pour [ pur ] prép. et n. m. inv. I ♦ (Marquant l'idée d'échange, d'équivalence, de correspondance, de réciprocité)
1 ♦ En échange de; à la place de. Acheter, acquérir, vendre qqch. pour telle somme. ⇒ contre, moyennant. Je l'ai eu, acheté pour une bouchée de pain, pour rien, pour trois fois rien. Un prêté pour un rendu. Pas pour un empire. Pour tout l'or du monde. — En avoir, en vouloir pour son argent. Iron. Il en a été pour son argent, pour ses frais : il n'a rien eu en échange. — (Idée de proportion) Pour cinq élèves filles, nous avons trois garçons. Tant pour cent. Cinq, dix... pour cent (%), pour mille (‰).
♢ Loc. Prendre, dire un mot pour un autre, au lieu de. — (Avec le même subst. avant et après) Œil pour œil, dent pour dent. — Il y a un an jour pour jour. Trait pour trait. Mot pour mot. Rendre coup pour coup. Risquer le tout pour le tout.
2 ♦ (Avec un terme redoublé marquant la possibilité d'un choix entre deux choses) « J'ignorais que servitude pour servitude, il vaut encore mieux être asservi par son cœur que l'esclave de ses sens » (Radiguet).
3 ♦ (Exprimant un rapport d'équivalence entre deux termes) ⇒ comme. « L'amour pour principe, l'ordre pour base et le progrès pour but » (Comte). Avoir pour effet, pour conséquence. — Pour tout..., pour tous avantages : en fait d'avantages, en guise d'avantages. — Avoir pour maître, pour élève, pour ami. — Prendre pour femme. — Se le tenir pour dit. Laisser pour mort. Laissé pour compte. — Compter pour rien, pour du beurre (fam.).— Pour le moins : au moins, au minimum. — Passer pour. ⇒ passer. Vous me prenez pour un idiot ? Pour qui me prenez-vous ?
♢ Loc. Pour de bon : d'une façon authentique. — Fam. Pour de vrai : vraiment. « Mais c'était pour de vrai, pour de bon, cette fois » (Aragon). — Pour sûr.
4 ♦ En prenant la place de. Payer, agir pour qqn. Signe pour moi. — Pour le directeur, pour le chef de service, mention précédant la signature du subordonné qui remplace ces personnes.
5 ♦ En ce qui concerne. « On est pour les livres à peu près comme pour les hommes » (Mme de Staël). « Et zut pour la monnaie » (Zola). En tout et pour tout : seulement, uniquement. — Par rapport à. Il fait froid pour la saison. Elle n'est pas mal pour son âge. Pour un si jeune enfant, il est dégourdi.
♢ (Servant à mettre en valeur sujet, attribut ou objet) Pour moi, je pense que... ⇒ quant à. Pour ma part. « Quel beau temps, pour un 3 novembre » (P. Benoit). — Littér. (avec un adj.) « Pour jolie, elle l'avait toujours été comme personne » (Loti). — Cour. (avec un nom) « Pour un orateur, c'est un orateur » (Romains). Pour une surprise, c'est une surprise ! — Pour ce qui est de : en ce qui concerne. — Fam. « On a bonne mine, les gars. Pour ça, on a bonne mine » (Sartre). — « Pour me soigner, elle m'a soigné ! » (Vialar),pour ce qui est de me soigner.
6 ♦ En ce qui concerne une personne en tant que sujet, dans sa conscience. « entre ce que j'étais pour moi, et ce que j'étais pour les autres, il n'y avait aucun rapport » (Beauvoir). Ce n'est un mystère, un secret pour personne. — Philos. Le pour-soi. ⇒ soi.
II ♦ (Direction, destination, résultat, intention)
1 ♦ Marquant la direction, le but dans l'espace. Partir pour une destination, une ville, un pays. « ce petit yacht, faisant [...] voile pour Porto-Vecchio » (A. Dumas). Les voyageurs pour Lyon, en voiture ! « Je ne songe plus qu'au départ, mais pour où ? » (A. Gide). Partir pour l'armée.
