1. bien [ bjɛ̃ ] adv. et adj. ♦ Compar. de bien. ⇒ mieux. I ♦ Adv.
1 ♦ Adv. de manière (opposé à 2. mal) D'une manière conforme à une norme (esthétique, intellectuelle, morale, sociale, technique...), à ce que l'on peut attendre. ⇒ convenablement. Très bien. ⇒ admirablement, parfaitement. Elle danse bien, assez bien. Une femme bien faite. Il raisonne bien. Bien vu, bien joué. ⇒ astucieusement, habilement. « Travaillons donc à bien penser : Voilà le principe de la morale » (Pascal). Un homme bien né. Aller bien. Cela tombe bien (cf. À pic). Tiens-toi bien. ⇒ correctement. On l'a bien conseillé. ⇒ judicieusement, sagement. Agir, se conduire bien. ⇒ honnêtement, honorablement. Il a bien pris ma remarque (cf. En bonne part). Ni bien ni mal. ⇒ médiocrement, moyennement . Tant bien que mal. — Loc. littér. Bien lui en prit (⇒ I, B, 10o) . REM. Dans cette loc., bien est aujourd'hui souvent senti comme un subst. — PROV. Qui aime bien châtie bien.
♢ BIEN FAIRE. (Personnes) Faire ce qu'il faut. J'ai cru bien faire. Vous avez bien fait. PROV. Bien faire et laisser dire : agir selon sa conscience, sans tenir compte des dires des autres. — Vous feriez bien de... (avec un inf.). ⇒ 1. devoir. — C'est bien fait ! c'est une punition méritée. Bien fait pour lui ! (cf. Il ne l'a pas volé).
♢ Par antiphr. Quelle catastrophe, cela commence bien !
2 ♦ (Indiquant le degré, l'intensité, la quantité) Avec un adj. ou un p. p. positif; avec un adv. ⇒ tout (à fait), très. Vous vous y prenez bien mal. Du linge bien blanc. Servir bien chaud. Nous sommes bien contents. Ce serait bien étonnant. Bien sûr, bien entendu. Bien vôtre. Il y en a bien assez. Bien souvent. Bien avant l'heure. Bien au contraire. ⇒ tout (au). — (Devant un compar.) Plus. Bien mieux, bien pire. — Spécialt Il est bien jeune pour cet emploi. ⇒ trop. — Absolt Je le trouve bien jeune. Vous êtes bien sûr de vous !
♢ (Avec un nom sans art.) ⇒ 2. fort, très. J'ai bien peur. C'est bien dommage. — Merci bien.
♢ (Avec un verbe) ⇒ beaucoup. Nous avons bien ri. J'espère bien vous voir. Je t'aime bien (moins fort que je t'aime).
♢ BIEN DE, DES : beaucoup de. Il nous donne bien du souci. Vous avez bien de la chance. Je l'ai pris bien des fois. ⇒ nombreux. Il en a vu bien d'autres. Il a bien d'autres occupations. Pop. Bien des choses à votre mari.
3 ♦ Par ext. (avec un numér., une quantité) Au moins. ⇒ largement. Il y a bien une heure qu'il est sorti. J'ai bien appelé vingt fois. Cela vaut bien le double.
4 ♦ (Renforçant l'affirmation) ⇒ réellement, véritablement, vraiment, tout (à fait). Il part bien demain ? Il faut bien l'avouer. Voulez-vous bien vous taire. Nous le savons bien, je le vois bien. C'est bien fini. Il peut très bien le faire tout seul. C'est bien lui, c'est bien la même. C'est bien de lui : son comportement est tout à fait conforme à son caractère, c'est ce qu'on attendait de lui. Ce n'est pas un oubli, mais bien une erreur. ⇒ plutôt. Ou bien. ⇒ ou. Bel et bien. ⇒ 1. beau. Il a bien un vélo, mais il ne s'en sert pas. ⇒ peut-être.
♢ Par antiphr. Il s'agit bien de cela ! C'était bien la peine !
5 ♦ Par ext. En fait et en dépit des difficultés (quoi qu'on dise, pense, fasse; quoi qu'il arrive). Vouloir bien : accepter, daigner. Aussi bien. ⇒ aussi. Attendons, nous verrons bien. Il faut bien le supporter. Il le fait bien, pourquoi pas moi ? puisqu'il le fait. — (Avec un condit.) J'écrirais bien, mais répondra-t-il ? je pourrais écrire, j'écrirais volontiers. Absolt (comme souhait) J'irais bien avec vous.
6 ♦ EH BIEN ! Interjection marquant l'interrogation, une hésitation dans la réponse. ⇒fam. ben. Eh bien ! qu'en dites-vous ? (⇒ alors); le reproche : Eh bien ! ne vous gênez pas. Eh bien ! soit, j'accepte.
II ♦ Emploi adjectival
1 ♦ (Attribut) ⇒ satisfaisant. PROV. Tout est bien qui finit bien. Ce sera très bien ainsi. Ellipt Bien ! ⇒ 1. bon, bravo, parfait.
♢ En bonne santé, en bonne forme. Je me sens bien. Le malade est moins bien. Se porter bien. — Fam. Il n'est pas bien, lui : il est fou.
♢ ⇒ juste, moral. Ce n'est pas bien d'agir ainsi, je ne trouve pas cela bien.
♢ Capable de faire ce qu'il faut. Elle est bien, dans ce rôle. Il a été très bien. ⇒ parfait.
♢ Beau. Je le trouve bien. Elle est encore très bien. La maison a l'air bien.
♢ À l'aise. Nous sommes bien ici, chez nous (⇒ bien-être) . Êtes-vous bien dans ces chaussures ? Se trouver bien de... — Par antiphr. Nous voilà bien, dans une situation désagréable (cf. fam. Dans de beaux draps).
♢ ÊTRE BIEN AVEC (qqn),être en bons termes avec lui, être son ami.
♢ FAIRE BIEN : produire un bel effet. Un tapis qui fait bien dans le salon. Par ext., fam. Avoir bon effet, paraître élégant. Une référence qui fait bien sur une carte de visite. Il trouve que ça fait bien d'utiliser des mots anglais (cf. C'est bien porté).
2 ♦ (Épithète, apr. le nom) Convenable, comme il faut, distingué, en parlant des gens. Un monsieur très bien. C'est qqn de bien, de très bien. Des gens bien. ⇒ chic.
♢ Qui a des qualités morales, de la valeur. Une fille bien, un type bien. Bien sous tous rapports (annonce matrimoniale).
♢ Par ext., fam. (Choses) ⇒ intéressant. Il fait des choses bien.
♢ Mention bien, assez bien, très bien (à un examen).
III ♦ Loc. conj. BIEN QUE. Marque la concession. ⇒ encore (que), malgré (que), quoique. — (Suivi du subj.) J'accepte, bien que rien ne m'y contraigne. Bien qu'elle fût malade, il n'en paraissait rien. — (Suivi du p. prés.) « Bien qu'ayant vécu chez eux » (France). — (Avec ellipse du verbe et du sujet) (opposé à parce que) « Ses moustaches étaient assez courtes, bien que jamais coupées » (Loti). « Bien que philosophe, M. Homais respectait les morts » (Flaubert).
⊗ CONTR. 2. Mal.
bien 2. bien [ bjɛ̃ ] n. m.
I ♦
1 ♦ Ce qui est avantageux, agréable, favorable, profitable; ce qui est utile à une fin donnée. ⇒ avantage, bénéfice, bienfait, intérêt, profit, satisfaction, service, utilité. Ce remède lui a fait du bien, beaucoup de bien, le plus grand bien. Cela lui fait plus de mal que de bien. Cela ne fait ni bien ni mal. Le bien commun, général, public. « Le bien public est fait du bien de chacun » (Camus). ⇒ intérêt. C'est pour son bien. Vouloir le bien de qqn. Un ami qui vous veut du bien (signature de lettre anonyme). Grand bien vous fasse ! faites comme vous le voulez, je doute que cela vous fasse du bien, peu m'importe. — Dire du bien de qqn, de qqch. : en parler avantageusement, favorablement (cf. Faire l'éloge de). « Voulez-vous qu'on croie du bien de vous ? N'en dites pas » (Pascal). — UN BIEN, DES BIENS. Les biens de ce monde. ⇒ richesse. La santé est le plus précieux des biens. La liberté est le bien le plus cher. C'est une épreuve difficile, mais ce sera un bien pour vous : une bonne chose. — EN, À BIEN. Parler en bien de qqn, de qqch. Changer qqch. en bien. ⇒ améliorer. — Mener une affaire, une entreprise à bien : faire en sorte qu'elle réussisse. PROV. Le mieux est l'ennemi du bien.
2 ♦ Chose matérielle susceptible d'appropriation, et tout droit faisant partie du patrimoine. ⇒ acquêt, 2. capital, cheptel, domaine, fortune, 1. fruit, héritage, patrimoine, possession, produit, propriété, récolte, richesse. Avoir du bien (vieilli), des biens. Disposer de ses biens. Biens productifs. Laisser son bien à ses héritiers. Léguer ses biens à une œuvre charitable. Manger tout son bien. — PROV. Bien mal acquis ne profite jamais. Abondance de biens ne nuit pas. — Le navire a péri corps (II, 3o) et biens.
♢ Dr. Biens meubles et immeubles. Biens publics. Biens privés. Biens communs et biens propres, qui appartiennent aux deux ou à un seul des époux. ⇒ communauté; acquêt. Biens dotaux. ⇒ dot. Biens successoraux. ⇒ succession. Administrateur de biens. ⇒ gérant, syndic. Marchand de biens. — Écon. Choses matérielles qui procurent une jouissance. Les biens et les services. Biens de consommation, de production. Biens fongibles, non fongibles. Biens vacants ou sans maître, qui n'appartiennent à personne, et sont susceptibles d'appropriation. Biens nationaux : biens confisqués au clergé, aux émigrés et à la royauté lors de la Révolution française.
II ♦ Ce qui possède une valeur morale, ce qui est juste, honnête, louable. ⇒ 2. devoir, 2. idéal, perfection. Discerner le bien du mal. Faire le bien. ⇒ charité. L'arbre de la science du bien et du mal. — Le souverain bien, le vrai bien, le bien suprême : le bien par excellence. — Vieilli Un homme de bien, qui pratique le bien, la charité, et aussi honnête, intègre (cf. Un homme de devoir). — Loc. Fam. En tout bien tout honneur : d'une manière honnête, sans désir ni projet de relation sexuelle. « La grande dame qui avait désiré faire, en tout bien tout honneur, une visite à mon logis solitaire » ( Loti).
⊗ CONTR. 3. Mal. Dommage, préjudice. Injustice.
● bien adverbe (latin bene) De manière satisfaisante : Je vais bien, tout est bien qui finit bien. Conformément à la morale, à la forme sociale : Il a bien agi. Marque l'intensité : J'insiste bien sur cela. Sert à préciser une indication : Nous sommes bien le jeudi 15 ? Indique une quantité approximative minimale ; au moins, au bas mot : Il y a bien deux heures de trajet. Souligne une opposition : Je sais bien que mes chances sont faibles. Justifie une affirmation par référence à un cas analogue : J'y arriverai sûrement : d'autres y sont bien arrivés ! En tête de phrase, exprime l'approbation ou la constatation d'un fait et le passage à une autre considération : Vous avez compris ? Bien. ● bien (difficultés) adverbe (latin bene) Emploi 1. Bien / beaucoup → beaucoup. 2. Bien / mieux. Le comparatif de supériorité de bien est mieux : il chante bien ; en tout cas, il chante mieux que moi. 3. Bien de (+ nom) = beaucoup de. Bien est toujours suivi de du, de la, des, sauf devant autres. Il a bien de la peine. J'ai eu bien du plaisir à vous rencontrer. Je connais bien des gens qui s'en contenteraient. Il a bien d'autres soucis en ce moment. Construction Bien que loc. conj. 1. Bien que (+ subjonctif) : bien qu'elle soit très fatiguée, elle n'en laisse rien paraître. Cette construction est la plus courante. Remarque Dans le registre littéraire, on rencontre également les constructions bien que (+ indicatif), pour souligner l'opposition entre deux faits : « Mélanie et Gertrude furent arrêtées] bien qu'elles criaient qu'elles n'avaient rien fait » (R. Rolland), et bien que (+ conditionnel), pour marquer l'éventualité : « À l'heure actuelle, Mirabeau ne remuerait personne, bien que sa corruption ne lui nuirait point » (Chateaubriand). Ces deux constructions sont vieillies. 2. Bien que (+ adjectif, participe ou nom) : bien que pauvre, il reste digne ; bien que partant très tôt demain, Paul passera ce soir ; bien qu'honorée de nombreuses distinctions, Mme X est restée très simple ; bien que médecin, il se croit toujours malade. 3. Bien que j'en aie. Tournure à éviter. Recommandation Dire ou écrire : malgré que j'en aie (que tu en aies, qu'il en ait, etc.). → malgré ● bien (expressions) adverbe (latin bene) Bien de + nom, beaucoup de, une grande quantité de : Je me suis fait bien du souci. Bien des gens ignorent ce détail. Bien plus, marque une addition qui renchérit sur une assertion. Mais bien, mais au contraire, mais plutôt : Ce n'était pas une échauffourée, mais bien une émeute. Moi bien, en Belgique, moi oui, moi si : Vous ne le croyez pas ? Moi bien. Si bien que, tant et si bien que, expriment la conséquence. Tant bien que mal, ni bien ni mal, avec plus ou moins de difficulté. ● bien (synonymes) adverbe (latin bene) De manière satisfaisante
Synonymes :
Contraires :
- fâcheusement
- mal
Conformément à la morale, à la forme sociale
Synonymes :
- agréablement
- excellement
- honnêtement
- joliment
Contraires :
- mal
- vilement
Marque l'intensité
Synonymes :
- beaucoup
- extrêmement
- fort
- intensément
- profondément
- vivement
Contraires :
- médiocrement
- peu
Sert à préciser une indication
Synonymes :
- assurément
- sûrement
- vraiment
Souligne une opposition
Synonymes :
- réellement
- véritablement
- vraiment
● bien
adjectif invariable
Conforme à ce qui est souhaité, attendu ; satisfaisant : Les choses sont très bien ainsi.
Conforme à une norme de valeur esthétique : Ce décor me paraît bien.
Conforme à une norme morale ou de qualité : Un garçon très bien. Je n'ai rien vu de bien.
En bon état physique, en bonne santé ; dans des conditions agréables, à l'aise : On est bien dans cet hôtel.
● bien
nom masculin
Ce que prescrit une règle morale, par opposition à ce qu'elle condamne ; conduite conforme à cette prescription : Distinguer le bien et le mal.
Ce qui est utile, nécessaire, profitable à quelqu'un, à la collectivité, à quelque chose : Cette mesure a été un bien pour le commerce.
Ce dont la possession est considérée comme un avantage, une chose précieuse : La santé est le premier des biens.
Ce que quelqu'un possède, ce qui a une valeur financière et peut être objet de propriété : Laisser tous ses biens à une œuvre charitable.
Droit
Chose matérielle ou droit susceptible de faire partie d'un patrimoine (champs, maisons, créances, servitudes, usufruit, etc.).
Économie
Produit apte à satisfaire les besoins et disponible à cet usage.
Philosophie
Pour Platon, objectif suprême vers lequel se dirige le sage et à l'égard duquel les autres objectifs sont subordonnés ; pour saint Paul, acte de la charité qui ne peut se réaliser sans la grâce de Dieu ; pour Kant, but final théorique imposé par la loi morale, que tout homme possède « au fond de son cœur ».
● bien (citations)
adjectif invariable
Bernard Le Bovier de Fontenelle
Rouen 1657-Paris 1757
Le plus grand secret pour le bonheur, c'est d'être bien avec soi.
Du bonheur
François Marie Arouet, dit Voltaire
Paris 1694-Paris 1778
Ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise : il fallait dire que tout est au mieux.
Candide
François Marie Arouet, dit Voltaire
Paris 1694-Paris 1778
Un jour tout sera bien, voilà notre espérance ;
Tout est bien aujourd'hui, voilà l'illusion.
Poème sur le désastre de Lisbonne
● bien (difficultés)
adjectif invariable
Orthographe
Invariable en genre et en nombre : des gens bien ; des filles bien.
Emploi
Le comparatif de supériorité de bien est mieux : elle est bien, mais son amie est encore mieux.
Registre
Courant.
Recommandation Cet adjectif passe-partout est très utilisé dans la langue parlée courante. Dans l'expression soignée, en particulier à l'écrit, employer un adjectif plus précis, en fonction du contexte : beau, joli, savoureux, sympathique, honorable, efficace, réussi, etc.
● bien (expressions)
adjectif invariable
Être bien avec quelqu'un, être en bons termes avec lui.
● bien (synonymes)
adjectif invariable
Conforme à ce qui est souhaité, attendu ; satisfaisant
Synonymes :
- correct
- honnête
- parfait
Contraires :
- détestable
- fâcheux
- haïssable
- mal
- odieux
Conforme à une norme de valeur esthétique
Synonymes :
- agréable
- beau
- bon
- joli
- pas mal
Contraires :
- désagréable
- exécrable
- laid
- mauvais
- vilain
Conforme à une norme morale ou de qualité
Synonymes :
- digne
- sérieux
Contraires :
- bas
- indigne
- infâme
- méprisable
- vil
● bien (citations)
nom masculin
Antonin Artaud
Marseille 1896-Ivry-sur-Seine 1948
Le bien est voulu, il est le résultat d'un acte, le mal est permanent.
Lettre à Jean Paulhan, 12 septembre 1932
Gallimard
Charles Baudelaire
Paris 1821-Paris 1867
Le mal se fait sans effort, naturellement, par fatalité ; le bien est toujours le produit d'un art.
Curiosités esthétiques
Pierre Augustin Caron de Beaumarchais
Paris 1732-Paris 1799
Quel diable d'homme, et qu'il est contrariant ! il dit du bien de tout le monde !
Le Mariage de Figaro, Préface
François René, vicomte de Chateaubriand
Saint-Malo 1768-Paris 1848
Les biens de la terre ne font que creuser l'âme et en augmenter le vide.
Génie du christianisme
Pierre Corneille
Rouen 1606-Paris 1684
Il m'a fait trop de bien pour en dire du mal,
Il m'a fait trop de mal pour en dire du bien.
Poésies diverses
Commentaire
Écrit, en 1642, sur Richelieu, à l'occasion de sa mort.
Noël Du Fail, seigneur de La Hérissaye
Château-Letard, près de Rennes, vers 1520-Rennes 1591
Dieu donne du bien aux hommes, et non des hommes aux biens.
Contes et discours d'Eutrapel
Eugène Grindel, dit Paul Eluard
Saint-Denis 1895-Charenton-le-Pont 1952
« Le bien et le mal doivent leur origine à l'abus de quelques erreurs. »
Capitale de la douleur, Joan Miró
Gallimard
François de Salignac de La Mothe-Fénelon
château de Fénelon, Périgord, 1651-Cambrai 1715
Presque tous les hommes sont médiocres et superficiels pour le mal comme pour le bien.
