il [ il ] pron. pers. m.
• 842; du lat. ille « celui-là » REM. Dans la prononciation familière : il dit [ idi ]; ils ont dit [ izɔ̃di ].
I ♦
1 ♦ Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier (il) et du pluriel (ils), du genre masculin, représentant un nom masculin qui vient d'être exprimé ou qui va suivre (⇒ lui; eux, 1. leur). « Il est si beau, l'enfant... » (Hugo). « Il classait des articles, décachetait des lettres, alignait des comptes » (Flaubert). Inversion dans l'interrogation Viendront-ils ? (Avec un t euphonique) Viendra-t-il ? — En incise Dit-il, pense-t-il.
2 ♦ Représente l'être à qui l'on parle, dans un registre affectif. « Vous voilà mon beau chéri ! Comme il est en retard ! » (Romains).
3 ♦ Au plur., désigne des personnes qu'on préfère ne pas mentionner mais qu'on tient pour responsables de l'action désignée par le verbe (gouvernement, administration, riches...). « On disait “Ils l'ont arrêté”, et ce “Ils” [...] désignait à peine des hommes » (Sartre).
II ♦ IL, pron. pers. neutre 3e pers. (lat. illud « cela »)
1 ♦ Sert à introduire les verbes impersonnels. (Phénomènes naturels) Il neige. Il fait chaud. Littér. « Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville » (Verlaine). Il était une fois. Il y a. Il faut. Il convient. Il arrive que. (Verbes d'état) Il semble qu'il se soit trompé. Il paraît. Il est temps. Quelle heure est-il ? Il en est question. (Verbes intr.) Il ne tient qu'à vous de. « S'il n'en reste qu'un, je serai celui-là ! » (Hugo). (Pronominaux impers.) Il s'agit de réagir. Il se peut qu'elle n'ait pas compris.
♢ Impers. pass. Il ne sera pas dit que. Il sera satisfait à votre demande. Il sera procédé à la vente. Il a été décidé que. REM. Cette construction peu élégante est très employée afin de ne pas nommer le responsable.
⊗ HOM. Hile, île.
● il pronom personnel masculin de la 3e personne (latin ille, celui-là) ils pronom personnel masculin de la 3e personne (latin ille, celui-là) Sujet d'un verbe à la 3e personne, représentant un nom masculin singulier (il) ou pluriel (ils), qui a été ou qui va être exprimé, ou désignant une (ou des) personne(s) présente(s) ou non dans la situation : Votre frère ne viendra pas, il est malade. Au singulier, sujet des verbes impersonnels ou employés dans des constructions impersonnelles : Il s'agit de votre avenir. Il tombe des grêlons. Au singulier, comme pronom neutre, a la valeur de ce, cela (dans quelques expressions) : Il est vrai. Il n'importe. Au pluriel, représente des noms de genres différents : La colle, les ciseaux ? Ils sont dans le tiroir. Au pluriel, peut être utilisé comme indéfini et représenter un nombre indéterminé de personnes : Ils ont encore augmenté les prix. ● il (difficultés) pronom personnel masculin de la 3e personne (latin ille, celui-là) ils pronom personnel masculin de la 3e personne (latin ille, celui-là) Prononciation Dans le registre courant, il est aujourd'hui prononcé le plus souvent comme i : il vient, il me l'a dit, il y a sont prononcés comme i vient, i m'la dit, i'a. Recommandation Dans le registre soigné, articuler distinctement le l. Emploi 1. Il sous-entendu. Il impersonnel peut être sous-entendu ; dans ce cas, le verbe est au singulier : reste les problèmes que mon prédécesseur n'a pas résolus (pour : il reste les problèmes...) ; manque les observations du contrôleur (pour : il manque...). On peut également écrire, sans sous-entendre il : restent les problèmes... ; manquent les observations... (les verbes rester, manquer, ont dans ce cas pour sujets : les problèmes, les observations). 2. Il est employé pour il y a. Dans le registre poétique, dans les proverbes, il est est parfois employé à la place de il y a : il est une fontaine au creux d'un vallon ; il n'est pire eau que l'eau qui dort. Accord Il n'y a de... que, il n'y a pas plus... que. Dans ces expressions, l'adjectif s'accorde avec il, et reste au masculin singulier : il n'y a de beau que la vérité. «Il n'y a pas plus puritain que certains de leurs libres penseurs»(A. Gide). Construction Il n'y a pas de... qui, que (+ subjonctif) ; il n'est pas jusqu'au... qui, que (+ subjonctif) : il n'y a pas d'excuse qui vaille ; il n'est pas jusqu'au directeur qui ne soit au courant. ● il (homonymes) pronom personnel masculin de la 3e personne (latin ille, celui-là) ils pronom personnel masculin de la 3e personne (latin ille, celui-là) hile nom masculin île nom féminin ● il, iller nom masculin Division administrative de la Turquie.
il, ils
Pron. pers. de la 3e pers.
rI./r Pron. pers. m.
d1./d Employé comme sujet de la 3e pers. Il me fuit, le lâche. Où sont-ils?
d2./d Plur. Fam. et souvent péjor. (Désignant ceux que le locuteur tient pour responsables de l'action qu'indique le verbe.) Ils ont encore augmenté les impôts. Qu'est-ce qu'ils ne vont pas chercher maintenant!
rII./r Pron. pers. neutre. Employé comme sujet des verbes impers. Il pleut. Il neige. Il est évident que...
|| Avec le sens de ce, cela. Il est vrai.
I.
Pronom personnel non-prédicatif de la troisième personne, il masculin, elle féminin pour le singulier, ils et elles pour le pluriel, de forme atone (appelée aussi enclitique ou non accentuée), toujours sujet; pour les autres fonctions, v. lui et le2.
A. — Valeurs de représentant. Il(s) désigne une ou des personnes de sexe masculin (ou masculin et féminin) autre(s) que le locuteur (je) ou le destinataire (tu, vous) du discours; l'équivalent féminin est elle(s); pour les formes toniques, v. lui. Puis elle regarda le grand patron. « Ce qu'il est bien, dit-elle, ce qu'il a l'air intelligent! » (SARTRE, Nausée, 1938, p. 119). Parents, votre fille n'est plus à vous! C'est à moi seul! Anne Vercors : Eh bien, ils sont mariés, c'est fait! (CLAUDEL, Annonce, 1912, I, 3, p. 159). Boulevard Saint-Michel, des garçons et des filles se promenaient en bandes, ils riaient; ils allaient au café, au théâtre, au cinéma (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 174) :
• 1. L'ÂNE : Jeanne, reconnais-tu que ce n'est pas par tes propres forces et par des moyens naturels que tu es venue à bout des Anglais?
JEANNE : Je l'avoue!
LE CHŒUR : Elle avoue!
CLAUDEL, J. d'Arc, 1939, 4, p. 1208.
Rem. a) Ils plur. peut renvoyer par syllepse à un subst. collectif. Il y a un peu de folie dans la façon de voir de toute cette famille (...) ils sont engoués de leur jeune abbé (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 403). b) Il(s), elle(s) sont d'un emploi peu respectueux quand les pron. désignent, dans le dialogue, une ou des pers. présentes. Excepté dans certains tours (vieillis) de politesse ou de révérence. La servante me dit : « Monsieur veut-il quelque chose? » (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 148). Celui des domestiques à l'autre bout, demanda : « Ces messieurs savent-ils que c'est ce soir le réveillon? » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Réveillon, 1882, p. 50). c) Il peut représenter un indéf. L'homme est un apprenti, la douleur est son maître. Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert (MUSSET, Nuit Oct., 1837, p. 155). Est-il à mépriser, qui s'attache à son maître? (MORÉAS, Iphigénie, 1900, I, 3, p. 24). d) Il, elle, formes suj. atones, ne peuvent être renforcés comme les pron. toniques (il-même, il aussi = > lui-même, lui aussi).
