1. froid, froide [ frwa, frwad ] adj. I ♦
1 ♦ Qui est à une température sensiblement plus basse que celle du corps humain. Un peu froid. ⇒ 1. frais, frisquet. Très froid. ⇒ glacé, glacial. « mon père s'aspergeait d'eau froide » (Duhamel). Courant d'air froid. « Le parloir me sembla plus froid, plus humide [...] que jamais » (France). L'hiver a été froid. ⇒ rude. Sueurs froides. — Chambre froide. ⇒ frigorifique.
♢ Spécialt Qui est habituellement froid. Les pays froids. Mers froides. Climat froid.
♢ Par ext. Qui n'a pas d'éclat. « un froid soleil, souvenir lointain des ardeurs de l'été » (Barrès). « une froide lumière électrique » (Van der Meersch). — Le bleu, le violet, le gris, le vert, couleurs froides.
2 ♦ Qui a perdu sa chaleur naturelle ou transmise, qui s'est refroidi. Avoir les mains, les pieds froids. ⇒ gelé. Une odeur de cendre, de pipe froide.
♢ (Aliments) À table ! tout va être froid ! Ce potage, ce café est froid, n'est plus assez chaud. ⇒ tiède. Spécialt Viandes froides, servies cuites et froides. Assiette anglaise garnie de viandes froides. Un repas, un buffet froid. — Loc. La vengeance est un plat qui se mange froid.
♢ (Machines) Qui n'a pas fonctionné depuis un certain temps, dont les organes ne sont pas à la température convenable. Moteur froid qui démarre difficilement, qui a des ratés.
3 ♦ Physiol. Animaux à sang froid (⇒ poïkilotherme) .
II ♦ Fig.
1 ♦ Qui ne s'anime ou ne s'émeut pas facilement.
♢ Par tempérament. « aussi ouvert avec moi que le permet son caractère froid » (Stendhal). — Cheval froid, qui a besoin d'être vivement sollicité par son cavalier pour se mettre en action. — Spécialt Dépourvu de sensualité. ⇒ indifférent, insensible; frigide; glaçon. « C'est pas qu'elle était froide, [...] mais il lui fallait du temps » (Céline).
♢ Par maîtrise de soi. ⇒ 2. calme, impassible, imperturbable. « ce tranquille courage Si froid dans le danger, si calme dans l'orage » (Voltaire). Garder la tête froide : ne pas s'affoler. ⇒ sang-froid. Une colère, une rage froide, qui n'éclate pas. Guerre froide.
2 ♦ Dont la réserve marque de l'indifférence, de la distance ou une certaine hostilité. ⇒ distant, glaçant, glacial, réservé, sévère. Rester froid devant les avances de qqn. « un ton froid, détaché » (Paulhan). « je pris un air froid qui coupa court aux effusions » (Proust). « On la trouvait hautaine et froide » (Jouhandeau). ⇒ réfrigérant. Loc. LAISSER (qqn) FROID, ne lui causer aucune émotion, aucun effet. « Le spectacle me laissa froid » (A. Daudet). ⇒ indifférent (cf. De glace, de marbre).
3 ♦ Qui manque de sensibilité, de générosité, de ferveur... ⇒ dur, insensible, sec. « Il semblait froid, sec et méchant » (Michelet). « greffer sur leur barbarie sa froide cruauté de Hohenzollern » (Loti). Conduite qui obéit à de froids calculs.
4 ♦ (En art) Qui ne suscite aucune émotion, par défaut de sensibilité, de vie. ⇒ ennuyeux, languissant, monotone, 1. terne. Beauté froide. ⇒ inexpressif. « des génies froids, sans flamme de sentiment » (Faguet).
III ♦ Loc. adv. À FROID : sans mettre au feu, sans chauffer. Battre, forger le fer à froid. Laminer à froid. Pour démarrer à froid, tirez le starter.
♢ Opérer à froid : pratiquer une opération chirurgicale quand les phénomènes inflammatoires ont disparu. — Sport Prendre, cueillir un adversaire à froid, le surprendre d'entrée de jeu par une action ou un coup rapide, sans lui laisser le temps de se mettre en train.
♢ Fig. Sans chaleur apparente, sans émotion véritable. S'emporter, s'exciter à froid sur un sujet. « des personnages qui parlent à froid de leurs crimes » (Voltaire). — Loc. adj. Les plaisanteries à froid d'un pince-sans-rire.
⊗ CONTR. Chaud, brûlant. Ardent, fougueux. Affectueux, chaleureux, enthousiaste, expansif. Généreux, sensible. Animé, émouvant, expressif. — À chaud.
froid 2. froid [ frwa ] n. m.
• XIIIe; freit 1080; subst. de 1. froid
1 ♦ État de la matière, de l'atmosphère quand elle est froide (par rapport au corps humain); sensation thermique spécifique résultant du contact avec un corps ou un milieu froid. La saison des grands froids. ⇒ froidure, hiver. Coup de froid : abaissement subit de la température; rhume. ⇒ refroidissement. Vague de froid. « ce froid pénétrant des montagnes, qui gèle le sang et paralyse les membres » (Maupassant). Fam. Un froid de canard, de loup, un froid de gueux : un grand froid. Souffler le chaud et le froid. Supporter, craindre le froid. Seuil de résistance au froid. Défense de l'organisme contre le froid (⇒ thermorégulation) . Les frissons, l'horripilation, réflexes de défense contre le froid. Mourir de froid cf. Hypothermie. Par exagér. On meurt, on crève de froid ici. ⇒ geler; fam. cailler, peler.
♢ (Nominal) Il fait froid : le temps est froid. ⇒ frisquet. Avoir froid : éprouver une sensation de froid. Avoir froid aux pieds. Loc. N'avoir pas froid aux yeux : être audacieux, décidé. — Prendre, attraper froid, un refroidissement, un chaud et froid. — Ne faire ni chaud ni froid à qqn.
♢ Froid artificiel, ou industriel, produit par les divers procédés de réfrigération et de congélation. Applications industrielles du froid (conservation des denrées, climatisation, essais de matériaux, etc.). Production du froid (⇒ cryogénique, frigorifique) . La chaîne du froid. — Phys. Pôle du froid : le zéro absolu. — Méd. Thérapeutique par le froid. ⇒ cryothérapie, hibernation.
2 ♦ État ou sensation comparable. Il « sentit, en entrant dans la ville, le froid le saisir jusqu'au cœur » (A. Daudet). « Nous sentons venir le froid du danger et nous en avons le frisson » (Vallès). Loc. Donner, faire froid dans le dos à qqn, l'effrayer. Cela me fait froid dans le dos rien que d'y penser. Jeter un froid : produire une impression de gêne, de malaise (cf. Faire l'effet d'une douche). Ces mots ont jeté un froid dans l'assistance.
3 ♦ Absence de chaleur, d'affection dans les relations humaines. — Loc. Être en froid avec qqn : entretenir des relations moins cordiales (⇒ brouille) . Fanny « vivait très en froid avec son père » (Zola).
⊗ CONTR. Chaleur, chaud.
● froid adverbe Battre froid (à quelqu'un), manifester ostensiblement de la réserve, de l'hostilité à quelqu'un. Boire, manger froid, absorber une boisson, un aliment froid. Il fait froid, la température est basse, trop basse. ● froid nom masculin Température basse ou très basse de l'atmosphère, de l'air ambiant ; sensation ressentie quand règne une telle température : Ces plantes ne supportent pas le froid. Température inférieure à la température ordinaire, réalisée artificiellement. Sensation de saisissement qui résulte du contact avec un danger subit. Diminution d'affection, de cordialité entre des personnes jusqu'alors liées : Il y a un froid entre eux. ● froid (expressions) adverbe Battre froid (à quelqu'un), manifester ostensiblement de la réserve, de l'hostilité à quelqu'un. Boire, manger froid, absorber une boisson, un aliment froid. Il fait froid, la température est basse, trop basse. ● froid (difficultés) nom masculin Emploi Avoir froid. La langue courante admet aujourd'hui l'emploi de avoir froid avec un adverbe : avoir très froid, avoir si froid que..., avoir tellement froid que... → envie ● froid (expressions) nom masculin À froid, sans soumettre à la chaleur ; sans que l'appareil soit chaud : Démarrer à froid ; sans émotion apparente ; quand les passions se sont calmées : Parler à froid de quelque chose ; se dit des interventions pratiquées en dehors de poussées inflammatoires ; en reliure, se dit d'un procédé d'impression en creux, sans or ni couleurs. Au froid, dans une atmosphère ambiante froide. Avoir froid, éprouver la sensation donnée par l'absence, la perte ou la diminution de chaleur : Avoir froid aux pieds. Coup de froid, rhume, grippe, etc., consécutifs à un brusque abaissement de température. Cueillir, prendre quelqu'un à froid, sans qu'il soit préparé. Donner froid, procurer une sensation de froid. Être en froid, avoir des relations tendues avec quelqu'un sans être vraiment fâché. Faire, donner froid dans le dos, causer une grande frayeur. Froid de canard, de loup, froid polaire, froid très vif. Jeter un froid, faire naître, par un acte ou une parole, la gêne, la contrainte. Familier. N'avoir pas froid aux yeux, être hardi, décidé. Prendre, attraper froid, attraper une maladie, un rhume en se laissant pénétrer par le froid. Pôle du froid, température moyenne annuelle officiellement la plus froide de la planète (− 55,6 °C), enregistrée à la station soviétique de Vostok, sur le plateau E. de l'Antarctique à 3 488 m d'altitude. (Les températures minimales absolues y descendent au-dessous de − 90 °C.) ● froid, froide adjectif (latin frigidus) Dont la température est basse, en particulier par rapport à celle du corps humain : Une boisson froide. Où les températures sont peu élevées : Pays froids. La soirée est froide pour la saison. Qui conserve mal la chaleur ou qui en procure très peu : Ce manteau est trop froid pour la saison. Se dit du soleil lorsqu'il brille sans fournir de chaleur. Qui est refroidi ou qui n'a pas été chauffé : Odeur de tabac froid. Prendre un repas froid. Qui ne chauffe pas ou ne s'est pas encore échauffé en fonctionnant : Les radiateurs sont froids. Qui ne procure aucune impression de chaleur, de vie, d'animation : Décoration froide. Qui maîtrise ses réactions, ses émotions, ne fait pas d'éclats, qui est plein de sang-froid, de calme : Un homme qui reste froid devant le danger. Une colère froide. Qui manifeste une réserve voisine de l'hostilité ou qui manque de chaleur humaine : Être très froid avec ses collaborateurs. Qui est peu sensuel ; frigide. ● froid, froide (citations) adjectif (latin frigidus) Jean de La Bruyère Paris 1645-Versailles 1696 Vous voulez, Acis, me dire qu'il fait froid ; que ne disiez-vous : Il fait froid ? Vous voulez m'apprendre qu'il pleut ou qu'il neige ; dites : Il pleut, il neige. Les Caractères, De la société et de la conversation Jean Sylvain Bailly Paris 1736-Paris 1793 Académie française, 1783. Je tremble, mais c'est de froid. Commentaire Bailly, qui avait été président de la Constituante et maire de Paris, fut guillotiné un 10 novembre. Les préparatifs du supplice ayant duré longtemps, le condamné se justifia ainsi de son tremblement. Octavio Paz Mexico 1914-Mexico 1998 Le feu de l'enfer est un feu froid. El fuego del infierno es fuego frío. Puerta Condenada, El joven soldado, III, Conversación en un bar ● froid, froide (expressions) adjectif (latin frigidus) Avoir, garder la tête froide, ne pas perdre la tête, conserver tout son jugement dans les situations difficiles. Dermatoses dues au froid, affections cutanées déclenchées ou aggravées par une exposition au froid. Laisser froid quelqu'un, le laisser indifférent. Pierre froide, pierre calcaire très dure et prenant le poli. (Sa masse volumique est généralement supérieure à 2 580 kg°m3, sa résistance à l'écrasement supérieure à 100 MPa.) La saison froide, l'hiver. Sueur froide, sueur soudaine, dont la sensation est glaciale ; peur, crainte. Terre froide, terre qui se réchauffe lentement au printemps, à cause de son humidité, de son exposition défavorable, ou de sa coloration trop claire. ● froid, froide (synonymes) adjectif (latin frigidus) Dont la température est basse, en particulier par rapport à...