2 ♦ Marquant le terme dans la durée, dans le temps. « Vous partez ? — Oui ! c'est pour ce soir » (Apollinaire). Viendrez-vous pour les vacances ? — Par ext. Pour six mois, pour deux ans : pendant six mois, deux ans à partir de maintenant. Réserver une chambre pour une nuit. « Elle se trouvait donc libre pour la semaine entière » (Maupassant). Pour le moment : momentanément. Pour l'heure. — Pour longtemps, pour toujours. C'est tout pour aujourd'hui. — Pour quand ? — Pour dans 8 jours; pour après. « ce qu'il désirait pour après sa mort » (Proust). — Pour une fois, pour cette fois. Pour une fois qu'il vient, tu pourrais être aimable. Pour la première, la dernière fois. Pour le coup : cette fois-ci.
3 ♦ (Marquant la destination figurée, le but...) Destiné à (qqn, qqch.). Voici une lettre pour lui. C'est pour qui ? Il n'y en aura pas pour tout le monde. « Il y aura pour toi; tu sais que je ne suis pas ingrate » (Restif). — Tailleur pour hommes. Film pour adultes. Journaux pour enfants. Crème pour les mains. — « Les aurores étaient faites pour rendre joyeux les réveils, les jours pour mûrir les moissons » (Maupassant). « On ne se marie pas pour être heureuse » (Carné et Prévert, « Drôle de drame », film). Ellipt Fam. C'est fait, c'est prévu pour, exprès, à cette intention. Fam. « C'est étudié pour » (F. Raynaud).
♢ Destiné à combattre. ⇒ contre. Sirop pour la toux.
♢ En vue de. Pour son plaisir, pour le plaisir. Pour leur intérêt. ⇒ dans. C'est pour son bien. — C'est mauvais pour la santé. — Pour le meilleur et pour le pire. Pour le cas où : dans le, au cas où. Il s'est sacrifié, et pour quoi ? Pour rien. — Loc. Faire qqch. pour la forme. Parler, poser pour la galerie. Pour la gloire, pour l'honneur. — L'art pour l'art.
♢ À l'égard de. ⇒ 1. envers. Passion pour, haine pour... Avoir un faible pour qqn. « Mon cousin [...] pour qui je ressentais déjà une sympathie des plus vives » (A. Gide). Par égard pour lui. — Tant mieux, tant pis pour lui. C'est bien fait pour elle ! — Elle a du goût pour les belles choses.
♢ En faveur de, pour l'intérêt, le bien de... Former des vœux, prier pour qqn. Quêter pour les pauvres (cf. Au profit de). — Loc. prov. Chacun pour soi et Dieu pour tous. — Parier, opter pour... Voter pour qqn. Prendre parti pour qqn. — Loc. fam. (en parlant aux enfants) À l'intention de. « Une cuiller pour maman, une pour bonne-maman » (Beauvoir). — ÊTRE POUR... : être partisan de. « Quiconque n'est pas pour lui est contre lui » (F. Mauriac). Je suis pour que tout le monde vienne. — Ellipt Je suis pour. « nous lui demandâmes de but en blanc ce qu'il pensait de la guerre, s'il était pour ou s'il était contre » (Perec).
4 ♦ POUR (et l'inf.) :afin de pouvoir (cf. En vue de). « Pour réparer des ans l'irréparable outrage » (Racine). Il faut manger pour vivre. Faire l'impossible, tout tenter pour réussir. Travailler pour vivre. Faire un régime pour maigrir. Voilà cent francs pour boire à ma santé. ⇒ pourboire. As-tu un moment pour passer chez moi ? Pour quoi faire ? dans quel but ? — « Nous sommes revenus par le chemin de Saint-Malo, pour ne pas le rencontrer » (Maupassant),pour ne pas avoir à...
♢ (Avec une valeur finale très atténuée) On s'accorde pour dire : on est d'accord en disant. — Pour ainsi dire, pour mieux dire, pour tout dire. Ce n'est pas, c'est pas pour dire, mais il a du culot, il a vraiment du culot. — Je l'ai dit pour rire, pour plaisanter. C'est pour rire (cf. Histoire de rire).
♢ (Les faits étant considérés comme voulus par la nature, le hasard, la providence) « Une mouche éphémère naît à neuf heures du matin [...] pour mourir à cinq heures du soir » (Stendhal).