1. Il(s) est un représentant servant à rappeler un substantif masculin (ou son équivalent : pronom, groupe nominal, pronom démonstratif + relative déterminative, etc.) qui vient d'être exprimé (dans une phrase ou une proposition précédente); elle(s) rappelle un substantif féminin.
a) Il(s) peut représenter des substantifs désignant des personnes de sexe masculin ou (au pluriel) féminin et masculin. C'est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs Il détient le record du monde pour la hauteur (APOLL., Alcools, 1913, p. 40). Ma fille, les bonnes gens se demandent à quoi nous servons, et après tout ils sont bien excusables de se le demander (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 2e tabl., 1, p. 1585).
b) Il(s) peut représenter des substantifs désignant des animaux mâles ou dont le nom est masculin. Nous venons de la promenade, papa, moi et mon chien, le joli chien de Lili : chère petite bête! il ne me quitte jamais (E. DE GUÉRIN, Journal, 1838, p. 199).
c) Il(s) peut représenter des substantifs désignant des choses du genre masculin. Françoise avait précipitamment rentré les précieux fauteuils d'osier de peur qu'ils ne fussent mouillés (PROUST, Swann, 1913, p. 11).
d) Elle(s) représente des substantifs désignant des personnes de sexe féminin ou des substantifs du genre féminin. Ma pauvre mère est morte. Elle n'a pas beaucoup souffert (VILLIERS DE L'I.-A., Corresp., 1882, p. 16).
♦ Représentant d'un substantif de genre féminin, mais désignant un homme. Son Éminence avait aussitôt dicté à M. de Goulet une note favorable au candidat du nonce. Elle s'écria, de sa jolie voix chevrotante... (A. FRANCE, Orme, 1897, p. 145).
— En partic. [Il(s), elle(s) servant dans la même prop. à reprendre le suj. lorsque celui-ci est un pron. tonique de la 3e pers. : lui, elle(s), eux] L'hiver sous ses frimas tient la terre enchaînée; Le printemps les dissipe, et lui-même il s'enfuit (CHÉNIER, Bucoliques, 1794, p. 226). Et lui, le village, il semblait attendre aussi — sans grand espoir — (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1031) :
• 2. Un souvenir, en passant, aux macreuses du lac de Tunis. Elles, elles font une petite pirouette quand elles se laissent balancer par la houle légère.
MONTHERL., Démon bien, 1937, p. 1231.
Rem. La répétition du même pron. elle(s) atone et tonique s'évite habituellement; la constr. adoptée est alors elle(s) forme tonique comme suj. Lui, coiffé d'une casquette de soie (...); elles, également endimanchées (...) portaient des robes semblables (ZOLA, Terre, 1887, p. 168).
2. Il(s), elle(s) sont des représentants servant à annoncer un sujet qui va être exprimé, ce sujet étant postposé au verbe (le plus souvent en apposition, rejeté en fin de phrase, notamment dans des phrases exclamatives à valeur affective). Et ce qu'il manquait de chic, ce Louis, sans gants pour conduire (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 15). Mais ils font trop de musique, ces gens (PROUST, Swann, 1913, p. 147) :
• 3. MANENTE : Voici venir le prince des lainiers, avec ses deux filles (...). UDERIGO : Elles sont belles, les deux filles.
SALACROU, Terre ronde, 1938, I, 1, p. 139.
— [ou en phrase interr. sans inversion du suj. (remplacée par l'intonation de la voix)] — Elle te plaît, cette montre? Prends-la! (JACOB, Cornet dés, 1923, p. 11). Elle va bien, Mademoiselle Lili? (BOURDET, Sexe faible, 1931, I, p. 242).
3. Il(s), elle(s) peuvent représenter des animés ou des inanimés que le locuteur et l'interlocuteur ont présents à l'esprit de sorte qu'il est inutile de les désigner nommément. Oh!... j'ai vu un crêpage de chignons hier. Elles s'écharpillaient (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 546). — Allons, voyons, ne répliquez pas! C'est curieux que lorsqu'ils arrivent, ils ont tous cette habitude! (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., 2, p. 22). Un coup d'œil sur la pendule. « Ils doivent être sortis de table, là-haut?... » (MARTIN DU G., Thib., Consult., 1928, p. 1057).
B. — Valeurs sém. ou styl. partic.
1. Valeur hypocoristique de il et de elle, substitut d'un pron. pers. à une autre pers.
a) Il ou elle à la place de tu ou de vous (pour exprimer la tendresse, l'ironie, le mépris, etc.). Mais qu'est-ce qu'elle a, ce matin? Vous pensez à votre amoureux? (BOUVELET, Barbe-blonde, I, p. 7 ds SANDF. t. 1 1965, § 24). La mère à son enfant : Est-ce qu'il aime bien sa maman? (GREV. 1975, § 468 N.B.).
b) Il ou elle à la place de je. Éponine! — Qu'est-ce qu'elle a fait? Que me voulez-vous donc? (COURTELINE, La Philos. de Georges Courteline, 1917, p. 115 ds SANDF. t. 1 1965, § 24).
2. Emploi subst. à valeur générique, où elle représente le sexe fém. :
• 4. Par la diversité de son humeur (...) elle allait rappelant en lui mille désirs, évoquant des instincts ou des réminiscences. Elle était l'amoureuse de tous les romans, l'héroïne de tous les drames, le vague elle [it. dans le texte] de tous les volumes de vers.
FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 114.
3. Valeur partic. de elle désignant l'histoire (drôle), le fait comique dont on parle (fam.). Elle est raide, celle-là! Il riait d'un rire formidable, et demandait toujours comme conclusion : « Est-elle bonne, celle-là? (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Rouille, 1882, p. 791). Mais il lui vint une idée (...). — Si je faisais Guitrel évêque? Elle serait bien bonne! (A. FRANCE, Anneau améth., 1899, p. 249).
4. Valeur péj. ou euphémique des indéf. plur. ils et elles.
a) Elles désignant un groupe indéterminé de femmesilles ou les femmes en général. « Ah! elles auront toujours le dernier mot », soupire Lohengrin (LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 125). Ça n'est pas la première fois qu'une femme supérieure se sera laissé dévorer, c'est même comme ça qu'elles finissent toutes (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 924) :
• 5. — Elles sont toutes les mêmes, tu sais, conclut le cordonnier (...). Andréas avait une sagesse à lui, et, coupant son mutisme, des réflexions définitives. Son « elles sont toutes les mêmes » englobait dans son esprit toutes les exaltées.
PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 117.
b) Parfois iron. ou péj. Ils désignant un groupe de personnes plus ou moins indéterminé, que le locuteur rend responsables d'un événement, d'une situation plutôt désagréable et souvent d'ampleur nationale (par exemple le gouvernement, le fisc, les hommes politiques, l'ennemi pendant la guerre, les patrons, les supérieurs, les riches) :
• 6. ... dans les armes parlantes de la bourgeoisie figure une boîte de spécialité pharmaceutique. (Ils ont besoin d'un médecin pour leur dire de moins manger. Ils ont besoin d'un médecin pour leurs « cures de silence ». Ils consultent le médecin s'ils prennent du ventre. Ils consultent le médecin si leur gosse se touche).
MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1375.
— Ils désignant des personnes que le locuteur ne veut pas désigner par le titre attaché à leur fonction. Eh bien! Ils en ont de bonnes au ministère. Lisez plutôt (BENOIT, Atlant., 1919, p. 16). Le jour où ils m'ont arrêté, j'allais vous rejoindre (CAMUS, Justes, 1950, I, p. 308) :
• 7. Ils, c'est tout le monde : les patrons pour les employés, les employés pour les patrons, les domestiques pour les maîtres de maison, les maîtres de maison pour les domestiques, les automobilistes pour les piétons, les piétons pour les automobilistes et, pour les uns comme pour les autres, les grands ennemis communs : l'État, le fisc, l'étranger.
P. DANINOS, Les Carnets du Major Thomson, pp. 32-33 ds GREV. 1975, § 470, rem. 1, note 1.
— Ils désignant les gens, l'opinion, le quartier (= on). Une épicerie modèle, qu'ils disaient (GIONO, Baumugnes, 1929, p. 16). Ils racontent que vous ne vous nourrissez point (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1182).
C. — Mécanismes syntaxiques (applicables également à il2 impers.)
1. Emplois pléonastiques
a) [Si le verbe est relativement éloigné de son suj.] :
• 8. Les êtres que nous désespérions d'atteindre et d'influencer, ils sont là, tous réunis par la pointe la plus vulnérable, la plus réceptive, la plus enrichissante de leur substance.
TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 138.
b) Très fam. ou pop. [Dans la lang. parlée relâchée ou la lang. enfantine, reprise immédiate du suj. par il(s) ou elle(s), placé entre le suj. et le verbe] La maîtresse elle a dit... Tout le monde il a voulu parler (MUSETTE, [Cagayous phil.], 1906, p. 187). Quand Messiou Rascasse il sera là, je pourrai travailler (ACHARD, Voulez-vous jouer, 1924, I, 1, p. 13) :
• 9. — Monsieur, dit Poil de Carotte réellement audacieux et fier, le maître d'étude et Marseau, ils font des choses! Aussitôt les yeux du Directeur se troublent comme si deux moucherons s'y étaient précipités soudain.
RENARD, Poil Carotte, 1894, p. 140.
Rem. Dans ce cas, la forme pop. y est fréq., pouvant désigner a) il masc. sing. Et qu'est-ce qu'il a dit, ce Monsieur? — Qu' M'sieu Canu y viendrait en personne (MAUPASS., Pierre et Jean, 1888, p. 298). b) ils masc. plur. Vous savez, les rentiers, y vivent de leurs rentes (BALZAC, Pts bourg., 1850, p. 207). c) elle(s) sing. ou plur. (rare). Ta mère y [= elle] t'appelle (MUSETTE, Cagayous partout, 1905, p. 101).
— [en juxtaposition de prop. ou de phrases] On ne lit point aujourd'hui les longs ouvrages; ils fatiguent, ils ennuient (LAMENNAIS, Religion, 1825, p. 5). Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants (APOLL., Alcools, 1913, p. 43).
— [impérativement quand l'une des deux phrases est positive, l'autre négative] Vous l'avez entendu, monsieur Henry, il va chez elle, il ne s'en cache pas, il le dit, il s'en vante! (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 128). Ils ne comprendraient pas, ils accuseraient maman (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 746).
— [en coordination de prop. ou de phrases] Elle avait tiré sa houppette et la passait légèrement sur ses pommettes et sous ses yeux (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 156).
Rem. Lorsque les verbes sont à des temps différents, le pron. en principe se répète. Il ne sortit plus de sa maison, et il guettait sans cesse la route par la petite fenêtre de sa cuisine (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, St-Antoine, 1883, p. 194).
— [lorsque la série se clôt par une prop. coordonnée ou lorsque les actions sont successives et continues (les verbes étant au même temps)] Elle écouta longtemps, n'entendit rien, comprit cet affront public et pleura (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 6). Le souvenir d'une enfance libre et heureuse, où il se couchait, se levait, galopait à sa fantaisie (ALAIN, Propos, 1906, p. 6).
Rem. L'omission du suj. il(s), elle(s) a lieu dans le style télégraphique ou dans des citations à l'ordre du jour. A été voir quelqu'un à Auteuil, a causé tranquillement (GONCOURT, Journal, 1856, p. 253). Léon Blum ne sait pas; il cherche; il tâtonne; a trop d'intelligence et pas assez de personnalité (GIDE, Journal, 1890, p. 15). V. citation ex. 9.
a) [Directement postposé au verbe ou à l'auxil., lorsque la syntaxe demande l'inversion du suj., notamment]
— [dans l'interr. dir., sauf avec l'outil est-ce que] Mais qu'ont-ils donc à rire là-bas? (HUGO, L. Borgia, 1833, III, 1, p. 149). J'ai une fille qui s'appelle Judith. Est-elle ici? Est-elle ailleurs? (BECQUE, Corbeaux, 1882, I, 1, p. 56).
Rem. Dans la lang. parlée, l'intonation de la voix remplace parfois l'inversion du suj. Elle est gentille? — Et comment! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 48).
— [après certains adv. comme ainsi, à peine, aussi (= « c'est pourquoi »), du moins, encore (= « mais il faut préciser que »), en vain, peut-être] Il la trouva couchée dans leur chambre, comme il lui avait demandé de le faire. Ainsi se préparait-elle à la fatigue du déplacement (CAMUS, Peste, 1947, p. 1221).
— [en incise, avec des verbes déclaratifs comme dire, s'écrier, murmurer, répondre] Ma fille, lui dit-il, quelle route veux-tu? Mon père, répond-elle, où marche la vertu (JAMMES, Géorgiques, 1912, chant 5, p. 9). L'accouchée tourna légèrement la tête et lui sourit. — Ça ne fait rien, ma mère, ça ne fait rien, murmura-t-elle (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 13).
— [dans certaines prop. exclam. à valeur affective (exprimant l'admiration, l'étonnement, le mépris, l'indignation, etc.)] Que de peine Moïse n'eut-il pas, à prévenir chez les Juifs le culte des images! (BONSTETTEN, Homme Midi, 1824, p. 48). Aura-t-elle bientôt fini de me faire trotter! (CLAUDEL, Endormie, 1883, p. 6).
— [dans certaines prop. suppositives ou dubitatives] Dût-il en mourir; fût-il le meilleur. Et fût-il gratifié de tous les honneurs que peuvent conférer les républiques et les princes, je crois que le crépuscule allumerait encore en lui la brûlante envie de distinctions imaginaires (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 106). Ce respect pour ceux qui se trouvaient au-dessus de lui et qu'il voyait d'en bas (eussent-ils été fort au-dessous de lui jusque-là) (PROUST, Swann, 1913, p. 148).
b) [Séparé du verbe par ne, en, y ou un pron. pers. atone ou tonique] Alors... ils se voient? (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 146). C'est une mission embêtante. Mais ils y tiennent à l'État-Major. Ils y tiennent beaucoup (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 268).
c) [Disjoint du verbe, parfois en emploi subst.] Qui, ils? Henriette : Des lettres? mais je vous prie de croire qu'il ne m'a jamais écrit!... Blandinet, avec force : Il!... il y a un il... j'en étais sûr! (LABICHE, Pts oiseaux, 1862, II, 10, p. 255). Il commettait une faute en se reconnaissant dans cet il fameux qui est le héros de l'article (VALLÈS, Réfract., 1865, p. 138).
Rem. 1. Il(s), elle(s), dans le discours indir. (paroles rapportées) peuvent représenter la 1re pers. (je, nous). Il dit qu'il viendra (= il dit : « Je viendrai »); elles disent qu'elles viendront (= elles disent : « Nous viendrons »). Il dit qu'il s'étonne beaucoup de ce que l'on verse ainsi tant de pleurs, pour un acte d'une telle insignifiance (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 310). Il voulut lui conter tout ce qu'il ferait plus tard (ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 377). 2. La postposition du pron. suj. exige a) un trait d'union. Vient-elle? b) un t euphonique épenthétique si la forme verbale se termine par une voyelle. Viendra-t-il? 3. La docum. atteste des formes phonét. pop. ou de lang. parlée : ell'; i, y (sing. ou plur.). Comben t'a-t-il donné? I doit être généreux; il est si riche! (LECLERCQ, Prov. dram., Savet. et financ., 1835, 8, p. 234). À quel donc moument qu'i' font ça, les chiens? (MARTIN DU G., Gonfle, 1928, I, 2, p. 1178). Ell' ne l'aimait pas, lui non plus (ÉLUARD, Donner, 1939, p. 168). V. aussi Prononc. infra.
