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faire

1. faire [ fɛr ] v. tr. <conjug. : 60>
Xe; fazet 3e pers. subj. 842; lat. facere.
REM. Les formes en fais- (faisons, faisions, etc.) se prononcent [ fəz- ] IRéaliser (un objet : qqch. ou qqn).
1Réaliser hors de soi (une chose matérielle). construire, fabriquer. Faire une maison, un meuble, une pendule, une machine. Oiseau qui fait son nid. Faire le pain. Faire des confitures, un gâteau. Faites-moi un café. Se faire un café. Faire un costume. confectionner. Faire un tableau, une statue. C'est ce que l'on fait de mieux dans le genre. Absolt « Faire est le propre de la main » (Valéry). Spécialt Dieu a fait l'homme à son image. créer. Loc. Tous les jours que Dieu fait : chaque jour. — Loc. fam. Je le connais comme si je l'avais fait. C'est un homme comme on n'en fait plus.
2Réaliser (une chose abstraite). Faire son bonheur soi-même. construire. « La bourgeoisie, laquelle fait les renommées et dispense les honneurs » (Benda). Faire une loi, une institution. établir, instaurer, instituer. Faire une œuvre. composer, créer, écrire. Faire un poème, un sonnet. « C'est un métier que de faire un livre, comme de faire une pendule » (La Bruyère).
3Produire de soi, hors de soi (qqch.) (emplois spéciaux).
♢ FAIRE UN ENFANT (d'une femme). engendrer, procréer. Elle a fait deux beaux enfants. 1. avoir, enfanter. Fam. (d'un homme) Il a fait un enfant à sa femme. Ils ne veulent plus faire d'enfants. (Des animaux) Mettre bas. La marte « grimpe au nid de l'écureuil [...] et y fait ses petits » (Buffon). Loc. fig. Faire des petits : se multiplier, proliférer.
Évacuer (les déchets de l'organisme). Euphém. Faire ses besoins, et absolt Faire. Enfant qui fait au lit, dans sa culotte. Vieillard qui fait sous lui, incontinent. — Fam. (lang. enfantin) Faire caca, pipi. déféquer, uriner ; fam. chier, pisser.
Produire (se dit de l'organisme). Le bébé fait ses dents, ses dents poussent.
(Sujet chose) Produire, émettre (une substance). Ce savon fait beaucoup de mousse.
4Par ext. Se fournir en; prendre (qqch.). s'approvisionner. Automobiliste qui s'arrête pour faire de l'essence. Faire de l'eau (en bateau). « Sortie sous prétexte de faire de l'herbe pour ses vaches » (Zola). ramasser. Faire des, ses provisions.
♢ ⇒ obtenir. Il a fait beaucoup d'argent avec ce commerce. gagner. Fam. Faire son beurre. Faire des bénéfices. Vx Faire des troupes. 1. lever, recruter.
Fournir, produire (qqch.) par l'industrie, la culture, le commerce. Agric. Faire du blé. cultiver, produire, récolter. (1606) Comm. Faire le gros, le demi-gros. 1. débiter, vendre. Est-ce que vous faites cette marque ? Nous ne faisons pas cet article, nous ne le vendons pas.
5(1877) Fam. Prendre à qqn; obtenir (qqch.) aux dépens d'autrui. extorquer, fam. piquer, 2. voler. « Elle aura été à la poche pour lui faire le portefeuille » (Aymé). Fam. Dévaliser. Faire un joaillier.
6(Choses) Constituer (quant à la quantité, la forme, la qualité). constituer. Deux et deux font quatre. égaler, équivaloir (à). Cent centimètres font un mètre. composer. Cela ne fait pas assez : il n'y en a pas assez. Loc. fam. Ça commence à bien faire : cela suffit, en voilà assez. — Couleurs qui font un ensemble harmonieux. former. Chose qui fait contrepoids, pendant, obstacle. Un site exceptionnel fait le charme de cet hôtel. Ces moulins « faisaient la joie et la richesse de notre pays » (A. Daudet). 1. être. Faire l'affaire. Faire autorité. PROV. L'habit ne fait pas le moine. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Par ext. (Personnes) Parvenir à être, devenir. Il fera un bon mari. Elle fera une excellente femme d'affaires. — NE FAIRE QU'UN, N'EN FAIRE QU'UN.
IIRéaliser (une manière d'être); être le sujet de (une activité), la cause de (un effet).
1Effectuer (un mouvement). Faire un pas, un saut, une danse. exécuter. Faire un plongeon. « Elle n'osait dire un mot ni faire un mouvement » (Green). Faire des signes, des grimaces. Faire un clin d'œil. Prendre (une expression). Faire les yeux doux. Faire grise mine. Fam. Faire une sale tête. Faire la tête, la gueule. bouder. Faire mine de... Faire semblant de... Faire comme si : se donner l'apparence, feindre de.
2Effectuer (une opération, un travail), s'occuper à (qqch.). effectuer, exécuter, opérer . Faire un calcul, un problème, des recherches. Faire un travail. Faire tout le boulot. fam. S'envoyer, se farcir, se taper. Faire le ménage, la cuisine. Une bonne à tout faire. Faire une course. Faire de l'escrime, du tennis, effectuer ces exercices, et par ext. pratiquer habituellement. Loc. Ce n'est ni fait ni à faire : c'est très mal fait. — (Avec un compl. indéf.) « Rien n'est fait tant qu'il reste quelque chose à faire » (R. Rolland) . Il ne fait rien à l'école : il ne travaille pas. ⇒fam. 1. ficher, 1. foutre. Il ne sait rien faire : il est incompétent, maladroit en tout. Avoir beaucoup à faire ( occupé) . Ne pas savoir quoi faire : s'ennuyer. « Qu'est-ce que je peux faire ? J'sais pas quoi faire » (Godard, « Pierrot le fou », film). Ne rien faire de ses dix doigts. fam. glander; oisif. « Qu'allait-il faire à cette galère ? » (Molière). Qu'est-ce que vous faites ici ? Nous n'avons plus rien à faire ici. Spécialt (lorsqu'on attend qqn avec impatience) « Mais qu'est-ce qu'ils font ? » (Zola). fabriquer; vulg. branler. Fam. (Il) faut le faire ! il faut être capable de faire ce dont il est question (considéré comme une performance, une gageure à tenir).
♢ AVOIR À FAIRE AVEC, À : avoir à faire un travail avec qqn. — Par ext. Je n'ai rien à faire avec lui, je ne veux avoir aucune relation. Nous n'avons plus rien à faire ensemble, séparons-nous. Avoir fort à faire avec qqn. (Confus. avec avoir affaire) « S'il avait eu à faire à un charretier » (Jaloux).
3Exercer (une activité suivie). Faire un métier. Que fait-il ? Que fait-il dans la vie ? Il est électricien. Vieilli ou région. Faire dans la bonneterie, dans les draps, travailler dans, faire commerce de. — Faire des études; par anal. Faire de la géographie, de l'italien. étudier. Faire son droit, faire médecine, ses études de droit, de médecine. Faire une licence, sa licence. préparer. Par ext. Faire l'École normale; ellipt Faire les Beaux-arts, faire Navale. Faire trois années d'étude. Criminel qui a fait vingt ans de prison. Par ext. Faire de la prison.
4Accomplir, exécuter (une action). Faire une bonne, une mauvaise action ( commettre) . Faire un mensonge, des reproches, des compliments. Faire une erreur, une bêtise. Faire des folies. Faire l'amour. Faire des efforts, faire ce qu'on peut, faire son possible. Quoi qu'il fasse, il n'y parviendra pas. Faire ce qu'il faut, faire le nécessaire. Faire bien les choses. Le faire exprès. (D'un exposé écrit ou oral) Faire long. Faire court. Aussitôt dit, aussitôt fait. C'est plus facile à dire qu'à faire. En faire trop : exagérer. Il ne sait plus ce qu'il fait : il perd la tête. Il ne veut rien faire sans vous consulter. décider, entreprendre. C'est bien fait : c'est mérité. Que faire ? Il faut faire quelque chose ! Il n'y a plus rien à faire : le cas est désespéré. Loc. prov. Ce qui est fait est fait : ne revenons pas sur ce qui est accompli. Si fait ! mais si ! ⇒ oui. N'en rien faire. Fam. Rien à faire ! « Qui peut tout dire, arrive à tout faire ! Cette maxime est de Napoléon et se comprend » (Balzac).
Intrans. FAIRE : agir. Il a bien fait. Pour bien faire, il faudrait tout vérifier. Faites comme vous voulez. Faites comme chez vous. Laissez-moi faire. Fam. Il faut faire avec, s'en contenter.
N'en faire qu'à sa tête.
♢ FAIRE BIEN DE, MIEUX DE (et inf.). Vous feriez bien de partir dès maintenant : vous devriez partir. Vous feriez mieux de vous en aller : vous auriez grand avantage... à. « Ce samedi-là, il aurait mieux fait d'aller se pendre » (Zola).
♢ AVOIR MIEUX À FAIRE QUE DE (et inf.). J'ai mieux à faire que d'écouter ces bêtises.
♢ NE FAIRE QUE (et inf.) :faire seulement. Par ext. Ne pas cesser de. Il ne fait que bâiller. Pourquoi n'essayez-vous pas de lui expliquer la chose ? — Mais je ne fais que cela depuis une heure. Ne faire que, que de : venir de (exprimant un passé récent). ⇒ venir. Il ne fait que d'arriver, laissez-lui le temps de se reposer.
♢ FAIRE TANT, SI BIEN QUE : agir, faire qqch. avec ténacité, persévérance. « Je fis si bien, des pieds, des poings, des dents, de tout que je l'arrachai de sa place » (A. Daudet). Il fit tant et si bien qu'il tomba.
♢ À TANT FAIRE QUE; TANT QU'À FAIRE. tant.
♢ FAIRE QQCH. POUR (qqn),l'aider, lui rendre service. ⇒ aider. Puis-je faire qqch. pour vous ? en quoi puis-je vous être utile ? Pouvez-vous faire qqch. pour ces orphelins ? (donner de l'argent). — (Qqch.) [résultat, conséquence]. Il n'est pas responsable, il n'a rien fait pour cela. « Je vous jure que je n'ai rien fait pour en arriver là » (Martin du Gard).
Fam. LE FAIRE À : agir, faire qqch. d'une certaine manière (généralement pour abuser qqn). Le faire au chiqué, au bluff, au sentiment. « Oh ! il l'a fait à la dignité, dit Nadine, il a pris de grands airs » (Beauvoir). Il nous l'a fait à l'estomac. Absolt Il ne faut pas nous la faire, essayer de nous tromper.
5Exécuter (une prescription). Faire son devoir. s'acquitter. « Fais énergiquement ta longue et lourde tâche » (Vigny). Faire l'aumône, la charité. Faire pénitence. Faire sa communion. Faire la volonté, les quatre volontés, les caprices de qqn. Dr. Obligation de faire, de ne pas faire (qqch.).
6Être la cause, l'agent de. 1. causer, déterminer, occasionner, provoquer. Faire un bruit. Bombe qui fait des dégâts. Attention, vous allez faire un malheur ! Faire une blessure, une injure à qqn. Faites-moi plaisir. Vous lui avez fait mal, du mal. PROV. Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît à toi-même. « Elle ne craignait plus rien. Qu'est-ce que les gens pouvaient bien lui faire maintenant ? » (Aragon).
(Choses) Avoir (un effet). Cela fait mal, du mal. Médicament qui fait du bien, de l'effet. Faire sensation, peur, pitié. « Je laisserai la sauce, parce que ça me fait du mal » (Zola). Avoir pour conséquence. Qu'est-ce que cela fera si je refuse ? Qu'est-ce que cela fait ? Cela ne fait rien, c'est sans importance. ⇒ 2. importer. Qu'est-ce que ça peut bien vous faire ? en quoi cela vous importe, vous concerne-t-il ? La vue du sang ne lui fait rien. ébranler, émouvoir, impressionner. Cela ne lui fait ni chaud, ni froid, le laisse indifférent.
♢ FAIRE... (à qqch.), Y FAIRE. Cela ne fait rien à la chose, à l'affaire. changer. Nous ne pouvons rien y faire : nous ne pouvons empêcher que cela soit. Fam. Savoir y faire : être habile, débrouillard. ⇒ savoir-faire.
♢ FAIRE QUE, suivi d'une complétive.(Avec le subj.) Employé à l'impératif ou au subjonctif (souhait). permettre, plaire (plaise à). Fasse le ciel qu'il revienne bientôt. « Dieu fasse qu'il ne soit pas parti » (M. Arland). Ne pouvoir faire que : ne pouvoir empêcher. « Rien ne peut faire que je ne sois pas lucide » (Montherlant). (Avec l'indic.) Avoir pour conséquence, pour résultat. Sa négligence a fait qu'il a perdu beaucoup d'argent. « Cette colère sacrée, qui fait que l'amour ressemble à la haine » (France). Reprenant une question contenant déjà le verbe faire. « Qu'est-ce que j'ai fait ? — Tu as fait que tu nous a lassés » (Lavedan). Pop. Ça fait que : c'est pour cela que. Il pleuvait à verse, ça fait qu'on est resté à la maison. Fam. (langage des jeunes) Ça le fait, ça le fait pas : cela marche, agit, réussit (ou pas).
♢ SE LAISSER FAIRE.
7Spécialt Parcourir (un trajet, une distance); franchir. Chemin faisant. Faire un circuit, un trajet. Faire route vers : se diriger. Faire dix kilomètres à pied (cf. pop. S'enfiler, se farcir, se taper). Faire cent kilomètres à l'heure, et par ext. faire du cent à l'heure. Le T. G. V. fait Paris-Lyon en deux heures. Il a fait toute l'avenue sans rencontrer personne. Faire le trottoir. Faire le mur, passer par-dessus pour sortir.
Fam. Parcourir pour visiter. Faire la Bretagne. Faire le Cervin, l'escalader. Agent commercial qui fait Paris, qui fait la province. prospecter, visiter. Faire tous les magasins pour trouver un produit. Cet employé a fait plusieurs maisons avant d'entrer dans notre société.
Fouiller dans, pour chercher qqch. Faire les poches de qqn. Faire les poubelles.
8Fam. Durer, quant à l'usage. durer. Votre chapeau bleu, « il m'a fait deux ans » (Colette).
9Exprimer par la parole (surtout en incise). 1. dire, répondre. Il a fait « non » en hochant la tête. « Chut ! Chut ! fit Emma en désignant du doigt l'apothicaire » (Flaubert).
(Devant une onomat. ou pour présenter un signe qui n'est pas du langage : geste, grimace...). La pendule fait tic-tac. Ça a fait boum !
10(Choses ou personnes) Présenter en soi (un aspect physique, matériel). 1. avoir. Tissu qui fait des plis. former. La route fait un coude. dessiner.
Avoir pour variante morphologique. 1. devenir. Journal fait journaux au pluriel.
Avoir pour mesure, pour valeur, pour puissance. Mur qui fait six mètres de haut. mesurer. Ce réservoir fait cinquante litres. contenir. Cette ampoule fait 100 watts. Combien cela fait-il ? Ça fait mille francs. coûter. (Taille, mesures d'une personne) Quelle pointure faites-vous ? chausser. Ce garçon fait bien un mètre quatre-vingts. Impers. Constituer (un certain temps). Ça fait huit jours qu'il n'est pas venu. Ça va faire deux heures que je l'attends. voilà. Fam. Ça fait, un bail, une paye qu'on ne l'a pas vu.
11Subir (quelque trouble physique). Fam. Faire de la température. 1. avoir. « Les médecins disent qu'un malade fait de la typhoïde » (Brunot). Il a fait une dépression.
12Faire face, faire front.
IIIDéterminer (qqn, qqch.) dans sa manière d'être.
1Arranger, disposer (qqch.) comme il faut. Faire un lit. Faire la chambre. nettoyer, 1. ranger. Faire la vaisselle. Faire ses chaussures. cirer. Faire sa valise. Faire les ongles, les mains de qqn. manucurer.
2Former (qqn, qqch.). former. Faire des soldats. Cette école fait de très bons techniciens. instruire. « Les événements l'avaient fait [Napoléon], il va faire les événements » (Chateaubriand). PROV. L'occasion fait le larron.
3Donner une qualité, un caractère, un état à. — FAIRE QQN (et subst.),lui donner le titre de, l'élever au rang de. On l'a fait chevalier de la Légion d'honneur. nommer. Je vous fais juge : je vous donne le rôle de juge. — FAIRE QQN (et adj.). rendre. Il les a faits riches. Faire la vie dure à qqn. Loc. Faire place nette. Faire table rase. Avec un pron. poss. s'approprier. « Je fais mien tout votre passé » (Bourget).
Représenter, donner comme. Ne le faites pas plus méchant qu'il n'est !
Fam. Donner un prix à (qqch.). évaluer, vendre. Faire un objet mille francs. Je vous le fais cinq cents francs, et abusivt, à cinq cents francs.
4 ♦ FAIRE... DE (qqn, qqch.). changer, transformer (en). Je m'en suis fait un ami. Elle en a fait son amant. Nous en ferons un médecin. (Quant au caractère) Vous en avez fait un enfant gâté, un ingrat. On en fait ce qu'on veut : c'est une personne malléable qui se prête à la volonté d'autrui.
(Choses) « Je fais de patience vertu » (A. Gide). Faire tout un drame d'une histoire sans importance. Il en fait tout un plat. N'en faites pas une montagne. Faire ses choux gras de qqch. Aménager en, se servir comme de. Faire un hôpital d'un bâtiment privé. Faites-en ce que vous voudrez.
♢ N'AVOIR QUE FAIRE DE : n'avoir aucun besoin de. Il n'a que faire de tous ces costumes. Je n'ai que faire de son amitié, de ses compliments. se passer.
Disposer de, mettre en un endroit. « Qu'avez-vous fait de l'enfant ? — Je l'ai laissé à sa mère ». Fam. (lorsqu'on cherche qqch.) Qu'ai-je bien pu faire de mes lunettes ? où les ai-je mises ? ⇒ mettre.
5Représenter (qqn, qqch.).
Jouer un rôle dans un spectacle, un jeu. Faire Harpagon dans l'« Avare » de Molière. interpréter. Faire le mort, au bridge. Vous ferez les gendarmes et, nous, les voleurs (au jeu).
Agir comme; avoir, remplir le rôle de. Faire le domestique. Pop. Exercer le métier de. Il veut faire ingénieur. « Mon frère est parti à la ville. Il fait électricien à Beaune » (Tournier). Faire le difficile. Il a fait l'imbécile en refusant notre aide. (Choses) Servir aussi de. Salle à manger qui fait salon. Canapé qui fait lit.
Imiter intentionnellement, chercher à passer pour. contrefaire, imiter, simuler. Faire le mort. Faire l'enfant. Elle fait l'innocente. Vieillard qui veut faire le jeune homme. jouer. Cesse de faire l'imbécile ! Il le trouva « en train de faire le pitre, selon son habitude » (Mac Orlan). Faire son, sa (et subst.) :faire habituellement ou par tendance naturelle, le, la... Elle fait sa mijaurée. « Ne faites donc pas votre Cassandre » (Beauvoir).
6(Avec l'attribut) FAIRE suivi d'un adj., d'un nom sans art. (le plus souvent inv.). Avoir l'air de, donner l'impression. paraître. Elle fait vieux, elle fait vieille pour son âge. Elle fait très femme pour dix-huit ans. Ameublement qui fait riche. Une cravate qui fait chic. Ça fait prétentieux. Faire bien.
IV ♦ FAIRE (suivi d'un v. à l'inf.).
1Être cause que ( factitif). Faire tomber un objet. Faire taire qqn. Cette femme, je l'ai fait venir (fait reste inv. ). L'émotion le fit crier. (Fig. et fam.) Faire suer, chier (qqn). Cette personne me fait penser à X. Faire savoir que. Faire voir qqch. à qqn. Je ne lui fais pas dire : il le reconnaît lui-même. — Spécialt Charger (qqn) de. charger. Faire faire (au sens I, 1o) un costume à, par son tailleur. Faire réparer des chaussures.
2Attribuer, prétendre. attribuer. Ses biographes le font mourir vers 1450. On le fait à tort descendre des Bourbons.
3REM. Construction.
Avec un inf. sans compl. d'objet. Faire manger un malade. Faire partir des enfants en Suisse; je les ai fait partir en Suisse.
L'inf. ayant un compl. d'objet dir. (sujet construit sans prép.). Faire obéir un enfant à ses maîtres; faites-le obéir à ses maîtres. Littér. « M. Robert la faisait resonger à la guerre » (Pourrat). Cour. (sujet construit avec à). Faites-lui renoncer à ses prétentions. Faites-leur songer à se munir du nécessaire. « J'aurais fait changer d'avis à Lucile » (Marivaux). « Si vous croyez que c'est commode de lui faire changer d'idée » (P. Benoit).
L'inf. ayant un compl. d'objet dir. Avec un sujet non exprimé. Faire prévenir un ami. Faites-le prévenir. Avec un sujet exprimé. Le nom sujet se construit avec à ou par. Faire construire une maison à un architecte, par un architecte. Avec un pron. sujet. On le fait étudier les sciences; on lui fait étudier les sciences. Faites écrire la lettre par lui. Faites-le, faites-lui écrire la lettre. Faites-la-lui écrire.
On omet généralement le pron. réfl. devant l'inf. introduit par FAIRE. Faire asseoir qqn. Faites-le asseoir (rare faites-le s'asseoir).
VFAIREavec un sujet impers.
1Pour exprimer les conditions de l'atmosphère ou du milieu. Il fait jour; il fait nuit; il fait clair. « Qu'il fasse beau, qu'il fasse laid » (Diderot). Il fait lourd, étouffant. Il fait soleil, du soleil. Il faisait trente degrés à l'ombre. « Vers les huit heures du soir, il faisait nuit noire » (Stendhal). Littér. « Il fait doux, soleil, et silence » (R. Rolland). Par anal. fam. Il fait faim; il fait soif : on a faim, soif.
2Il fait bon, beau, mauvais (et inf.). Auprès de ma blonde, qu'il fait bon dormir ! (chanson populaire). Il fait bon vivre ici. Loc. Il ferait beau voir qu'il refuse. Il faisait mauvais les provoquer. « Il fait bon chasser au bois par les frais matins d'hiver » (Maupassant).
VI ♦ FAIRE, employé comme substitut d'autres verbes.
1Vx ou littér. Dans le second terme d'une comparaison Je ne parle pas comme il fait, il court mieux que je ne fais. « On n'agit point comme vous faites » (Molière). « Françoise employait le verbe plaindre dans le même sens que fait La Bruyère » (Proust).
2Avec le second terme de la compar., suivi d'un compl. d'objet dir. Vx Il m'aime comme il fait sa mère. Mod. (avec de ou pour) « Je me pris à considérer les Haudouin et les Maloret un peu comme j'aurais fait des Gaulois » (Aymé). « Il regarda Gilbert, comme il aurait fait pour un poulain » (R. Bazin).
VII ♦ SE FAIRE (emplois spéciaux).
1Se former. former. Chaussures qui vont se faire. Fromage, vin qui se fait. s'améliorer, se bonifier, mûrir. « Les consciences ne sont pas : elles se font » (Sartre). Cet homme s'est fait seul.
2 ♦ SE FAIRE (et adj.) :commencer à être, devenir. ⇒ 1. devenir. Se faire vieux. Sa respiration se faisait plus haletante. Produit qui se fait rare. Impers. Il se fait tard : il commence à être tard.
3Devenir volontairement. se rendre. Se faire beau. Elles se sont fait belles. Se faire humble. Se faire tout petit. Elles se sont faites très conciliantes. Se faire prêtre. Se faire avocat.
4 ♦ SE FAIRE À : s'habituer à. ⇒ s'accoutumer. Se faire à un genre de vie. Je ne peux pas m'y faire. « À la longue, il m'épousera, il se fera à cette idée » (Aragon).
Fam. Se faire qqn, le posséder sexuellement. ⇒ s'envoyer, se taper. Par ext. Le tuer. Il s'est fait un policier dans la bagarre. Fam. Se le (la) faire, supporter qqn. Il est gentil, mais il faut se le faire ! s'appuyer, se farcir.
5Se procurer. Se faire des relations. s'attirer. Se faire cinquante mille francs par mois. gagner.
6 Former en soi, se donner. Se faire une idée exacte de qqch. Se faire une raison. Il ne se fait plus d'illusions.
Se faire des soucis; se faire de la bile, du mauvais sang : se contrarier, se tracasser, se tourmenter.
♢ S'EN FAIRE (fam.),même sens. Ne vous en faites pas, vous aurez sûrement des nouvelles demain. Ne vous en faites pas pour moi. Fam. Faut pas s'en faire pour si peu ! Par ext. (fam.) Se gêner. Il ne s'en fait pas, celui-là ! (cf. Il ne manque pas de culot).
7(Pass.) Être fait. Paris ne s'est pas fait en un jour. Voilà ce qui se fait de mieux dans le genre.
Être pratiqué couramment, être en usage. Cela se faisait au Moyen Âge. Être à la mode. Les gilets se font beaucoup cette année. se porter.
Devoir être fait quant aux usages, à la morale (surtout à la forme négative). Ne parlez pas la bouche pleine : cela ne se fait pas.
8Être, arriver (impers.). Il pourrait bien se faire que... Comment se fait-il qu'il parte déjà ?
VIIIPass.
1 ♦ ÊTRE FAIT POUR, destiné à. Cet outil est fait pour découper, est conçu, étudié pour; destiné à. Cette voiture n'est pas faite pour transporter dix personnes. Ce genre de vie n'est pas fait pour lui, ne lui est pas adapté. — Iron. Fam. Le paillasson n'est pas fait pour les chiens ! vous devez vous en servir. ⇒aussi 1. fait. Ils n'étaient pas faits l'un pour l'autre.
2Littér. C'EN EST FAIT DE... : c'est fini de... C'en est fait de la vie facile. C'en est fait de moi : je suis perdu.
⊗ CONTR. Anéantir, défaire, détruire, supprimer. ⊗ HOM. Fer; font :fond (fondre); faites :fête (fêter); fis :fie (fier). faire 2. faire [ fɛr ] n. m.
XVIIIe; de 1. faire
1Bx-arts, littér. Manière de faire une œuvre. façon, 1. facture, manière, style, technique. Le faire d'un artiste, d'un écrivain. « Il y a dans cette esquisse un faire plus libre, une manière plus large » (France).
2Didact. Fait d'agir. 1. action. Il y a loin du dire au faire, de la parole à l'action, du projet à sa réalisation.

Faire les mélanger avant de les distribuer ; donner les cartes.

faire
n. m.
d1./d Action de faire. Il y a loin du vouloir au faire.
d2./d BX-A Manière d'exécuter une oeuvre artistique. Le faire d'un peintre.
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faire
v. tr.
rI./r Créer, produire.
d1./d Créer, fabriquer. Dieu a fait le ciel et la terre. Faire une maison.
(Abstrait) Faire des vers, un discours.
d2./d Produire (de soi). Le bébé fait ses dents. La chatte a fait ses petits.
(Afr. subsah., Belgique) Faire un (des) enfant(s): avoir un (des) enfant(s).
Avoir, présenter (un trouble). Faire de la fièvre.
|| Absol. Déféquer.
d3./d Former, façonner, produire. Faire des heureux.
Nommer, proclamer. Faire et défaire les ministres.
d4./d Constituer. L'union fait la force. Deux et deux font quatre.
|| GRAM Prendre telle terminaison. "Cheval" fait "chevaux" au pluriel.
d5./d Prendre, s'approvisionner en. Faire du bois dans la forêt.
d6./d Vendre, produire. Faites-vous cet article? Ce cultivateur fait des céréales.
Fam. Vendre à un certain prix (une marchandise). à combien faites-vous le kilo?
d7./d Faire à: accoutumer à. Il l'a faite à cette idée. Je suis fait à la fatigue.
d8./d Faire (qqch) de: utiliser, tirer parti de. Il ne sait que faire de son argent.
|| N'avoir que faire de: n'avoir aucun besoin de, ne faire aucun cas de. Je n'ai que faire de vos conseils.
rII./r Exécuter physiquement ou moralement.
d1./d Effectuer (un mouvement). Faire une grimace.
Prendre (une attitude). Faire la mauvaise tête. Faire grise mine.
d2./d Exécuter (une action). Faire des bêtises. Faire un achat. Ne rien faire. Volcan qui fait éruption.
(Madag.) Faire un bon: acheter à crédit.
|| Absol. Agir. Il a fait de son mieux.
d3./d Exécuter (une opération). Faire la moisson.
|| Absol. Travailler. Avoir à faire.
S'occuper de. Faire de la musique, de la politique.
Occuper un emploi. Que fait-il dans la vie?
(Afr. subsah.) S'adonner à. Faire la pêche.
(Afr. subsah., Madag., Maghreb) Pop. Avoir le métier de. Faire professeur.
Jouer le rôle de. Faire tel personnage dans une pièce.
Chercher à paraître (tel). Faire le grand seigneur. Faire l'idiot.
d4./d Exécuter (une chose qu'on s'impose ou qui est prescrite). Faire pénitence. Faire le ramadan.
d5./d Causer, être l'occasion de. Ces pilules m'ont fait du bien. Faire plaisir.
d6./d Avoir de l'importance. Cela ne fait rien.
d7./d Parcourir (une distance, une région). Il a fait le chemin sans s'arrêter.
Fam. Touristes qui font l'Espagne.
d8./d (Afr. subsah.) Séjourner à. Il a fait le Gabon.
|| (Afr. subsah.) Passer du temps quelque part. J'ai fait huit ans à Douala.