Synonymes :
- glacé
Contraires :
- chaud
- tiède
Où les températures sont peu élevées
Synonymes :
- frisquet (familier)
- glacial
Contraires :
- étouffant
- torride
Se dit du soleil lorsqu'il brille sans fournir de chaleur.
Contraires :
- brûlant
- chaud
Qui ne chauffe pas ou ne s'est pas encore échauffé...
Contraires :
Qui ne procure aucune impression de chaleur, de vie, d'animation
Synonymes :
- insipide
- plat
- terne
Contraires :
- animé
- ardent
- chaud
- coloré
- émouvant
- pathétique
- poignant
- touchant
Qui maîtrise ses réactions, ses émotions, ne fait pas d'éclats...
Synonymes :
- dur
- marmoréen
- réservé
- sec
Contraires :
- démonstratif
- émotif
- exalté
- expansif
- impétueux
- passionné
- sensible
Qui manifeste une réserve voisine de l'hostilité ou qui manque...
Synonymes :
- distant
- glacial
- hautain
- indifférent
- réfrigérant (familier)
Contraires :
- aimable
- cordial
- délirant
- emballé (familier)
- exubérant
- frénétique
Qui est peu sensuel ; frigide.
Synonymes :
- frigide
Contraires :
- amoureux
- lascif
- lubrique
- sensuel
Pierre froide
Synonymes :
- pierre marbrière
froid, froide
adj. et n. m.
rI./r adj.
d1./d Qui est à une température plus basse que celle du corps humain. Un climat, un temps froid.
d2./d Refroidi ou non chauffé. Le dîner sera froid.
— (Québec) Rafraîchi. Bière froide.
d3./d Animaux à sang froid, dont la température varie en fonction du milieu ambiant (poïkilothermes).
d4./d Fig. Qui semble indifférent, insensible; qui garde toujours la maîtrise de soi et s'extériorise peu. Rester froid devant le malheur des autres.
|| Garder la tête froide: rester calme, maître de soi.
|| (En art.) Peinture froide, style froid, qui manque de sensibilité.
d5./d Fig. Qui ne se manifeste pas par les signes extérieurs habituels d'agitation, de violence. Colère froide.
d6./d Fig. Qui est le signe d'une certaine réserve, d'une certaine hostilité. Accueil, ton froid.
|| Battre froid à qqn: V. battre (sens C 1).
d8./d Loc. adv. à froid: sans chauffe préalable. Laminer à froid.
|| MED Opérer à froid, en dehors d'une crise aiguë.
|| Fig. Sans que les passions interviennent. Prendre une décision à froid.
rII./r n. m.
d1./d état de ce qui est à une température inférieure à celle du corps humain; de ce qui donne une sensation de privation de chaleur; de l'atmosphère lorsqu'elle a subi un abaissement de température. Le froid de la glace, du marbre. Une vague de froid. Syn. (Québec) fret.
d2./d Avoir froid: éprouver une sensation de froid, souffrir du froid.
|| Loc. fig. N'avoir pas froid aux yeux: être courageux, hardi.
|| Prendre, attraper froid: être malade après un brusque refroidissement.
d3./d Froid industriel, artificiel, produit par divers procédés frigorifiques. La technique du froid.
— Chaîne du froid, qui assure aux produits congelés un état de congélation constant jusqu'à la vente au consommateur.
d4./d Par ext., fig. Sensation morale pénible (comparée à celle que procure le froid au plan physique). Le froid de la solitude.
|| Loc. Jeter un froid: provoquer un sentiment de malaise, de gêne.
d5./d Fig. Absence d'amitié, de sympathie dans les relations humaines. Il y a un certain froid entre eux.
|| Loc. être en froid avec qqn, être brouillé avec lui.
⇒FROID, FROIDE, adj. et subst. masc.
I.— Adjectif
A.— [Emplois en rapport avec une perception]
1. [Emplois en rapport avec une perception thermique]
a) Qui a, où règne une température sensiblement inférieure à celle du corps humain. Anton. chaud. Le dernier croissant éclairait vaguement l'horizon au-dessus des arbres du parc. C'était l'heure froide qui précède le jour (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Avent. W. Schnaffs, 1883, p. 208). Un froid matin de novembre (GRACQ, Argol, 1938, p. 157) :
• 1. Il ingurgite un café-crème au Petit Cardinal voisin.
— Il y a du soleil aujourd'hui, lui dit le patron.
— Oui mais le fond de l'air est froid, répliqua Jacques.
— Ça c'est vrai. Ce matin, brr, faisait frisquet.
QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 58.
SYNT. Bain, temps, vent froid; froid comme le marbre; douche, eau, nuit, pluie, source froide; la saison froide (l'hiver).
♦ Loc. Il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid, il n'y a rien de trop chaud ni de trop froid pour lui (v. chaud I A 1).
♦ Chaud-froid.
— En partic.
♦ Vx. ,,Qui sert à corriger l'excès de la chaleur animale, ou (...) qui la détruit. Les quatre semences froides. Cette plante est froide`` (Ac. 1835, 1878).
♦ Chambre froide.
♦ [En parlant d'une partie du globe] Où règne généralement une température (très) peu élevée en raison de l'éloignement de l'équateur ou de l'altitude. Pays froids; mers froides. Dans les climats froids le poil des animaux à belles fourrures pâlit et blanchit pendant l'hiver (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 138). Les froides régions polaires (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 131) :
• 2. Là où le cheval ne peut plus supporter les températures trop rigoureuses de l'extrême limite de la grande forêt boréale il est remplacé (...) par les rennes (régions froides des hautes latitudes) et par les yaks (régions froides des hautes altitudes).
BRUNHES, Géogr. hum., 1942, p. 170.
♦ [En parlant d'un sol] Dont la température est généralement peu élevée en raison de sa nature, ce qui provoque une végétation tardive. Une terre froide, humide, tourbeuse, sombre, mais couverte d'un gazon court, vert comme l'émeraude (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 226). La (...) chaux, précieuse pour amender et réchauffer les terres froides, pour les « réparer » (PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p. VII).
♦ [En parlant du sang de certains animaux] Dont la température varie selon celle du milieu. Pendant les époques sèches ils [les escargots] se retirent dans les fossés (...). Sans doute y voisinent-ils avec d'autres sortes de bêtes à sang froid, crapauds, grenouilles (PONGE, Parti pris, 1942, p. 30).
Littér. [En parlant de certains animaux] Dont la température du sang varie selon celle du milieu. Froide couleuvre. Froid lézard des vieux murs dans les pierres tapi (HUGO, Rayons et ombres, 1840, p. 1109). Ces marches ignobles et ces murs suintants qu'on dirait hantés de larves visqueuses et de froids crapauds (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 287).
b) Qui a été ou qui devrait être chaud. Moteur, radiateur froid; cendres froides; remugle de cigare froid. Si nous attendons encore, le dîner sera froid (Ac.). Deux machines étaient déjà là, froides, endormies (ZOLA, Bête hum., 1890, p. 131). À quatre heures (...) je me lève pour voir si elle n'était pas découverte. Je trouve son lit froid et personne dedans (ANOUILH, Antig., 1946, p. 139) :
• 3. ... Sandrine (...) pense, à d'humbles et redoutables choses, à la maie qui est vide, au fourneau qui est froid, aux drôles qui vont rentrer de l'école.
GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 226.
♦ Loc. adj. ou adv. À froid. Sans intervention de la chaleur. Ciseau à froid. Teindre à froid. Imprimer à froid (Ac. 1932). Une infusion à froid d'amandes douces ne contient d'abord pas de sucre et 2 ou 3 jours après elle en contient beaucoup (C. BERNARD, Notes, 1860, p. 158). Inventer un émail à froid ou un enduit pour les murs (ALAIN, Propos, 1934, p. 1240) :
• 4. ... un garçon ferrait à froid les chevaux de demain, prenant dans un tas de vieux fers rouillés, retirés aux chevaux tués de la dernière course : ainsi les fers resservaient indéfiniment.
MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 519.
En partic. Quand un moteur n'est plus chaud. Démarrage à froid. V. départ1 A ex. de CHAPELEIN, Techn. automob., 1956, p. 263.
— En partic.
♦ Loc. proverbiale, vieillie. ,,La cuisine de cette maison est bien froide; il n'y a rien de si froid, de plus froid que l'âtre de cette maison, se dit d'une maison où l'on ne fait qu'un très petit ordinaire, qu'une fort mauvaise cuisine`` (Ac. 1835, 1878).
♦ [En parlant d'un aliment] Qui a été cuit et qui a refroidi. Cf. chaud-froid. Poulet, veau froid; viandes froides; lait, thé froid. Le bœuf froid aux carottes fit son apparition, couché (...) sur d'énormes cristaux de gelée (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 458) :
• 5. On déjeunait, on dînait au revers des fossés ombreux (...) dévorant à belles dents (...) les œufs durs, le jambon froid apportés de chez soi...
PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 87.
[En parlant d'un repas] Composé de tels aliments. Déjeuner, dîner froid. Les agents de liaison partirent pour reconnaître les emplacements. On leur donna un repas froid et un bidon de vin (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 194). Un buffet froid avec pâtés, puddings et l'inévitable agneau à la sauce menthe (MORAND, Londres, 1933, p. 200).