Prononc. : [il , []. À la différence de l'usage anc., la consonne de il se prononce auj. partout, au sing. et au plur. Les formes tronquées devant consonne et, au plur., devant voyelle, appartiennent à un parler relâché : i(l) va [iva], i(l)s vont [], i(l)s ont []. L'appréciation ds MART. Comment prononce 1913, p. 259, n'est plus actuelle : ,,dans l'usage courant et familier, les choses n'ont guère changé : où va-t-i(l), i(l) vient s'entendent presque uniquement à côté de il a. L'enseignement seul maintient cet l dans la lecture et dans le langage soigné``. Le pron. peut aussi se réduire à la consonne : il aurait dû filer [], voire à néant : il y a [ja], il n'y a [nja] (NYROP Phonét. 1951, § 79, rem. 2); graph. gn'y en a pas (s.v. incorruptible B ex. de DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 84). Dans une prop. interr., noter l'absence de liaison avec le mot suiv. : ils, elles ont eu une mère aimante, mais ont-ils, elles eu une mère aimante (la liaison verbe-pron. s'établit en revanche normalement). Étymol. et Hist. Il, el(l)e, els pron. pers. de la 3e pers. I. Cas suj. A. Masc. 1. sing. : il 842 intention d'insistance, d'opposition (Serments Strasbourg, ds HENRY Chrestomathie, n° 1, 6 : si saluarai eo cist meon fradre Karlo... in o quid il mi altresi fazet); 2e moitié Xe s. el medeps (Passion, éd. D'A. S. Avalle, 255); 2e moitié Xe s. sert d'appel pour annoncer un subst. à venir (St Léger, éd. J. Linskill, 152); id. rappelle un subst. précédemment énoncé (ibid., 115); ca 1190 fait fonction d'appos. au suj. (Aspremont, éd. L. Brandin, 1113 : Vait s'en Turpins, il et sa compaignie) [cf. ca 1200 Escoufle, 451 ds T.-L., s.v. il, 1315, 5 : Ains i sejorne volentiers Lui et sa gent]; 2. plur. a) il 937-52 (Jonas, ds BARTSCH Chrestomathie, col. 7, 2); b) eus ca 1130 (Gormont et Isembart éd. A. Bayot, 497). B. Fém. 1. sing. ele ca 881 (Eulalie, ds HENRY Chrestomathie, n° 2, 5); 2. plur. eles (Passion, 413). C. Neutre il mil. XIe s. (Alexis, éd. Chr. Storey, 503), cf. la forme rég. el relevée notamment ds les dial. de l'ouest : ca 1165 (B. DE STE-MAURE, Troie, 20263 ds T.-L. s.v., 1313, 12); empl. en position de suj. devant un verbe unipersonnel : mil. XIe s. (Alexis, 51 : Quant li jurz passet et il fut anuitet); annonçant un verbe en emploi unipersonnel a) ca 1100 suivi d'un subst. (Roland, éd. J. Bédier, 192 : Il nus i cuvent guarde); id. (ibid., 2418 : Il n'en i ad chevaler ne barun Que...); 1121-34 (PH. DE THAON, Bestiaire, 1037 ds T.-L. s.v., 1304, 43 : Il n'en est creature... Ki...); b) ca 1100 suivi d'une complétive (Roland, 1443). II. Cas régime A. tonique 1. masc. plur. els 937-52 (Jonas, loc. cit., col. 8,6 : sic liberat de cel peril quet il habebat decretum que super els mettreit); 2. fém. sing. ele 1284 [ms.] (BRUNET LATIN, Trésor, éd. P. Chabaille, I, CLXXXIII, p. 231, ms. F; li, éd. J. Carmody, ms. T début XIVe s.); fém. plur. eles ca 1160 (Eneas, 119 ds T.-L., s.v. il, 1312, 1). B. Atone; masc. plur. els mil. XIe s. (Alexis, 580 : Ço peiset els); ca 1100 obj. d'un verbe pronom. (Roland, 111 : pur els esbaneier). Il, pron. pers. masc. suj. du verbe à la 3e pers. du sing., est issu du b. lat. (époque mérov., VÄÄN., § 276), lui-même issu du dém. lat. ille (désignant l'objet éloigné; marquant avec insistance ce qui a rapport à la 3e pers.) sous l'infl. du pron. rel. . La forme el (St Léger, 29 et passim; Passion, 17 et passim; v. aussi T.-L., s.v. il, 1302, 9 sqq.) dénote une infl. mérid. Devant consonne et par suite d'un relâchement de l'articulation de la liquide en position implosive, il peut se réduire à i (1178 Renart, éd. M. Roques, 3687). Il cas suj. masc. plur. (< ) a pris, vers le mil. ou la 2e moitié du XIIIe s., un -s : ils par anal. de la flexion nominale. Ele, eles sont respectivement issus du lat. ílla, íllas. L'éviction progressive de lei, li, cas régime fém. tonique (< illáei) par ele, commence dans la 2e moitié du XIIIe s. El pron. neutre suj. (< lat. vulg. , TLL, s.v. ille, 340, 59-71; class. illud) a de bonne heure été évincé par la forme masc. il. Tandis qu'en lat. class. la dés. du verbe suffisait à en marquer la pers., le pron. n'étant utilisé que pour mettre en valeur le suj. du verbe, la lang. parlée a eu, dans un souci d'expressivité, tendance à généraliser l'emploi du pron. pers. suj. au point de l'utiliser fréquemment sans nuance styl. partic. (VÄÄN., § 281). En très a. fr., l'emploi du pron. pers. suj. traduit un besoin de renforcement, d'insistance, d'expressivité; ce pron. devient par la suite de plus en plus fréquent, étant dans la prose du début du XIIIe s. la marque normale de la pers. suj.; d'emploi peu à peu obligatoire, il deviendra pron. conjoint, simple indice de la pers. suj. (MOIGNET, Gramm. de l'a. fr., p. 128; MÉNARD, Synt. de l'a. fr., pp. 72-74; v. aussi VON WARTBURG, Probl. et Méthodes2, pp. 68-79 qui, faisant le point sur cette évolution à partir d'études partic., insiste sur la relation entre l'emploi du pron. suj. et les règles rythmiques de la phrase en a. fr. où le verbe occupe régulièrement la 2e place). Cette évolution a pour conséquence de faire peu à peu perdre aux pron. suj. leur intensité et leur valeur, et à les faire progressivement remplacer par les pron. du cas régime toniques (lui, eux pour la 3e pers.), v. MOIGNET, op. cit., p. 152, VON WARTBURG, op. cit., p. 77.
STAT. — Fréq. abs. littér. Il1 et 2 : 1 150 105. Ils1 : 176 912. Fréq. rel. littér. Il1 et 2 : XIXe s. : a) 1 439 998, b) 1 552 553; XXe s. : a) 1 780 815, b) 1 759 668. Ils1 : XIXe s. : a) 246 033, b) 215 896; XXe s. : a) 283 427, b) 256 302. Fréq. abs. littér. Elle : 461 941. Elles : 58 958. Fréq. rel. littér. Elle : XIXe s. : a) 514 382, b) 697 240; XXe s. : a) 761 791, b) 693 928. Elles : XIXe s. : a) 92 894, b) 68 572; XXe s. : a) 84 342, b) 84 006.
BBG. — BRANDT (G.). La Concurrence entre soi et lui, eux, elle(s). Lund-Copenhague, 1944, 346 p. - FOULET (L.). L'Extension de la forme oblique du pron. pers. en anc. fr. Romania. 1935, t. 61, pp. 401-463. - HÉRIAU (M.). Le Verbe impers. en fr. mod. Lille-Paris, 1980, p. 10, 13, 47, 51; pp. 76-77; p. 96; pp. 1113-1116 (Thèse. 1976). - PINCHON (J.). Hist. d'une norme. Lang. fr. 1972, n° 16, pp. 74-87. - SANKOFF (G.), CEDERGREN (H.). Les Contraintes ling. et soc. de l'élision du l chez les Montréalais. In : Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 13. 1971. Québec. Québec, 1976, t. 2, pp. 1001-1116. - SEELBACH (D.). Transformationsregeln im Französischen... Heidelberg, 1978, pp. 48-56.
II.
⇒IL2, pron. pers., 3e pers., neutre sing., forme atone
Pronom personnel de la troisième personne du singulier, neutre, de forme atone, toujours sujet, introducteur d'un verbe ou d'une locution verbale à la forme impersonnelle.
A. — [En tournure impers., sans qu'il y ait de « séquence » de « sujet réel »]
1. [Avec des verbes exprimant un phénomène naturel] Il pleut; il fait beau, chaud, froid, sec, sombre. Alors il était nuit et Jésus marchait seul (VIGNY, Destinées, 1863, p. 164). Il neigea ce jour-là. Dans les îles de la Manche, un hiver où il gèle à glace est mémorable, et la neige fait événement (HUGO, Travaill. mer, 1866, p. 55).
