attente, de fête, de guerre, de latence. J'achève mon temps de convalescence (BILLY, Introïbo, 1939, p. 209).
— Le temps que, où. Durant le temps que je me crus enlaidi, je découvris un rapport entre la dernière place que j'occupais dans toutes les compositions et ma triste mine (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 190). La main d'Anne, tranquille et sûre, se posa sur ma nuque, me maintint immobile un instant, le temps que mon tremblement nerveux s'arrête (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 89).
c) [Limité par l'activité qu'y développe une pers.] Le temps de qqn
— [Le plus souvent précédé d'un poss.] Accorder, consacrer, distribuer, employer, gâcher, occuper, partager son temps.
♦ Avoir le, son temps. Disposer, à loisir, de temps pour réaliser ce qu'on souhaite. Il n'en est pas moins vrai que pour servir l'état gratuitement, il faut avoir son temps à soi (MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p. 172). On avait le temps, on bavardait avec les filles qui tricotaient comme en famille (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 66).
♦ Donner (de) son temps. Agir pour autrui, donner de soi-même. De dix-huit heures à vingt heures, il pouvait donner son temps (CAMUS, Peste, 1947, p. 1326).
♦ Être de son temps. Être parfaitement en accord avec son temps. Quelle merveille cette âme de Jammes; comme elle est, aussi, merveilleusement de son temps et comme je m'explique que l'aiment tant de jeunes gens, tant de jeunes filles (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1907, p. 110). Une reproduction de Gauguin encadrée à grands frais comme un original tentait de tromper son monde. Quelques lithographies modernes aux couleurs heurtées, résolument abstraites, signifiaient que, tout de même, on était de son temps (G. DORMANN, Michey, l'Ange, Paris, Le Livre de poche, 1977, p. 25).
♦ Faire (qqc.) de son temps. Occuper son temps d'une certaine manière. Elle estimait que dormir c'était perdre son temps; quoiqu'elle ne sût trop que faire de son temps (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 163).
♦ Faire, finir son temps. Accomplir son service militaire. Jacques: Vous avez été soldat; mais pas gendarme? L'homme, souriant: Non, pas gendarme, je rentre au pays, après avoir fait mon temps (SÉGUR, Auberge ange gard., 1863, p. 15).
♦ Avoir fait son temps. Être à la fin de son activité, ou de sa vie. Ta vieille Katel a fait son temps comme moi. Tu seras forcé de prendre une autre servante qui te grugera, qui te volera, Kobus, pendant que tu seras en train de soupirer dans ton fauteuil, avec la goutte au pied (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 34). C'est le retour rationnel et scientifique à la vieille loi sauvage primitive: les vieillards doivent mourir seuls quand ils ont fait leur temps, loin des leurs, frustrés d'eux-mêmes, n'ayant pas même pour se donner du courage à partir, le bois de leur propre lit à caresser une dernière fois (C. PAYSAN, Les Feux de la Chandeleur, Paris, Denoël, 1966, p. 115).
♦ Passer son temps. S'occuper, trouver quelque chose à faire. Les prisonniers ne savent à quoi passer leur temps. C'est l'oisiveté qui vous a donné de mauvais conseils (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 236).
♦ Perdre son temps; tuer le temps. Ne rien faire, s'occuper en pure perte, et sans motivation. Quand il revint, elle se montra froide et presque dédaigneuse. — Ah! tu perds ton temps, ma mignonne (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 10).
♦ Prendre son temps. Faire les choses sans hâte, sans se presser. Il prit son temps, fit le passionné (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 261). Aux environs de 1930 les gens commenceraient à s'impatienter, ils se diraient entre eux: « Il prend son temps, celui-là! Voici vingt-cinq ans qu'on le nourrit à ne rien faire! (...) » (SARTRE, Mots, 1964, p. 141).
— Employer, passer, user... le temps à + inf. Je me repose aussi bien ici que dans l'Oberland et je crois vraiment que je peux employer mon temps mieux qu'à courir les montagnes (GIDE, Symph. pastor., 1919, p. 902).
— Laisser, donner... le temps de + inf. Un jour d'intervalle avait été laissé entre les visites et la vente pour donner aux tapissiers le temps de déclouer les tentures, rideaux, etc. (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 9).
♦ Avoir le temps de + inf. Disposer d'un temps suffisant pour faire quelque chose. C'est comme chez les dentistes: on n'a pas le temps de crier ouf! (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 437). On n'a même pas le temps de s'asseoir dans la lingerie, et de souffler un peu que... drinn!... drinn!... drinn!... il faut se lever et repartir (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 74).
♦ Région. (Suisse romande, Franche-Comté). Avoir meilleur temps de + inf. Etre plus avisé de. On a meilleur temps aujourd'hui de refaire un nouveau négatif (J.-R. BLOCH., Dest. du S., 1931, p. 143).
♦ Il est (grand) temps de + inf. Il est opportun de faire quelque chose. Il était grand temps de partir, et la diligence nous attendait (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 62). Les minutes passent. Il est temps de conclure (BILLY, Introïbo, 1939, p. 206).
♦ Prendre le temps de + inf. Ne pas se hâter, ne pas se précipiter pour faire quelque chose. J'allai m'asseoir à la salle à manger pour prendre le temps de regarder le portrait de Belkiss (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 118).
— Le temps que + circ. de temps. Jusqu'à ce que. Cela dura deux ou trois mois, le temps qu'on lui fît prendre enfin le chemin du rapatriement (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 248). Certaines de ces cases, maléfiques, si on y tombe, obligent (...) à demeurer en attente, et l'une même, la prison, vous y retiendra le temps que vous soyez délivré par un plus malheureux qui prendra votre place (Le Monde, 22 juin 1960, p. 8, col. 4).
d) [La durée est occupée par qqc.] Avoir fait son temps. Être désuet, passé de mode; être dépassé, périmé. John Pierpont Morgan est l'homme qui a compris, et cela dès les années soixante, que la libre concurrence, ce stimulant ancien des affaires, avait fait son temps, et qu'à l'anarchie de surenchère qui amenait catastrophe sur catastrophe dans l'industrie, il fallait enfin substituer des alliances entre les puissances productives, pour dominer le marché (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 196).
— COMMUN. Temps de parole. Durée d'expression répartie également entre plusieurs candidats dans un débat politique à la radio ou à la télévision. Le minutage des temps de parole est accablant (Le Monde dimanche, 7 févr. 1982, p. IX).
LITT. CLASS. Unité de temps. Règle dramatique qui exige que l'action se déroule en une seule journée. Je pourrois montrer les inconvénients de l'unité de temps avec non moins d'évidence dans presque toutes nos tragédies tirées de l'histoire moderne (STAËL, Allemagne, t. 2, 1810, p. 244).
e) [En constr. dans des loc.]
— [Dans des loc. adv.]
♦ Au bout d'un temps. Un moment après. Je rentrai au bout d'un temps fort long (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 133).
Avec le temps. À la longue, quand le temps a passé. Si la vitesse de rotation de la terre allait en croissant avec le temps, il pourrait arriver une époque où l'intensité de la force centrifuge balancerait celle de la gravité, puis la surpasserait (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 66).
♦ Dans le temps, dans les temps (vieilli). Autrefois, dans le passé. Car elle connaissait Fritz, pour l'avoir vu venir à Bischem dans le temps, avec son père (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 191). Je veillerai sur sa femme. Je n'ai pas eu de chance avec la mienne, dans les temps; mais je vous réponds que celle-ci marchera droit (A. DAUDET, Pte paroisse, 1895, p. 69).
♦ De tout temps. Toujours, continuellement. Pauvre, il avait eu de tout temps le goût de l'opulence (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 281). De tout temps Louise de La M... s'est beaucoup occupée des pauvres (GIDE, Symph. pastor., 1919, p. 919).
♦ Peu de temps avant, après. De ses visites Swann rentrait souvent assez peu de temps avant le dîner (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 523). Il avait, peu de temps après, rencontré Germaine (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1138).
♦ La plupart du temps. Presque toujours. Mais la plupart du temps elle n'a fait que développer, étendre les conséquences de la morale du christianisme sans en changer les principes (TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Gobineau], 1843, p. 46).
♦ Quelque temps. Un certain temps. Après avoir erré quelque temps dans le Denbighshire (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 396). Gertrude est opérable. Roux l'affirme et demande qu'elle lui soit confiée quelque temps (GIDE, Symph. pastor., 1919, p. 923).
♦ Tout le temps. Sans cesse, toujours. Madame Codomat, ça ne vous fait rien que votre mari soit tout le temps avec cette jeune femme? (Tr. BERNARD, M. Codomat, 1907, II, 3, p. 161). On perd sa place pour un rien, et il y a tout le temps du chômage (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 233).
— [Dans des loc. conj.]
♦ Au, du temps que, où. À l'époque où. Ses deux enfants dessinés par elle au crayon (...) du temps où ils étaient petits (BALZAC, Lys, 1836, p. 142). Mademoiselle, c'est ainsi que Pierrotte appelait Mme Eyssette du temps qu'elle était jeune fille (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p. 204). Du temps que sa barbe était noire, il avait été Jéhovah (SARTRE, Mots, 1964, p. 14).
♦ Dans le temps que, où. Quelques mois après, dans le temps où la rupture avec la mère de Sara me faisait craindre d'être séparé de sa fille (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 91). C'était dans le temps que la montagne était devenue toute grise comme quand la cendre se met sur la braise (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 30).
♦ Depuis le temps que. Il y a si longtemps que. Depuis le temps que j'ai envie de faire la tournée du quartier! Profitons de l'occasion (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 228).
♦ En même temps que. Au même moment que. En même temps qu'il ôte les ficelles du paquet de lettres, il distribue sa provision de nouvelles verbales (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 45).
♦ Il y a beau temps que. Il y a longtemps que. Synon. fam., pop. il y a belle lurette. Ces tristesses-là, mon ami, il y a beau temps que tout Constantinople les sait par le menu et les commente (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 155).
♦ Tout le temps que, où. Quittez le nom de Bragansa pour tout le temps que vous serez dans ce pays, et prenez celui de Brinker (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 299).
— [Dans des loc. verb.] Le temps lui durait néanmoins, et il tirait sa montre à chaque minute (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 168). Ce temps dure de quarante-cinq à cinquante jours (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 200).
♦ Trouver le temps long. S'ennuyer, trouver l'attente excessive. Je commençais à trouver le temps long, lorsque je vins à me rappeler mon duel au sujet de ma première maîtresse (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 264).
3. Spéc. Durée finie, objective, quantitativement mesurable; ,,système de référence permettant de classer des événements d'après leur simultanéité et leur succession, en leur attribuant un nombre, leur date, exprimée en années, jours, heures, minutes et sous-multiples décimaux`` (MATHIEU-KASTLER Phys. 1983). Les grandes dates de l'histoire du temps comme grandeur mesurable jalonnent un solennel dialogue des mécaniques céleste et terrestre, où l'optique et l'électronique se sont finalement imposées comme arbitre (Log. et connaissance sc., 1967, p. 728 [Encyclop. de la Pléiade]). La dynamique de Galilée et de Newton a défini le temps comme mesurable au moyen d'une formule universelle (Encyclop. univ. t. 15 1973, p. 929).
♦ Échelle du, des temps. ,,Système de repérage des événements, constitué par une origine et une unité de temps, ou d'une façon plus générale par une séquence numérotée d'intervalles non nécessairement égaux`` (Astron. 1980). Nous pouvons utiliser une échelle de temps et rapporter le temps à une longueur (JOLLEY, Trait. inform., 1968, p. 163). La mécanique céleste fournit l'échelle de temps actuelle (Astron. 1973).
— MÉTROL. [La durée est déterminée par un mode de calcul (température, espace, vitesse de rotation de la terre, de la lumière, etc.)]
♦ Mesure du temps, mesure des temps. Quantité de durée évaluée selon certains systèmes de référence. Nous voudrions seulement montrer certains aspects souvent peu connus des mesures de temps (DECAUX, Mesure temps, 1959, p. 1).
♦ Unité de temps. ,,Période d'une certaine vibration dans un atome, de façon à ne plus dépendre d'aucun objet, comme par exemple un balancier type ou un barreau de quartz`` (MULLER 1966).
♦ Temps atomique, T.A. ,,Échelle de temps fondée sur la période de transitions quantiques dans des molécules (ammoniac) ou des atomes (césium)`` (MATHIEU-KASTLER Phys. 1983). Une comparaison permanente entre le temps universel, le temps des éphémérides et le temps atomique est nécessaire, d'une part pour uniformiser notre définition du temps et, d'autre part, pour vérifier qu'il y a identité entre le temps et la mécanique quantique et celui de la mécanique céleste (Astron. 1973).
♦ Temps absolu. ,,Temps indépendant de tout référentiel spatial`` (MATHIEU-KASTLER Phys. 1983). Mais lorsqu'on cherche à analyser la notion abstraite de temps absolu, que Newton présentait cependant comme une notion première, elle s'évanouit, comme s'est évanouie la notion de système de référence absolu (DANJON, Cosmogr., 1948, p. 38). Or, allié à la théorie des déplacements solides dans l'espace euclidien, le principe du temps absolu entraîne immédiatement l'abandon du principe de l'espace absolu, puisqu'il conduit à la formulation d'une loi du mouvement relatif (Log. et connaissance sc., 1967, p. 732 [Encyclop. de la Pléiade]).
♦ Temps astronomique. Échelle de temps définie par une horloge astronomique. C'est pourquoi, dans une durée psychologique de quelques secondes, il pourra faire tenir plusieurs années, plusieurs siècles même de temps astronomique (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 151). Le temps historique ne semble pas distinct du temps astronomique; il se repère, numériquement et de la même manière, par dates (Gds cour. pensée math., 1948, p. 472).
♦ Temps civil. ,,Temps solaire moyen dont la division commence à minuit moyen`` (Astron. 1973). Le temps solaire moyen est le temps pratique, utilisé dans la vie courante. Par convention, le temps universel (Tu) est le temps civil du méridien de Greenwich (DECAUX, Mesure temps, 1959, p. 14).