(Belgique) (Dans le cadre d'une activité professionnelle.) J'ai fait quatre ans à Liège.
d9./d Dire, répliquer. Je croyais, fit-elle...
rIII/r Suivi d'un adj., d'un adv. ou d'un n. exprimant une mesure, un prix, une vitesse, etc.
d1./d Avoir l'air, produire un certain effet. Il fait vieux avant l'âge. Ce chapeau fait bien avec cette robe.
d2./d Donner pour. On le fait plus riche qu'il n'est.
d3./d Avoir pour (taille, poids, vitesse, etc.). Cette voiture fait (du) 160 à l'heure. Il fait du 42 de pointure. Ce colis fait trois kilos.
d4./d Fam. Faire avec: se débrouiller.
Faire sans: se passer de.
d5./d (Belgique) Fam. Ne faire aucun bien: être inquiet.
d6./d (Afr. subsah.) Avoir (un âge). Sa fille fait huit ans.
d7./d v. impers. (Dans certaines loc.) Il fait beau. Il fait de l'orage. Il fait bon vivre chez vous.
(Afr. subsah.) être (en parlant de l'heure). Il fait cinq heures. Il fait tard.
(Belgique) Il fait propre, tranquille: tout est propre, tranquille. Il fait gai, triste: l'atmosphère est gaie, triste.
rIV./r v. Pron.
d1./d Se créer. C'est ainsi que se font les réputations.
Prov. Paris ne s'est pas fait en un jour.
Se produire, se réaliser. Si cela peut se faire, j'en serais heureux.
|| v. impers. Arriver. Comment se fait-il que vous soyez ici?
d2./d (Suivi d'un adj.) Devenir. Mon père se fait vieux.
|| v. impers. Il se fait tard.
d3./d S'améliorer. Ce vin se fera.
d4./d être d'actualité. Ce modèle ne se fait plus.
|| être conforme aux bons usages. Cela ne se fait pas.
d5./d Fam. Se faire du mauvais sang ou, ellipt., s'en faire: s'inquiéter.
rV./r Auxil. de mode.
d1./d Suivi d'un inf. (marquant que l'action est ordonnée par le sujet, mais non exécutée par lui). Faire construire un pont.
être la cause de l'action indiquée par le verbe. L'opium fait dormir.
Permettre de. Cela nous a fait patienter.
Obliger à. Je ne vous le fais pas dire.
d2./d (Employé comme substitut du verbe qui précède.) Il s'exprime mieux que vous ne le faites.
d3./d Loc. Ne faire que (indiquant une action très brève). Je n'ai fait que l'apercevoir.
|| Ne faire que: ne pas faire autre chose que. Il ne fait que chanter.

I.
⇒FAIRE1, verbe trans.
I.— [Le suj. désigne un animé] Donner l'être, l'existence à, être l'auteur de.
A.— [Le suj. désigne Dieu; l'obj. désigne un animé ou un inanimé] Créer, donner l'être et la vie à. Dieu fit le ciel et la terre; Dieu a fait l'homme à son image. Ce n'est pas nous qui avons fait le ciel et la terre (CLAUDEL, Père humil., 1920, II, 1, p. 516). « Me voilà, tel que Dieu m'a fait! » (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 129).
Faire + subst. + attribut de l'obj. Dieu (...) a fait toute créature périssable (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 275).
Loc. fam. Tous les jours que Dieu fait. Chaque jour (Ac.).
B.— [Le suj. et l'obj. désignent un animé] Donner naissance à.
1. Fam. [Le suj. désigne des pers.] Donner la vie à. Faire des enfants. Synon. procréer. La bourgeoisie, grosse famille de gens actifs, faisant des affaires, des enfants (GONCOURT, Journal, 1859, p. 603). Ils avaient bien besoin d'avoir un enfant! (...) ils n'en avaient sans doute nul besoin. Mais la nature voulait qu'ils en fissent un (FRANCE, Bonnard, 1881, p. 273).
Loc. fam. Je le/la connais comme si je l'avais fait(e). Je le/la connais très bien. Madame Laure! je la connais comme si je l'avais faite. C'est une cliente (FRANCE, Crainquebille, 1905, 3e tabl., 1, p. 298).
a) [Le suj. désigne une femme] Faire un enfant. Synon. de enfanter. Cf. infra ex. 1.
b) [Le suj. désigne un homme] Pop. Faire un enfant à une femme. La rendre enceinte. Si je ne prenais pas mes précautions, il me ferait un gosse à tous coups (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 350). Ma jeune femme me portait l'affection la plus tendre, je lui faisais de beaux enfants bien sains, deux fils et une fille (SARTRE, Mots, 1964, p. 153).
2. Usuel [Le suj. désigne la femelle d'un animal] Mettre bas. Faire ses petits :
1. « Ça n'est pas possible (...) que des roses produisent des petits enfants. Non, les roses produisent des roses; ce sont les chattes qui font les petits chats; les mamans qui font les petites filles et les papas qui font les petits garçons. »
GIDE, Journal, 1943, p. 230.
Au fig., fam. Faire des petits. Proliférer, se multiplier.
3. P. anal. [Le suj. désigne une plante] Faire des bourgeons, des feuilles. En France, les pommiers feront toujours des fleurs (AUDIBERTI, Quoat, 1er tabl., 1946, p. 30).
C.— [L'obj. désigne un inanimé concr.]
1. [Le suj. désigne un animé] Produire (par une fonction naturelle de l'organisme).
a) [Le suj. désigne une pers.]
) Faire ses dents. Avoir les dents qui poussent. Faire une dent de sagesse. Aux pieds de l'aïeule, dans son moïse, le dernier né des Poitrine, Jeannot, faisait ses dents (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 482).
) Fam. Faire pipi, caca (lang. enf.), ses besoins. Uriner ou évacuer des matières fécales. Synon. vulg. pisser, chier. Plus jeune, il lui arrivait souvent de « faire son gros », comme elle dit, dans ses culottes, par paresse ou par incurie (GIDE, Journal, 1943, p. 214). Les plus malades (...) faisaient leurs besoins ou vomissaient sous eux (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 167). Tout à coup, je fis pipi sur ses genoux (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 123) :
2. — Nous autres, les filles, nous devons nous arrêter pour faire les deux commissions. Les chevaux, les vaches font la grosse tout en courant mais sont obligés de s'arrêter pour faire pipi. Au contraire, les garçons s'arrêtent pour faire la grosse, mais font pipi tout en courant. Crois-tu qu'il existe des êtres au monde capables de faire les deux sans être obligés de s'arrêter, en marchant ou en courant? C'est impossible! Même les oiseaux se posent pour lâcher leur crotte, les chéris, qui ne font jamais pipi. Mais la tante sait faire pipi debout, tout comme un homme, sans s'accroupir.
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 130.
[P. ell. du compl. d'obj.] Faire dans sa culotte, dans son lit.
b) [Le suj. désigne un animal] Faire ses crottes, du crottin. Évacuer des excréments.
[P. ell. du compl. d'obj.] Déjà la cour était interdite au petit chien; il pouvait bien faire dehors (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 253).
2. [Le suj. désigne un animé ou un inanimé concr.] Produire, émettre. Tomates qui font du jus, de l'eau (à la cuisson); savon qui fait de la mousse. Synon. donner, sécréter. Elle ferait maintenant du poison avec n'importe quoi, comme les diabétiques font du sucre... (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1492)
3. Rien ne justifie l'excès qu'on impute à la matière blanche ou grise, accessoirement au rôle sensitif et moteur, de « secréter » ainsi que bruit une apparence de paroles, l'intelligence et la volonté, comme le foie fait de la bile.
CLAUDEL, Connaissance Est, 1907, p. 105.
D.— Réaliser (à l'aide d'éléments).
1. [L'obj. désigne un inanimé concr.] Produire, fabriquer. Faire un bouquet, faire du feu. Le cafetier (...) s'en alla à reculons en faisant des nœuds à sa serviette (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 125).
Loc. fig., vx. Faire feu qui dure. Mon cher enfant, il faut faire vie ou feu qui dure, je ne sais lequel on dit. Mais cela veut dire qu'il faut vous conserver longtemps (CHATEAUBR., Corresp., t. 1, 1789-1824, p. 90).
Loc. à valeur adj. Comme on n'en fait plus. Comme on n'en rencontre plus. D'un caractère comme on n'en fait plus, tout d'une pièce, bourru, pas accueillant, peu aimable (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 331).
a) Domaine des réalisations artis. ou industr. Faire une maison. Synon. bâtir, construire. Tout en faisant de petits trousseaux et de petites layettes, tout en cousant de petites robes, de petits corsages et de petites brassières (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 488). Je fais des ponts, des routes (CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 1668).
P. anal. [Le suj. désigne un animal] Faire sa toile. Une cigogne a fait son nid autour de la cheminée (QUINET, Ahasvérus, 1833, 3e journée, p. 179) :
4. J'ai vu un oiseau faire son nid. (...). À vrai dire, le gros oiseau bleu vif et bleu pâle a déjà construit son nid, mais il le façonne, il le piétine, il l'arrondit...
GREEN, Journal, 1948, p. 172.
b) Domaine des préparations (alimentaires, médicinales). Faire des confitures, un flan, une omelette, du pain, une tarte (cf. infra III A 4). Son histoire d'arsenic qu'elle avait pris pour du sucre, en faisant une crème à la vanille (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 184). Éberlé (...) avait dit qu'en faisant une infusion avec le tissu du pancréas, il avait obtenu un liquide qui émulsionnait la graisse (BERNARD, Principes méd. exp., 1878, p. 257).
Proverbe. On ne fait pas d'omelette sans casser des œufs.
Emploi pronom. à sens passif. Le chocolat, dans ce temps-là, se faisait avec du cacao, du sucre et de la vanille (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 101).
c) Domaine littér. et artistique. Donner sa forme définitive à, élaborer. Faire un livre, des vers; faire un portrait, un tableau. M. Cadet de Gassicourt, poète-pharmacien, faisant des petits vers (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 70). Dumas fils dessinant, faisant des petits anges du Pérugin avec des ailes (GONCOURT, Journal, 1855, p. 190).
d) Domaine scol. Faire un devoir, ses devoirs. Le(s) rédiger. J'appris à faire mes devoirs, à étudier mes leçons dans le brouhaha des voix (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 99).
2. [L'obj. désigne une collectivité hum.] Donner l'existence à. Cavour a fait l'Italie. Synon. créer, établir, organiser :
5. Il préparait d'autre part une idéologie du terrorisme. Pour lui, le communisme était seulement le vrai moyen de faire revivre la Chine.
— Je ne veux pas faire la Chine, dit Souen, je veux faire les miens avec ou sans elle. Les pauvres. C'est pour eux que j'accepte de mourir, de tuer. Pour eux seulement...
MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 314.
Emploi pronom. En sorte que l'Église de Dieu aille se faisant et s'édifiant dans l'éternel et l'infini (MICHELET, Journal, 1842, p. 387).
E.— Obtenir, se procurer.
1. [Le suj. désigne une pers.; l'obj. désigne gén. un inanimé concr.] Amasser, obtenir (en assemblant).
a) Se fournir en, prendre. Faire du bois, de l'eau, de l'essence. Le journal ne faisant pas d'abonnements, il était sans cesse en projets, en innovations (GONCOURT, Journal, 1853, p. 87). Gros ivrogne toujours satisfait pourvu qu'il fît son plein d'alcool (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 325).
b) Domaine agric.
Faire de l'herbe. Ramasser de l'herbe. Vous seriez bien gentil d'aller jusqu'à la route me faire un peu d'herbe pour mes lapins (A. DAUDET, Jack, t. 1, 1876, p. 229).
Faire la/une récolte (de). Récolter, ramasser. Bêchant la terre, sciant les blés, faisant les foins par la chaleur de midi (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, p. 397). Au mois d'août, en pleine bataille, on avait trouvé moyen de faire et de rentrer les récoltes (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 19).
c) Gagner, obtenir. Faire de l'argent, de l'or (vx), des bénéfices. Une vingtaine d'objets dont il a fait plus de 100 000 francs... (GONCOURT, Journal, 1890, p. 1109). Ce spectacle continuait de connaître la faveur du public et faisait toujours de grosses recettes (CAMUS, Peste, 1947, p. 1379). J'ai lu votre pièce, elle est magnifique (...), et je suis sûre qu'elle peut faire beaucoup d'argent (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 269).
Emploi pronom. réfl. indir. Les loyers augmentent tous les jours (...) Monsieur Vabre doit se faire dans les vingt-deux mille francs avec son immeuble (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 9).
Loc. verb. Faire fortune, recette; faire de la monnaie.
2. [Le suj. et l'obj. désignent une pers.]
a) Domaine milit. Faire des troupes (vx), des recrues. Lever des troupes, des recrues. P. ext. [Dans une organisation] Faire une (nouvelle) recrue.
b) Faire un prisonnier. Constituer quelqu'un prisonnier, le capturer. Le 28 et le 29, nos détachements (...) détruisent encore une quinzaine d'engins et font 200 prisonniers (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 255).
c) Lang. de la prostitution. Faire un client. L'entraîner. Synon. Lever. On se baigne. Celles des femmes dont les rondeurs sont suffisantes viennent là montrer à nu leur étalage et faire le client (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Femme de Paul, 1881, p. 1218).
F.— Constituer (un ensemble).
1. Composer. Couleurs qui font un ensemble harmonieux. Synon. aboutir à, former, produire. Un homme seul ne fait pas une paroisse (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1489). Ah! vous allez faire un trio d'amis (SARTRE, Mains sales, 1948, 3e tabl., 2, p. 84) :
6. ... comment que ça se fait que tant de bons chrétiens ne fassent pas une bonne chrétienté. Il faut qu'il y ait quelque chose qui ne marche pas.
PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 10.
Ça fait deux [Après 2 termes reliés par et] Ce sont deux choses, deux idées très différentes, à ne pas confondre. Être patient et être poire, ça fait deux (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 46). J'ai dit que je l'avais prévue. La prévoir et l'espérer, ça fait deux, non? (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 71).
Loc. verb. Faire bande à part, corps, équipe; faire la paire; faire cercle; ne faire qu'un.
2. Spéc., ARITHM. [En parlant du résultat d'une opération] Constituer ensemble (quant à la quantité). Deux et deux font quatre; cent centimètres font un mètre. Synon. égaler, équivaloir à. Le grand saint Nicolas (...) leur posait des questions faciles, comme, par exemple : « Combien font cinq fois cinq? » (FRANCE, Mir. Gd St Nic., 1909, p. 76). Moûlu compte les cigarettes :« Quatre-vingts. Ça fait onze par tête de pipe et il en reste trois à tirer au sort » (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 229). De toute façon, ces opérations sont fausses. Un homme et un homme, ça ne fait pas deux hommes, ça fait à jamais un et un (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 336).
P. plaisant. :
7. Quatre et quatre huit
Huit et huit font seize
Et seize et seize qu'est-ce qu'ils font?
Ils ne font rien seize et seize
Et surtout pas trente-deux...
PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 174.
Loc. C'est clair comme deux et deux font quatre. C'est très clair, très simple. Ça ne fait pas assez. Le compte n'y est pas. Ça fait juste. Ça commence à bien faire (fam., au fig.). Ça suffit, en voilà assez, c'en est trop (avec une idée d'impatience).
G.— Loc. proverbiales. L'habit ne fait pas le moine; l'occasion fait le larron; une hirondelle ne fait pas le printemps; les bons comptes font les bons amis; l'argent ne fait pas le bonheur; le malheur des uns fait le bonheur des autres; l'union fait la force.
II.— Donner une manière d'être à; être le sujet d'(une activité), la cause d'(un effet). [Faire et son compl. sont l'équivalent d'un verbe d'action ou d'état; l'idée dominante est celle d'une manière d'agir ou d'une manière d'être]
A.— Entreprendre et accomplir.
1. [L'obj. est un subst. ou un pron. neutre] Faire l'aumône, la charité, un crime, une erreur. Synon. effectuer, exécuter, opérer. D'ailleurs, vous avez du travail à faire, cela occupera vos après-midi (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 73) :
8. Elle tournait toute la matinée, balayant, époussetant, nettoyant les chambres, lavant la vaisselle, faisant des besognes qui l'auraient écœurée autrefois. Jusqu'à midi, ces soins de ménage la tenaient sur les jambes, active et muette, sans lui laisser le temps de songer à autre chose qu'aux toiles d'araignée...
ZOLA, T. Raquin, 1867, p. 160.
Loc. à valeur adj. À tout faire. Apte à toutes sortes de besognes. Bonne à tout faire. C'était Jeanne (...) qui avait indiqué Cadet comme un bon sujet, un garçon à tout faire, comme on dit (SAND, Jeanne, 1844, p. 210). Il arrive que le même mot, (comme liberté), s'emploie à des besognes d'expressions fort différentes. C'est un mot à tout faire (VALÉRY, Regards sur monde act., 1931, p. 246).
Fam. (Il) faut le faire! [Pour marquer l'admiration ou, p. iron., le dénigrement]
Loc. Faire l'amour, la guerre, la paix; faire du charme, du plat (à qqn); faire des caprices, des embarras, des histoires, des manières; faire une crise, un drame, un malheur, une scène; faire le nécessaire, son possible; faire la loi; faire grâce; faire grève; faire erreur; faire des progrès; faire ça; faire qqc. pour qqn; en faire de belles; faire des siennes; littér. ce faisant, pour ce faire (cf. ce1). Faire face, front, obstacle, pendant.
Rem. 1. Dans une lang. plus soutenue, et notamment dans la lang. écrite, on emploie un verbe plus précis. Perpétrer (un crime), commettre (une erreur), pratiquer (l'aumône) ou un verbe équivalent à faire + subst. Faire la cuisine/cuisiner; faire les vendanges/vendanger, etc. Mais dans le lang. fam. ou enfant., on rencontre de nombreuses loc. équivalant à un verbe d'action. Faire la bise, coucou, dodo, joujou, risette, trempette, etc. 2. Dans qq. cas le compl. d'obj. a valeur d'obj. interne. Faire une bonne mort. Tu vas te mettre au lit et tu vas faire un bon gros sommeil (AUDIBERTI, Quoat, 1946, 2e tabl., p. 74). 3. Le verbe faire est aussi compatible avec l'idée de repos. « Je n'ai pas dormi de la nuit, j'aimerais faire une sieste, prendre un bain » (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 312).
2. [L'obj. est un mot interr. ou un pron. antécédent d'une sub.]
a) [L'obj. est un pron. antécédent d'une sub.] Faire ce qu'il faut, ce qu'on peut. Onze heures seulement. Une fois de plus, il s'interrogea sur ce qu'il allait faire (GREEN, Moïra, 1950, p. 236). « Ce que je fais, bonnes gens? Hé, je m'occupe à vieillir... Ça n'a l'air de rien, eh bien ça me prend tout mon temps! » (MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1955, p. C). Proverbe. En mai, fais ce qu'il te plaît.
[En corrélation et en oppos. avec dire] C'est plus facile à dire qu'à faire. « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais » devient parfois, à peine avoué, un :« Faites ce que je fais, ne faites pas ce que je dis » (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 413).
Ne plus savoir ce que l'on fait. Avoir l'esprit ailleurs, s'affoler; déraisonner. « Je suis anéantie. Je ne sais plus ce que je fais. Je ne sais plus ce que je dis. Je pars travailler comme une automate » (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 188).
b) [L'obj. est un mot interr. ou concessif] Quoi qu'il fasse. Mais que faisons-nous pour mériter un tel honneur? (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 61).
[Pour marquer l'impatience, lorsqu'on attend qqn] (Mais) qu'est-ce qu'il fait? Synon. fabriquer, ficher (fam.), foutre (pop.). Personne encore! s'écria-t-il. Que font donc nos amis? (MUSSET, Mimi Pinson, 1845, p. 223).
[Pour remédier à qqc.] Que faire? Quelle attitude prendre? Quelle ligne de conduite adopter? Je crus qu'on cherchait à me voler mon sac (...). Je ne sus que dire ni que faire : je ne bronchai pas (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 161) :
9. Vous me regardez? Vous vous demandez tous « Que faire? » Et c'est pour ça que vous êtes venus ici, ce soir... Eh bien, je vais vous le dire! Car il y a quelque chose à faire! Il y a encore une possibilité de salut! Une seule! L'union dans la résistance! Le refus! ...
MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 494.
Pour quoi faire? À quoi cela sert-il? Quel est le but de l'opération? Le typo cligne des yeux et dit :« Pour quoi faire? Puisqu'on va à Châlons » (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 279).
[P. allus. littér.] Que diable allait-il faire dans cette galère?
c) Familier
Le/la faire à + subst. déterminé. Agir d'une certaine façon, prendre telle attitude pour éblouir ou tromper quelqu'un. Le faire au bluff, à l'épate, au chiqué, au sentiment. Les comiques, au contraire, « la faisaient » à la simplicité. Ils s'abordaient d'un air piteux et bonhomme, s'appelant entre eux « ma pauv'vieille » (A. DAUDET, Fromont jeune, 1874, p. 272) :
10. Deux jours plus tard Nadine m'a dit d'un air mi-furieux, mi-flatté : « Il est inouï, ce mec-là! il me la fait au chantage. Il dit qu'être correspondant de paix, c'est un métier qui l'emmerde et que si je ne vais pas avec lui, il laissera tomber.
BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 203.
Il ne faut pas me la faire, on ne me la fait pas à moi. Il ne faut pas essayer de me tromper, de me leurrer. La faire à qqn. Faire une mauvaise plaisanterie :
11. L'HOMME (...). — Madame, je viens pour le gaz.
MADAME (...). — On passera payer.
L'HOMME (...). — On passera payer! V'là huit fois que vous me la faites, celle-là, je commence à la connaître.
COURTELINE, Vie mén., Invite Monsieur, 1891, p. 74.
3. [L'obj. est un pron. indéf.]
Faire quelque chose (cf. chose2 C).
(Il n'y a) rien à faire. On ne peut empêcher cela; il n'y a pas de remède à cette situation. Il est trop tard à présent pour s'en retirer. Rien à faire : ils devront boire l'amer calice et le vider jusqu'à la lie (GIDE, Journal, 1943, p. 189) :
12. — J'ai eu beau chercher, je n'ai pas trouvé de solution, dit Elsa.
— Il n'y en a pas, dit Cyril. C'est un engouement, une influence, il n'y a rien à faire.
— Si, dis-je. Il y a un moyen. Vous n'avez aucune imagination.
SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 107.
Il n'y a (plus) rien à faire (en parlant notamment de la santé de quelqu'un). On ne peut plus rien tenter pour sa santé.
Rien à faire! Je m'y refuse absolument, je ne céderai pas.
Littér. N'en rien faire. Ne pas exécuter l'ordre donné ou la tâche imposée. Frontin — Allez devant, je reviens tout de suite. Séverin. — Je n'en ferai rien, je veux attendre (CAMUS, Esprits, 1953, I, 5, p. 469).
♦ [Dans une formule de politesse] Je n'en ferai rien (pour laisser passer quelqu'un en s'effaçant devant lui). Après vous, je vous en prie. — Je n'en ferai rien, à vous l'honneur. Cf. infra 5 faites donc.
N'avoir rien à faire, n'avoir que faire (quelque part). Ne pas être à sa place, être importun ou inutile (dans un endroit, une situation). De peur que ton amour de la justice, là où elle n'a que faire, répande un jour le sang inutile (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 976).
Ne rien faire. Être oisif, paresseux, inactif, sans travail. Ne rien faire de ses dix doigts. J'étais notée par toutes les maîtresses et tous les professeurs comme ne faisant absolument rien (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 115). À quatre heures du matin, on ne fait rien en général et l'on dort (CAMUS, Peste, 1947, p. 1307). C'est l'heure où ceux qui ne font rien se risquent sur les boulevards (CAMUS, Peste, 1947 p. 1315).
Ne rien faire
Ne rien faire pour qqn. Se désintéresser de quelqu'un.
Ne rien faire pour + inf. Ne pas intervenir pour. De multiples attentats furent commis contre des Français dans des localités syriennes sans que la gendarmerie fît rien pour les empêcher (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 189).
Ne rien avoir à faire
Ne rien avoir à faire avec qqn. N'avoir aucun rapport avec lui.
Ne rien avoir à faire avec qqc. Ne pas en avoir besoin, n'y avoir aucun intérêt.
Tout faireaire tout
Tout faireaire tout pour qqn/qqc. Être très dévoué à, se dépenser au service de.
Tout faireaire tout pour + inf. Tout mettre en œuvre pour. Je ferai tout pour lui faire plaisir (ANOUILH, Répét., 1950, II, p. 39).
N'avoir que faire de
N'avoir nul besoin de. Le valet n'a que faire de certaines vertus du maître : elles ne lui conviennent pas plus que le thym et la marjolaine à nos lapins de choux (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 3e tabl., 2, p. 1615). Le chauffeur n'a que faire de cultiver en lui ces capacités individuelles. Pour ne point faillir à sa fonction de vitesse, il a besoin surtout de réflexes sûrs (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 41).
Ne faire nul cas de. Et qu'ai-je à faire d'eux, tous ces êtres qui ne sont pas l'aimée? (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 62). J'exigerai ton audience en retour. Je n'ai que faire de l'ami qui ne me connaît pas et réclame des explications (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 971).
Avoir de quoi faire. Avoir des moyens. Dès qu'ils [ces braves ouvriers] avaient de quoi faire le dimanche et le lundi, et vivre au courant tant bien que mal, ils étaient contents (SUE, Myst. Paris, t. 4, 1842, p. 97).
4. Loc. verb.
a) Domaine des loisirs.
Faire la bombe, la bringue, la fête, la noce, la nouba; faire bombance, etc.
Faire la grasse matinée.
Vieilli. Faire + subst. désignant une fête. Célébrer. Je vais tous les ans faire les Rois chez mon vieil ami Chantal (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Mlle Perle, 1886, p. 626). La pâque avait été depuis longtemps négligée. La dix-huitième année de son règne, le roi [Josias] fit une pâque solennelle, qui fit une profonde impression (RENAN, Hist. peuple Isr., t. 3, 1891, p. 196).
b) Domaine du jeu
Faire (une partie de). Jouer à. Faire une belote. Une partie d'échecs que nous devions faire, après dîner (GIDE, Journal, 1941, p. 95). Son beau-père était allé comme d'habitude faire sa partie de bridge à la « Brasserie du Remblai » (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 35).
Faire les cartes. Battre et distribuer les cartes.
Emploi abs. À qui est-ce de faire? C'est à vous de faire; je viens de faire (Ac. 1932).
Faites vos jeux, les jeux sont faits.
c) Domaine milit.
Faire la garde, le guet, le quart, la ronde, etc. Exercer une activité de surveillance, de veille.
Faire la revue. Passer la revue. Au fig. Prêt à terminer mes recueils, faisant la revue autour de moi, j'aperçois des femmes que j'ai involontairement oubliées (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 543).
5. Emploi abs. Agir, se comporter. Comment faire? faites pour le mieux; faites comme vous voulez; croire bien faire de/en; regarder faire qqn; faire de son mieux; façon de faire. Je tuerais volontiers. Ne serait-ce que pour faire comme tout le monde (MONTHERL., Malatesta, 1946, I, 7, p. 451). — Arrivez donc! Faites vite! (AUDIBERTI, Mal court, 1947, I, p. 142). Jean-Jacques abandonna son projet et fit bien (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 123) :
13. À Votre inspiration profonde, d'abord, qui me commande d'être, je répondrai par le soin à ne jamais étouffer, ni dévier, ni gaspiller ma puissance d'aimer et de faire.
TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 79.
Proverbe. Bien faire et laisser dire. Ne pas s'occuper du qu'en dira-t-on.
Locutions
Faire comme chez soi. Agir en toute liberté, en toute simplicité. Péj. Agir avec trop de liberté, de familiarité.
(N')en faire (qu')à sa tête. Agir sans tenir compte de l'aide d'autrui. Vous êtes le seul élève de votre division à être externe libre. « Libre » : se lier le moins possible, faire à sa tête... (MONTHERL., Ville dont prince, 1951, I, 3, p. 864).
Ça fait bien (de + inf.). C'est à la mode, bien porté, bien considéré (de). La Belle Angerie est si grande que nous en avions une [Chambre] pour chacun, dès l'âge le plus tendre... Ça fait bien (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 23).
Avoir beau dire et beau faire; avoir beau faire.
Faites donc, je vous en prie. [Formule de politesse, pour inviter quelqu'un à passer devant soi, à agir librement].
B.— En partic.
1. Loc. [Sans compl. d'obj. subst.; désignant une action spécifique]
Avoir à faire. Avoir du travail, de l'occupation. Je m'en vais : j'ai à faire (MONTHERL., Ville dont prince, 1951, III, 1, p. 907).
Avoir à faire à/avec. (Confusion avec avoir affaire). Aujourd'hui, on a à faire à une expression de la nature humaine (SARTRE, Existent., 1946, p. 111). Il reste que c'est avec la plus grande prudence qu'il faut user de la psychanalyse lorsqu'elle n'a pas à faire à des productions déréglées, mais aux créations supérieures de la conscience (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 380).
Avoir mieux à faire que de + inf. Avoir quelque chose de plus important, de plus intéressant que de. De quoi faire rigoler Hitler s'il n'avait pas mieux à faire que d'écouter nos speakers (GIDE, Journal, 1940, p. 21). Il ne lui vient pas à l'esprit qu'on puisse jamais avoir mieux ou plus urgent à faire que de graviter autour de lui (MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1955, p. LXVI).
Faire bien, mieux de + inf. Avoir avantage à. Nous ferions mieux de descendre du trottoir un instant (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 218). On m'a parlé de lui l'autre jour. Tu feras bien de décourager ses visites (GREEN, Moïra, 1950, p. 109).
Savoir y faire (fam.). Savoir s'y prendre (avec habileté, ruse, débrouillardise). — Tu es un drôle de numéro toi. D'ailleurs, vous êtes des rigolos (...). Vous ne savez pas y faire. Il faut que je te donne des conseils (CENDRARS, Main coupée, 1946, p. 249). — Enfin, on peut dire que tu as su y faire avec Lulu. Qu'est-ce que tu lui bouffes comme fric! (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 69).