♢ ÊTRE POUR (et l'inf.) :être sur le point de. « Quand il fut pour la quitter devant la porte de sa maison » (Montherlant).
5 ♦ POUR QUE : afin que. « Pour que Dieu nous réponde, adressons-nous à lui » (Musset ). — Iron. C'est ça ! laisse ton manteau dans la voiture, pour qu'on te le vole ! — POUR QUE... NE PAS. « Des persiennes toujours tirées, pour que la clarté trop vive ne mangeât pas le bleu tendre du reps » (Zola). — Fam. « Je l'ai pris pour ne pas qu'Armand le voie » (A. Gide). — Fam. (sans ne) « C'était pour pas qu'on insiste » (Céline).
III ♦ (Conséquence)
1 ♦ En ayant pour résultat (qqch.). Pour son malheur. « N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? » (P. Corneille). « Chaque fois que j'ai repris Vauvenargues, ç'a été pour ma déception » (A. Gide). — (Suivi de l'inf.) Afin de. « Les moissons pour mûrir ont besoin de rosée » (Musset). « il n'y a que les imbéciles et les ambitieux pour faire des révolutions » (France).
♢ (Forme négative) « voilà une réputation qui n'est pas pour m'effrayer » (Proust). — Assez, pas assez, suffisamment pour... Trop poli pour être honnête. C'est trop beau pour être vrai : c'est impossible.
2 ♦ POUR QUE (avec une subordonnée de conséquence). « Je suis bien jeune... pour qu'on veuille m'écouter » (Stendhal). Assez, pas assez, trop... pour que... Il faut, il suffit... pour que... — « Qu'aviez-vous donc contre elle pour la maltraiter ainsi ? » (Green).
IV ♦ (Cause)
1 ♦ À cause de. « elle voulait être épousée pour sa fausse laideur et ses prétendus défauts » (Balzac). Être puni pour ses crimes. Merci pour tout. — Loc. Pour un oui, pour un non : à toute occasion. Pour sa peine : en considération de. — Merci pour votre cadeau, pour votre compréhension. Remercier pour qqch. (ou de qqch.). Pour quelle raison ? ⇒ pourquoi. — Littér. Pour ce que. ⇒ parce que. « Il me plaisanta pour ce que je n'avais pas su poser mon dernier mot » (A. Gide). — Pour le motif, la raison que... — Le magasin est fermé pour cause de maladie, de décès. — Absolt Et pour cause ! pour une raison trop évidente. — Pour un peu.
2 ♦ Vx (suivi de l'inf.) ⇒ parce que. « Pour être plus qu'un roi, tu te crois quelque chose ! » ( P. Corneille). — Mod. (suivi d'un inf. passé ou pass.) « Pour avoir oublié ces choses, l'apprenti sorcier a perdu la tête » (Maurois).
V ♦ (Valeur d'opposition ou de concession)
1 ♦ Littér. POUR... QUE (avec indic. ou subj.). ⇒ aussi, 1. si. Pour invisible qu'il fût. ⇒ quelque. « Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes » (P. Corneille).
♢ Cour. Pour peu que. — Pour autant que : dans la mesure où. « Pour autant que je le sache, ils étaient d'une très honnête [...] piété » (Duhamel). — Pour autant : même pour cela. ⇒ pourtant. Il a tout raté, il n'en est pas découragé pour autant. — Pour si peu. Ne t'en fais pas pour si peu ! — Fam. « Pour ce qu'on en profite ! » (Romains).
2 ♦ Suivi de l'inf. prés., avec une principale négative ou interrogative contenant un comparatif « Ah ! pour être dévot, je n'en suis pas moins homme » (Molière). « Es-tu moins esclave, pour être aimé et flatté de ton maître ? » (Pascal).
3 ♦ Littér. POUR SI... QUE, introduisant une proposition concessive. « pour si précieux qu'il le tînt, Bonaparte entendait ne pas le mettre au pinacle » (Madelin).
♢ POUR PLUS, POUR MOINS... QUE. « Les hommes, pour plus généreux qu'ils soient, doivent être fortement individuels » (Proust).
VI ♦ N. m. LE POUR. Le bon côté. Le pour et le contre.