♦ Temps cosmique. ,,Temps propre à toutes les galaxies dans le cadre d'un modèle d'univers où les galaxies sont mobiles par rapport à un même référentiel`` (Astron. 1980).
♦ Temps légal. ,,Pour un état ou une partie d'un état, temps universel corrigé du nombre entier d'heures le plus voisin de sa longitude moyenne`` (UV.-CHAPMAN 1956). Ainsi, on verra la Grande Ourse tout près de l'horizon nord le 19 septembre à minuit ou le 4 octobre à 23 h, le 19 octobre à 22 h, etc... Ces heures sont données en temps légal, l'observateur étant supposé sur le méridien de Paris (DANJON, Cosmogr., 1948, p. 11). Pour faciliter les relations, chaque pays a défini un « temps légal », fondé, par exemple, sur le méridien de sa capitale, et uniforme dans toute la nation (Astron. 1973).
♦ Temps local. Temps qui n'est valable qu'en un lieu donné. Toutes les mesures d'ascension droite permettant de définir le temps ne sont valables que pour un lieu donné et définissent un temps local. L'heure varie ainsi d'un lieu à l'autre (Astron. 1973).
♦ Temps sidéral. ,,Angle horaire du point vernal`` (Astron. 1973). Le temps est dit vrai ou moyen selon que le repère horaire et le point vernal considérés sont vrais ou moyens (Astron. 1980).
♦ Temps solaire moyen. ,,Temps solaire vrai dépouillé de ses inégalités séculaires ou périodiques`` (UV.-CHAPMAN 1956). Le temps solaire moyen est la base de nos échelles de temps pour l'usage public, mais non tel qu'il est, puisqu'à minuit, il doit être environ 12 h de temps moyen (MULLER 1980).
♦ Temps solaire vrai. ,,Angle horaire apparent du centre du soleil, pour un lieu donné`` (Astron. 1980).
♦ Temps universel (U.T.). ,,Temps civil de Greenwich`` (Astron. 1980). [La terre] constitue l'étalon le plus commode parce que l'observation des étoiles au méridien donne immédiatement un certain temps, qui est le temps sidéral local, et, à partir de lui, le temps universel (MULLER 1966).
♦ Temps des éphémérides. ,,Échelle de temps déduite d'une expression numérique conventionnelle de la longitude moyenne du soleil`` (Astron. 1980). Les signaux horaires du Bureau international de l'heure sont donnés par une pendule directrice de l'Observatoire de Paris, dont l'heure est en temps universel provisoire, et rattachée seulement plus tard, au moyen d'un grand nombre d'observations, au temps des éphémérides (MULLER 1966).
— Temps biologique. Temps qui est propre aux rythmes organiques des individus. Si l'on modifie, en effet, le rythme organique en modifiant son environnement, on change, du même coup, l'expérience que l'homme a du temps et qu'il exprime en des jugements conscients (expériences de Michel Siffre et du professeur Fraisse) (Encyclop. univ. t. 15 1973, p. 927).
— Temps psychologique. Temps intérieur, propre à la vie de chaque individu. Piaget (...) a montré que le développement de la notion du temps est dépendant, comme en bien d'autres domaines, d'une décentration progressive [impliquant] (...) à tous les niveaux, une participation active du sujet (M. BOVET, Perception et notion du temps, 1967, p. 107).
— Temps social. Temps objectivement pensé par tous les hommes d'une même civilisation. Toute convocation à une fête, à une chasse, à une expédition militaire implique que des dates sont fixées, convenues, et par conséquent, qu'un temps commun est établi que tout le monde conçoit de la même façon (DURKHEIM, Formes élém. vie relig., 1912, p. 633).
— BIOLOGIE
♦ Temps de coagulation. Temps que met le sang, placé dans un tube à 37° C, pour coaguler. On étudie aussi parfois le temps de coagulation du plasma recalcifié, qui est normalement de 90 à 120 secondes (Méd. Biol. t. 3 1972).
♦ Temps de saignement. Intervalle de temps qui sépare l'apparition de la première goutte du prélèvement de la dernière (lors de l'incision sur le lobule de l'oreille). Normalement (pour un prélèvement sur buvard toutes les 30 secondes) le temps de saignement est de 2 à 4 minutes (Méd. Biol. t. 3 1972).
4. Unité de temps dans un ensemble complexe.
a) DANSE. Mouvement de jambe, partie d'un pas (d'apr. DESRAT 1980). Temps simple, composé, levé, lié, piqué, sauté. Mme Argentina apporte la délicatesse la plus minutieuse (...) à ce travail de précision [la Charrada, danse espagnole] avec ses petits temps croisés et frappés, ses pas emboîtés, ses torsions du coup de pied (LEVINSON, Visages danse, 1933, p. 175). Les six premiers temps de l'entrechat sept sont identiques à ceux de l'entrechat six, le septième étant un écart et la chute se faisant sur un seul pied, en deuxième position (BOURGAT, Techn. danse, 1959, p. 103).
♦ Temps de cuisse. Les temps de cuisse sont essentiellement de grands battements avant et arrière serrant les cuisses alternativement; ils comprennent diverses catégories et peuvent être sautés (BRILLANT, Probl. danse, 1953, p. 92).
♦ Temps de flèche. ,,Mouvement dans lequel les jambes, levées et tendues, quittent le sol projettant le corps verticalement`` (REYNA 1967). Les temps de flèche peuvent être exécutés en tournant (le plus habituellement) d'un quart de tour, pendant la période de suspension du saut (CHALLET Danse 1987).
♦ Temps de pointe. ,,Mouvement dans lequel la danseuse fléchit sur une jambe, se posant ensuite sur une pointe`` (CHALLET Danse 1987). Les temps de pointe sont, en somme, des relevés sur la pointe (BRILLANT, Probl. danse, 1953, p. 92).
b) MUS. Division de la mesure qui donne l'unité de durée. Mesure à deux, trois, quatre temps. Après quelques mesures dans lesquelles l'orchestre (...) semble vouloir rompre le rythme à 3/4 et le remplacer par un rythme à 2 temps, le motif revient [Allegro de la IIIe Symphonie] (PROD'HOMME, Symph. Beethoven, 1921, p. 88).
♦ Temps faible. Dans une mesure, temps non accentué. La carrure rythmique du morceau [Étude IV op. 25 de Chopin] pourrait être altérée par une accentuation trop sensible des temps faibles sur lesquels s'appuie la ligne mélodique de la main droite (CORTOT, Ét. piano Chopin, 1917, p. 27). Temps levé. Temps fort. V. fort1 IV A 3 b .
c) Chacun des mouvements qui s'enchaînent pour former un mouvement complexe.
— ARM. [Dans le maniement des armes] Les principes de l'épaulement sont les mêmes pour les deux espèces d'armes, ainsi que je vais le démontrer. Premier temps. — Le pied gauche placé en avant et le corps un peu penché en arrière (LA HÊTRAIE, Chasse, vén., fauconn., 1945, p. 164).
♦ [Pour commander la reprise du mouvement depuis son début] Au temps! Au temps pour les crosses. Recommencez-moi ce mouvement-là en le décomposant. Au temps! Au temps! Je vous dis que ce n'est pas ça! Nom de nom, La Guillaumette, voulez-vous mettre plus d'écart entre le premier temps et le second! (COURTELINE, Train 8 h. 47, 1888, p. 240).
♦ Au fig. [Pour admettre son erreur et concéder que l'on va reprendre les choses depuis leur début] Au temps pour moi! Un peu plus tard, il avait fait une erreur dans un raisonnement délicat et il avait dit gaiement: « Au temps pour moi ». C'était une expression qu'il tenait de M. Fleurier et qui l'amusait (SARTRE, Mur, 1939, p. 170).
Rem. La graph. autant pour moi est plus cour.: Autant pour moi! Où donc aussi, Avais-je la cervelle éparse? (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p. 157).
♦ En un, deux temps trois mouvements.
— SPORTS (gymn., haltérophilie, etc.). Deuxième temps: jeté. La barre doit être élevée jusqu'à complète extension des bras, l'athlète fléchissant sur ses jambes et les détendant en même temps que les bras (Jeux et sports, 1967, p. 1289).
d) RHÉT. [Dans la métr. anc.] ,,Unité de mesure appliquée à la quantité des syllabes`` (MAR. Lex. 1951). Dans un pied, le temps fort ou frappé ou marqué ou ictus est le point où on frappe la mesure, avec éventuellement, non nécessairement, un accroissement d'intensité de la voix; le temps faible ou levé est l'élément non frappé (MAR. Lex. 1951). Le dactyle, le spondée et l'anapeste sont des mesures à quatre temps; l'iambe, le trachée et le tribraque des mesures à trois temps (G. CAYROU, A. PRÉVOT, Mme A. PRÉVOT, Gramm. lat., 1964, p. 298).
— [Dans la versif. fr.] Temps faible. Syllabe tonique sur laquelle la voix porte sans monter — temps fort: syllabe tonique sur laquelle on fait monter la voix plus que sur les autres syllabes toniques (d'apr. DAGN. 1965).
e) MÉCAN. Phase de fonctionnement d'une machine, d'un moteur à pistons. Moteur à deux, à quatre temps. Nous dirons seulement qu'il utilise le même genre de combustible que le moteur diesel. Le cycle de fonctionnement est à deux temps: premier temps: aspiration, compression, avance à l'injection. Deuxième temps: combustion, détente, échappement (AMBROISE, Monteur mécan., 1949, p. 88). Les moteurs rapides à deux ou quatre temps, couplés sur l'arbre d'hélice par l'intermédiaire de réducteurs (LE MASSON, Mar., 1951, p. 82). En appos. Le moteur deux temps et son cycle (CHAPELAIN, Techn. automob., 1956, p. 261). En empl. subst. Nul ne prévoyait évidemment que l'avenir du deux-temps était surtout dans les petites puissances, et qu'il existerait un jour des vélomoteurs (P. ROUSSEAU, Hist. techn. et invent., 1967, p. 340).
5. SPORTS. Durée chronométrée d'une épreuve. Faire, réaliser le meilleur temps; être dans les temps; améliorer, perdre son temps. Elle est habile également en nage sur le dos. Certes, elle n'atteint pas encore le temps de Willie den Ouden (1,4 en crawl, 1,17 en dos) (L'Œuvre, 18 janv. 1941).
— [Le suj. désigne un coureur à pied, un coureur cycliste, un coureur automobile...] Être dans les temps. Avoir un temps de passage qui fait espérer une performance, un record. J'étais dans les temps que je m'étais fixés (M. TRINTIGNANT, Pilote de Courses, 1957 ds PETIOT 1982).
— [Au basket, au volley] Temps mort. Arrêt de jeu sifflé par l'arbitre à la demande du capitaine de l'équipe en possession du ballon. Une rencontre se joue en deux mi-temps de vingt minutes, arrêts de jeu non compris. Chaque équipe peut demander deux temps morts d'une minute par mi-temps (Jeux et sports, 1967, p. 1352).
♦ Au fig. ,,Moment d'inactivité, de repos`` (REY-CHANTR. Expr. 1979).
— Contre le temps. Synon. de contre la montre (v. montre2). Tantôt le pédestrian lutte contre des concurrents, tantôt, il marche seul « contre le temps » (DARYL, Renaissance physique, 1888 ds PETIOT 1982).
— Temps réglementaire. Durée d'une épreuve. Duffan signa quatre buts pendant le temps réglementaire (L'Équipe, 1967, p. 162, col. 7).
6. INFORMATIQUE
— Temps partagé. ,,Mode d'exploitation d'un système informatique, où plusieurs utilisateurs emploient simultanément un ordinateur qui accorde à chacun successivement quelques millisecondes de traitement`` (DANIS Bibl. 1984). Les principales applications du temps partagé sont actuellement l'aide à la décision (calculs de rentabilité économique, de plan de financement...) et le calcul scientifique (résistance de matériaux, calcul différentiel, circuits électroniques, etc.) (DEL.-PERRET 1973).
— Temps réel. ,,Mode d'utilisation d'un ordinateur dans lequel le système doit fournir une réponse dans un délai fixé en fonction de l'application: d'une fraction de seconde (pilotage d'un engin) à plusieurs heures (météorologie)`` (DEL.-PERRET 1973). Le mode de traitement en temps réel caractérise le fonctionnement d'un ordinateur en prise directe avec un phénomène dont il contrôle le déroulement et parfois dirige l'évolution. Il en est ainsi du contrôle de processus industriel (unités de distillation, fours, etc.) (LE GARFF 1975). Une nouvelle génération d'ordinateurs est capable d'engendrer ces images à vive allure (25 à 40 images par seconde) et de les faire évoluer « en temps réel ». Et les voilà dotées d'une capacité redoutable: celle de mystifier le cerveau, de « faire la nique » au réel (Le Point, 10 mai 1982, p. 136, col. 2).
B. — [Le temps est une succession]
1. Instant repérable dans une succession chronologique (liée à une expérience personnelle ou collective) fixé par rapport à un avant, le passé et un après, le futur. Depuis ce temps. Quel calme dans ce temps-là! (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 135). [Michel-Ange et l'école florentine] Le caractère propre de leur scène est la nullité du temps et du lieu (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 32).
♦ Dans un temps. A un moment donné. Il ne faut pas croire que parce qu'une chose aura été rebutée par moi, dans un temps, je doive la rejeter aujourd'hui qu'elle se présente (DELACROIX, Journal, 1822, p. 16).
♦ Il y a (un) temps pour tout, chaque chose en son temps. Il y a un moment qui est propre à réaliser telle ou telle chose, chaque chose est à réaliser au moment opportun. Je leur en veux pas, dit le vieux, mais il y a temps pour tout, comprends-tu? Un temps pour la rigolade, un temps pour mourir, pas vrai? (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1431). Mais cette année, je fais de la « résistance », chaque chose en son temps (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 91).
— LING. ,,Catégorie grammaticale, généralement associée au verbe et qui traduit diverses catégorisations du temps « réel » ou « naturel »`` (Ling. 1972).