Rem. 1. Pop. Ça remplaçant il (ça pleut). Cf. cela I B 3. 2. Les verbes météor. peuvent, p. anal. (infra B), être suivis d'une séquence suj. réel, notamment dans des loc. verbales au fig. Il pleut des balles, des cordes, des hallebardes.
2. Littér. ou figé. [En concurrence avec ce, c', cela, ça, dans des loc. figées] S'il en est ainsi; il en est de même de; ainsi soit-il. Il n'empêche, il n'importe (cf. GREV. 1975, § 472). Eh! qu'importe, Seigneur, la parole à ma lyre? Je l'entends, il suffit; tu réponds c'est assez! (LAMART., Harm., 1830, p. 292). Vous avez été (...) laissé pour mort sur la route? — Il est vrai. — Vous avez été relevé par une patrouille (...)? — C'est encore vrai (VIDOCQ, Vrais myst. Paris, t. 7, 1844, p. 96). Que M. Émile Zola ait eu jadis, je ne dis pas un grand talent, mais un gros talent, il se peut (A. FRANCE, Vie littér., 1888, p. 23). S'il vous plaît... dessine-moi un mouton! (SAINT-EXUP., Pt Prince, 1943, p. 413) :
• 1. ... ceux-ci (...) y époussetaient alors, en se jouant, du bout de leurs sorties-de-bal, les têtes espiègles et mutines. C'était une attention qui, pour être délicate, n'en n'était pas moins sensible. Le lendemain, il n'y paraissait plus.
VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 9.
— En partic. [Dans des loc. impers. avec être ou un verbe d'état suivi d'un adj. ou d'un subst.; dans ces emplois, il correspond au ce, c', cela, ça de la lang. fam.] Il est l'heure/c'est l'heure; il est midi/c'est midi. Cf. aussi être1 3e section II C. Ah! dans trois mois j'aurai cinquante ans, est-il bien possible! (STENDHAL, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 12).
3. [Après ainsi que ou comme qui tiennent lieu de séquence (de suj. réel) ou après une compar.] Ainsi qu'il ressort de; ainsi qu'il était convenu; ainsi qu'il a été mentionné précédemment; comme il se doit. Comme il arrivait quelquefois, elle avait les traits d'une femme que j'avais connue dans la vie (PROUST, Swann, 1913, p. 5). Le peuple applaudira (...) avec moins de haine que de contentement poli, ainsi qu'il convient aux époques intelligentes et douces (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 11) :
• 2. Qui tiendra l'emploi de la scrofulaire?... Parfois c'est une plante de la même famille, une proche parente, comme il advient pour la balsamine.
GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 868.
B. — [En tournure impers. comportant une séquence (un suj. réel); selon les verbes, la séquence est un groupe nominal, un inf., une prop. conjonctionnelle]
1. [Avec des verbes essentiellement impers., avec des verbes intrans. ou trans. indir.]
a) [Avec séquence nom.] Il fait du vent, de l'orage, un temps merveilleux; il me vient une idée. On ne voit que des morts et des mourans (...); il meurt les deux tiers des malades (LATOUCHE, L'HÉRITIER, Lettres amans, 1821, p. 142). L'époque la plus éloignée dont il me souvienne, c'est celle où je quittai la jaquette (MICHELET, Mémorial, 1822, p. 182). Il soufflait un vent chaud chargé de pluie (ALAIN, Propos, 1926, p. 670) :
• 3. Il tombait une de ces pluies fines qu'on avale à pleins poumons, qui vous descendent jusqu'au ventre.
BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1031.
b) [Avec séquence inf.] Il s'agit de, il convient de, il vous appartient de, il lui répugne de, il me tarde de, il m'en coûte de + inf.; il vaut mieux + inf. Il vaut mieux obéir à un de nos compatriotes riche et éclairé, qu'à une multitude ignorante, qui nous accablera de tous les maux (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 79). Il vous sied bien de sourire quand je parle; si je n'avais pas vendu du guingan à Anvers, vous seriez maintenant à l'hôpital (MUSSET, Il ne faut jurer, 1840, p. 97). Il me faut déclarer tout net que je ne me suis jamais senti plus jeune et même jamais si jeune (DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p. 12) :
• 4. LE PÈRE JÉSUITE : Seigneur, je vous remercie de m'avoir ainsi attaché! Et parfois il m'est arrivé de trouver vos commandements pénibles et ma volonté en présence de votre règle perplexe, rétive.
CLAUDEL, Soulier, 1929, 1re journée, 1, p. 652.
c) [Avec une séquence propositionnelle] Il va de soi que, il va sans dire que, il arrive que, il est apparu que, il en découle que, il demeure que; il lui passe par l'esprit que, il me revient à l'esprit que. Les préfaces doctrinales de Leconte de Lisle, d'où il appert que l'esthétique parnassienne repose sur l'hellénisme de Ménard (BARRÈS, Voy. Sparte, 1906, p. 3). J'éclate tellement dans ma création. Que pour ne pas me voir vraiment il faudrait que ces pauvres gens fussent aveugles (PÉGUY, Porche Myst., 1911, p. 172) :
• 5. Il résulte de notre entretien que le gouvernement des États-Unis envisage maintenant de prendre une position nouvelle à l'égard du Comité national français.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 332.
2. [Avec des verbes pronom.]
a) [Avec séquence nom.] Il se passe quelque chose d'extraordinaire chez Clodius (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 194) :
• 6. C'était l'heure (...) où il se fait dans les églises un léger bruit de prières à la seule lueur des cierges...
ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 187.
b) [Avec séquence inf. ou propositionnelle] Il s'ajoute que, il s'avère que, il se conçoit que, il se confirma que, il s'ensuit que, il se révèle que, il se trouve que, il se vérifie que. Il s'en faut de beaucoup que la totalité de notre vie intérieure se laisse exprimer par le langage (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 235) :
• 7. C'est ainsi qu'un passant s'arrête sur un pont de Paris, et contemple; ce n'est point une promesse du beau temps qu'il contemple; il se peut qu'un beau ciel annonce la pluie ou l'orage.
ALAIN, Propos, 1929, p. 835.
3. [Avec des verbes trans. au passif, en partic. dans la lang. jur. et admin.]
a) [Avec séquence nom.] :
• 8. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Code civil, 1804, art. 1184, p. 213.
b) [Avec séquence inf.] Tu sais bien qu'il est défendu d'entrer dans le cabinet de ton père (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, I, 1, p. 155). Comme dans un miroir, il nous est commandé d'apprendre à regarder (CLAUDEL, Jet de pierre, 1949, p. 1305) :
• 9. Il doit être permis, en effet, aux philosophes comme aux physiciens, de faire des théories générales...
RUYER, Esq. philos. struct., 1930, p. I.
c) [Avec séquence propositionnelle] J'insistai auprès de lui pour qu'il fût stipulé que notre distingué confrère ne continuerait pas parmi nous sa vaillante campagne pour la réhabilitation de Dreyfus (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. IV) :
• 10. Il s'agit du général Giraud, dont il est désormais reconnu par tous, lui compris, que ses fonctions militaires sont incompatibles avec l'exercice du pouvoir...
DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 150.
4. Rare. [Avec des verbes trans.]
a) [L'obj. dir. est un pron. pers.] Il ne la gênait pas du tout de me laisser entendre qu'elle ne pouvait pas voir le Docteur à Paris (BOYLESVE, Souvenir du jardin détruit, p. 89 ds M. HÉRIAU, Le Verbe impers. en fr. mod., Lille, 1980, p. 633) :
• 11. Là-bas, au-delà de la mer, au-delà de ce désert qui en sont le vestibule, il t'attend un pays ruisselant de lait et de miel.
CLAUDEL, t. 23, Emmaüs, p. 173 ds M. HÉRIAU, Le Verbe impers. en fr. mod., Lille, 1980, p. 626).
b) [L'obj. dir. est un pron. indéf.] Il ne signifie rien de dire que la sexualité a envahi le roman (MAURIAC, Mém. intérieurs, 1959, p. 351 ds M. HÉRIAU, Le Verbe impers. en fr. mod., Lille, 1980, p. 638) :
• 12. Il n'arrange rien que l'Italie ait des difficultés économiques.