2. Dire, exprimer, formuler.
a) Faire + subst. déterminé. [Le syntagme verbal est l'équivalent d'un verbe d'action] Faire des compliments, des injures, des reproches; faire des adieux, des remontrances. Les veux-tu? Mais j'aimerais mieux te les redonner en te faisant de vive voix des observations (FLAUB., Corresp., 1853, p. 198). Ils causaient avec elle, faisant les demandes et les réponses, riant pour elle et pour eux (ZOLA, T. Raquin, 1867, p. 176) :
14. Tout en faisant des généralités, la vieille fille parlait de telle sorte que la femme de l'avoué en prit une bonne part. Ce moyen de conversation épuisé, la vieille fille ne parlait que de prêtres et d'affaires de sacristie.
CHAMPFL., Bourgeois Molinch., 1855, p. 27.
b) [En incise (souvent accompagné d'un adv.)] Dire, répondre. Fit-il, fit-elle. — Lâchez ma main, fit brutalement Steeny, et il regretta aussitôt cette inconvenance (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1546).
Pop. C'est pourtant vrai, que je lui fais, tu vas voir qu'ils vont nous cerner entre les deux étangs (AYMÉ, Jument, 1933, p. 57). — Hé dis donc! qu'elle me fait comme ça, viens voir par ici, Ferdinand! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 209).
c) [L'obj. est un subst. ou une onomat.] Pousser, émettre. Faire des oh! et des ah! faire les hauts cris; faire chut, ouf. J'entends le petit oiseau Qui fait pi i i i! (CLAUDEL, Annonce, 1948, IV, 2, p. 212). L'infirmière fit simplement :« Ts... ts... » et s'en alla (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 17).
C.— Effectuer (un geste, un mouvement, un déplacement).
1. [L'obj. désigne un subst. d'action] Faire un pas, un geste, une grimace, la révérence.
Au fig. :
15. Et à votre Providence enveloppante, ensuite, qui m'indique à chaque instant, par les événements du jour, le pas suivant à faire, l'échelon à gravir, je m'attacherai par le souci de ne manquer aucune occasion de monter « vers l'esprit ».
TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 79.
2. [L'obj. désigne une distance, un parcours] Franchir, parcourir. Chemin faisant; faire un voyage, un cent mètres. À la manière du philosophe Platon faisant sa randonnée autour de son idée (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 539). En faisant le tour du jardin après déjeuner, avec le vieux fermier qui m'a vu naître (LAMART., Tailleur pierre, 1851, p. 398).
Mon sang n'a fait qu'un tour; faire son chemin.
a) [Avec un compl. de distance] Faire x kilomètres à pied. Quatre hommes me portèrent de Paris à Chalon, en faisant six lieues par jour (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 112).
[Pour exprimer la vitesse] Faire du 100 (km) à l'heure. Il y sera dit certainement :« Moi je fais du soixante à l'heure » (FRANCE, Pierre bl., 1905, p. 24). Il plongea dans l'auto, claqua la portière et démarra brutalement. Odette le regarda du coin de l'œil : le mieux était de se taire; il fait au moins du quatre-vingts (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 157).
b) Parcourir successivement ou visiter. Faire la Grèce, les châteaux de la Loire; faire les grands magasins. Le soir, faisant trois, quatre théâtres, courant les foyers, les corridors (GONCOURT, Journal, 1861, p. 976). Bien sûr, ils ne comptaient pas faire toute la foire, seulement quelques pas devant les premières baraques (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 2). Les fiancés allaient danser. Nous fîmes tous les dancings d'Anvers (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 83).
Pop. ou arg. Effectuer l'inspection de, examiner pour fouiller, voler. Faire le portefeuille de qqn; faire les poubelles :
16. Il [Michel] les épaterait bien, les copains! (...) il pourrait « leur payer un verre » (...) sans pour cela avoir besoin de faire les poches de Flavien...
VIALAR, Éperon arg., 1952, p. 226.
♦ Dévaliser, cambrioler. Faire une banque, un joaillier. J'ai moi-même été fait d'une somme de 60 frs par un individu (LUCAS, Dangers prost., 1841, p. 65) :
17. À un moment donné, les naïves étrangères, notamment les riches Américaines, qui fréquentent les dancings, étaient « faites » de la façon suivante : un indicateur et danseur mondain leur volait adroitement leurs bijoux...
L. DAUDET, Police pol., 1934, p. 154.
c) En partic.
Effectuer l'ascension de. Chamonix est à quelques heures de Genève, je ferai le Mont-Blanc avant lui [Costecalde]! En êtes-vous, mes enfants? (A. DAUDET, Tartarin Alpes, 1885, p. 218).
Faire le trottoir. Faire le mur. Faire la queue.
3. [L'obj. désigne une partie du corps]
a) Prendre, montrer, offrir (un air, une expression). Faire bon visage, grise mine, les yeux doux; faire le gros dos; faire la tête (fam.), la gueule (pop.).
Loc. verb. Faire contre mauvaise fortune bon cœur; faire bonne mine en mauvais jeu.
b) Faire de l'/du + subst. (à qqn). Faire signe de (pour exprimer un signe de connivence avec quelqu'un et entrer en contact avec lui). Faire du coude, du genou, de l'œil, du pied à qqn.
4. [L'obj. précédé de l'art. déf. désigne un exercice phys.] Faire la planche, le pont, le poirier, la roue, le grand écart.
D.— Exercer (une activité suivie de façon régulière), employer son temps à. Ils feront des heures supplémentaires qui leur seront comptées plus tard dans le royaume de mon père (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 35). Le pharmacien qui herborise et qui fait de la radiesthésie (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 101) :
18. — Que faites-vous l'hiver dans l'île?
— Nous tressons des filets, nous pêchons les étangs, en faisant des trous dans la glace; le dimanche nous allons à la messe et aux vêpres, où nous chantons des cantiques; et puis nous jouons sur la neige et nous voyons les garçons chasser les ours blancs.
CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 269.
1. Domaine scol. et universitaire. Faire des études, faire l'école buissonnière; faire un doctorat, une licence.
En partic.
Faire + art. partitif + subst. Étudier, pratiquer (une matière, une discipline). Faire des maths :
19. — Personne ne t'oblige à faire de la chimie.
C'est pour nous offenser que Nadine avait choisi la chimie, elle n'en était que trop punie.
— Ce n'est pas la chimie qui m'emmerde, dit-elle, c'est d'être étudiante.
BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 59.
Faire + adj. poss. + subst. Suivre le cycle de. Il [Jean] avait fait ses classes avec soin, pour n'être pas puni, et terminé ses études de droit avec régularité (MAUPASS., Pierre et Jean, 1888, p. 403). J'ai fait mes trois premières années de médecine. La mort de mon père a interrompu mes études (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 54). Antonho Prado (...) frais émoulu de la Sorbonne, où il était venu faire son droit (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 344).
Faire + subst. désignant une école. Suivre les cours de. Faire les Beaux-Arts, Navale, Polytechnique. Passé leurs bachots (...) elles feraient l'École du Louvre ou la Croix-Rouge (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 152).
2. Domaine prof.
a) Fam. ou région. Faire dans. Travailler dans, pratiquer le commerce de. Faire dans les cuirs.
b) Pratiquer (un métier, une discipline). Que faites-vous dans la vie? Faire du journalisme. Parce qu'il gagne à peu près sa vie en faisant du commerce (CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p. 230). Aurez-vous jamais fini de faire la classe? — Je ... suis... professeur, Madame Marchal (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1545). Brunet se demande ce qu'il peut faire dans le civil. Petit commerçant? Employé? (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 202).
c) Vendre. Faire le gros, le demi-gros, le détail. Je ne me connais pas en toile; mais pour les draps j'en réponds. Seulement, si je fais les draps, il me faut un voyageur; car c'est de Sedan et d'Elbeuf que viennent les meilleures sortes (A. DAUDET, Fromont jeune, 1874, p. 153) :
20. La marchande s'anime à son tour. Elle sait très bien ce que veut la cliente, elle a possédé l'article mais, depuis trois ans, on ne le fait plus; ce modèle-ci est plus récent, plus avantageux...
SARTRE, Mots, 1964, p. 202.
3. Domaine du sp., des loisirs. [L'obj. est un subst. précédé de l'art. partitif] Pratiquer, s'adonner à.
a) [L'obj. désigne un sp., une discipline] Faire de la musique, du tennis. J'ai connu plusieurs femmes distinguées qui disaient ne pouvoir bien penser, ni bien causer, qu'en faisant de la tapisserie (MICHELET, Peuple, 1846, p. 24).
[L'obj. désigne l'instr.] Faire du ski, du vélo, de la voile. Il y a un petit prêtre qui fait de la bicyclette (CLAUDEL, Poés. div., 1952, p. 877).
b) [L'obj. désigne une activité] Faire du camping, du tourisme, du sport.
Faire de l'exercice. Se dépenser, marcher. Travaillant toujours, sortant peu, ne faisant presque pas d'exercice, moi qui marchais tant autrefois (HUGO, Corresp., 1852, p. 73). Qu'il bouge, qu'il se promène, qu'il fasse de l'exercice (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 335).
4. Domaine pol. et soc. Faire de la politique, de l'opposition, du social.
E.— Exécuter (une prescription, une obligation); accomplir le temps prescrit pour. Faire son devoir; faire ses Pâques; faire pénitence; faire la volonté de Dieu; faire un régime; faire de la prison; faire son service militaire. Elle a des principes, elle fait maigre (BALZAC, Autre ét. femme, 1842, p. 383). Karlsbad, où j'avais été faire une cure, pour soigner je ne sais plus trop quoi (GIDE, Ainsi soit-il, 1951, p. 1197).
21. — Tu vois, me dit-elle d'une voix triomphante. Tu compliques toujours tout. D'abord, Lambert est toujours content de faire ce que je lui demande, c'est un bon petit garçon...
BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 333.
P. ext. Faire les caprices, les fantaisies, les quatre volontés de qqn. Céder à (la volonté, aux désirs de quelqu'un). Vous n'ordonnez jamais que le cœur n'obéisse (...). On fait toujours le bien, en faisant son caprice (LAMART., T. Louverture, 1850, III, 7, p. 1335).
F.— Être la cause (directe ou indirecte) de, l'agent de.
1. [Le suj. désigne une pers.] Causer, provoquer, susciter.
a) [L'obj. désigne un inanimé concr.] Faire du bruit, faire une blessure à qqn. Il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer [les casquettes] sous le banc, de façon à frapper contre la muraille, en faisant beaucoup de poussière (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 2). Ils chantaient tous en chœur et faisaient un boucan de tous les diables (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 326). Un de nos critiques nous fustigeait du proverbe chinois :« Ce qui fait du bruit ne fait pas de bien, ce qui fait du bien ne fait pas de bruit » (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 73).
b) [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Faire du bien, du mal; faire mal à. Je ne suis plus seulement capable de faire mal à une mouche (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1453). Et cela avait suffi pour lui faire une petite réputation dans le monde restreint du théâtre et lui susciter déjà des jalousies (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 69).
Loc. verb.
Faire envie, mal, peur, pitié, sensation :
22. Clark (...) me fait très bonne impression. Non seulement parce qu'il dit avec netteté ce qu'il a à dire, mais aussi parce qu'il demeure simple et droit dans l'exercice du commandement.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 269.
Faire les délices, les beaux jours de. Néron tuant sa mère et Titus faisant les délices du genre humain (LACORD., Conf. N.-D., 1848, p. 182).
Faire qqc. à qqn. Lui faire du mal, mal agir envers lui, lui causer du tort. Qu'est-ce qu'ils pourraient bien lui faire? Qu'est-ce que je t'ai fait? Qu'est-ce que j'ai fait à Dieu pour avoir mis au jour un fils si coupable! (FRANCE, Révolte anges, 1914, p. 3). « Qu'est-ce qu'ils t'ont fait, mon pauvre vieux? Tu n'as pas l'air de les avoir à la bonne. » « Ils ne m'ont rien fait, dit Brunet sèchement. Mais je les entends » (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 212) :
23. Ils étaient trop, il ne pouvait rien contre eux; ils étaient tous d'accord — eux qui étaient divisés sur tant de choses — pour l'outrager et l'écraser. C'était plus que de l'incompréhension : il y avait de la haine. Que leur avait-il donc fait à tous?
ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 506.
Proverbe. Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît.
2. [Le suj. désigne une chose]
a) Produire un effet, entraîner des conséquences. Rien n'y fait, cela ne fait rien à la chose. Ça me fera du bien. Cela me sera bénéfique. Le changement d'air lui fera du bien à cette petite (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 133). Attends, petit, j'ai son nom sur les lèvres..., Terra..., Terra..., marquis de Terranova..., de Terrasecca, ... rossa, ... puzzosa, non, ce n'est pas cela, cela ne me revient pas, ça n'a aucune importance, le nom ne fait rien à l'affaire (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 150). Et quand nous serions dans la rue, quand même tu me prendrais dans la rue, qu'est-ce que cela peut faire? Que veux-tu que cela fasse? (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 182).
Familier
Faire un coup à qqn. L'impressionner, le bouleverser. Elle pensa :« Le pauvre vieux, ça va lui faire un coup, tout de même » (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 192).
Ça me (te, lui, etc.) fait une belle jambe.
Ça lui fera les pieds.
Ça fait des histoires. Cela entraîne des complications ou des réactions hostiles. Il regrettait le temps où elle râlait en silence (...) ça faisait moins d'histoires (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 59).
Grand bien lui fasse! (souvent p. iron). Que cela lui soit profitable. Je marie Fortuné. Séverin. — J'en suis heureux et que grand bien lui fasse (CAMUS, Esprits, 1953, III, 9, p. 519).
b) Être important :
24. ... on ne peut dire que de tels travaux soient inutiles. Car ils font pour la connaissance des langues anciennes, et la connaissance des langues anciennes fait pour la philosophie de l'esprit humain.
RENAN, Avenir sc., 1890, p. 244.
Cela ne fait rien
♦ C'est sans importance, je n'y attache pas d'importance. — Croyez-vous que ce soit bien une conversation à tenir devant cette enfant? dit la baronne Schoudler (...). L'accouchée tourna légèrement la tête et lui sourit. — Ça ne fait rien, ma mère, ça ne fait rien, murmura-t-elle (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 13).
♦ Synon. de peu importe. Il t'nait pas à les voir! Est-ce que j'y tenais, moi? Seulement, ça fait rien, je m'figurais pas la guerre comme ça (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 74).
Qu'est-ce que cela peut (bien) me/te faire? En quoi cela me/te concerne-t-il? T'as pas l'air de tenir à savoir si je l'ai tué ou non, le petit gars? — Qu'est-ce que ça peut bien me faire, mon amour? (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1480). Son égoïsme lui crée une sorte d'invulnérabilité. Il oppose à tout l'avenant un :« Qu'est-ce que cela peut bien me faire? » (GIDE, Journal, 1943, p. 167) :
25. LOUISE. — Mais la foi, comment vous est-elle venue?
CLÉRAMBARD. — Que voulez-vous que ça me fasse? J'ai la foi. Je ne veux rien savoir d'autre. Peu importe d'où elle me vient. Je crois en Dieu, je crois en Notre Seigneur, je crois à saint François d'Assise.
AYMÉ, Cléramb., 1950, IV, 5, p. 216.
Si cela ne te/vous fait rien (formule de politesse). Si cela ne te/vous dérange pas. Si cela ne te fait rien, je vais continuer mon travail. J'ai à finir la lecture de Roméo et Juliette (GREEN, Moïra, 1950, p. 82).
Ça ne vous fait rien que...? Ça ne vous dérange pas que...? Mais dites donc, Madame Codomat, ça ne vous fait rien que votre mari soit tout le temps avec cette jeune femme? (T. BERNARD, M. Codomat, 1907, II, 3, p. 161).
Cela ne me/lui etc. fait ni chaud ni froid.
3. Faire que + complétive.
a) À l'ind. Avoir pour résultat que. Sa négligence a fait que... Salammbô n'en racontait pas davantage (...) par un excès de candeur faisant qu'elle n'attachait guère d'importances (sic) aux baisers du soldat (FLAUB., Salammbô, t. 2, 1863, p. 87). « Lois de la représentation », qui font que nous ne pouvons penser l'être qu'en l'objectivant (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 71) :
26. ... tous obligés à protéger leur secret, mais ayant leur part d'un secret des autres que le reste de l'humanité ne soupçonne pas et qui fait qu'à eux les romans d'aventure les plus invraisemblables semblent vrais...
PROUST, Sodome, 1922, p. 617.
[Reprenant une question incluant le verbe faire] Qu'est-ce que j'ai fait? — Tu as fait que tu nous as laissés.
Fam. Ça fait que; ce qui fait que. C'est pour cela que, c'est la raison pour laquelle. Synon. voilà pourquoi. Une pièce toute noire, on n'y voyait pas... Ça fait que je ne sais pas si elle pleurait ou si elle se taisait pour ne pas parler... (GONCOURT, Journal, 1879, p. 35). Je ne songe plus qu'à ce que je veux enfanter; peut-être est-ce là ce qui fait que tout le reste m'insupporte (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1892, p. 156).
b) Au subj. Les circonstances peuvent faire un jour que vous soyez commis à la garde de ce pacte (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 149).
[Pour exprimer un souhait] Dieu fasse que, fasse le ciel que... Fasse le ciel que la jeunesse d'aujourd'hui (...) se montre aussi sage qu'elle sera ardente (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 52). Enfin, Dieu fasse que cela tourne bien! (CAMUS, Chev. Olmedo, 1957, 2e journée, 1, p. 754).
4. Faire en sorte de + inf.; faire en sorte que + compl.
5. Laisser faire.
G.— [Le suj. désigne une pers. ou une chose; l'obj. est un subst.] Présenter (un aspect physique, extérieur).
1. Former naturellement. Faire un angle, une bosse, des plis. Synon. constituer. Moustaches tristes, yeux faisant la virgule à l'angle extérieur (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 408). Dorothée (...) s'avance dans la rue déserte (...), faisant sur la lumière une tache éclatante et noire (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 117) :
27. La vallée se prolongeait, tantôt faisant des coudes, tantôt s'étranglant en défilés, selon que les blocs et les mamelons de la chaîne bifurquée faisaient saillie ou retraite.
GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 159.
[Dans des loc. verb., faire + subst. non déterminé] Jouer le rôle de, rappeler par sa forme, tenir lieu de. De jolies maisons de campagne, quelques-unes faisant châteaux, s'étalaient sur les collines (MICHELET, Journal 1839, p. 301). Mal abritée sous un petit acacia faisant dôme, elle regardait tristement la pluie qui commençait à mouiller sa robe (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 145). Rodolphe s'assit brusquement à son bureau, sous la tête de cerf faisant trophée contre la muraille (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 41).
Au fig., fam. Ça ne fait pas un pli.
2. GRAMM. Avoir pour variante morphologique ou syntaxique. « Cheval » fait au pluriel « chevaux »; « faire » fait à la 3e personne de l'indicatif présent « font ».
3. [Pour exprimer une mesure de l'espace ou du temps]
a) [Dimensions, poids, prix, volume, etc.] Équivaloir à, égaler. Le bassin fait 10 m de long. Songez qu'à nous deux (...) nous ne faisions pas trente-quatre ans (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p. 226). Tous comptes faits, l'emprunt de la Libération produit 165 milliards qui en feraient 1 200 d'aujourd'hui (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 37).
b) Domaine de l'habillement. Mesurer. Vous faites du combien? Quelle pointure, quel tour de taille faites-vous?
c) Avoir une durée de, être en usage pendant + compl. de temps. Ce manteau m'a fait trois ans, il fera bien encore la saison. Qui pourrait supputer ou peser ce qu'il entre D'aliments, de boissons, au gouffre de son ventre? Un cachalot lui fait six jours, quelquefois sept (POMMIER, Colifichets, 1860, p. 177).
d) [Pour exprimer la durée écoulée, à partir d'une date fixe] Ça fait x temps que... Synon. de il y a, depuis. Il n'avait jamais voulu prendre la montagne et c'est après lui que je l'ai prise. Ça fait donc quinze ans maintenant (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 196) :
28. Et depuis combien de temps dure cette... liaison? (...).
— Trois mois, répondit-elle.
— Et il y a trois mois que tu es dans cet état?
— Non. Ça doit faire six semaines.
DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 126.
e) [Pour exprimer une fréquence] Cela fait. C'est. S'il n'est pas arrivé, me dis-je, c'est que le métro est encore en panne; d'ailleurs, cela fait la troisième aujourd'hui. On dirait que c'est un fait exprès (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 125).
4. Domaine phys. et psychique. [L'obj. désigne une maladie, un trouble phys. ou psychique] Faire une bronchite; faire de la température; faire une dépression, de la neurasthénie; faire de la tension. Mon premier malade fut un cancéreux d'une maigreur effroyable qui « faisait » — comme on disait — des troubles cérébraux (L. DAUDET, Dev. douleur, 1931, p. 60) :
29. Et la réaction individuelle, ici encore, est capitale : on peut gaver certains types maigres, ils ne grossiront guère, d'autres feront de l'embonpoint avec le régime le plus strict...
MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 126.
Faire des complexes; faire un rêve, un cauchemar.
Loc. fig. En faire une maladie. Cf. infra III D 2 a.
III.— Déterminer (quelqu'un/quelque chose) dans un état, une qualité, une manière d'être ou d'agir. [L'existence de ce qui est désigné par l'obj. est présupposée]
A.— [Le suj. désigne une pers.; l'obj. désigne un inanimé concr.] Mettre, remettre en état, en ordre.
1. Loc. verb.
a) Domaine des tâches domestiques. Faire les cuivres, faire un lit, faire sa valise. (Quasi-)synon. nettoyer, arranger.
Faire une chambre, une pièce. La nettoyer, la remettre en ordre. Faire sa chambre à fond. Le domestique, en faisant les chambres, redescendait les bougeoirs (DURANTY, Malh. H. Gérard, 1860, p. 319).
Faire ses chaussures. Les nettoyer, les cirer.
Faire la vaisselle. La laver, l'essuyer. Un après-midi, j'aidais maman à faire la vaisselle; elle lavait des assiettes, je les essuyais (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 105).
b) Domaine des soins de beauté. Synon. entretenir, embellir, soigner.
Faire la barbe (à qqn). Tailler, raser la barbe. En me faisant faire la barbe, devant moi un bocal (GONCOURT, Journal, 1858, p. 442).
Faire les mains, les ongles à qqn. Synon. manucurer (fam.). Elle s'assied et fait ses ongles (LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 232). Il a demandé un bain aux Allemands, il s'est rasé, s'est fait faire les mains (ANOUILH, Répét., 1950, I, p. 21).
Emploi pronom. réfl. indir. Se faire les yeux. Se maquiller (les yeux). Elle [l'enfant prodige] était en train de se faire les yeux; elle ne s'est même pas retournée (COLETTE, Music-hall, 1913, p. 189). Je m'étais lavé les mains et fait les ongles, j'avais mis un col propre (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 58).
c) Domaines divers. [Faire remplace, notamment ds la lang. fam., un verbe d'action plus précis] Alors, elle si discrète [Martine], parla de ses travaux de jardinage, dit qu'elle trouvait le temps de faire les légumes, afin d'éviter quelques journées d'homme (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 150). Être là un peu avant deux heures pour m'aider, comme elle aurait dit à des maîtres d'hôtel extras d'arriver d'avance pour faire les compotiers (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 216). Un fantassin, au retour des cuisines allemandes où il avait été « faire les peluches » (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 43).
SYNT. Faire le col (d'une chemise). Le repasser. Faire son jardin. Le cultiver, l'entretenir. Faire la vigne. La tailler, lui donner les soins nécessaires. Faire les rosiers. Les tailler.
2. Domaine culinaire. Apprêter, préparer, faire cuire ou chauffer (un plat, un repas). Faire un bœuf bourguignon, un œuf sur le plat, du veau. Ce fut la concierge qui vint lui faire son petit déjeuner et ouvrir les fenêtres (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 172) :
30. ... elle se met déjà à vous parler de sa vieille maman qui est si seule et avec qui il faudra être bien gentil, des petits plats qu'elle sait si bien faire, du prénom qu'aura son bébé.
ANOUILH, Répét., 1950, IV, p. 108.
Faire la salade. La laver, l'assaisonner.
B.— [L'obj. désigne une pers.] Former. Faire des soldats, des hommes, de bons élèves. Synon. éduquer, instruire :
31. Les Lanson croient nous avoir répondu quand ils disent : c'est entendu, nous ne vous fournissons pas des élèves qui aient du génie, mais connaissez-vous une méthode pour faire des hommes de génie?
BARRÈS, Cahiers, t. 8, 1910, p. 143.
C.— Donner une qualité, un caractère, un état à.
1. Faire qqn + subst. (attribut de l'obj.) non déterminé. Élever au rang de, donner le titre, la dignité de. Faire qqn héritier, chevalier de la Légion d'honneur. Synon. nommer, instituer, constituer. En le faisant roi, on l'avait condamné à mourir sur le sol où s'est mêlée la poussière de saint Louis et de Henri IV (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 650). Le jeune marquis avait cru s'acquitter envers sa femme en la faisant marquise (SANDEAU, Sacs, 1851, p. 46).
P. ext. Rendre, faire devenir. Cette aventure me fait homme (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 179).
Faire qqn juge de. Laisser à quelqu'un le soin de juger, d'apprécier.
2. Faire qqn + adj. (attribut de l'obj.)
a) Rendre, faire devenir. Faire qqn riche. « Merci, mon bon Monsieur, merci (...). Vous êtes très bon. Je prierai la Sainte Vierge de vous faire très heureux » (SÉGUR, Auberge ange gard., 1863, p. 10). C'est dimanche, à l'heure du déjeuner, qu'on s'est aperçu que les petites manquaient. Je les avais faites belles pour la messe de huit heures (A. DAUDET, Sapho, 1884, p. 120).
b) [L'attribut est un adj. poss.] Faire sien qqc. S'approprier, se rendre maître de; adopter (un jugement, un point de vue, une attitude). Un étude à laquelle a procédé le général de Larminat et dont je fais miennes toutes les conclusions (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 448). Je déterrai cette religion féroce et je la fis mienne pour dorer ma terne vocation (SARTRE, Mots, 1964, p. 148).
En emploi abs. Consentir c'est prendre sur soi, assumer, faire sien (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 322).
c) Représenter, donner comme. Ne le faites pas plus méchant qu'il n'est :
32. Mais l'autre quart chez Montaigne a donné l'éveil; en mettant expressément à part la religion, en la faisant si grande et si haute, et la voulant si fort révérer, qu'il lui coupe toute communication avec le reste de l'homme, il s'est trahi...
SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 413.
3. Faire qqc. (à) + compl. de prix. Je vous fais cet article (à) 50 F. Synon. évaluer à, fixer à.
Faire un prix (d'ami). Fixer un prix. Si le commerce était mieux fait, c'est le client qui devrait faire son prix (AYMÉ, Cléramb., 1950, I, 7, p. 52).
4. Faire qqc. + adj. (attribut de l'obj.) à qqn. Rendre. Je lui faisais la vie impossible (LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 240). Et je ne veux point vous faire le cœur dur à la mort (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 791).
5. Faire + adj. substantivé. Causer, entraîner. Faire des jaloux, des mécontents. Ainsi elle traversait sa jeunesse, l'esprit flottant à tous les vents de l'imprévu, faisant beaucoup d'heureux (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 236).
D.— Faire qqn/qqc. de (qqn/qqc.). Changer, transformer en passant d'un état à un autre.
1. [L'obj. désigne une pers.] Faire d'un capitaine un commandant; nous en ferons un médecin; vous en avez fait un monstre, un enfant gâté. Mais que je prenne en main cette petite aristocrate (...), et je vous en ferai une vraie Carmélite, aussi bonne à la chapelle qu'au lavoir (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 3e tabl., 3, p. 1618). La famille de Gouvon qu'il servait avait reconnu sa valeur. Elle voulait en faire un secrétaire, lui faire apprendre l'italien, le latin (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 51) :
33. Quand un homme choisit une jeune fille pour en faire sa femme, c'est qu'il a été sensible à certaines séductions qui ne sont pas toutes du cœur ni de l'esprit.
AYMÉ, Cléramb., 1950, II, 8, p. 116.
2. [L'obj. désigne une chose]
a) Faire d'un métal une médaille; faire qqc. de rien :
34. Mais un vent sort des cieux sans bornes,
Grondant comme les grandes eaux,
Et souffle sur ces pierres mornes,
Et de ces pierres fait des os...
HUGO, Contempl., t. 3, p. 407.
Faire un drame, une histoire, une maladie, une montagne (de qqc.). Dramatiser la situation, s'affliger ou s'affoler démesurément de quelque chose. Il fait un monde de rien et soupçonne un cancer dans chaque cor au pied (CAMUS, Cas intéress., 1955, 1er temps, 2e tabl., p. 627).
Loc. fig. et/ou proverbes. Faire d'une pierre deux coups; faire feu; faire flèche de tout bois; faire ses choux gras de; faites en des choux et des raves; en faire sa chose; faire des gorges chaudes de; ne faire qu'une bouchée de. On ne saurait faire d'une buse un épervier. On ne peut faire d'un sot un homme habile (Ac.). Faire d'une mouche, d'une puce un éléphant. Grossir exagérément la portée d'une affaire, dramatiser une situation. Faire de nécessité vertu.
b) Utiliser comme, aménager en. Faire un salon d'une salle à manger; faire un hôpital d'un bâtiment privé; faire un parc public d'un jardin privé. De la source, sa cuvette, La fleur, faisant son miroir, Dit :« Bonjour », à la fauvette (HUGO, Contempl., t. 1, 1856, p. 107). « Des assiettes! » dit-il en désignant une pile d'assiettes ébréchées au fond noirci. « Qu'est-ce que vous voulez en faire? Les manger? » (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 223).