♦ Adverbe, conjonction, préposition de temps. Adverbe, conjonction, préposition exprimant une localisation dans le temps. Les adverbes de temps se répartissent en quatre groupes selon qu'ils précisent le moment de l'action (maintenant, autrefois, bientôt, etc.), la durée de l'action (toujours, désormais, etc.), la répétition de l'action (toujours, parfois, etc.), l'ordre de succession des actions (avant, auparavant, après, aussitôt, etc.) (J. PINCHON, Morphosyntaxe du fr., Ét. de cas, Paris, Hachette, 1986, p. 134).
♦ Complément, proposition circonstancielle de temps. Complément, proposition circonstancielle donnant une précision temporelle. Les propositions circonstancielles sont, par conséquent, celles qui ajoutent à l'énoncé sommaire d'une idée ou d'un fait l'indication explicite d'un de ces rapports. De là leur répartition en circonstancielles de temps, de fin, de conséquence, de cause, etc. (LE BIDOIS 1967, p. 412, 1395).
♦ Temps (verbal). Forme par laquelle le verbe situe l'action dans la durée, soit par rapport au moment où s'exprime le locuteur, soit par rapport à un repère donné dans le contexte, généralement par un autre verbe. Temps de l'indicatif, de l'impératif, du subjonctif, de l'infinitif, du participe, du gérondif; temps absolu, relatif; temps simple, composé, surcomposé; temps primitifs; concordances des temps; emploi des modes et des temps. On dit qu'en français un temps du verbe exprime à la fois le temps et l'aspect. Mais ce disant, on s'aperçoit aussitôt de l'ambiguïté de notre vocabulaire grammatical. Le terme temps sert d'une part à désigner les formes du verbe (on parle de l'emploi des temps du verbe) et une des valeurs de ces formes (la valeur temporelle des formes verbales) (IMBS Temps verbaux 1960, p. 2). Le mode subjonctif ne marquant pas la distinction des époques est, à la vérité, un mode intemporel; aussi les deux « temps » qu'il enferme, en sus des aspects qu'on retrouve dans tous les modes, ont-ils un tout autre objet que d'indiquer dans quel temps le fait considéré a lieu (G. GUILLAUME, Temps et verbe, Paris, Champion, 1965, p. 71).
2. Période associée à des états, des événements ponctuels, successifs.
a) [Dans l'hist.]
— Temps de qqn. La poignée de gens de Lessay qui vient grelotter (...) dans cette haute et vaste abbaye, doit être moins nombreuse que le gros des pauvres qui y venaient appuyer leurs bâtons et leurs misères, du temps des abbés et de leurs moines (BARB. D'AUREV., Memor. pour l'A... B..., 1864, p. 437).
♦ [Déterminé par un personnage historique ou une civilisation illustre] Le temps de Louis XIV, au temps des Romains, des philosophes. L'on veut avoir sous les yeux ce que l'imagination se figure du temps du christianisme naissant et pur (LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 103). Ce singulier préfet, un préfet typique du temps de Napoléon III (GONCOURT, Journal, 1864, p. 67).
— Temps de qqc. Temps de crise, de décadence, de guerre, de prospérité. Vous existez, vous avez sauvé quelques débris de votre fortune, c'est le comble du bonheur dans ces temps de calamités (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1570). En temps de famine en Irlande (JACOB, Cornet dés, 1923, p. 141).
♦ [Déterminé par un événement historique notoire] Temps des croisades, des grandes découvertes, des années folles. Maintes fois on a contesté l'exactitude de cette description fameuse, qui semble beaucoup mieux convenir aux temps du Manifeste (1847) qu'aux temps du Capital (1867) (SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 196). À New-York, du temps de la prohibition (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 58).
— [Déterminé par un adj. qualificatif] Ce qui est particulier au temps actuel, s'écrie d'un ton de vif mécontentement M. Dunoyer, c'est l'agitation de toutes les classes (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 197):
• 2. Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
Des troupeaux d'autobus mugissants près de toi roulent
L'angoisse de l'amour te serre le gosier
Comme si tu ne devais jamais plus être aimé
Si tu vivais dans l'ancien temps tu entrerais dans un monastère
Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière...
APOLL., Alcools, 1913, p. 41.
— Au plur. [Désigne une époque vague, imprécise] Les temps actuels, bibliques, fabuleux, historiques, modernes, mythiques, préhistoriques; par les temps qui courent; les temps sont durs. L'emprisonnement pour dettes est une rigueur difficile à justifier, un legs des temps barbares (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 428):
• 3. Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens.
Près des meules, qu'on eût prises pour des décombres,
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres;
Et ceci se passait dans des temps très-anciens.
HUGO, Légende, t. 1, 1859, p. 83.
♦ Autres temps, autres mœurs. A chaque époque, un mode de vie différent. Autres temps, autres mœurs: héritiers d'une longue suite d'années paisibles, nos devanciers pouvaient se livrer à des discussions purement académiques, qui prouvaient encore moins (...) leur talent que leur bonheur (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 269).
♦ Les premiers temps, les derniers temps. Ainsi la société publique est la perfection de la société domestique, et la société en général la perfection de l'homme. Ainsi, comme dans les premiers temps, l'état naissant étoit l'état naturel, ou plutôt l'état natif; dans les derniers temps, l'état naturel est l'état fini, accompli (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 173).
♦ Ces temps derniers, ces derniers temps. Moi aussi, j'ai eu des embêtements tous ces temps derniers (FLAUB., Corresp., 1863, p. 324).
♦ Dans la nuit des temps.
♦ Dans les premiers temps. Au début, dans les commencements. Faute d'avoir connu ce développement nécessaire, ils ont taxé d'inventions modernes des institutions moins aperçues dans les premiers temps, et plus publiques dans le nôtre (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 326).
♦ Ces temps-ci. En ce moment, à l'époque dont on parle. Il s'attache à nous rappeler l'une des tâches fondamentales de l'université, dont à l'opposé certains feraient aisément bon marché ces temps-ci (ANTOINE, PASSERON, Réforme Univ., 1966, p. 118).
♦ THÉOL. [Dans l'eschatologie] La fin des temps; la plénitude des temps. La fin des temps demeure inconnue, mais elle est pour le croyant le retour du Christ, ce qui l'engage à veiller et à prier (LÉON 1975).
b) [Dans l'année]
— Période de l'année caractérisée par un climat et un état de végétation donnés. Synon. saison. Temps des frimas, temps des cerises (v. cerise A 1). On était au temps de la moisson, et Poëri sortit pour inspecter les travailleurs (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 264). Un soir, au temps de la récolte des pommes de terre, en septembre 1898, il avait soupé avec le patron de la ferme (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 83):
• 4. J'ai trouvé des pervenches en fleur: voici le printemps. — Oui, avait-elle répondu, et ensuite viendra le temps des foins, puis de la moisson, puis des vendanges, puis ce sera l'hiver et de nouveau le printemps... Elle paraissait accablée à cette idée.
VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 136.
— RELIG. Période de l'année liturgique. Quand, au temps de Noël, les pifferari descendent des montagnes, la voie sacrée résonne sous les souliers ferrés des bergers (QUINET, All. et Ital., 1836, p. 193). L'année se divise en Temps de l'Avent, Temps de Noël, qui comprend le temps de la Nativité et celui de l'Épiphanie, Temps de la Septuagésime, Temps du Carême qui comprend le temps de la Quadragésime, le temps de la Passion et la Semaine Sainte terminée par le Triduum Sacré, Temps pascal qui comprend le temps de Pâques, celui de l'Ascension et l'octave de la Pentecôte, enfin le Temps per annum qui va du 14 janvier au Temps de la Septuagésime et du 1er dimanche après la Pentecôte jusqu'au Temps de l'Avent (Foi t. 1 1968). Propre du temps. V. propre1 II B 3.
♦ Division des jours et des semaines d'une année permettant de faire mémoire de tous les Mystères du Christ, sanctifiant le déroulement du temps humain. Les Heures du Bréviaire sanctifient le temps de chaque jour (Foi t. 1 1968).
c) Période dans la vie d'un individu, d'une société.
— Temps de qqn. Du temps de mon père, nous avions Mlle Morissot de la Comédie-Française (HERMANT, M. de Courpière, 1907, I, 3, p. 4).
♦ [Déterminé par un adj. poss.] C'est une maxime de notre temps que tout le monde a un droit égal au travail (TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Gobineau], 1843, p. 61). En son temps, ça avait dû être un beau salaud, ce grand patron collabo, mais déjà il avait franchi la ligne, il était du côté des condamnés et non plus des coupables (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 244).
— Temps de qqc. Temps de l'enfance, des études, des fiançailles, de la jeunesse, du malheur. Le souffle que nous entendions dans les feuilles, bien avant de le sentir sur nos corps, gonflait les rideaux, rafraîchissait mes yeux, comme au temps de mon bonheur (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 66). Dans le temps de sa maladie, il avait eu mal de la voir souffrir (AYMÉ, Jument, 1933, p. 155).
♦ Le temps jadis. Le temps passé, le temps d'autrefois. Les troupes en casque bleu-gris qui circulent sur la place centrale où joue la musique militaire ne sont pas très différentes, dans leurs uniformes clairs et sous leur salade, des hommes d'armes du temps jadis (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 75).
♦ Le bon temps. Le temps passé que l'on regrette, l'époque des événements heureux. Toutefois c'était alors le bon temps, et pour les ministres éclairés, et pour les auteurs célèbres (MARAT, Pamphlets, Charlatans mod., 1791, p. 277). La noblesse, au contraire, veut assurer ces places à ceux qui les occupent, fait tout ce qu'elle peut pour que les bas officiers ne cessent jamais de l'être, et meurent bas officiers, comme jadis au bon temps (COURIER, Pamphlets pol., Lettres partic., 1, 1820, p. 56).
d) [Dans des expr.]
♦ A temps. Au moment opportun, quand il le faut. J'espérais arriver à Paris à temps pour la vente de Marguerite, et je ne suis arrivé que ce matin (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 31). [Il] ressortait, roi des truands, juste à temps pour em-barquer ses troupes sur un bateau-pirate (SARTRE, Mots, 1964, p. 177):
• 5. Son corps, mince et grêle comme celui d'une femme, attestait une de ces natures faibles en apparence, mais dont la puissance égale toujours le désir, et qui sont fortes à temps.
BALZAC, Séraphita, 1835, p. 194.
♦ Au même temps. Au même moment. C'était au 54 que je t'écrivais moi-même à peu près au même temps (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1900, p. 378).
♦ De temps en temps, de temps à autre. Par intermittence, d'une manière discontinue, irrégulière. La vieille femme qui faisait la cuisine venait de temps à autre s'informer de leurs goûts (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 19). J'ai des prises de bec avec Stéphane de temps en temps (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1895, p. 233).
♦ En même temps. Au même moment. En même temps elle jeta son châle (KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 157).
♦ En temps et lieu. Nous en parlerons en temps et lieu (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, II, 5, p. 157).
♦ En tout temps. Ils sont rares en tout temps, les artistes qui mèneraient à bien une machine de cette importance [le Léonidas de David] (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 9).
♦ En ce temps-là. En ce temps-là, les petits-enfants de ma fille, fussent-ils princes souverains, parleront avec orgueil de leur ancêtre, le roi des montagnes! (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 121). Mais, en ce temps-là, de telles entreprises n'étonnaient personne (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 475).
♦ En temps utile, en temps opportun. Au bon moment. [Renan:] Le plan merveilleux qui nous eût assuré la victoire en 1870, et qui est resté dans le portefeuille d'un petit lieutenant, est une belle œuvre pour une centaine d'intelligences spéciales; mais je regretterai toujours que ce lieutenant n'ait pas fait reconnaître son génie en temps opportun (BARRÈS, Renan, 1888, p. 32).
♦ Le temps. L'époque dont on parle, celle dont il s'agit. Nous avons eu du mal, en effet, maréchal; mais c'est la misère du temps! (...) Chaque époque a ses inconvénients (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 270).
♦ Ce temps. L'époque où l'on vit, celle dont on parle. En descendant l'escalier du musée pour en sortir, je n'ai pu m'empêcher de penser à ce temps (1796-1797-1798) où, en mettant le pied sur l'escalier du grand salon, l'odeur du vernis, mis nouvellement sur les tableaux de l'exposition de l'année, me faisait battre le cœur aussi fort que lorsque l'on a peur (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 436).
C. — [Le temps considéré dans son essence]
1. [Comme thème d'inspiration littér., le temps est associé selon les époques et les courants littér. à la précarité, à la fugacité de chaque moment vécu, au changement, à l'anéantissement des choses hum.] L'amour n'est qu'un point lumineux, et néanmoins il semble s'emparer du temps. Il y a peu de jours il n'existait plus; mais tant qu'il existe, il répand sa clarté sur l'époque qui l'a précédé, comme sur celle qui doit le suivre (CONSTANT, Adolphe, 1816, p. 64). « Ô temps! suspends ton vol, et vous, heures propices! Suspendez votre cours: Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours! » (LAMART., Médit., 1820, p. 136):
• 6. Du moins, si elle m'était laissée assez longtemps pour accomplir mon œuvre, ne manquerais-je pas d'abord d'y décrire les hommes (...), comme occupant une place si considérable, à côté de celle si restreinte qui leur est réservée dans l'espace, une place au contraire prolongée sans mesure — puisqu'ils touchent simultanément, (...) à des époques si distantes, entre lesquelles tant de jours sont venus se placer — dans le temps.
PROUST, Temps retr., 1922, p. 1048.
— [Compl. d'un verbe appartenant au vocab. de la lutte, le temps est perçu comme une force agissante et néfaste] Tromper, tuer le temps. La nature de l'homme s'y montre forte et persistante, jusqu'à défier le temps (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 260).
— [En fonction de suj.]
♦ [Le verbe intrans. exprime l'action de se déplacer d'un mouvement continu et incoercible] Le temps coule, court, se dérobe, s'échappe, passe. Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées; Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit; Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées; Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit! (HUGO, Feuilles automne, 1831, p. 789). Le temps fuyait, pour Hélène, léger et rapide; pour Bernard, rapide et léger (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 192).