● pour préposition (bas latin por, du latin classique pro) Indique : Le lieu où l'on va : Partir pour Paris. Le moment où quelque chose doit se faire : Viendrez-vous pour Noël ? La circonstance : C'est tout pour aujourd'hui. Le but : La lutte pour le pouvoir. La destination, l'usage, l'utilisation : Une crème pour les mains. Le destinataire, celui à qui s'adresse quelque chose : Une émission pour tous. Le bénéficiaire : Travailler pour un patron. La personne ou la chose dans l'intérêt de qui ou au profit de quoi est fait quelque chose : Se battre pour une noble cause. L'option, la préférence, le parti qu'on a adopté, etc. : Je suis pour partir sur-le-champ. La personne ou la chose sur lesquelles se portent un sentiment, un effet, un comportement : Son amour pour elle. La cause : Condamné pour vol. La conséquence, le résultat constatés, escomptés, envisageables : Pour son malheur, il n'avait pas prévu cela. La chose ou la personne concernée, dont il est question : Pour la pétition, qu'est-ce qu'on fait ? Le point de vue : Pour moi, il n'avait pas tort. Le point de repère à partir duquel s'établit une comparaison, une constatation, une concession, une restriction, une opposition : Il est très avancé pour son âge. L'élément à partir duquel s'établit un rapport, une proportion, surtout dans les pourcentages : Vingt pour cent du chiffre d'affaires. Suivi d'un nom de mesure, la quantité relative de quelque chose dans un ensemble, l'importance, le rôle, la part de quelque chose, de quelqu'un dans une situation : Vous y êtes pour quelque chose. La durée, le prix : J'en ai pour une minute. La compensation, le paiement, la contrepartie : En avoir pour son argent. Le temps nécessaire : Il faut quatre heures pour (aller à) Marseille. Entre deux mêmes noms sans article, l'équivalence exacte : Cela fera un an jour pour jour. La substitution, le remplacement : Signe pour moi. Entre deux mêmes mots sans article, la possibilité d'effectuer un choix entre deux aspects éventuels : Perdu pour perdu, je préfère que ce soi chez toi. Le début d'une emphase : Ça pour une surprise, c'est une surprise ! Un attribut du sujet ou du complément d'objet : On l'avait laissé pour mort. Suivi d'un infinitif, une simple coordination, avec une idée de succession dans le temps : Il s'est endormi pour ne plus se réveiller (= et il ne s'est jamais réveillé). Seul après un verbe, le but, la destination, l'intention, l'orientation, l'option, en langue familière : Sers-toi de cette poignée, c'est fait pour. Avoir pour soi quelque chose, compter quelque chose parmi les avantages que l'on possède. Être pour, voter pour, acquiescer, émettre un vote favorable. Littéraire. Être pour, être sur le point de : J'étais pour sortir quand il est arrivé. Être pour, être de nature à : Cela n'était pas pour me déplaire. N'être pour rien, pour pas grand-chose, être pour quelque chose dans, n'être aucunement, ou être peu responsable de quelque chose, y être pour beaucoup. Pour toujours, pour jamais, d'une façon qui ne finira pas. ● pour nom masculin Le pour et le contre, les avantages et les inconvénients : Il y a du pour et du contre. ● pour (expressions) nom masculin Le pour et le contre, les avantages et les inconvénients : Il y a du pour et du contre. ● pour (citations) préposition (bas latin por, du latin classique pro) Simone de Beauvoir Paris 1908-Paris 1986 Si seulement on pouvait être tout à fait pour, ou tout à fait contre ! Les Mandarins Gallimard ● pour (difficultés) préposition (bas latin por, du latin classique pro) Registre 1. C'est fait pour. L'emploi de pour sans complément (il a tout fait pour, c'est étudié pour, etc.) est familier. 2. Être pour = être favorable à qqch. D'emploi courant avec un complément (être pour la conduite accompagnée, pour le scrutin uninominal à deux tours), mais légèrement familier quand il n'est suivi d'aucun complément (tout le monde était pour). Recommandation Dans l'expression soignée, préférer être favorable à, être partisan de. 3. Pour moi = à mon avis. Légèrement familier. Recommandation Préférer selon moi ou à mon avis. 4. Pour de bon, pour de vrai, pour de rire. Pour de bon est légèrement familier. Pour de vrai est familier. Pour de rire appartient au langage enfantin. 