Lettre à l'Académie
Xavier Forneret
Beaune 1809-Beaune 1884
Bâtissez un pont en papier de soie et jetez-y le bien que font les hommes, il tiendra bon.
Sans titre, par un homme noir, blanc de visage
Marcel Jouhandeau
Guéret 1888-Rueil-Malmaison 1979
Le bien est dans le bon usage que l'on fait de n'importe quoi.
Éléments pour une éthique
Grasset
Laurent Angliviel de La Beaumelle
Valleraugue, Gard, 1726-Paris 1773
Je ne vois partout que des gens qui font le bien et qui le font mal.
Mes pensées ou le Qu'en-dira-t-on
Jean de La Fontaine
Château-Thierry 1621-Paris 1695
J'aime le jeu, l'amour, les livres, la musique
La ville et la campagne, enfin tout ; il n'est rien
Qui ne me soit souverain bien,
Jusqu'au sombre plaisir d'un cœur mélancolique.
Les Amours de Psyché et de Cupidon
Jean de La Fontaine
Château-Thierry 1621-Paris 1695
Le bien, nous le faisons ; le mal, c'est la Fortune ;
On a toujours raison, le Destin toujours tort.
Fables, l'Ingratitude et l'Injustice des hommes envers la Fortune
Jean de La Fontaine
Château-Thierry 1621-Paris 1695
Il devint gros et gras : Dieu prodigue ses biens
À ceux qui font vœu d'être siens.
Fables, Le Rat qui s'est retiré du monde
Julien Offray de La Mettrie
Saint-Malo 1709-Berlin 1751
Il y a tant de plaisir à faire du bien, à sentir, à connaître celui qu'on reçoit, tant de contentement à pratiquer la vertu […] que je tiens pour assez puni, quiconque a le malheur de n'être pas né vertueux.
L'Homme machine
François, duc de La Rochefoucauld
Paris 1613-Paris 1680
Il n'est pas si dangereux de faire du mal à la plupart des hommes que de leur faire trop de bien.
Maximes
François, duc de La Rochefoucauld
Paris 1613-Paris 1680
Il y a des héros en mal comme en bien.
Maximes
François, duc de La Rochefoucauld
Paris 1613-Paris 1680
On fait souvent du bien pour pouvoir impunément faire du mal.
Maximes
François, duc de La Rochefoucauld
Paris 1613-Paris 1680
On ne trouve guère d'ingrats tant qu'on est en état de faire du bien.
Maximes
François, duc de La Rochefoucauld
Paris 1613-Paris 1680
Quelque bien qu'on dise de nous, on ne nous apprend rien de nouveau.
Maximes
Isidore Ducasse, dit le comte de Lautréamont
Montevideo 1846-Paris 1870
Nous sommes libres de faire le bien […]
Nous ne sommes pas libres de faire le mal.
Poésies, II
Louis Lavelle
Saint-Martin-de-Villeréal, Lot-et-Garonne, 1883-Parranquet, Lot-et-Garonne, 1951
Le plus grand bien que nous faisons aux autres hommes n'est pas de leur communiquer notre richesse, mais de leur découvrir la leur.
L'Erreur de Narcisse
Grasset
Alain René Lesage
Sarzeau 1668-Boulogne-sur-Mer 1747
Tous les hommes aiment à s'approprier le bien d'autrui ; c'est un sentiment général ; la manière seule de le faire est différente.
Histoire de Gil Blas de Santillane
Roger Martin du Gard
Neuilly-sur-Seine, 1881-Sérigny, Orne, 1958
Si l'on ne fait pas le bien par goût naturel, que ce soit par désespoir ; ou du moins pour ne pas faire le mal.
Les Thibault, la Mort du père
Gallimard
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière
Paris 1622-Paris 1673
Il m'est permis, disait Molière, de reprendre mon bien où je le trouve.
Cité par Grimarest, dans Vie de M. de Molière, 1705
Michel Eyquem de Montaigne
château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592
Le bien public requiert qu'on trahisse et qu'on mente et qu'on massacre.
Essais, III, 1
Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu
château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755
Il est mille fois plus aisé de faire le bien, que de le bien faire.
De l'esprit des lois
Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu
château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755
Il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses intérêts particuliers.
De l'esprit des lois
Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu
château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755
La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens.
Mes pensées
Blaise Pascal
Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662
Voulez-vous qu'on croie du bien de vous ? N'en dites pas.
Pensées, 44
Commentaire
Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée.
Pablo Ruiz Picasso
Málaga 1881-Mougins 1973
On doit prendre son bien où on le trouve, sauf dans ses propres œuvres.
Conversations avec Christian Zervos, 1935 in Cahiers d'art
Marcel Proust
Paris 1871-Paris 1922
Presque tous nous fauchons en herbe les biens qui nous auraient été de riches moissons.
Jean Santeuil
Gallimard
Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz
Montmirail 1613-Paris 1679
[…] Auprès des princes il est aussi dangereux et presque aussi criminel de pouvoir le bien que de vouloir le mal.
Mémoires
Louis Antoine Léon Saint-Just
Decize 1767-Paris 1794
Ce qui produit le bien général est toujours terrible, ou paraît bizarre lorsqu'on commence trop tôt.
Fragments sur les institutions républicaines
André Siegfried
Le Havre 1875-Paris 1959
Académie française, 1944
Voulez-vous nuire à quelqu'un ? N'en dites pas du mal, dites-en trop de bien.
Quelques maximes
J. Haumont
Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues
Aix-en-Provence 1715-Paris 1747
Nous n'avons ni la force ni les occasions d'exécuter tout le bien et tout le mal que nous projetons.
Réflexions et Maximes
François Marie Arouet, dit Voltaire
Paris 1694-Paris 1778
Les malheurs particuliers font le bien général ; de sorte que plus il y a de malheurs particuliers et plus tout est bien.
Candide
François Marie Arouet, dit Voltaire
Paris 1694-Paris 1778
J'ai fait un peu de bien ; c'est mon meilleur ouvrage.
Épîtres, À Horace
Simone Weil
Paris 1909-Londres 1943
La beauté, c'est l'harmonie du hasard et du bien.
La Pesanteur et la Grâce
Plon
Ovide, en latin Publius Ovidius Naso
Sulmona, Abruzzes, 43 avant J.-C.-Tomes, aujourd'hui Constanţa, Roumanie, 17 ou 18 après J.-C.
Je vois le bien, je l'approuve
et je fais le mal.
Video meliora proboque,
Deteriora sequor.
Les Métamorphoses, VII, 20
Sénèque, en latin Lucius Annaeus Seneca, dit Sénèque le Philosophe
Cordoue vers 4 avant J.-C.-65 après J.-C.
Tous mes biens sont avec moi.
Omnia bona mea mecum sunt.
Lettres à Lucilius, IX
Suétone, en latin Caius Suetonius Tranquillus
vers 69-vers 126
Mes amis, j'ai perdu ma journée.
Amici, diem perdidi.
Vies des douze Césars, Titus, VIII
Commentaire
Paroles attribuées à Titus, quand tout un jour s'était écoulé sans qu'il eût trouvé occasion de faire le bien.
Aristote
Stagire 384-Chalcis 322 avant J.-C.
En général, les biens provenant du hasard sont ceux qui provoquent l'envie.
Rhétorique, I, 5, 17 (traduction J. Voilquin)
Platon
Athènes vers 427-Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C.
Il n'y a rien de bon ni de mauvais sauf ces deux choses : la sagesse qui est un bien et l'ignorance qui est un mal.
Euthydème, 281e (traduction Méridier)
Bible
Vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal.
Ancien Testament, Genèse III, 5
Commentaire
Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ».
Bible
Je trouverai ma joie à leur faire du bien.
Ancien Testament, Jérémie XXXII, 41
Commentaire
Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ».
Bible
[Puisque] je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas.
Saint Paul, Épître aux Romains, VII, 19
Bible
Malheur à vous quand tout le monde dira du bien de vous ! C'est bien de cette manière que leurs pères traitaient les faux prophètes.
Évangile selon saint Luc, VI, 26
Coran
L'homme prie pour obtenir le mal, comme il prie pour le bien. L'homme est prompt de nature.
Coran, XVII, 12
Élisabeth Ire, reine d'Angleterre et d'Irlande
Greenwich 1533-Richmond 1603
Tous mes biens pour un peu de temps !
All my possessions for a moment of time !
Commentaire
Dernières paroles.
Franz Kafka
Prague 1883-sanatorium de Kierling, près de Vienne, 1924
En un certain sens, le Bien est monotone.
Das Gute ist in gewissem Sinne trostlos.
Préparatifs de noce à la campagne
Edmund Spenser
Londres 1552-Londres 1599
Que nul n'attribue à soi-même
les victoires qu'il doit à la grâce.
Nous n'avons de force que pour le mal :
tout le bien vient de Dieu en acte ou en volonté.
Ne let the man ascribe it to his skill
That through grace hath gained victory
If any strength we have, it is to ill
But all the good is Gods, both power and eke will.
La Reine des fées, I, 10
● bien (expressions)
nom masculin
Dire, penser du bien, grand bien, etc., de quelqu'un, de quelque chose, en parler, les juger favorablement.
En tout bien tout honneur, avec des intentions louables, honnêtes.
Faire du (ou le) bien, pratiquer une charité active autour de soi.
Faire du bien à quelqu'un, à quelque chose, procurer à quelqu'un un soulagement, du plaisir, de la satisfaction, etc., ou avoir des effets heureux sur quelque chose.
Homme de bien, homme droit, honnête, dont les actions sont inspirées par la morale, la charité.
Le bien commun, le bien public, l'intérêt général.
Les biens temporels, les biens de ce monde, les biens matériels, dont on jouit pendant la vie.
Mener à bien quelque chose, achever avec succès ce qu'on a entrepris.
Prendre son bien où on le trouve, en parlant d'un écrivain, utiliser librement les œuvres des autres.
Vouloir le bien de quelqu'un, souhaiter qu'il réussisse, qu'il soit heureux.
Vouloir du bien à quelqu'un, être bien disposé à son égard.
Biens culturels, objets d'art, monuments qui, ayant une signification culturelle particulière pour le pays qui les détient ou pour l'humanité, doivent faire l'objet d'une protection spéciale dans les rapports entre nations.
Bien collectif, bien dont la production et la consommation ne peuvent être divisées entre individus ni faire l'objet d'appropriation individuelle (exemple une route).
Bien de consommation, bien destiné à la satisfaction des besoins des consommateurs.
Bien de consommation intermédiaire, bien entrant dans la production d'un bien et qui, en s'incorporant à ce dernier, est détruit par son utilisation (le charbon, le minerai).
Bien économique, bien produit par du capital humain qui a une valeur d'échange.
Bien d'équipement, bien destiné à la production d'autres biens.
Bien intermédiaire, bien transformé ou détruit (matières premières, énergie) dans le processus de production.
Bien libre ou naturel, bien disponible gratuitement (l'air que nous respirons).
Bien de production, bien utilisé dans le processus de production (notamment les biens d'équipement).
Biens et services, produits matériels et immatériels de l'activité économique.
Biens nationaux, ensemble de biens, collectifs ou privés, appropriés par l'État pendant la période révolutionnaire.
Souverain bien, perfection d'un objet de désir moral, pour autant qu'il l'emporte sur tous les autres objets de désir de l'homme.
● bien (synonymes)
nom masculin
Ce qui est utile, nécessaire, profitable à quelqu'un, à la...
Synonymes :
- bienfait
- chance
- faveur
- félicité
- grâce
- prospérité
Contraires :
- coup
- désavantage
- détriment
- épreuve
- malheur
- préjudice
Ce que quelqu'un possède, ce qui a une valeur financière...
Synonymes :
- argent
- avoir
- capital
- domaine
- fortune
- propriété
- richesse
Faire du bien à quelqu'un, à quelque chose
Synonymes :
- bien-être
Contraires :
- dommage
- tort
bien
adv., Interj. et adj. inv.
rI./r adv. de manière.
d1./d De manière satisfaisante. Je dors bien. Un enfant bien élevé.
d2./d De manière raisonnable, juste, honnête. Il a fort bien agi.
d3./d De manière plaisante, agréable. Un compliment bien tourné.
d4./d De manière habile. Savoir bien parler est un art. Bien joué!
rII./r adv. d'intensité.
d1./d Bien de, bien des: beaucoup de. Il a manqué bien des occasions.
— Par antiphr. Je vous souhaite bien du plaisir.
d2./d (Devant un adjectif, un participe passé, un adverbe.) Très, tout à fait. Tu es bien beau ce matin. Il est bien reposé. Restez là bien tranquillement.
d3./d (Devant un verbe.) Beaucoup. J'espère bien vous revoir.
d4./d (Avec une quantité.) Au moins. Il y a bien deux ans que je ne l'ai pas vu. Cela fait bien un kilo.
d5./d (Avec un conditionnel.) Volontiers. Je vous dirais bien de rester.
d6./d (Belgique) (Pour contredire une formule négative.) Si. Il n'apprécie pas la bière, moi bien.
rIII/r Interj.
d1./d Bien! Très bien!: marques d'approbation.
d2./d Eh bien?: marque d'interrogation. Eh bien, qu'en penses-tu?
|| Eh bien, soit!: marque d'acquiescement.
|| Eh bien!: marque de surprise, d'indignation. Eh bien! je ne l'aurais pas cru!
rIV./r adj. inv.
d1./d (Attribut) Bon, satisfaisant, agréable. Tout est bien qui finit bien. Cet acteur est très bien.
d2./d En bonne santé, à l'aise. Se sentir bien.
d3./d Convenable, d'un point de vue moral. Ce n'est pas bien de mentir.
d4./d Beau. Il est bien physiquement.
d5./d (épithète et attribut.) Fam. Qui est plein de qualités. C'est un garçon bien, on peut compter sur lui.
d6./d Convenable, d'un point de vue social. Ce sont des gens bien.
rV./r Loc.
d1./d Bien plus: en outre, et plus encore. Il lui a pardonné, bien plus il est devenu son ami.
d2./d Aussi bien: d'ailleurs. Qu'il parte, aussi bien nous ne l'en empêcherons pas.
rVI./r Loc. conj. Bien que: marque la concession, la restriction portant sur un fait réel. Bien que d'aspect chétif, il est solide. Il sort bien qu'il pleuve.
————————
bien
n. m.
rI./r
d1./d Ce qui est bon, avantageux, profitable. Buvez un peu, cela vous fera du bien. Travailler pour le bien public, l'intérêt général. Le bien le plus précieux, c'est la santé. Dire du bien de qqch, de qqn, en parler en termes élogieux. Mener à bien (qqch): réussir (dans une entreprise).
d2./d Ce que l'on possède (en argent, en propriétés). Avoir un petit bien. Hériter des biens paternels.
— (Prov.) Bien mal acquis ne profite jamais.
d3./d (Plur.) DR éléments mobiliers ou immobiliers qui composent le patrimoine d'une personne.
— Biens corporels, qui ont une existence matérielle, comme les objets, les animaux, la terre.
— Biens incorporels, qui représentent une valeur pécuniaire, comme le nom commercial, les droits de créance.
— (Afr. subsah.) ANTHROP Biens individuels: selon la conception négro-africaine, choses appartenant en propre à un individu (bijoux, armes, etc.) par oppos. aux biens lignagers.
|| ECON (Surtout Plur.) Chose produite pour satisfaire un besoin. Biens de consommation, d'équipement, de production.
rII./r Ce qui est conforme au devoir moral, ce qui est juste, honnête, louable. Rendre le bien pour le mal.
— Homme de bien, vertueux et charitable.
|| Loc. adv. En tout bien tout honneur: sans arrière-pensée, sans mauvaise intention.
I.
⇒BIEN1, adv.
I.— Emplois discursifs
A.— [Au sens le glus gén., avec une idée de conformité] En rapport avec certains critères d'appréciation individuels ou collectifs; d'une manière exactement adéquate à l'idée ou à l'effet attendu(e), propre à recevoir l'approbation.
1. Domaine esthétique, intellectuel, etc. :
• 1. Comment je me débrouille en Anglais. — Admirablement les premiers jours. Moins bien maintenant parce que j'ai des scrupules. On me fait force compliments.
ALAIN-FOURNIER, Correspondance [avec J. Rivière], 1905, p. 17.
• 2. ... les femmes avaient commencé à sortir de l'église à leur tour. Jeunes ou vieilles, jolies ou laides, elles étaient presque toutes bien vêtues en des pelisses de fourrure ou des manteaux de drap épais; (...) un étranger se fût étonné de les trouver presque élégantes au cœur de ce pays sauvage, si typiquement françaises parmi les grands bois désolés et la neige, et aussi bien mises à coup sûr, ces paysannes, que la plupart des jeunes bourgeoises des provinces de France.
HÉMON, Maria Chapdelaine, 1916, p. 11.
• 3, ... quoique maigre, il était bien fait de sa personne et il avait la jambe belle. On le trouvait fier.
POURRAT, Gaspard des montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 10.
• 4. On sait la fortune du mot de Bergson, statuant qu'au fond de l'œuvre de tout penseur il y a une idée très simple, qui en est l'essence, qu'il a toute sa vie voulu exprimer sans y jamais atteindre. En vérité, il semble que la plupart des philosophes, et Bergson tout le premier, ont fort bien su dire, et très nettement, cet essentiel. (...) on veut que cela soit impossible (aussi par religion de l'« ineffable »). C'est à peu près la même volonté qui s'affirme dans cet arrêt : « L'homme même qui s'y livre sciemment (à la philosophie) ne sait expliquer exactement ce qu'il fait ». Nous croyons que Descartes eût fort bien su expliquer ce qu'il faisait. Mais la religion du trouble ne le veut pas.
BENDA, La France byzantine, 1945, p. 22.
SYNT. Bien bâti, bien certain, bien coiffé, bien coupé, bien dit, bien doué, bien écrit, bien fondé, bien habillé, bien informé, bien pris (dans sa taille), bien proportionné, bien rendu, bien senti, bien tourné, bien venu, bien vu; bien comprendre, bien connaître, bien écouter, bien juger, bien parler, bien réfléchir, bien se rendre compte. — PARAD. a) (Quasi-)synon. agréablement, assurément, bellement, certainement, excellemment, expressément, formellement, gracieusement, joliment, judicieusement, logiquement, méthodiquement, rationnellement, remarquablement, sûrement. b) (Quasi-)anton. absurdement, désagréablement, illogiquement, irrationnellement, médiocrement, vilainement.
— Expr. (appuyant les énoncés, notamment dans le discours parlé).
a) Je crois bien, je dis bien, je vous l'avais bien dit, je ne croyais pas si bien dire, j'entends bien, je l'espère bien, je pense bien; notez bien, remarquez bien, sachez bien; parlons peu, parlons bien; c'est bien le moins que... (MUSSET, Le Chandelier, 1840, p. 44); c'est bien naturel, c'est bien possible (MAURIAC, Génitrix, 1923, p. 376); c'est bien lui, c'est bien de lui, voilà bien notre... (VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 1, 1868, p. 157).
b) Bien sûr, bien entendu, comme de bien entendu (fam.) :
• 5. Il exprimait quelquefois le fond de sa pensée, devant Tarrou, par des remarques de ce genre : « Bien sûr, ça ne va pas mieux. Mais, du moins, tout le monde est dans le bain. » « Bien entendu, ajoutait Tarrou, il est menacé comme les autres, mais justement, il l'est avec les autres... »
CAMUS, La Peste, 1947, p. 1375.