♦ [Le verbe trans. exprime l'action d'user, de détruire] Le temps emporte, entraîne. Situation déplorable, à l'âge où je suis; le temps me pousse, et je cours le risque de ne rien finir sur la philosophie (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 210).
2. [Par personnification, le temps est représenté allégoriquement par un veillard portant une faux] Non! Il n'est plus de minutes, il n'est plus de secondes! Le temps a disparu; c'est l'Éternité qui règne, une éternité de délices! Mais un coup terrible, lourd, a retenti à la porte (...) Et puis un Spectre est entré... Le Temps a reparu; le Temps règne en souverain maintenant, et avec le hideux vieillard est revenu tout son démoniaque cortège de Souvenirs, de Regrets, de Spasmes, de Peurs, d'Angoisses, de Cauchemars, de Colères et de Névroses (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 28).
3. RELIG. (christ.). Temps qui, par la venue du Christ, insère le temps de l'homme dans l'éternité de Dieu. À vrai dire la solution chrétienne ne dévalue pas le temps au profit de l'éternité attendue; et elle insiste tout autant sur la présence de l'éternité dans le temps. Mais, en faisant de la vie présente le lien d'une option qui engage pour la vie éternelle, elle tire les regards vers ce qui n'est pas encore (J. GUITTON, Œuvres compl., Philos., 1978, p. 560).
4. PHILOS. [En tant qu'obj. de la réflexion philos. consistant à s'interroger sur son essence] Pour bien comprendre ce qu'était le temps aux yeux des gens du moyen-âge, il est nécessaire de nous dépouiller de nos conceptions modernes et de notre connaissance des conceptions antiques. Le temps n'était pas pour eux une sorte de doublure de l'espace, ni une condition formelle de la pensée. S'ils acceptaient la fameuse définition d'Aristote — le temps est le nombre du mouvement — ils lui donnaient un sens très différent de celui de son auteur (G. POULET, Ét. sur le temps humain, 1949, p. III).
— [Chez Kant] ,,Forme universelle a priori de toutes les connaissances et de toutes les existences, en laquelle s'opèrent à la fois le déroulement successif de la diversité sensible et la compréhension unificatrice de ce déroulement`` (MORF. Philos. 1980). Le temps, dans lequel doit être pensé tout changement des phénomènes, demeure et ne change pas; parce qu'il est ce en quoi la succession ou la simultanéité ne peuvent être représentées que comme ses déterminations (...). Le changement ne concerne pas le temps lui-même, mais seulement les phénomènes dans le temps (R. pure, Anal. 1re analogie de l'expérience, ibid.).
— [Chez Bergson] ,,Temps vrai ou durée vécue comme donnée immédiate de la conscience`` (MORF. Philos. 1980). On ne mesure pas le temps à proprement parler ni même le mouvement mais leur projection dans l'espace. Et Bergson de s'attaquer aux sophismes de Zénon (Hist. de la philos., t. 3, 1974, p. 287 [Encyclop. de la Pléiade]).
II. — État de l'atmosphère caractérisé par l'élément senti comme dominant en un lieu et à un moment donnés.
A. — [Qualifié par un adj. ou un compl. déterminatif]
1. [Caractérise un état d'ensemble] Beau temps, mauvais temps, sale temps (fam.); temps affreux, superbe. De là, j'ai été à pied trouver Rivet, par un temps magnifique (DELACROIX, Journal, 1853, p. 37). Il faisait un temps épouvantable. L'eau et le vent assaillaient les passants, criblaient, inondaient et soulevaient les chemins (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 145).
— Temps de. Temps d'hiver, d'orage. Les jours pluvieux, lourds et bas, les temps de brise, de brouillard, de bruine, il tombait dans le marasme (BOREL, Champavert, 1833, p. 183). Marche à la boussole par temps de brouillard (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 88).
♦ Temps de chien. V. chien1 II B 1 b. Temps de cochon.
♦ Temps de demoiselle (vx, fam.). [P. allus. à l'éducation terne dans laquelle les filles de la bourgeoisie étaient élevées autrefois] Temps sans pluie ni vent ni soleil (d'apr. HAUTEL t. 2 1808).
♦ [Suivi d'un nom de lieu] Ce matin, il faisait un vrai temps de Bretagne, et tout ce pays était enveloppé d'une même immense nuée grise (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 108).
♦ [Suivi d'une date] Temps d'automne, temps de printemps. C'était le vingt-cinq novembre, il faisait un temps gris, les femmes n'avaient pas chaud avec ce petit vent dans les jambes, sous les manteaux. Une voix s'éleva derrière eux: — Un vrai temps de Toussaint... Une autre voix répondit: — C'est le mois, hein... un temps d'enterrement, vous pouvez le dire (NIZAN, Conspir., 1938, p. 40).
♦ Temps de saison. Temps considéré comme normal pour la saison. Il fait vilain.. un temps de saison (COLETTE, Sido, 1929, p. 35).
2. [Caractérise une température] Temps chaud, doux, froid, lourd, tiède. Il ne pleuvait plus, il faisait un temps radieux, frais et bleu (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 255).
3. [Caractérise l'état du ciel] Temps bas, bouché, couvert. Il ne lui déplaisait point que le vent du nord-est, le vent du temps clair, lui fouettât le visage (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 24).
— [Déterminé par un adj. de couleur] Temps gris, noir, sombre. Le temps est blanc. Va-t-il neiger, quoi? (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 96).
4. MAR. Gros temps. V. gros1 I D 1.
B. — [Avec un verbe] Le temps s'adoucit, se brouille, change, s'éclaircit, se gâte, menace, se rafraîchit, se met à la pluie, à la neige. Gilbert Cloquet leva la tête pour juger si le temps s'était amélioré (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 371).
— Le temps est à la, au. Le temps est au beau, à l'orage. Le temps est à la gelée, et le docteur m'a dit que je pourrai sortir d'ici à quelques jours si le beau continue (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 284). Quand le vent vient du sud, on entend en bas siffler le train et sonner les cloches. Cela veut dire, seulement, que le temps est à la pluie (GIONO, Colline, 1929, p. 16).
— [Avec faire empl. impersonnellement] Il fait un temps maussade. À table, Madame Lyons demanda à Claude: — Quel temps faisait-il à Paris? (NIZAN, Conspir., 1938, p. 144).
C. — [Dans des loc. ou des expr.]
— [Introd. par la prép. par] Par ce temps glacial, Meaulnes fit marcher sa bête bon train, car il savait n'être pas en avance (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 55).
— Un temps à + inf. C'est un temps à couper un morutier en deux ou à se casser le nez sur un iceberg (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 186). Par un temps à ne plus mettre une bête dehors (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 236). Un temps à ne pas mettre un chien dehors. V. chien1 II B 1 b.
— Prendre le temps comme il vient. S'accommoder des événements, des circonstances. Prendre le temps comme il vient et les hommes comme ils sont, cette sagesse-là vaut mieux que la majesté hautaine (AMIEL, Journal, 1866, p. 284).
— Faire la pluie et le beau temps, parler de la pluie et du beau temps.
— Après la pluie, le beau temps.
— Vivre, se nourrir de l'air du temps. Vivre de rien, être sans ressources. Mais à l'encontre des vulgaires mandragores, ces petits golems vivants ne se nourrissaient pas de l'air du temps. Kammerer ne nous dit pas ce que ces créatures mangeaient, mais seulement que leurs aliments étaient cuits au bain-marie dans une timbale d'argent (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 143).
— Au plur. Sortir par tous les temps. Je trouvais stupide cette proposition d'aller contempler l'océan ou la Manche par un de ces temps abominables de printemps qui, tous les ans, pendant deux ou trois semaines, nous font regretter l'hiver (G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 12).
D. — MÉTÉOR. ,,Synthèse de l'état et des phénomènes atmosphériques (...) à un moment donné, tels qu'ils sont ressentis par l'homme et les êtres vivants`` (GEORGE 1974). Type de temps, prévision du temps. Évolution probable du temps en France entre le vendredi 18 janvier à 0 heure et le samedi 19 janvier à 24 heures (Le Monde, 19 janv. 1952, p. 6, col. 3).
Prononc. et Orth.:[]. Homon. tant, taon, formes de tendre. Att. ds. Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) 2e moit. Xe s. avec dém., désigne une période du passé (St Léger, éd. J. Linskill, 13: a ciels temps); b) id. lonx tiemps (ibid., 28); c) ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 1: Bons fut li secles al tens ancïenur; 6: al tens Abraham); d) 1311 (C'est les cureurs des Causfors contre Gillion de Gauraing, chirogr., A. Tournai ds GDF. Compl.: Li jugements en avait estet fais au tans que li vies eskievin [...] estoient eskievin); e) 1532 (RABELAIS, Pantagruel, éd. V.-L. Saulnier, p. 84: au temps que les bestes parloient); f) ac. 1538 (Cl. MAROT, Œuvres div., éd. C. A. Mayer, p. 129: Au bon vieulx temps); 2. a) 2e moit. Xe s. « moment opportun, propice » (St Léger, 5: Et or es temps et si est biens Quae nos cantumps de sant Lethgier); b) ca 1100 venir a tens (Roland, éd. J. Bédier, 1841); 3. ca 1100 sun tens « (en parlant d'un être humain) la durée de la vie » (ibid., 523); 4. a) ca 1190 « conditions (de vie) » (Renart, éd. E. Martin, branche XI, 1009, t. 2, p. 498: tens [...] chïer); b) 1225-30 avoir bon tens « être heureux » (GUILLAUME DE LORRIS, Rose, éd. F. Lecoy, 567); c) 1561 prendre du bon temps (J. GRÉVIN, Les Esbahis, éd. L. Pinvert, p. 126); 5. a) 1225-30 (GUILLAUME DE LORRIS, op. cit., 361: Li tens, qui s'en vet nuit et jor [...] Li tens, vers qui neant ne dure [...] Li tens, qui tote chose mue); b) 1536 Bon Temps allégorie (R. DE COLLERYE, Œuvres, éd. Ch. d'Héricault, p. 15); c) 1657-58 (PASCAL, De l'esprit géométrique ds Œuvres, éd. L. Lafuma, p. 350: il y a de bien différentes opinions touchant l'essence du temps. Les uns disent que c'est le mouvement d'une chose créée; les autres la mesure du mouvement); 6. XIVe s. gramm. (Traité élémentaire de grammaire par questions et réponses, Mazarine, 578, f° 23 ds THUROT, p. 184: Quantes choses eschient au verbe? [...] coniugation, genre, nombre, figure, temps); 7. a) 1677 (Nuovo Dizzionario italiano francese, s.v. tempo: Tems, mesure, dans la musique et en terme d'escrime); b) 1755 temps ou valeur syllabique (Encyclop. t. 15, s.v. syllabique); 8. a) 1751 tems apparent (ibid., t. 1, s.v. apparent); b) 1755 temps vrai (ibid., t. 5, p. 855, s.v. équation); 9. 1889 moteur à quatre temps (DÜRR, Brevet d'invention: « moteur à gaz et à pétrole » ds Fr. mod. t. 42, p. 358); 10. 1860 sports « durée chronométrée d'une épreuve » (Le Sport, 27 mai ds PETIOT 1982). B. 1. a) Ca 1160 (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 191: tone et pluet Vante et esclaire Molt comanca lait tens a faire); b) 1536 (R. DE COLLERYE, op. cit., p. 264: Après pluye vient le beau temps); 2. fin XIIe-déb. XIIIe s. « saison, période de l'année » (Chansons attribuées au Chastelain de Couci, éd. A. Lerond, V, 1). Du lat. tempus, temporis « période, moment où quelque chose se produit; temps considéré dans la durée; période particulière en référence à l'histoire, la vie d'une personne...; moment propice pour quelque chose; circonstances, conditions particulières [sens auquel se rattache le sens B, cf. anni tempora, caeli tempus, v. OLD] » et chez les grammairiens « mesure de la durée d'un son (en prosodie) » et « temps du verbe ». Fréq. abs. littér.:82 021. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 123 288, b) 113 243; XXe s.: a) 102 189, b) 121 495. Bbg. BARBERIS (J.-M.). Terminol. praxématique. Cah. de praxématique. 1984, n° 3, p. 89, 90. — BENVENISTE (É). Probl. de ling. gén. Paris, 1966, pp. 237-250. — DOUTRELOUX (A.). De temps en temps... Cah. Inst. Ling. Louvain. 1981, t. 7, n° 1/2, pp. 185-198. — DUPONT (P.). Élém. logico-sém. pour l'analyse de la prop. Berne, Frankfurt/Main; New York; Paris, 1990, p. 300, 301. — GARDIES (J.-L.). La Log. du temps. Paris, 1975, 160 p. — GUILLAUME (G.). La Représentation du temps dans la lang. fr. Fr. mod. 1951, t. 19, pp. 29-41, 115-133; Temps et verbe. Suivi de l'architectonique du temps dans les lang. class. Paris, 1965, pp. 9-66. — IMBS (P.). L'Emploi des temps verbaux en fr. mod. Paris, 1960, VIII-272 p. — LAFON (R.). Cah. de praxématique. 1984, n° 3, p. 90, 91. — MARTIN Temps 1971, pp. 48-51, 70-74. — NEF (Fr.). Sém. de la réf. temp. en fr. mod. Bern; Frankfurt/Main; New York, 1986, X-322 p. — PICOCHE (J.). Précis de lexicol. fr. Paris, 1990, p. 19, 55. — QUEM. DDL t. 4, 14, 19, 20, 21, 30, 32, 34. — SAUVAGEOT (A.). La Notion de temps et son expr. dans le lang. Journal de Psychol. 1936, t. 33, pp. 19-27. — Temps (Le) gramm. par R. Martin, Fr. Nef, H. Kamp... Langages. 1981, n° 64, 124 p. — VET (C.). Temps, aspects et adv. de temps en fr. contemporain... Genève, 1980, 186 p. — WAGNER (R.-L.). Var. sur le temps et les temps... B. de l'Ac. Royale de Lang. et de Litt. Fr. 1977, t. 55, n° 3-4, pp. 383-420. — WEINRICH (H.). Le Temps, le récit et le comment. Trad. de l'all. par M. Lacoste. Paris, 1973, 334 p. — ZEMB (J.-M.). L'Aspect, le mode et le temps. In: Colloque. 1978. Metz. La Notion d'aspect. Metz, 1980, pp. 83-96.
temps [tɑ̃] (le s se lie au plur., et, au sing., dans des expressions figées : de temps en temps, en temps utile, etc.) n. m.