Emploi pronom. Se servir de quelque chose comme de. Des écureuils circulaient sur les branches (...) en se faisant un pavillon de leur queue (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 68). J'ai aperçu le traître Eusévio dans les fourrés de la montagne. C'est en vain qu'il se fait un rempart de ces rochers (CAMUS, Dév. croix, 1953, p. 579).
3. [Dans un cont. interr.]
a) [L'obj. indir. désigne une pers.] Qu'avez-vous fait de lui? Sobres et vertueux, — de vrais sauvages... — Que faire d'eux? soupirait ma mère. Ils étaient si doux que nul ne les pouvait atteindre ni diviser (COLETTE, Sido, 1929, p. 130) :
35. Que dois-je faire des coupables, Herr Sonderführer?
— Mais... les laisser continuer, puisqu'ils n'ont commis ni contravention à l'ordre de l'OKW relatif aux rapports des prisonniers avec les femmes allemandes, ni manquement au travail, ni attentat public à la pudeur!
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 212.
b) [L'obj. indir. désigne un inanimé] Qu'est-ce que j'ai fait de mes lunettes? Où les ai-je mises?
E.— Représenter, tenir la place de.
1. [Le suj. désigne une pers.]
a) Domaine des loisirs. Représenter (un personnage), tenir le rôle de.
) Domaine du spectacle. Faire Esther, les soubrettes. Je changeai vite de costume, et, faisant l'apothicaire, je commençai l'intermède, en brandissant l'instrument classique au-dessus de ma tête (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 240). Je connais la pièce par cœur. Je l'ai jouée autrefois avec Monsieur de Molière : c'est moi qui faisais don Diègue (CLAUDEL, Raviss. Scapin, 1952, p. 1317) :
36. Ces scènes de la vie de couvent [dans le film de Bresson « Les Anges du Péché »] les ont transportées et non contentes de nous les décrire, elles se sont mises en tête d'en jouer une devant nous. Louise faisait la mère supérieure...
GREEN, Journal, 1946, p. 20.
) Domaine des jeux d'enfants. Faire le chat, le gendarme, le loup, les voleurs.
) Domaine des jeux de société. Faire le mort. Me rendre utile et agréable aux maîtresses de maisons en faisant le quatrième de quelque table boiteuse de joueuses et de joueurs dépareillés (LAMART., Confid., 1851, p. 80).
b) Exercer les fonctions, la responsabilité de.
) [L'activité est permanente, régulière] C'est que jamais un militaire, poursuivit-il, n'a été fichu de faire un bon ministre de la guerre (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 139). Il se mariera un jour, par coup de tête; et peut-être il fera un bon père de famille (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 293) :
37. Mon fils, il fait le couillon. Il fait le berger. C'est comme ça. Dans ce village, et dans les autres, il y a des enfants d'épiciers ou de simples charcutiers qui passent le bachot pour être colonels. Moi, le mien, il fait le berger. Je n'en rougis pas.
AUDIBERTI, Femmes Bœuf, 1948, p. 118.
Pop. Faire + subst. non déterminé. Faire professeur. Y veut faire soldat dedans l'aussiliaire (MUSETTE, Cagayous poilu, 1919, p. 2).
) [L'activité est occasionnelle] Faire le domestique. Je faisais le nègre à la Mazarine, copiant à la main (...) les épais romans de chevalerie (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 380). Tu trouveras aussi des verres. Tu nous sers; tu fais la jeune fille de la maison (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 126).
c) Imiter intentionnellement, chercher à passer pour. Synon. contrefaire, imiter, simuler.
) Faire le + subst. ou adj. subst. Faire le difficile, le dégoûté, l'idiot, l'innocent, le pitre, le malade. Tous les anges du Bon Dieu viendront et ils me diront :« Allons, viens, Alonso, viens, ne fais pas le méchant ». Et moi, je dirai « non » (CAMUS, Révolte Asturies, 1936, II, 3, p. 418). Cela se raidit, cela fait la fière, cela veut se conduire comme une vraie dame (ANOUILH, Répét., 1950, IV, p. 110). Que vous ne travailliez pas et fassiez le pantin devant la glace, c'est votre affaire! (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 119) :
38. ... jamais Charles ne lui paraissait aussi désagréable (...). Alors, tout en faisant l'épouse et la vertueuse, elle s'enflammait à l'idée de cette tête dont les cheveux noirs se tournaient en une bouche vers le front hâlé...
FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 26.
Faire le jeune homme. Être galant, se donner un air jeune. Alors il va faire le jeune homme dans les bals costumés? (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Masque, 1889, p. 1163).
Faire la princesse. Prendre de grands airs. Notre Mélancolie est petite-maîtresse, Elle prend des grands airs, elle fait la princesse (GAUTIER, Poésies, 1872, p. 214).
[Loc. verb. au fig., où le compl. désigne un animal symbolique] Faire le singe, le zèbre. C'est étonnant comme il fait le paon, papa, avec cet hôtel (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 33). Lâche-moi, nom de Dieu, ou je fais la vache (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 114). Doña Inès. — Ne m'a-t-il pas écrit? Tello. — Quel âne je fais! voici la lettre, Madame (CAMUS, Chev. Olmedo, 1957, 2e journée, 10, p. 772).
Proverbe. Qui veut faire l'ange fait la bête.
Rem. Lorsque le suj. est fém., faire peut être suivi néanmoins de le. Elle fait le/la bravache.
) Faire son/sa + subst. Faire sa mijaurée, son petit malin. Le baron préférait faire son lézard au soleil sur le galet (MAUPASS., Une Vie, 1883, p. 36).
d) Loc. verb. Faire semblant (de), mine (de).
Faire celui qui, comme si. Jouer à celui qui, simuler. La consigne universelle, la ridicule fiction est de faire comme si on ne savait rien, quoique tout le monde sache très bien à quoi s'en tenir; chacun joue la comédie, chacun affecte de croire le vieillard immortel, le malade guérissable (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 172).
En emploi abs. Partout, l'on triche. Partout, l'on fait comme si... C'est insupportable. C'est horrible (AUDIBERTI, Mal court, 1947, III, p. 185).
2. [Le suj. désigne un inanimé] Tenir lieu de, faire aussi office de. Salle à manger qui fait salon, cuisine qui fait salle de séjour. Au fond, dans le logis « faisant hôtel », une « comtesse » (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 16).
F.— Paraître, sembler.
1. Faire + adj. ou subst. non déterminé (gén. inv.) Avoir l'air de, donner l'impression de. Elle fait vieux/ vieille pour son âge; faire jeune, grand; faire très vieille France; faire très femme; faire sérieux, vrai. Ricarda, lui, faisait très « fils de bourgeois » (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 29). Il faisait très orphelin dans son complet de flanelle dont le revers était barré d'un crêpe noir (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 294) :
39. Ils choisissent de préférence des sujets tirés de l'histoire sainte ou de l'histoire ancienne, et ils parlent constamment de faire distingué, comme si la distinction ne venait point de la manière dont on traite un sujet et non du sujet lui-même.
Tenez que la plupart n'ont reçu aucune éducation, qu'ils n'ont rien vu et rien lu, que « faire distingué », pour eux, c'est tout bonnement ne pas faire vivant et ne pas faire vrai.
HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 8.
Ne pas faire son âge. Paraître très jeune, plus jeune que son âge réel.
2. Faire + adv. de manière (fam.). Produire tel effet, avoir telle allure. Faire bien (dans le décor, le tableau), sur une photo, dans un film. Les serviteurs à tête blanche font bien dans une grande maison (AUGIER, Pierre de Touche, 1854, III, p. 80). Tes vieux messieurs à col dur? Ils feraient très bien dans les vitrines du Musée de l'Homme (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 91) :
40. Lequel fait mieux, des fleurs ou bien des plumes blanches?
Quelle parure sied? — quelle couleur va bien?
GAUTIER, Albertus, 1833, p. 138.
IV.— Emplois partic.
A.— Emplois pronom. spécifiques. V. faire2 (se).
B.— Emplois impers.
1. [Suivi d'un adj. ou d'un subst. gén. non déterminé; pour indiquer ou suggérer des conditions météor., climatiques ou un moment de la journée ou de la nuit]
a) Faire + adj. Il fait chaud, clair, doux; il fait noir comme dans un four. Mets ton collet, il fait plus frais (MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p. 90). L'homme est arrivé à créer, parmi les grandes eaux froides et noires, une zone habitable où il fait à peu près clair et chaud (TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 172).
Au fig. littér. Je savais pourtant combien il peut faire noir dans un cœur (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 248) :
41. Il fait bleu il fait bon
Il fait aujourd'hui
Il fait bon il fait bleu
Et je suis née juste aujourd'hui
Si vous voulez savoir mon nom
Mon nom est Iris bleu!
CLAUDEL, Poés. div., 1952, p. 743.
b) Faire + subst. Il fait presque jour; il fait nuit (noire); il fait (du) soleil, du brouillard, une chaleur torride, un beau soleil; quel temps fait-il? Il ne faisait pas de lune ni d'étoiles. Mais une sorte de lumière diffuse et l'air était si épais qu'on l'aurait coupé au couteau (BARRÈS, Cahiers, t. 7, 1908, p. 71). A cinq heures (...) quelque temps qu'il fasse, Mme Louise descend au village avec la bonne (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 1004).
P. anal., fam. Il fait faim, soif. J'ai/nous avons faim, soif. Il fait soif à bord (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 232) :
42. ... quand, à la maison, il faisait faim, c'est toi qui chantais encore (...) et nous donnais le courage de chanter, nous aussi!
E. DE GONCOURT, Faustin, 1882, p. 33.
2. Il fait bon/mauvais (à/de) + inf. Il est agréable/ désagréable, dangereux de; cela fait du bien/ne fait pas de bien de. Auprès de ma blonde, qu'il fait bon dormir (vieille chanson française). Que la forêt était belle sous le soleil d'avril! Qu'il faisait bon à respirer, loin des baraques fétides et des sueurs recuites! (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 367). Il [le loriot] dit qu'il fait bon labourer (CLAUDEL, Annonce, 1948, I, 3, p. 160) :
43. Le remblai, jusqu'au bout cette fois, y compris la maison du docteur Bellamy qui était le type même de ces demeures que les passants regardent avec envie en pensant :
— Qu'il doit donc faire bon y vivre...
SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 25.
3. Il ferait beau voir.
C.— Emplois factitifs. V. faire3.
D.— Emplois passifs
1. Locutions
Ce qui est fait. Il n'y a plus à y revenir, n'en parlons plus (en parlant généralement d'une action regrettable). « ... un ennemi de notre religion? Mais c'est abominable! Élevé comme tu l'as été! » Jean (répondant à Cécile seule, sur un ton angoissé et sombre). — Ce qui est fait est fait. Tu souffres? Moi aussi... (MARTIN DU G., Barois, 1913, p. 299). Eh bien oui (...) tu aurais dû rester à Paris (...) — Enfin! ce qui est fait est fait (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 161).
Voilà qui est fait. C'est terminé (en parlant d'une action délicate ou importante). (Il ouvre la porte, la mère le suit avec hésitation jusque sur le seuil.) Voilà qui est fait (CAMUS, Cas intéress., 1955, 1er temps, 3e tabl., p. 635).
Croire que tout est fait. Croire que tout est joué. Une fois qu'il a parlé, il croit que tout est fait (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 400).
2. Être fait pour + subst. ou inf. Être destiné à.
a) [Le suj. désigne une pers.]. Être prédisposé à, avoir des talents pour. Elisabeth et Paul, faits pour l'enfance, continuaient à vivre comme s'ils eussent occupé deux berceaux jumeaux (COCTEAU, Enf. terr., 1929, p. 96) :
44. (Thierry, mécontent, regagne son bureau et s'assied.) Ta loi morale, mon vieux, faut jamais oublier ça : c'est nous qui l'avons faite, pour nous, pour notre utilité sociale! Ce n'est pas nous qui avons été faits pour elle! Alors, le jour où ça ne colle plus bien...
MARTIN DU G., Taciturne, 1932, I, 10, p. 1264.
b) [Le suj. désigne une chose] Avoir tel usage, être créé en vue d'un but précis. L'antiquité a peut-être été faite pour être le pain des professeurs (GONCOURT, Journal, 1894, p. 499). Mais il [le système électoral] semblait fait tout exprès pour décourager des débuts irréguliers comme ceux de Benjamin Disraëli (MAUROIS, Disraëli, 1927, p. 59).
P. iron., péj. C'est bien fait pour lui/pour elle, Il/elle l'a bien mérité. S'il finit sa vie en taule, c'est bien fait pour lui, ajoutai-je avec rage (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 200).
P. plaisant. Et ces sales fleurs qui ne vivent ni ne se fanent jamais Tu les as appelées immortelles... C'était bien fait pour elles... (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 76).
Fam. C'est fait pour (avec ellipse du complément de destination). C'est adéquat, c'est exactement la forme, l'usage qui convient.
3. Être fait à. Être habitué à. J'étais fait à mon visage, comme certains se font à leur misère ou à leur crasse (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 502).
4. Littér. C'en est fait (de). C'en est fini (de). C'en est fait de lui; c'en est fait de la vie de château. C'en était fait, la séparation était sans recours (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 57). Je me sentais déjà tout investi par l'accablant souci de nouveaux devoirs. C'en serait fait des rêveries, des promenades contemplatives (GIDE, Feuillets d'automne, 1949, p. 1088) :
45. Je porte aux études latines un amour désespéré. Je crois fermement que, sans elles, c'en est fait de la beauté du génie français.
FRANCE, Vie littér., 1888, p. 287.
Rem. Certains emplois passifs de faire n'ont pas de forme active correspondante. Invitation lui a été faite de se présenter au plus tôt.
E.— Emplois substitutifs. V. faire4.
Prononc. et Orth. :[], (je) fais []. En syll. non finale, radicaux [f()-] : je ferai, etc., et [f()z-] : nous faisons, etc.; v. aussi bienfaisant, faiseur, etc. dans lesquels il y a cependant flottement [()]/voyelle antérieure. Unanimité en revanche en faveur de la voyelle ant. dans malfaiteur, bienfaiteur. Dans le cas de l'absence de [], assimilation de sonorité entre [f] et le contexte : assimilation progressive dans (je) ferai [], régressive dans le cas de (nous) faisons []. En ce qui concerne le timbre de la voyelle en finale absolue (je fais, etc.), ROUSS.-LACL. 1927 notent, p. 135 : ,,Beaucoup de personnes, surt. parmi les plus jeunes, ont un e moyen``. Enq. : e, D/ (c'est) fait; et, (D)/ (vous) faites. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Faire employé comme substitut d'un autre verbe 1. 842 suppléant d'un verbe d'action déjà exprimé (Serments de Strasbourg ds BARTSCH Chrestomathie 2, 10); ca 1100 le verbe est précisé par le pronom neutre le (Roland, éd. J. Bédier, 2617-18); 2. 1225-30 suppléant d'un 1er verbe exprimé dans une comparaison (GUILLAUME DE LORRIS, Le Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, 639). B. Faire suivi d'un verbe à l'inf. ca 880 (Ste Eulalie, 4 ds BARTSCH Chrestomathie : voldrent la faire diaule servir); 2e moitié Xe s. (St Léger, éd. J. Linskill 186 : Poble ben fist credrë in Deu); mil XIe s. (St Alexis, éd. C. Storey, 112 : Par multes terres fait querre sun amfant). C. « Être le sujet d'une activité, la cause de quelque chose » 1. 2e moitié du Xe s. « exercer une activité » (St Léger, éd. J. Linskill, 81); 2. 2e moitié du Xe s. « accomplir une action » (ibid., 40), d'où mil. XIe s. tant faire que (St Alexis, éd. C. Storey, 464); ca 1100 faire que + subj. (Roland, éd. J. Bédier, 596); ca 1190 ne faire que + inf. (Renart, éd. M. Roques, 13015); 3. mil. XIe s. faire + adv. (St Alexis, éd. C. Storey, 47 : Quant vint al fare, dunc le funt gentement); 4. ca 1170 « exprimer par la parole, dire » (Livre des Rois, éd. E. R. Curtius, p. 31). D. « Déterminer quelqu'un ou quelque chose dans sa manière d'être » 1. 2e moitié du Xe s. « donner une qualité à quelqu'un » (St Léger, éd. J. Linskill, 48); 2. ca 1100 « donner une qualité à quelque chose, rendre » (Roland, éd. J. Bédier, 950 : Nus les [espees] feruns vermeilles de chald sanc); 3. 1172-74 « imiter, chercher à passer pour » (G. DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg [1936], 4824). E. 1. Ca 1100 « créer, réaliser une chose » (Roland, 457); 2. id. « constituer » (ibid., 3052); 3. ca 1164 n'avoir que faire de (CHR. DE TROYES, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2717); 4. 1216 « constituer quant à la quantité » (R. DE CLARI, La Conquête de Constantinople, éd. Ph. Lauer, § 34, p. 36); 5. 1372 « produire, engendrer, enfanter » (Propriétés des choses, I, 30 ds T.-L.). F. Faire avec un suj. impers. 1. 1119 pour exprimer les conditions atmosphériques (PH. DE THAON, Comput, 2636 ds T.-L.); 2. 1160 faire + adj. + inf. (Enéas, 7088 ds T.-L.). Issu du lat. class. facere « réaliser quelque chose; créer, commettre » et servant de substitut à un verbe précédemment exprimé.
II.
⇒FAIRE2 (SE), verbe pronom.
[Emplois pronom. spécifiques de faire; pour les emplois cour. cf. faire1 et faire3]
I.— Emploi réfl. indir. [Le suj. désigne une pers.]
A.— [L'obj. dir. désigne gén. un inanimé abstr.] Se former (à son avantage ou à son détriment).
1. Se faire un(e)/du/de la + subst. Se faire une idée, des idées, des illusions.
Se faire du souci, du mauvais sang, de la bile, du mouron (fam.), du tintoin (pop.), etc. Se tracasser, s'inquiéter vivement. Tu les as guettés, tu t'es fait de la bile. Il ne répondait pas, il avait l'air d'une bête abattue (ZOLA, Nana, 1880, p. 1284). C'était plus fort qu'elle, elle se faisait des cheveux sans raison (SARTRE, Âge de raison, 1945, p. 29).
2. Se faire un(e) + subst. + de. Se faire une idée de, un devoir de, un plaisir de. Elle devait se faire une idée assez savoureuse de notre situation (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 115) :
1. SŒUR CONSTANCE. — Pourquoi pas? Que voulez-vous, Sœur Blanche, chacun se fait de Dieu l'image qu'il peut, à quoi bon discuter là-dessus? Il y a même des gens qui ont le malheur de ne pas croire en Lui, je les plains de tout mon cœur, mais... J'ose à peine vous dire...
BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 3e tabl., 1, p. 1612.
3. Loc. verb. Se faire fort de, illusion sur, ne pas se faire faute de, etc. Dans la vue de lui aplanir cette étude réputée si ardue, et se faisant fort de la lui apprendre en quatre ou cinq jours (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 420). Se faisant illusion sur lui-même, comme tous les phthisiques (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 219).
B.— [L'obj. dir. désigne une pers. ou un inanimé]
1. Se ménager, se créer. Se faire des amis, des relations; se faire un nom, une situation. Il faut, en outre, se faire un nom dans le monde, se créer une position (ZOLA, Contes à Ninon, 1864, p. 195). Il avait eu une jeunesse difficile et avait dû traîner ses grolles un peu partout pour apprendre son métier et se faire une situation (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 276).
2. Spéc., vulg. Posséder sexuellement. Se faire un homme, une femme; se la faire. Synon. s'envoyer, se payer, se taper. Est-ce que, du moment où deux femmes se trouvaient ensemble avec leurs amants, la première idée n'était pas de se les faire? (ZOLA, Nana, 1880, p. 1186).
C.— Loc. verb. spéc. au fig.
1. Se faire + subst. désignant une partie du corps.
Se faire la main. S'exercer, s'entraîner.
Se faire les poings, les griffes, les ongles. Elle est (...) orgueil et force, avec (...) quelque chose de public qui la jette parmi la foule pour se faire les poings (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 275).
Se faire les yeux (à/sur). Les accommoder :
2. Des observations qui précèdent il résulte immédiatement que, pour bien apercevoir l'Arbre de la Vie, il faut commencer « par se faire les yeux » sur cette portion de sa ramure où ne se soit exercée que modérément l'action corrosive du Temps.
TEILHARD DE CH., Phénom. hum., 1955, p. 132.
2. Fam. (Il) faut se le/la faire! Il faut supporter cette personne! Synon. pop. se le/la farcir.
3. Ne pas s'en faire
Ne pas s'inquiéter, être sans crainte. Ne vous en faites pas. T'en fais pas pour si peu (fam.). Tu n'as pas besoin de t'en faire : nous, nous allons à gauche, toujours à gauche : sur Bar-Le-Duc et Châlons (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 281). Faut pas s'en faire pourvu qu'on ait la santé, le boire et le manger (SARTRE, Mort ds âme, 1949 p. 69). Ne t'en fais donc pas pour Nadine (...) en tout cas, elle se consolera vite (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 65).
P. ext. Se montrer sans-gêne ou insouciant, négligent. Il ne s'en fait pas, celui-là! Vous n'avez pas l'air de vous en faire, madame, lui dis-je un jour. Que lisez-vous là? (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 388). On ne s'en fait pas! (p. iron.). Il ne faut pas vous gêner! Eh bien mon vieux! on ne s'en fait pas (QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 99).
II.— Emploi à sens passif. [Emploi abs.; le suj. désigne une chose]
A.— [En parlant d'une réalisation unique] Être produit ou accompli.
1. [En parlant d'une réalisation hum.] C'est ce qui s'est fait de mieux jusqu'ici. C'est une vieille Marseillaise. Ici, vieille signifie expérimentée. Elle a vu se faire Marseille pour une bonne part (GIONO, Chron., Noé, 1947, p. 170). Ton gosse ne s'est pas fait par l'opération du Saint-Esprit, hein? (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 140) :
3. Il [Alfred] la connaissait trop bien, cette chambre; il l'avait vue se faire année par année, et les meubles s'ajouter aux meubles.
BOURGET, Crime am., 1886, p. 167.
Loc. proverbiale. Paris ne s'est pas fait en un jour. Certaines œuvres demandent beaucoup de temps et de patience pour être réalisées.
2. [En parlant d'un événement; en constr. impers. ou à suj. neutre] Arriver, avoir lieu, se produire. Il pourrait bien se faire que; comment se fait-il que...? Je crois même que s'ils avaient tiré un peu mieux, il aurait pu se faire que tu m'attendes ici très longtemps (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 263) :
4. Il me regarda : « Vous croyez que ça ne peut pas se faire? »
— Je n'ai pas d'idée, dis-je.
— En tout cas on essaiera, dit-il avec décision. Il faut essayer de faire des choses! C'est pas une raison parce qu'on est un intellectuel pour vivre en pantoufles.
BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 215.
En partic., en constr. attributive avec un subst. désignant le suj. réel. Il se fait, il se fit. Il y a, il y eut. Il se fit un grand silence. Un jour, il se fit un déclic dans ma tête (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 24).
B.— [En parlant d'un fait répété, d'un comportement habituel]
1. Être couramment pratiqué, être en usage. Cela se faisait au Moyen Âge; cela se fait souvent ici; ce sont des choses qui se font. Synon. se pratiquer. À parler franchement, je ne suis pas folle de ces exhibitions. De mon temps, cela ne se faisait pas (FEUILLET, Mar. monde, 1875, pp. 121-122). Elle affectait d'être préoccupée, distraite; cela ne se fait point en province, je m'en inquiétai (GIRAUDOUX, Simon, 1926, p. 69) :
5. MME RATINOIS. — (...) j'ai dîné dernièrement dans une maison où l'on changeait de couteau et de fourchette à chaque plat.
LE MAÎTRE D'HÔTEL. — Cela se fait partout, maintenant.
LABICHE, Poudre aux yeux, 1861, II, 8, p. 376.
En partic. Être à la mode. Les ponchos se font beaucoup cette année.
2. [Surtout à la forme négative, avec une idée de convenance mor. ou soc., de politesse, d'usages] Convenir, être séant, convenable, raisonnable. Cela ne se fait pas. Cela n'est pas correct, de bon ton. Je vous choque, parce que je me promène l'âme toute nue, dans cette maison, et que cela ne se fait pas (COCTEAU, Monstres sacrés, 1940, II, 2, p. 51) :
6. Sa conduite était uniquement guidée par l'intérêt et le respect des convenances. « Oh! Monsieur, ça ne se fait pas », me disait-il lorsque je voulais faire monter, dans la carriole (...) un estropié cheminant péniblement sur la route...
GIDE, Feuillets d'automne, 1949, p. 1088.
III.— Emploi à valeur subjective ou réfl. dir.
A.— Se transformer, changer d'état. Anton. se défaire.
1. Emploi abs. à valeur subjective
a) [En parlant d'une pers.] Se transformer naturellement ou volontairement dans le sens de l'accomplissement de son être (au physique ou au moral). Il se fera; il s'est fait tout seul; une jeune fille qui se fait. (Quasi-) synon. se former, évoluer, s'épanouir. Il faut que l'enfant se fasse lui-même, il faut le laisser se faire au milieu du vaste monde, si l'on veut qu'il soit plus tard un homme, une énergie agissante (ZOLA, Travail, t. 1, 1901, p. 227). Mais si l'homme en train de se faire, de devenir, ne pouvait être sans mensonge immobilisé dans son grouillement? C'est toute la question (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 217) :
7. Jusqu'à un certain point le fidèle qui, ayant compris le sens chrétien du développement, aura travaillé à se faire et à faire le Monde pour Dieu, n'aura presque pas besoin d'entendre ce deuxième commandement pour commencer à lui obéir. Ne s'est-il pas déjà quitté, en même temps qu'il prenait possession de lui-même...?
TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 109.
b) [En parlant du vin, du fromage ou plus rarement d'un fruit] Arriver, avec le temps, à un degré de qualité, de maturité propre à la consommation. Vin, fromage qui se fait. (Quasi-)synon. s'améliorer, se bonifier, mûrir. Vous pensez qu'un tremblement de terre en Nouvelle-Guinée n'empêche pas (...) les fromages de se faire et la terre de tourner (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 16) :
8. Les fromages demi-gras sont plus longs à se faire que les fromages gras et leur affinage complet exige au moins deux mois.
POURIAU, Laiterie, 1895, p. 625.
2. Emploi réfl.
a) Se faire à. S'habituer, s'adapter à (quelqu'un ou quelque chose). Se faire à une idée; je ne peux pas m'y faire; je ne m'y ferai jamais; on se fait à tout. On se fait à ce pays, et puis on finit par l'aimer (MAUPASS., Contes et nouv. t. 1, Allouma, 1889, p. 35) :
9. BLANCHE. — Ce qui vous paraît contrainte n'est que manque d'habitude et maladresse. Je n'ai pu encore me faire au bonheur de vivre heureuse et délivrée.
BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 3e tabl., 8, p. 1629.
b) Se faire + adj. attribut. Commencer à être et paraître. Se faire vieux; produit qui se fait rare. Synon. devenir. Le baron retrouva quelque force et sortit de son apathie; il devint jeune quand son fils se faisait vieux (BALZAC, Béatrix, 1839-45, p. 245). Ces tourterelles dont le roucoulement amoureux se fait parfois si âpre (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 367).
3. Emploi impers. Il se fait tard. L'heure commence à être tardive ou la nuit commence à tomber, le jour décline. Il commence à se faire tard; on va l'embarquer dans l'auto (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 562).
B.— Emploi attributif. Devenir volontairement. Synon. se rendre, devenir.
1. [L'attribut est un adj. qualificatif] Se faire doux, petit. Elle est arrivée piteuse, les mains vides, n'ayant rien à donner, tout à recevoir, se faisant pauvrette (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 39). La fable de « La Grenouille voulant se faire aussi grosse que le Bœuf » (GIDE, Journal, 1943, p. 243) :
10. ... elle [Lise] se rappela soudain que deux de ces barreaux étaient plus espacés à l'extrémité de la grille et que dans son enfance elle parvenait à se glisser par là. Elle se fit menue, toute menue, rentrant ses omoplates l'une après l'autre...
LACRETELLE, Hts ponts, t. 4, 1935, p. 250.
Spéc. Se faire beau, belle. Se parer, s'apprêter (se maquiller). Violaine. — Ai-je eu tort de me faire belle pour une pauvre petite heure? (CLAUDEL, Annonce, 1948, II, 3, p. 169) :
11. Elle est très heureuse, sauf que sa maman ne la mène jamais à la promenade. Enfin, elle a une joie : sa maman se lève, se fait belle, va sortir. Étonnement de la poupée qu'on ne la prépare pas, elle aussi.
RENARD, Journal, 1900, p. 608.
2. [L'attribut est un subst. non déterminé désignant un état de vie, une condition, une profession] Se faire avocat, moine, prêtre; cf. le Verbe s'est fait chair. Les saints ont grand'peine, même en se faisant ermites, à ne pas emporter au fond leur petit démon secret (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 258). Contrairement aux habitudes de ma famille, son frère avait préféré l'épée à la robe, il s'était fait militaire (KOCK, Compagn. Truffe, 1861, p. 14) :
12. On a remarqué que la déficience de l'aptitude est parfois un stimulant de l'intérêt dans le choix du métier : le bègue se fait orateur (Démosthène), l'émotif, médecin.
MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 425.
3. [Le suj. désigne une femme] Se faire une beauté. Se parer, s'apprêter, se maquiller. Ma chère! que je me cache pour me faire une beauté, quand j'aurai trente-cinq ou quarante ans, je ne dis pas (COLETTE, Entrave, 1913, p. 59) :
13. Croire que l'on convaincra quelqu'un qu'une pièce est bonne, en l'obligeant à y venir en frac, ressortit à ces mêmes ficelles grossières que c'est, pour une femme, de « se faire une beauté » en public : on truque, et on dévoile le truc.