♦ À le bien prendre (STENDHAL, Racine et Shakespeare, t. 2, 1825, p. 92).
♦ Bel et bien. ... répondit qu'il avait bel et bien existé des juments vertes (AYMÉ, La Jument verte, 1933, p. 11); (vx) bien et beau (MÉRIMÉE, Théâtre de Clara Gazul, 1825, pp. 60, 115).
2. Domaine moral. Agir, se conduire bien :
• 6. ... c'est, à mon avis, très-bien, très-justement, et même, si vous voulez, très-philosophiquement fait d'établir comme dogme national, que tout fléau du ciel est un châtiment : et quelle société humaine n'a pas cru cela?
J. DE MAISTRE, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, t. 1, 1821, p. 309.
PARAD. a) (Quasi-)synon. comme il faut, dignement, honnêtement, honorablement, nécessairement, noblement, sagement. b) (Quasi-)anton. bassement, ignoblement, malhonnêtement, vilement.
— Expr. (appuyant les énoncés, notamment dans le discours parlé). Il fera bien de... (Mme COTTIN, Claire d'Albe, 1799, p. 84); vous feriez bien de... (exprime un conseil ou un ordre atténué); (c'est) bien fait (pour + pron. pers., gén. iron.) (CLAUDEL, Jeanne d'Arc au bûcher, 1939, p. 1224); il (le) faut bien :
• 7. ... une de mes amies, qui n'avait que seize ans, a été enlevée... Mais parfaitement! Et dans une voiture à deux chevaux encore. Le lendemain... hum! ... Naturellement. Il ne pouvait plus être question de la rendre à sa famille. Il y a des... comment dirai-je? des effractions que... Enfin ils se sont mariés. Il fallait bien en venir là.
COLETTE, La Maison de Claudine, 1922, p. 45.
— Proverbes. Bien faire et laisser dire; charité bien ordonnée commence par soi-même (SARTRE, L'Existentialisme est un humanisme, 1946, p. 13); qui aime bien châtie bien.
Rem. Dans cette accept., bien est beaucoup plus souvent employé à la forme subst. qu'à la forme adverbiale.
3. Domaine des relations soc., interpersonnelles :
• 8. On la traitait amicalement, mieux qu'une femme de charge, moins bien qu'une parente.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Mademoiselle Perle, 1886, p. 630.
• 9. ... lequel, lettré, s'est trouvé me connaître de nom et m'a fort bien reçu, « heureux de cette occasion de me rencontrer, etc. » me dispensant généreusement de revenir avec ma femme et s'excusant de me faire attendre.
LARBAUD, Journal, 1931, p. 255.
SYNT. Bien disposé, bien intentionné; bien accueillir, bien vouloir; se (re)mettre bien avec (qqn), s'entendre bien avec (qqn); être bien vu de (qqn). — PARAD. a) (Quasi-)synon. affablement, aimablement, courtoisement, gentiment. b) (Quasi-)anton. grossièrement, hostilement, inamicalement, méchamment, rudement.
— Expr. Bien à vous (formule de politesse à la fin d'une lettre).
Rem. On a parfois affirmé que le syntagme vouloir bien est plus catégorique que bien vouloir, sans doute à cause de la force partic. conférée par la post-position. D'autres jugent cette distinction superficielle. ,,Chez les militaires et les gens d'administration, il est assez d'usage de distinguer bien vouloir de vouloir bien construits avec un infinitif : selon eux, cette dernière formule, plus impérative, convient dans les relations de supérieur à inférieur, et bien vouloir est de mise dans les relations d'inférieur à supérieur. (...) Cependant Dauzat estime que l'opposition entre les deux formules est factice; (...). Dans la pratique, on peut négliger la distinction entre vouloir bien et bien vouloir`` (GREV. 1964, § 829, p. 791).
4. Domaine de l'activité, du fonctionnement, etc. :
• 10. Quand le corps est beau, qu'il remplit bien et aisément ses fonctions, qu'il est une source de jouissances et de sensations agréables, il est tout à fait naturel que l'âme s'y attache par des liens d'amour, qu'elle en soit constamment occupée. Elle l'aime comme harmonie, ...
MAINE DE BIRAN, Journal, 1819, p. 259.
SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 151.
• 12. ... je ne sais pas jusqu'à quel point on peut dire qu'un homme qui ne ferait que rêver et serait incapable d'action se porterait bien, quand même tous ses membres seraient en bon état. Mais c'est la volonté qui est attaquée, et c'est l'organe le plus précieux.
BAUDELAIRE, Paradis artificiels, Le Hachish, 1860, p. 342.
SYNT. Bien attrapé, bien capable, bien chaud, bien dressé, bien entretenu bien portant, bien propre, bien tenu; bien dormir, bien manger, bien réussir, bien tourner, bien vendre, bien viser, bien vivre; aller bien, arriver bien, augurer bien, marcher bien, s'annoncer bien, se passer bien, se sentir bien, se tirer bien, se trouver bien, venir bien.
— PARAD. a) (Quasi-)synon. absolument, adroitement, avantageusement, complètement, convenablement, correctement, entièrement, favorablement, habilement, heureusement, impeccablement, intégralement, pleinement, réellement, totalement, tout-à-fait, utilement, véritablement, vraiment. b) (Quasi-)anton. défavorablement, désavantageusement, fâcheusement, gauchement, imparfaitement, incomplètement, incorrectement, inutilement, maladroitement, malaisément, malencontreusement.
— Expr. (utilisée parfois pour renforcer les énoncés, notamment dans le discours parlé).
a) Bien joué!; bien lui en a pris de..., bien m'en prit (GIRAUDOUX, Siegfried et le Limousin, 1922, p. 11); ça commence à bien faire!; ça tombe bien, vous êtes bien tombé (LARBAUD, Journal, 1931, p. 250); ça va bien? (ZOLA, L'Argent, 1891, p. 8); cela va bien comme ça (CLAUDEL, Le Pain dur, 1918, p. 414); je suis bien aise; la nature fait bien les choses (CAMUS, Caligula, 1944, p. 9); tenez vous bien!
b) Par antiphrase. Ça commence bien (ZOLA, La Débâcle, 1892, p. 206); c'est bien à vous de..., c'est bien le moment; c'était bien la peine, c'est vraiment bien la peine (PROUST, Le Côté de Guermantes 2, 1921, p. 464); il est bien temps; il s'agit bien de... (GIRAUDOUX, Amphitryon 38, 1929, p. 51); me voilà bien avancé!
— Loc. communes aux emplois I A
♦ Loc. adv.
Aussi bien (Quasi-)synon. d'ailleurs. ... aussi bien ma paupière ne s'ouvre qu'à regret (BAOUR-LORMIAN, Veillées, 1827, p. 293).
Mais bien. [S'emploie après une négation] ... le véritable psychologue du siècle (...) pas leur Stendhal (...) mais bien cet étonnant Hello (HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 12).
Ni bien ni mal, tant bien que mal ou (vx) que bien que mal. ... se représente(r), tant bien que mal, en petit et en grand, en gros et en détail (CHAMFORT, Caractères et anecdotes, 1794, p. 84).
♦ Loc. conj.
Bien que. [S'emploie avec un verbe gén. au subj., except. à l'ind. ou au cond. dans la lang. fam., littér.; s'emploie aussi avec un part. prés. ou un adj. p. ell. du verbe; marque la concession] (Quasi-)synon. encore que, malgré, quoique :
• 13. Ne faudrait-il quand même pas lui faire une petite visite, bien qu'il soit aussi distant et insensible qu'un cadavre?
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Combat contre les ombres, 1939, p. 10.
Aussi bien que. [Marque la compar.] ... le sérieux de ces monotones figures, aussi bien que cette couleur froide (BARRÈS, Greco, 1911, p. 14).
Ou bien :
• 14. Ou tous ils descendaient ensemble, ou bien encor
Ensemble reprenaient avec calme l'essor.
JAMMES, Les Géorgiques chrétiennes, 1911, p. 6.
Quand bien même. ... une page en prose (...) quand bien même elle encadrerait deux ou trois trouvailles (JACOB, Le Cornet à dés, 1923, p. 17).
Si bien que, tant et si bien que. [S'emploie avec un verbe à l'ind.; marque la conséquence] (Quasi-)synon. à tel point, tellement (que) :
• 15. ... les branches de sapin prirent feu, si bien qu'on voyait parfaitement les deux hommes à présent, assis en face l'un de l'autre, de chaque côté du foyer, ...
RAMUZ, Derborence, 1934, p. 12.
Rem. (commune aux emplois I A). Dans tous ces emplois, bien est utilisé assez souvent dans le discours parlé comme simple marque d'insistance, l'insistance étant d'ailleurs davantage dans l'intonation avec laquelle on prononce ce mot que dans le mot lui-même. Il semble pourtant prendre une force spéc. dans qq. cas précis :
♦ Pour appuyer une affirmation, pour s'autoriser d'un cas analogue, en réponse à une objection implicite ou explicite :
• 16. TALTHYBIOS. — Grands Dieux! Ton fils aussi, femme, tu le tuerais?
KLYTAIMNESTRA. — Son père a bien tué ma fille! je le hais.
LECONTE DE LISLE, Poèmes tragiques, Les Érinnyes, 1886, p. 200.
♦ Pour appuyer la formulation d'une hypothèse, d'un souhait — gén. avec le fut. ou le cond. Nous verrons bien (PROUST, La Fugitive, 1922, p. 569) :
• 17. Puis, un baiser, par-ci par-là. Voudris ben vous biser (je voudrais bien vous embrasser), disait-elle en lui tendant ses petits bras avec une tendresse touchante. Et Pierre se laissait embrasser et le lui rendait bien fort, sur ses bonnes petites joues rondes.
LOTI, Le Roman d'un enfant, 1890, p. 87.
B.— [Avec une valorisation intensive] Plus qu'on ne pourrait s'y attendre :
• 18. Amusez-vous bien et aimez-vous fort : c'est de votre âge et il n'y a que cela de bon dans la vie.
FLAUBERT, Correspondance, 1864, p. 140.
• 19. Ces pauvres demoiselles! L'aînée, Angéline, a bien vingt-six ans; l'autre, Aurélie, va en avoir vingt-quatre.
ZOLA, La Conquête de Plassans, 1874, p. 931.
• 20. LE MAIRE. — Notre jeune contrôleur est pourtant bien sympathique.
LE DROGUISTE. — Très sympathique.
GIRAUDOUX, Intermezzo, 1933, I, 1, p. 15.
SYNT. Bien beau, bien bête, bien bon, bien brave, bien content, bien heureux, bien jeune, bien malade, bien sage; (avoir) bien envie, bien faim bien peur, bien raison, bien tort; (en) avoir bien (pour) + (numéral); bien boire, bien rire, bien souffrir; pouvoir bien (= avoir beau), valoir bien; bien à plaindre. — PARAD. a) (Quasi-)synon. abondamment, au moins (si ce n'est plus), considérablement, copieusement, énormément, extrêmement, fameusement, grandement, intensément, largement, profondément, trop, violemment, vivement. b) (Quasi-) anton. faiblement, médiocrement, peu, passablement.
— Expr. (notamment dans le discours parlé). Bien le bonjour! (sans doute p. ell. de : je vous donne bien (= vivement) le bonjour) (CLAUDEL, Jeanne d'Arc au bûcher, 1939, p. 1212)); bien volontiers (= très volontiers); c'est bien dommage (= fort dommage);(CHATEAUBRIANT, M. des Lourdines, 1911, p. 2); merci bien (= merci beaucoup); (R. MARTIN DU GARD, Le Testament du Père Leleu, 1920, p. 1142); il s'en faut bien que (= il s'en faut de beaucoup que) :
• 21. ... il y a encore beaucoup de végétaux utiles qui nous sont inconnus; car il s'en faut bien que chaque genre de végétaux nous fournisse par toute la terre une espèce en rapport immédiat avec nos besoins.
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 52.
— Proverbe. Rira bien qui rira le dernier (MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Le Trou, 1886, p. 576).
— P. allus. hist. Souvent femme varie, / Bien fol qui s'y fie (citation déformée d'une phrase de François Ier, dont la formule originale aurait été : ,,Toute femme varie`` d'après Brantôme, dans M. DUPRÉ, Encyclop. des citations, Paris, Trévise, 1959, p. 8 — ou ,,Souvent femme varie, mal habile qui s'y fie``, d'après M. BIÉ, Les Châteaux de la Loire, Paris, Sun, 1964, p. 28).
— Loc. (adv. ou prép., notamment dans le discours parlé).
♦ Bien de/du + subst. (Quasi-)synon. beaucoup de.
SYNT. et EXPR. Avoir bien de la chance, du mal, de la peine, du souci; dire bien des choses (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 193); en avoir vu bien d'autres (BARRÈS, Mes cahiers, t. 9, 1911, p. 6); répéter bien des fois (GIDE, Isabelle, 1911, p. 611), souhaiter bien du plaisir (DELÉCLUZE, Journal, 1828, p. 442).
♦ Bien après, bien assez, bien avant, bien davantage, bien longtemps, bien mal, bien meilleur, bien mieux, bien moins, bien peu, bien plus, bien souvent, bien trop :
• 22. Où courait-elle ainsi, la longue route luisante, vers quel horizon fabuleux? Il la prolongeait par la pensée bien au-delà, plus loin, beaucoup plus loin, jusqu'à ces minces routes blondes, de colline en colline, toutes frémissantes sous la lune douce. (...) Il respirait à pleins poumons l'air humide, il écoutait sonner son pas — une! deux! — l'ancienne vie était derrière, bien loin derrière, effacée à mesure, ...
BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, p. 973.
♦ Un peu bien (vx ou fam.). (Quasi-)synon. un peu trop. Quelque histoire un peu bien sanglante (POURRAT, Gaspard des montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 17).
Rem. 1. ,,Avec les adjectifs et les adverbes au positif, c'est bien, et non beaucoup, qu'il faut employer : il est bien savant, il est bien loin`` (GREV. 1964, § 844, p. 809); dans les autres cas, il peut être utilisé de préférence à beaucoup (quantitateur neutre), pour sa nuance plus fam. 2. Dans le syntagme aimer bien, bien marque essentiellement un degré d'intensité et peut être considéré comme (quasi-) synon. de beaucoup. Dans un cont. de relations amoureuses, p. oppos. à la forme abs. aimer (qui marque l'amour-passion, l'amour authentique — gén. considéré comme non susceptible de var. et se situant sur un plan supérieur où s'abolit toute graduation, puisque au summum de l'intensité), aimer bien prend, paradoxalement, une valeur plus faible, et exprime seulement l'affection, l'amitié. 3. Dans l'accept. I B, bien tend à se vider du contenu sém. précis qu'il a dans l'accept. I A, et à devenir un simple signe intensif. D'où l'apparence assez contradictoire de certaines assoc., : ... bien patauds, bien lourds, bien laids (STENDHAL, Vie de Henry Brulard, t. 2, 1836, p. 256); ... un bien mauvais marchand (PÉGUY, Victor-Marie, Comte Hugo, 1910, p. 666); ... l'air bien terrible, (...) être bien mal gesté (A. FRANCE, La Vie en fleurs, 1922, pp. 292-293).
Rem. (commune aux accept. I). 1. Compar. d'infériorité : moins bien, de supériorité : mieux; superl. : le mieux (cf. ex. 1, 8). 2. Bien se place gén. avant le verbe à l'inf. (sauf à la forme pronom. où il est, de préférence, post-posé), après le verbe aux temps simples, entre l'auxil. et le part. aux temps composés :
• 23. PIERRE DE CRAON. — Mettez-vous là près de ce cierge que je vous regarde bien.
Elle se place en souriant sous le cierge. Il la regarde longuement.
VIOLAINE. — Vous m'avez bien regardée?
CLAUDEL, L'Annonce faite à Marie, 1re version, prol., 1912, p. 13.
II.— Emplois interjectifs.
A.— Dans la lang. cour.
1. Bien! bien, bien! fort bien! très bien!, etc. marque l'accord, la conclusion, parfois avec une nuance d'impatience. (Quasi-)synon. bravo! parfait! ... Bon, monsieur, très bien (BALZAC, César Birotteau, 1837, p. 321).
2. Ah! bien marque la surprise, la déception, etc., (cf. CHAMPFLEURY, Les Bourgeois de Molinchart, 1855, p. 100); Ah bien oui! marque un assentiment sceptique, iron.; Ah bien non! marque une opposition violente, l'indignation.
3. Eh bien ou hé bien (marque l'étonnement, l'interrogation, l'hésitation, l'admiration, l'exhortation, la conclusion ou la reprise d'une idée au cours d'une conversation). Bon (...) Hé bien, monsieur (P. BOURGET, Le Disciple, 1889, p. 34); bon, eh bien (...) d'accord (SARTRE, La Mort dans l'âme 1949, p. 149); eh bien! soit [marque l'acceptation, la résignation], (HUGO, La Fin de Satan, Le Gibet de Jésus-Christ, 1885, p. 769).
4. Oh bien oui (P. BOREL, Champavert, Don Andréa Vésalius, l'anatomiste, 1833, p. 62); peut-être bien (MONTHERLANT, Le Songe, 1922, p. 133) marquent la même nuance sémantique que ah bien oui, etc..
B.— Dans la lang. pop., dial. (avec les mêmes nuances sém. que dans les formes correspondantes en II A).
1. Bé (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 140); bédame : ... voyons (...) bè dame, alors (HUYSMANS, Les Sœurs Vatard, 1879, p. 126); bé oui (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 15); eh bé : ... bon (...) eh bé, salut (SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, p. 137); hé bé : ... hé bé, peut-être biein (sic) qu'il a raison (MALRAUX, Les Conquérants, 1928, p. 26).
2. Ben : ... oui, bon, ben, c'est ça (G. ROY, Bonheur d'occasion, 1945, p. 139); ben, ben : ah! ben, pour lors, (...) ben, ben (MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Le Lapin, 1887, p. 249); ben, mon vieux (BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 80); ben tiens ou ben quiens (ROY, Bonheur d'occasion, 1945, p. 53); ben voyons : ben (...) voyons. Naturellement (ACHARD, Voulez-vous jouer avec moâ? 1924, II, 2, p. 137); ah ben (MAUPASSANT, Contes et Nouvelles, t. 1, Le Lapin, 1887, p. 249); ah! ben alors, ah ben ça, ah ben dis donc (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 684); ah, ben oui (E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1862, p. 1094); ah ben non; ah! ben, vrai (H. BATAILLE, Maman Colibri, 1904, p. 21); eh ben : ... dame (...) eh ben (BALZAC, La Peau de chagrin, 1831, p. 285); eh! ben, quoi : ... allons! eh! ben, quoi! (RENARD, Journal, 1897, p. 394); oh ben oui (cf. ex. 24); p't'ête ben (PAILLERON, L'Étincelle, 1879, p. 34); p'tête ben qu'oui, p'tête ben qu'non (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 78).