ÉTYM. Attestation isolée, fin Xe; tens, tans en anc. franç.; la graphie temps, qui apparaît dès le XIVe, a été en concurrence avec tems aux XVIIe et XVIIIe; lat. tempus, oris.
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I Milieu indéfini où paraissent se dérouler irréversiblement les existences dans leur changement, les événements et les phénomènes dans leur succession.
A Ce milieu considéré dans sa durée (chronométrie).
1 (Durée globale). || Il devait encore s'écouler du temps (→ Rangement, cit. 3). || Il faut du temps pour… (→ Besoin, cit. 52). || Cela veut, demande du temps (→ Apprentissage, cit. 7). || Avoir encore du temps (→ Lithographe, cit. 1), du temps de reste, du temps libre, des loisirs. || Ils ont du temps à eux (1. Eux, cit. 3). || Perdre, gagner du temps. || Gain, perte de temps. || Manquer (cit. 6) de temps. || Beaucoup (→ Explorer, cit. 2), combien (cit. 7) de temps. || Autant, moins, plus de temps (→ Abréger, cit. 3; imboire, cit.; prescience, cit. 4). || Cela prendrait trop de temps (→ Préliminaire, cit. 4). || « Que peu de temps suffit pour changer (cit. 25) toutes choses ! » (Hugo). || Peu de temps avant, après (→ Douter, cit. 34). || À peu de temps de là (→ Persil, cit. 1). || Depuis peu de temps. ⇒ Récemment. || Dans, sous peu de temps. ⇒ Bientôt, prochainement. || En peu de temps. ⇒ Rapidement; et → Clin (en un clin d'œil). || Un peu, un bout de temps (→ Attente, cit. 7) : un court moment. || Le minimum de temps (→ Équiper, cit. 7). ☑ En un rien (cit. 92) de temps. || Laps (1. Laps, cit. 2), intervalle (cit. 15), espace de temps. || Une heure, deux heures de temps (→ Amuser, cit. 2; an, cit. 3). Vx. || « Patience et longueur de temps… » (→ Ni, cit. 45). || Avec (cit. 73) le temps : quand le temps a passé. → À la longue.
0.1 Le temps est un chèque en blanc, signé par le Directeur général Dieu !
A. Robida, le Vingtième Siècle, p. 314.
♦ (1573). Considéré comme une grandeur mesurable. || Mesure du temps, traditionnellement fondée sur l'hypothèse de la constance de la vitesse de rotation de la Terre. || Le temps des éphémérides (→ ci-dessous, cit. 3). || Temps atomique, fondé sur certaines constantes de la physique atomique (symb. : TA). || Unités de temps. ⇒ Jour, heure (cit. 1), minute, seconde. || Instruments anciens de mesure du temps. ⇒ Clepsydre, sablier (anciennt); chronomètre, garde-temps, horloge, montre, pendule. || Divisions du temps. ⇒ Calendrier, chronologie, comput, computation; année, cycle, lunaison, mois, semaine, siècle.
1 Le temps est une grandeur immatérielle. Pour définir sa mesure, il est nécessaire de la rapporter à un phénomène matériel (…) L'échelle matérielle de temps doit se rapporter à un phénomène permanent et stable. Il ne peut s'agir que d'un phénomène extra-terrestre (…) Les mouvements des corps célestes sont les seuls phénomènes utilisables (…)
L'unité de temps est définie par l'attribution d'une valeur conventionnelle arbitraire à la mesure de l'étalon principal (…) L'étalon principal sera : soit une durée séparant deux instants du passé qui ont été situés (directement ou non) dans l'échelle matérielle, soit la durée d'un phénomène rigoureusement reproductible (…) Le premier cas est celui de l'unité et de l'étalon principal actuellement en vigueur. Le second cas se présentera, si l'on en vient à définir l'unité par l'intermédiaire de la fréquence d'un rayonnement du domaine hertzien.
2 Remarquons que le temps se manifeste (…) sous deux aspects : la durée, déroulement continu d'événements successifs (…) et la fréquence, caractérisant les rythmes par l'intervalle de temps (la période) qui sépare deux états identiques successifs du phénomène rythmique. On peut donc constituer des horloges en considérant l'un ou l'autre de ces deux aspects du temps. Pour mesurer les durées il faut observer un phénomène d'écoulement : le sablier, la clepsydre, la chandelle, en sont des exemples. Pour mesurer des fréquences on réalise un appareil oscillatoire dont la période est stable et connue. En accumulant un certain nombre de ces périodes, on obtient des durées; c'est là la base de toutes les horloges modernes.
B. Decaux, Mesure de temps, in Encycl. Pl., Astronomie, p. 412.
3 (…) l'Union Astronomique Internationale a proposé de rattacher la définition de la seconde à l'année sidérale de manière conventionnelle : on adoptera désormais l'année sidérale pour l'époque 1900 définie par Newcomb avec onze chiffres significatifs (…) Ainsi le jour sera 1/365,25636274 de l'année sidérale pour 1900 et la seconde sera = 1/86400 de ce jour. Cette échelle de temps est fournie par un mouvement orbital. On est convenu de l'appeler temps des éphémérides.
P. Melchior, Détermination de l'heure, in Encycl. Pl., Astronomie, p. 343.
2 Portion limitée de cette durée globale; espace de temps (au sens 1). ⇒ Moment, période. — (Un, des temps). || Un temps long (→ Anhéler, cit. 1), court (→ Accessoire, cit. 1). || Pendant un temps. ⇒ Instant. — Régional. || Un petit temps : un court moment. — Le temps. ☑ Trouver le temps long. || Le temps lui dure, lui tarde. || Le temps qui nous sépare de… || Le temps qu'on met, qu'il faut pour…, qu'on passe à… || Emploi du temps. || Travailler à plein temps, à mi-temps, à temps partiel, pendant une partie du temps normalement consacré au travail. — Ne s'arrêter que le temps strictement nécessaire (cit. 4) pour… (Théâtre). || Unité de temps. — Durant, pendant ce temps, tout ce temps (→ Augmenter, cit. 18). — Pendant, depuis un certain temps (→ Bonheur, cit. 1; hanter, cit. 5). || Au bout (cit. 29) d'un certain temps, de quelque temps (→ Racheter, cit. 1). — Quelque temps. || Pendant, depuis quelque temps (→ 1. Chagrin, cit. 2; lithographier, cit. 1). || Quelque temps après (→ Difficile, cit. 24). || À quelque temps de là (cit. 43). || Pour quelque temps (→ Assemblage, cit. 18). || Bannissement (cit. 1), condamnation, interdiction, travaux forcés… à temps, pour un temps limité, fixé, par oppos. à à perpétuité, à vie (→ Correctionnel, cit. 1). — Adv. (sans prép.). || Un temps, un certain temps, quelque temps : pendant quelque temps (→ Attrait, cit. 12; bercer, cit. 5; bordée, cit. 3; forme, cit. 22; génial, cit. 3). — ☑ La plupart, les trois quarts, la moitié du temps (→ Pire, cit. 17).
4 — Au reste, vous saurez
Que je n'ai demeuré qu'un quart d'heure à le faire.
— Voyons, Monsieur; le temps ne fait rien à l'affaire.
Molière, le Misanthrope, I, 2.
5 (…) en général, plus le temps qui nous sépare de ce que nous nous proposons est court, plus il nous semble long, parce que nous lui appliquons des mesures plus brèves ou simplement parce que nous songeons à le mesurer.
Proust, le Côté de Guermantes, Pl., t. II, p. 382.
♦ ☑ (1869, Daudet. → Précipitation, cit. 2). Tout le temps : continuellement (→ Aimer, cit. 21; cataplasme, cit. 2; qui, cit. 40). — ☑ Loc. conj. Tout le temps que (→ Fidèle, cit. 8; luxure, cit. 5), pendant tout le temps que (→ Irritable, cit. 3). ⇒ Pendant, tandis (que). || Tout le temps de ma vie (→ Fier, cit. 17), de son règne, de son veuvage (→ Président, cit.). || Pendant tout le temps de la pose. ⇒ Séance (→ Modèle, cit. 9).
♦ ☑ Depuis le temps que… ⇒ Depuis.
♦ ☑ Beau temps. || Voilà, il y a beau temps que… ⇒ Longtemps. → Posthume, cit. 3; sensation, cit. 1; sommet, cit. 3.
♦ Durée passée à (qqch.). || Un temps de travail illimité (→ Perfection, cit. 5). || Temps d'école (→ Malaria, cit.), de résidence (cit. 2), d'activité, de fonctionnement (→ 1. Mort, cit. 22). || Temps d'attente, d'épreuve. ⇒ Probation, stage. || Temps d'arrêt. ⇒ Pause, ralentissement, suspension (→ Ambulance, cit. 1). || Temps de flottement (cit. 2), d'inactivité. || Temps mort (→ ci-dessous, infra cit. 14). || Temps de galop (cit. 4).
5.1 Les emplois du temps, analysés de façon comparative, laissent aussi apparaître des phénomènes nouveaux. Si l'on classe les heures (de la journée, de la semaine, du mois, de l'année) en trois catégories, le temps obligé (celui du travail professionnel), le temps libre (celui des loisirs), le temps contraint (celui des exigences diverses en dehors du travail : transports, démarches et formalités, etc.) on constate que le temps contraint s'accroît. Il augmente plus vite que n'augmente le temps des loisirs.
Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 104.
♦ Le temps de qqn, son temps : la durée qu'il passe à qqch. || Soldat qui finit son temps de service. — Absolt. Durée du service, de la peine. || Il a fait, fini son temps.
5.2 Au quartier, quand on apercevait Tic-Tac (un soldat), on pouvait assurer que la Margelle n'était pas loin. Leur « temps » finit le même jour.
A. Allais, Contes et chroniques, p. 116.
♦ (1535). || Le temps de (suivi de l'inf.) : le temps nécessaire pour… || Avoir, n'avoir pas le temps de… (→ Applaudir, cit. 4; coutume, cit. 16; exploiter, cit. 3; faire, cit. 72). || À peine eut-il le temps de… (→ Bâtir, cit. 14). || N'avoir que le temps de… (→ Arracher, cit. 27; distraction, cit. 4). || Avoir six fois le temps de… (→ Percer, cit. 20). || Laisser, donner le temps de… (→ Croître, cit. 8; expéditif, cit. 3; remettre, cit. 21). || Trouver (→ Astreindre, cit. 4), prendre le temps de… (→ Apprivoiser, cit. 22; laisser, cit. 46). — REM. L'expression prendre le temps de… s'est employée dans un autre sens (→ ci-dessous, B., 2.). — Avoir matériellement le temps (→ Œuvre, cit. 31), le temps matériel de… Ellipt. || Vous avez tout le temps. — Ne pas avoir le temps de… ⇒ Occuper (cit. 17).
♦ ☑ Le temps de… (avec l'inf.), le temps que… (avec le subj.), locution conjonctive introduisant une temporelle qui précise une durée antérieure, une durée d'attente. || Je repris haleine (cit. 15) une minute, le temps d'inventer une histoire. || « Mais toutes ces pensées ne durèrent que l'espace d'une seconde, le temps qu'il portât la main à son cœur » (Proust, in G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., §1420).
6 (…) on a prévenu les pompiers, mais le temps qu'ils viennent, la fumée aura étouffé ces petits (…)
Gide, les Caves du Vatican, II, IV.
7 Le temps que l'on construise l'hôtel et nous disposerons d'appareils beaucoup plus puissants (…)
G. Duhamel, Manuel du protestataire, IV.
♦ Avec un possessif (le temps dont on dispose étant souvent assimilé à un bien, à un capital [cit. 5]). || Mon, son temps… || Passer, employer, occuper, consacrer, donner… son temps à… (→ Inaugurer, cit. 5; métier, cit. 5). || Partager, distribuer (cit. 11), dispenser (cit. 5) son temps. ☑ Perdre son temps (vx : perdre temps, perdre le temps) : ne pas employer le temps de manière utile, satisfaisante. — Gâcher son temps (→ Dilettante, cit. 3). || Disposer, être maître de son temps (→ Heure, cit. 9; heureux, cit. 23). || Payer (cit. 32) de son temps et de sa personne. || Le roi (cit. 2) doit au peuple tout son temps. || Mon cher et précieux temps (→ 1. Fou, cit. 25). || La correspondance (cit. 8) lui prenait une grande part de son temps. ⇒ Place (tenir une). || Ils me font perdre, ils me prennent mon temps. ⇒ Importuner. ☑ Le plus clair de son temps (→ Dévot, cit. 3). ☑ Nous avons tout notre temps : nous ne sommes pas pressés (→ Prier, cit. 18). — ☑ (1835). Prendre son temps, tout son temps. ⇒ Lenteur (sage). — ☑ (1549). Avoir fait son temps, se dit de quelqu'un qui a terminé sa carrière, qui est arrivé au bout du temps d'activité ou d'influence dont il disposait.
8 (…) Saint-Simon est le complément du Christ. Christ a fait son temps. — Il est donc libéré ? dit Margaritis. — Il a fait son temps comme le libéralisme.
Balzac, l'Illustre Gaudissart, Pl., t. IV, p. 39.
9 Hélas, j'aurai passé près d'elle inaperçu.
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,
Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.
A.-F. Arvers, Mes heures perdues, Sonnet.
10 Les neuf avions du groupe de chasse basculeront à la verticale, quand il leur plaira. Ils ont tout leur temps.
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, X.