J. GRANDMOUGIN, Ex. oral, France-Inter, 15 déc. 1971 ds M. HÉRIAU, Le Verbe impers. en fr. mod., Lille, 1980, p. 638).
c) [L'obj. dir. forme avec le verbe une loc. verb.] Voyons, ne crève-t-il pas les yeux que c'est le grand duc qui est à plaindre et à aimer! (BENOIT, Koenigsmark, p. 116 ds M. HÉRIAU, Le Verbe impers. en fr. mod., Lille, 1980, p. 641) :
• 13. Il lui effleura l'esprit que le serment d'absolue discrétion qu'il avait échangé avec le petit monsieur ne comportait pas d'exception en faveur du professeur.
ROMAINS, Une Femme singulière, p. 160 ds M. HÉRIAU, Le Verbe impers. en fr. mod., Lille, 1980, p. 641).
5. [Avec des verbes attributifs]
a) [Avec séquence inf.] Il paraît aventuré, indiqué, justifié, permis de; il semble risqué de; il est bon, mauvais, utile de. Il est de bon goût chez les Pallicares de se serrer la taille outre mesure (ABOUT, Grèce, 1854, p. 43).
b) [Avec séquence propositionnelle] Il demeure acquis, démontré, entendu que; il reste établi que; il semble prouvé, reconnu que; il est remarquable à quel point, combien, comme. Il est probable que je ne retrouverai ce repos avant-naître, que dans les entrailles de notre mère commune après-mourir (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 5) :
• 14. On me remit vivement une chemise, parce qu'il n'est pas décent qu'un Rezeau, même si jeune, reste nu devant des domestiques.
H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 11.
c) Il est, il y a
— Il est signifiant « il y a » dans le style recherché, littéraire (cf. aussi être1 3e section II B). Il n'est donc point de mère à ces petits enfants, De mère au frais sourire, aux regards triomphants? (RIMBAUD, Poésies, 1871, p. 35). Il est des lieux où souffle l'Esprit. Il est des lieux qui tirent l'âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 71) :
• 15. Il est certaines rencontres qui ne m'apportent pas seulement des raisons de vivre que je puis évaluer, approuver, mais qui vraiment opèrent comme au cœur du vouloir une conversion qui a la portée d'un véritable engendrement spirituel.
RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 123.
— Il y a, gallicisme servant à exprimer l'existence, la présence de quelqu'un ou de quelque chose, ou à exprimer une durée passée, un laps de temps écoulé (cf. avoir1 IV). Il y a huit jours de cela; c'était il y a huit jours. Où allez-vous donc de si bonne heure? — Il y a fête de congrégation, ce matin, à Saint-Louis de Gonzague (ESTAUNIÉ, Empreinte, 1896, p. 2). Je m'enfonce dans mon opinion qu'il n'y a rien à faire, et me méfie de plus en plus des deux petites rides sur les coins de sa bouche (GIDE, Journal, 1905, p. 164). V. cela ex. 12.
Rem. 1. Omission de il. a) Littér. (dans certains tours recherchés de la lang. écrite). Peu me chaut; peu s'en faut que; point n'est besoin de; n'importe. M'est avis qu'il est l'heure De renaître moqueur (LAFORGUE, Imit. Lune, 1886, p. 239). Qu'importe? Je n'avais pas besoin de femme. Je n'ai point possédé de femme corruptible (CLAUDEL, Annonce, 1912, p. 16). b) Fam. Faut pas t'en faire; n'empêche; y a. Faut le coucher, Monsieur, rien autre chose, il dormira, et d'main n'y paraîtra plus (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Masque, 1889, p. 1162). Ils ne purent se revoir sans rire : — Nous sommes donc « morts » tous les deux? — Paraît (D'ESPARBÈS, Demi-soldes, 1899, p. 72). 2. Pour les mécanismes syntaxiques, cf. il1 C. 3. Pléonasme de il dans l'interr., renforçant un suj. neutre, et ajout d'un t épenthétique, euphonique entre deux voyelles. Eh bien! ça va-t-il ce matin? (ERCKM.-CHATR., Conscrit 1813, 1864, p. 133). 4. La forme pop. est y ou i. Ça va-t-y? V'là Andoche... C'est-i' jà l'angélu? (MARTIN DU G., Gonfle, 1928, I, 1, p. 1171).
Prononc. et Orth. : [il]. V. il1. Étymol. et Hist. et Stat. V. il1. Bbg. BAARSLAG (A.F.). Le Suj. neutre il, ce, cela. R. des lang. vivantes. 1964, t. 30, pp. 3-14. - CRESSOT (M.). Répét. nécessaire du pron. on suj. et du pron. il suj. impers. Fr. mod. 1948, t. 16, pp. 249-251. - HENRY (A.). À propos du il y a temp. du fr. R. Ling. rom. 1967, t. 31, pp. 105-123; C'était il y a des lunes. Paris, 1968, passim; Il y a prép.? In : [Mél. Grevisse (M.)]. Gembloux, 1966, pp. 207-213. - HÉRIAU (M.). Le Verbe impers. en fr. mod. Lille-Paris, 1980, pp. 10-14, 37-115, 1055-1122. - JEANJEAN (C.). Ét. de la constr. il y a ds la synt. du fr. Rech. sur le fr. parlé. 2. Aix-en-Provence, 1979, pp. 121-160. - PIELTAIN (P.). La Constr. impers. en fr. mod. Mél. Delbouille (M.) t. 1, 1964, pp. 469-487.
il, ils [il] pron. pers. masc.
ÉTYM. 842, Serments de Strasbourg; du lat. ille « celui-là », devenu illi sous l'infl. de qui; le plur. a pris un s analogique au XIVe. REM. Dans la langue classique, il se prononçait devant consonne : [i]il dit [idi]; ils ont [izɔ̃]; marquer le l étant considéré comme provincial ou pédant (cf. Hindret, in Brunot). De nos jours, au contraire, la prononciation du l de il devant une consonne appartient au langage soigné ou à la lecture (cf. Damourette et Pichon, §2335; Nyrop, Manuel phonétique du langage parlé, p. 35; Martinon, Comment on prononce le français, p. 259) et la transcription graphique de la prononciation i ou y connote un usage familier (→ ci-dessous, cit. 0.1). Dans les interrogations, l'usage normal fait sonner le [i]l (où va-t-il ? [uvatil]), ce qui n'était pas encore le cas du temps de Littré : Quelle heure est-il [ɛti] ? Quel temps fait-il [fɛti] ?
0.1 — Alors, l'est content Dominique ?— Oh oui, y a bien la crise, mais i compte quand même s'acheter bientôt un claque. Ça fait qu'son gosse, i pourra aller au lycée. Dominique y voudrait que son Clovis i soye ingénieur.
R. Queneau, le Chiendent, p. 64.
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1 Pronom personnel masculin, représentant un nom masculin de personne ou de chose qui vient d'être exprimé, ou qui va suivre. — À la différence de elle, il (ils) ne peut être que sujet. Pour les autres fonctions (attribut, complément, apposition), → Lui; eux, leur.
1 En un mot, l'homme connaît qu'il est misérable : il est donc misérable, puisqu'il l'est, mais il est bien grand, puisqu'il le connaît.
Pascal, Pensées, VI, 416.
2 Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire
Hugo, les Feuilles d'automne (→ Enfant, cit. 4).
3 Ils ne sont pas morts, ces obscurs enfants du hameau (…)
Renan, l'Avenir de la Science, XII, Œ. compl., t. III, p. 904.
4 Ils s'en revenaient joyeusement, les contrebandiers, leur entreprise terminée.
Loti, Ramuntcho, I, II.
REM. 1. (Emploi pléonastique de il [ils]). La langue classique employait souvent il pléonastiquement.|| « Quiconque ne résiste pas à ses volontés, il est injuste au prochain » (Bossuet); || « Un noble, s'il vit chez lui dans sa province, il vit libre, mais sans appui » (La Bruyère). Cette construction se rencontre encore si le nom et le verbe sont assez éloignés ou s'il convient d'insister fortement sur le nom sujet. — À noter que des formes de français régionaux (français d'Afrique du Nord, par exemple) utilisent systématiquement cette construction. La langue parlée a tendance à ajouter le pronom il même quand le nom sujet est tout proche du verbe : Le patron, il va en faire une tête !