Rem. 1. Ben peut s'utiliser dans tous les emplois de bien (adv. ou adj.) et non pas seulement comme interj. :
• 24. THOMAS. — (...) Alle n'avait qu'à inviter rien qu'la famille, c'était tout ce qu'il fallait.
MARGOT. — Oh ben oui, rien qu'la famille! S'il n'y avait eu qu'la famille, gn'y aurait pas eu d'noce.
THOMAS. — Dis donc, femme, tu n't'aperçois pas que p'tit à p'tit nous f'sons comme tout le monde; nous mangeons le bien des gens, et nous nous moquons d'eux après. C'n'est pas trop ben, da.
MARGOT. — J'sais ben ça; mais c'est que ça amuse.
LECLERQ, Proverbes dramatiques, Le Savetier et le financier, 1835, p. 211.
Rem. 2. Noter aussi les formes bene (cf. Lar. 19e, Lar. encyclop. et QUILLET 1965; forme lat. écrite béné chez BALZAC, Correspondance, 1819, p. 50) et bin : eh bin! de quoi? (FRAPIÉ, La Maternelle, 1904, p. 115).
Rem. 3. Pour nota bene, v. nota.
PRONONC. :[]. D'apr. FOUCHÉ Prononc. 1959 : ,,on fait la liaison entre [l'adverbe bien] inaccentué et un mot auquel il se rapporte`` (p. 475), ex. : il a eu bien envie de rire. Restriction : la liaison ne se fait pas ,,lorsque [l'adv. bien] signifie « d'une manière satisfaisante, conforme à la perfection » ou qu'il a le sens de « pourtant »`` et qu'il précède ,,un adverbe, une préposition (ou l'article contracté au, aux) ou une conjonction`` (p. 465), ex. on est bien / ici, il y en avait bien / autrefois.
STAT. — Ben2. Fréq. abs. littér. :1 213. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 513, b) 63; XXe s. : a) 2 671, b) 3 080. Bé2. Fréq. abs. littér. :59.
II.
⇒BIEN2, adj. inv.
I.— Emplois discursifs. Qui correspond exactement à certains critères d'appréciation individuels ou collectifs.
A.— [Sous le rapport de l'esthétique, de l'intellect; en parlant d'une chose ou d'une pers. avec une notat. fam.] Digne d'admiration :
• 1. À Constantinople, les femmes sont voilées du yachmac et enveloppées du feredjé (manteau) de couleur claire, ce qui est bien et de bon effet parmi les foules...
DU CAMP, Le Nil, 1854, p. 42.
• 2. — Vous aviez raison, ma chère, comme il est bien, cet affreux homme! — murmura une provinciale à l'oreille de sa voisine. (...) Il était très bien, en vérité, le jeune chef du parti socialiste; grand et dégagé, la taille élégamment prise dans une redingote aux revers de soie, le front rejeté en arrière sous la couronne des cheveux noirs, négligemment bouclés; un large front tout rayonnant de pensée, foyer où l'on sentait couver la flamme qui jaillissait des beaux yeux, ardents et doux.
DE VOGÜE, Les Morts qui parlent, 1899, p. 3.
SYNT. Une fille bien; être bien physiquement, être bien de sa personne, faire bien (= faire joli). — PARAD. a) (Quasi-) synon. admirable, agréable, bien fait, estimable, gracieux, judicieux, logique, pas mal, remarquable. b) (Quasi-)anton. abominable, absurde, désagréable, détestable, erroné, exécrable, faux, illogique, inexact, laid, médiocre, ridicule, vilain.
B.— [Sous le rapport de la morale]
1. [En parlant d'une pers.] Fam.
a) Digne d'estime pour ses qualités, ses vertus :
• 3. — (...) « M. Quillard nous a dit : « C'est un grand, qui paraissait sérieux; il trompait bien son monde! La mère aussi avait l'air d'être bien. »
— « Oh, la mère... », interrompit M. Thibault. « Des gens impossibles, malgré leurs airs dignes! »
— « On sait de reste », insinua l'abbé, « ce que cache la rigidité des protestants! »
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Cahier gris, 1922, p. 585.
SYNT. Bien sous tous rapports; des gens bien : ... des gens plutôt... bien (...) hommes intègres (BERNSTEIN, Le Secret, 1913, p. 4); quelqu'un de bien : ... quelqu'un de très bien (...) de tout à fait comme il fallait (GIDE, Thésée, 1946, p. 1416). — PARAD. a) (Quasi-)synon. décent, édifiant, exemplaire, honorable, juste, louable, méritoire, moral, sage. b) (Quasi-)anton. bas, ignoble, inconvenant, indigne, infâme, injuste, malhonnête, méprisable, scandaleux, vil.
b) P. ext. Digne de considération pour son appartenance à la haute société (censée représenter les plus importantes valeurs collectives) :
• 4. 1940. — Monsieur diplômé, cinquantaine, bon, délicat et désintéressé, rêvant tendresse, recherche en vue mariage jeune personne préfér. moins vingt-trois ans, bien, distinguée, bien éduquée, instruite, tendre, dévouée, conduite irréprochable, très jolie, bonne ménagère, paraissant simple, mais vraiment séduisante, avec dot minimum 500.000 et espér. possible.
MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, p. 925.
PARAD. a) (Quasi-)synon. choisi, convenable, noble, recherché, select. b) (Quasi-)anton. commun, ordinaire, peuple, populaire, vulgaire.
2. [En parlant d'une chose] :
• 5. ... le cuisinier faisait bouillir pour le déjeuner un nombre raisonnable de casseroles luisantes. Tout cela est bien, a un bon air, sent son honnête vie de château, sa paresseuse et intelligente existence d'homme bien né.
FLAUBERT, Par les champs et par les grèves, 1848, p. 180.
— Expr. Ce n'est pas bien, il est bien de / que; faire bien : ... était distingué (...) visait à être bon genre (...) faisait bien (...) semblait chic Elle avait appris à connaître au bois quelques filles pour les nommer : cela faisait bien. (E. et J. DE GONCOURT, Renée Mauperin, 1864, p. 173); (faire) qqc. de bien : Pourquoi ferais-je quelque chose de bien, puisque ce ne sera reconnu par personne ? C' est ainsi qu' on a corrompu et flétri tout ce qu' il y avait de bon et de fleurissant en moi! (MONTHERLANT, Malatesta, 1946, II, 5, p. 477).
C.— [Sous le rapport des relations sociales, interpersonnelles; en parlant d'une pers.] Fam. D'un comportement agréable, favorable à autrui :
• 6. ... bien vivre avec ses semblables est un hasard pour la plupart des hommes, tandis que ce devroit être un objet d'étude. On est mal, on est bien avec eux, selon qu'on sait ou ne sait pas se maintenir en harmonie avec leurs sentiments. Ces lois de l'harmonie sociale, il faut les chercher dans nous-mêmes, car les rapports de nous avec nous-mêmes ne sont pas moins variés, pas moins nombreux que les rapports de nous à autrui; nous sommes à nous-mêmes bonne ou mauvaise compagnie, selon que nous savons vivre bien ou mal avec la société de l'intérieur de notre être.
BONSTETTEN, L'Homme du Midi et l'homme du Nord, 1824, p. 192.
PARAD. a) (Quasi-)synon. affable, aimable, amical, courtois, gentil. b) (Quasi-)anton. grossier, haïssable, hostile, inamical, méchant, odieux, rude.
— Expr. Être/rester bien en cour Des dames qui veulent rester bien en cour viennent au bal sans bouquet : la reine déteste l' odeur des fleurs, (ABOUT, La Grèce contemporaine, 1854, p. 374); être bien pour : ... (être) parfait (...) se montrer (...) bien (...) pour (BALZAC, Les Secrets de la princesse de Cadignan, 1839, p. 343); rester bien avec tout le mondele petit docteur Epeautre, qui en savait long, mais voulait rester bien avec tout le monde, opinait de la tête, (DANIEL-ROPS, Mort où est ta victoire? 1934, p. 8); c'est (très) bien à vous de...
♦ Spéc. Être bien ensemble, être bien avec. Être en relations amoureuses :
• 7. ... on dit « (...) que, sans sa femme (...) » On dit je ne sais quoi de sa femme (...). Les gens de la maison ont l'air de l'éviter un peu (...).
— Oui, oui, au mieux! »
J. VALLÈS, Jacques Vingtras, L'Enfant, 1879, p. 8.
D.— [Sous le rapport de l'accomplissement d'une fonction] Qui remplit correctement son rôle.
1. [En parlant d'une pers.] Fam. :
• 8. Quant aux hommes, ils furent tout à fait bien. Fauchery et Daguenet, très froids, ne reconnurent personne.
ZOLA, Nana, 1880, p. 1251.
— P. ext. [En parlant d'une pers. p. réf. à son état] Qui se trouve en des conditions physiques ou morales propres à apporter toute satisfaction :
• 9. Ces existences pleines d'ordre font plaisir à voir. Auprès d'elles on se sent à l'aise, particulièrement quand, à leur vertu caractéristique, s'ajoute un charme, celui de la sympathie. Ubi bene, ibi patria. Où l'on est bien, on se sent chez soi; et où l'on se sent désiré, l'on est bien.
AMIEL, Journal intime, 1866, p. 96.
• 10. — (...) Vers le soir, voilà que j'ai des bourdonnements d'oreille à présent — la tête lourde, comprenez-vous? En somme, je ne suis pas très bien, pas à mon aise, pas tout à fait dans mon état normal.
BERNANOS, L'imposture, 1927, p. 483.
♦ Expr. Il est bien partout où il n'est pas (= il n'est bien nulle part).
♦ Spéc., arg. N'être pas bien. Avoir l'esprit dérangé. ... T'es pas bien? (...) t'es cinglé? (A. LE BRETON, Razzia sur la Chnouf, 1954, p. 134).
♦ Par antiphrase. Nous voilà bien! (= nous voilà dans une fâcheuse posture) :
• 11. — Nous v'là bien!
Ils se contemplèrent, hagards.
— Fichu malagauche, dit Croquebol, comment diable qu't'as fait ton compte?
— Eh! je l'sais t'y! gémit l'infortuné. Ah misère! Pourriture de sort; ça d'vait finir comme ça, vois-tu, nous avions eu trop de malheur! (...) par-dessus le marché, à ce moment ici, y faut qu'j'aye pardu les biftons! Tu crois que c'est pas de la déveine, ça!
COURTELINE, Le Train de 8 h 47, 1888, p. 192.
2. [En parlant d'une chose] :
• 12. — C'est bien en mains, dit Tulacque en maniant l'objet. Mais oui. C'est pas si mal compris que ça. Plus équilibré que la hachette réglementaire. C'est épatant pour tout dire. Tiens, essaye voir... hein? Rends-la-moi. J'la garde. Ça m'servira bien, tu voiras...
BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 16.
PARAD. a) (Quasi-)synon. adapté, approprié, avantageux, convenable, favorable, utile. b) (Quasi-)anton. défavorable, désavantageux, inutile, malaisé, malencontreux, néfaste.
— Expr. Rien de bien : Depuis, à son sens, elle ne fait rien de bien (GIONO, Colline, 1929, p. 19).
— Proverbe. Tout est bien qui finit bien « tout est bien qui finit bien » , dit-il, et c' était du fond du cœur ;(MAURIAC, Thérèse Desqueyroux, 1927, p. 178).
II.— Emplois interjectifs. C'est bien! C'est fort bien! C'est très bien! marque l'approbation, parfois avec une nuance iron. :
• 13. PETYPON, à Mongicourt. — (...) Enfin! (À Étienne qui, près de lui et tout souriant, approuve de la tête ce qu'il dit.) Eh! ben, c'est bien, allez!
FEYDEAU, La Dame de chez Maxim's, 1914, I, 1, p. 6.
Rem. Bien s'emploie avec ell. du verbe dans des formules écrites d'appréciation scolaire : bien, assez bien, très bien.
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST.
A.— Adv. de manière 1. a) Xe s. « de manière satisfaisante » (Passion, éd. Avalle, 22); b) mil. XIe s. « à juste titre, d'une manière justifiée » (St Alexis, éd. G. Paris, 545); 2. exprimant un degré d'intensité, empl. avec un verbe, Xe s. (La Passion, op. cit., 124); avec un adj., mil. XIe s. (St. Alexis, op. cit., 212); avec un numéral, 1174 (G. DE PONT-SAINTE-MAXENCE, St Thomas, éd. Hippeau, 4446 dans T.-L.); 3. renforçant une affirmation, fin Xe s. (St Leger, 77 dans GDF. Compl.).
B.— Conj. concessive 1164 (CHR. DE TROYES, Erec et Enide, éd. Foerster, 4018 dans T.-L. : Et bien vos poist); loc. conj. marquant la concession, XIVe s. (St Grégoire Le Grand, éd. A. de Montaiglon, 1428, ibid. : Et bien qu'il fust de grant puissance).
C.— Adj. 1271 (Est. BOILEAU, Livre des Mestiers, 1re p., I, 1 dans GDF. Compl. :)
Du lat. bene, adv., empl. couramment dès Plaute pour modifier un verbe, un adj., un adv. (TLL s.v.).
STAT. — Bien, adv. et adj. Fréq. abs. littér. :189 361. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 247 733, b) 289 795; XXe s. : a) 266 641, b) 278 314.
III.
⇒BIEN3, subst. masc.
I.— Le bien (de), du bien. Ce qui favorise l'équilibre, l'épanouissement d'un individu, d'une collectivité ou d'une entreprise humaine (à tous points de vue).
A.— PHILOS., THÉOL., absol. Ce qui correspond aux aspirations essentielles de la nature humaine; ensemble de facteurs propres à amener et maintenir chaque être au summum de son accomplissement vital — notamment par la voie du perfectionnement spirituel; spéc., Dieu même en tant qu'Être suprême, parfait, éternel, source de tout ce qui est favorable à la progression des créatures et but de leur évolution. Le bien absolu; poursuivre, rechercher le bien; aspirer au bien; tendre vers le bien :
• 1. Le sentiment de sa propre existence doit primitivement suffire à l'être qui se connoît lui-même. Puisqu'il sent, il jouit; il est heureux de cela seul qu'il vit, et jouit de cela seul qu'il se conserve pour jouir. Toute situation indifférente lui est bonne, et il repose dans la permanence du bien-être tant qu'il ne sent pas péniblement. Le mal qu'il trouve dans la nature est si instantané qu'il ne peut flétrir sa vie. Le bonheur est son état nécessaire; exister est le bien suprême.
SENANCOUR, Rêveries, 1799, p. 69.
• 2. S'il y a quelque chose d'évident pour l'homme, c'est l'existence de deux forces opposées qui se combattent sans relâche dans l'univers. Il n'y a rien de bon que le mal ne souille et n'altère; il n'y a rien de mal que le bien ne comprime et n'attaque, en poussant sans cesse tout ce qui existe vers un état plus parfait. Ces deux forces sont présentes partout : (...). Le pouvoir humain ne s'étend peut-être qu'à ôter ou à combattre le mal pour en dégager le bien et lui rendre le pouvoir de germer suivant sa nature.
J. DE MAISTRE, Des Constitutions pol. et des autres institutions hum., 1810, pp. 70-71.
• 3. Faut-il donc, comme Voltaire, dire que, philosophes ou chrétiens, disciples d'Épicure ou de Zénon, de Platon ou de S. Paul, tous ceux qui ont cherché le souverain bien ont cherché vainement la pierre philosophale? En cherchant la pierre philosophale, on a découvert la chimie; en cherchant le souverain bien, l'humanité s'est perfectionnée. Tout homme qui a cherché le souverain bien, soit avec Platon, soit avec Épicure, (j'entends le véritable Épicure), soit avec Zénon, soit avec le christianisme, a été, à des degrés divers, dans la voie du perfectionnement de la nature humaine. Tout homme qui n'a pas cherché le souverain bien, en suivant l'une ou l'autre de ces directions, a été dans la voie de la dégradation de la nature humaine.
P. LEROUX, De l'Humanité, t. 1, 1840, p. 87.
• 4. Une des doctrines qui ont le plus et le plus longtemps régné sur les esprits, touchant l'origine du monde et l'origine du mal, est celle qui identifie ces deux origines. Diverse dans ses formes, elle a parfois abouti à l'énoncé non dissimulé que le mal est la vie même, ou, comme on disait plutôt, la matière, en renfermant sous ce nom le principe d'individuation de l'existence et, au fond, l'existence même. (...) assurément le système de l'émanation y conduit. On s'y représente le bien, avec la perfection divine, dans la quiétude du principe éternel, dans cette unité encore indivise au sein de laquelle se produit la descente des êtres, le rêve de la vie. Existence est donc déchéance.
RENOUVIER, Essais de crit. gén., 3e essai, 1864, p. 158.
• 5. ... cet optimisme implique un jugement sur l'être (sur Dieu) qui est identifié au bien. À quelles conditions un tel jugement peut-il être porté? Il repose entièrement sur la distinction du tout et des parties; les parties en tant qu'elles sont prises à part du tout peuvent être mauvaises; mais en tant qu'elles sont rapportées au tout (et aussitôt qu'elles sont vraiment comprises, elles sont nécessairement conçues dans leur liaison organique au tout) elles doivent être regardées comme bonnes (...). Si je suis moi-même mauvais, c'est en tant que je suis une partie qui veut se traiter comme un tout (comme une réalité); en tant que je participe à la vie du tout, je m'élève au bien. (...). Il y a là, semble-t-il, une difficulté intérieure à la doctrine, car d'une part le bien est totalement indépendant de moi, il est l'être, et d'autre part je réalise le bien pour autant qu'il est en moi en tant que je prends conscience de ma relation véritable au tout. (...). Cette théorie toute idéaliste du bien qui identifie le bien avec son idée (ou plutôt avec l'acte qui l'affirme) ne me semble pas avoir pu être celle des stoïciens.
MARCEL, Journal métaphysique, 1914, pp. 89-90.
• 6. Le bien, si nous le considérons dans sa racine métaphysique, c'est l'être même en tant que désirable, c'est-à-dire en tant qu'objet possible d'une volonté; si donc l'on veut comprendre pourquoi il tend spontanément à se répandre et à se communiquer, c'est à l'actualité immanente de l'être qu'il faut nécessairement en revenir. Dire que l'être est à la fois acte et bien, ce n'est pas seulement montrer qu'il peut agir comme cause, c'est suggérer du même coup qu'il contient une raison d'exercer ce pouvoir causal. La perfection de son actualité, pensée comme bien, l'invite à la communiquer librement à l'être de ses effets possibles. (...) Car être, c'est agir, et agir, c'est être. La libéralité par laquelle le bien se donne, c'est, dans le cas d'un être intelligible, la libre manifestation de l'énergie par laquelle l'être existe. Certes, l'homme n'est pas que libéralité, mais c'est parce qu'il n'est pas tout l'être; il lui faut prendre ce qu'il n'est pas avant de donner ce qu'il est. Il veut souvent le bien d'autrui pour diminuer ses propres déficiences et se conserver ou s'accroître dans l'être; mais, avide de ce qui lui manque, il est généreux de ce qu'il est, parce qu'en tant qu'il est il est bon : ens est diffusivum sui et communicativum.