♦ (Sujet n. de chose). || Ce vêtement a fait son temps, a servi autant qu'il pouvait, est maintenant hors d'usage. — Fig. || La libre concurrence a fait son temps, est dépassée. ⇒ Périmé (→ Marché, cit. 29).
♦ Spécialt. Espace de temps mesuré. — Phys. || Temps et vitesses (→ Initial, cit. 1; retarder, cit. 6). || Temps qu'un mobile (cit. 4) emploie à parcourir un espace. || Temps des révolutions planétaires (→ Solaire, cit. 2). || Constante, variable de temps. — Au plur. Durée déterminée de travail. || Les temps humains (manuels), technico-humains (homme et machine).
3 (1677). a Mus. Chacune des divisions égales de la mesure (cit. 33). || Unité de temps : valeur de note qui correspond à un temps. || Une noire, une croche par temps. || Temps fort, qui doit être fortement accentué. || Temps faible, qui ne doit pas être accentué. || Marquer, accentuer le premier et le troisième temps. || Temps d'une danse : les temps musicaux et les pas correspondants.
11 On considérera comme mesures primordiales les mesures de I à VII temps; la fraction indicatrice aura pour numérateur l'un des sept premiers nombres. Le dénominateur, suivant l'unité temporelle choisie, sera 1 (la ronde), ou 2 (la blanche), ou 4 (la noire), ou 8 (la croche), ou 16 (la double-croche) (…)
M. Emmanuel, Hist. de la langue musicale, t. II, p. 568.
b (1933). Métrique. « Unité de mesure appliquée à la quantité des syllabes » (Marouzeau). || Temps de brève, de longue. || Temps fort (ou marqué, frappé). ⇒ Ictus (→ Métrique, cit. 3). || Temps faible (ou levé). ⇒ Rythme. Par anal. (Déclamation). || Marquer (cit. 29) un temps.
c Gymnastique, escr. Chacun des mouvements simples, d'une certaine durée, qui interviennent dans l'exécution d'un mouvement ou d'un exercice composé. || Les trois temps du « Présentez arme ! » (→ Mouvement, cit. 12). — Au temps !, commandement pour revenir au temps initial, ou pour recommencer un mouvement mal exécuté. || Au temps pour les crosses ! (quand les crosses de fusil ne sont pas retombées en même temps).
12 — (…) Recommencez-moi ce mouvement-là en le décomposant. Au temps ! Au temps ! Je vous dis que ce n'est pas ça ! Nom de nom. La Guillaumette, voulez-vous mettre plus d'écart entre le premier temps et le second !
Courteline, le Train de 8 h 47, III, III.
12.1 La lumière d'après-midi vire vite au sombre et l'on commence à voir ce qui n'existe pas. Vingt fois Pierre embouche son cor; vingt fois on lui dit : au temps pour les crosses. Rien de bon. Nous étions au plus fourré de Chalamont et c'étaient seulement les taillis qui semblaient bondir les uns des autres.
J. Giono, Un roi sans divertissement, éd. L. de poche, p. 137.
♦ ☑ Fig. Au temps pour moi, se dit quand on admet son erreur et la nécessité de reprendre et reconsidérer les choses.
12.2 Un peu plus tard, il avait fait une erreur dans un raisonnement délicat et il avait dit gaiement : Au temps pour moi.
Sartre, le Mur, L'enfance d'un chef, p. 156.
♦ ☑ (En deux temps, 1789, in D. D. L.). Fam. En deux temps, trois mouvements : très rapidement (par allusion à la rapidité d'un maniement d'armes parfaitement exécuté).
♦ (1690). Danse classique. Se dit de certains mouvements, sauts, figures, tels que le temps de flèche, de cuisse, de pointe (cit. 10 et 11), le temps levé, etc. ⇒ aussi Contretemps.
13 Le vieux Vestris lui dit, dès l'abord, que ce temps bien exécuté, quand une danseuse était d'une belle nudité, valait tous les talents imaginables.
Balzac, le Prince de la Bohème, Pl., t. VI, p. 841.
♦ (1886). Mécan. Chacune des phases dont l'ensemble constitue le cycle de fonctionnement d'un moteur. || Moteur à quatre temps (admission ou aspiration — compression — combustion ou explosion — échappement), à deux temps (où ces quatre phases sont réalisées en deux courses de piston). — N. m. || Un deux-temps. || Essence pour les deux-temps. Appos. || Un moteur deux-temps.
13.1 (…) le bruit grandissait de plus en plus vite. C'était bien la trépidation d'un moteur à deux temps.
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 164.
4 (1860). Sport. Durée chronométrée d'une course effectuée par (qqn), spécialement quand elle constitue une performance, un record. || Le temps du vainqueur. || Réaliser le meilleur temps. || Améliorer son temps de quelques secondes (→ 2. Relais, cit. 3). || Temps de passage au kilomètre. || Faire un bon, un excellent temps (→ un bon chrono). || Temps réel et temps compensé.
14 Sur ses temps du début il (Nurmi) a épargné d'abord une minute, puis encore une demi-minute, puis un quart (…) Il tend progressivement vers la limite que son corps ne saurait dépasser.
Jean Prévost, Plaisirs des sports, VIII, p. 188.
♦ ☑ Loc. Être, rester dans le temps : respecter la répartition normale du temps, au cours d'une épreuve.
♦ ☑ Temps mort : temps de durée variable pendant lequel l'arbitre, pour une raison quelconque, interrompt un match, et qui s'ajoute à la durée totale prévue. || Le match devrait être terminé, on joue les temps morts. — Fig. Temps d'inactivité (→ Divorce, cit. 6).
5 (V. 1960). Techn. (inform.). || Temps partagé ou partage de temps (trad. angl. time-sharing) : découpage du temps permettant à un ordinateur d'exploiter périodiquement plusieurs voies à un rythme assez rapide pour donner à leurs utilisateurs l'impression d'un traitement simultané. || Temps réel (angl. real time) : « mode de traitement qui permet l'admission des données à un instant quelconque et l'obtention immédiate des résultats » (Journ. off., no 14, 17 janv. 1982, p. 624-626). || Travailler en temps partagé, en temps réel.
14.1 Phénomène majeur : apparaissent des réseaux en temps réel. L'unité centrale et les fichiers se situent au sein d'un système dont les points d'accès se multiplient et où des terminaux de plus en plus nombreux dialoguent entre eux et avec les ordinateurs.
S. Nora et A. Minc, l'Informatisation de la société, p. 21.
B Considéré dans sa succession (chronologie).
1 (XIIIe). Point « situé » dans une succession par notre expérience personnelle ou collective (mémoire, histoire) d'un « avant » et d'un « après ». ⇒ Date, époque, moment; et aussi passé, présent (1. Présent, cit. 14), avenir, futur; antériorité, concomitance, postériorité. || Confondre les temps. ⇒ Anachronisme (cit. 1). || Anticiper (cit. 6) sur les temps. || Un temps fort éloigné (→ Inquiéter, cit. 17). ⇒ Immémorial. || Le temps n'est pas loin où… || En ce temps-là. ⇒ Alors. || Depuis ce temps-là : depuis lors (→ Dur, cit. 6). || Vers, environ (cit. 3) ce temps-là. || En quel temps ? ⇒ Quand (II.). || En aucun temps. ⇒ Jamais. — ☑ Loc. En temps utile, en temps opportun, en temps voulu (→ Répressif, cit. 1). ☑ En temps et en heure : au bon moment, au moment opportun. ☑ En temps et lieu (cit. 23). ☑ Loc. Chaque chose en son temps : on ne peut s'occuper de tout en même temps. — Remettre qqch. à un autre temps. ⇒ Atermoyer, différer. || Le temps, un temps, tel temps où… (→ Alchimie, cit. 1; dépister, cit. 3; revoir, cit. 12). || Le temps que… (→ 2. Épier, cit. 10; formalité, cit. 4); le temps auquel… (→ Pleurer, cit. 5).
♦ Gramm. || Adverbes, compléments de temps, marquant un temps (parfois aussi, au sens A, une durée). || Prépositions, conjonctions, exprimant des rapports de temps. || Subordonnées de temps. ⇒ Temporel. || Les temps (→ ci-dessous, 4.) expriment le temps.
♦ Didact. (Ce point déterminé par le calcul). — (1872). || Temps solaire vrai : en un lieu donné, Angle horaire du soleil à l'instant considéré. ⇒ Heure (solaire), jour (solaire vrai). — (1872). || Temps sidéral : en un lieu donné, Angle horaire du point vernal à l'instant considéré. ⇒ Heure (sidérale), jour (sidéral). || Temps moyen ou astronomique : en un lieu donné, Temps solaire vrai, dépouillé de ses inégalités séculaires ou périodiques, la différence constitue l'équation du temps. ⇒ Heure (moyenne). || Temps civil : temps moyen avancé de douze heures. ⇒ Jour (civil). || Temps universel (T. U.) : temps civil du méridien d'origine. — REM. Comme il s'agit du temps civil, l'expression temps moyen de Greenwich (TMG, angl. GMT) est proscrite. — (1949). || Temps légal : pour un État, Temps universel corrigé du nombre entier d'heures le plus voisin de sa longitude moyenne. ⇒ Fuseau (horaire).
2 (Fin XIIe). La suite des événements, dans l'histoire. ⇒ Âge (III.), époque, génération, siècle. || Ce temps : le temps dont il est question (→ Nom, cit. 16), ou le temps actuel (→ Approcher, cit. 21). || Notre temps : le temps où nous vivons (→ Calomnier, cit. 5). ⇒ Aujourd'hui, maintenant. — Le temps de qqn : son époque, l'époque durant sa vie. || Les agitateurs de son temps. ⇒ Contemporain (→ Anarchiste, cit. 1). || Retarder sur son temps. || Le temps présent. ☑ Par (cit. 17) le temps actuel, (1798) le temps qui court. ⇒ Circonstance. || Le vieux, l'ancien, le bon vieux temps, le temps passé (→ Aujourd'hui, cit. 14; bec, cit. 11). || Ballade des dames du temps jadis. — (1566). || Au temps jadis (→ Associé, cit. 2). || Le bon historien n'est d'aucun temps ni d'aucun pays (→ Flatter, cit. 45). || De tous les temps. — Du temps de Charlemagne (→ Bénéficiaire, cit. 2), de Jean-Jacques (→ Discipline, cit. 1), de l'Empire (→ Grec, cit. 16), de la galanterie (cit. 9), des crinolines… — Temps de…, occupé, caractérisé par… || En temps de paix, de guerre (→ Armée, cit. 12 et 13), de crise (→ Déséquilibre, cit. 1). || Temps de désordre (→ Disloquer, cit. 3), de révolution (→ Neutre, cit. 4). — Le temps du mépris, de la violence. || Le temps des assassins (cit. 8.2, Rimbaud et supra). — ☑ En temps normal (→ 1. Mort, cit. 12), ordinaire (→ Normal, cit. 3) : en un temps où les choses se déroulent normalement, sans événements exceptionnels.
15 (Cet ouvrage) n'a point vieilli, parce que les idées qu'il renferme sont de tous les temps.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. IV, p. 114.
16 Le temps présent est sombre, et je n'augure pas bien de l'avenir prochain.
Renan, Souvenirs d'enfance…, Préface (→ Anévrisme, cit. 3).
♦ Les temps forts et les temps faibles (d'un événement, d'une évolution, etc.), ses moments importants, remarquables et peu importants.
♦ Absolt. || Le temps : le temps dont on parle, passé ou actuel. || Le temps était au fanatisme (→ Briser, cit. 5). || Les écrivains, les idées du temps (→ Abattement, cit. 8; 1. étranger, cit. 25; 1. grave, cit. 6).
♦ (Qualifié par un adj. ou un compl. de nom). Dans la vie humaine. ⇒ Âge (II.). → Convention, cit. 9; étape, cit. 8. || Les histoires de mon jeune temps (→ Attacher, cit. 38; repère, cit. 5). || « Au temps de ma jeunesse folle » (→ Étudier, cit. 2; et aussi pauvre, cit. 18). || Souvenirs d'un temps meilleur (→ Disparaître, cit. 4). || « Cet heureux temps n'est (1. Être, cit. 17) plus, tout a changé de face » (→ aussi Grincer, cit. 16). — ☑ Le bon temps : le temps passé et qu'on regrette. || « Ainsi le bon temps regrettons » (cit. 1). || C'était le bon temps, se dit d'une époque passée où l'on était plus jeune et plus heureux (→ Renouer, cit. 4). — (Avec un possessif). Temps où l'on est jeune et actif, bel âge. || « La valeur de son père, en son temps sans pareille » (→ Passer, cit. 83). || « Vous avez, dans votre temps, fait des fredaines » (cit. 1). ☑ De mon temps : quand j'étais jeune (→ Rentrer, cit. 4).
17 J'ai un dictionnaire tout à part moi : je passe le temps, quand il est mauvais et incommode; quand il est bon, je ne le veux pas passer, je le retâte, je m'y tiens. Il faut courir le mauvais et se rasseoir au bon.
Montaigne, Essais, III, XIII.
18 Ma mère, dans son temps, passait pour assez belle,
Et naturellement n'était pas fort cruelle (…)
Molière, la Princesse d'Élide, I, 2.
♦ Heureux temps (→ Familier, cit. 1; passeport, cit. 1), triste temps (→ Moi, cit. 37). (1588). || Bon, mauvais temps : ensemble des moments heureux, malheureux dans la vie. ☑ (V. 1360). Se donner, prendre du bon temps : s'amuser, profiter des plaisirs de la vie (→ Galérien, cit. 3; maléfice, cit. 3).
19 (…) loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là; aidant au bon temps; supportant le mauvais; me moquant des sots, bravant les méchants; riant de ma misère et faisant la barbe à tout le monde (…)
Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, 2.
20 Eh bien ? lui dit gaiement la sœur en le revoyant, en voilà des vacances, j'espère ! (…) Oh ! mais vous êtes engraissé (…) vous avez un teint ! Vous avez pris du bon temps ?
Ed. et J. de Goncourt, Sœur Philomène, XXIII.