Manger froid. Déjeuner, dîner de tels aliments. Vous, Arthur, donnez-moi de la moutarde et aussi des cornichons. Si je mange froid, du moins, qu'on me donne des cornichons (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 136).
Loc. métaph. La vengeance est un plat qui se mange froid. Dans son modeste appartement, Delahaye comprit qu'il le tenait, le bon plat de vengeance qui se mange froid (BARRÈS, Leurs fig., 1901, p. 111). La vengeance se mange froide, le vieux traître (...) fut exécuté sur les marches du calvaire, à Kerléano (LA VARENDE, Cadoudal, 1952, p. 245).
♦ [En parlant du corps humain ou de l'une de ses parties] Qui est à une température anormalement basse, due en particulier à l'agonie, à la mort. Cadavre froid; avoir les mains froides, les pieds froids. Yeux clos, extrémités déjà froides, le Chaamba râlait entre les bras de Morhange (BENOIT, Atlant., 1919, p. 104). C'est embêtant d'être mort On est tout froid (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 58).
Loc. Avoir les mains froides et le cœur chaud. Froides mains, chaudes amours.
Sueur(s) froide(s). Sueur(s) donnant l'impression d'être à une température sensiblement inférieure à celle du corps, due(s) à une forte émotion, à une maladie. Avoir des sueurs froides. Une sueur froide glaça le front du jeune homme et fit claquer ses dents. Qui donc était mort dans cette maison (...)? (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 191). Vertiges violents; sueurs froides et nausées. Bientôt après, crise de vomissements (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 891).
Rare. Suer froid. Avoir des sueurs froides. V'là ç'te pauv' Nioule qui s'en allait... Licher son doigt dans la cour!... J'en sue froid, rien qu'en y songeant (MARTIN DU G., Gonfle, 1928, II, 4, p. 1202). À l'œuvre! Ne tremble pas d'avance et ne sue pas froid. Puis vous l'enlèverez [le cadavre] pendant que je ferme au secret les trois portes (ARNOUX, Rêv. policier amat., 1945, p. 49).
♦ MÉD. [En parlant d'un abcès] Qui n'est pas inflammatoire. Il se forme un abcès froid local, dont l'évacuation spontanée ou provoquée guérit aisément par sclérose (A. CALMETTE, Infection bacill. et tubercul., 1920, p. 167). L'abcès froid se présente sous l'aspect sous la peau d'une tumeur dure, froide, insensible (GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 24).
Vx. Humeurs froides. Écrouelles, scrofules. L'abbé Tourte (...) avait la figure abimée d'humeurs froides (STENDHAL, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 149). Mlle Cécile (...) une enfant impossible à marier parce qu'elle a des humeurs froides (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 857).
Opérer à froid. Opérer sans état inflammatoire. (Dict. XIXe et XXe s.).
c) Qui ne chauffe pas, qui ne tient pas chaud.
— [En parlant du soleil] L'hiver, avec son brillant soleil froid (LAMART., Confid., 1849, p. 94). Les palombes descendent du Nord sur le Midi (...) chassées par les gelées, ayant hâte de quitter ces pays où le soleil plus froid se couche plus vite (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 23).
— [En parlant d'un vêtement, d'un tissu] Cet habit, ce manteau est froid (Ac.). Les gants, froids et souples, qu'on nommait autrefois gants de Saxe (COLETTE, Pays. et portr., 1954, p. 124) :
• 6. Ces monstres disloqués furent jadis des femmes (...) Sous des jupons troués et sous de froids tissus Ils rampent, flagellés par les bises iniques...
BAUDEL., Fl. du Mal, 1857-61, p. 156.
2. [Emplois en rapport avec d'autres perceptions; avec le plus souvent les connotations attachées à l'accept. A 1 b] Qui produit une impression désagréable analogue à celle que produit le froid.
a) [sur l'odorat] Des odeurs écœurantes, froides et viles, montaient des tas de balayures et des ruisseaux (LARBAUD, Enfantines, 1918, p. 152). Le vent superpose, à l'odeur du tabac blond, l'odeur amère et froide des petites noix véreuses qui choient sur le gazon (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 75) :
• 7. ... une odeur compacte de mousses moisies et de ferraille pourrie sautait au visage comme un jet de ces casemates débouchées après des siècles; une odeur froide et sans levain qui soulevait le cœur, corsée par des siècles de pourriture vénéneuse.
GRACQ, Syrtes, 1951, p. 299.
b) [sur l'ouïe] Et il y avait, après deux accords brutaux et tranchants assénés et froids, un temps de silence (ARNOUX, Rossignol napol., 1937, p. 240). Marino ouvrait les portes une à une sans mot dire, fourrageant les serrures rouillées dans un grand cliquetis froid de métal (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 299).
c) [sur la vue] Son architecture [d'une abbaye en ruines] vivante d'arbustes qui s'enracinent dans le ciment, (...) est supérieure à la froide symétrie des pierres et à la décoration morte des monuments du ciseau des hommes (LAMART., Raphaël, 1849, p. 157) :
• 8. Les durs alignements à l'équerre des tombes sans fleurs, la nudité froide des allées sans arbres, l'entretien méticuleux et pauvre de cette nécropole réglementaire mettaient sur ces fosses perdues un surcroît de tristesse morne et revêche que n'ont pas les tombes isolées du désert.
GRACQ, Syrtes, 1951 p. 69.
— Spéc. [En parlant d'une lumière, d'une couleur (comme p. ex. le vert, le bleu, le violet, le gris)] Qui manque de chaleur. (Cf. chaleur B 1 spéc.). Éclat froid; froide lumière électrique. Un coloris froid et monotone (Ac.). Un grêle jeune homme de trente ans (...) aux yeux d'un bleu froid d'acier (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 2). Ici, la lumière est plus intense il me semble [qu'à Barbazac], et pourtant les teintes sont plus froides comme si la lumière absorbait les couleurs (CHARDONNE, Dest. sent., III, 1936, p. 145).
P. méton. [En parlant d'un peintre] Dont le coloris des tableaux manque de chaleur. Les yeux bleus ou les yeux bruns font les peintres coloristes ou froids (GONCOURT, Journal, 1859, p. 631).
B.— Au fig. [Emplois en rapport avec la psychol.]
1. Qui n'accorde pas d'attention, d'intérêt à quelque chose; qui manque de sensibilité. Cela me laisse froid. Synon. indifférent. Quel bonheur (...) de n'être froide à rien, de trouver sa vie attachée à une promenade où l'on verra dans la foule un œil scintillant qui fait pâlir le soleil (BALZAC, Fille Ève, 1839, p. 82). Elle [la musique de Tchaïkovsky] a des langueurs qui troubleraient un instant les auditeurs les plus froids (GREEN, Journal, 1955-58, p. 3) :
• 9. ... elle me fait passer par la cuisine, par la salle à manger, par le salon, pour me bien faire admirer son chez soi... Pauvre fille! (...) J'étais assez froid devant les rideaux, les tentures, les damas : il y en a de plus riches dans les tableaux de Véronèse!
CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p. 295.
♦ Emploi subst. masc., vx. Faire le froid (Ac. 1835, 1878).
♦ Cela ne fait ni chaud ni froid à qqn.
— Spécialement
♦ [Le plus souvent en parlant d'une femme] Peu porté aux plaisirs de l'amour (cf. frigide B). Une femme froide dont les convulsions sollicitent puis tentent de remplacer l'orgasme (SARTRE, Mots, 1964, p. 172) :
• 10. — Tu ne sais pas ce que c'est que la volupté (...). Tu es froid (...). Tu n'as jamais su ce que c'était que la lutte contre l'instinct sexuel, tu pouvais dorloter ton âme et te croire saint, parce que ton corps ne se révoltait jamais.
GREEN, Chaque homme, 1960, p. 156.
[En parlant d'une manifestation amoureuse] Qui est le fait d'une telle personne. Froide étreinte. Jamais Laurent n'avait connu une pareille femme. Il resta surpris, mal à l'aise. D'ordinaire, ses maîtresses ne le recevaient pas avec une telle fougue; il était accoutumé à des baisers froids et indifférents, à des amours lasses et rassasiées (ZOLA, T. Raquin, 1867, p. 37).
♦ ,,Cheval froid. Cheval qui ne s'anime pas. Ce cheval a l'épaule froide. Se dit d'un cheval attelé qui est lent à tirer. Taureau froid. Qui manque d'action dans l'arène, dans le combat`` (Ac. 1932).
— P. ext. Qui manque totalement de sensibilité, d'humanité. Une froide barbarie. De froides atrocités (Ac.). Les dispositions de bataille se concertaient avec la plus froide et la plus inhumaine circonspection (ARNOUX, Algorithme, 1948, p. 291). Le mensonge, le froid calcul, l'insensibilité du cœur vous épient de leurs cachettes (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p. 243) :
• 11. ... pour ceux [des prisonniers] qui eurent à subir l'internement dans les asiles germaniques, ils furent pour la plupart supprimés avec une cruauté froide.
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 250.
2. Qui garde ou retrouve son calme, qui contrôle ses sentiments ou ses émotions, qui est capable de violence mais ne la manifeste pas (v. pisse-froid). Rester froid devant le danger. Je l'ai trouvé bien froid là-dessus (Ac.). Schneider est trop ému pour parler; Brunet se sent froid et calme : la colère des autres, ça le calme toujours (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 265). Nous aurions besoin non de polémistes, mais de têtes froides, capables d'établir un diagnostic, grâce à une analyse politique objective (MAURIAC, Bloc-notes, 1958, p. 260) :
• 12. Le dominateur froid et égoïste, insensible au danger, rigide dans le devoir et dans l'honneur, donne de rudes figures de soldats, de fonctionnaires et de paysans têtus.
MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 368.
♦ Loc. adj. ou adv. À froid. Avec calme, impassibilité; sans ardeur ni passion. Le mensonge mondain, mensonge de convenance, de politesse, sourires forcés, louanges à froid, hypocrisies de toutes sortes (A. DAUDET, Crit. dram., 1897, p. 161). Les uns [des schizoïdes], comme Metternich, sont des calculateurs à froid, sans scrupules. D'autres, quoiqu'insensibles, comme Voltaire ou Érasme, sont plus souples (MOUNIER, Traité caract., 1946 p. 370). V. bah ex. 3 :
• 13. La théorie certes est utile. Mais sans chaleur de cœur et sans amour elle meurtrit ceux-là mêmes qu'elle prétend sauver. Défions-nous de ceux qui veulent appliquer à froid le marxisme...
GIDE, Feuillets, 1937, p. 1290.
— P. méton.