GILSON, L'Esprit de la philos. médiév., t. 1, 1931, pp. 97-98.
— [Le bien dans ses effets] :
• 7. Le mal est le contraire du bien. Cela est clair : chaque valeur positive a un contraire avec lequel elle forme un genre. À l'abri de cette évidence se forme un jugement hâtif : la douleur est le contraire du plaisir. Le plaisir n'est-il pas en effet le révélateur du bien et la douleur celui du mal? Si néanmoins l'on veut descendre plus bas que la douleur imaginée et que la crainte qu'elle développe, jusqu'à l'épreuve de la douleur, toute symétrie s'efface soudain.
RICŒUR, Philos. de la volonté, 1949, p. 101.
— Par allégorie :
• 8. Pourquoi avons-nous acquis la science du bien et du mal? Nous ne pouvons nous soustraire à cet arrêt de la justice. Nous ne soutiendrions pas ici-bas la joie pure et continuelle. Nous n'y soutiendrions pas non plus le mal absolu sans intervalle. Si le soleil étoit toujours sur notre horizon, il nous consumeroit. S'il n'y paroissoit jamais, notre terre deviendroit bientôt une masse morte, où la stérilité et le néant étendroient leur empire.
SAINT-MARTIN, L'Homme de désir, 1790, p. 237.
• 9. Jours inouïs! Le bien, le beau, le vrai, le juste,
Coulaient dans le torrent, frissonnaient dans l'arbuste;
L'aquilon louait Dieu de sagesse vêtu;
L'arbre était bon; la fleur était une vertu;
...
Jours purs! Rien ne saignait sous l'ongle et sous la dent;
La bête heureuse était l'innocence rôdant;
Le mal n'avait encor rien mis de son mystère
Dans le serpent, dans l'aigle altier, dans la panthère;
...
HUGO, La Légende des siècles, Le Sacre de la femme, t. 1, 1859, p. 35.
B.— Domaine éthique
1. Ensemble des valeurs positives fondamentales (respect de la vie et de la dignité humaine, justice, assistance mutuelle, etc.) prônées par une société donnée comme utiles à l'harmonieux développement, au progrès moral des individus, de la communauté. L'amour du bien; discerner, distinguer le bien du mal :
• 10. « Je me fis prêtre, et j'ai été un artiste en perfection chrétienne, artiste inférieur mais enthousiaste et consciencieux. À ma mort, je présenterai à N. S. au lieu de tableaux splendides, mon âme dont j'ai tâché de faire un chef-d'œuvre de foi et de charité. Avoir l'âme belle, cette pensée-là a été toute ma force; qu'elle soit la vôtre. »
Ce langage fut purificateur pour la pénitente; elle revint souvent au confessionnal et s'en retourna toujours améliorée. Ce vieillard avait pour elle, la prédilection du bon pasteur pour la brebis égarée, et l'artiste qui était en lui mettait du génie à redresser selon le bien, cette pensée courbée vers le mal.
J. PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, p. 27.
• 11. ... dans cette hypothèse qui distingue d'une façon absolue le bien de l'agréable, il semble que la plupart des hommes souhaiteront que l'inclination vers le plaisir soit chez eux la plus forte et l'emporte sur l'autre : le sentiment du devoir risquera de devenir à leurs yeux le mauvais principe. Mais cela ne fera pas qu'ils soient libres de rien changer à leur disposition intérieure; (...) cette distinction établie entre le bien moral et l'agréable ne laisse place à aucune liberté. Un second groupe de moralistes va donc renier cette interprétation, et se désintéressant de la faillite à laquelle elle aboutit, admettre qu'il y a confusion entre le bien moral et le bonheur. (...). Si cette confusion existe entre le bien et l'agréable, on ne conçoit pas en effet que l'homme, pourvu d'un libre arbitre et gouverné par le seul mobile de l'aspiration au bonheur, n'adopte pas dans tous les cas les principes de conduite que commande la loi morale, puisque celle-ci conduit à la pratique du bien qui procure le bonheur. S'il agit autrement, c'est donc par ignorance, c'est donc parce qu'une partie des éléments du problème lui est cachée; (...). Si, au contraire, tous les éléments du problème lui sont fournis, et s'il choisit le mal au lieu du bien, ce qui lui est funeste au lieu de ce qui lui profite, il faut bien accorder qu'une nécessité plus forte le contraint et bride sa liberté.
GAULTIER, Le Bovarysme, 1902, pp. 161-63.
• 12. « Il convient, me dit-il, de les exterminer. »
Et je compris qu'il avait le goût de la perfection. Car seul est parfaite la mort.
« Ils pèchent », dit-il.
(...) je songeais : « Il existe contre le mal. Il n'existe que par le mal. Que serait-il donc sans le mal? »
« Que souhaites-tu, lui demandai-je, pour être heureux? »
« Le triomphe du bien. »
Et je comprenais qu'il mentait. Car il me dénommait bonheur l'inemploi et la rouille de son glaive. Et m'apparaissait peu à peu cette vérité pourtant éclatante que, qui aime le bien, est indulgent au mal. Que, qui aime la force, est indulgent à la faiblesse. Car si les mots se tirent la langue, le bien et le mal cependant se mêlent et les mauvais sculpteurs sont terreau pour les bons sculpteurs.
SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, p. 767.
— P. iron. :
• 13. ... avec leurs pauvres idées d'herbe parfumée, d'air pur, de bon soleil, d'eau fraîche et murmurante, ils n'auraient su que manger, dormir, hennir, galoper, secouer leur crinière au vent; (...) heureusement ce mal au dos et ce mal aux dents leur montraient clairement que tout n'est pas permis et qu'il y a un bien et un mal, et que c'est par là que les chevaux sont supérieurs aux autres animaux, lesquels sont des brutes sans conscience.
ALAIN, Propos, 1906, p. 7.
2. En partic.
a) Aspect du comportement humain (actions, paroles, etc.) conforme aux principes moraux d'une société donnée; spéc. (avec une valorisation intensive), ce qui sert à rendre plus satisfaisantes les conditions de vie (matérielles ou morales) d'autrui. (Quasi-)synon. aide, secours, service; (quasi-) anton. dommages, préjudice :
• 14. C'est un fait incontestable que, quand nous avons bien ou mal fait, quand nous avons accompli la loi du juste et de l'injuste ou que nous l'avons enfreinte, nous jugeons que nous méritons une récompense ou une punition; et c'est un fait encore que nous la recueillons en effet, 1. dans le plaisir de la conscience ou dans l'amertume du remords; 2. dans l'estime ou le mépris de nos semblables, qui, étant aussi des êtres moraux, jugent comme nous du bien et du mal, jugent comme nous que le bien et le mal méritent punition et récompense, ...
COUSIN, Hist. de la philos. du XVIIIe s., 1829, p. 261.
• 15. ... je vous bénis seulement, je bénis Dieu de vos inspirations, et vous encore de me les avoir fait goûter. C'est être bon et aimable de faire passer aux autres ce qu'on a de doux en soi, et qui peut aussi adoucir quelque amertume, et je vous dois plaisir et bien.
E. DE GUÉRIN, Lettres, 1840, p. 375.
• 16. Il devait être supérieur à tout, mais surtout au désir de faire le bien. Commencer à savoir ce qu'était le bien, n'était-ce pas commencer à vouloir être bon et commencer à vouloir être bon, commencer de ne l'être plus? Ce qui était dans la volonté n'était plus dans l'être. Il n'y avait de vertus que les naturelles. (...). Il n'y avait pas de « vertus ». Il n'y avait que « la nature ». Une bonne action était toujours suspecte à M. Godeau parce qu'elle était bonne. Le mal avait bien le droit d'être mauvais mais pas le bien ou alors que serait-il? (...). Dieu doit être si sévère pour ses saints. M. Godeau suspectait le bien.
JOUHANDEAU, M. Godeau intime, 1926, pp. 47-48.
• 17. De tous les êtres vivant en société, l'homme est le seul qui puisse dévier de la ligne sociale, en cédant à des préoccupations égoïstes quand le bien commun est en cause; partout ailleurs, l'intérêt individuel est inévitablement coordonné ou subordonné à l'intérêt général. Cette double imperfection est la rançon de l'intelligence. L'homme ne peut pas exercer sa faculté de penser sans se représenter un avenir incertain, qui éveille sa crainte et son espérance. Il ne peut pas réfléchir à ce que la nature lui demande, en tant qu'elle a fait de lui un être sociable, sans se dire qu'il trouverait souvent son avantage à négliger les autres, à ne se soucier que de lui-même. Dans les deux cas il y aurait rupture de l'ordre normal, naturel.
BERGSON, Les Deux sources de la mor. et de la relig., 1932, p. 216.
• 18. Je ne veux pas te dire que j'aime faire du bien, j'aurais l'air de jouer au généreux et ça me déplaît. Et j'aurais l'air aussi de te faire des charités. Non. Mais simplement ça me fait plaisir, ça me cause une joie de te créer un peu de bonheur, tout bonnement parce que tu es courageuse, que tu le mérites. C'est parce que je t'ai vue trimer... Je suis comme ça. Pourquoi refuses-tu? Je fais du bien partout, à tant d'autres! Je ne compte pas, je distribue de l'argent à des gens que je connais à peine, ...
VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 348.
SYNT. Le bien général, public; gens/homme(s) de bien (= dont la conduite est conforme à la morale) : homme de bien (...) homme bien-pensant (...) homme de bon goût (...) homme de bon ton (...) homme de mérite (...) juste (...) notable (...) hommes qualifiés par la prudence et la décence (SAINT-JOHN PERSE, Exil, 1942, p. 254). Except. Fille de bien (G. SAND, François le Champi, 1850, p. 74), pratique du bien; se dévouer au bien d'autrui, dire du bien de qqn (= en parler avantageusement) : ... dire du bien de son père (...) le déclar[er] un honnête homme (ZOLA, La Fortune des Rougon, 1871, p. 34), parler en bien, penser grand bien de (= avoir une opinion très favorable de), pratiquer le bien, prendre en bien, rendre le bien pour le mal : ... rendant le bien pour le mal, rendant le pardon pour la haine, préférant la pitié à la vengeance (HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 580), vouloir le bien de qqn/du bien à qqn.
— Expr. C'est pour son bien; un ami qui vous/te veut du bien[iron.] (CAMUS, L'État de siège, 1948, p. 202). En tout bien tout honneur. Conformément à la morale :
• 19. FERDINAND, (...) j'étais amoureux, (...), d'une petite bourgeoise (...) : en tout bien, tout honneur... J'étais assez sot pour respecter l'innocence de la chaste enfant.
A. DUMAS Père, Intrigue et amour, trad. de Schiller, 1847, IV, 7e tabl., 3, p. 272.
— P. allus. littér. (à l'œuvre de Nietzsche, 1886). Par delà le bien et le mal :
• 20. — Ce qui se fait par amour se fait toujours par delà le bien et le mal. Souviens-toi. (Il hésita imperceptiblement, avant de continuer). Et quel mal faisons-nous? Cette femme meurt. Vivante, elle nous séparait. Nous acceptons sa mort. Il faut avoir le courage de nous le dire : cette mort, chacun de nous la souhaitait.
DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire? 1934, p. 197.
Rem. ,,... il convient de souligner (...) que si le bien c'est l'amour, en tant que celui-ci est le contenu même de la Loi, les visages du bien seront aussi multiples que les visages de nos prochains`` (ALLMEN 1956).
b) P. euphém., fam. Être du dernier bien avec qqn. Avoir des rapports amoureux, sexuels avec qqn. ... /être/ du dernier bien avec tous les précepteurs avant de les renvoyer (H. BAZIN, Vipère au poing, 1948, p. 168).
C.— Domaine des activités ou fonctions quelconques. Ce qui répond d'une façon positive à une nécessité quelconque (besoins de l'équilibre physique, exigences d'une tâche, etc.). (Quasi-)synon. profit, satisfaction, utilité :
• 21. Il racheta ces pierres délaissées, les réédifia sur un plan plus vaste, puis se mit en campagne pour retrouver quelques filles de la congrégation de Notre-Dame. Tâche malaisée, qu'il lui fut donné de mener à bien. Dans ces murs neufs, il eut la chance de ramener un essaim. De toutes parts, un murmure flatteur entourait, enorgueillissait le jeune curé...
BARRÈS, La Colline inspirée, 1913, p. 93.
• 22. — L'oncle, dit Michel, ça va vous faire du bien d'un peu marcher. (...).
— Oh, moi, le bien...
— Enfin, pourtant, ça va, la santé?
— Je me plaindrais, j'aurais tort.
GIONO, Regain, 1930, p. 15.
SYNT. Faire grand bien/beaucoup de bien/plus de bien que de mal, ne faire ni bien ni mal; changer en bien ou tourner à bien (= amener à un stade qui donne toute satisfaction).
— Expr. (iron.). Grand bien lui fasse!
— Proverbes. Le mieux est l'ennemi du bien; nul bien sans peine.
Rem. gén. Beau, bien, bon présentent de grandes analogies d'emploi. Leur assoc. fréq. en lang. (cf. notamment l'ex. 9, les loc. bel et bien, bel et bon et l'ouvrage de COUSIN, Cours de philos. sur le fondement des idées absolues du vrai, du beau et du bien, 1836 ou Du Vrai, du beau et du bien, 1853) témoignent de leur apparentement étroit, sinon de leur interchangeabilité. L'emploi de beau implique essentiellement une estimation d'ordre esthétique, celui de bien un jugement de valeur, et celui de bon une appréciation affective.
II.— [Le bien dans ses diverses modalités] Un bien, des biens.
A.— [Surtout p. oppos. entre l'ordre matériel et l'ordre spirituel] Toute chose dont la possession, la jouissance (en fait ou en esprit) est considérée par l'Homme comme utile à la conservation, à l'expansion de son être. La vie... le premier des biens. Le plus grand bien :
• 23. Ne distingue pas Dieu du bonheur et place tout ton bonheur dans l'instant. J'ai porté tout mon bien en moi, comme les femmes de l'Orient, pâle, sur elles, leur complète fortune. À chaque petit instant de ma vie, j'ai pu sentir en moi la totalité de mon bien. Il était fait, non par l'addition de beaucoup de choses particulières, mais par mon unique adoration. J'ai constamment tenu tout mon bien en tout mon pouvoir. Regarde le soir comme si le jour y devait mourir; et le matin comme si toute chose y naissait. Que ta vision soit à chaque instant nouvelle. Le sage est celui qui s'étonne de tout. Toute la fatigue de tête vient, ô Nathanaël, de la diversité de tes biens. Tu ne sais même pas lequel entre tous tu préfères et tu ne comprends pas que l'unique bien c'est la vie.
GIDE, Les Nourritures terrestres, 1897, p. 162.
• 24. Judas aimait l'argent et Jésus disait : Heureux les pauvres. Judas était impatient de voir le royaume de Dieu se manifester avec éclat, et Jésus se dérobait à la multitude quand elle voulait le proclamer roi. Judas ne voulait que des biens matériels et des jouissances immédiates; Jésus ne promettait que des biens invisibles et des récompenses célestes avec des persécutions. Les promesses du maître lui semblaient vagues, insaisissables, chimériques; ...
H. MONOD, Sermons, 1911, p. 176.
• 25. Là-bas, sous les latitudes de sa naissance, Maxence voyait une plaine couleur de plomb, l'air raréfié, l'oppression d'un ciel de cuivre, l'aigre rire et le méchant lieu commun, le lourd bon sens, des voix de fausset qui discutent. Mais ici la sainte exaltation de l'esprit, le mépris des biens terrestres, la connaissance des choses essentielles, la discrimination des vrais biens et des vrais maux, la royale ivresse de l'intelligence qui a secoué ses chaînes et se connaît. Là-bas, ceux qui font profession de l'intelligence et qui en meurent, — ici, ceux qui sont doux et pauvres d'esprit.
PSICHARI, Le Voyage du centurion, 1914, p. 42.
• 26. Baudelaire a été si profondément touché par cet écrit [Le Principe poétique d'E. Poe], il en a reçu une impression si intense qu'il en a considéré le contenu, et non seulement le contenu mais la forme elle-même, comme son propre bien. L'homme ne peut qu'il ne s'approprie ce qui lui semble si exactement fait pour lui qu'il le regarde malgré soi comme fait par lui... Il tend irrésistiblement à s'emparer de ce qui convient étroitement à sa personne; et le langage même confond sous le nom de bien la notion de ce qui est adapté à quelqu'un et le satisfait entièrement avec celle de la propriété de ce quelqu'un...
VALÉRY, Variété 2, 1929, p. 147.
• 27. L'altitude est un bien. J'entends ce mot au sens paysan : c'est une possession, une propriété. C'est de la force en réserve, une richesse que l'homme prudent ne dilapide pas à la légère. Parvenu sur le trottoir de l'école polytechnique, j'hésitais toujours une seconde avant d'abandonner ma petite fortune d'altitude, avant de choir à la pauvreté des plaines.
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, p. 9.
SYNT. Les biens célestes, essentiels, éternels, immatériels, naturels, nécessaires, réels, spirituels, temporels, véritables; les faux biens; les biens de l'âme, du ciel, du corps, de l'esprit, du monde de la terre, de la vie.
— Expr. (fam.). Ce sera un mal pour un bien. [P. allus. littér. (à Molière, qui répondait aux accusations de plagiat). ]Je prends mon bien où je le trouve (cf. A. DUMAS Père, Théâtre complet, introd., t. 1, 1833, p. 16). Proverbes. Bien mal acquis ne profite jamais; abondance de biens ne nuit pas en pareille matière on ne peut pas dire qu' abondance de biens ne nuit pas ; (H. POINCARÉ, La Valeur de la sc., 1905, p. 199).
B.— En partic. Toute chose d'utilité pratique et de valeur financière.
1. DR., lang. cour. Ce qui est susceptible d'une appropriation légale. (Quasi-)synon. avoir, capital, patrimoine :
• 28. 516. Tous les biens sont meubles ou immeubles.
(...)
518. Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature.
(...).
528. Sont meubles par leur nature, les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, comme les animaux, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère, comme les choses inanimées.
Code civil, 1804, p. 95, 97.
• 29. Si j'ai nommé les Alibert, c'est que leurs vieilles terres, limitrophes des nôtres, mais qui depuis quatre-vingts ans nous appartiennent, n'ont pu se fondre cependant aux biens plus vastes et plus forts des Clodius. (...). Mais si les Alibert, tombés de leur aisance par une fatalité dont nous n'étions pas responsables, nous cédèrent le sol de leur plein gré, ce bien, où ils avaient vécu pendant des siècles, garde de leurs vertus familiales une empreinte si pénétrante que, même aujourd'hui, on en reconnaît la figure sévère et la gravité quasiment religieuse à côté des champs plus amènes qui s'étendent autour de Théotime.
BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, p. 85.
SYNT. Biens communs, communaux (Code civil, 1804, p. 100), considérables, consomptibles (= se détruisant au premier usage) ou non consomptibles, corporels (= relatifs à des choses matérielles), dotaux (MONTALEMBERT, Hist. de Ste Elisabeth de Hongrie, 1836, p. 227), fongibles (= se consommant par l'usage et interchangeables; au fig. chez SAINT-JOHN PERSE, Exil, 1942, p. 278 : ... les grands lés du songe, et tout ce bien fongible où l'être engage sa fortune), immobiliers (Code civil, 1804, p. 259), incorporels (= relatifs à des droits), maternels, mobiliers (Ibid.), nationaux (CLAUDEL, L'Otage, 1911, p. 251), oisifs, paraphernaux (= autres que dotaux; Code civil, 1804, p. 291), paternels, patrimoniaux, personnels, privés, productifs, propres, publics, successoraux, vacants (Ibid., p. 100 : tous les biens vacans [sic] et sans maître); biens du clergé (ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, t. 1, 1870, p. 324), de famille (G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 142), de mainmorte (MORAND, Londres, 1933, p. 12); cession de biens (= ,,abandon qu'un débiteur fait de tous ses biens à ses créanciers, lorsqu'il se trouve hors d'état de payer ses dettes`` dans Code civil, 1804, p. 229), confiscation des biens (Mme DE DURAS, Ourika, 1824, p. 80), inventaire des biens (Code civil, 1804, p. 52), (demander, prononcer la) séparation de biens (Ibid., p. 265); avoir un/du bien, avoir du bien au soleil (ou de bons biens au soleil : placement (...) en bons biens au soleil [BALZAC, Le Père Goriot, 1835, p. 195]), manger son bien, vivre sur son bien (= sur ses terres); périr, se perdre corps et biens (= navire et cargaison; VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 2, 1868, p. 76 et CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 64; au fig. chez GIRAUDOUX, Judith, 1931, II, 4, p. 152); être séparé de biens avec; acquérir/amasser/posséder des biens; augmenter/dépenser/donner/exploiter/laisser/ léguer/partager ses biens; disposer/jouir/user de ses biens.
2. ÉCON. POL. Ce qui répond à un besoin matériel et peut être monnayé. Biens de consommation, d'équipement ou de production (PERROUX, L'Écon. du XXe s., 1964, pp. 212-213); cf. aussiJ.-A. LESOURD, C. GÉRARD, Hist. écon., XIXe et XXe, t. 1, 1968, p. 133).
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. A.— Xe s. « ce qui est juste, qui représente une valeur morale » (La Vie de St Léger, 38 dans A. HENRY, Chrestomathie de la Litt. en A. Fr., p. 10). B.— 1. XIe s. « ce qui est susceptible d'appropriation » (St Alexis, éd. G. Paris, 418); 1268 plur. (Claris et Laris, éd. J. Alton, 2250 dans T.-L.); 2. 1164 « bienfait » (CHR. DE TROYES, Erec et Enide, éd. Foerster, 5116, ibid.).
Substantivation de bien, adverbe.
STAT. — Fréq. abs. littér. :14 547. Fréq. rel. littér. XIXe s. : a) 23 332, b) 20 386; XXe s. : a) 18 560, b) 19 871.
BBG. — BASTIN (J.). Nouv. glanures gramm. Riga, 1907, p. 29. — BAUMANN (H.-H.). Zwei kleine Studien zur romanischen Sprachgeschichte. Vox rom. 1969, t. 28, pp. 244-245. — BENVENISTE (É.). Mécanismes de transpos. In : [Mél. Frei (H.)]. Cah. F. Sauss. 1969, n° 25, p. 56. — COHEN 1946, p. 61. — Consultation (La) permanente de l'O.V.F. Vie Lang. 1965, n° 154, pp. 57-58. — DARM. 1877, p. 131. — DARM. Vie 1932, p. 190. — DUCH. Beauté 1960, pp. 154-156. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 21, 33. — MATORÉ (G.). Proust ling. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 1, pp. 286-287. — POPE 1961 [1952], passim. — ROG. 1965, p. 127.
1. bien [bjɛ̃] adv. et adj.
ÉTYM. Xe; du lat. bene. REM. La distinction entre l'adverbe et les emplois en attribut, plus ou moins adjectivés, est délicate.
❖
1 Comme il convient, d'une manière satisfaisante ou parfaite (selon les critères individuels du locuteur, ou les critères sociaux de sa classe ou de son groupe). || Elle travaille bien. || L'affaire se présente bien. ⇒ Convenablement, correctement. || Très bien. ⇒ Parfaitement. || Il a très bien réussi. || Excellemment, remarquablement. — Assez bien.
1 (Bien) Se dit de tout ce qui est objet de satisfaction ou d'approbation dans n'importe quel ordre de finalité : parfait en son genre, favorable, réussi, utile à quelque fin; c'est le terme laudatif universel des jugements d'appréciation. Il s'applique au passé et à l'avenir, au conscient et à l'inconscient, au volontaire et à l'involontaire.
A. Lalande, Voc. de la philosophie, art. Bien.
♦ D'une manière qui plaît, suscite l'admiration dans l'ordre esthétique (→ ci-dessous, supra cit. 28). ⇒ Admirablement, agréablement, bellement, gracieusement, joliment. || Une femme bien faite, (fam.) bien roulée. || Un homme bien bâti. || Une personne bien proportionnée, bien conformée. || Une taille bien prise. || Elle danse bien. ⇒ Merveille (à); ange (comme un ange), merveilleusement. || Tout lui va bien, tout lui sied bien (→ Aller, cit. 75). || Quelqu'un de bien habillé. || Un costume, une jupe bien coupés. — Fam. || Ce motif fait bien dans la vitrine, a beaucoup d'effet.
2 Un époux beau, bien fait (…)
La Fontaine, Fables, VI, 21.
3 (…) Il sait que tout lui sied bien, et que sa parure est assortie (…)
La Bruyère, les Caractères, II, 40.
4 C'était une grande fille faite à peindre, qui se mettait bien, qui marchait comme une déesse.
Antoine Hamilton, Mémoires du comte de Gramont, IX.
5 Une belle jambe bien tournée, couverte d'un bas couleur de rose, avec une jarretière d'argent (…)
A. R. Lesage, le Diable boiteux, VIII.
6 (…) il est de taille bien prise et de démarche très assurée (…)
Gide, Koniah 1914, in Journal 1889-1939.
♦ Bien manger, bien boire.
7 Mais, quand j'ai bien mangé, mon âme est ferme à tout,
Et les plus grands revers n'en viendraient pas à bout.
Molière, Sganarelle, 7.
♦ D'une manière agréable, plaisante, commode, confortable. ⇒ Commodément, confortablement. || Être bien, se trouver bien, à l'aise (avec une valeur d'adj.). || Nous sommes bien ici, chez nous. ⇒ Bien-être. || Êtes-vous bien dans ces chaussures ? — ☑ Loc. Être bien dans sa peau. — Bien rire, bien s'amuser. Vx. || Bien faire : s'amuser (→ ci-dessous, cit. 12).
8 Ne soyez point en peine de mon séjour ici : je m'y trouve parfaitement bien; j'y vis à ma mode (…)
Mme de Sévigné, Lettre à Mme de Grignan, 577, 16 sept. 1676.
9 Je ne me trouve bien que dans un canapé (…)
J.-F. Regnard, le Distrait, III, 2.
10 J'étais l'autre jour dans une société où je me divertis assez bien.
Montesquieu, Lettres persanes, 52.
11 Le premier qui a écrit que la patrie est partout où l'on se trouve bien, est je crois, Euripide dans son Phaéton (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Patrie.
12 Nous étions à table, plusieurs, joyeux, en devoir de bien faire (…)
P.-L. Courier, Pamphlet des pamphlets, Pl., p. 208.
13 Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas (…)
Baudelaire, le Spleen de Paris, t. I, p. 488.
♦ D'une manière bienveillante. || Il a été bien accueilli, bien traité.
14 (Il) Parle bien de lui-même et mal de tout le monde.
J.-B. L. Gresset, le Méchant, IV, 6.
♦ D'une manière favorable, avantageuse. || L'affaire a bien tourné. || Son appartement est bien situé. || Il a bien vendu. || Bien lui a pris de… (⇒ Prendre). || Il s'en est bien trouvé (⇒ Trouver). || Il est bien placé pour en parler. || Augurer bien de quelque chose. ⇒ Favorablement, heureusement. || Employer bien son temps. ⇒ Avantageusement, utilement. || Bien joué ! || Bien vu.
15 Allons : employons bien le moment qui nous reste.
Racine, Bajazet, III, 8.
16 Pour bien arriver, il faut d'abord arriver soi-même, puis que les autres n'arrivent pas.
J. Renard, Journal, 10 mars 1894.
♦ ☑ Loc. Être bien en cour. ⇒ Cour.
♦ Se mettre, se remettre bien avec quelqu'un : établir, rétablir de bonnes relations avec lui. — (En attribut). || Être bien avec quelqu'un. || Être bien auprès de ses chefs, être apprécié d'eux. — Spécialt. || Être bien avec qqn, dans une situation affective ou érotique agréable. || Ils sont bien ensemble : ils s'entendent parfaitement, et, spécialt, ils ont des relations amoureuses.
17 Il aura su qu'Alcippe était bien avec vous (…)
Corneille, le Menteur, III, 3.
18 Oui, je ne pus souffrir d'abord de les voir si bien ensemble; le dépit alluma mes désirs (…)
Molière, Dom Juan, I, 2.
19 Je me vois dans l'estime autant qu'on y puisse être,
Fort aimé du beau sexe, et bien auprès du maître.
Molière, le Misanthrope, III, 1.
20 Je vous prie enfin de vous remettre bien ensemble (…) Vous vous réconcilierez tous deux.
Molière, le Sicilien, 15.
21 Le cardinal de Rohan était attentif à se mettre bien avec les évêques, à se les attirer, et à se conserver l'attachement de toute la gent doctrinale.
Saint-Simon, Mémoires, 245, 32.
22 Il (Léopold de Lorraine) a eu la prudence d'être toujours bien avec la France (…)
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, 17.
23 L'essentiel est d'être bien avec soi-même (…)
Voltaire, Lettre à Richelieu, 25 mars 1775.
24 (…) c'est vrai, qu'elles ne sont pas trop bien ensemble… Bien ensemble, maman et la Bonne-Mère ?… Comme chien et chat, oui !…
Loti, Ramuntcho, I, 7, p. 85.
♦ Aller bien, se porter bien : être en bonne santé. || Un individu bien portant. || La mère et l'enfant se portent bien, se dit après un accouchement réussi. — (En attribut). || Le malade est bien ce soir. — Fam. || Il n'est pas bien, ce type-là, il est (un peu) fou. || Non, mais, t'es pas bien, toi ! → Ça va pas !
25 Elle jure ses grands dieux qu'elle se porte bien (…)
Mme de Sévigné, Lettres, 243.
26 Jouissez, monseigneur, de votre belle santé; il n'y a de jeunes que ceux qui se portent bien (…)
Voltaire, Lettre à Richelieu, 22 avril 1773.
27 Elle a eu une crise affreuse; mais elle est bien, étonnamment bien à présent (…)
Mme de Genlis, Adèle et Théodore, t. I, Lettre 46, p. 384.
♦ Avec art, adresse, efficacité. || Un roman bien bâti, bien écrit, bien fait. || Un argument bien senti, bien venu. ⇒ Adroitement, habilement. || Un vers bien frappé, bien tourné. || Bien dire, bien parler. ⇒ Éloquemment. || Bien faire qqch. — REM. Quant au résultat, la valeur du mot est la même que ci-dessus cit. 2 à 6.
28 Pour bien faire du pain, il faut bien enfourner (…)
Mathurin Régnier, Satires, X.
29 Il y en a qui parlent bien et qui n'écrivent pas bien (…)
Pascal, Pensées, VII, 6.
30 Il renferme toujours son conte en quatre vers :
Bien ou mal, je le laisse à juger aux experts (…)
La Fontaine, Fables, VI, 1.
31 Notre défunt était en carrosse porté,
Bien et dûment empaqueté (…)
La Fontaine, Fables, VII, 11.
32 Il est plus aisé de prêcher que de plaider, et plus difficile de bien prêcher que de bien plaider.
La Bruyère, les Caractères, XV, 26.
33 Les hommes sont comme les plantes, qui ne croissent jamais heureusement, si elles ne sont pas bien cultivées (…)
Montesquieu, Lettres persanes, 122.
34 La terre buvait à merveille, semblait toujours avoir soif.
Si bien soigné, abreuvé, le haricot succomba.
Michelet, la Femme, p. 128.
35 Le bel air ne messied pas toujours, et un certain goût de bien dire ne gâte pas une femme.
France, le Jardin d'Épicure, p. 151.
36 Le père Grandet qu'a si bien décrit Balzac n'est pas proprement un avare, c'est un homme qui n'est à l'aise que dans la nécessité.
Claudel, Positions et Propositions, p. 20.
♦ (Qualifiant un adj. caractérisant une qualité d'un objet).
37 Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte.
La Fontaine, Fables, VI, 3.
2 D'une manière conforme aux règles de la raison, du devoir, de la justice, de la morale; conformément aux normes reçues dans une société. || Chose bien pensée, bien jugée. || On l'a bien conseillé. ⇒ Raisonnablement; judicieusement, prudemment, sagement. || Il pense, il raisonne bien. — Spécialt. || Il pense bien, conformément aux préjugés, à l'idéologie dominante. || Des personnes bien pensantes, qui « pensent bien ». ⇒ Bien-pensant, pensant (cit. 5 à 8). — ☑ Prov. Qui aime bien, châtie bien. || Agir, se conduire bien. || Tiens-toi bien. ⇒ Correctement, dignement, honorablement, honnêtement, noblement. — Faire bien : faire ce qu'il faut. || Bien faire; faire bien les choses. ⇒ Faire. — ☑ Prov. (1620, in D. D. L.). Bien faire et laisser dire. — Vous feriez bien de… (avec inf.). ⇒ Devoir. — Fam. || Il fait bien de se tenir tranquille celui-là.
38 N'empêchez point de bien faire celui qui le peut; faites bien vous-mêmes, si vous pouvez (…)
Bible (Sacy), Proverbes de Salomon, III, 7.
39 Car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien.
Descartes, Disc. de la méthode, I.
40 Travaillons donc à bien penser : Voilà le principe de la morale.
Pascal, Pensées, II, VI, 347.
41 Ceux qui font bien mériteraient seuls d'être enviés, s'il n'y avait encore un meilleur parti à prendre, qui est de faire mieux.
La Bruyère, les Caractères, 4.
42 Au lieu d'écouter son cœur, qui la menait bien, elle écouta sa raison, qui la menait mal (…)
Rousseau, les Confessions, V.
43 (…) Olier croit bien faire en bafouant la nature humaine, en la traînant dans la boue.
Renan, Souvenirs d'enfance…, I, p. 155.
♦ Adj. (attribut). Moralement, intellectuellement bon. — Ce n'est pas bien d'agir ainsi, je ne trouve pas cela bien. ⇒ Juste, moral.
44 (…) la distinction que nous faisons tous, spontanément, entre ce que l'on doit faire et ce que l'on ne doit pas faire, entre ce qui est bien et ce qui est mal (…)
Martin du Gard, les Thibault, IX, XVI, p. 211.
♦ ☑ Loc. C'est bien fait ! : ce qui (lui) arrive est mérité. || Bien fait pour lui : il est puni (cf. Il ne l'a pas volé).
45 Pythagore fut renversé par une multitude de gredins et de gredines qui couraient en criant : c'est bien fait.
Voltaire, Aventure indienne.
♦ Un homme bien né. ⇒ Honorablement, noblement. || Les gens bien nés (→ Empiéter, cit. 4). || Une âme (cit. 58) bien née.
46 À tous les cœurs bien nés que la patrie est chère !
Voltaire, Tancrède, III, 1.
47 (…) l'antipathie que toute âme un peu bien située se sent pour cet odieux métier (…)
Th. Gautier, les Grotesques, 212.
♦ Par antiphrase. Au sens de mal. || Quelle catastrophe, cela (ou ça) commence bien ! || Voilà qui commence bien ! — Nous voilà bien !, dans une position, une situation fâcheuse. → Le voilà propre (supra cit. 31), dans de beaux draps (supra cit. 5)…
48 Un campagnard fort riche et de bonne famille
Est si sot que d'Anselme il épouse la fille;
Le voilà bien logé !
49 Ah ! me voilà bien : il me fallait cette visite pour me faire enrager.
Molière, Dom Juan, IV, 4.
♦ (Renforçant un démonstratif avec le verbe être). || C'est, c'était bien… : c'est, ce n'était pas, vraiment pas… || C'est bien à vous à… : ce n'est pas à vous (vraiment) de… || C'est bien le moment de… : le moment est mal choisi de… || C'est bien, c'était bien la peine de… : cela ne sert à rien de… || Il s'agit bien de cela !
50 C'est bien à vous, infâme que vous êtes, à vouloir faire l'homme d'importance.
Molière, les Précieuses ridicules, 14.
51 C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait !
La Fontaine, Fables, VII, 9.
3 Adj. invar. a (Attribut). Digne d'admiration, d'approbation, d'estime. — (Personnel). || Il est bien comme cela, à son avantage.
52 Suis-je bien ainsi ? — (…) la tête un peu levée, afin que la beauté du cou paraisse.
Molière, le Sicilien, 11.
♦ (Impersonnel). || C'est bien, ces choses-là sont bien. || Ce qui est bien. ⇒ Beau; agréable, aimable, bon, convenable, estimable, heureux, honorable, parfait. || C'est bien. || Voilà qui est bien, bon, satisfaisant. || Il est bien de garder une certaine dignité (Académie). — ☑ Prov. Tout est bien qui finit bien.
53 Oui, voilà qui est bien, mes enfants seront gentilshommes; mais je serai cocu, moi (…)
Molière, George Dandin, I, 4.
54 Il est difficile aux hommes de ne pas outrer ce qui est bien (…)
Vauvenargues, Des saillies.
55 (…) le mot tout est bien, pris dans un sens absolu et sans l'espérance d'un avenir, n'est qu'une insulte aux douleurs de notre vie (…)
Voltaire, le Désastre de Lisbonne, Préface.
56 Un jour, tout sera bien, voilà notre espérance :
Tout est bien aujourd'hui, voilà l'illusion.
Voltaire, le Désastre de Lisbonne, 222.
57 Tout est bien, tout va bien, tout va le mieux qu'il soit possible.
Voltaire, Candide, XXIII.