21 Puis, échangeant un coup d'œil complice, ils décident de s'offrir mutuellement une pinte de bon temps (…)
J. Prévert, la Pluie et le Beau Temps, p. 36.
♦ (V. 1398). || Le temps de… (dans l'année). ⇒ Saison. || Le temps des moissons, des vendanges. || Le temps des lilas (→ Effuser, cit.). ☑ « Le temps des cerises » (cit. 5.1). || Le temps des vacances.
♦ Spécialt (année liturgique). || Le saint temps de carême (→ Provision, cit. 1). || Temps de l'avent, temps pascal. || Les quatre temps. ⇒ Quatre-temps. || Le propre du temps.
♦ Au plur. (1535). || Les temps. (Avec une nuance d'indétermination). || Les temps les plus reculés (cit. 13), lointains. || Temps bibliques (cit. 3), héroïques (cit. 3), fabuleux, préhistoriques (cit. 1). || « Et ceci se passait (cit. 137) dans des temps très anciens ». ⇒ Anciennement, autrefois, jadis. || Les temps antiques (→ Attribut, cit. 4), modernes (→ Décrasser, cit. 1), actuels (→ Fonder, cit. 6), futurs (cit. 1). || Leur histoire s'étend (cit. 39) depuis les premiers temps jusqu'aux derniers. || Depuis l'origine (cit. 8) des temps. || La suite, la succession des temps (→ Authentique, cit. 6; feuilleter, cit. 5). — ☑ Prov. Autres temps, autres mœurs. — || « Que les temps sont changés » (Racine, Athalie, V, 5). || Le malheur, la misère des temps (→ Pignouf, cit. 2). || Les temps sont durs. || Dans des temps difficiles comme le nôtre (→ Renouveau, cit. 3). || « Ô temps, ô mœurs ! » (cit. 1) : trad. du lat. « O tempora ! o mores ! » (Cicéron).
22 Nous vivons à une triste époque. — Une triste époque (…) Je ne suis pas de votre avis; je trouve ces temps-ci admirables.
A. Maurois, B. Quesnay, XXV.
22.1 — Raison de plus, monsieur, répondit le bourgmestre en accentuant ses syllabes. Autres temps, autres mœurs ! Le progrès marche, et nous ne voulons pas rester en arrière !
J. Verne, le Docteur Ox, p. 36.
♦ Absolt. || Les temps anciens. || La nuit des temps; l'abîme des temps. ⇒ Siècle. || Dans les temps (vx, → 2. Desservir, cit. 3). — (1535). Langage biblique. Ce qui a été prophétisé. || Les temps messianiques. || Les temps approchent, sont révolus. || La consommation des temps. ☑ Signe des temps.
♦ Les premiers, derniers temps. || Les premiers temps du christianisme (→ Saint, cit. 13). || Dans les derniers temps de l'Empire (→ Barbarie, cit. 6). Adv. || Dans les derniers temps (→ 1. Balance, cit. 29), dans ces derniers temps (→ Domaine, cit. 5), ces derniers temps (→ Passablement, cit. 2), ces temps derniers (→ Rail, cit. 4). ⇒ Dernièrement, récemment. || Les premiers temps (→ Frapper, cit. 48; fumerie, cit. 2). ⇒ Abord (d'), début (au). || Elle est un peu fatiguée ces temps-ci. ⇒ Jour.
♦ Les temps géologiques, préhistoriques. ⇒ Ère.
♦ Le temps de…, suivi de l'inf. : le temps où il convient de… || « Ai-je passé le temps d'aimer ? » (cit. 40, La Fontaine). || La jeunesse (cit. 3, Rousseau) est le temps d'étudier la sagesse. || Voici le temps de… (→ Analyse, cit. 0.1; bruyamment, cit.). || Le temps est venu, peut venir, viendra de… (→ Dupe, cit. 10; examen, cit. 1). — Il est temps (de…, que…). || Il est temps de… (→ Abjurer, cit. 3; ardeur, cit. 44; expérience, cit. 22; gorge, cit. 29; incapable, cit. 3). ⇒ Sonner (l'heure a sonné). — Il est grand temps de… (→ Démolir, cit. 2) : il ne faut pas attendre davantage, c'est urgent. || Il serait toujours temps d'aviser (cit. 14). || Il n'est pas encore temps de… ⇒ Prématuré (→ 1. Bas, cit. 90). || Il n'est plus temps de… (→ Parti, cit. 1). — (Dans le même sens, mais avec un idée d'urgence plus accentuée). || Il est temps que…, suivi du subj. (→ Gravité, cit. 2; mettre, cit. 48; 1. penser, cit. 19; renoncer, cit. 13). || Il était temps que le secours arrive (→ Arquer, cit. 2), que mon rôle finît (→ Offusquer, cit. 3).
23 (…) j'ai pris le temps de sortir pendant que vous dormiez (…)
Molière, George Dandin, III, 6.
24 Il était temps que cet homme vaste tombât.
Hugo, les Misérables, II, I, IX.
25 Mais il apparaissait qu'il n'était que temps qu'elle prît sa retraite.
26 Oui, à cette œuvre, cette idée du Temps que je venais de former disait qu'il était temps de me mettre. Il était grand temps; mais, et cela justifiait l'anxiété qui s'était emparée de moi dès mon entrée dans le salon, quand les visages grimés m'avaient donné la notion du temps perdu, était-il temps encore et même étais-je encore en état ?
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 1035.
♦ (XVIIe). Absolt. || « Ô Mort (1. Mort, cit. 17), vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre ! ». || Quand il sera temps (→ Chemin, cit. 33); il n'est plus temps (→ Préface, cit. 2). || Il était temps; une minute de plus, l'homme épuisé se laissait tomber (→ Haler, cit. 1). || Il n'est que temps : on a beaucoup tardé et bientôt il ne sera plus temps.
27 Réveillez-vous : il n'est que temps; vous n'avez que trop vécu en carassins, sous le varech et le sable.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », III.
♦ (1608). Vx. || Prendre le temps de… lorsque, pendant que… : choisir pour (faire une chose) le moment où… (1670). || Prendre son temps : choisir le moment favorable.
3 ☑ Loc. adv. (1538). Avant (cit. 4) le temps : avant le terme fixé. ⇒ Anticipation (par). Avant l'époque où cela arrive normalement. ⇒ Précocement, prématurément (→ 1. Grison, cit. 1).
28 Il y a plus de quarante jours, tout paraissait devoir finir avant le temps : et voici que tout subsiste par-delà le terme prévu (…)
É. de Senancour, Oberman, XXIII.
♦ ☑ (1080, à tens). À temps : juste assez tôt. ⇒ Propos (à). Cf. À point nommé. || Il fut averti à temps (→ Arrestation, cit. 4; et aussi grain, cit. 37; prévenir, cit. 15). || Nous arrivâmes à temps pour voir la procession (cit. 3; → aussi Prendre, cit. 116). || Mettre une lettre à la poste à temps pour qu'elle parvienne (cit. 1) à quelqu'un avant la nuit. || Juste à temps, par oppos. à trop tard.
♦ ☑ En même temps : simultanément (→ Cri, cit. 13; glace, cit. 24; lumineux, cit. 3; quiproquo, cit. 2); du même coup (→ Arracher, cit. 2; atteindre, cit. 12); à la fois, aussi bien (→ Atermoyer, cit. 1; autorité, cit. 16; habile, cit. 21). ⇒ Ensemble, simultanéité, synchronisme; et aussi co-. || En même temps que… (vx, au même temps que. → Monde, cit. 37), associant deux termes gouvernés par un même verbe, pour marquer que l'action porte simultanément sur l'un et sur l'autre, ou aussi bien sur l'un que sur l'autre (→ Affaiblir, cit. 7; capacité, cit. 4; peintre, cit. 3). ☑ Dans le même temps : en même temps (→ Développement, cit. 2); aussitôt (rare).
♦ ☑ (1629). Tout d'un temps (vx) : tout de suite, sans tarder (cf. Corneille, Horace, IV, 2, v. 1134); (1640) en même temps (cf. Corneille, Horace, V, 3, v. 1776). — Entre temps. ⇒ Entre-temps. — ☑ (1535). De temps en temps (→ Altération, cit. 4; amiral, cit. 1; apparaître, cit. 9). — ☑ De temps à autre (→ Accord, cit. 21; affleurer, cit. 3; dictée, cit. 5) : à des intervalles de temps plus ou moins longs (avec l'idée d'une certaine périodicité). ⇒ Intervalle (par), parfois, quelquefois; moment (par).
♦ ☑ (V. 1460). De tout temps : proprt, depuis n'importe quel temps si éloigné qu'on le suppose, depuis toujours (→ Ami, cit. 29; aujourd'hui, cit. 28; beau, cit. 37; gens, cit. 28; honorer, cit. 9; mandataire, cit. 4). ⇒ Ancienneté, antiquité, éternité (de toute), immémorial. — ☑ (V. 1398). En tout temps : quel que soit le temps, pas plus à une époque qu'à une autre; toujours (→ Ami, cit. 1; amour, cit. 19; doyen, cit. 1). || En tout temps, en tout lieu (1. Lieu, cit. 2). || La nuit (cit. 6), dont le pouvoir reconnu de tout temps reste en tout temps mystérieux. || Selon, suivant le temps, les temps : selon l'époque, les circonstances, le moment, la saison. || « Change (cit. 57) selon les temps comme selon les lieux ».
29 C'est sans doute pour cela, ajouta-t-elle avec dépit, que dans le temps il a refusé de m'épouser.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XIX.
30 (…) elle s'est mise à nous parler des dernières grandes vacances, et de celles d'avant, et des hivers de « dans le temps », avec leurs rhumes et leurs tisanes, leurs étrennes, leur odeur de mandarine et leur goût de marron glacé (…)
Valery Larbaud, Enfantines, « Devoirs de vacances ».
♦ ☑ Loc. conj. Dans le temps que… (vieilli, archaïque, → Distinguer, cit. 12; mépriser, cit. 4; négligence, cit. 2; négoce, cit. 3), au temps que… (vx, → Arriver, cit. 70). (1532). || Du temps que… (→ Émerveiller, cit. 1), dans le temps, au temps, du temps où… (→ Courtois, cit. 4) : au moment où…, lorsque, alors que…, quand.
31 Ce corps, qui avait tant souffert du régime auquel je l'avais plié, s'épanouit, dans cette forêt sèche, pleine de genêts et d'arbousiers, du temps qu'Arcachon n'était qu'un village.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, II.
♦ Au même temps que… (vx, → Arbre, cit. 49); (1848) dans le même temps que…, en même temps que…, marquant soit la concomitance de deux actions (→ Langue, cit. 31; pâques, cit. 3; portée, cit. 13; refréner, cit. 1), soit leur parallélisme et leur relation naturelle (→ Cerner, cit. 1; oiseau, cit. 2).
32 En même temps que Jésus admettait pleinement les croyances apocalyptiques (…) Il admettait (…) la résurrection des morts (Ren., Jésus, VII). Le sens n'est pas : à la même époque, mais : aussi bien que.
Brunot, la Pensée et la Langue, p. 715.
4 (XVe). Gramm. (morphologie). Forme verbale particulière à valeur temporelle. ⇒ Conjugaison, mode, verbe.
REM. 1. « Ce que l'on appelle modes et temps en morphologie ne correspond pas exactement aux modes et aux temps envisagés du point de vue syntaxique » (Gougenheim).
2. S'il y a en principe une valeur temporelle propre à tel ou tel temps morphologique (temps propre), d'autres valeurs théoriquement propres à d'autres temps peuvent lui être affectées (temps figuré), par une sorte d'échange de valeurs entre les temps (transposition des temps, Le Bidois).
3. Si une temporalité assez précise s'attache aux temps de l'indicatif, il n'en est pas de même aux autres modes.
4. Les temps ne sont qu'un des moyens de marquer la temporalité; il faut tenir compte en particulier de l'aspect sous lequel l'action est présentée. → Temporel (cit. 3).
♦ Temps simples, caractérisés par la flexion verbale. ⇒ Futur, imparfait, passé (simple ou défini; ou prétérit), présent. || Temps composés, formés avec les auxiliaires de temps. ⇒ Futur (antérieur), passé (composé), passé (antérieur), plus-que-parfait. || Temps surcomposés. — (Dans les langues indo-européennes). || Temps primitifs (par ex., en latin, le présent et le parfait). || Temps principaux ou primaires, caractérisés par l'emploi de désinences dites primaires, convenant à l'énoncé d'un procès en voie d'accomplissement. || Temps secondaires, à désinences dites secondaires (affectées généralement à l'expression du passé). — Choix des temps, concordance des temps. — REM. Se reporter aux noms des différents temps, aux verbes et aux conjonctions de subordination qui leur sont associés.
33 (…) l'ancien français, qui possédait déjà tous les temps du français moderne, ne s'en servait pas pour mettre de l'ordre dans le récit. Villehardouin écrit distrent lor message ensi com manderent li baron, et non pas avoient mandé. La nouvelle époque (13e-15e s.) dont la pensée est mieux ordonnée, met de la perspective dans le récit. On écrit donc maintenant : « il recorda tout le voiage qu'il avoit fait » (Froissart)… On sait que vers la même époque la perspective apparaît aussi dans la peinture (…) Depuis la fin du 14e s. on apprend à distinguer les différents plans (…) De même les temps grammaticaux commencent à prendre une valeur relative; on n'en saisit la véritable valeur qu'en tenant compte des verbes qui les entourent. L'imparfait en particulier prend le rôle qu'on lui connaît en français moderne, le rôle de présent dans le passé.
Wartburg, Évolution et structure de la langue franç., IV, p. 131.