♦ [En parlant du siège de l'activité humaine ou de ce qui la manifeste] Qui appartient à une telle personne (cf. sang-froid). Avoir le cœur froid; garder la tête froide; regarder qqc. d'un œil froid. Ce n'est rien de tuer par surprise, par élan. Tuer, la tête froide et la main chaude, exige une autre poigne (COCTEAU, Aigle, 1946, I, 6, p. 337) :
• 14. L'aspect extérieur du spasmophile est sérieux et contracté, avec (...) une tournure raide, un caractère froid et calme mais exposé à des crises d'excitation et de dépression...
MOUNIER, Traité caract., 1946 p. 285.
♦ [En parlant d'une manifestation de l'activité humaine] Qui est le fait d'une telle personne. Analyse froide. Je l'ai supportée [une heure d'injustice ou d'égarement], non pas avec un froid stoïcisme, mais avec des larmes de douleur et d'enthousiasme (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 474) :
• 15. Il est bien vrai que si notre âme se purge de toute fausseté, et qu'elle se prive de toute addition frauduleuse à ce qui est, notre existence est menacée sur-le-champ, par cette considération froide, exacte, raisonnable et modérée de la vie humaine telle qu'elle est.
VALÉRY, Eupalinos, 1923, p. 35.
♦ [En parlant d'un violent mécontentement, d'un état émotif violent] Qui est parfaitement maîtrisé. Rage froide. Justin Weill haussait les épaules avec une froide fureur : — Et l'argent? Vous ne pensez jamais à l'argent (DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 164). Une excitation froide de joueur (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 130). Mortimer entra dans une froide et féroce colère contre le gouverneur (DRUON, Lis et lion, 1960, p. 186).
♦ Guerre froide. Hostilité entre deux ou plusieurs États n'entraînant pas d'opérations militaires. Il y a des émeutes qui sont des batailles. La guerre froide, effort pour affaiblir un pays par une conspiration secrète et permanente, est encore une guerre (MAUROIS, Dialog. commandement, 1924, p. XX) :
• 16. Le grand public (...) suit avec angoisse l'alternance des orages et des éclaircies de la guerre froide et avec scepticisme le manège des négociations du désarmement avec sa succession d'échecs.
GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 174.
3. Qui marque de la réserve, de la distance, voire de l'hostilité; qui manque de chaleur humaine. Se montrer froid envers, à l'égard de qqn. Comment être volontairement froid et offensant envers cette pauvre jeune fille qui se perd pour moi? (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 430). Elle paraissait froide parce qu'elle poussait les scrupules jusqu'à ne se lier avec personne, craignant ce qu'elle appelait des toquades (COCTEAU, Gd écart, 1923, p. 29) :
• 17. Ce qu'il y avait d'étonnant chez cet homme d'ordinaire assez froid d'apparence, réservé et taciturne, d'un feu violent mais intérieur, c'était son bavardage impénitent.
ARNOUX, Roi, 1956, p. 225.
♦ N'être ni chaud ni froid.
♦ Battre froid.
— P. méton. Qui manifeste de la réserve, de la distance, voire de l'hostilité; qui manque de chaleur humaine.
♦ [En parlant du visage] Elle avait un visage froid et sévère : — Monsieur, dit-elle, je vous prie de ne pas m'accompagner, de ne pas me suivre (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 282).
Loc. Faire froide mine à qqn. Voyons, mon enfant... Pourquoi leur fais-tu froide mine? (AUGIER, Pierre de touche, 1854, p. 89).
♦ [En parlant d'une manifestation de l'activité humaine, d'un attribut d'une pers.] Abord, accueil, silence froid; apparence, attitude, politesse froide; manières froides. Après mon départ, dîner froid, contraint, gêné au possible (GONCOURT, Journal, 1894, p. 645). Il n'y a dans son regard qu'une attention froide, dépourvue de tendresse (SARTRE, Jeux sont faits, 1947, p. 8) :
• 18. ... il a disparu, nous laissant un billet froid et laconique où il nous annonce que des évènements imprévus l'obligent à partir à l'instant même...
HUGO, Corresp., 1822, p. 343.
• 19. Si notre langage était toujours exact, la vie de l'esprit serait véritablement froide et morose. Que deviendrait-on si des mots comme nature, amour, vérité, univers, raison, beauté, intelligence (...) n'existaient pas?
VALÉRY, Entret. avec F. Lefèvre, 1926, p. 116.
En partic. [En parlant d'une œuvre d'art ou d'un artiste considéré du point de vue de son œuvre] Qui n'émeut pas, qui manque de vie ou d'éclat. Orateur, style froid. Mais que les mots sont froids pour peindre les émotions! (DELACROIX, Journal, 1823, p. 31). Adrien Van der Werf, par sa peinture froide et polie, (...) témoigne que les Hollandais ont oublié leurs goûts natifs (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 81). À une froide et sèche poésie à prétentions scientifiques et philosophiques succéda soudain une admirable poésie d'inspiration profondément humaine (LARBAUD, Vice impuni, p. 240) :
• 20. Relu avec délices Hero and Leander de Marlowe. Cette sensualité élisabéthaine est la seule qui m'ait jamais paru authentique. Les écrivains d'aujourd'hui sont froids et assez plats en comparaison.
GREEN, Journal, 1950-54, p. 54.
II.— Subst. masc.; gén. au sing.
A.— [Emplois en rapport avec une perception thermique].
1. Température sensiblement (ou très) inférieure à celle du corps humain. Le froid de la glace, du marbre. Anton. chaleur, chaud. Le silence sinistre de ces bureaux inoccupés (...) catacombes administratives qu'emplit tantôt un froid de glace, tantôt une chaleur d'étuve (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 1er tabl., II, p. 29). V. ananas ex. 5 et constitutionnel ex. 1 :
• 21. L'acide carbonique (...) avait (...) déterminé, en retournant à l'état gazeux, un effroyable abaissement de la température ambiante (...). Herr Schultze (...) s'était instantanément momifié au milieu d'un froid de cent degrés au-dessous de zéro.
VERNE, 500 millions, 1897, p. 239.
♦ Souffler le chaud et le froid.
♦ [Déterminant de degré] De froid. Synon. rare et vieilli de au-dessous de zéro. Je suis ici (...) avec 13 degrés de froid et un demi-pied de neige (LAMART., Corresp., 1831, p. 107). Sans capote, par 8 degrés de froid, ils marchaient dans la neige avec de mauvais souliers (FRANCE, Vie littér., 1890, p. 183).
2. En partic.
a) Température très sensiblement inférieure à celle du corps humain, destinée à conserver des denrées périssables. Froid industriel; industries du froid. La chambre syndicale des importateurs d'appareils à produire du froid (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 200). C'est pour le transport des viandes d'Amérique du Sud que le froid a reçu pour la première fois une application maritime (LE MASSON, Mar., 1951, p. 72) :
• 22. C'est à un ingénieur français, Charles Tellier (...) justement surnommé le « père du froid », que nous devons l'emploi du froid artificiel pour la conservation des aliments.
BRUNERIE, Industr. alim., 1949, p. 92.
b) Au sing. ou au plur. Température de l'atmosphère, de l'air ambiant, sensiblement (ou très) inférieure à celle du corps humain; moment où règne une telle température. Combien d'arbres (...) des pays chauds, plantés dans nos jardins, n'ont pas succombé à des froids de 18 à 20 degrés...! (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 100). Une journée pluvieuse a succédé aux froids de Noël (Amiel, Journal, 1866, p. 550). Le froid de cinq heures, le froid qui précède l'aube (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 813) :
• 23. Tout pelotonné sur le toit
Que l'atmosphère mouille et plombe,
Le pigeon transi par le froid
Grelotte auprès de sa colombe...
ROLLINAT, Névroses, 1883, p. 244.
SYNT. (Il fait) un froid glacial, humide, intense, mortel, pluvieux, rigoureux, sec, terrible, vif; les grands, les premiers froids; le froid du matin, de la nuit; coup, vague de froid; pôle du froid; craindre, redouter le froid; être transi, grelotter, mourir, trembler de froid; se mettre à l'abri, souffrir du froid; un chaud-et-froid.
♦ Fam. (Il fait) un froid noir, de canard, de chien, de loup, du diable. (Il fait) un froid très intense.
♦ Loc. impers. Il fait froid. Il faisait froid, le brouillard gras des nuits d'hiver leur glaçait la peau (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 171).
3. P. méton.
a) Sensation d'une température sensiblement inférieure à celle du corps humain.
) [Due à une température ambiante très basse] Il se remit à battre le trottoir (...). Il souffrait du froid aux pieds (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 98). La mince couverture a glissé par terre, elle sent de nouveau ce froid dans les os qui délie sa volonté (BERNANOS, Mouchette, 1937, p. 1300) :
• 24. Une légère fraîcheur s'était déjà manifestée au bout de mes doigts; bientôt elle se transforma en un froid très-vif, comme si j'avais les deux mains plongées dans un seau d'eau glacée.
BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 362.
♦ Avoir froid. Éprouver une telle sensation. Avoir froid aux oreilles, aux mains, aux pieds. Je vous écris au moment de partir pour la campagne, sans feu, et j'ai froid aux doigts (MALLARMÉ, Corresp., 1878, p. 182) :
• 25. Je me suis plongé dans ma baignoire. L'eau tiède chassait le froid de mes os, je ne puis dire cela autrement : j'avais froid jusque dans les os.
GREEN, Journal, 1945, p. 258.
Au fig., fam. Ne pas avoir froid aux yeux.
) Vieilli, Littér. [Due à une baisse de la température vitale, à la mort] Le froid d'un cadavre. Le froid des ans, des années, de la vieillesse (Ac. 1835, 1878). Il prit la main du cadavre et le froid de la mort apaisa son délire (SAND, Lélia, 1833, p. 312).
♦ P. exagér. Le froid de la mort est au fond de son cœur rebuté : il semble qu'il finisse dans les ténèbres du néant (SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 159).
) [Due à une vive émotion, le plus souvent la peur, surtout dans l'expr. froid dans le dos] Au sing. ou au plur. Faire courir un froid dans le dos. Il me possédait le mauvais sort (...)! J'en avais tellement l'horreur que j'en grelottais constamment (...) en dépit de la chaleur d'étuve il me passait des froids dans les côtes (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 373). Elle jetait autour d'elle un regard ébloui. Jamais elle n'avait éprouvé en même temps cette chaleur du visage et ce froid dans la poitrine (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 276). V. brûlure ex. 5 :
• 26. Lorsqu'il entra dans sa chambre, bien qu'il fît une chaleur épouvantable, Rodolphe crut sentir un manteau glacé descendre sur ses épaules. C'était le froid de la solitude, de la terrible solitude de la nuit que rien ne vient troubler.
MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 164.
— [Sans art.]
♦ Donner, faire froid (à qqn). Causer une telle sensation (à quelqu'un). Donner froid dans le dos. Une cheminée en pierre de liais cannelée dont le seul aspect donnait froid (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 75). Le calme du gros homme lui faisait froid dans le dos (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 62).