5 Il faut que le bœuf, il devienne comme une éponge (…)(…) les soufflés ils avaient bien de la crème
Proust, À la recherche du temps perdu, t. III, p. 73.
2. (Place de il [ils]). a) Le pronom il ne peut se séparer du verbe auquel il sert de sujet qu'en phrase négative (il ne viendra pas), avec un pronom complément (il vous parle, il en a), et les adverbes en et y (il y est, il en vient).
b) Dans certains tours interrogatifs, et dans toutes les phrases qui admettent l'inversion du sujet, il (ils) se place immédiatement après le verbe. D'où viennent-ils ? À peine était-il parti qu'il revint sur ses pas. Si grand soit-il. Dût-il en mourir. Peut-être le croit-il vraiment.
N. B. Si la troisième personne du verbe se termine par une voyelle, on ajoute un « t », dit euphonique : Ira-t-il ? A-t-il fini ? Puisse-t-il ne pas s'en repentir ! De quoi demain sera-t-il fait ? Voilà-t-il pas ? Cette combinaison t-il souvent prononcée [ti], en est venue dans l'usage populaire de la 1re moitié du XXe s. (car cette construction semble avoir vieilli) à former une particule interrogative qui s'emploie même avec un autre sujet que il : on y va-ti ? J'y va-ti, j'y va-ti-pas ?
c) Il (ils), peut s'employer comme substantif et être disjoint du verbe (pour préciser la personne; etc.) « Il vous a parlé ? — Qui, il ? ».
6 Et il était bien étonné d'apprendre qu'il ou elle avait jugé à propos d'écrire tout spécialement au présentateur (…) et qu'il ou elle espérait bien vous revoir.
Proust, le Côté de Guermantes, t. II, p. 124.
7 — Il n'est plus bien loin, n'est-ce pas, Électre — Oui. Elle n'est plus bien loin. — Je dis Il. Je parle du jour.
Giraudoux, Électre, II, 1.
8 — Il travaille au bout du grand pré, avec son fils Claude. « Il », c'était le beau-frère, le mâle survivant.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XXI, XI, p. 203.
3. (Omission de il [ils]). Jusqu'au XVIIe s., le pronom il (ils) pouvait s'omettre, en particulier après et et tant. — Dans la langue d'aujourd'hui, cette omission est régulière dans les citations à l'ordre du jour et les motifs de punition, où le nom de l'intéressé est généralement placé en tête et détaché du contexte : || « Médecin de bataillon…, n'a pas cessé de donner des soins aux blessés. S'est imposé par son dévouement et son patriotisme à l'admiration de tous… » (Journ. off. 5-6 oct. 1953).
4. (Non-répétition de il [ils] en phrases juxtaposées ou coordonnées). Quand deux ou plusieurs verbes ont le même sujet de la troisième personne, on ne répète généralement pas le pronom si les verbes sont coordonnés ou s'ils expriment des actions successives, surtout s'ils sont au même temps. Il ferma la fenêtre et alluma le feu. Ils descendirent, prirent un taxi et arrivèrent bientôt chez l'avocat. On répète généralement le pronom sujet si les verbes sont assez éloignés l'un de l'autre, ou s'ils sont à des temps différents, ou si l'un est positif et l'autre négatif. Il allait sortir, mais il changea d'idée.
9 (…) il classait des articles, décachetait des lettres, alignait des comptes; au bruit du marteau dans le magasin, sortait pour surveiller les emballages, puis reprenait sa besogne : et, tout en faisant courir sa plume de fer sur le papier, il ripostait aux plaisanteries.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, I, IV.
10 (…) les spectateurs n'auraient pu dire s'il souffrait, dormait, nageait, était en train de pondre ou respirait seulement.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VI, p. 51.
11 Il ne dit pas un mot; il regarde.
G. Duhamel, Vie des martyrs, p. 53.
5. Ils peut représenter plusieurs noms de personnes ou d'objets masculins, ou un masculin et un féminin.
12 Il en est de notre esprit comme de notre chair : ce qu'ils sentent de plus important, ils l'enveloppent de mystère, ils se le cachent à eux-mêmes.
Valéry, Variété, Au sujet d'Adonis, p. 68.
13 — Et votre bon papa et votre bonne maman ? — Ils sont morts.
Maeterlinck, l'Oiseau bleu, I, 1.
6. Représentant la personne à qui l'on parle (pour exprimer la tendresse, la moquerie…). → On.
14 — Vous voilà, mon beau chéri. Comme il est en retard ! Déjà en retard. Entrez vite.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, X, p. 103.
2 Au plur. || Ils, désigne un nombre indéterminé de personnes qu'on préfère ne pas mentionner, ou qu'il est inutile de nommer, mais qu'on tient pour responsables de l'action désignée par le verbe (gouvernement, administration, riches, etc.). || Ils veulent encore nous avoir.
15 Vous ne changerez pas ses idées (celles du monde). Conformez-vous-y donc. — Ils auront tout renversé, tout gâté, subordonné la nature à leurs misérables conventions, et j'y souscrirais ?
Diderot, le Père de famille, II, 6.
16 La Science !… Elle est jolie, leur science ! (…)Quand ils auront tout démoli, ils seront bien avancés !
Zola, le Docteur Pascal, p. 18.
17 Il se disait vaguement : « Ils ont peur ». « Ils auront peur ». Qui, ils ? tout le monde : les ennemis, les faibles, ceux qu'il faut écraser (…) Qui, ils ? Clanricard, lui-même; ses ancêtres, ses descendants, à travers les siècles.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, XVI, p. 172.
18 On disait « Ils l'ont arrêté », et ce « Ils » semblable à celui dont usent parfois les fous pour nommer leurs persécuteurs fictifs, désignait à peine des hommes : plutôt une sorte de poix vivante et impalpable qui noircissait tout, jusqu'à la lumière. La nuit, on les entendait.
Sartre, Situations III, p. 22.
19 Le pronom ILS a été aussi très anciennement pris dans un sens indéterminé : (…) Ils ont laissé par escrit de l'orateur Curio que… (Mont., III, 9, note 4) […] Il faut remarquer toutefois que souvent l'idée des personnes représentées par le pronom ils n'est pas complètement indéterminée : Mais Pied d'Alouette parla et dit : — Ils m'ont pris mon couteau. — Qui cela ? Le chemineau, levant le bras, tourna la main du côté de la ville et ne fit point d'autre réponse. Cependant il suivait le cours de sa lente pensée, car un peu de temps après, il dit : Ils ne me l'ont pas rendu (A. France, Mannequin, 65) […]
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 275.
19.1 L'autre en général, c'est « ils ». Ils ont fait ça, ils sont venus. « Ils », c'est l'intervention, l'autorité, l'administration, la bureaucratie, les pouvoirs (devant lesquels les mots se désarment et deviennent à l'avance suppliants).
Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 229.
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II Pron. pers. neutre, 3e pers. (du lat. illud « cela »; el, al, ol, en anc. français).
1 Il, sert à introduire les verbes impersonnels, et tous verbes employés impersonnellement. — REM. Pour les grammairiens classiques, il est alors « sujet apparent », « pseudo-sujet » (Bruneau), ce qui suit le verbe (la « séquence ») étant le sujet logique ou « sujet réel ». Ce point de vue est contesté par Le Bidois.