1 Le temps : entité (souvent personnifiée) représentative du mouvement, de l'inconstance, de l'altération et du changement continuels de l'univers, objet d'expérience et thème littéraire. || « Car le temps passe (cit. 57) et n'a point de retour » (→ aussi Fleuve, cit. 13). || « Le temps s'en va (1. Aller, cit. 110), le temps s'en va, Madame ». || Rien ne peut arrêter (cit. 15 et 35) le temps. || « (…) le temps n'a point de rive; Il coule (cit. 18) et nous passons ! ». || « Le temps m'échappe (cit. 9) et fuit ». ⇒ Écouler (s'). || Écoulement (cit. 5), fuite (cit. 10 et 11), du temps (→ Entraîner, cit. 4). || Cours (cit. 11), marche (2. Marche, cit. 26) du temps. || Le temps presse. || Le temps coule (cit. 17) trop lentement, s'arrête (cit. 61). || « Tant l'écheveau du temps lentement se dévide ! » (cit. 4). || La monotonie, le fardeau (cit. 9), le vide du temps (→ Durée, cit. 4; oisiveté, cit. 1). || Les flots du temps (→ Alluvion, cit. 3; ancre, cit. 5). — Destruction (cit. 3) par le temps. || Les ruines (cit. 11) sont l'ouvrage, l'œuvre (cit. 17) du temps (→ aussi Antique, cit. 2; détruire, cit. 4). || Injures, affronts, atteintes, outrages du temps (→ Faire, cit. 238; 1. flétrir, cit. 3; net, cit. 15; 1. rose, cit. 11). || « La beauté (cit. 23) passe, Le temps l'efface (…) » (→ aussi Laid, cit. 6). || Le poli (3. Poli, cit.), la patine que donne le temps (→ aussi Rendre, cit. 10). || Ce qui résiste au temps, triomphe du temps, est plus fort que le temps. ⇒ Éternel, immortel; demeurer, rester (→ Créer, cit. 5; effacer, cit. 25; immarcescible, cit. 1; et aussi ni, cit. 8). || Le temps guérit (cit. 21) les douleurs, est un grand maître. || « Laisse (cit. 1) faire le temps, ta vaillance et ton roi ». || Des impressions (cit. 15) que le temps n'efface pas (→ aussi Ineffaçable, cit. 2). || Action du temps sur le moi, la personnalité (→ Peau, cit. 14). — Myth. Divinité représentée sous la forme d'un vieillard ailé, portant une faux (2. Faux, cit. 3) et parfois un sablier. || « Sur les ailes (cit. 8) du temps la tristesse s'envole ». || « Ô Temps, suspends ton vol ! » (→ Cours, cit. 12).
34 Ce qui est ferme, est par le temps détruit.
Et ce qui fuit, au temps fait résistance.
Du Bellay, les Antiquités de Rome, Au Roi, III.
35 Le grand mage proposa d'abord cette question : Quelle est de toutes les choses du monde la plus longue et la plus courte, la plus prompte et la plus lente, la plus divisible et la plus étendue, la plus négligée et la plus regrettée, sans qui rien ne peut se faire, qui dévore tout ce qui est petit, et qui vivifie tout ce qui est grand (…) Zadig dit que c'était le temps (…) rien n'est plus lent pour qui attend; rien de plus rapide pour qui jouit (…) il fait oublier tout ce qui est indigne de la postérité, et il immortalise les grandes choses.
Voltaire, Zadig, XXI.
36 Le temps est le rivage de l'esprit, tout passe devant lui, et nous croyons que c'est lui qui passe.
Rivarol, Maximes et pensées, Métaphysique (éd. Didier).
37 Oui ! le Temps règne; il a repris sa brutale dictature. Et il me pousse, comme si j'étais un bœuf, avec son double aiguillon.
Baudelaire, le Spleen de Paris, V.
38 (…) Le Temps qui d'habitude n'est pas visible, pour le devenir cherche des corps et, partout où il les rencontre, s'en empare pour montrer sur eux sa lanterne magique.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 924.
39 Sans la succession des « après », je serais tout de suite ce que je veux être, il n'y aurait plus de distance entre moi et moi, ni de séparation entre l'action et le rêve. C'est essentiellement sur cette vertu séparatrice du temps que les romanciers et les poètes ont insisté, ainsi que sur une idée voisine (…) c'est que tout « maintenant » est destiné à devenir un « autrefois ». Le temps ronge et creuse, il sépare, il fuit. Et c'est encore à titre de séparateur — en séparant l'homme de sa peine ou de l'objet de sa peine — qu'il guérit.
Sartre, l'Être et le Néant, p. 175.
♦ ☑ Loc. Tromper le temps, tuer le temps : échapper au sentiment du temps, à l'ennui, en s'occupant ou en se distrayant avec peu de chose.
40 Comme la voiture traversait le bois, il la fit arrêter dans le voisinage d'un tir, disant qu'il lui serait agréable de tirer quelques balles pour tuer le Temps. Tuer ce monstre-là, n'est-ce pas l'occupation la plus ordinaire et la plus légitime de chacun ?
Baudelaire, le Spleen de Paris, XLIII.
2 (XVIIe). || Le temps : catégorie ou grandeur fondamentale, objet de la réflexion philosophique et scientifique. || L'Être et le Temps, ouvrage de Heidegger. || « Le temps est l'horizon de toute conscience » (Heidegger). || Le temps par rapport à Dieu et à l'éternité. ⇒ Création (→ Attribut, cit. 2; éternel, cit. 1; 2. être, cit. 11; panthéisme, cit. 1). || Le temps et l'espace (→ Immédiat, cit. 2; 2. instant, cit. 5; mécanicien, cit. 1; simultanéité, cit.). || L'espace et le temps dans la théorie de la relativité. ⇒ Espace-temps, relativiste (cit.), relativité (cit. 3 et 4). || Dans l'espace et dans le temps (→ Guerre, cit. 1; individu, cit. 6; périodicité, cit.; 1. point, cit. 38; quantum, cit. 2). || L'ordre, le cadre (cit. 9) du temps (→ Affranchir, cit. 11). || Hors du temps (→ Blessure, cit. 3; identité, cit. 4; précieux, cit. 2). || Dans le temps (→ Origine, cit. 10). || Temps et mémoire (1. Mémoire, cit. 28), et rêve (cit. 7). || Temps réel, vécu, existentiel, opposé du temps objectif, mesurable, opératoire. ⇒ Durée (cit. 7), temporalité (→ Faiseur, cit. 16). || Le problème du temps dans le roman moderne (→ Évocation, cit. 11).
41 (…) il y a bien de différentes opinions touchant l'essence du temps. Les uns disent que c'est le mouvement d'une chose créée; les autres, la mesure du mouvement, etc. Aussi ce n'est pas la nature de ces choses que je dis qui est connue de tous : ce n'est simplement que le rapport entre le nom et la chose : en sorte qu'à cette expression, temps, tous portent la pensée vers le même objet : ce qui suffit pour faire que ce terme n'ait pas besoin d'être défini (…) car les définitions ne sont faites que pour désigner les choses que l'on nomme, et non pas pour en montrer la nature.
Pascal, Opuscules, III, De l'esprit géométrique.
42 À l'égard du temps, il est d'abord certain que nous n'en avons la notion que par la succession de nos idées; il ne l'est pas moins que ce n'est pas la succession de nos idées qui fait le temps, puisque le temps a une mesure indépendante de nos idées, mesure que nous fournit le mouvement des corps.
D'Alembert, Essai sur les éléments de la philosophie…, Œ. compl., t. I, XVI, p. 316.
43 L'erreur de Kant a été de prendre le temps pour un milieu homogène. Il ne paraît pas avoir remarqué que la durée réelle se compose de moments intérieurs les uns aux autres, et que lorsqu'elle revêt la forme d'un tout homogène, c'est qu'elle s'exprime en espace. Ainsi la distinction même qu'il établit entre l'espace et le temps revient, au fond, à confondre le temps avec l'espace, et la représentation symbolique du moi avec le moi lui-même.
H. Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, Conclusion, p. 174.
44 Or la recréation par la mémoire d'impressions qu'il fallait ensuite approfondir, éclairer, transformer en équivalents d'intelligence, n'était-elle pas une des conditions, presque l'essence même de l'œuvre d'art telle que je l'avais conçue tout à l'heure (…) je pensai tout d'un coup que si j'avais encore la force d'accomplir mon œuvre, cette matinée (…) qui m'avait, aujourd'hui même, donné à la fois l'idée de mon œuvre et la crainte de ne pouvoir la réaliser, marquerait certainement avant tout, dans celle-ci, la forme que j'avais pressentie autrefois dans l'église de Combray, et qui nous reste habituellement invisible, celle du Temps.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 1044.
45 (…) la plupart des grands auteurs contemporains, Proust, Joyce, Dos Passos, Faulkner, Gide, V. Woolf, chacun à sa manière, ont tenté de mutiler le temps. Les uns l'ont privé de passé et d'avenir pour le réduire à l'intuition pure de l'instant; d'autres, comme Dos Passos, en font une mémoire morte et close. Proust et Faulkner l'ont simplement décapité, ils lui ont ôté son avenir, c'est-à-dire la dimension des actes et de la liberté.
Sartre, Situations I, p 77.
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II (V. 1130). État de l'atmosphère à un moment donné (considéré surtout dans son influence sur la vie et l'activité humaines). ⇒ Air, ciel, température, vent. || Le temps qu'il fait. → Baigner, cit. 6; matin, cit. 8. || Parler du temps qu'il fait (cf. De la pluie et du beau temps). || Comment le temps sera-t-il demain ? quel temps va-t-il faire ? — (Qualifié par un adj. ou un compl.). || Le beau temps, caractérisé par une température douce ou chaude, un ciel ensoleillé (→ Annoncer, cit. 16; exaucer, cit. 7; fixité, cit. 2; guérir, cit. 12). — ☑ Loc. Parler de la pluie et du beau temps. || Temps superbe, magnifique. — Mauvais temps (→ Assaillir, cit. 5; gâter, cit. 2; octobre, cit. 3). ⇒ Intempérie, orage, précipitation. || Vilain temps (→ Déchaîner, cit. 12). || Temps affreux, épouvantable, détestable (→ Grain, cit. 35). — ☑ Loc. fam. Un temps de saison : un temps considéré comme normal pour la saison. — (Aspect du ciel). || Temps bas (1. Bas, cit. 5), couvert (→ Exciter, cit. 19), bouché, gris… ⇒ Brouillard, bruine, brume, nuage. || Temps clair, serein. — Temps lourd (cit. 27), mou, maussade, triste, barbouillé (→ 1. Mou, cit. 7), détraqué (cit. 3), pourri, incertain… — ☑ (Av. 1857). Loc. Un temps de chien (cit. 27). — Mar. || Gros (cit. 12) temps; temps calme. ⇒ Bonace (→ Fil, cit. 31), maniable. — Le temps boude (cit. 3), se brouille (cit. 18), se gâte, menace (cit. 14), se met (cit. 65) au froid, se rafraîchit. || Le temps n'est pas sûr, va changer… || Le temps est au beau, se radoucit (cit. 2), se lève, s'éclaircit (⇒ Éclaircie, embellie). — Par ce temps, par un temps pareil (→ Galanterie, cit. 2; heure, cit. 97). ⇒ Par (supra cit. 17). || Par un beau temps (→ Pied, cit. 28), un temps pluvieux (cit. 1). || Il fait beau, mauvais temps. || Avoir (1. Avoir, cit. 9) beau, mauvais temps. || Nous avons eu beau temps pour les vacances. — ☑ Loc. fig. Faire la pluie et le beau temps. ☑ Parler de la pluie et du beau temps. — ☑ Prov. Après la pluie, le beau temps.
46 (…) il faisait un beau temps d'automne, et nous l'eûmes avec un peu d'interruption pendant toute notre course. Ciel calme, soleil faible et souvent caché, matinées de brouillards, belles soirées, terre humide et chemins propres; le temps enfin le plus favorable (…)
É. de Senancour, Oberman, LII.
46.1 Je ne pouvais pas traîner mes jambes.
— Ça n'est pas étonnant, dit Françoise, ce n'est pas un temps de saison, il fait trop chaud (…) C'est à croire que là-haut aussi tout se détraque.
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 409.
46.2 Et tout le monde parle du temps, les grands hommes comme les petits, les grands artistes comme Brigitte Bardot (…) C'est le sujet universel. Le péché originel de la conversation. Il a ses techniciens : ceux qui trouvent les nuances, ceux qui se réfèrent à des rhumatismes.
San Antonio, le Secret de Polichinelle, p. 58.
♦ Un temps à (et inf.). ☑ Loc. Il fait un temps à ne pas mettre un chien dehors.
47 Par un temps à ne pas mettre un chien dehors, me voici à cinq heures en bas de mon lit (…)
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 23 nov. 1890, t. VIII, p. 145.
♦ ☑ Loc. (temps non qualifié). Couleur de temps, du temps : bleu très clair. ⇒ Ciel. → Oiseau, cit. 8. — ☑ L'air du temps.
♦ Au plur. Rare, sauf dans : par tous les temps. Cf. Qu'il fasse beau, qu'il fasse laid.
♦ Étude et prévision scientifique du temps. ⇒ Météorologie. || Cartes synoptiques du temps, rassemblant les diverses observations météorologiques pour un moment donné (cartes de pression atmosphérique, de température, de systèmes nuageux, cartes en altitude). || Principaux types de temps (chaud, froid, sec, pluvieux). || Indications de temps sur les baromètres à cadran (tempête, grande pluie, pluie ou vent, variable, beau, beau fixe, très sec).
48 (…) la prévision du temps nécessite en premier lieu un réseau étendu d'observations effectuées simultanément et répétées fréquemment. Les observations du réseau « synoptique » international qu'étudient chaque jour les divers Instituts météorologiques sont faites à 0 heure, 6 heures, 12 heures, 18 heures (temps moyen de Greenwich). Le premier problème à résoudre consiste donc dans la « concentration » des observations du réseau devenu mondial depuis quelques années déjà.
A. Viaut, la Météorologie, p. 94.
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DÉR. V. Temporaire, temporel, temporiser.
COMP. Contretemps; entre-temps; mi-temps; passe-temps; printemps; quatre-temps; garde-temps. — Cf. aussi les composés du grec krônos (chronologie, chronomètre, etc.).
HOM. Tan, tant, taon. — Formes du v. tendre.
Encyclopédie Universelle. 2012.