MONTHERL., Notes théâtre, 1954, p. 1073.
Prononc. et Orth. Cf. faire1. Étymol. et Hist. V. faire1.
III.
⇒FAIRE3, verbe auxil.
[Toujours suivi d'un inf.]
I.— [Auxil. à valeur factitive]
A.— Être cause que, obtenir que, aboutir à ce que.
1. [Le suj. désigne une pers.] Faire tomber un verre; faire rire qqn aux larmes; faire taire qqn; faire marcher; faire suer qqn. C'est lui qui fait vaincre son club (MONTHERL., Olymp., 1924, p. 253). Elle sortit de son cabas un tricot grenat et se mit à faire cliqueter ses aiguilles (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 84) :
1. — Il y a quelques mois, notre Comité ne se voyait pas obligé de me déléguer pour connaître vos opinions : vous les lui faisiez connaître vous-même...
MALRAUX, Conquér., 1928, p. 77.
2. [Le suj. désigne une chose] L'émotion la fit crier, la peur le fit trembler; c'est ce qui fait vivre; qu'est-ce qui te fait dire, penser cela? La forte odeur de bois vert me donnait une espèce de rhume des foins qui me faisait éternuer, larmoyer (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 189). C'est mon désordre qui vous fait faire cette tête-là? (GREEN, Moïra, 1950, p. 158).
3. À faire + inf. Cf. l'article à I F 4 b.
B.— En partic. Charger (quelqu'un) de, inviter à. Faire prévenir un ami, réparer des chaussures, envoyer un télégramme, lire des livres, acheter un produit. Fils unique! je ne peux pas imaginer ce que ça représente, moi qui ai toujours eu une petite sœur à garder, à faire jouer (DUHAMEL, Jardin bêtes sauv., 1934, p. 32). Cinq seulement ont fait dire qu'ils viendraient. La neige arrête bien des gens (MONTHERL., Maître Sant., 1947, I, 1, p. 597). Quant à Dacha, elle est dans sa chambre. Voulez-vous que je la fasse demander? (CAMUS, Possédés, 1959, 1re part., 4e tabl., p. 971) :
2. — Mais, Jacques, vous avez oublié de les faire tondre. Ces enfants ne sont pas présentables.
— Maman, répondis-je aussitôt, papa estime que nous sommes désormais trop grands pour être tondus.
H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 107.
Rem. Ell. du part. passé dans une énumération. Il avait fait creuser des trous dans les plaines, coucher tous les jeunes arbres des forêts voisines (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Boule de suif, 1880, p. 122).
C.— Affirmer, prétendre, attribuer.
1. Faire dire qqc. à qqn. Attribuer des propos à quelqu'un.
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Ne m'attribuez pas ces paroles. — Ce n'est pas drôle d'être prisonnier, dit Odette sans lever les yeux. Il la considéra gravement : — Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit! (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 158).
2. Littér. Faire mourir un personnage à telle époque, à telle date. Il va jusqu'à tripler hiéroglyphiquement le septenaire, faisant ainsi vivre Lamech 777 ans (LEROUX, Humanité, t. 2, 1840, p. 606).
Emploi pronom. Il signait « Pommereux », se faisant descendre de la famille Pommereux des lettres de Madame de Sévigné (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 153). C'est génial (...) de vous être arrangée pour vous faire prendre par tout le monde pour un petit cafard insignifiant (ANOUILH, Répét., 1950, IV, p. 96).
D.— Constr. gramm. (pour les sens précédents).
1. Faire + inf. sans compl. d'obj.
a) [Le suj. de l'inf. est exprimé] Faire manger un malade; faire sortir qqn; faites-le obéir. On les a fait entrer dans la cuisine (GIONO, Regain, 1930, 2e part., 3, p. 225). Il a dit comme ça que d'insulter les revenants c'était le moyen de les faire partir (COCTEAU, Machine infern., 1934, I, p. 36) :
3. ... il ouvrait la bouche et la fermait tour à tour en faisant claquer ses dents (...). Quand la voiture du roi passa devant lui, il fit bondir son cheval, et certainement il eut la tentation de se précipiter sur le roi.
CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 532.
b) [Le suj. de l'inf. n'est pas exprimé] L'opium fait dormir; cela fait sourire.
2. Faire + inf. avec un compl. d'obj. indir.
a) [Le suj. de l'inf. est introduit sans prép.] Faire obéir un enfant à ses parents; faites-le obéir à ses maîtres. L'encombrement des guichets le fit renoncer à rien demander de ce côté-là (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 233).
Littér. Cela le faisait penser à qqn/qqc.
b) [Le suj. de l'inf. est introduit par la prép. à ou se présente éventuellement à la forme indir., dans le cas d'un pron. pers.] Cela lui fit penser à; faites-moi penser à; faire changer d'avis, d'idée à qqn. Elle lui fit promettre d'écrire souvent et de venir la voir (MAUROIS, Disraëli, 1927, p. 321). La matière de vingt livres... on ne me fera tout de même pas croire... Voyons, Lipotte! ... (BERNANOS Mauv. rêve, 1948, p. 939).
3. Faire + inf. avec compl. d'obj. dir.
a) [Le suj. de l'inf. n'est pas exprimé] Faire lire un livre; faites-le prévenir.
b) [Le suj. de l'inf. est un subst. introduit par la prép. à ou par] Faire construire une maison à/par un architecte.
[Prép. à] Il y a un arrêté du préfet (...) qui défend de faire porter aux enfants des charges excessives (GYP, Souv. pte fille, 1927, p. 77). Beaucoup de fermiers, ne vendant plus leur blé, font moudre leur farine aux petits moulins à vent (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 16).
[Prép. par] Ulianow me l'a fait répéter par sa femme : c'est un héros (BOURGET, Actes suivent, 1926, p. 99) :
4. Si je fais trahir je ferai trahir par des traîtres. Si je fais bâtir je ferai bâtir par des maçons. Si je fais la paix je la ferai signer par des lâches. Si je fais mourir je ferai déclarer la guerre par des héros.
SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 785.
Rem. L'emploi de la prép. de est également attesté par DUPRÉ 1972. Cela me fera détester de tout le monde.
c) [Le suj. de l'inf. est un pron. à la forme dir. ou indir. ou introduit par par] Faites-le écrire la lettre; faites-lui écrire la lettre; faites-la lui écrire; faites écrire la lettre par lui. Je lui ai fait faire le tour du propriétaire (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 122). Dubreuilh t'a rendu un service il y a dix ans; il ne va pas te le faire payer toute ta vie (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 114) :
5. Il est seulement recommandé de lui faire toucher du doigt, positivement, certaines absurdités de fait, lui laissant tirer les conclusions...
MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 556.
Rem. 1. Le part. passé de faire devant un inf. reste invar. Copeau, Jammes, Claudel, Ghéon (je ne cite que ceux qui se sont fait connaître) (GIDE, Ainsi soit-il, 1951, p. 1183). 2. Faire, verbe factitif, peut être employé comme auxil. de faire1, faire2. Faire faire une robe. M. le baron de Château-Renaud savait d'avance tout le plaisir qu'il me procurait en me faisant faire votre connaissance (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 574).
4. Emplois pronom.
a) réfl. dir. Se faire maigrir, bronzer, vomir.
b) réfl. indir.
Entreprendre une action dont on est le bénéficiaire. Se faire couler un bain.
Agir de telle façon qu'une autre personne entreprenne une action dont on est le bénéficiaire. Se faire couper les cheveux. Maintenant que les Chinois se font couper la natte et se modernisent (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 315). Cf. Faire1 III A 2.
c) à valeur passive
[Le procès s'inscrit dans la durée] Se faire aimer, obéir. Un soldat distingué, lequel a pillé l'Espagne en se faisant battre (CHATEAUBR. Mém., t. 3, 1848, p. 104).
[Le procès est ponctuel] Se faire attaquer, renverser par une voiture. Je (...) courus jusqu'à un taxi, me fis conduire rue Vauquelin (GIDE, Journal, 1939, p. 13). C'est Bichat qui va se faire sonner les cloches (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 244). On lui donnera un livre d'images, et il se fera gronder par sa bonne, sinon fesser pour en avoir déchiré les pages (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 190).
Fam. Aller se faire pendre ailleurs, se faire fiche, foutre (vulg.). Aller se faire cuire un œuf.
Rem. L'omission du pron. réfl. devant l'inf. est cour. Faire asseoir qqn; tu me fais marrer (pop.). Ferai-je pâmer les renchéris? (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 158). Cependant le pron. est parfois maintenu lorsqu'il s'agit de verbes essentiellement pronom. ou pour lever une ambiguïté. Une rafale de mistral (...) faisait s'envoler les feuilles mortes (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 353).
II.— [Auxil. d'aspect et de temps]
A.— Ne faire que + inf.
1. [Indique la répétition d'une action, la continuité] Ne pas cesser de. Il ne fait que jouer; ne faire que pleuvoir.
2. [Indique une limitation, une restriction]
a) Faire uniquement, exclusivement (une chose et non une autre) :
6. Au fait, en période normale, qu'est-ce qu'il racontait à sa femme quand il était avec elle? Il lui arrivait aujourd'hui de se le demander. Rien en somme. Alors, pourquoi, toute la journée, lui manquait-elle tellement? Ici, il ne faisait qu'attendre; attendre la fin de la demi-heure.
SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 11.
b) N'avoir d'autre effet que. Ne faire qu'empirer. La résistance ne faisant qu'accroître les désirs de l'ami du bibliophile (NERVAL, Filles feu, Angélique, 1854, p. 582). L'inquiétude où son état le jetait ne faisait qu'aggraver son mal (GUÉHENNO, Jean-Jacques, t. 2, 1950, p. 44).
c) Se contenter de, faire à peine (temps bref). Ne faire qu'entrer et sortir; nous ne ferons qu'évoquer. J'en recueillerai quelques exemples en ne choisissant même pas et en ne faisant que me baisser pour les prendre (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 58). Si la pluie était intermittente ou s'il ne faisait que bruiner (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 65) :
7. Ibrahim et Bichos ne firent que passer. Le premier ne parlait qu'arabe ou latin; le second torturait l'anglais. Tous deux fort grands seigneurs et petits savants, ils déçurent beaucoup notre père.
BAZIN, Vipère, 1948, p. 121.
B.— Ne faire que de + inf. [Pour indiquer le passé immédiat] Venir à peine de. Ne faire que d'arriver, de sortir.
Rem. Dans la lang. cour., on rencontre l'emploi de ne faire que de au lieu de ne faire que. Je ne fais que d'aller et venir (cf. DUPRÉ 1972). Inversement, ne faire que est employé pour ne faire que de. La séance ne fait que commencer. Dans quinze ans, la vie ne fera encore que commencer (Radiguet ds COLIN 1971).
Prononc. et Orth. Cf. faire1. Étymol. et Hist. V. faire1.
IV.
⇒FAIRE4, verbe substitut.
Faire remplace un verbe qu'il faudrait répéter.
A.— [En prop. compar.]
1. Rare, très recherché. [Le verbe remplacé est trans.] Après m'avoir engraissé comme on fait les oies (MÉRIMÉE, Lettres Panizzi, t. 2, 1870, p. 127).
Rem. Dans l'usage cour., ou bien on répète le 1er verbe, ou bien on le supprime dans le second terme de la compar., ou plus rarement, on emploie faire suivi des prép. de ou pour ou avec. Sa perfidie (...) empoisonnait sans laisser trace, présentée le sourire aux lèvres, ainsi qu'il eût fait d'une fleur (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 2e tabl., 2, p. 74).
2. Moins rare. [Le verbe remplacé est intrans. ou trans. indir.]
a) Faire. Un peu avant midi, nous sommes entrés dans la salle, rapidement comme nous faisons toujours (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 584). Élena et moi aurions bien voulu (...) jouer à la poupée, et au papa et à la maman comme tous les enfants font (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 240).
Rem. Il existe des loc. verb. de compar. faire comme, en faire autant (= imiter). J'emmène ma femme, dit l'un. — J'en fais autant. — Et moi aussi (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Boule de Suif, 1880, p. 118). Le maître d'hôtel se saoule avec la cuisinière à l'office et j'ai envoyé le parachutiste en faire autant au village voisin (ANOUILH, Répét., 1950, IV, p. 108).
b) Le faire. Et si vous me parlez à nouveau comme vous venez de le faire, je vous ferai goûter de ma canne (CAMUS, Possédés, 1959, 2e part., 5e tabl., p. 989).
Rem. Faire peut remplacer une loc. verb. factitive. — Arrêtez (...) cria Trésor des Fèves en faisant claquer le pouce de sa main droite contre le doigt du milieu, comme il l'avoit vu faire à Fleur des Pois (NODIER, Trésor Fèves, 1833, p. 49).
B.— [En dehors de la prop. compar.] Raoul (...) conseilla à Michel d'attendre encore, ce qu'il fit (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 403). Occupée à laver la vaisselle, elle protestait à son tour qu'elle ne le faisait qu'accidentellement (GIDE, Et nunc manet, 1951, p. 1137). Je ne l'ai pas encore remboursé. Mais je le ferai (CAMUS, Possédés, 1959, 1re part., 3e tabl., p. 960) :
Je me demande, d'ailleurs, sous quelle forme j'aurais pu préciser ma règle personnelle de vie, si j'avais eu à le faire, — ce dont je n'avais ni le loisir ni l'idée...
MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 959.
Prononc. et Orth. Cf. faire1. Étymol. et Hist. V. faire1.
STAT. — Faire1, 2, 3 et 4. Fréq. abs. littér. :295 648. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 419 908, b) 450 868; XXe s. : a) 411 344, b) 410 087. Faisant. Fréq. abs. littér. :8 764. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 13 126, b) 16 178; XXe s. : a) 12 545, b) 9 857.
BBG. — Faire1, 2, 3 et 4. GAATONE (D.). Les Pron. conjoints ds la constr. factitive. R. Ling. rom. 1976, t. 40, pp. 165-182. — GIRY-SCHNEIDER (J.). Les Nominalisations en fr. L'opérateur faire ds le lex. Genève, 1978. — GRAUR (A.). Fréq. et évolution. R. roum. de ling. 1971, t. 16, pp. 7-8. — HŒYBYE (P.). Faire faire quelque chose à quelqu'un. Fr. mod. 1939, t. 7, p. 51. — JOHANSSON (A.). Ét. synt. sur le verbe faire en fr. mod. In : [Mél. Wahlund (K.)]. Mâcon, 1896, pp. 95-107. — KAYNE (R. S.). Synt. du fr. Paris, 1977, pp. 196-314, 376-412. — KLEIN (J.-R.). Le Vocab. des mœurs de la Vie Parisienne sous le Second Empire. Louvain, 1976, pp. 221-223. — LANCASTER (H. C.). The Object of faire with a reflexive infinitive. Mod. Lang. J. 1943, t. 27, pp. 513-514. — LANGACKER (R. W.). Les Verbes faire, laisser, voir. Langages. Paris. 1966, t. 3, pp. 72-89. — MARGERIE (C. de), MOIRAND (S.), PORQUIER (R.). Les Constr. verbales avec faire, laisser, voir. Fr. Monde. 1973, n° 98, pp. 33-41. — MOIGNET (G.). La Suppléance du verbe en fr. Fr. mod. 1960, t. 28, p. 21. — ORR (J.). Vous avez beau faire. R. Ling. rom. 1957, t. 21, pp. 197-208. — PINCHON (J.). Les pron. adverbiaux en et y. Genève, 1972, pp. 169-188. — QUEM. DDL t. 15. — REES (G. O.). Faire as substitute in comparative clauses. Mod. Lang. R. 1960, t. 55, pp. 504-508. — SPITZER (L.). Faire une scarlatine. Rom. R. 1938, t. 29, pp. 170-172; Ça fait distingué... Rom. R. 1940, t. 31, pp. 44-51. — VÄÄNÄNEN (V.). Faire le malin et tours congénères. In : [Mél. Orr (J.)]. R. Ling. rom. 1967, t. 31, pp. 341-364.
V.
⇒FAIRE5, subst. masc.
A.— Action de faire (quelque chose), acte de celui qui fait quelque chose. C'est l'application des mérites de Christ qui justifie [selon saint Paul]; c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire (RENAN, St-Paul, 1869, p. 485). Le fait n'est rien sans le faire, ni le faire sans la façon de faire (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 20).
Loc. proverbiales vieillies. Il y a loin du vouloir au faire. Le dire et le faire sont deux (Ac.). Le passage des paroles ou de la volonté aux actes, du projet à sa réalisation n'est pas facile ou n'est pas évident.
Rem. La docum. atteste a) Le bien-faire. b) Le ne-rien-faire : Le divin ne-rien-faire où l'on fait tant de choses! (ROLLAND, C. Breugnon, 1919, p. 24). c) Le « faire-croire » : Ai-je usé de trompe-l'œil? (...). Cet illusoire, ce « faire-croire », ne procure pas de succès durable (BARRÈS, Cahiers, t. 3, 1902-04, p. 358). d) Le laisser-faire.
B.— Vx. Manière d'exécuter (une œuvre ittéraire ou artistique). Synon. facture. Ses moindres croquis [de Scarron] Ont l'entente de l'art et sont d'un faire exquis (POMMIER, Crâneries, 1842, p. 67). C'est [le Martyre de Saint-Sébastien, par Lepaulle] une peinture dont le faire a tout l'aplomb des grands maîtres (BAUDEL., Curios. esthét., 1867, p. 31).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1. Mil. XIe s. fare « action de faire » (St Alexis, éd. Chr. Storey, 47); 2. 1713 « la puissance, le fait d'agir » (FÉNELON, Existence de Dieu, I, 65 ds LITTRÉ); 3. 1752 « manière de faire une œuvre d'art » (Trév. : Un paysage d'un beau faire). Emploi substantivé de faire.

faire [fɛʀ] v. tr.
CONJUG. je fais, nous faisons [fəzɔ̃], vous faites, ils font; je faisais [fəzɛ]; je fis, je ferai; je ferais; fais, faisons, faites; que je fasse; que je fisse; faisant; fait, e.
REM. Ai du radical se prononce [ə] en position faible, c'est-à-dire lorsqu'il appartient à l'avant-dernière syllabe prononcée : je fais [fɛ], nous faisons [fəzɔ̃], vous faites [fɛt]
ÉTYM. 842, fazet, 3e pers. du subj.; faire, au Xe, du lat. facere.
———
I Réaliser (un être : qqch. ou qqn).
1 Réaliser hors de soi (une chose matérielle). Construire, fabriquer. || Faire une maison, un meuble, une pendule, une machine (→ Architecte, cit. 6; automate, cit. 2). || Oiseau qui fait son nid (→ Blé, cit. 3). || Faire du ciment. || Faire le pain (→ 1. Boulanger, cit. 1).Confectionner (une préparation culinaire). || Faire des confitures, de la glace. || Comment faites-vous ce dessert ?Fam. || Faire le dîner (ou à dîner), le préparer.Faire du tissu avec du raphia. || Faire un costume. Confectionner.(Œuvres d'art). || Faire un tableau, une statue (→ Bloc, cit. 1).C'est ce qu'on fait de mieux, de plus nouveau dans le genre, et, fig., c'est ce qu'on fait de mieux dans le genre prétentieux. — ☑ Loc. fam. Je le connais comme si je l'avais fait.C'est un homme comme on n'en fait plus.
1 Yaweh parla à Moïse en disant (…) ils feront une arche de bois d'acacia (…)
Bible (→ Arche, cit. 2).
2 Après que les ruches sans miel
N'eurent plus que la cire, on fit mainte bougie;
Maint cierge aussi fut façonné.
La Fontaine, Fables, IX, 12.
3 Il trouva, faite par Stidmann pour une Russe qui n'avait pu la payer après l'avoir commandée, une chasse au renard sculptée dans l'or (…)
Balzac, Modeste Mignon, Pl., t. I, p. 550.
4 (…) Faire est le propre de la main.
Valéry, Variétés V, p. 55.
5 (…) elle ne cessait jusqu'au soir de faire des couvertures de laine au crochet (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 72.
Faire un paquet : constituer un paquet en réunissant diverses choses qu'on empaquette.Loc. fig. Faire ses paquets : partir. || Tu nous ennuies, tu peux faire tes paquets. Syn. : faire sa valise (autre valeur de faire).
Par ext. || Faire son paquet, ses paquets, sa valise… : mourir.
5.1 Les Tutsis, pour la plupart sérieusement blessés (…) furent accrochés (à une poutre) un par un à l'aide d'une échelle. Beaucoup, dont les protestations étaient jugées ridicules, ou simplement intempestives, firent leurs paquets sous les quolibets d'un public de connaisseurs, alors qu'en revanche, ceux qui restaient impassibles bénéficièrent avant de mourir d'un silence approbateur.
Pierre Gombert, le Prix d'un taxi, p. 146.
Spécialt (en parlant de Dieu, d'un créateur). Donner l'être, la vie à. Créer. || Dieu a fait l'homme à son image. || Dieu a fait le monde en six jours. — ☑ Loc. Tous les jours que Dieu fait : chaque jour.
6 Vos mains m'ont fait et m'ont formé; donnez-moi l'intelligence, afin que j'apprenne vos commandements.
Bible (Sacy), Psaumes, CXVIII, 73.
7 Dieu fait bien ce qu'il fait. Sans en chercher la preuve
En tout cet univers et l'aller parcourant,
Dans les citrouilles je la treuve.
La Fontaine, Fables, IX, 4.
8 J'aime la nature telle que les dieux l'ont faite…
Pierre Louÿs, les Aventures du roi Pausole, VI (→ Artiste, cit. 10).
2 (Êtres animés). Produire en soi, de soi (un être concret, une chose concrète). Emplois spéciaux.
a (Humains). || Faire un enfant. Engendrer, procréer. || Elle a fait de beaux enfants. Avoir, enfanter (→ Allaiter, cit. 2; assouvir, cit. 1). Fam. (d'un homme). || Il a fait un enfant à sa femme. || Ils ne veulent plus faire d'enfants.
9 J'ai dit que la plupart d'entre eux font un enfant, non pas pour son plaisir, mais pour le leur.
Julien Benda, Rapport d'Uriel, VI, p. 81.
10 (…) Georges s'était même montré très régulier : c'était lui qui avait insisté pour l'épouser. Seulement il était trop tard : Ivich le haïssait parce qu'il lui avait fait un môme.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 59.
(Animaux). Mettre (bas). || Chienne qui vient de faire ses petits.REM. Faire dans le sens d'accoucher, pour une femme, est trivial.
11 Lorsque la marte est prête à mettre bas, elle grimpe au nid de l'écureuil (…) et y fait ses petits.
Buffon, Hist. nat. des animaux, La marte, Œ., t. II, p. 594.
12 Cette femme faisait son petit dans les broussailles comme une laie.
J. Giono, le Chant du monde, II, II.
(Plantes). || Faire des bourgeons, des feuilles.
Loc. fig. Faire des petits : se multiplier, proliférer. || Il a opéré de bons placements, son argent fait des petits.
12.1 Si ça pousse, ma fille, ces cinquante francs-là feront des petits.
Ch. Paul de Kock, la Grande Ville, t. I, p. 38.
12.2 Pouthier, qui a toujours une insolente confiance dans la Providence, et qui est toujours persuadé que sa dernière pièce de quarante sous fera des petits le lendemain, est venu dîner chez nous.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, t. I, p. 82.
b (Se dit de l'organisme). Produire. || Le bébé fait ses dents, ses dents poussent. || Votre organisme fait trop d'albumine. Fabriquer.
c Évacuer (les déchets de l'organisme). Évacuer.(Euphémisme). || Faire ses besoins, ses nécessités, et, absolt, faire. Aller (→ Cabinet, cit. 2). || Enfant qui fait au lit, sous lui, dans sa culotte. || Le vieillard fait sous lui. Gâteux, 1.Loc. fig. Faire dans sa culotte : avoir peur.Fam. (lang. enfantin). || Faire pipi, faire caca. Uriner, déféquer; pisser, chier (vulg.).Évacuer avec les selles ou les urines. || Faire du sang, du sable, des glaires.
13 Il fit partout dans le lit (…)
Saint-Simon, Mémoires, 115, 258.
14 Reytiers, apparemment par timidité, fit pipi pendant la messe, que je servais, sur un prie-Dieu de sapin.
Stendhal, la Vie de Henry Brulard, XVIII, p. 172.
15 Dites aux soldats, seigneur général, de faire leurs besoins (…)
A. Jarry, Ubu roi, IV, 3.
16 (…) le vieux gâteux en bas réclamait tous les matins Victorine avec une voix d'enfant abandonné, parce que c'était elle qui le torchait de ce qu'il avait fait sous lui la nuit (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 14.
d (Sujet n. de chose). Produire, émettre (une substance). || Les fruits font du jus. || Ce savon fait beaucoup de mousse.
3 Réaliser hors de soi (une chose abstraite).
Construire (fig.). Artisan (être l'artisan de). || Faire son bonheur soi-même. || Elle a fait son propre malheur. || Faire sa vie, sa fortune. || Il lui a fait un nom.
17 Comme on fait son rêve, on fait sa vie.
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, p. 45 (→ Architecte, cit. 8).
18 On prétendait qu'il possédait un plan d'escroquerie magnifique pour faire sa fortune en deux ans (…)
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 125.
19 (…) la volonté, chez l'écrivain pratique, de plaire à la bourgeoisie, laquelle fait les renommées et dispense les honneurs.
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 231.
Établir. || Faire une loi, une institution. Élaborer, établir, instaurer, instituer (→ Assemblée, cit. 2).
20 Ne pouvant pas supprimer l'amour, l'Église a voulu au moins le désinfecter, et elle a fait le mariage.
Baudelaire, Journaux intimes, « Mon cœur mis à nu », XXX.
(Le compl. désigne une œuvre d'art, un ouvrage intellectuel). Composer, créer, écrire. || Faire un poème, un sonnet. Auteur (cit. 16). || Faire un livre (→ Amuser, cit. 14; caduc, cit. 5), un opéra, une chanson (cit. 1).Faire de la bonne littérature.
21 C'est un métier que de faire un livre, comme de faire une pendule.
La Bruyère, les Caractères (→ Art, cit. 59).
22 Tâchons chacun à faire quelque chose qu'un autre n'ait pas fait avant nous.
Sainte-Beuve, Correspondance, t. II, p. 325.
23 L'œuvre qu'on portait en soi paraît toujours plus belle que celle qu'on a faite.
Alphonse Daudet, Contes du lundi, « Le dernier livre ».
24 (…) cet homme (Gautier) « qui ne faisait rien sous prétexte qu'il faisait des vers ».
Émile Henriot, les Romantiques, p. 199.
25 D'où vient que l'on ne peut guère plus faire de bonne littérature avec de bons sentiments (…)
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 43.
Absolt. || Faire, défaire et refaire (en écrivant, en créant).
N. (Rare). Savoir-faire, maîtrise.
25.1 Voyez les mains, voyez les plis de la draperie. Et ce ton de la chevelure, et ce faire, cet envolement de toute la composition… Un Botticelli, ah ! mon Dieu, un Botticelli !
Zola, Rome, p. 724.
4 Par ext. Se fournir en. a (Compl. en de ou au plur.). Prendre qqch. Approvisionner (s'), prendre. || Le bateau s'arrête pour faire de l'eau, pour faire des vivres. || Faire de l'essence. || Faire du bois, de l'herbe. Amasser, ramasser. || Faire des, ses provisions.
25.2 (…) durant un arrêt de quatre heures — on devait « faire du bois » (…)
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 827.
26 Celle-ci, sortie sous le prétexte de faire de l'herbe pour ses vaches, ne reparaissait plus.
Zola, la Terre, IV, II.
b Obtenir, faire obtenir. Obtenir. (1837). || Il a fait beaucoup d'argent avec ce commerce, et, fam., faire son beurre, du (son) blé. || Se faire beaucoup d'argent. Gagner. || Faire des bénéfices. Ellipt. || Cet entrepreneur ne fait pas ses frais, ne gagne pas de quoi les couvrir. || Ce n'est pas la peine de faire des frais pour lui, de dépenser de l'argent. || Faire une rente, une pension à qqn. Allouer, procurer, servir. || Faire un cadeau à qqn.
27 Hélas, Monsieur, vous m'excuserez, je n'ai fait que soixante et quatre livres cinq sous (à la quête).
Furetière, le Roman bourgeois, I, 52.
28 En Amérique, je vais faire de l'argent. Avec le nom que je porte (Silbermann), j'y étais prédestiné, hein ?…
J. de Lacretelle, in A. Maurois, Études littéraires, t. II, p. 226.
28.1 X… ne m'inspirerait pas le quart de la mésestime que je ressens à le voir faire son beurre, s'il ne se disait chrétien et s'il n'en vivait.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 312.
28.2 C'est à lui de toutes façons qu'il est amusant de faire des frais.
Claude Mauriac, le Dîner en ville, p. 75.
Faire des troupes (vx). Lever, recruter. || Faire des recrues pour un parti. || Faire un client. || Faire une maîtresse (vx), en avoir une.(Fam.) || Faire une femme, un homme. Lever (fam.), séduire.
29 Oui, elle était en voiture, et une toilette d'un chic !… C'est elle qui m'a envoyé une risette avec son gant… Elle a fait un vicomte, je crois.
Zola, l'Assommoir, XI, t. II, p. 207.
29.1 (…) un grand lui dit : « Dis donc Santeuil, viens donc un jour avec moi à quatre heures faire des filles. Va, dans tous tes livres tu ne trouveras rien de si chic que cela. »
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 240.
c (1877). Fam. Prendre contre le gré du possesseur. || Faire mille francs à qqn. Extorquer, soutirer; refaire. || Faire une montre. Piquer, voler.
30 (…) pour lui faire vingt francs (à son père), en vue de la fête du lendemain, (il) était venu jouer le grand jeu (…)
Zola, la Terre, III, III.
31 (…) une fois mort, elle aura été à la poche pour lui faire le portefeuille (dit un gendarme).