♦ Cette personne est bien, elle est distinguée, d'une figure agréable (Littré). || Cet homme est bien, fort bien (se dit tant au moral qu'au physique). — ☑ Loc. Bien de sa personne. ⇒ Beau. || Elle est bien dans ce rôle. ⇒ Parfait.
58 La comtesse Esterhazy, jadis belle, est encore bien.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 103.
♦ En t. de restauration, bien remplace très souvent bon. || Il est bien, votre vin d'Arbois ?
58.1 Nous avons une superbe aiguillette de bœuf mode en gelée. Je me permettrai de vous la recommander. C'est très bien. A moins que vous n'ayez envie du poulet à l'estragon, qui est très bien aussi.
J. Dutourd, les Horreurs de l'amour, p. 273.
♦ Ellipt. || Bien, fort bien, très bien : c'est bien, c'est fort bien, c'est très bien (marquent accord, assentiment, approbation). ⇒ Bravo, parfait. — Par ironie. || Fort bien, ils cherchent des ennuis, ils en trouveront.
59 — Ma volonté céans doit être en tout suivie.
— Fort bien, mon père.
Molière, les Femmes savantes, V, 2.
60 S'ils (les Noirs et les immigrants) sont intégralement assimilables, physiquement et moralement, très bien. Mais s'ils n'ont reçu qu'un vernis, s'ils conservent une âme étrangère, sous l'uniforme social du moderne américain, quelle nation finira-t-on par avoir ?
André Siegfried, les États-Unis d'aujourd'hui, p. 8.
61 Ces locutions (bien, fort bien) s'emploient quelquefois ironiquement et par reproche. Bien, fort bien, ne vous gênez pas. Elles servent aussi à exprimer qu'on a bien compris un avis, une explication, un éclaircissement, ou qu'on ne veut pas continuer l'entretien sur l'objet dont il s'agit; et alors Bien peut être répété. Fort bien, je vois maintenant ce que j'ai à faire. Bien, bien, j'entends ce que vous voulez dire. Bien, bien, nous reparlerons de cela.
Dict. de l'Académie (8e éd.).
♦ Régional. || Oui bien : certes oui, oui vraiment.
61.1 La Vouivre à plat ventre sur un tas de roseaux, en train de prendre le soleil à cul nu et sa robe à côté d'elle avec son rubis, oui bien.
M. Aymé, la Vouivre, 74.
b (Épithète). Convenable, comme il faut, distingué (en parlant des personnes). || Un homme bien. || Une personne très bien. || C'est quelqu'un de bien, de très bien. || Des gens bien. — Qui a des qualités morales, de la valeur. || Une fille bien; un type bien.
61.2 Il vit après le dîner Rustinlor, enflammé par l'amabilité des Réveillon, déclarer que ceux-là étaient des êtres exquis, avec d'ailleurs un lointain moyenâgeux d'une poésie intense, enfin des gens tout à fait délicieux et bien.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 240.
61.3 Elle me montrait ses chaussures éculées, le talon à vif comme une plaie. Ses yeux pleuraient. Elle aurait fait le tour de la ville avec son chien, on l'aurait prise pour quelqu'un. Une laisse… un collier… pour quelqu'un de bien.
Violette Leduc, la Folie en tête, p. 134.
4 Adv. Avec un verbe ou un p. p. (indiquant un haut degré, une grande intensité). ⇒ Absolument, complètement, entièrement, extrêmement, fond (à), intégralement, nettement, pleinement, profondément, réellement, totalement, tout (tout à fait), vraiment. || Cela prouve, montre bien que… || Écoute bien… ⇒ Attentivement. || Profiter bien, bien profiter de qqch. || Vous avez bien compris ? || Je n'ai pas bien entendu. || Il s'agit bien de cela. || C'est bien fini. || Il est bien décidé à partir. || Tout bien pesé… || C'est bien lui, c'est bien la même. — ☑ Loc. C'est bien de lui : son comportement est tout à fait conforme à son caractère, c'est ce qu'on attendait de lui.
62 L'affaire est d'importance, et, bien considérée,
Mérite en plein conseil d'être délibérée (…)
Corneille, le Cid, II, 8.
63 Enfin notre bonheur est-il bien affermi ?
Corneille, Horace, I, 3.
64 Êtes-vous pleinement content de votre gloire ?
Avez-vous bien promis d'oublier ma mémoire ?
Mais ce n'est pas assez expier vos amours :
Avez-vous bien promis de me haïr toujours ?
Racine, Bérénice, V, 5.
65 Il (ce conte) est bien d'une âme espagnole.
La Fontaine, Fables, IX, 15.
66 Il n'est pas encore trop bien assuré sur ses jambes.
Mme de Sévigné, Lettres, 1075, 22 oct. 1688.
67 Une chose folle et qui découvre bien notre petitesse, c'est l'assujettissement aux modes (…)
La Bruyère, les Caractères, XIII, 1.
68 Vous êtes trop bien établi dans mon cœur (…)
A. R. Lesage, Turcaret, III, 6.
69 On ne jouit bien que de ce qu'on partage (…)
Mme de Genlis, la Mère rivale, t. I, p. 367.
70 (…) la noblesse n'est pas de rigueur pour entrer à l'Académie; l'ignorance, bien prouvée, suffit.
P.-L. Courier, Pamphlets littéraires, Pl., p. 277.
71 Tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que s'amuser.
Baudelaire, « Mon cœur mis à nu », X, Pl., p. 682.
72 En fait, ce sont les prodromes de l'asservissement total. Une fois le joug bien assujetti, on ne le secouera plus !
Martin du Gard, les Thibault, VIII, 13.
73 Du désespoir de ce lévite, à peine sorti d'une adolescence attardée, elle n'avait jamais très bien compris les raisons secrètes.
F. Mauriac, le Sagouin, I.
74 Non. Il s'agit bien, comme le dit d'Alembert, d'une harmonie, d'un arrangement des mots.
G. Duhamel, Discours aux nuages, I, p. 39.
♦ ☑ Loc. Bien le bonjour ! (fam.), ellipse de je vous donne bien le bonjour. || Bien le bonsoir ! || Merci bien. ⇒ Beaucoup.
♦ Avec un adj. ou un p. p.; avec un adv. ⇒ Très, tout (tout à fait). || C'est bien simple. || Je suis bien aise (cit. 26). || Vous êtes bien gentil. || Nous sommes bien contents. || Bien souvent. || Bien longtemps. || Bien loin. || Servir bien chaud. || Du linge bien blanc. || Bien avancé pour son âge.
75 Il faut être bien fin pour remarquer cette différence (…)
Pascal, Disc. sur les passions de l'amour.
76 Nous sommes bien près de nous consoler quand nous nous affectionnons aux gens qui nous consolent.
Marivaux, la Vie de Marianne, VIII.
77 Il est bien vrai qu'on commence à parler bien haut en Italie, et surtout à Venise (…)
Voltaire, Lettre à la Tourette, 6 janv. 1770.
78 Un homme est bien fort quand il s'avoue sa faiblesse.
Balzac, la Peau de chagrin, t. IX, Pl., p. 140.
78.1 Tenez, monsieur Théodore, madame Badoulard est une bonne femme que j'aime de tout mon cœur, certainement… que je suis bien loin de rien dire contre elle en rien; sa demoiselle est bonne ouvrière, bien sage, bien honnête, bien tout; mais, monsieur Théodore, il faut y regarder à deux fois quand on entre dans une famille.
Henri Monnier, Scènes populaires, La victime du corridor, 7, p. 270.
♦ Devant un compar. avec le sens de plus. ⇒ Beaucoup. || Bien moins. || Bien plus. || Bien mieux. || Bien pire. || Bien meilleur. — Spécialt. || Il est bien jeune pour cet emploi. ⇒ Trop. || Je le trouve bien jeune. || Vous êtes bien sûr de vous.
79 Y va-t-il de l'honneur ? y va-t-il de la vie ?
— Il y va de bien plus.
Corneille, Polyeucte, I, 2.
80 Si je vous ouvre mon cœur, peut-être serai-je à vos yeux bien moins sage que vous (…)
Molière, l'Avare, I, 2.
81 Je trouve bien mieux mon compte avec l'un qu'avec l'autre (…)
Molière, la Princesse d'Élide, 2e intermède.
82 Un petit air de doute et de mélancolie,
Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie (…)
A. de Musset, Chanson de Fortunio à Ninon.
83 L'amour est chez eux (les peuples de race bretonne) un sentiment tendre, profond, affectueux, bien plus qu'une passion.
Renan, Souvenirs d'enfance…, I, « Broyeur de lin ».
84 Très en avance, mais non pas très impatient. Il se sentait capable d'attendre bien plus sans éprouver nulle trace d'ennui.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, p. 66.
♦ Fam. || Avoir bien faim, bien peur, bien froid. ⇒ Fort, très.
5 a Renforçant une affirmation. || Il part bien demain. ⇒ Effectivement. || J'entends bien, je le vois bien. || Nous le savons bien. || Il est bien entendu que… ⇒ Expressément, formellement. || Bien évidemment. — Ce n'est pas un oubli, mais bien une erreur. ⇒ Plutôt.
b En fait, en dépit des difficultés (quoi qu'on dise, fasse, pense; quoi qu'il arrive). || Croyez bien, sachez bien. || Vouloir bien (ou bien vouloir) : accepter, daigner. || Veuillez bien… || Je veux bien faire ce travail. ⇒ Volontiers, vouloir. || Attendons, nous verrons bien. || Il faut bien le supporter. || Cela finira bien un jour. || Il le fait bien, pourquoi pas moi !, puisqu'il le fait… — (Avec un cond.). || J'écrirais bien, mais répondra-t-il ? : je pourrais écrire…, j'écrirais volontiers… Absolt (comme souhait). || J'irais bien avec vous.
85 Quel âge croyez-vous bien que j'aye ?
Molière, le Malade imaginaire, III, 10.
86 Je le croirais bien; oui, il y a toutes les apparences du monde (…)
Molière, les Précieuses ridicules, 5.
87 Vous savez bien que mon plus grand plaisir est de sortir avec vous.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. IX, p. 225.
88 Que le mal nous façonne, il faut bien l'accepter.
Colette, l'Étoile Vesper, p. 10.
89 On introduit des verbes qui insistent sur l'affirmation :
Je t'assure (…) tu penses bien que…
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 500-501.
90 (…) sans laquelle (l'Allemagne) bien évidemment aucune construction politique continentale durable n'est possible.
André Siegfried, l'Âme des peuples, V, 1.
91 (…) cette forme d'intelligence (…) que je suis bien obligé d'appeler l'intelligence allemande (…)
G. Duhamel, le Temps de la recherche, VII, p. 92.
♦ Ellipt. || Bien sûr : certainement. || Bien entendu : évidemment.
92 « Nous travaillerons… ». « Oui, bien sûr. Mais comme des esclaves… »
Sartre, la Mort dans l'âme, II, p. 214.
6 Adv. de quantité (indiquant une quantité importante mais indéterminée). || Bien de; bien du, de la, des : beaucoup de. ⇒ Beaucoup. || Se donner bien de la peine, bien du mal. || Cet enfant nous donne bien du souci. || Bien des choses. || Bien des années. || Bien des fois : souvent. || Bien des gens. ⇒ Nombre (un grand nombre). || Bien d'autres indices, nombreux. — Vieilli. || Bien de l'argent : beaucoup d'argent. — Voilà bien des histoires, bien des récriminations.
93 Vous avez bien d'autres affaires (…)
La Fontaine, Fables, VIII, 4.
94 Et je le donnerais à bien d'autres qu'à moi
De se voir sans chagrin au point où je me vois.
Molière, Sganarelle, 16.
95 Voilà une belle merveille que de faire bonne chère avec bien de l'argent (…) il faut parler de faire bonne chère avec peu d'argent.
Molière, l'Avare, III, 5.
96 Voilà bien des paroles sans rien dire (…)
Bossuet, Hist. des Variations, XII, 2.
97 Il y a bien de la différence entre un bel esprit, un grand esprit et un bon esprit (…)
Fénelon, Œuvres, t. XVIII, p. 35.
98 Il y a des causes générales qui ont mis bien des fois le genre humain à deux doigts de sa perte (…)
Montesquieu, Lettres persanes, 113.
99 De tant de mariages, il naissait bien des enfants (…)
Montesquieu, Lettres persanes, 122.
100 Je sais que bien des gens parlent de l'ingénu; tout ce que je puis répondre très ingénument, c'est que je ne l'ai point vu encore (…)
Voltaire, Lettre à Damilaville, 8 août 1767.
101 Si l'on était sûr, Monsieur, d'avoir après sa mort des panégyristes tels que vous, il y aurait bien du plaisir à mourir (…)
Voltaire, Lettre à Chabanon, 9 déc. 1764.
102 Assistez à la vie en spectateur indifférent; bien des drames tourneront à la comédie.
H. Bergson, le Rire, p. 5.
103 Chez bien des hommes de valeur, cette valeur dépend de la variété des personnages dont ils se sentent capables.
Valéry, Variété III, p. 82.
REM. Devant un adj. précédant le subst., on doit, selon Littré, dire bien de et non bien des : Cette contrée renferme bien de fertiles prairies. L'usage dément cette observation (cf. Grevisse, no 329; nombreux exemples).
104 (…) bien des petits faits auraient pu me fournir des signes (…)
Claudel, Figures et Paraboles, p. 57.
♦ Il s'en faut bien : il s'en faut beaucoup, de beaucoup.
105 Il s'en faut bien que je croie la musique capable de tout peindre (…)
D'Alembert, Lettre au roi de Prusse, 10 avr. 1767.
♦ Par ext. (Avec un numéral, une quantité). À peu près, au moins. ⇒ Approximativement, environ, largement, près (à peu près). || Il y a bien une heure qu'il est sorti.
106 On en tua bien quatre ou cinq cents.
Racine, Lettres.
♦ ☑ Si bien que…, tant et si bien que…, tellement bien que… (avec un v. à l'indic.) : à tel point que. ⇒ Si, tant, tellement.
107 (…) et alors, le prenant à la gorge, je fis si bien, des pieds, des poings, des dents, de tout, que je l'arrachai de sa place et qu'il s'en alla rouler hors de l'étude (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, p. 114.
♦ ☑ Tant bien que mal : ni bien, ni mal, en s'en tirant comme on peut, passablement, médiocrement. ⇒ Tant (infra cit. 27.1).
♦ ☑ Bien que… (marquant la concession, suivi du subj.). ⇒ Quoique; encore (que), malgré. || On lui donna une gratification, bien qu'il ne l'eût guère méritée. — REM. On emploie parfois l'indic. pour marquer la réalité, ou le cond. pour marquer l'éventualité.
108 Et, bien qu'on soit, à ce qu'il semble,
Beaucoup mieux seul qu'avec des sots.
La Fontaine, Fables, VIII, 10.
109 Bien qu'au moins mal qu'il pût il ajustât l'histoire,
Le loup fut un sot de le croire.
La Fontaine, Fables, XI, 6.
110 Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage,
L'Art est long et le Temps est court.
Baudelaire, les Fleurs du mal, XI, « Le guignon ».
111 Bien que la place fût médiocre, Sénécal, sans elle, serait mort de faim.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, 32.
112 Bien que ses péchés auraient pu, sans déshonneur pour elle ni inconvénient pour le monde, se répandre.
Flaubert, Un cœur simple, IV.
(Brunot, citant Flaubert, remarque qu'on ne saurait trop le féliciter de cette « faute » in la Pensée et la Langue, p. 867).
113 Bien que nous fûmes, mon maître et moi, très attentifs à cacher notre surprise, M. d'Astarac la devina (…)
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, p. 63.
♦ Bien que… (suivi du p. prés.). || Bien qu'ayant. || Bien qu'étant.
114 Bien qu'ayant vécu chez eux, tu connais mal ces ennemis du genre humain.
115 (…) Bien que maîtres passés en l'art de bien parler.
Mathurin Régnier, Satires, 1.
116 Bien que philosophe, M. Homais respectait les morts.
Flaubert, Mme Bovary, III, IX.
117 Ses moustaches blondes étaient assez courtes, bien que jamais coupées.
♦ Quand bien même. ⇒ Quand.
8 Locutions.
118 Le lacs était tout prêt; il n'y manquait qu'un homme :
Celui-ci se l'attache, et se pend bien et beau.
La Fontaine, Fables, IX, 16.
♦ ☑ Loc. conj. Bien loin de…, bien loin que… ⇒ Loin; lieu (au lieu de)… et aussi contraire (tout au contraire).
119 Bien loin d'en demeurer d'accord, j'ose dire que (…)
Corneille, Avertissement du Cid.
120 Bien loin d'avoir de la crédulité (pour les médisances), elle n'eut pas même, en ces occasions, de la patience.
Fléchier, Oraison funèbre de Madame la Dauphine.
121 Bien loin qu'on pensât à intéresser quelque principe de notre religion, on ne se soupçonnait pas même d'imprudence (…)
Montesquieu, Lettres persanes, Réflexions.
♦ Vieilli (langue class.). || Un peu bien, avec un adj. ⇒ Peu (quelque), trop. || Une femme un peu bien mûre.
122 Voilà une petite menotte qui est un peu bien rude.
Molière, George Dandin, III, 3.
♦ Aussi bien : d'ailleurs. ⇒ Aussi (cit. 53 à 60).
♦ Ou bien. ⇒ Ou. || Ou bien… ou bien. || Ou bien vous vous taisez, ou bien vous aurez un devoir supplémentaire.
♦ Littér. || Mais bien : mais au contraire.
123 Je n'aime pas la pensée qui s'attife; mais bien celle qui se concentre et raidit.
Gide, Pages de journal, I, 11.
9 Interj. a Bien, fort bien, très bien, formules d'approbation (ou simple ponctuation du discours). ⇒ Bon, soit. || Bien, très bien !
b Eh bien ! (ou Hé bien !), interjection marquant l'étonnement, la surprise, l'interrogation, l'exhortation, la concession (→ Soit), une hésitation dans la réponse (→ Heu) ou donnant plus de force à ce qu'on dit (fam. ben [bɛ̃]. → 2. Ben). || Eh bien ! vous ne protestez pas ? || Eh bien ! soit.
124 Eh bien ! Antiochus, vous dois-je la couronne ?
Corneille, Rodogune, IV, 3.
125 Eh bien ! j'aimerais mieux partir, c'est sûr (…)
Loti, Ramuntcho, II, 11, p. 283.
➪ tableau Principales interjections.
c Ah bien, s'emploie souvent par ironie, pour marquer la surprise, la déception. || Ah bien oui ! Parlons-en ! — Oh bien ! (même nuance).
❖
DÉR. et COMP. 2. Bien. Bien-aimé, bien-aise, bien-aller, bien-dire, bien-disant, bien-être, bien-faire, bienfaisant, bien-fondé, bienheureux, bien-jugé, bien-manger, bien-pensant, bien-portant, bienséant, bientôt, bienveillant, bienvenir, bienvenu, bien-vivre.
————————
2. bien [bjɛ̃] n. m.
❖
———
I Un bien, des biens, du bien.