5. Pour grand qu'il soit/si grand qu'il soit. Les deux constructions sont correctes. Celle avec pour est très littéraire et légèrement vieillie : « Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes »(Corneille). Remarque Dans les propositions marquant l'opposition, pour est habituellement suivi du subjonctif. L'indicatif, parfois employé, insiste sur la réalité du fait énoncé : pour exactes que sont ces mesures, leur interprétation demeure délicate. 6. Pour être juste, elle n'en est pas moins sévère. Tour correct mais littéraire, voire un peu vieilli. (La proposition principale est toujours négative.) Construction 1. Pour venir / pour qu'il vienne. Infinitif si le sujet de la proposition de but est le même que celui de la principale : il l'a fait pour faire plaisir à sa mère (et non il l'a fait pour qu'il fasse plaisir à sa mère). Subjonctif si les deux sujets sont différents : il l'a fait pour qu'elle soit contente. 2. Pour qu'il ne vienne pas. Le déplacement de la négation avant que (pour ne pas que) est fréquent aujourd'hui dans l'expression orale relâchée, mais doit être évité dans l'expression soignée, en particulier à l'écrit. Recommandation Dire pour qu'il ne vienne pas et non pour ne pas qu'il vienne. Emploi 1. Pour / afin de. → afin. 2. Pour autant que. → autant. 3. Pour le moins. → moins. 4. Pour peu que. → peu. ● pour (homonymes) préposition (bas latin por, du latin classique pro) pourquoi adverbe interrogatif ● pour (synonymes) préposition (bas latin por, du latin classique pro) Le moment où quelque chose doit se faire
Synonymes :
- au moment de
- vers
Le but
Synonymes :
- afin de
- dans le but de
La personne ou la chose dans l'intérêt de qui ou...
Synonymes :
La personne ou la chose sur lesquelles se portent un...
Synonymes :
- à l'égard de
- envers
La chose ou la personne concernée, dont il est question
Synonymes :
- en ce qui concerne
Le point de vue
Synonymes :
- selon
La substitution, le remplacement
Synonymes :
- à la place de
pour
Prép. (et n. m.)
rI./r (Devant un nom, un pronom.)
d1./d En direction de, à destination de. Partir pour Rome.
d2./d (Marquant une durée, le terme d'une durée.) Il est là pour trois jours. Travail à faire pour le lendemain.
d3./d à l'intention de, en faveur de, dans l'intérêt de. Travailler pour un laboratoire. Livre pour les enfants, destiné aux enfants.
|| Envers, à l'égard de. être bon pour les animaux.
|| (Marquant le but.) Travailler seulement pour la gloire.
|| être pour...: être favorable à, être partisan de...
|| (Marquant l'appartenance.) (Afr. subsah., Proche-Orient) Ce stylo est pour moi, il est à moi.
d4./d En remplacement de, à la place de, au nom de. Il signe pour le directeur.
— (Devant une signature.) Pour le secrétaire général, par ordre, X.
|| En échange de. Je l'ai eu pour dix francs.
|| En guise de. N'avoir pour toute arme qu'un bâton.
|| (Suivi d'un adj.) Il fut laissé pour mort, comme s'il était mort. Il se donne pour savant, il fait croire qu'il l'est.
d5./d Quant à, en ce qui concerne (qqn). Pour moi, je crois qu'il a tort.
|| Quant à, en ce qui concerne (qqch). Pour l'argent, on s'arrangera plus tard.
d6./d Eu égard à, par rapport à. Il est grand pour son âge.
d7./d (Marquant la conséquence.) Il s'est trompé, pour son malheur.
d8./d à cause de. Puni pour ses crimes.
— Loc. Pour un oui ou pour un non: à tout propos.
rII./r Pour (+ inf.), pour que (+ subj.).
d1./d (Marquant le but.) Il lit pour s'instruire. Je vous le dis pour que vous y pensiez.
|| Pour que... ne pas. Il s'enferme pour qu'on ne le dérange pas.
d2./d (Introduisant une subordonnée de conséquence.) Il est trop tard pour que j'y aille. Tu es assez grand pour prendre cette décision tout seul.
rIII/r n. m. Le pour: ce qui plaide en faveur de qqch, les arguments favorables (surtout dans la loc. le pour et le contre).