M. Aymé, la Vouivre, XVII, p. 194.
Par métonymie (sujet n. de personne). Dévaliser. || Faire un joaillier de la place Vendôme.
31.1 On entend que sa gueule… Banco… Banco… Banco… À croire qu'il a fait un encaisseur cet après-midi !
Albert Simonin, Touchez pas au grisbi, p. 148.
d Par ext. Fournir, produire (qqch.) par l'industrie, la culture, le commerce.Agric. || Faire du blé. Cultiver, produire, récolter, semer.(1606). Comm. || Faire le gros, le demi-gros. Débiter, vendre. || Est-ce que vous faites le vêtement d'enfant, cette marque de savon ? || Nous ne faisons pas cet article, cette marque, nous ne le, ne la vendons pas.
32 (…) elle (l'Angleterre) faisait des céréales et des fruits et n'était pas, comme aujourd'hui, pour l'agriculture française, une cliente nécessaire.
Louis Madelin, Histoire du Consulat et de l'Empire, Vers l'Empire d'Occident, VII, p. 84.
5 Choses. Constituer (quant à la quantité, la forme, la qualité). Constituer. || Deux et deux font quatre. Égaler, équivaloir (à).Loc. C'est clair comme deux et deux font quatre. || Cela ne fait pas assez : il n'y en a pas assez. — ☑ Loc. fam. Ça commence à bien faire : cela suffit, en voilà assez. → Aller (ça va comme ça). || Cent centimètres font un mètre. Composer, former. || Deux livres ne font pas une importante bibliothèque. || Couleurs qui font un ensemble harmonieux, un arc-en-ciel (cit. 5). || Ces arbres font un cercle. || Chose qui fait contrepoids, pendant, obstacle. || La confiance fait le charme de l'amour. Être. || La difficulté en fait l'attrait (cit. 13).Faire l'affaire. || Faire autorité (cit. 50, 51), faire loi, faire foi. — ☑ Prov. L'habit ne fait pas le moine.Une hirondelle ne fait pas le printemps.
33 Huit ou neuf ans au plus, dont on pourrait disputer sur un compte de 490 ans, ne feront jamais une importante question.
Bossuet, Hist., II, 4, in Littré.
34 (…) ils vont jusqu'à un certain point qui fait les bornes de leur capacité (…)
La Bruyère, les Caractères, I, 61.
35 Ces moulins-là, voyez-vous, faisaient la joie et la richesse de notre pays.
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Le secret de maître Cornille ».
36 Elle (Aïssé) avait une âme des plus tendres, passionnée et scrupuleuse, qui fait tout le prix de ses lettres, d'une grâce un peu retenue et voilée (…)
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 142.
37 Un homme et un homme, ça ne fait pas deux hommes, ça fait à jamais un et un.
S. de Beauvoir, les Mandarins, VI, p. 336.
Loc. || Faire le plein : constituer le plein en remplissant de carburant. || Faire le plein d'essence, de gas-oil. — ☑ Fig. Faire le plein de… : réunir, rassembler le maximum de… || Le candidat a fait le plein de voix centristes.
(Personnes). Parvenir à être, devenir. || Il fera un bon mari. || Elle fera une excellente femme d'affaires.
Pop. Être.
37.1 — Décidément, monsieur Fléchard, vous faites un fier original !
A. Allais, l'Affaire Blaireau, p. 6.
Ne faire qu'un, n'en faire qu'un. Un.
———
II
A Réaliser (une manière d'être); être le sujet de (une activité), la cause de (un effet).
1 Effectuer (un mouvement). || Faire un pas, un saut, une danse. Exécuter. || Faire un plongeon, la planche, le grand écart.Faire des signes, des grimaces.Faire un faux mouvement. || Faire un clin d'œil.Prendre (une expression). || Faire les yeux doux.Faire grise mine. || Faire une sale tête (fam.).Loc. fig. Faire la tête, la gueule. Bouder. — ☑ Fig. Faire un bon visage à qqn. — ☑ Faire mine de…Faire semblant de…
38 (…) il avait (…) remonté le boulevard (…) faisant le gros dos sous le soleil dont la bonne tiédeur lui caressait l'épaule à travers l'étoffe du vêtement.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 1er tableau, I.
39 Les deux dockers levèrent les bras et firent la moue (…)
P. Mac Orlan, la Bandera, III.
40 Elle n'osait dire un mot ni faire un mouvement.
J. Green, Adrienne Mesurat, I, XVI.
2 Effectuer (une opération, un travail); s'occuper à (qqch.). Effectuer, exécuter, opérer, et, fam., ficher, foutre. || Faire un travail. Travailler. || Faire tout le boulot.fam. S'envoyer, se taper. || Faire un nettoyage, un rangement. || Faire le ménage, la cuisine. || Une bonne à tout faire. || Faire une course. || Faire la moisson, les vendanges. || Faire de la tapisserie, de la dentelle. || Faire de l'escrime, du tennis, effectuer ces exercices, et, par ext., pratiquer habituellement. || Faire un calcul, un problème, une version. || Faire des recherches. || Faire des comptes, ses comptes. — ☑ Loc. Tout compte fait.Faire bien ce qu'on fait. Appliquer (s'). → Blâmer, cit. 5. || Faire qqch. à la hâte, à la va vite, à toute vapeur, en moins de deux. Bâcler, bousiller, expédier, torcher. — ☑ Loc. Ce n'est, c'est ni fait ni à faire : c'est très mal fait.Ne rien savoir faire : être incompétent, maladroit en tout (→ Bras, cit. 20). || Avoir beaucoup à faire. Occupé. || Ne rien avoir à faire, ne rien faire, rester sans rien faire. || Ne pas savoir quoi faire. Ennuyer (s'). || Ne rien faire de ses dix doigts. || Il n'a rien fait de la journée. Reposer (se). || Nous n'allons pas le nourrir à ne rien faire ! Fainéant, paresseux.Être en train de faire qqch. || « Qu'allait-il faire à cette galère ? » (Molière). || Qu'est-ce que vous faites ici ? || Nous n'avons plus rien à faire ici. || Qu'avez-vous fait pendant mon absence, pendant vos vacances… ? (→ Arracher, cit. 21).Spécialt (lorsqu'on attend qqn avec impatience). || Mais enfin que font-ils, que peuvent-ils bien faire ? Fabriquer (fam.).
41 Un lièvre en son gîte songeait,
Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe ?
La Fontaine, Fables, II, 14.
42 Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
La Fontaine, Fables, I, 1.
43 Le pénible fardeau de n'avoir rien à faire.
Boileau, Épîtres, XI.
44 Et ceux qui ne font rien ne se trompent jamais.
Th. de Banville, les Occidentales, II.
45 Mais qu'est-ce qu'ils font ? mais faudra donc les mener par les oreilles ! Enfin, il vit sortir (…)
Zola, la Terre, III, VI.
46 Rien n'est fait tant qu'il reste quelque chose à faire.
R. Rolland, Musiciens d'aujourd'hui, p. 210.
47 Pour se défendre contre le délire du cœur ou de l'intelligence, il est bon d'avoir toujours quelque chose à faire.
J. Chardonne, l'Amour du prochain, p. 160.
Fam. Il faut le faire !, il faut être capable de faire ce dont il est question (considéré comme une performance, une gageure à tenir). || Ça n'a l'air de rien, mais il faut le faire ! || Faut le faire ! : la chose est remarquable, étonnante.
Avoir à faire avec, à… || Avoir à faire un travail avec qqn, en commun. Par ext. || Je n'ai rien à faire avec lui : je ne veux avoir aucune relation, aucun contact avec lui. || Nous n'avons plus rien à faire ensemble, séparons-nous. || Avoir fort à faire avec qqn.
48 Là-dessus, il se reprit à penser à son père, à sa mère, aux Rinaldi de la plaine : qu'est-ce qu'il avait à faire avec tous ces gens ?
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 111.
REM. On a confondu par homonymie avoir à faire avec qqn et avoir affaire à qqn sous la forme avoir à faire à qqn, à cause du voisinage des sens. L'usage normal veut qu'on écrive avoir affaire à qqn. → Affaire.
49 Les Suédois crurent avoir à faire à quarante mille combattants (…)
Voltaire, Hist. de l'Empire de Russie, I, XVII.
50 (…) il se serait raconté de la même façon s'il avait eu à faire à un charretier ou à l'abbé de Galice, mais je n'en aimais pas moins cette confession perpétuelle (…)
Edmond Jaloux, Fumées dans la campagne, p. 116.
3 Exercer (une activité suivie). || Faire un métier. Exercer. || Que fait-il ? Fonction. || Que fait-il dans la vie ? Il est électricien (→ Atelier, cit. 9).
Faire des études. Par anal. || Faire de la géographie, de l'italien, de la médecine. Étudier. || Faire son droit, sa médecine, ses études de droit, de médecine. || Faire une licence, sa licence. Préparer. Par ext. || Faire l'École normale, et, ellipt, faire les Beaux-Arts, faire Navale.
51 Si son fils avait voulu faire l'École des Chartes ou Polytechnique (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 240.
52 (…) une certaine intensité admirable dont on ne peut avoir l'idée si l'on n'a pas, comme toi et moi, fait du latin jusqu'à l'os.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, II, p. 41.
(Le compl. désigne une durée; il est souvent suivi de de et du nom d'une activité). || Faire deux jours de marche, une heure de lecture. || Soldat qui fait son temps.Criminel qui a fait dix ans de prison. Tirer (fam.). Par ext. || Faire de la prison.
C'en est fait : c'est fini, consommé (→ Aspect, cit. 13). || C'en est fait de la vie facile. || C'en est fait de moi : je suis perdu. Perdre.
53 Mais puisque c'en est fait, le coup est sans remède.
Corneille, le Cid, II, 1.
4 Accomplir, exécuter (une action). Accomplir. || Faire une bonne, une mauvaise action (→ Coup, cit. 59). || Faire le bien, faire le mal. || Faire un crime. Commettre, perpétrer (→ Aimer, cit. 62). || Faire un mensonge, faire des reproches, des compliments à qqn. || Faire une erreur, une bêtise. || Faire une farce. || Faire des folies. || Faire des siennes. || Être capable de faire qqch.Faire des efforts, faire ce qu'on peut, faire son possible (→ Attachement, cit. 4) : mettre en œuvre les moyens dont on dispose. || Faire l'impossible : faire absolument tout ce qu'on peut. || Quoi qu'il fasse, il n'y parviendra pas. || Faire ce qu'il faut, faire le nécessaire. || Faire bien les choses. || Chose qu'on peut faire ou ne pas faire. Facultatif. || Faire ce qu'on veut, ce qui plaît (→ Aller, cit. 5; autrui, cit. 15; captivité, cit. 2). || Cela n'est pas à faire. || Faire ce qu'on dit (→ Absurdité, cit. 2).
Loc. Ainsi dit, ainsi fait.Aussitôt dit, aussitôt fait, aussitôt (cit. 12) fait que dit.C'est plus facile à dire qu'à faire.Il ne sait plus ce qu'il fait : il perd la tête, il perd son contrôle. || Réfléchissez avant de faire quoi que ce soit. || Il ne veut rien faire sans vous consulter. Décider, entreprendre (→ Astrologue, cit. 6). || Rien n'est encore fait.Loc. Faire l'amour.Faites l'amour, pas la guerre. → aussi ci-dessous, cit. 67.1.
(Passif). || L'affaire est faite.C'est bien fait : c'est mérité.Que faut-il faire pour le consoler ? || Qu'allons-nous faire à présent ? || Que faire ? || Qu'est-ce qu'il faut faire, qu'est-ce qu'on peut faire ? || Qu'auriez-vous fait à ma place ? || Il faut faire quelque chose ! || Il n'y a plus rien à faire, le cas est désespéré.Loc. prov. Ce qui est fait est fait : ne revenons pas sur ce qui est accompli (en parlant d'une action regrettable).Si fait ! : Mais si ! Oui. || N'en rien faire : ne rien faire de ce qu'on vous prie de faire. — ☑ Passez donc. — Je n'en ferai rien, à vous l'honneur. — ☑ Fam. Rien à faire ! : Vous avez beau faire, je refuse. Non.
Intrans. ou absolt. Agir. || Bien faire, mal faire (→ Appétit, cit. 8). — ☑ Prov. Bien faire et laisser dire.Faire et dire sont deux choses.Il faut faire et non subir (→ Agréable, cit. 18). — ☑ En faire (à sa tête), n'en faire que (à sa tête) : agir à sa fantaisie. || Faites comme vous voulez; faites comme chez vous. || Vous avez bien fait. || Faire en sorte que… || Faire exprès de…Faire comme si… || Faire vite (→ Assumer, cit. 4). || Avoir tôt, bientôt fait de… (→ Associer, cit. 23). — ☑ Avoir beau faire. || Il a beau (cit. 81 et 84) faire, nous ne changerons pas d'avis.Laissez-moi faire (→ Attraper, cit. 12). || Quelles sont ces façons de faire ? Comportement. || Nous ne pouvons faire autrement (→ Assassiner, cit. 21). — ☑ Prov. || Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage (La Fontaine, Fables, II, 2).
54 Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font (…)
Bible (→ Calvaire, cit. 1).
55 En leur règle n'était que cette clause : Fais ce que voudras (devise de l'abbaye de Thélème).
Rabelais, Gargantua, I, LVII.
56 Je l'ai vu, j'ai vengé mon honneur et mon père;
Je le ferais encor, si j'avais à le faire.
Corneille, le Cid, III, 4.
57 — Que vouliez-vous qu'il fît contre trois ?
Corneille, Horace, III, 6 (→ Désespoir, cit. 12).
58 « J'en veux faire à ma tête ». Il le fit et fit bien.
La Fontaine, Fables, III, 1 (→ Blâmer, cit. 3).
59 — Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait, et de tous deux
On mit près du but les enjeux.
La Fontaine, Fables, VI, 10.
60 Toi qui connais Pyrrhus, que penses-tu qu'il fasse ?
Dans sa cour, dans son cœur, dis-moi ce qui se passe.
Racine, Andromaque, I, 1.
61 La parfaite valeur est de faire sans témoins ce qu'on serait capable de faire devant tout le monde.
La Rochefoucauld, Maximes, 216.
62 Avant l'âge de raison, nous faisons le bien et le mal sans le connaître (…)
Rousseau, Émile, I.
63 Qui peut tout dire, arrive à tout faire ! Cette maxime est de Napoléon et se comprend.
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 663.
64 Il ne revient pas, ne donne plus de ses nouvelles, n'en fait qu'à sa fantaisie (…)
Loti, l'Inde (sans les Anglais), p. 238.
65 Il n'y a vraiment que les hommes forts qui sachent que ce qu'ils font n'a pas d'importance.
Edmond Jaloux, la Chute d'Icare, p. 217.
66 Victor a ceci de commun avec son père : se proposer de faire telle chose, l'annoncer bien haut; puis ne point la faire.
Gide, Journal, 9 janv. 1943.
67 Je sais ce que je voudrais faire et je ne peux pas toujours le faire. Je sais ce qu'il ne faut pas faire et je ne peux pas toujours ne pas le faire.
G. Duhamel, Défense des lettres, p. 258.
67.1 François, souriant et ironique. Tu voudrais peut-être que je te dise que je t'aime ? Clara, très sûre d'elle. Non… J'en ai ma claque des hommes qui parlent toujours d'amour… (Très douce.) C'est vrai… Ils en parlent tellement qu'ils oublient de le faire.
J. Prévert, Le jour se lève (dialogue), in l'Avant-Scène, no 53, p. 20.
Faire bien de, mieux de, suivi d'un infinitif. || Vous feriez bien de partir dès maintenant : vous devriez partir. Devoir. || Il ferait bien de surveiller sa santé. || Au lieu de vous amuser, vous feriez mieux de vous presser, vous auriez grand avantage à. || J'aurais mieux fait de rester.Dans le même sens, fam. || Vous (ne) feriez pas mal de…
68 Quant à moi, je crois que je ferais bien de renoncer à passer mon examen au mois d'août; je ne sais presque rien.
Flaubert, Correspondance, t. I, p. 107.
69 L'homme n'est plus ce qu'il était, et ce que peut-être il aurait bien fait de rester toujours, un animal de haute espèce (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 158.
70 Ça lui rappela le samedi où il était venu décider le partage : bien sûr que, ce samedi-là, il aurait mieux fait d'aller se pendre.
Zola, la Terre, IV, III.
71 Vous ne ferez pas mal de dire à vos hommes que (…) c'est un chantier où il ne sera pas question de dormir sur le manche.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXVII, p. 277.
Avoir mieux à faire que de, suivi d'un infinitif. || J'ai mieux à faire que d'écouter ces bêtises.
Pour bien faire. || Pour bien faire, il faudrait tout vérifier. || Il faudrait pour bien faire que vous arriviez en même temps que lui.
Ne faire que, que de, suivi d'un infinitif. a Ne faire que : faire seulement. Par ext. Ne pas cesser de. Arrêter, cesser. || Il ne fait que bâiller. || Pourquoi n'essayez-vous pas de lui expliquer la chose ? || Mais je ne fais que cela depuis une semaine !Ne faire que croître et embellir.
72 Ce n'est pas le lieu et je n'ai pas le temps de développer cette opinion. Je ne ferai qu'esquisser une digression possible.
Valéry, Variété II, p. 152.
b Ne faire que, que de… Venir de (exprimant un passé récent). Venir. || Il ne fait que d'arriver, laissez-lui le temps de se reposer. || Nous ne faisons que commencer ce travail.
73 Pour l'expression du passé récent, la langue dispose de plusieurs moyens. Elle emploie (…) ne faire que ou que de : je ne fais que d'arriver; — depuis samedi soir je n'ai rien mangé, et je ne fais que commencer à pouvoir parler.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 486.
Faire tant, si bien que. Agir, faire qqch. avec ténacité, persévérance. || Il a tant fait que je lui ai cédé. || Il fit tant et si bien qu'il tomba (→ aussi Cesser, cit. 32).
74 On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge, Les écailles pour les plaideurs.
La Fontaine, Fables, I, 21.
75 Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine (…)
La Fontaine, Fables, I, 22.
76 (…) je fis si bien, des pieds, des poings, des dents, de tout que je l'arrachai de sa place.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, p. 114 (→ Arracher, cit. 41).
À tant faire que (de…); tant qu'à faire. Tant.
Faire qqch. pour… a (Pour qqn). Rendre service à. Aider (→ Assigner, cit. 5). || Puis-je faire quelque chose pour vous ? : en quoi puis-je vous être utile ? || Faites quelque chose pour lui : intervenez en sa faveur. || Il a oublié tout ce que nous avons fait pour lui.Spécialt. || Faire quelque chose : donner de l'argent. || Pouvez-vous faire quelque chose pour ces orphelins ? (Syn. : faire un geste, avec une autre valeur de faire.)
77 — Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? — Cher Monsieur, vous pouvez beaucoup.
M. Aymé, la Tête des autres, IV, 7.
b (Pour qqch. : résultat, conséquence). || Il n'est pas responsable, il n'a rien fait pour cela. || Nous n'avons rien fait pour mériter une telle faveur. || Il a tout fait pour nous être désagréable.
78 Je vous jure que je n'ai rien fait pour en arriver là.
Martin du Gard, Jean Barois, I, Le compromis symboliste, II.
Le faire à (fam.). Agir, faire qqch. d'une certaine manière (généralement pour abuser qqn). || Le faire au chiqué, au bluff, au sentiment. || Il nous l'a fait à l'estomac. || Il essaye de nous la faire à l'homme du monde. Jouer (la jouer). Absolt. || Il ne faut pas nous la faire, nous ne sommes pas nés d'hier : il ne faut pas essayer de nous tromper. Bourrer (le crâne).
79 Eh bien je m'en défendais parce qu'étant peuple naturellement je n'exècre rien tant que de le faire à la populaire et ceux qui le font à la populaire. Ceux qui le font à la peuple. Et même à la démocratie. J'ai horreur de cette sorte de pose.
Ch. Péguy, Victor-Marie comte Hugo, p. 19.
79.1 (…) comme Mme de Cambremer disait : « Relisez ce que Schopenhauer dit de la musique », elle nous fit remarquer cette phrase en disant avec violence : « Relisez est un chef-d'œuvre ! Ah ! non, ça, par exemple, il ne faut pas nous la faire. »
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 992.
79.2 Un homme qui saurait qu'il n'est pas de souffrance d'amour qu'un vraiment bon repas ne dissipe (…) il ne faudrait plus essayer de la lui faire.
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 65.
80 Les seules gens qui m'agacent, ce sont ceux qui le font au chiqué.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XI, XX, p. 204.
81 — Oh ! il l'a fait à la dignité, dit Nadine, il a pris de grands airs.
S. de Beauvoir, les Mandarins, XI, p. 156.
81.1 — Ça va, ça va, dit M. Tortose. On ne me la fait pas. Vous vous êtes conduits comme des sagouins, des lâches, des imbéciles.
R. Queneau, Pierrot mon ami, L. de Poche, p. 17.
5 Exécuter (une prescription). || Faire son devoir. Acquitter (s'). → Devoir, v., cit. 17. — ☑ Prov. Fais ce que tu dois, advienne que pourra. || Faire l'aumône (cit. 9), la charité. || Faire pénitence. || Faire gras, faire maigre. || Faire ses pâques, sa communion.Faire quarantaine; faire la semaine anglaise.Faire la volonté, les quatre volontés, les caprices de qqn.Dr. || Obligation de faire, de ne pas faire (qqch.).En parlant d'une fête. Célébrer, fêter. || Faire réveillon, faire les Rois.
82 Faites votre devoir, et laissez faire aux Dieux.
Corneille, Horace, II, 8.
83 (…) je m'en vais après dîner à Brévannes, faire la Saint-Martin (…)
Mme de Sévigné, 1085, 10 nov. 1688.
84 (…) ce sont les plus riches qui n'ont pas la force de faire carême (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Carême.
85 Fais énergiquement ta longue et lourde tâche (…)
A. de Vigny, les Destinées, « La mort du loup », III (→ Énergiquement, cit.).
86 Oui, oui, Caporal, allez à Cloyes chercher M. Finet (le médecin)… Il ne sera pas dit que nous n'aurons pas fait ce que nous devons faire.
Zola, la Terre, II, II.
6 (Emploi intrans.). Fam. || Faire dans (suivi d'un nom désignant une activité). || Il fait dans l'électronique : il travaille, se spécialise dans… || Il fait dans le commerce.S'occuper de… || Faire dans le social.
86.1 Lorsque j'écris que tu as « fait » dans la Résistance, j'entends par là qu'on peut faire dans la Résistance comme on chie dans un pot de chambre.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 20.
Ce romancier fait dans le délicat, le charmant, l'horrible… Donner.
B Être la cause, l'agent de. Causer, déterminer, occasionner, provoquer. || Faire du bruit. || Bombe qui fait des dégâts. || Attention, vous allez faire un malheur, une catastrophe. || Faire une blessure, une injure à qqn. || Faites-moi plaisir (→ Aller, cit. 84; attacher, cit. 82). || Que lui avez-vous fait ? || Vous lui avez fait mal, du mal (→ Armer, cit. 5). || Cela fait du bien.(Iron.). || Grand bien vous fasse ! — ☑ Prov. Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît à toi-même.(Choses). Avoir (un effet). || Coupure, brûlure qui fait mal. || Sa tête lui fait mal. || Médicament qui fait du bien, de l'effet. || Personne qui fait un grand effet (→ Antique, cit. 13), qui fait sensation. || Faire l'admiration de tous. Susciter. || Ce spectacle fait peur, fait pitié… || Cela nous fait honte (→ 2. Air, cit. 18). Vieilli. || Faire besoin.
87 J'ai dévoré force moutons,
Que m'avaient-ils fait ?
Nulle offense.
La Fontaine, Fables, VII, 1.
88 Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure
Que les noirs séraphins t'ont faite au fond du cœur (…)
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Nuit de mai ».
89 Tenez, ajouta-t-elle en montrant son verre, j'ai mangé ma prune; seulement, je laisserai la sauce, parce que ça me ferait du mal.
Zola, l'Assommoir, t. I, p. 48.
90 Il faut qu'une phrase soit si claire, qu'elle fasse plaisir au premier coup, et que pourtant on la relise à cause du plaisir qu'elle a fait.
J. Renard, Journal, mai 1903.
91 (…) une de ces vieilles pauvresses imbéciles, qui font des attroupements sur les chemins !
Loti, Pêcheur d'Islande, III, XVI.
92 Le visage glacé d'un ennemi à terre, au milieu même du dégoût, fait pitié.
André Suarès, Trois hommes, « Pascal », II.
93 Elle pouvait regagner la ville. Elle ne craignait plus rien. Qu'est-ce que les gens pouvaient bien lui faire maintenant ?
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 144.
(Compl. n. de personne). Créer. || Cela fera des heureux, des mécontents (→ aussi ci-dessous, III., 2.).
Avoir une influence, être décisif. || L'argent fait tout dans ce genre d'entreprise. — ☑ Loc. Il fait la pluie et le beau temps dans cette maison (fig.).
94 (…) un homme à vous, qui, à l'assemblée générale comme au conseil, fait en votre nom la pluie et le beau temps ?
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XVI, p. 222.
Avoir un effet, des conséquences (dans des expr. où le compl. est un indéfini). || Qu'est-ce que cela fera si je refuse ? || Qu'est-ce que cela fait ? || Cela ne fait rien : c'est sans importance. Importer. || Qu'est-ce que ça peut bien faire ?(À qqn). || La vue du sang ne lui a rien fait. Ébranler, émouvoir, impressionner. || Cela lui a fait quelque chose de nous quitter, cela lui a fait de la peine.Cela ne lui fait ni chaud ni froid : cela ne lui fait rien. Indifférent. || Rien ne lui fait (→ aussi Cautère, cit. 2).
95 (…) toutes les fois que cela m'arrive, cela me décontenance, et me fait comme de la peine (…) mais ça ne fait rien.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre XIV.
96 Même si c'était vrai que je veux me tuer, qu'est-ce que ça peut bien vous faire ? Vous ne me connaissez même pas.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 121.
96.1 Ça ne vous fait ni chaud ni froid ! C'est à se demander si vous y avez mis toute la bonne volonté…
F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 249.
Faire…(à qqch.), y faire. || Cela ne fait rien à la chose, à l'affaire. Changer (cit. 26). || Cela n'y fera rien. || Cela y fait beaucoup. Y être, compter pour beaucoup. || Nous ne pouvons rien y faire : nous ne pouvons empêcher que cela soit.
97 Rien n'y fera, sanglots, prières ni menaces.
François Coppée, Pour la cour, III, 5.
98 N'importe; rien n'y fit; cela grandit en moi comme un instinct.
Gide, l'Immoraliste, I, I.
Fam. Savoir y faire : être habile, débrouillard.
98.1 (…) j'étais pas nourri non plus à l'époque (…) mais je savais déjà y faire.
Bernanos, l'Imposture, in Œ. roman., Pl., p. 47.
Faire que, suivi d'une complétive. a (Avec le subjonctif). Employé à l'impératif ou au subjonctif, pour exprimer le souhait. Permettre, plaire (plaise à). || Fasse le ciel qu'il revienne bientôt ! || Mon Dieu, faites que ce ne soit pas grave ! (→ Équitable, cit. 1).
99 Dieux ! faites que ma peur puisse enfin se tromper !
Corneille, Polyeucte, III, 1.
100 Dieu fasse qu'il ne soit pas parti.
Marcel Arland, Monique, V, p. 107.
Ne pouvoir faire que… : ne pouvoir obtenir un certain résultat, ne pouvoir empêcher. Empêcher.
101 Il avait beau s'ingénier, il ne pouvait faire que Mme Marguet devînt un monstre à ses yeux.
M. Aymé, le Moulin de la sourdine, XVIII, p. 232.
102 Rien ne peut faire que je ne sois pas lucide — et lucide toujours.
Montherlant, les Jeunes Filles, p. 211.
103 Rien ne pouvait faire qu'elle ne fût marquée aux yeux de tous, chargée d'une faute qu'elle n'avait pas commise (…)
F. Mauriac, le Sagouin, p. 24.
b (Avec l'indicatif). Avoir pour conséquence, pour résultat. || Sa négligence a fait qu'il a perdu beaucoup d'argent. || Votre présence fait que nous sommes moins tristes. || Cet événement inattendu fit qu'il interrompit son œuvre. → aussi Aboucher (s'), cit. 3; attacher, cit. 56; audace, cit. 20; aujourd'hui, cit. 35.
104 (…) en proie à cette colère sacrée, qui fait que l'amour ressemble à la haine (…)
France, le Lys rouge, XXI, p. 255.
105 Le besoin que j'ai de toi fait que je compte trop sur cette lettre chaque matin.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 232.
En reprenant une question contenant déjà le verbe faire. || Qu'est-ce que ça fait ? || Ça fait que j'en ai assez.
106 — Qu'est-ce que j'ai fait ? — Tu as fait que tu nous as lassés.
H. Lavedan, le Bon Temps, p. 28.
107 — Que t'ont fait ce siffleur et ce preneur de poses ?
— Ils m'ont fait que je sais qu'ils te feront des choses.
Ils m'ont fait que chez nous, bons et purs animaux,
Le Paon fait de l'esbroufe et le Merle des mots !
Edmond Rostand, Chantecler, I, 4.
Fam. || Ça fait que : c'est pour cela que. || Il pleuvait à verse, ça fait qu'on est resté à la maison. (Langage des jeunes).Ça le fait : ça marche, c'est bon, c'est possible. || Ça va pas le faire, tu vas te planter !
Se laisser faire. Laisser.
C Spécialt.