♦ Avoir, se sentir froid. Éprouver une telle sensation. La confession! (...) Il allait pourtant falloir y recourir! Et il se sentit froid dans le dos (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 27). Ce silence traître des bois (...). Mais Gaspard serrait à plein poing son bâton (...) et il ne se sentait pas froid au cœur (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 234) :
• 27. En entendant ce mot, d'Arthez se trouva comme un homme égaré par une nuit noire dans les Alpes, et qui, aux premières heures du matin, aperçoit qu'il enjambe un précipice sans fond (...) il avait froid dans le dos.
BALZAC, Secrets Cadignan, 1839, p. 347.
P. métaph. La vraie religion est en minorité dans ce triste pays [l'Amérique] d'argent et d'intérêts où l'âme a froid (BALZAC, Curé vill., 1839, p. 251).
b) Vieilli. Malaise, maladie due à une température ambiante sensiblement inférieure à celle du corps humain (v. chaud et froid). Synon. mod. refroidissement. J'étais souffrant depuis plus d'une semaine. Dimanche, j'ai pris un froid aux oreilles qui m'a donné des douleurs dont je souffre encore (DELACROIX, Journal, 1853, p. 78). Ayant été malade (...) grâce au froid gagné l'autre jour, il m'a été impossible de finir Le Monde occulte (VILLIERS DE L'I.-A., Corresp., 1888, p. 233) :
• 28. Nous décidâmes le malade à ne pas sortir de sa chambre le lendemain, attribuant le froid qu'il avait eu à quelque fraîcheur du salon.
E. DE GUÉRIN, Journal, 1840, p. 346.
♦ [Sans art.] Mod. Attraper (fam.), prendre froid. Se refroidir. Prendre chaud et froid. La femme de cette canaille d'Augustin est fort malade ayant pris froid au bal du ministère de la guerre (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 370). — T'as attrapé froid alors?... Mais c'est la grippe qui te travaille! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 685).
B.— Au fig. [Emplois en rapport avec la psychol.]
1. Manque de chaleur humaine, de sensibilité. Le froid des souvenirs. Pendant long-temps les travaux écrasants par lesquels il prépara le terrain solide de ses glorieux ouvrages et le froid de la misère furent un merveilleux préservatif (BALZAC, Secrets Cadignan, 1839, p. 319). Le froid méthodique de sa vie de travail avait jeté son ombre sur cet idéal inconscient que chacun apporte ici-bas dès l'enfance (ESTAUNIÉ, Simple, 1891, p. 70) :
• 29. Et comme le grand espace du préau, des classes, sent la cage! Un froid d'insensibilité s'émanait des murs, du mobilier, j'étais égarée, seule, dans un endroit non affectueux, non disposé pour contenir et dégager de la tiédeur cordiale.
FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 209.
— En partic. [Le compl. du nom désigne une œuvre d'art] Vu le Christ ressuscitant, du Carrache. Le terne et le froid de cette peinture m'ont fait voir ce que ce sujet a de beau (DELACROIX, Journal, 1849, p. 294). Pourtant elle [l'Ode de Malherbe] n'échappe pas au froid du genre, aux images d'emprunt, à l'enthousiasme de commande qui vient traverser l'enthousiasme naturel (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 13, 1859, p. 379).
2. Vieilli, souvent péj. Calme, impassibilité de ses sentiments, de ses émotions. Ce qu'on remarquera dès l'abord (...) c'est, au beau milieu de l'expression du plus grand enthousiasme (...) le sentiment d'un très grand calme, qui va souvent jusqu'au froid (VERLAINE, Œuvres posth., t. 2, Charles Baudelaire, 1865, p. 23). Tu sais allier l'enthousiasme et le froid intérieur, observateur d'une humeur concentrée (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 286).
3. a) Vieilli. Réserve, distance, et parfois hostilité. Cet homme est d'un froid qui glace tout le monde. Il lui répondit avec son froid ordinaire (Ac. 1835, 1878). MM. de Caylus, de Croisenois, de Luz et un de leurs amis parurent à Julien d'un froid de glace. Il s'éloigna (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 316) :
• 30. Puis encore, tout à coup, dans cette femme si complexe (...) il semble voir l'Italienne, avec son fond double, ou la Wurtembourgeoise, avec une hauteur et un froid germaniques, remplacer la Française, qui était là près de vous et toute à vous.
GONCOURT, Journal, 1869, p. 493.
b) P. ext. Manque, baisse de cordialité, de chaleur dans les rapports humains. Il y a du froid entre eux (Ac.). On l'avait accusé [Voltaire] de n'avoir pas donné sa voix à Duclos pour l'Académie française; cela avait mis entre eux du froid (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 9, 1854, p. 248). Je crois que je suis doucement en train de me brouiller avec M. S. [Marcel Schwob] à cause d'opinions politiques! Je sentais le froid depuis quelque temps (VALÉRY, Lettres à qq.-uns, 1945, p. 60) :
• 31. Mes anciens camarades se sont souvent étonnés du froid survenu tout à coup entre un de mes meilleurs amis (...) et moi. Ils ne comprenaient point comment deux intimes (...) comme nous étions, avaient pu tout à coup devenir presque étrangers l'un à l'autre.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Bûche, 1882, p. 780.
♦ Être, se mettre en froid avec qqn. Ne plus avoir de rapports cordiaux, chaleureux avec quelqu'un; être fâché, se fâcher avec quelqu'un. Il [Bonneval] trouva moyen de se mettre en froid avec le prince Eugène, un peu vieilli, dont il frondait la maîtresse et les créatures (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 5, 1852, p. 513). Nous sommes en froid, les Ferdinand et moi. Ça les agace de me voir faire une chose qu'ils redoutaient beaucoup de se sentir obligés de faire (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 109).
♦ Vieilli. Jeter du froid. Causer un manque, une baisse de cordialité, de chaleur dans les rapports humains. Les câlineries dont le cabinet des Tuileries est l'objet de la part de l'Autriche, a pour but de jeter du froid entre l'Angleterre et la France, de les rendre indécises au moment où elles doivent agir (BALZAC, Œuvres div., t. 3, 1836, p. 53). Le soir même il y eut entre Gérard et Valentin une explication qui jeta du froid pour l'avenir : ils se séparèrent mécontents l'un de l'autre (CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p. 39).
— P. méton. Gêne, malaise dû à un manque, à une baisse de cordialité, de chaleur dans les rapports humains et parfois à de l'hostilité. Renan (...) dit :« Il y a à savoir si un pays fabriqué par une dynastie peut se faire à un autre régime » (...). Là-dessus, un silence et un froid chez les libéraux du dîner (GONCOURT, Journal, 1882, p. 159). — Je vous serai reconnaissant de ne pas m'appeler « mon cher maître » (...). Une demi-heure de froid, pendant laquelle je boutonne et déboutonne ma blouse (DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p. 59) :
• 32. ... elle leur crachait l'insulte de lâcheté, à toute volée. Et les rires cessèrent, un grand froid avait passé dans les rangs. Les hommes baissaient la tête, regardaient ailleurs.
ZOLA, Débâcle, 1892, p. 41.
♦ Jeter un froid. Causer une telle gêne, un tel malaise. Entrée des femmes Ménard-Dorian, jetant un froid avec leur inanimée beauté et leur timidité gauche de parvenues (GONCOURT, Journal, 1892, p. 227). Puis, avec une brutalité qui jeta un froid et fit un moment de silence, la jeune femme ajouta :« C'est tout simplement répugnant! » (BOURGET, Geôle, 1923, p. 188).
REM. 1. Fret, friot adj.,(région. Ouest, Canada (fret)),(pop.(friot)), synon. Où la petite neige (...) fait des falaises (...) même un homme capable n'a pas grande chance quand il fait ben fret et que la tempête dure (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 141). Je sors de la guitoune (...) des hommes (...) s'appuyant des fesses au parados. Ils disent (...) « Fait friot, mon lieutenant » (GENEVOIX, Nuits de guerre, 1917, p. 92). Il fait friot. On se frotte les mains. On fait le gros dos (GIONO, Gds chemins, 1951, p. 202). 2. Froidasse, adj. fam. Assez froid (supra I B 3). Je lis le soir Servitude et Grandeur Militaire (sic) de l'ami Stello. C'est d'un bon ton, mais passablement froidasse (FLAUB., Corresp., 1846, p. 415).
Prononc. et Orth. :[], fém. [-]. Timbre [a] ds Lar. Lang. fr., WARN. 1968 (en tant que var.), Pt ROB., DUB. D'après GRAMMONT Prononc. 1958, p. 28, le groupe wa est antérieur après un r; ,,mais, si l'r est précédé d'une autre consonne, il est postérieur et bref : froid, ...`` Voyelle longue de la forme en [-d] (féminin) ds WARN. 1968. FÉR. Crit. t. 2 1787 conteste qu'il soit encore possible à son époque de parler, quel que soit le « style », d'une prononc. frè. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 granz freiz subst. plur. « les grands froids » (Roland, éd. J. Bédier, 1011); 2. 1121 freid leu « dépourvu de chaleur » (St Brandan, éd. E. G. R. Waters, 1397); ca 1150 froides noveles « tristes nouvelles » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 9859); ca 1223 fig. « insensible, apathique » (G. DE COINCY, Mir. Notre-Dame, éd. V. F. Koenig, I Mir 43, 442). Du lat. class. frigidus « froid, glacé », « qui laisse indifférent », « fade ». Fréq. abs. littér. :13 587. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 17 317, b) 24 895; XXe s. : a) 21 536, b) 16 715. Bbg. ARICKX (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, n° 3, p. 131. — GOHIN 1903, p. 336. — GRUNDT (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, pp. 119-122. — LAVONDÈS (H.). Essai de structuration du lex. du chaud et du froid en fr. ... In : [Mél. Haudricourt (A. G.)]. Paris, 1972, t. 2, pp. 395-403. — QUEM. DDL t. 6, 8, 15. — SCHMITT (R.). Aux sources des métaph. Vie Lang. 1972, p. 646.
1. froid, froide [fʀwɑ, fʀwɑd] adj.
ÉTYM. XIVe; froit, froide, XIIe; freit, freide, fin XIe; du lat. frigidus, un i bref, à la première syllabe, s'étant substitué dans le lat. pop. au i long du lat. class.