1 Ce qui est avantageux, agréable, ou profitable; ce qui est utile à une fin donnée. ⇒ Avantage, bénéfice, bienfait, intérêt, profit, satisfaction, secours, service, utilité. || Quel bien attendre, espérer, retirer d'un pareil régime ? || Faire du bien à qqn. || Ce remède lui a fait grand bien, beaucoup de bien. ⇒ Bien-être, mieux-être, soulagement; bénéfique. || Cela lui fait plus de mal que de bien. || Cela ne fait ni bien ni mal. || La pluie a fait du bien aux récoltes, les a fait prospérer. || Bien réel. || Bien imaginaire. || Le bien de qqn, son bien. || Le bien de tous (→ Apanage, cit. 7). || Le bien commun, général, public. || Le bien de l'État, du pays. || Le bien d'une entreprise. || C'est pour son bien. || Vouloir le bien de qqn, vouloir son bien. || Vouloir du bien, faire du bien à qqn. || Sacrifier son propre bien à celui d'autrui. || Se dévouer au bien d'autrui. ⇒ Altruisme, altruiste (cit. 1), amour (cit. 6), bienfaisance, bonheur, charité, don, humanité. || Nous faisons cela pour ton bien.
1 Faites du bien à votre ami avant la mort, et donnez l'aumône au pauvre selon que vous pouvez.
Bible (Sacy), Ecclésiaste, XIV, 13.
2 Les saints recommandent aux riches de partager avec les pauvres les biens de la terre, s'ils veulent posséder avec eux les biens du ciel (…)
Pascal, les Provinciales, 16.
3 (…) le plus sage des législateurs disait que, pour le bien des hommes, il faut souvent les piper.
Pascal, Pensées, V, 294.
4 Nous aimons mieux voir ceux à qui nous faisons du bien que ceux qui nous en font.
La Rochefoucauld, Maximes posthumes, 558.
5 Battez-moi plutôt et me laissez rire tout mon soûl, cela me fera plus de bien.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 2.
6 C'était apparemment (la paix) le bien des deux partis.
La Fontaine, Fables, III, 13.
7 Si on n'aimait pas les justes, si on ne les protégeait pas pour eux-mêmes, il les faudrait protéger pour le bien public.
Bossuet, Méditation sur l'Évangile, Dernier sermon du Sauveur, 83e jour.
8 S'il est doux et naturel de faire du mal à ce que l'on hait, l'est-il moins de faire du bien à ce que l'on aime ?
La Bruyère, les Caractères, IV, 44.
9 Nous nous affectionnons de plus en plus aux personnes à qui nous faisons du bien.
La Bruyère, les Caractères, IV, 68.
10 Il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses intérêts particuliers.
Montesquieu, l'Esprit des lois, III, 7.
11 Messieurs les sots, je dois, en bon chrétien,
Vous fesser tous, car c'est pour votre bien (…)
Voltaire, les Chevaux et les Ânes.
12 J'ai fait un peu de bien, c'est mon meilleur ouvrage.
Voltaire, CXIV, À Horace, v. 67.
13 (…) Je me suis toujours attaché aux gens moins à proportion du bien qu'ils m'ont fait que de celui qu'ils m'ont voulu (…)
Rousseau, les Confessions, I, III.
14 (…) dans l'état social le bien de l'un fait nécessairement le mal de l'autre.
Rousseau, Émile, II.
15 Un grand nous fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal.
Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, 2.
16 Le bien qu'on fait parfume l'âme;
On s'en souvient toujours un peu !
Hugo, les Voix intérieures, V, 2.
17 Aimer, c'est avoir pour but le bonheur d'un autre, se subordonner à lui, s'employer et se dévouer à son bien.
Taine, Philosophie de l'art, V, III, 2.
17.1 Vers la fin du mois, Harbert parcourait déjà le plateau de Grande-Vue et les grèves. Quelques bains de mer qu'il prit en compagnie de Pencroff et de Nab lui firent le plus grand bien.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. II, p. 728.
18 Point de mal qui ne puisse servir à quelque bien.
R. Rolland, Jean-Christophe, t. X, p. 223.
19 Le bien public est fait du bonheur de chacun.
Camus, la Peste, p. 103.
♦ Trouver son bien à qqch., à faire qqch.
19.1 Femmes et qui causent
Les épaules nues,
Ou bien se reposent
En long étendues,
Bagues à leurs mains,
Rêvant mal ou pire,
Ou trouvent leur bien
Enfin à dormir.
Max Elskamp, la Rue Saint-Paul.
♦ Les biens du ciel. || Les biens que Dieu accorde. ⇒ Bénédiction, bienfait, don, faveur, félicité, grâce, présent. || Les biens éternels. || Les biens véritables. || Les biens de l'âme. || Les biens spirituels. || Les biens de ce monde. || Les biens temporels. || Jouir des biens de la terre. || Les biens du corps. || La santé est le plus précieux des biens. || La liberté est le bien le plus cher, le plus grand de tous les biens… || Le bien auquel on aspire (cit. 13). || C'est une épreuve difficile mais ce sera un bien pour tous, une bonne chose.
20 Nos biens, comme nos maux, sont en notre pouvoir…
Chacun est artisan de sa bonne fortune.
Mathurin Régnier, Satires, XIII.
21 Un véritable ami est le plus grand de tous les biens (…)
La Rochefoucauld, Maximes posthumes, 544.
22 Et l'hymen d'Henriette est le bien où j'aspire.
Molière, les Femmes savantes, I, 4.
23 Ah ! que c'est un grand bien (la santé) ! et que vous le nommez précisément par son nom quand vous dites que c'est celui sans lequel tous les autres sont insensibles !
Mme de Sévigné, Lettres, 15 juin 1688.
24 Goûter innocemment le peu de biens que la nature nous donne (…)
Bossuet, Oraison funèbre de la Duchesse d'Orléans.
25 Être libre en un mot n'est pas ne rien faire; c'est être seul arbitre de ce qu'on fait, ou de ce qu'on ne fait point; quel bien en ce sens que la liberté !
La Bruyère, les Caractères, XII, 104.
26 Pourquoi la liberté est-elle si rare ? parce qu'elle est le premier des biens (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Venise.
27 Les biens de la terre ne font que creuser l'âme et en augmenter le vide (…)
Chateaubriand, le Génie du christianisme, I, 6, 1.
28 Elle (la civilisation) fait du bien matériel le but unique de la vie. Elle ne s'occupe point des biens de l'âme.
R. Rolland, Mahatma Gandhi, p. 45.
29 La quiétude (…) C'est le bien de ceux qui ont à jamais choisi une part de leur destin, et rejeté l'autre.
Colette, la Paix chez les bêtes, « Jardin zoologique ».
30 Car le plus précieux de tous les biens imaginables, la vie, va, pour de longues années, tomber dans le mépris et l'avilissement.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, XVII, p. 244.
♦ ☑ Loc. Grand bien vous fasse ! : faites comme vous le voulez, je doute que cela vous fasse du bien, peu m'importe.
31 Buvez à ma santé, Monsieur. — Grand bien vous fasse !
Racine, les Plaideurs, I, 6.
32 Serviteur, et grand bien te fasse,
Dit le hibou, pour moi, je veux guérir.
Lamotte-Houdar, Fables, V, 1.
32.1 Vous pouvez la garder pour vous. Garde-la pour toi, ta merveille. Grand bien te fasse.
N. Sarraute, Vous les entendez ?, p. 184.
♦ Dire du bien de quelque chose, en parler avantageusement, favorablement. ⇒ Éloge (faire l'). — Au plur. (vx). → cit. 36.
33 Voulez-vous qu'on croie du bien de vous ? N'en dites pas.
Pascal, Pensées, I, 44.
34 Quelque bien qu'on dise de nous, on ne nous apprend rien de nouveau.
La Rochefoucauld, Maximes, 303.
35 Chacun dit du bien de son cœur, et personne n'en ose dire de son esprit.
La Rochefoucauld, Maximes, 98.
36 On m'a dit cent mille biens de vous.
Mme de Sévigné, Lettres, 27.
37 Le seul moyen d'obliger les hommes à dire du bien de nous, c'est de leur en faire.
Voltaire, Histoire de Charles XII, Disc. préliminaire.
38 Un homme quelque malicieux qu'il puisse être, ne dira jamais des femmes autant de bien ni autant de mal qu'elles en pensent elles-mêmes.
Balzac, Physiologie du mariage, Pl., t. X, p. 593.
♦ … en bien : d'une manière favorable. || Il prend en bien tout ce qu'on lui dit. || C'est un optimiste qui prend, interprète tout en bien. || Juger d'une chose en bien, en mal. || Parler en bien de quelqu'un.
39 (…) l'importance qu'elle donnait (Mme du Deffand) soit en bien, soit en mal, aux moindres torche-culs qui paraissaient.
Rousseau, les Confessions, XI.
♦ Changer quelque chose en bien. ⇒ Améliorer.
40 L'homme a toujours voulu ajouter quelque chose à Dieu. L'homme retouche la création parfois en bien, parfois en mal.
Hugo, l'Homme qui rit, I, II, 2.
♦ À bien. || Imputer à bien (→ Attribuer, cit. 18). || Mener une affaire, une entreprise à bien, faire qu'elle réussisse. ⇒ Achèvement, succès.
♦ ☑ Prov. Le mieux est l'ennemi du bien. ☑ Nul bien sans peine.
2 Chose matérielle susceptible d'appropriation; droit faisant partie du patrimoine. ⇒ Chose; capital, cheptel, domaine, fortune, fruit, héritage, patrimoine, possession, produit, propriété, récolte, richesse. || Des biens considérables. || Un petit bien. || Disposer de ses biens. || Les biens de qqn, ses biens, son bien. || User de son bien. || Exploiter ses biens. || Biens oisifs. || Biens productifs. || Augmenter la valeur de ses biens. || Laisser son bien à ses héritiers. || Donner son bien. || Manger, dépenser tout son bien.
41 Pays fertile et abondant en toutes sortes de biens (…)
Vauvenargues, trad. Quinte-Curce, 287.
42 Rome est à vous, seigneur, l'empire est votre bien (…)
Corneille, Cinna, II, 1.
43 Je sais qu'avec mes vœux vous me jugez capable
De vous porter en dot un bien considérable.
Molière, les Femmes savantes, V, 1.
44 C'est notre bien seul qu'ils épousent.
Molière, George Dandin, I, 1.
45 J'ai le bien, la naissance, et quelque emploi passable,
Et fais figure en France assez considérable (…)
Molière, les Fâcheux, I, 3.
REM. Cet emploi est vieux.
46 Voilà comme vous dépensez votre bien (…)
Molière, le Bourgeois gentilhomme, IV, 2.
47 La dame de ces biens, quittant d'un œil marri
Sa fortune ainsi répandue (…)
La Fontaine, Fables, VII, 10.
48 Le prodigue de l'Évangile, qui veut avoir son partage, qui veut jouir de soi-même et des biens que son père lui a donnés (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Anne de Gonzague de Clèves.
49 Elle voit dissiper sa jeunesse en regrets,
Mon amour en fumée, et son bien en procès (…)
Racine, les Plaideurs, I, 5.
50 Il me voulut reprocher que j'avais mangé tout son bien.
Racine, Lettres, VI, 512.
51 Qu'avez-vous fait (vous, comte) pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître et rien de plus (…)
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, V, 3.
52 Simon Gabelin, ne voulant point aller à l'armée, a vendu tout son bien pour acheter un homme, et se faire remplacer (…)
P.-L. Courier, Gazette du village, no 4.
53 (…) il pourra aller visiter ses biens en carriole.
G. Sand, la Petite Fadette, XXXIII, 219.
♦ Du bien (collectif). || Avoir, posséder du bien. ☑ Avoir du bien au soleil, des propriétés immobilières.
54 Elle avait un peu de bien, comme on dit à la campagne (…)
Loti, Mon frère Yves, XXXIX, p. 107.
55 Un petit héritage allume les espoirs de tout ce groupe. Mais Monsieur Pasquier dilapide le commun bien avant même que de le toucher.
A. Maurois, Études littéraires, Duhamel, t. II, p. 100.
♦ ☑ Loc. Corps et biens. || Périr corps et biens, en parlant d'un navire. ⇒ Corps.
♦ ☑ Prov. Bien mal acquis… → Acquérir, cit. 7.
56 Le bien mal acquis profite toujours à quelqu'un.
Paul Léautaud, Passe-temps, p. 42.
♦ ☑ Abondance de biens ne nuit pas. ☑ Prendre son bien où on le trouve. ⇒ Prendre. ☑ Le bien vient en dormant. ⇒ Dormir.
♦ Dr. || Biens publics. || Biens privés. || Biens meubles et biens immeubles. || Biens corporels et biens incorporels. || Biens consomptibles : choses détruites ou non lors de leur première utilisation. || Biens de famille insaisissables. || Biens paraphernaux (cit.), appartenant en propre à l'épouse. || Biens communs et biens propres, qui appartiennent aux deux ou à un seul des époux. ⇒ Acquêt, communauté, conquêt. || Biens dotaux. ⇒ Dot. || Biens réservés : biens acquis par l'épouse dont elle a la puissance et l'administration même si ceux-ci sont communs. || Biens successoraux. ⇒ Succession. || Inventaire des biens. || Cession de biens. || Biens de mainmorte. || Un bien frappé d'hypothèque. || Confiscation des biens. || Biens vacants, dont on ne connaît pas le propriétaire.
57 Tous les biens sont meubles ou immeubles.
Code civil, art. 516.
58 La propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l'effet des obligations.
Code civil, art. 711.
♦ Écon. (surtout au plur.). Chose matérielle qui procure une jouissance. || Biens de consommation, biens de production. || Biens fongibles, non fongibles : choses qui sont ou non interchangeables (tel poids de légume contre tel objet manufacturé). || Biens vacants, biens sans maître, qui n'appartiennent à personne et sont susceptibles d'appropriation.
♦ Hist. (au plur.). || Biens nationaux : biens confisqués au clergé, aux émigrés et à la royauté lors de la Révolution française. || Biens du clergé, biens ecclésiastiques : possessions du clergé qui furent déclarées biens nationaux par l'Assemblée constituante.
58.1 Biens ecclésiastiques : Dernières ressources des capitalistes : la nation, c'est-à-dire les députés de la nation, qui ne les en avait pas chargés, ont déclaré que ces biens leur appartenaient.
———
II Le bien : ce qui possède une valeur morale, une valeur positive essentielle, ce qui est juste, honnête, louable. || « À l'égard des actes accomplis (le bien), c'est ce qu'on approuve; à l'égard des actes futurs, ce qu'on doit faire » (Lalande). ⇒ Devoir, idéal, perfection. || L'idée du bien. || L'amour, la pratique du bien. || Le bien et le beau. || Du vrai, du beau, du bien (Victor Cousin). || Discerner le bien du mal. || Exhorter au bien. || Aspirer au bien. || Faire le bien. — Allus. bibl. || La science (connaissance) du bien et du mal.
59 L'arbre de la science du bien et du mal.
Bible (Segond), Genèse, II, 9.
60 Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas.
Bible (Segond), Épître aux Romains, VII, 19.
61 Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien.
Bible (Crampon), Épître aux Romains, XII, 21.
62 La fin du bien est un mal, la fin du mal est un bien.
La Rochefoucauld, Maximes posthumes, 519.
63 Et sa morale, faite à mépriser le bien,
Sur l'aigreur de sa bile opère comme rien.
Molière, les Femmes savantes, II, 9.
64 C'est en faisant le bien qu'on devient bon; je ne connais point de pratique plus sûre.
Rousseau, Émile, IV.
64.1 Le Créateur de tant de merveilles peut-il avoir d'autres lois que le bien ? Et nos cœurs peuvent-ils lui plaire si le bien n'en est l'élément ?
Sade, Justine…, p. 121.
65 Tout crime porte en soi une incapacité radicale et un germe de malheur : pratiquons donc le bien pour être heureux, et soyons justes pour être habiles.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, II, 3.
66 (…) la perception du bien et du mal s'obscurcit à mesure que l'intelligence s'éclaire; la conscience se rétrécit à mesure que les idées s'élargissent.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, IV, 10.
67 Le mal existe, mais non pas sans le bien, comme l'ombre existe, mais non sans lumière.
A. de Musset, Lorenzaccio.
68 (…) l'effort inconscient vers le bien et le vrai qui est dans l'univers joue son coup de dé par chacun de nous.
Renan, Souvenirs d'enfance…, V, 265.
69 Le bien au sens de perfection est probablement ce qui nous cause une satisfaction objective, ce qui nous satisfait comme êtres raisonnables : l'homme bon, c'est primitivement, et c'est toujours populairement, celui qui nous fait du bien; c'est ensuite celui dont la conduite nous satisfait objectivement, celui qui fait le bien.
70 Fini, cet écartèlement du pécheur entre le bien et le mal !
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 138.
♦ Le souverain bien, le vrai bien, le bien suprême : le bien par excellence.
71 Comme le bien suprême et le seul où j'aspire.
Corneille, Polyeucte, I, 1.
72 À moins que de traiter de l'immortalité de l'âme ou du souverain bien.
Voltaire, Lettres, 51.
73 (…) les philosophes, qui nous proposent pour tout bien les biens qui sont en nous ? Est-ce le vrai bien ? ont-ils trouvé le remède à nos maux ? (…)
Pascal, Pensées, VII, 430.
♦ Un homme de bien : un homme qui pratique le bien, la charité, et aussi, un homme honnête, intègre, un homme de devoir. || Les gens de bien (→ Envier, cit. 1; exergue, cit. 2).
74 Ainsi tu marcheras dans la voie des hommes de bien, et tu garderas les sentiers des justes.
Bible (Crampon), Proverbes, II, 20.
74.1 Faute de mieux, l'émeute emporte les beaux rideaux du rez-de-chaussée pour brûler sur la Grand Place, gaspillage qui mit le comble à l'exaspération des gens de bien. L'enlèvement d'un buste de Louis-Philippe, jeté au feu avec les tentures, attira moins l'attention.
M. Yourcenar, Archives du Nord, p. 170-171.
♦ ☑ Loc. fam. En tout bien (et) tout honneur : d'une manière honnête, sans mauvaise attention (souvent employé pour qualifier un rapport homme-femme).
75 Il ne prétend à vous qu'en tout bien et en tout honneur (…)
Molière, les Fourberies de Scapin, III, 1.
76 La chose s'était passée, de son aveu, en tout bien tout honneur.
Antoine Hamilton, Mémoires du comte de Gramont, 9.
77 Il m'aime en tout bien tout honneur.
Balzac, Maître Cornélius, Pl., t. IX, p. 941.
78 (…) ma case était parée et parfumée, pour recevoir la grande dame qui avait désiré faire, en tout bien tout honneur, une visite à mon logis solitaire.
Loti, Aziyadé, XLVI, p. 143.
79 En tout bien tout honneur, naturellement si vous l'aviez vue, la malheureuse…
Claude Mauriac, le Dîner en ville, p. 19.
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CONTR. Mal. — Dommage, préjudice. — Injustice.
Encyclopédie Universelle. 2012.