1 Parcourir (un trajet, une distance); franchir. || Faire le chemin. || Chemin faisant. Fig. || Faire son chemin. || Faire un circuit, un trajet. || Faire route vers : se diriger vers.Mar. || Faire le nord, le sud : avoir le cap au nord, au sud. (1886, in Petiot). || Faire dix kilomètres à pied.fam. S'enfiler, se farcir, se taper. || Faire cent kilomètres à l'heure, et, par ext., faire du cent à l'heure, faire de la vitesse. || Faire Paris-Brest en voiture. || Faire le boulevard. || Il a fait toute l'avenue sans rencontrer un chat. — ☑ Loc. Faire le trottoir.Faire le mur, passer par-dessus pour sortir.Spécialt, fam. Parcourir pour visiter. || Faire la Bretagne. || Nous projetons pour les vacances de faire la vallée du Rhin.Faire un pic, l'escalader. || L'année dernière, nous avons fait le Cervin.Agent commercial qui fait Paris, qui fait la province. Prospecter, visiter.Faire tous les magasins pour trouver un produit. || Il a fait une dizaine d'hôtels avant d'obtenir une chambre.Passer par, travailler dans. || Cet employé a fait plusieurs maisons avant d'entrer dans notre Compagnie.
108 Chemin faisant, il vit le col du chien pelé.
La Fontaine, Fables, I, 5.
109 — Eh ! bien, je suis heureux d'avoir pris ce jour-ci pour faire la vallée de l'Oise, dit Georges.
Balzac, Un début dans la vie, Pl., t. I, p. 749.
110 (…) nous filons avec une rapidité qui tient du prodige. Nous devons faire un million de nœuds à l'heure (…)
A. Jarry, Ubu roi, V, 4.
111 Quand il l'a bien chipée, il l'envoie faire le trottoir, tu comprends (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, V, p. 41.
112 Ici, dit entre ses dents M. Merriman, ici, tout le monde fait en bloc, roue à roue, botte à botte, pour le moins trente-cinq milles.
G. Duhamel, Scènes de la vie future, VII, p. 104.
112.1 Ce qui frappe surtout, là-bas (au pays basque), c'est une admirable résistance aux assauts du tourisme (…) certes ils y ont droit et ils sont faits, eux aussi, par le touriste qui a déjà fait la Côte d'Azur, fait la route des Alpes, fait les châteaux de la Loire, fait les grottes et le Mont-Saint-Michel. Le touriste fait, puis ayant fait, il conseille de faire, se promet de refaire et, ce faisant, tant fait-il que le tourisme peut se prévaloir d'un esprit constructif.
Jacques Perret, Bâtons dans les roues, p. 110.
2 (Temporel). Fam. Durer, quant à l'usage. Durer. || Ce vêtement lui a fait deux ans. || Ce costume de bain fera bien encore la saison. || Un kilo de pain leur fait un repas.
113 (…) ce chapeau-là, quand vous le jetterez ? mendia la vieille Aldonza. Madame Charlotte, vous vous souvenez de votre bleu ? Il m'a fait deux ans.
Colette, Chéri, p. 69.
3 (1934). Pop. Réussir à être, dans une compétition.
113.1 (…) la fois que j'ai fait second dans la roue d'Ellegard, le champion du monde d'alors, je te parle de 1911, au Vél'd'Hiv.
G. Chevallier, Clochemerle, p. 79.
D Exprimer par la parole (employé surtout en incise). Dire, répondre. || Il a fait « non » en hochant la tête. || Attention, fit-elle, en s'arrêtant brusquement. || Cela ne vous regarde pas, fit l'homme qui commençait à s'impatienter.
114 Chut ! Chut ! fit Emma en désignant du doigt l'apothicaire.
Flaubert, Mme Bovary, II, X.
115 Que veux-tu que je te dise, fit-il avec une lassitude qui touchait à la mélancolie.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le dessous de cartes… ».
116 (…) il vous écoutait à peine, en faisant « oui, oui », « oui, oui » et il se dépêchait de parler d'autre chose.
J. Romains, Knock, II, 1.
117 L'emploi de faire semble particulièrement justifié quand il convient de peindre, par exemple quand l'énoncé de l'incise s'accompagne d'un geste ou d'une circonstance qui fait image (…) De même s'il s'agit de reproduire le ton du langage populaire (…)
R. Le Bidois, L'inversion du sujet dans la prose contemporaine, p. 194-195.
E (Choses ou personnes). Présenter en soi (un aspect physique, matériel). Avoir.
1 Former. || Tissu qui fait des plis. || Ce terrain fait des bosses. || La route fait un coude. Dessiner.
2 Gramm. Avoir pour variante morphologique. Devenir. || « Journal » fait « journaux » au pluriel. || « Mourir » fait « je meurs » à la première personne du présent de l'indicatif.
3 Fam. Avoir pour mesure, pour valeur. || Mur qui fait six mètres de haut. Mesurer. || Colis qui fait trois cents grammes. Peser. || Ce réservoir fait cinquante litres. Contenir. || Cette table fait mille francs. Valoir. || Combien cela fait-il ? || Ça fait mille francs.Fam. || Ça fait trop cher. || Ça fait trop. Coûter.
118 — Qu'est-ce que valent les veaux, actuellement ? — Ça dépend des marchés et de la grosseur (…) — Et les cochons gras ? — Il y en a qui font plus de mille.
J. Romains, Knock, II, 4.
119 (…) l'un de tes Modigliani, payé paraît-il vingt francs en 1917, ferait aujourd'hui cinquante mille à l'Hôtel (des ventes).
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, XXIV, III, p. 35.
119.1 Pour dire quelque chose, je lui ai demandé : — Combien elles font, les pantoufles ?
J.-M. G. Le Clézio, la Fièvre, p. 90.
(En parlant de la taille, des pointures d'une personne). Mesurer. || Quelle taille, quelle pointure faites-vous ? || Ce garçon fait bien un mètre quatre-vingts. || Combien faites-vous de tour de taille ? || Faire un quarante, du quarante (chaussures, taille mannequin).
(Impers.). Constituer (un certain temps). || Y a-t-il longtemps que vous m'attendez ? Ça fait un quart d'heure. || Ça fait deux heures qu'il est parti. Voilà.
120 Jacques a quitté Paris depuis juin dernier; nous allons être en avril; cela fait bientôt neuf mois qu'il est là-bas.
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 148.
121 Ça fait des mois qu'elle m'a envoyé un scénario.
Jacques Deval, Une tant belle fille, I, 3.
4 Subir (un trouble physique). || Faire de la température, de la fièvre, de la tension. || Il a fait récemment une mauvaise grippe. || Ce garçon fait de l'anémie. || Elle a fait une dépression.
122 En février 1910, Marie-Angélique fit une pneumonie double.
Marcel Prévost, l'Homme vierge, I, p. 31.
123 Les médecins disent qu'un malade fait de la typhoïde (…)
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 111.
123.1 — Il fait de la fièvre, dit la mère de Lucien; il faudrait faire venir le docteur.
Marie-Claire Blais, Une liaison parisienne, p. 155.
5 Faire face, faire front… : présenter la face, le front à… Fig. || Faire face au danger.
———
III Déterminer (qqn, qqch.) dans sa manière d'être.
1 Arranger, disposer (qqch.) comme il faut. || Faire un lit. || Faire la chambre. Nettoyer, ranger. || Faire la vaisselle. || Faire les cuivres, l'argenterie. || Faire ses chaussures.
124 Il avait tout le jour travaillé dans son aire,
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire.
Hugo, la Légende des siècles, « Booz endormi ».
125 Pendant qu'on faisait ma chambre à coucher, qui était aussi mon cabinet de travail (…) je descendais au rez-de-chaussée (…)
Littré, Comment j'ai fait mon dictionnaire, p. 26.
Faire sa valise, y disposer les objets.Loc. fig. Faire sa valise, sa malle : partir; mourir. → ci-dessus, Faire (cit. 5.1 et supra) ses paquets.
(En parlant des soins de la toilette). || Faire les ongles, les mains de qqn. || Faire la barbe (→ aussi ci-dessous, Se faire, 5.).
126 (…) me moquant des sots, bravant les méchants (…) riant de ma misère et faisant la barbe à tout le monde (…)
Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, 2.
127 Carlotta n'avait en rien l'idée d'acheter, mais pendant qu'on lui faisait les ongles, autant regarder de jolies choses.
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 365.
2 Former (qqn, qqch.). || Faire des soldats. || Cette école fait de très bons techniciens. Instruire. || La vie dure fait les âmes bien trempées. || Ce travail lui fera la main. || Chat qui fait ses griffes.Fauconn. || Faire l'oiseau. Dresser.
128 Mais votre bras au crime est plus fait que le mien (…)
Corneille, Rodogune, V, 4.
129 Pour faire des soldats, il obligeait les hommes à une vie (…) laborieuse.
Bossuet, Hist., I, 6, in Littré.
130 Napoléon entre en plein dans ses destinées : il avait eu besoin des hommes, les hommes vont avoir besoin de lui; les événements l'avaient fait, il va faire les événements.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 85.
Loc. L'occasion fait le larron.
3 Donner une qualité, un caractère, un état à…
a Faire (qqn), suivi d'un subst. : donner un titre, élever au rang de… || L'évêque X a été fait cardinal. || Faire qqn chevalier de la Légion d'honneur.Allus. hist. Qui t'a fait comte ? — ☑ Qui t'a fait roi ? Roi.(Avec un seul compl.). || Faire un roi, un ministre. || Il fait et défait les directeurs.
131 Je puis faire les rois, je puis les déposer.
Racine, Bérénice, III, 1.
132 (…) les évêques (…) du temps des Carlovingiens, faisaient et défaisaient les rois (…)
Voltaire, Essai sur les mœurs, XXVII.
133 Mon père aurait voulu faire prince Corneille :
Je ferai duc Victor Hugo !
Edmond Rostand, l'Aiglon, V, 2.
Donner un état, un rôle… (→ Aheurter, cit. 2). || Le maire les a faits femme et mari.Faire qqn juge d'une affaire, lui donner le rôle de juge.
134 Le travail de l'homme, la fonction divine de sa liberté, le but de sa vie, c'est de construire sur la terre à l'état d'œuvres réelles, les trois notions idéales, c'est de faire chair le vrai, le beau et le juste (…)
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, Rêveries sur Dieu.
Faire (qqn), et adj. attribut de l'objet. Rendre. || Il les a faits riches. || Faire la vie dure à qqn. || Ce costume fait la taille fine. — ☑ Loc. Faire maison, place nette.Faire table rase.
135 Combien de fois a-t-elle en ce lieu remercié Dieu humblement de deux grandes grâces : l'une, de l'avoir fait(e) chrétienne; l'autre (…) de l'avoir fait(e) reine malheureuse.
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette de France.
136 (…) nous lui avons porté de rudes coups, mais lui aussi nous a fait la vie dure, entraînant sans cesse ses hommes à l'attaque de nos garnisons, de nos colonnes, de nos convois (…)
Jérôme et Jean Tharaud, Marrakech, p. 50.
Avec un pron. possessif. || Faire sien (qqch.). Approprier (s').
137 Je fais mien tout votre passé.
Paul Bourget, Lazarine, p. 272.
138 Elle (…) revit dans la chambre les mille choses avec lesquelles elle avait vécu (…) qu'elle faisait siennes.
France, le Lys rouge, XXXIV, p. 406.
139 Ainsi participait-elle plus étroitement à cette déchéance qu'elle avait épousée, qu'elle avait faite sienne à jamais.
F. Mauriac, le Sagouin, p. 7.
b Spécialt. || Faire qqn (et subst. ou adj.). Représenter, donner comme… Représenter. || On vous a fait l'auteur de ce livre. || On le fait plus riche qu'il n'est. || Ne le faites pas plus méchant qu'il n'est !
140 Mais je vous vois, Maxime, et l'on vous faisait mort !
Corneille, Cinna, IV, 5.
140.1 Il n'est pas si terrible qu'on le fait.
Massillon, Carême, Fausse confession.
c Fam. Donner un prix à (qqch.). Évaluer, vendre.|| Faire un objet mille francs. || Combien faites-vous ce vase ? || Je vous le fais cinq cents francs, et, abusivt, à cinq cents francs.
Faire qqch., le vendre, l'écouler.
141 Il y a beaucoup de gens qui achètent des journaux ?
— Oh oui, ça oui, pour sûr il y en a. Tandis que la Loterie, il y avait des jours où ça marchait, et puis des jours où je n'arrivais pas à faire un seul billet.
J.-M. G. Le Clézio, le Déluge, p. 111.
4 Faire (qqn, qqch.) de (qqn, qqch.). Changer, transformer (en). || Faire d'un capitaine (cit. 5) un commandant. || Il en a fait sa femme. || Je m'en suis fait un ami. || Qu'allez-vous faire de votre fils ? || Nous en ferons un médecin.(Quant au caractère). || Vous en avez fait un enfant gâté, un ingrat. || Faire de sa fille une personne accomplie (cit. 3). || Faire ce qu'on veut de qqn. || On en fait ce qu'on veut : c'est une personne malléable qui se prête à la volonté d'autrui.Faire flèche de tout bois. || Faire « d'un art (cit. 58) divin un métier mercenaire ».(Choses). || Faire tout un drame d'une histoire sans importance. || Faire des histoires pour rien. || Il en fait tout un plat.N'en faites pas une montagne. — ☑ Faire ses délices de qqch., s'en régaler. — ☑ Fig. Faire ses choux gras (de qqch.), en tirer bénéfice. — ☑ Loc. Faire d'une mouche un éléphant.
142 (Ô Fortune) Qui d'un potier fais s'il te plaît un Roi,
Et d'un grand Roi fais un maître d'école (…)
Ronsard, Pièces retranchées, Les hymnes, Prière à la fortune.
143 Et vous ferez de lui tout ce que vous voudrez.
Molière, Tartuffe, II, 2.
144 Je regretterais de n'avoir pas fait de toi un ouvrier comme moi.
France, les Désirs de Jean Servien, p. 85.
145 Je me suis fait un orgueil de ce qui n'était peut-être qu'un ridicule.
France, le Livre de mon ami, IX, p. 123.
146 Toi qui sèches les pleurs des moindres graminées,
Qui fais d'une fleur morte un vivant papillon (…)
Edmond Rostand, Chantecler, I, 2.
147 Qu'a fait de moi la maladie ?
Gide, l'Immoraliste, I, II.
148 Est-il prudent de chercher à reconstruire, tant que le sol n'est pas mieux affermi ? Je fais de patience vertu.
Gide, Journal, 24 sept. 1940.
149 (…) l'audace de l'homme qui a fait son idole d'une créature imparfaite.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 228.
Aménager en, se servir comme de… || Faire un hôpital d'un bâtiment privé. || Faire d'une maison un refuge (→ Asile, cit. 8). || Faire d'un meuble du bois de chauffage. || Faire une canne d'un bâton. || Faites-en ce que vous voudrez.
Avoir qqch. à faire de (qqch.), en avoir besoin; y porter intérêt.Fam. Je n'en ai (j'en ai) rien à faire : cela ne m'intéresse pas. Foutre (j'en ai rien à).
N'avoir que faire de… : n'avoir aucun besoin de. || Il n'a que faire de tous ces costumes.Rester indifférent à. Spécialt. Dédaigner. || Je n'ai que faire de son amitié, de ses compliments. Passer (se passer de). || Je n'en ai que faire.
150 Je n'ai que faire de son pardon (…)
Diderot, le Neveu de Rameau, Pl., p. 470.
151 Nous n'avons que faire de mes livres ici, Vial.
Colette, la Naissance du jour, p. 169.
152 Ceux qui conduisent les hommes à la conquête des choses n'ont que faire de la justice et de la charité.
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 93.
Par anal. Disposer de…, mettre en un endroit. || Qu'avez-vous fait de l'enfant ? Je l'ai laissé à sa mère.Fam. (lorsqu'on cherche qqch.). || Qu'ai-je bien pu faire de mes lunettes ?, où les ai-je mises ? Mettre.
Avoir de quoi faire : avoir les moyens.
5 Représenter (qqn, qqch.). Représenter.
a Jouer un rôle dans un spectacle, un jeu. || Faire le personnage de… || Faire Harpagon dans l'Avare de Molière. || Il fait les amoureux dans les comédies de X. Jouer.Faire le mort, au bridge. || Vous ferez les gendarmes, et nous, les voleurs (au jeu des gendarmes et des voleurs).
153 Mme de Caylus fait Esther (…)
Mme de Sévigné, 1129, 28 janv. 1689.
b Agir comme… Avoir, remplir le rôle de. || Faire le domestique. || Faire le pique-assiette. || Faire le difficile. || Ne faites pas l'étourdi ! || Il fait le jaloux, son jaloux. || Il a fait l'imbécile en refusant notre aide.
154 (…) le bossu faisait le personnage d'un entremetteur (…) c'était un fripon qui subsistait aux dépens des personnes trop crédules (…)
A. R. Lesage, Gil Blas (→ Entremetteur, cit. 3).
155 Ne fais pas tant ta mijaurée ! m'avait-il dit furieux.
Barbey d'Aurevilly, le Chevalier Des Touches, p. 152.
156 N'empêche qu'on a fait les couillons, en reculant de dix kilomètres (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 67.
(Sujet et compl. n. de chose). Servir aussi de… || Salle à manger qui fait salon. || Canapé qui fait lit. || Robe qui fait bain de soleil.
(Sujet n. de personne ou d'être animé). Imiter intentionnellement, chercher à passer pour… Contrefaire, imiter, simuler.Faire le chat, le chien…, en imiter le cri, etc. || Faire le mort (→ Coucher, cit. 20), le dormeur (→ Argent, cit. 62), le sourd, le malade. || Faire le Don Juan, les Don Juan, son Don Juan. || Faire son caïd (fam.). || Faire l'enfant (cit. 20). || Vieillard qui veut faire le jeune homme. Jouer. || Qui veut faire l'ange fait la bête (Pascal). || Faire le généreux. || Faire l'étonné, l'innocent. || Il faisait celui qui ignorait tout. Feindre. || Faire l'important (→ À, cit. 5), l'empressé (→ Aller, cit. 3), le malin, le mariole (pop.). || Faire l'âne pour duper, tromper qqn. || Faire le fou, le pitre, le clown, l'idiot, l'imbécile pour amuser la galerie. || Faire l'idiot, l'imbécile : simuler l'idiotie.REM. Si le sujet est féminin, le complément de faire peut s'accorder ou non avec le sujet : Elle fait l'innocente. || Elle fait le mort ou la morte. || Elle fait le clown.(V. 1340). || Faire son, sa (et subst.) : faire habituellement ou par tendance naturelle le, la… || Faire son malin.
157 L'un, en faisant le fin, toutes choses déguise,
L'autre fait l'entendu, et l'autre le rusé (…)
Ronsard, Élégies, XXI.
158 Mon Dieu, sa sœur, vous faites la discrette,
Et vous n'y touchez pas, tant vous semblez doucette (…)
Molière, Tartuffe, I, 1.
159 (…) vous voyez que je fais un peu l'entendue.
Mme de Sévigné, 237, 13 janv. 1672.
160 Son père le laissait courir sans souliers, et, pour faire le philosophe, disait même qu'il pouvait bien aller tout nu.
Flaubert, Mme Bovary, I, I.
161 Elle faisait la brave, et le toisait, une main sur la hanche, la tête d'aplomb sur son beau cou.
Colette, la Chatte, p. 173.
162 (…) il le trouva à la porte du camp en train de faire le pitre, selon son habitude (…)
P. Mac Orlan, la Bandera, XIII.
163 « Je fais le mort » (dit Irène).
Bernstein, Après moi.
164 Faire sa maligne, faire son petit Robespierre (…) La présence du verbe faire indique qu'il s'agit d'un rôle joué par la personne, et le possessif pour sa part donne à entendre que ce rôle, la personne se l'est plus ou moins approprié par l'habitude de le jouer (…) Cette idée d'habitude rend raison de la différence qui existe entre faire le malin (faire celui qui est malin, celui qui veut paraître entendu…) et faire son malin (même signification, mais avec cette nuance qu'il s'agit là d'une tendance habituelle, d'une caractéristique constante).
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, t. I, p. 186-187.
165 Certaines personnes croient qu'elles ont fait leur Sévigné quand elles ont dit : Mandez-moi ma bonne (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. IV, p. 67.
166 Ne faites donc pas votre Cassandre; déjà la nuit du réveillon vous nous prédisiez des désastres : je crois bien que vous avez perdu votre pari.
S. de Beauvoir, les Mandarins, IV, p. 187.
6 Faire, suivi d'un adj., d'un nom sans article. Avoir l'air de, donner l'impression. Paraître.
REM. L'attribut, adj. ou n., reste généralement invariable; cependant on fait quelquefois l'accord avec les personnes.
a Suivi d'un adjectif. || Faire jeune, vieux, âgé. || Elle fait vieux, elle fait vieille pour son âge. || Ameublement qui fait riche. || Cet habit noir fait vraiment triste. || Une cravate qui fait chic, distingué. || Ses procédés ne font pas très sérieux.
167 Si, au moins, dit-elle, on pouvait mettre des rubans aux caleçons et aux gilets de flanelle, pour que ça fasse joli quand on ouvre une armoire.
Colette, l'Ingénue libertine, II, p. 81.
168 Moi, à cause de ma médaille, ils me collaient toujours de planton parce que ça fait riche (…)
R. Dorgelès, les Croix de bois, XV, p. 295.
169 Il faisait très orphelin dans son complet de flanelle dont le revers était barré d'un crêpe noir.
S. de Beauvoir, les Mandarins, V, p. 294.
Faire bien : avoir belle allure (dans un ensemble, un décor…). Convenir (→ Être adéquat, approprié, assorti…). || Ce fauteuil fait bien dans le salon. || Le tableau qui est dans le salon ferait mieux dans l'entrée. || Vos bijoux ne font pas bien sur ce tailleur.
170 (…) je vois (…) dans un livre illustré un animal qui me plaît, une aigrette blanche par exemple, et je me dis : Ça, ça ferait bien dans mes propriétés et puis ça pourrait se multiplier (…)
Henri Michaux, Mes propriétés, p. 101.
(Dans un sens moral). || Il trouve que ça fait bien de se servir de cet anglicisme. Porter (c'est bien porté).
b (Suivi d'un adj.). Fam. || Ça fait joli. || Ça fait moche, tarte.
c Suivi d'un nom (sans article). || Elle fait très femme pour dix-huit ans. || Faire dame. || Ce jeune professeur fait plutôt étudiant. || Ni l'un ni l'autre ne font père de famille (ou pères de famille). || Vous faites très dandy dans ce costume. || Un village qui fait décor d'opérette.
171 (…) c'est un ancien petit palais du XVIIIe siècle avec de vieilles tapisseries. Ça « fait » assez « vieille demeure historique ». Saint-Loup employait à tout propos ce mot « faire » pour « avoir l'air », parce que la langue parlée, comme la langue écrite, éprouve de temps en temps le besoin de ces altérations du sens des mots, de ces raffinements d'expression.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VI, p. 86.
172 Ce valet de pied était habillé avec une grande élégance, et quand il traversa le hall avec le Baron, il « fit homme du monde » aux yeux des touristes, comme aurait dit Saint-Loup.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. X, p. 158.
173 Il est sûr que je n'ai jamais fait « grande dame ».
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. VI, p. 46.
174 Les beaux gosses, ou ils font tapette, ou ils font gigolo.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XIX, III, p. 43.
175 Ils font larrons en foire et tricheurs de casino.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XIX, XI, p. 154.
7 Compl. n. de personne (emplois spéciaux). S'occuper de (qqn). Traiter.Spécialt et vx.
175.1 Avant qu'on ne commence la pièce, le chef dit à ses romains :
— Vous ferez Madame B… (faire ici veut dire applaudir ou soigner). Vous ferez mademoiselle D…; vous laisserez en plan monsieur X… (cela signifie vous ne l'applaudirez pas).
Ch. Paul de Kock, la Grande Ville, t. I, p. 286.
———
IV Faire (suivi d'un verbe à l'infinitif).
1 Être cause que… (→ supra, II., B.). || Faire tomber un objet. || Faire pousser une plante. || Faire taire qqn. || L'émotion le fit crier. || Un travail qui fait suer. Fig. et fam. || Faire suer, chier (qqn).L'exercice fait maigrir. || Cette personne me fait penser à X. || Il fait songer à un archange (cit. 3). || Faire valoir une propriété. || Faire lire une lettre. || Faire prévenir qqn. || Faire connaître un auteur. || Faire savoir que… || Faire voir qqch. à qqn. || On lui fait croire ce qu'on veut (→ Âge, cit. 13). || Je ne le lui fais pas dire.Fam. || Faire marcher qqn. || Faire monter qqn à l'échelle (cit. 10).Cette méthode lui a fait faire des progrès. || L'ambition (cit. 15) fait faire de grandes choses. Pousser (à). || Les serments que le dépit fait faire (→ Autant, cit. 40).
Charger de… Charger. || Faire faire un costume à, par son tailleur. || Faire relier un livre (→ Article, cit. 15). || Faire réparer des chaussures. || Faire exécuter un ordre (→ Arbitraire, cit. 8). || Faire suivre une personne. || Faire faire une démarche. || Faire établir un devis. || Faire porter un message.
Fam. || Faire passer (un enfant), ne pas le laisser naître (en avortant).
175.2 Et le mien ou la mienne, quel âge aurait-il si je ne l'avais pas fait passer, souvenir ineffaçable, remords qui s'aggrave avec l'âge, hantise. Si Jean-Jacques avait voulu, nous aurions un fils de quarante ans…
Claude Mauriac, le Dîner en ville, p. 60.
2 Attribuer à… || Ne lui faites pas dire ce qu'il n'a jamais dit : ne prétendez pas qu'il a dit… || Ses biographes le font mourir vers 1450. || On le fait à tort descendre des Bourbons.
176 (…) Nabuchodonosor (…) à qui il (Strabon) fait traverser l'Europe, pénétrer l'Espagne (…)
Bossuet, Disc. sur l'Hist. universelle, I, 7.
177 (…) cessez de démentir Le sang des demi-dieux dont on me fait sortir.
Voltaire, Mérope, IV, 2.
REM. 1. Le p. p. de faire suivi d'un infinitif reste invariable.
178 (…) on n'a pas pu méconnaître que faire, suivi de son infinitif, est dans un cas particulier. Donc point d'accord : On les a fait mourir; — cette femme passait, une peau d'orange l'a fait tomber.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 350.
2. Construction de la proposition infinitive avec faire.
a L'infinitif n'ayant pas de complément d'objet, le nom ou le pronom sujet construit sans prép. || Faire manger un malade. || Faites-le obéir. || Faire partir des enfants en Suisse; je les ai fait partir en Suisse.
179 On les peut mettre premièrement comme vous avez dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, II, 4.
180 Elle héla un taxi et fit descendre le client.
F. Mauriac, le Baiser au lépreux, X.
b L'infinitif ayant un complément d'objet indirect, le nom ou pronom sujet construit sans prép. || Faire obéir un enfant à ses maîtres; faites-le obéir à ses maîtres. || Faire renoncer qqn à ses prétentions; je l'ai fait renoncer à ses prétentions. || Cela le fit penser à sa mère.
181 Cette aventure (…) contribua beaucoup à le faire croire aux visions miraculeuses de Swedenborg (…)
Balzac, Louis Lambert, Pl., t. X, p. 399.
182 (…) M. Robert la faisait resonger à la guerre.
H. Pourrat, À la belle bergère, I, 2.
183 Ce n'était pas l'effet d'un réflexe purement professionnel qui faisait demander le premier commis à l'intrus : « Monsieur désire ? ».
Émile Henriot, Aricie Brun, II, 4.
184 L'instantanéité du changement les fait penser à ces plaines de l'été, tout à l'heure éclatantes, où le passage du nuage éteint brusquement la lumière.
R. d'Harcourt, Revue de Paris, févr. 1950, p. 7.
(Le nom ou pronom sujet construit avec à). || Faites-lui renoncer à ses prétentions. || Cela lui fit penser à sa mère. || Faites-leur songer à se munir du nécessaire.
185 J'aurais fait changer d'avis à Lucile.
Marivaux, les Serments indiscrets, III, 5.
186 (…) cette puanteur qu'elle retrouvait, lui faisait songer aux quinze jours passés là avec Lantier (…)
Zola, l'Assommoir, t. I, p. 37.
187 Si vous croyez que c'est commode de lui faire changer d'idée.
Pierre Benoit, Axelle, p. 171.
c L'infinitif ayant un complément d'objet direct :
Avec un sujet non exprimé. || Faire prévenir un ami. || Faites-le prévenir.
Avec un sujet exprimé. Le nom sujet se construit avec à ou par. || Faire construire une maison à un architecte, par un architecte. || Faites porter votre paquet par mon fils. || Faire jouer un rôle à qqn.
188 Et l'on fit traverser tout Paris à ces femmes (…)
Hugo, les Châtiments, V, XI.
189 Nous te ferons condamner par les Riches !
Flaubert, Salammbô, VII, p. 137.
190 Passavant était particulièrement habile à faire endosser par autrui ses humeurs propres, et tout ce qu'il préférait désavouer.
Gide, les Faux-Monnayeurs, I, XVII, p. 197.
Avec un pronom sujet construit sans prép., avec à ou avec par. || On le fait étudier les sciences; on lui fait étudier les sciences. || Faites écrire la lettre par lui. || Faites-le, faites-lui écrire la lettre. || Faites-la-lui écrire.
191 Je lui fis du moins promettre, pour mon honneur, qu'elle me garderait le secret.
Fontenelle, Entretien sur la pluralité des mondes, t. II, I.
192 Enfin le manque de vivres les ferait tôt ou tard dévaster, comme des sauterelles, les campagnes environnantes (…)
Flaubert, Salammbô, IV, p. 60.
193 Elle lui faisait pousser le piano et tourner les pages les soirs où la sœur de ma grand'mère chantait (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. I, p. 31.
194 (…) de bons amis à qui on cherche seulement à faire manger les plats qu'ils aiment, jouer aux jeux ou, à la campagne, se livrer aux sports qui leur plaisent.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. I, p. 174.