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1 (V. 1196). Qui est à une température sensiblement plus basse que celle du corps humain. ⇒ 2. Froid. || Un peu, assez froid. ⇒ Frais. || Très froid. ⇒ Glacé, glacial; aussi algide. || Eau froide (→ Ablution, cit. 2), douches froides; bains (cit. 8) froids. || Boissons (cit. 3) froides. || Un vent, un air froid et glacé qui souffle du Nord (→ 1. Avoir, cit. 18.1; fin, cit. 11). ⇒ Aquilon. || Le fond (cit. 44) de l'air est froid. || Courant froid, courant d'air froid. || Pluie froide (→ Arroser, cit. 5). || La nuit était froide. || Aurore (cit. 14) froide. || Temps froid. — L'hiver a été très froid. ⇒ Rude. || La saison froide. ⇒ Hiver. || Un mois, un avril froid (→ Fleurir, cit. 19). — Faire froid. || Il fait froid, plus froid qu'hier (→ 1. Claquer, cit. 4). || Brr ! qu'il fait froid ! ⇒ fam. Frisquet, frigo, frio. — Avoir les mains, les pieds froids. ⇒ Gelé. — ☑ Loc. fig. Avoir les mains froides et le cœur chaud. — ☑ Prov. Froides mains, chaudes amours. — Chair un peu froide (→ Céder, cit. 24). — Une pièce mal exposée et froide. ⇒ Glacière. || Froid comme la glace, comme l'acier, comme le marbre (→ Coucher, cit. 20).
1 (…) vous voulez, Acis, me dire qu'il fait froid; que ne disiez-vous : « Il fait froid ? » Vous voulez m'apprendre qu'il pleut ou qu'il neige; dites : « Il pleut, il neige ».
La Bruyère, les Caractères, V, 7.
2 L'air froid resserre les extrémités des fibres extérieures de notre corps : cela augmente leur ressort (…) Il diminue la longueur de ces mêmes fibres; il augmente donc encore par là leur force… On a donc plus de vigueur dans les climats froids.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XIV, II.
3 Le vent nous força d'anordir et nous accostâmes le banc de Terre-Neuve. Quelques glaces flottantes rôdaient au milieu d'une bruine froide et pâle.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 268.
4 Le parloir me sembla plus froid, plus humide, plus inhospitalier, plus insidieux et la servante plus effarée, plus silencieuse que jamais.
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, p. 458.
5 Le raisin est quasi mûr. La petite aurore me le livre froid, perlé, élastique et giclant sucré sous la dent (…)
Colette, la Naissance du jour, p. 218.
♦ Spécialt. Qui est habituellement froid. || Région froide. || Les pays froids. || Mers froides. || Climat froid.
♦ Par ext. Qui ne tient pas chaud, qui ne réchauffe pas (s'oppose à chaud). || Un vêtement, un manteau froid. || Cette couverture de coton est froide. || Un froid soleil d'hiver. — Par anal. || Des yeux froids (→ Acier, cit. 8; amenuiser, cit. 4).
6 Ses yeux froids où l'émail sertit le bleu de Prusse
Ont l'éclat insolent et dur du diamant.
Verlaine, Poèmes saturniens, « Une grande dame ».
7 (…) un froid soleil, souvenir lointain des ardeurs de l'été.
M. Barrès, Leurs figures, p. 364.
♦ (1273). || Lumière froide. || Teinte froide. — Le bleu, le violet, le gris, le vert, couleurs froides, sans chaleur.
7.1 Ne pas craindre, quand le ton de chair est devenu trop blanc par l'addition de tons froids, de remettre franchement les tons chauds du dessous, pour les mêler de nouveau.
E. Delacroix, Journal, 22 sept. 1844.
8 Le laboratoire était blanc et gris, largement baigné d'une froide lumière électrique.
Van der Meersch, l'Élu, p. 22.
♦ (Odeurs). Cf. Larbaud, Colette, Gracq, in T. L. F.
2 (XIIIe). Qui s'est refroidi ou qu'on a laissé refroidir. || Une odeur de cendre (cit. 4) froide. || Le poêle est froid, remettez vite du charbon. || Cela sent la pipe froide. — Ranimer un noyé dont le corps était déjà froid.
♦ (1890, Zola). En parlant d'une machine, d'un moteur, etc. Qui n'a pas fonctionné depuis un certain temps, dont les organes ne sont pas à la température convenable. || Le moteur est encore froid. || Voiture froide qui démarre difficilement. || Moteur froid, qui a des ratés, qui ne tourne pas rond.
9 Jacques (…) se rendit au dépôt (…) Deux machines étaient déjà là, froides, endormies.
Zola, la Bête humaine, p. 188.
♦ (En parlant d'aliments cuisinés). || Graisse froide, qui se fige (cit. 4). || Ce potage est froid. || Allons, à table ! tout va être froid. || Des tranches de viandes froides. || Du poulet froid. — Spécialt. || Viandes froides, préparées pour être mangées froides. || Assiette anglaise garnie de viandes froides. — (1865). Composé de plats froids. || Un repas froid, composé de mets froids. || Buffet froid. || Un souper froid au champagne. || Vous pouvez servir cet entremets chaud ou froid.
10 (…) elle ne faisait la cuisine que deux fois par semaine, elle gardait les viandes cuites, que la maîtresse et la servante mangeaient froides (…)
Balzac, Ursule Mirouët, Pl., t. III, p. 423.
⇒ aussi Chaud-froid.
♦ ☑ Loc. La vengeance est un plat qui se mange froid.
♦ ☑ Loc. fig. et argotique. Viande froide : cadavre(s).
♦ (Emploi adverbial). || Manger froid, des plats froids (ou des plats destinés à être servis chauds et qui ont refroidi). || Venez vite vous mettre à table, sinon vous allez manger froid.
3 (1791; vieilli en sciences). || Animaux à sang froid (à température variable). ⇒ Poïkilotherme, ectotherme. — ☑ Loc. (1843, Gautier). Sueur froide (→ Écroulement, cit. 7; émotion, cit. 13). || Humeurs froides (vx). ⇒ Écrouelles, scrofules. — (1845, Bescherelle). || Abcès froid, qui ne présente pas d'inflammation.
11 Une froide sueur d'angoisse mouillait sa chemisette entre les épaules (…)
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, XVI, t. II, p. 179.
♦ Littér. (animaux). Dont la peau est habituellement froide. || Froid lézard (Hugo), froid crapaud (Mirbeau).
4 (Du sol). Dont la température, inférieure, provoque une végétation plus tardive. || Terres froides. || Amender, réchauffer une terre froide.
———
II
1 Qui ne s'anime ou ne s'émeut pas facilement. a (1761, Rousseau). Par suite de son tempérament. ⇒ Flegmatique. || Un tempérament, un caractère (cit. 47) froid. || Homme froid aux réactions peu rapides (→ Empesé, cit. 2). — N. (surtout au plur.) || Les plus froids ont cédé à cet entraînement (cit. 1) universel.
♦ (Animaux). || Cheval froid, qui a besoin d'être vivement sollicité par son cavalier pour se mettre en action. || Taureau froid, qui dans l'arène manque de vitalité, de réaction.
12 Don Juan n'est pas toujours un homme de tempérament exigeant; Don Juane est souvent une femme froide.
A. Maurois, Un art de vivre, p. 81.
13 (…) il lui fallait du temps pour qu'elle se mette en train dans les émotions. C'est pas qu'elle était froide, puisque ça la saisissait plutôt comme une tourmente, mais il lui fallait du temps.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p 449.
13.1 Les petites Françaises câlines et froides, qui ne découvrent le plaisir qu'à vingt-six ans !
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 46.
b (V. 1360). Par suite du contrôle qu'il exerce sur soi. ⇒ Calme, flegmatique, impassible, imperturbable, marmoréen (Littér.). || Combattant qui reste froid au milieu du danger (→ Cavalier, cit. 5; courage, cit. 10). || Le grand comédien, selon Diderot, doit être froid et lucide (→ Brûler, cit. 15).
♦ ☑ (Av. 1696, La Bruyère). Tête froide. || Avoir, garder la tête froide. ⇒ Sang-froid. || C'est une tête froide (→ Étude, cit. 16). — La froide raison (→ Aliéniste, cit. 2; 1. feu, cit. 71; folie, cit. 18). || Froide réflexion (→ Flotter, cit. 18). — (En parlant d'émotions qui n'éclatent pas). || Une colère, une rage froide (→ Alimenter, cit. 2).
14 Toutes les faces des carrés anglais furent attaquées à la fois. Un tournoiement frénétique les enveloppa. Cette froide infanterie demeura impassible.
Hugo, les Misérables, II, I, X.
15 Le délire scientifique plus raisonné et plus froid que les autres est en même temps le moins tolérable d'entre tous.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 257.
2 (V. 1360). Personnes, comportements. Dont la réserve marque de l'indifférence, de la distance ou une certaine hostilité. ⇒ Austère, distant, glacial, grave, indifférent, posé, réservé, sérieux, sévère. || Un abord, un air froid (→ Aversion, cit. 4; éteindre, 51; façon, cit. 41). || Une politesse, une correction (cit. 12) froide. || Des façons (cit. 44) froides. || Répondre d'un ton froid. || Rester froid devant les efforts, les avances de qqn (→ Échauffer, cit. 9). || Il nous a fait un accueil bien froid. ⇒ Glacial. || Un froid silence, un froid mépris.
16 Le juste opposera le dédain à l'absence
Et ne répondra plus que par un froid silence
Au silence éternel de la Divinité.
A. de Vigny, les Destinées, « Mont des Oliviers ».
17 (…) je pris un air froid qui coupa court aux effusions qu'elle espérait (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIII, p. 81.
18 On la trouvait hautaine et froide; elle ne saluait personne, mais il y avait dans ce maintien plus de timidité que de hardiesse ou de hargne.
M. Jouhandeau, Tite-le-Long, XIX.
19 Il est un ton, à quoi reconnaître à distance la passion partisane. Ce n'est pas nécessairement (comme on le suppose) un ton chaud et persuasif. Non. Mais plutôt un ton froid, détaché, extérieur (…)
J. Paulhan, Entretien sur des faits divers, p. 114.
♦ ☑ Loc. (1699, Massillon). Laisser (qqn) froid, ne lui causer aucune émotion, aucun effet. || Son humour me laisse froid. || C'est une nouvelle qui ne peut pas nous laisser froids. || Ce spectacle me laisse froid (→ Avouer, cit. 20).
19.1 (…) les histoires d'un Vanier possédant ou non des manuscrits (…) et toutes autres légendes, ne peuvent que nous laisser froids jusqu'à — au-delà même — congélation plus que polaire, attendu que personne absolument ne songe plus à ces choses.
E. Delahaye, Lettre à G. Nouveau, 31 mars 1910, in G. Nouveau, Pl., p. 974-975.
19.2 — Songe un peu à nos descendants, dit Hubert, piqué. Songe à tes arrière-petits-enfants. Vraiment, je suis surpris que les miracles du siècle te laissent aussi froid.
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 147.
♦ ☑ Loc. Ça ne me fait ni chaud ni froid.