⇒POUR, prép.
[Marque l'idée d'échange, d'équivalence, p. ext., celle de simple repérage (infra I); ou bien marque l'idée de destination (infra II), ou entre dans une relation de causalité (infra III)]
I.— [Marque l'idée d'échange ou de substitution, celle d'équivalence, d'où p. ext. celle de simple repérage]
A.— [Idée d'échange ou de substitution]
1. En échange de. Acheter, se procurer qqc. pour telle somme, pour trois fois rien, pour une bouchée de pain; pas pour tout l'or du monde; en être pour ses frais (v. frais2). J'ai fait l'affaire pour cent florins, dit Stephen à Schmidt (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 196). Un magasin Woolworth apparaît, le premier maillon de cette chaîne immense de bazars à « tout pour cinq et dix cents » qui enserre maintenant les États-Unis (MORAND, New-York, 1930, p. 125) :
• 1. Lipp est à coup sûr un des endroits, le seul peut-être, où l'on puisse avoir pour un demi le résumé fidèle et complet d'une journée politique ou intellectuelle française.
FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 163.
— Risquer, jouer le tout pour le tout. Agir, s'exprimer sans se ménager d'autre issue en cas d'échec. Mais Jacques, d'instinct, avait reculé le buste, comme pour s'écarter. Daniel risqua le tout pour le tout : — « Explique-moi, enfin! Qu'est-ce qui s'est passé, il y a quatre ans? » (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 212). Jouant le tout pour le tout, désespéré, il pria cet être qui se moque de la prière (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 190).
— (On n'a) rien pour rien. On n'a rien gratuitement, sans effort. Oui, Eugénie, j'aurais l'âme bien petite, si je n'acceptais pas. Cependant, rien pour rien, confiance pour confiance (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 161).
— Œil pour œil, dent pour dent; rendre coup pour coup. Il n'y avait point d'archers pour rendre flèches pour flèches (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 74). Il faudrait au moins (...) changer pour un an un Français pour un Anglais (MICHELET, Journal, 1834, p. 122) :
• 2. De même, reprit l'ami désireux de rendre politesse pour politesse, concession pour concession, j'avouerai que érymante, toute jaune qu'elle est, est une plante fort présentable.
KARR, Sous tilleuls, 1832 pp. 244-245.
2. En remplacement de, à la place de
a) (d'une personne). Je réponds pour lui, tu paieras, tu signeras pour lui. Allez vous reposer : je veillerai pour vous (LA MARTELIÈRE, Robert, 1793, v, 3, p. 58). Inscrivez donc le nom de mon père, si c'est possible; il aurait été content d'être là-dessus. Je donnerai pour lui (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 245).
— En partic. (dans un courrier, un document officiel, comme mention précédant la signature du subordonné qui remplace la personne citée). Pour le Président Directeur Général.
b) (d'une chose). Traduire mot pour mot (= mot à mot); dire un mot pour un autre. Elle prononçait les oit en ait et disait frait pour froid, porteux au lieu de porteurs (BALZAC, Lys, 1836, p. 104). Je vous demande de me répéter, mot pour mot, votre première phrase (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 12).
— Trait pour trait. Il n'y avait pas une de ces aimables petites femmes qui ne ressemblât trait pour trait à la mienne (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 169).
B.— [Rapport d'équivalence]
1. Comme, en fait de, en guise de, en tant que. Au-dessus de la muraille, vous verrez, pour inscriptions, des têtes de morts entassés dans des cages de fer (QUINET, All. et Ital., 1836, p. 178) :
• 3. ... un important groupement, constitué à l'avance dans la région de Sontay sous les ordres du général Alessandri, avec, pour noyau, la Légion, remplit vaillamment sa mission.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 166.
— Pour sûr. Ce qui est dit peut être considéré comme sûr; assurément. C'est cela pour sûr qui terrifia le comte et le fit tomber sur son lit sans connaissance (SUE, Atar-Gull, 1831, p. 12).