195 Des nouvelles un peu moins bonnes les firent précipiter leur départ.
Gide, la Porte étroite, p. 129.
3. Omission du pronom réfléchi. On omet généralement le pronom réfléchi devant l'infinitif introduit par faire. Faire asseoir qqn. Faites-le asseoir (cit. 10 et 11). Faire envoler un papier. Mais on dit aussi bien : Vous allez le faire s'envoler. Il est préférable de maintenir le pronom chaque fois que sa suppression pourrait rendre la phrase ambiguë. Faites-le s'inscrire à ce club est plus précis que Faites-le inscrire à ce club (signifiant aussi bien : faites qu'il s'inscrive, que faites-le inscrire par qqn).
196 Dans les verbes pronominaux, de quelque nature qu'ils fussent, un ancien usage, qui subsistait encore à l'époque classique, faisait que l'infinitif-objet perdait son se caractéristique, quand le verbe principal était sentir, voir, laisser, faire, etc. Faire arrêter pouvait signifier aussi bien : faire qu'il s'arrêtât que : faire qu'on l'arrêtât; — Ces paroles Firent arrêter l'autre (La Fontaine, X, 1…) Faire est le seul verbe avec lequel l'usage ancien ait persisté (… cit. d'Urfé, Malherbe, Furetière, Voltaire…) Ce rayon nous fit ensemble épanouir (Lamartine, Jocelyn, 6 août 1795, soir). Sa forte voix sonnait, faisait retourner tout le monde le long du quai (Daudet, l'Immortel, 40). Faire forme une sorte de composé factitif avec certains verbes pronominaux très usuels, par exemple : faire asseoir. Vous auriez bien pu le faire asseoir; cela ferait évanouir le plus brave; — vous me feriez repentir(Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, 57). Mais on voit se reparaître : Celle-ci l'ayant fait s'engager à n'en parler jamais (Sainte-Beuve, Poésies, 316).
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 349.
4. On ne peut plus mettre faire à la forme passive lorsqu'il est suivi d'un infinitif. Il fut fait mourir pour on le fit mourir est incorrect.
———
V Faire, avec un sujet impersonnel.
1 Pour exprimer les conditions de l'atmosphère ou du milieu ambiant. || Il fait jour; il fait nuit; il fait clair; noir, sombre. || Quel temps fait-il ? || Il fait un temps instable. || Il fait beau; mauvais, vilain. || Il fait chaud, doux, bon, tiède. || Il fait lourd, étouffant. || Il fait froid, frais, glacial. || Il fait sec, humide.Il fait soleil, du soleil. || Il faisait trente degrés à l'ombre. || Il fait du brouillard, de la pluie, du vent, de l'orage. || Il fait un froid terrible. || Quelle chaleur il a fait ! || Il faisait une belle journée, une nuit froide…
197 Qu'il fasse beau, qu'il fasse laid, c'est mon habitude d'aller sur les cinq heures du soir me promener au Palais-Royal.
Diderot, le Neveu de Rameau, Pl., p. 425.
198 Vers les huit heures du soir, il faisait nuit noire, et pas trop froid (…)
Stendhal, Vie de Henry Brulard, XXXIII, p. 303.
199 Je ne sais s'il fait jour, je doute du soleil.
Balzac, Béatrix, Pl., t. II, p. 23.
200 Madame, il fait grand vent et j'ai tué six loups.
Hugo, Ruy Blas, II, 3.
200.1 Il faisait éclatant; de la neige, séparés comme les grains d'un riz à l'indienne, chacun des cristaux étincelait à son compte (…)
J. Giraudoux, Siegfried et le Limousin, p. 122.
Littér. || Il fait matin, soir.
201 Comme l'on chantait haut, comme il faisait matin… !
Viélé-Griffin, Poèmes et Poésies, Cueille d'avril, Dédicace, p. 9.
202 Comme il faisait soir, quand Bosse-de-Nage tira notre as sur le rivage (…)
A. Jarry, Docteur Faustroll, XXIV, p. 70.
Littér. (avec un nom exprimant une sensation).
203 Il fait doux, soleil, et silence.
R. Rolland, Jean-Christophe, La révolte, I, p. 378.
204 Le ciel était rouge; sur terre, il faisait frais et bleu.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 131.
Par anal. || Il fait faim; il fait soif (fam.) : on a faim, soif.
205 Souvent il fait faim dans les mansardes.
Champfleury, Chien-Caillou, IV, p. 9.
2 Il fait bon, beau, mauvais…, suivi d'un infinitif. || Auprès de ma blonde, qu'il fait bon dormir ! (chanson pop.). || Il fait bon se promener dans les bois. || Il fait bon vivre avec vous. — ☑ Loc. Il ferait beau voir qu'il refuse ! (→ aussi Arranger, cit. 15).Il ne fait pas bon le déranger en ce moment. || Il faisait mauvais les provoquer, dans ce temps-là.REM. Par anal. avec Il est bon de… on emploie souvent Il fait bon de… || Il ne fait pas bon de se frotter à cet homme-là (Académie).
206 Dieu ! qu'il la fait bon regarder
La gracieuse bonne et belle.
Ch. d'Orléans, Chansons, VI, p. 28.
207 Il fait dangereux assaillir un homme à qui vous avez ôté tout autre moyen d'échapper que par les armes (…)
Montaigne, Essais, I, XLVII.
208 Il fait bon chasser au bois par les frais matins d'hiver.
Maupassant, les Bécasses.
209 Mais non, elle n'est pas troublée, elle a tout son sang-froid. Il ferait beau voir qu'elle n'eut pas son sang-froid !
Arland, Monique, III, p. 161.
———
VI Faire, employé comme substitut d'autres verbes.
1 Vx ou littér. Dans le second terme d'une comparaison, et en particulier après comme. || Je ne parle pas comme il fait, il court mieux que je ne fais… || Il répondit comme les autres avaient fait (Académie).REM. Ce tour, courant au XVIIe s., ne s'emploie plus aujourd'hui que dans la langue littéraire; le langage parlé dit Il court mieux que je ne cours, il court mieux que moi ou il court mieux que je ne le fais (dans ce dernier cas, faire garde sa signification propre et s'accompagne généralement du pronom le représentant le verbe précédent [→ Artifice, cit. 12]).
210 L'exemple touche plus que ne fait la menace (…)
Corneille, Polyeucte, III, 3.
211 On n'agit point comme vous faites.
Molière, l'Amour médecin, I, 3.
212 (…) Fabrice n'eut aucun effort à faire (…) pour se conduire comme l'eût fait Fénelon en pareille occurrence (…)
Stendhal, la Chartreuse de Parme, XXVI.
213 C'est par cette profonde connaissance des dialectes (…) que notre savant a gagné la confiance des conteurs rustiques et pénétré dans la tradition plus avant qu'on n'avait fait encore.
France, la Vie littéraire, 4e s., Contes et chans. pays.
214 Françoise employait le verbe plaindre dans le même sens que fait La Bruyère.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VI, p. 30.
2 Avec le second terme de la comparaison, suivi d'un complément d'objet direct.Vx. || Il m'aime comme il fait sa mère.La même tournure construite avec pour ou de semble plus vivante de nos jours. || Il la coucha comme il aurait fait d'une poupée. || Il nous a aidés comme il a fait pour vous.
215 Il l'appelle son frère, et l'aime dans son âme
Cent fois plus qu'il ne fait mère, fils, fille, et femme.
Molière, Tartuffe, I, 2.
216 Trésor des Fèves descendit ses degrés de marbre plus triste qu'il n'avait fait l'échelle du grenier (…)
Charles Nodier, Trésor des Fèves et Fleurs des Pois.
217 Les curieux pompent nos larmes comme les mouches font du sang d'un daim blessé.
A. Dumas, les Trois Mousquetaires, XXVI.
218 (…) une idée (…) l'envahit; c'était de lire (…) comme elle aurait fait d'un livre pieux, les vieilles lettres chères à la morte.
Maupassant, Une vie, IX.
219 Ils excitaient ces misérables comme on fait des chiens qui se battent.
France, Thaïs, II, p. 198.
220 (…) je me pris à considérer les Haudouin et les Maloret un peu comme j'aurais fait des Gaulois.
M. Aymé, la Jument verte, XV, p. 230.
221 La pendule, étonnante réalisation d'hypothèses (…) me bouleversait plus qu'elle ne faisait les peuplades auxquelles j'en montrais une pour la première fois.
Aragon, Anicet, I.
222 Il regarda Gilbert, comme il aurait fait pour un poulain.
René Bazin, Le blé qui lève, p. 46.
3 En faire autant : imiter.
222.1 J'emmène ma femme, dit l'un. — J'en fais autant. — Et moi aussi.
Maupassant, Contes et Nouvelles, in T. L. F.
———
VII (XVIIIe). N. m. || Le faire.
1 Fait d'agir. Action.Il y a loin du dire au faire : il y a loin de la parole à l'action, du projet à sa réalisation.
223 La rébellion humaine finit en révolution métaphysique. Elle marche du paraître au faire, du dandy au révolutionnaire.
Camus, l'Homme révolté, p. 41.
224 Nous avons (…) été amenés par les circonstances à mettre au jour les relations de l'être avec le faire dans la perspective de notre situation historique. Est-on ce qu'on fait ? Ce qu'on se fait ? L'est-on dans la société présente, où le travail est aliéné ? Que faire, quelle fin choisir aujourd'hui ? et comment faire, par quels moyens ?
Sartre, Situations II, p. 262.
2 Manière de faire une œuvre d'art, et, par ext., un ouvrage de l'esprit. Façon, facture, manière, style, technique. || Le faire d'un artiste, d'un écrivain. || Tableau d'un faire très sûr.
225 Boucher a un faire qui lui appartient tellement, que dans quelque morceau de peinture qu'on lui donnât une figure à exécuter, on la reconnaîtrait sur-le-champ.
Diderot, Salons, Boucher.
226 Il y a dans cette esquisse un faire plus libre, une manière plus large, plus de sentiment, une flamme douce, une fraîcheur de chair, une tendresse, une vénusté qui ne se retrouvent point dans la grande composition du Louvre.
France, la Vie en fleur, XVII.
227 (…) un don spécial, un « faire » singulier qui tenait au goût qu'il avait de pétrir et manipuler la matière de la langue.
Gustave Lanson, l'Art de la prose, p. 38.
227.1 (…) cette expression, c'est le faire, la manière d'un artiste, son style, ses trucs, sa marque, enfin le faire, quoi !
Claude Mauriac, le Dîner en ville, p. 246.
——————
se faire v. pron.
— REM. On ne trouvera ici que les sens importants ou spéciaux au pronominal; pour tous les emplois ordinaires des sens réfléchi et réciproque, se reporter au corps de l'article.
A
1 Se former. Former. || Jeune fille qui se fait, qui devient femme.Mar. || Le vent se fait, augmente.Fromage, vin qui se fait. Améliorer (s'), bonifier (se).
228 La fille crût, se fit : on pouvait déjà voir
Hausser et baisser son mouchoir.
La Fontaine, Contes, « La coupe enchantée ».
Cet homme s'est fait seul. Autodidacte. || Il s'est fait lui-même. Self-made-man. || Chaque jour l'histoire se fait. Construire (se); → Abréger, cit. 3.
229 Son talent n'est pas ordinaire pour une femme, et pour une femme qui s'est faite toute seule (…)
Diderot, Salon 1769, t. XV, p. 35.
230 (…) ces précurseurs du Risorgimento eussent préféré attendre l'heure où l'Italie, suivant un mot prononcé depuis, pourrait « se faire elle-même ».
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Ascens. Bonaparte, IV, p. 56.
231 Seules les choses sont : elles n'ont que des dehors. Les consciences ne sont pas : elles se font.
Sartre, Situations I, p. 48.
231.1 (…) cela n'a pas réussi encore à lui faire oublier ses débuts difficiles et ces humiliations d'autant plus douloureuses à un homme qui selon l'expression populaire si naïve et d'ailleurs si pathétique, « s'est fait lui-même », qu'il a dû les subir sans les comprendre.
Bernanos, Un crime, in Œ. roman., Pl., p. 833.
2 Se faire (et adj. attribut). Commencer à être…; devenir. Devenir. || Se faire vieux. || Sa respiration se faisait plus haletante. || Produit qui se fait rare.Le temps se fait brumeux. || La mer se fait mauvaise.
232 La Provence se faisait toujours plus lointaine dans leur souvenir.
Loti, Matelot, XX (→ Auréoler, cit. 1).
233 La terre se fit fraîche et tendre, une odeur d'eau descendit des collines.
Rosny aîné, la Guerre du feu, 14.
Impers. || Il se fait tard : il commence à être tard. || Il se fait jour. || Il se fait nuit.
3 Se rendre…; devenir volontairement. Rendre (se). || Se faire beau. || Femme qui se fait belle. Arranger (s'). || Se faire petit, se faire léger. || Se faire humble. || Elle se faisait toute douce.Se faire protestant. || Se faire communiste.Se faire moine, se faire avocat.Jésus s'est fait homme; le Verbe s'est fait chair.
234 Le Verbe ne s'est point fait chair dans l'homme de plaisir, il s'est incarné à l'homme de douleur (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 208.
235 Il eût été impossible de ne pas croire à quelque religieuse intention du ciel, en voyant cette femme qui s'était faite mère comme Jésus-Christ s'était fait homme (…)
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 327.
236 (…) il avait mandé l'infortuné Spina à Malmaison, le 22 floréal (12 mai), et lui avait déclaré, sur le ton le plus violent, qu'il se ferait calviniste, luthérien, qu'il ressusciterait les Constitutionnels (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Le Consulat, VIII, p. 120.
237 Qu'on se ferait petite, pour rester auprès de l'homme qu'on aime !
Montherlant, les Jeunes Filles, p. 39.
237.1 Je ne m'étais pas fait beau, hier soir, comme le billet m'y invitait (tenue de soirée recommandée), pour aller à l'Opéra-Comique (…)
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 82.
4 Se faire à… : s'habituer à… Accoutumer, habituer. || Se faire à un lieu, à un travail, à un genre de vie, à une idée. || Je ne peux pas m'y faire. || Vous vous y ferez : on se fait à tout. || Elle s'est faite à cette idée. || Nous nous sommes faits à cette vie. || Mes yeux se sont faits à l'obscurité.
238 Il y a deux choses auxquelles il faut se faire, sous peine de trouver la vie insupportable : ce sont les injures du temps et les injustices des hommes.
Chamfort, Maximes, S. philos. et morales, LXXXIII.
239 Quand on est un certain temps dans l'obscurité, les yeux finissent par se faire à l'ombre comme ceux des oiseaux de nuit (…)
Hugo, Quatre-vingt-treize, III, IV, X.
240 Ne peux-tu pas te faire à la vie qu'on mène ici ? Fait-il trop triste ici ?
Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, II, 2.
241 (…) soldats qui, partis avec enthousiasme en 1792, s'étaient faits aux risques, mais aussi aux avantages de l'aventure (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Le Consulat, IX, p. 141.
242 À la longue, il m'épousera, il se fera à cette idée (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 229.
243 — L'éther, ça pue ! — Ça pue, mais on s'y fait. Ça chauffe le sang.
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, Vie des mart., XVI.
B (Avec un compl.).
1 Se procurer. || Se faire des amis. Attirer (s'). Spécialt. Gagner. || Se faire cinquante mille francs par mois. || Il se fait autant que nous en travaillant moins.
244 Le nouveau régisseur pouvait donc se faire un jour près de deux mille francs en argent.
Balzac, les Paysans, Pl., t. VIII, p. 113.
245 (…) vous vous faites bien dans l'année un minimum de vingt-cinq mille.
J. Romains, Knock, II, 3.
2 (Dans des loc.). Se former; former en soi, pour soi.Se faire de la bile (cit. 6 et 8), du mauvais sang.Se faire la main. Main. — ☑ Se faire des cheveux (blancs) : se contrarier.
3 Former en soi, se donner. || Se faire une idée exacte de qqch. || Il se fait d'elle une fausse image. || Il ne se fait plus d'illusions. || Se faire une raison. || Se faire une opinion personnelle. || Se faire des idées sur qqn, une idée de qqn, de qqch. Idée. || Se faire une montagne de rien du tout. || Se faire un devoir de… || Se faire scrupule de… (→ Armer, cit. 7).
246 On se fait des idées fausses, au sujet de la vocation. On croit toujours avoir choisi.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 174.
247 Il faut tant d'années pour que les vérités que l'on s'est faites deviennent notre chair même.
Valéry, Variété I, p. 178.
247.1 Mais toute personne que je vais rencontrer, je vais me faire sur elle des idées d'enfant caché, c'est passionnant.
Colette, Julie de Carneilhan, p. 171.
248 (…) cet homme a reconnu depuis longtemps qu'il était incapable de se faire une opinion personnelle sur les événements, les institutions et les individus.
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, Entret. dans le tumulte, II.
249 C'est parce qu'il (Rousseau) a substitué aux êtres réels l'image qu'il se faisait d'eux qu'il a cru assez naïvement aux avances de madame Dupin (…)
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 187.
Se faire des soucis. Biler, contrarier, tourmenter, tracasser (se). || S'en faire (fam.), même sens. || Ils s'en font pour leur jeune fils. || Ne vous en faites pas, vous aurez sûrement des nouvelles demain. || Qu'il ne s'en fasse pas pour moi.Fam. || Faut pas s'en faire pour si peu !Ne pas s'en faire : être insouciant.
250 Je lui ai dit de ne pas s'en faire pour toi, que tu ne craignais pas le poulet de Barcelone.
P. Mac Orlan, la Bandera, XVI.
251 Allons, dit-il, allons ! Faut pas t'en faire, poupée : il en viendra d'autres. Un de perdu, dix de retrouvés.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 133.
Par ext. (fam.). Se gêner. || Il ne s'en fait pas celui-là ! Il s'est assis à votre place ! || Eh bien, là-bas ! Ne vous en faites pas !
Ne pas s'en faire : avoir des avantages, une situation enviable (→ Ne pas s'emmerder).
4 Se causer. || Se faire du mal, se faire mal en tombant. || Se faire une entorse (rem.).
5 En parlant des soins corporels (→ supra, III., 1.). || Se faire les mains, les ongles, les yeux, la barbe.
252 Avant de partir, il se faisait la barbe, se parfumait (…)
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 282.
6 Fam. || Se faire qqn, le supporter. || Il faut se le faire, celui-là. || Il est bien gentil, mais quel emmerdeur : il faut se le faire ! Appuyer (s'), farcir (se).
Pop. Posséder sexuellement. Farcir (se), taper (se).
252.1 La baiseuse d'hommes est une travestie qui se fait un homme pour être homme, une cannibale ornée d'un double rang de perles.
Michèle Perrein, Entre chienne et louve, p. 125-126.
Tuer. || Il s'est fait un policier dans la bagarre.
C (Sens passif).
1 Être fait. || Paris ne s'est pas fait en un jour. || Rien de grand ne s'est fait sans audace (cit. 16). || Voilà ce qui se fait de mieux dans le genre.
253 (…) il dut se faire beaucoup d'enfants, cette nuit-là.
Zola, Germinal, t. I, p. 179.
Spécialt. a Être pratiqué couramment, être en usage. || Cela se faisait au Moyen Âge.
254 Cela s'est toujours fait, et toujours se fera
Tant que le Monde entier en ses membres sera.
Ronsard, Pièces posthumes, Préface de « La Franciade ».
Être à la mode. Mode. || Les gilets se font beaucoup cette année. Porter (se). || Les robes-chemises ne se font plus, sont démodées.
b Devoir être fait, quant aux usages, à la morale (employé surtout à la forme négative). || Ne parlez pas la bouche pleine : cela ne se fait pas. || Cela ne se fait pas d'abandonner un ami dans le besoin.
255 J'ai vu précisément l'espèce de révolution la plus dangereuse pour vous, celle que vous ne devez pas faire. Vous aimez volontiers dire, d'un ton que je sais, devant certaines faiblesses des gens de votre classe : « Il y a des choses qui “ne se font pas”. Hé bien ! la révolution que je viens de voir est une de ces choses-là. »
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 119.
2 Suivi d'un infinitif. || Se faire vomir. Fig. et fam. || Se faire suer, se faire chier.Se faire couper les cheveux.Se faire aimer de qqn. || Se faire battre par qqn. || Se faire amener qqn (→ Art, cit. 65). || Se faire faire un costume. || Se faire lire un livre.
3 Être, arriver (impers.). || Il se fit un grand silence. || Il pourrait bien se faire que… || Comment se fait-il qu'il parte déjà ?
256 Le peuple s'étonna comme il se pouvait faire
Qu'un homme seul eût plus de sens
Qu'une multitude de gens.
La Fontaine, Fables, II, 20.
257 Quand l'office a commencé, il s'est fait malgré les pleurs, un si grand silence (…)
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 531.
258 (…) il se faisait un grand tapage qu'on entendait jusque dans la rue (…)
Alphonse Daudet, Contes du lundi, « Dern. classe ».
——————
fait, faite p. p. adj.
1 Qui est constitué, a tel aspect (en parlant d'une personne).
Quant au physique. || Être bien fait, mal fait. ti; fam. foutu. || Il est bien fait de sa personne. || Une femme bien faite. fam. Balancé, bousculé, roulé. || Être faite à peindre (vx). || Avoir la jambe, la taille bien faite. — ☑ Loc. (1672). Fait au tour, au moule : beau, bien fait. || Une jambe faite au tour, au moule.
259 Certaine fille, un peu trop fière,
Prétendait trouver un mari
Jeune, bien fait et beau, d'agréable manière (…)
La Fontaine, Fables, VII, 5.
260 Pourquoi donc êtes-vous jeune et faite à ravir ?
A. de Musset, Comédies et Proverbes, « Louison », I, 5.
261 (…) je lui dis que je ne connaissais guère de plus jolie jambe et de plus petit pied, et que je ne pensais pas qu'il fût possible de les avoir mieux faits.
Th. Gautier, Mlle de Maupin, XII.
Quant à l'allure, à l'habillement (vx). || Comme vous voilà fait ! Accoutré, habillé, mis (mettre), vêtu.
262 Comme le voilà fait ! Débraillé, mal peigné, l'œil hagard !
J.-F. Regnard, le Joueur, I, 7.
Quant à l'esprit, au caractère. || Montaigne préférait les têtes bien faites aux têtes bien pleines. Tête. || Les gens sont ainsi faits !REM. On emploie plus volontiers de nos jours, dans le langage parlé : Je suis ainsi, je suis comme cela. Voilà comment sont les gens !
263 Le Sort avait raison; tous les gens sont ainsi faits :
Notre condition jamais ne nous contente (…)
La Fontaine, Fables, VI, 11.
264 (…) il ajoute qu'il est fait ainsi, et qu'il dit ce qu'il pense.
La Bruyère, les Caractères, V, 22.
2 (Personnes). Qui est arrivé à son plein développement. || Un homme fait. Mûr.
265 J'étais ravi qu'on eût en moi cette confiance : par là, je me croyais déjà un homme fait.
Fénelon, Télémaque, III.
266 Je voulais un homme sérieux, un homme fait, mûri par la vie et sur lequel je pusse m'appuyer (…)
F. Mauriac, Destins, V, p. 106.
Vieux :
266.1 (…) une personne plus faite (…) connaissant mieux le monde (…) serait peut-être mieux votre fait.
H. Monnier, Scènes populaires, La victime du corridor, 7, t. I, p. 274.
(Choses). Arrivé à un certain point de maturation nécessaire à la consommation. || Un fromage fait, bien fait. Point (à). || Choisir un camembert pas trop fait.
Vx. || Un temps fait, stable, établi.
266.2 En somme, ce mois d'octobre, début du printemps austral, ne s'annonçait pas d'une façon satisfaisante, et le vent avait une tendance à sauter d'un point du compas à l'autre, qui ne permettait pas de compter sur un temps fait.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. II, p. 824.
3 Fabriqué, composé, exécuté. || Un travail bien fait. Perlé. || Un conte fait à plaisir. Inventé. — ☑ Loc. Ce n'est ni fait ni à faire : c'est bâclé, sans soin.
Tout fait : fait à l'avance, tout prêt, par oppos. à fait spécialement, exprès pour…
267 L'esthétique est devenue elle aussi un talent personnel; nul n'a le droit d'en imposer aux autres une toute faite.
R. de Gourmont, le Livre des masques, p. 14.
268 Certains hommes sont, plus que d'autres, susceptibles d'accepter une formule toute faite (…)
Martin du Gard, Jean Barois, IV, 122 (→ Bernard-l'hermite, cit. 1).
Spécialt. || Des costumes tout faits, par oppos. à sur mesure. N. || Acheter du tout fait. Confection, prêt (prêt-à-porter).Fig. :
268.1 Il y avait les grands magasins, les spécialistes du tailleur, ceux de la robe, ceux de la blouse. Et le tout fait, l'article de série.
M. Aymé, le Passe-muraille, p. 259.
269 Envier le bonheur d'autrui, c'est folie. On ne saurait pas s'en servir. Le bonheur ne se veut pas tout fait mais sur mesure.
Gide, l'Immoraliste, p. 169.
Phrase, expression toute faite. Cliché.Péj. || Idées, opinions toutes faites : idées, opinions empruntées à autrui sans examen. Préjugé. || On ne peut discuter avec lui, il a des idées toutes faites.
270 Il y a une immense tourbe d'hommes qui sentent par sentiments « tout faits », dans la même proportion qu'il y a une immense tourbe d'hommes qui pensent par idées « toutes faites », et dans la même proportion il y a une immense tourbe d'hommes qui veulent par volontés toutes faites.
Ch. Péguy, Note conjointe, Sur Bergson, p. 20.
Qui est fardé. || Des yeux faits.Verni. || Ongles faits.
(Au sens d'« accompli »). || Si fait ! Si.
Vite fait : fait rapidement. || Un travail vite fait.Adv. Fam. Rapidement, vite. || Il s'est tiré vite fait.Adv. ou adj. || Un petit repas vite fait.(Renforcement).Vite fait bien fait : vite et bien. || Il lui prit le fric vite fait bien fait.
270.1 Y'a prière devant le maître-autel. Une petite rincelette d'oraisons latines, vite fait sur le pouce.
San-Antonio, J'ai essayé : on peut !, p. 170.
270.2 On va le jouer aux dés. Vite fait. Le premier As qui sort.
J.-P. Manchette, Folle à tuer, p. 73.
4 Être fait pour… : avoir une destination, un usage… Destiné. || Ce mobilier est fait pour rester dehors. || Cette voiture n'est pas faite pour transporter six personnes.Iron. || Le savon est fait pour s'en servir ! || Le trottoir n'est pas fait pour les chiens !
271 Si l'homme n'est fait pour Dieu, pourquoi n'est-il heureux qu'en Dieu ? Si l'homme est fait pour Dieu, pourquoi est-il si contraire à Dieu ?
Pascal, Pensées, VII, 438.
272 Mais le ciel, dans sa colère, lui avait donné ce tempérament bilieux, fait pour sentir profondément les injures et la haine.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XXIX.
273 Mon père se faisait de l'âme humaine et de sa destinée une idée sublime; il la croyait faite pour les cieux; cette foi le rendait optimiste.
France, le Petit Pierre, I.
274 Être égotiste et utiliser les œuvres d'autrui avec le sans-gêne que l'on sait, c'est là une combinaison bien faite pour étonner.
Valéry, Variété II, p. 100.
Convenir, être bien adapté à… || Ce genre de vie n'est pas fait pour lui. || Vous n'êtes pas fait pour elle, vous ne vous accorderez jamais. || Cela n'est pas fait pour arranger les choses.
275 (…) un assemblage confus de parties magnifiques qui ne sont point faites les unes pour les autres.
Fénelon, Télémaque, XVII (→ Assemblage, cit. 10).
5 Fam. Être fait comme un voleur, comme un rat, et, absolt, être fait : être pris (par la police). Prendre; fam. pincer. || Sauvez-vous par la fenêtre ou vous êtes fait !Par ext.Être fait (fait aux pattes) : ne pas pouvoir échapper à (une difficulté, des complications, des ennuis). || Je suis fait (→ Être bon, bonard, cuit, marron, refait; être de la revue).
276 Ils avaient refermé la porte en douce derrière nous les civils. On était faits, comme des rats.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 16.
277 « Je viens de rentrer. J'étais fait comme un voleur », cria-t-il, de loin, en s'ébrouant sous le robinet (…) moi, je me suis dit que c'était bête de se faire pincer : j'ai pris le large (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 32.
278 C'est pour cela que nous avons couru si longtemps. Maintenant il est cerné, il est « fait ».
Pierre Gascar, les Bêtes, p. 203.
279 (…) il déambulait le long de la rivière Malagarasi lorsqu'il tomba sur un Noir hilare qui releva instantanément le canon de sa mitraillette pour la lui appuyer sur le ventre. Selon l'immémoriale coutume du troufion fait aux pattes, Debu leva aussitôt les bras au ciel (…)
Pierre Gombert, le Prix d'un taxi, p. 136.
REM. générale. Le verbe faire entre dans de nombreuses locutions qui, notamment, avec un nom sans article, équivalent à un verbe simple. Ex. : || Faire grâce : gracier. || Faire silence : se taire. || Se faire gloire : se glorifier. De telles expressions sont étudiées sous le nom exprimant l'idée : grâce, silence, gloire.
CONTR. Anéantir, défaire, démolir, détruire, supprimer.
DÉR. Faisable, faisances, faiseur. — V. aussi Fait (n. m.) et rac. sav. fact-.
COMP. Défaire, malfaire (malfaisant), redéfaire, refaire, parfaire, surfaire. — Faire-part, faire-valoir, faitout, savoir-faire. — V. aussi Affaire, bienfait, bienfaisant, entrefaite, forfait, méfait.
HOM. Formes du v. ferrer. — Faix. — (Du fém.) Faîte, fête.

Encyclopédie Universelle. 2012.