♦ ☑ Vx. Faire froide mine à qqn, lui faire un accueil froid. ⇒ Gris (grise mine). — Vx. || Faire froid à qqn (même sens).
♦ ☑ Loc. mod. Battre (cit. 10, 11) froid à quelqu'un.
3 (1732, Voltaire). Personnes, facultés, comportements. Qui est dépourvu de sensibilité, de générosité, de ferveur. ⇒ Dur, insensible, sec. || Homme sec et froid (→ Atrabilaire, cit. 8), froid et méchant (→ Exprimer, cit. 18). || Analyse froide et impitoyable (→ Abstracteur, cit. 2). || Un froid doctrinaire de la violence. || Bourreau froid et implacable. — Un cœur froid, une âme froide. ⇒ Aride. || La plus froide insensibilité (→ Extrémité, cit. 17). || Acte de froide cruauté. || Haine froide. || Prière, dévotion froide et mécanique. || Conduite qui obéit à de froids calculs. || La froide politique. || Les froides spéculations d'une science abstraite. || Cette charité froide qu'on nomme l'altruisme (cit. 2).
20 Ne me vantez point le caractère de N… : c'est un homme dur, inébranlable, appuyé sur une philosophie froide, comme une statue de bronze sur du marbre.
Chamfort, Caractères et anecdotes, Le caractère de N…
21 Nous avons pu déplorer (…) que la froide politique eût seule présidé à ces démolitions faites sans discernement.
G. Sand, Un hiver à Majorque, II, 5.
22 (…) greffer sur leur barbarie sa froide cruauté de Hohenzollern.
Loti, Suprêmes visions d'Orient, p. 291.
23 Les cœurs froids n'ont pas de peine à se déprendre.
André Suarès, Trois hommes, « Pascal », III.
24 Une froide et parfaite clarté est un poison qu'il est impossible de combattre. Le réel, à l'état pur, arrête instantanément le cœur (…)
Valéry, Eupalinos, p. 165.
4 (1669, Boileau). Personnes, œuvres, créations. Qui ne suscite aucune émotion, par défaut de sensibilité, d'éclat, de vie. ⇒ Ennuyeux (cit. 6), inexpressif, languissant, monotone, plat, terne. || Un écrivain, un orateur froid (→ Auteur, cit. 34; exactitude, cit. 9). — Un froid écrit assomme (cit. 5). || Un livre, un style froid. || Cette scène a été jugée bien froide. || De froides abstractions, de froides fictions (cit. 7). || Une froide imitation (→ Anachronisme, cit. 3). || Ce qu'il y a de froid dans ses propos, sa conversation (→ Aigre, cit. 17; attention, cit. 10). || Plaisanterie, raillerie froide, dure et sans agrément. — Dessin correct, mais froid. || Tableau froid malgré son sujet évocateur. || Une musique froide et sans âme. || Il y a dans son art quelque chose de froid et de cérébral. — REM. Ces emplois concernent l'absence d'émotion esthétique et non pas une simple qualité sensible comme ci-dessus I., 1. supra et infra cit. 8.
25 (…) la scène d'Alain et de Georgette dans le logis, que quelques-uns ont trouvée longue et froide (…)
Molière, Critique de l'École des femmes, 6.
26 On dit qu'un morceau de poésie, d'éloquence, de musique, un tableau même, est froid, quand on attend dans ces ouvrages une expression animée qu'on n'y trouve pas.
Voltaire, Dict. philosophique, Froid.
27 Sur le fond, Télémaque à deux genoux devant sa mère (…) il est froid, plat, sans caractère, sans expression, sans grâce, sans noblesse, sans aucun mouvement (…)
Diderot, Salon de 1765, La Grenée, Retour d'Ulysse.
28 Lebrun était tout bonnement un faux monsieur de l'Empyrée; sa verve était aussi froide que ses transports étaient glacés.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 179.
29 Soit que la langue ait avancé, soit qu'elle ait rétrogradé (…) il est certain que je trouve quelque chose d'usé, de passé, de grisaillé, d'inanimé, de froid dans les auteurs qui firent les délices de ma jeunesse.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, p. 182.
30 Ces hommes qui ne recherchent que l'esprit, ne sont rien autre que des génies froids, sans flamme de sentiment qui les anime (…)
Émile Faguet, Études littéraires, XVIIe s., Boileau, IV, 1.
♦ (D'un spectacle naturel). || Un paysage froid et sans âme. || Femme d'une beauté froide.
5 ☑ Loc. (1924, Maurois; trad. angl. cold war; opposé à chaud). Guerre froide : hostilités n'allant pas jusqu'aux opérations militaires, jusqu'à la mort des adversaires. — Spécialt (après 1945). État de tension entre les puissances capitalistes et socialistes, après la guerre de 1939-1945.
———
III ☑ Loc. adv. À froid.
1 Sans mettre au feu, sans chauffer. || Battre, forger le fer à froid. || Laminer, étirer à froid. || Infuser à froid : macérer. || Décor, plaque poussés à froid sur le cuir d'une reliure. || Teindre, imprimer à froid. || Permanente à froid. — Ciseau à froid. — Pour démarrer à froid, tirez le starter. || Démarrage à froid.
♦ (1901, in D. D. L.). Chir. || Opérer à froid : pratiquer une opération quand les phénomènes inflammatoires ont disparu, en dehors des crises aiguës (→ Aigu, cit. 13).
♦ ☑ Sport. Prendre, cueillir un adversaire à froid, le surprendre d'entrée de jeu par une action, ou un coup rapide, sans lui laisser le temps de s'échauffer, de se mettre en train. || Boxeur cueilli à froid au premier round.
2 Fig. Sans chaleur apparente, sans émotion véritable. || S'emporter à froid. || Une colère à froid. || Une plaisanterie à froid d'un pince-sans-rire. || Poète qui fait de l'enthousiasme à froid. || S'exciter à froid sur un sujet, un événement. || À froid, il n'aurait pas réagi aussi brutalement.
31 Rien ne révolte plus que des personnages qui parlent à froid de leurs crimes.
Voltaire, Lettre à d'Argental, 673, 19 janv. 1741.
32 (…) férocité à froid de rustre aigri par les éternelles déceptions (…)
Courteline, le Train de 8 h 47, I, II.
33 C'est à cause de cette certitude que beaucoup d'hommes, comme Martial, se souvenaient de la guerre avec tant de plaisir : une période heureuse de leur vie. Mais, dans le civil, à froid, si l'on peut dire, l'altruisme est autrement difficile. Est-il vraiment le foyer qui brûle au cœur des grands réformateurs, des chefs révolutionnaires ?
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 214.
❖
CONTR. Chaud. — Bouillant, brûlant, incandescent, tempéré, tiède, torride. — Ardent, émotif, emporté, fougueux, nerveux, vif. — Amoureux, sensuel. — Accostant (vx), affectueux, aimable, amical, chaleureux, communicatif, compatissant, complimenteur, cordial, enflammé, enthousiaste, éperdu, expansif (cit. 4), familier, liant, ouvert. — Fervent, généreux, sensible. — Animé, attendrissant, brillant, éclatant, émouvant, expressif. — À chaud.
DÉR. 2. Froid, froidement, froideur, froidir, froidure. — (Du sens II.) Froidasse.
COMP. Refroidir. — Chaud-froid, sang-froid. — Pisse-froid.
HOM. 2. Froid.
————————
2. froid [fʀwɑ] n. m.
ÉTYM. XIIIe; freit, 1080; subst. de 1. froid.
❖
1 (V. 1240). État de la matière, de l'atmosphère quand elle est froide (par rapport au corps humain); sensation thermique spécifique résultant du contact de fibres nerveuses spécifiques avec un corps ou un milieu froid. || Le froid de la glace, de la neige, du marbre, de l'acier. — (1080). Spécialt (en parlant de l'atmosphère). || Un froid intense; un grand froid. || Les grands froids polaires, sibériens. || Froid doux, modéré. ⇒ Fraîcheur. || Froid sec, humide. || Le chaud et le froid. || Succession, alternance du chaud et du froid (→ Ardeur, cit. 1; bise, cit. 2; cesser, cit. 1; endurcir, cit. 2 et 17; faux, cit. 47). || La saison du froid, des grands froids. ⇒ Froidure, hiver. ☑ Coup de froid : abaissement subit de la température (→ Bora, cit.). || Vague de froid. Spécialt (vieilli). || Il fait cinq degrés de froid : cinq degrés au-dessous de zéro. — Action, effets du froid. || Rigueur du froid (→ Amollir, cit. 9; approchant, cit. 1). || Froid aigre, aigu, âpre, cuisant, mordant, pénétrant, piquant, rigoureux, terrible, vif, vivifiant. — ☑ Loc. fam. Un froid noir; un froid de canard, de chien, de loup, du diable, de tous les diables (cit. 13), de gueux : un grand froid. ☑ Un froid à pierre fendre (cit. 2). — Froid qui contracte, engourdit, fige, marbre, pince, pique, saisit. || Le froid a crevassé, marbré sa peau. || Affections cutanées causées par le froid. ⇒ Crevasse, engelure, onglée. || Visage bleu, bleui, pâle, rouge, rougi, violet de froid. || Braver, supporter le froid. || Craindre le froid (⇒ Frileux). || S'habituer, s'accoutumer peu à peu au froid. || Souffrir du froid. || Être transi, tremblant de froid. ⇒ Frissonner, grelotter; cailler (pop.), geler; claquer (des dents); frigorifié, morfondu. || Pleurer de froid (→ Embrumer, cit. 6). || La résistance au froid. Par exagér. ☑ On meurt, on crève de froid ici : on souffre cruellement du froid (→ Bouge, cit. 2). — ☑ Loc. Souffler le chaud et le froid (→ Arrière, cit. 1).
1 (…) au travers du pays dépouillé de verdure par le froid hivernal (…)
Clément Marot, Épîtres, V.
2 Il faisait, dans cette avenue,
Un froid de loup, un temps de chien.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Par un mauvais temps ».
3 Les enfants, percés de froid et ne pouvant dormir, geignaient sous le pauvre abri des ménages (…)
E. Fromentin, Une année dans le Sahel, p. 82.
3.1 Chacun dut prendre aussi, tous les jours, un exercice salutaire, et ne pas s'exposer sans mouvement à la température, car, par des froids de trente degrés au-dessous de zéro, il pouvait arriver que quelque partie du corps se gelât subitement.
J. Verne, Un hivernage dans les glaces, p. 264-265.
3.2 En passant, il jeta un coup d'œil sur le thermomètre extérieur et vit le mercure gelé. Le froid avait donc dépassé quarante-deux degrés au-dessous de zéro.
J. Verne, Un hivernage dans les glaces, p. 309.
4 (…) le froid nous prend, ce froid pénétrant des montagnes, qui gèle le sang et paralyse les membres. Il semble caché, embusqué dans le vent; il pique les yeux et mord la peau de sa morsure glacée.