20 Si le sujet, c'est comme l'a dit Vaugelas (…) « ce qui donne la loi au verbe », nul doute qu'en ce genre de phrases le nominal personnel il ne soit véritablement le sujet. Et nous n'en exceptons pas même les tours du type « il est des circonstances, il y a des occasions ». M. Brunot est d'avis que, dans la phrase « il y a un Dieu », il n'est pas le sujet, que là « ce mot ne joue aucun rôle véritable » (Pensée, p. 13). Ce n'est pas notre opinion. Il, en cette phrase, joue un rôle véritable, et des plus utiles : c'est le sujet nécessaire, et, croyons-nous, incontestable, du groupe verbal qui suit.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, t. I, §320, p. 178.
a Introduisant des verbes impersonnels énonçant des phénomènes naturels, c'est-à-dire qui n'ont pas proprement d'agent. || Il a neigé toute la nuit. || Il ventait. || Il tonne. || Il fait froid (⇒ 1. Faire, V., 1.). || « Il pleut, il pleut bergère… ». || « Il pleure dans mon cœur (cit. 40) comme il pleut sur la ville » (Verlaine).
b Introduisant des verbes énonçant l'existence, la nécessité, l'opportunité. || Il faut (⇒ Falloir, III. et IV.), il convient (cit. 22, 23 et 24), il sied, il importe. || Il est (⇒ 1. Être, I., 2.). || Il était une fois. || Il y a. ⇒ 1. Avoir (7.). — Il y va de. ⇒ 1. Aller (IV., 5.). || Il ne manquerait plus que.
c Introduisant des verbes d'état (être, paraître, devenir, sembler, etc.) construits avec un adjectif et suivis d'un infinitif ou d'une proposition conjonctive. || Il est bon (cit. 103, 104 et 105) de. || Il est beau, il est vrai, il est probable que. || Il semble naturel que vous acceptiez. || Il fait bon (cit. 121 et 122) se promener (⇒ 1. Faire, V., 2.).
21 Je conviens qu'il est bon, je conviens qu'il est juste
Que mon cœur ait saigné, puisque Dieu l'a voulu !
Hugo, les Contemplations, IV, XV.
22 Il paraît que vous avez été étonnant d'esprit.
Émile Augier, les Effrontés, IV, 9.
♦ → aussi Il est temps, il est l'heure, il est question, il n'est bruit (cit. 36) que…
d Introduisant des verbes intransitifs, suivis d'un nom, pronom (ou d'une préposition). || Il est venu deux personnes pour vous voir. || Il arrive tous les jours des touristes. || Il ne tient qu'à vous de. || Il me déplaît que.
23 Il vint à Genève un charlatan italien (…)
Rousseau, les Confessions, I.
24 S'il en demeure dix, je serai le dixième;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !
Hugo, les Châtiments, VII, XVI.
25 Nous savons qu'il naît sans cesse et qu'il meurt des astres.
France, le Jardin d'Épicure, p. 55.
26 (…) il est venu alors la nuit, la vieille nuit qu'ils connaissent, celle qu'ils aiment (…)
J. Giono, Regain, p. 199.
27 Alors voilà qu'il arrive des balles (…)
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, I, p. 120.
e Introduisant des verbes pronominaux impersonnels. || Il s'agit de s'entendre (⇒ Agir, cit. 35, 36 et 37). || Il se peut qu'elle n'ait pas compris. || Il se fait tard (⇒ 1. Faire, VII., 2.). || Il s'en faut. ⇒ Falloir (I., A., 2.).
28 Il ne se parlait parmi eux que des faux Christs.
29 Il se fit un bruit de pas sur le trottoir.
Flaubert, Mme Bovary, II, XI.
30 Se peut-il imaginer rien de plus morne que Port-Vendres ?
Gide, Journal, 19 août 1930.
31 Nous sommes entrés dans la grande quinzaine des prix littéraires. Au 18 décembre, il s'en sera donné six (…)
f Introduisant des impersonnels passifs. || Il ne sera pas dit que je vous ai abandonné.
32 Je donnai à dîner, il y a deux jours (…) et il fut très affectueusement et très solennellement bu à votre santé.
Boileau, Lettre à Brossette, 27 sept. 1703.
33 Et comme il avait été dit, il fut fait baron de Fierdrap !
Barbey d'Aurevilly, le Chevalier des Touches, VII, p. 185.
34 Il fut donné notamment, le quatre août, une très belle réunion dans la vieille halle aux grains (…) Il était venu là deux mille personnes, à l'estimation des républicains, et six mille au compte des dracophiles.
France, l'Île des pingouins, p. 214.
35 On ne prend que les orphelins, lui fut-il répondu.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, p. 201.
♦ (Avec des intransitifs). || Il sera satisfait à votre demande (tournure fréquente dans la langue administrative et juridique).
36 Hors de cas il sera procédé de suite à la lecture de l'arrêt de l'envoi à la cour d'assises (…)
Code d'instruction criminelle, art. 470.
37 Jusqu'à la réunion de l'Assemblée de l'Union française (…) il sera sursis à l'application des articles 71 et 72 de la présente Constitution.
Constitution du 27 oct. 1946, art. 104.
2 Employé avec une valeur démonstrative, concurremment avec ce (⇒ 2. Ce, I., 8.), cela, ça (ex. : le tour populaire ça pleut, pour il pleut).
REM. 1. La langue littéraire emploie encore à peu près indifféremment il ou ce dans certains tours (c'est vrai, il est vrai; c'est possible, il est possible; il me semble, ce me semble, etc.). On comparera de même : il est honteux de mentir ainsi et mentir ainsi, c'est honteux; il en est ainsi et c'est ainsi… D'une façon générale, on pourrait dire que ce est plus affectif, plus insistant, il plus abstrait, plus objectif. — Dans l'ancienne langue, l'emploi de il, en valeur de démonstratif était beaucoup plus fréquent qu'aujourd'hui. Jusqu'au XVIIe s., il pouvait renvoyer à un pronom neutre (ce qui, ce que), à un indéfini (tout, rien) : cet archaïsme est encore fréquent dans la langue littéraire.
38 Je sens qu'il m'ennuie de ne vous plus avoir.
Mme de Sévigné, 136, 18 févr. 1671.
39 On doit louer ce qu'ils disent autant qu'il mérite d'être loué.
La Rochefoucauld, Réflexions diverses, V, De la conversation.
40 Un dernier point détruit tout comme si jamais il n'avait été.
Bossuet, Sermon sur la mort.
41 Ce qu'ils prisaient le plus, peut-être nous échappe-t-il.
Valéry, Variété, Au sujet d'Adonis, p. 89.
42 Mais il me vexait que, dans une lettre de rupture, Marthe ne me parlât pas de suicide.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 177.
43 Ce et Il ont été longtemps en concurrence devant les impersonnels. Aujourd'hui encore on peut dire : ce me semble et : il me semble. Mais jamais on n'emploie ce quand il y a un objet qui vient après sembler : il me semble que vous vous trompez.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 286.
2. En ancien français et jusqu'au XVIIe s., il, neutre, était souvent omis. || « De tous côtés lui vient des donneurs de recettes » (La Fontaine, Fables, VIII, 3). Cet usage s'est perpétué, en français moderne, dans de nombreuses locutions figées : tant y a (→ Avoir, cit. 91), m'est avis (cit. 18 à 21), pas (point) n'est besoin, peu me chaut (→ Chaloir, cit. 1, à 3), advienne que pourra, comme si de rien n'était (→ Être, III.), n'empêche (cit. 26, 27 et supra), peu importe, n'importe, mieux vaut (→ Valoir), peu (tant) s'en faut (→ Falloir, I., 2.), si bon vous semble (→ 1. Bon, cit. 115 à 117), à Dieu ne plaise, ne vous en déplaise, reste que, d'où vient que ?, à quoi sert (rien ne sert de; → Servir).
3. L'usage parlé familier supprime souvent il devant l'impersonnel il faut : Faut pas s'en faire; faut réfléchir avant de parler (→ Falloir, IV.).
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44 Affinité possible de la paranoïa et de la distanciation, par le relais du récit : le « il » est épique. Cela veut dire : « il » est méchant : c'est le mot le plus méchant de la langue : pronom de la non-personne, il annule et mortifie son référent; on ne peut l'appliquer sans malaise à qui l'on aime; disant de quelqu'un « il », j'ai toujours en vue une sorte de meurtre par le langage, dont la scène entière, parfois somptueuse, cérémonielle, est le potin.
R. Barthes, Roland Barthes, p. 171.
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DÉR. et COMP. V. Elle, 1. le, 2. le, oui.
HOM. Hile, île, iles.
Encyclopédie Universelle. 2012.