Maupassant, la Vie errante, « La Sicile ».
5 Il faisait un froid à fendre les dolmens, un de ces froids déchirants qui cassent la peau et font souffrir horriblement de leur brûlure de glace.
Maupassant, M. Parent, Le baptême.
6 (…) un froid qui me pénétrait (…) jusqu'à la moelle des os (…)
Loti, Mon frère Yves, XXIX.
7 (…) sur un petit coup de froid, juste avant le printemps, je me suis mis à tousser sans arrêt, salement malade.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 313.
8 Tout ça ne rimait à rien, il faisait un froid de chien, et un sale temps. Il échoua à son hôtel, et se mit à potasser ses bouquins.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, III.
9 Combattent-ils l'ennemi ou le froid ? Plus de dix degrés au-dessous. Les mitrailleurs détestent tirer avec leurs gants, mais l'acier des mitrailleuses brûle de froid (…) Chacun regarde éclater autour de lui les obus anti-aériens, la face gelée, le corps dans la chaleur de sa combinaison fourrée (…)
Malraux, l'Espoir, II, I, II.
9.1 (…) il faisait un froid de canard, quatre au-dessous dans l'appartement, et pas de bois, pas de charbon non plus.
M. Aymé, le Vin de Paris, p. 105.
♦ Faire froid. || Il fait froid, très froid, assez froid : le temps est froid. ⇒ Frisquet.
♦ (1273). || Avoir (cit. 30) froid : éprouver une sensation de froid. || Avoir froid aux mains, aux pieds, aux doigts. || Battre la semelle, souffler dans ses doigts quand on a froid.
♦ ☑ (XXe). Donner, faire froid : procurer une sensation de froid. || Cela donne froid dans le dos.
10 Mon frère a froid, nous gelons chez nous. Alors, je suis allée ramasser ça, le long des haies.
Zola, la Terre, I, IV.
♦ ☑ (1826, in D. D. L.). N'avoir pas froid aux yeux : avoir un regard résolu; par ext., être audacieux, décidé, hardi → Œil, cit. 46.
10.1 (…) une gaillarde à biceps, et qui n'avait pas froid aux yeux, ni ailleurs.
R. Queneau, Pierrot mon ami, L. de Poche, p. 20.
♦ (1834, Balzac). Par métonymie. || Prendre froid. ⇒ Refroidissement (→ Expectant, cit. 2; fluxion, cit. 2). || Attraper froid. — ☑ Loc. Attraper un chaud et froid (→ ci-dessous, 3. : un froid).
11 (…) si on va trop vite, on est en transpiration et dans l'église on attrape un chaud et froid.
Camus, l'Étranger, I, I.
♦ Phys. || Étude du froid, des grands froids. || Quantité de froid fournie à un corps quand on lui enlève une grande calorie. ⇒ Frigorie. || Pôle du froid : le zéro absolu (−273°).
♦ Géogr. || Les pôles du froid : les régions géographiques où le thermomètre enregistre les plus basses températures (Sibérie, Arctique, Groenland).
11.1 Il semble même que, par suite de certaines dispositions géographiques et hydrographiques, l'endroit où la moyenne de la température est la plus basse, est situé sur le quatre-vingt-quinzième méridien et par soixante-dix-huit degrés de latitude, c'est-à-dire sur les côtes de la Géorgie septentrionale. Là, cette moyenne serait seulement de deux degrés au-dessous de zéro (19° centigr. au-dessous de glace) pour l'année entière. Aussi ce point est-il connu sous le nom de « pôle du froid ».
J. Verne, le Pays des fourrures, t. I., p. 246.
♦ (1872). || Froid artificiel, ou industriel, produit par les divers procédés de réfrigération et de congélation. — Absolt. || Production du froid (⇒ Congélation, climatisation, réfrigération; frigorifique). || Production industrielle du froid par la détente d'un gaz comprimé, par évaporation. || Techniques et industries du froid; laboratoires du froid. || Utilisation, applications industrielles du froid (à la conservation des denrées périssables, à la climatisation, aux essais de matériaux). || L'Institut français du froid industriel prépare les ingénieurs frigoristes. Fam. || Ingénieur dans le froid : frigoriste. || La chaîne du froid. — Cour. || Ce réfrigérateur ne fait pas assez de froid. — Méd. || Thérapeutique par le froid. ⇒ Cryothérapie, frigothérapie; hibernation.
12 (…) je réfléchis à tous les bénéfices que recueillent, du froid discipliné, notre hygiène, notre gourmandise (…)
Colette, Prisons et Paradis, Sur l'« Éros ».
13 Je pense que nous ne faisons que commencer, au profit de la gastronomie, l'exploitation du froid électrique.
Colette, Prisons et Paradis, Sur l'« Éros ».
♦ Par métonymie et fam. Matériel de réfrigération. || « Mieux, les Français complètent, lentement mais sûrement, leur équipement domestique d'un congélateur et d'un lave-vaisselle. En 1982, la vente de “froid” a progressé de 17,5%. » (Libération, 27 oct. 1983).
♦ Biol. || Résistance des végétaux au froid. || Seuil de résistance au froid. || Adaptation des végétaux au froid, par vernalisation. — Défense des organismes animaux contre le froid (⇒ Thermo-régulation). || Les frissons, l'horripilation, la contraction des muscles pilo-moteurs (→ Chair de poule), réflexes de défense contre le froid. || Animal forcé par le froid, dont l'organisme ne résiste plus au froid (au-dessous d'une température critique).
♦ Psycho-physiol. || Sensation de froid. || Points de froid.
14 Des sensations de chaud et de froid se trouvent déclenchées par des stimulations adéquates de la peau et des muqueuses. Elles naissent de l'excitation de deux catégories de récepteurs entièrement indépendantes (…) Sur la cornée il y a de nombreux points de froid, alors que les points de chaud font entièrement défaut.
H. Piéron, la Sensation, p. 34.
2 (1677, Racine). État ou sensation analogue ou comparable à la sensation de froid. || Le froid de l'âge, des ans, dû à la vieillesse. || Le froid de la mort, du tombeau. || Il sentit un froid mortel gagner ses membres, courir dans ses veines (→ Flageoler, cit. 1). || Peur, danger qui donne froid. || Dans sa détresse et sa solitude, il sentait le froid l'envahir. || Avoir froid au cœur (→ Cru, cit. 11). || Se sentir froid. || Cela m'a fait froid dans le dos (de peur, d'horreur) rien que d'y penser (⇒ Frisson, frissonner).
15 Un cœur déjà glacé par le froid des années !
Racine, Mithridate, IV, 5.
16 Une fois enfermée au temple, elle (…) s'accoutume à boire le calice en silence. La tête de la princesse de Lamballe, présentée aux barreaux, lui avait donné le premier froid de la mort.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 14 juil. 1851, t. IV, p. 342.
17 (…) le Petit Chose, perché sur le haut de la diligence, sentit, en entrant dans la ville, le froid le saisir jusqu'au cœur.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, Gagne ta vie.
18 Nous sentons venir le froid du danger et nous en avons le frisson.
J. Vallès, Jacques Vingtras, Le bachelier, p. 69.
19 Ils burent debout, comme dans une gare, et le froid serrait la gorge de Chéri, qui grelottait secrètement des mâchoires.
Colette, la Fin de Chéri, p. 179.
20 Il ne sentait pas la peur; il était moins inquiet qu'irrité. Toutefois sa fatigue était si grande que le froid l'avait saisi : il grelottait dans sa soutane trempée de sueur.
Bernanos, Sous le soleil de Satan, p. 154.
20.1 Je ne suis qu'un élément dans cet immense brassage. Je fais partie d'un monde sans mesure humaine. J'en ai souvent froid dans le dos, et maintenant, depuis déjà plusieurs jours, plus aucun bateau ne se montre.
Alain Bombard, Naufragé volontaire, p. 172.
20.2 J'ai consulté, tout à l'heure, le cahier 1962. Pour y trouver des pages qui, une fois de plus, et de la même manière que si souvent (…) m'ont, de nouveau fait froid au cœur (…) Comme déjà au début de l'année, lorsque je préparais mes textes pour Mosaïc, me saisit l'angoisse de ces pages que dix ans séparent et qui, physiquement, sont pareilles au point qu'on pourrait les changer de cahier.
Claude Mauriac, le Temps immobile, p. 147.
♦ ☑ Loc. Cela ne fait ni chaud ni froid (→ Chaud, cit. 13).
♦ ☑ Loc. (1890). Vx. Jeter du froid entre deux personnes. — ☑ (XXe). Mod. Jeter un froid : produire une impression de gêne, de malaise. || Cette nouvelle, cette déclaration jeta un froid dans l'assemblée (→ Faire l'effet d'une douche). || Ces paroles ont jeté un froid dans l'assistance.
3 Vx ou régional. || Un froid : un refroidissement. || Attraper, prendre un froid.
4 (1667, Corneille). Littér. Manque, absence ou diminution d'affection, d'amitié, de chaleur dans les relations humaines. || Il y a du froid, un certain froid entre eux : leurs rapports sont devenus moins bons. ⇒ Attiédissement.
21 Le soir, et ce fut pour la première fois de leur vie, il y eut du froid entre la mère et la fille. Celle-ci demanda la permission de se coucher de bonne heure.
Stendhal, le Rose et le Vert, II.
22 (…) elle répandit, par sa seule attitude, par l'air de son visage et l'ennui de ses yeux, du froid autour d'elle, comme si elle venait d'ouvrir une fenêtre.
Maupassant, Fort comme la mort, I, III.
♦ ☑ Cour. En froid. || Vivre en froid avec qqn. ⇒ Antipathie. || Être en froid avec qqn, n'être plus en bons termes avec lui. || Nous sommes en froid, brouillés, fâchés. ⇒ Bouderie, brouille, délicatesse, fâcherie, mécontentement, mésentente, mésintelligence.
23 Fanny, qui vivait très en froid avec son père, blessée de ce qu'il s'était retiré chez son gredin d'aîné, au lieu de se réinstaller chez elle (…)
Zola, la Terre, IV, IV.
23.1 (…) ils étaient en froid depuis trois générations. La brouille entre les deux familles était survenue quelques années après la mort de l'ancêtre commun (…)
M. Aymé, la Vouivre, p. 7.
♦ (Av.1696, La Bruyère). Spécialt (en art). ⇒ Froideur.
24 (…) sachez, Monsieur de la Grenée, qu'en général le symbole est froid, et qu'on ne peut lui ôter ce froid insipide, mortel, que par la simplicité, la force, la sublimité de l'idée.
Diderot, Salon de 1765, La Grenée.
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CONTR. Chaleur, chaud. — Ardeur.
HOM. 1. Froid.
Encyclopédie Universelle. 2012.