— Fam. Pour de vrai. Dans la réalité. Écoutez donc : un père de famille, c'est jamais un vrai père de famille. Un assassin c'est jamais tout à fait un assassin. Ils jouent, vous comprenez. Tandis qu'un mort, c'est un mort pour de vrai (SARTRE, Mains sales, 1948, 4e tabl., 6, p. 169). Pour de bon (v. bon1).
2. En partic. [Dans des constr. attributives]
— Passer pour qqc. (v. passer3). Passer pour + inf. Un homme de mon âge (...) qui a toujours passé (...) pour être doué d'un sentiment très exquis des arts (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 130).
— Prendre pour.
— Accepter, reconnaître qqn pour. Le courage intrépide qu'il a montré dans les deux derniers assauts, le fait accepter avec joie pour chef suprême de tout le camp (COTTIN, Mathilde, t. 2, 1805, p. 265). Avec la maison entière, je fis chorus au sujet de la princesse Flibustofskoï; je la reconnus pour la palatine la plus généreuse et la plus adorable de l'univers (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 189).
— Être connu pour. Il est question plus loin de la nommée Lebeau, femme du nommé Cardinal, connue pour une prostituée (NERVAL, Filles feu, Angélique, 1854, p. 515).
— Faire passer qqc. pour; donner qqc. pour; donner qqc. pour fondement à. Nous n'entendons pas donner ceci pour une démonstration (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 166).
— Avoir pour nourriture un morceau de pain sec; avoir, posséder une cabane pour toute fortune. Son père victime de sa scélératesse (...) n'a au fond d'un cachot qu'une pierre où reposer sa tête, pour nourriture qu'un pain noir détrempé de ses larmes (LA MARTELIÈRE, Robert, 1793, I, 4, p. 6). Leur esprit et leur corps se développent à l'aise; ils ont pour école le grand air, pour maître l'exercice, pour nourrice la liberté (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 18).
— Avoir pour effet, pour conséquence de. Entre temps, l'intervention britannique en Syrie avait eu pour effet d'y déclencher une nouvelle vague d'agitation antifrançaise (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 197).
— Avoir qqn pour ami. Oui, nous aurions pour gouverneurs des anges incarnés (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 325). J'ai longtemps eu pour ami le grand ours noir des Iles de l'Amirauté, mais maintenant, je lui préfère les grizzlies des Rocheuses (MORAND, New-York, 1930, p. 244).
C.— P. ext. [Marque seulement l'idée de repérage]
1. [Dans une échelle ou p. rapp. à des obj. de même nature] Mais, pour un Rudi, champion national de descente, vedette des saisons de ski, recherché par les riches étrangères, et pour quelques autres privilégiés, combien de déshérités, résignés à la misère d'un temps où le métier de guide semblait finir! (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 15).
— En partic. [Pour marquer l'idée de proportion] Cinq pour mille habitants. Il y a encore vingt pour cent à gagner en deux ans, outre les intérêts à un excellent taux (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 93). Voilà trois semaines qu'il me rase pour que je lui prenne de l'argent dans l'affaire. Il m'offre tout ce que je veux à dix pour cent, plus une part dans les bénéfices! (BOURDET, Sexe faible, 1931, I, p. 256). V. pour-cent rem. s.v. pourcentage.
— Jour pour jour. D'amères désillusions me sont peut-être réservées. Mais si, dans un an, jour pour jour, vous n'avez pas gagné les vingt-cinq mille francs nets qui vous sont dus (...) je vous autorise à venir me faire une scène ici (ROMAINS, Knock, 1923, II, 3, p. 11).
2. [Dans une distribution]
— Chacun pour soi. Chacun pour soi dans ce désert d'égoïsme qu'on appelle la vie (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 322).
— Une fois pour toutes. Depuis le mariage de Camille, elle avait accepté, une fois pour toutes, sa position de concubine (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1937, p. 132).
3. [Dans le temps] Partir pour Pâques. Pour la première fois le préfet, qui jusque-là avait été humble jusqu'à la servilité, voulut prendre un ton ferme (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1836, p. 95). Dieu, quelle belle robe elle pourrait étrenner pour la Saint-Maurice! (PEYRÉ, Matterhorn, 1939 p. 52).
— [Le compl. situe dans le temps, mais sans préjuger de la suite] Une mouche te pique, et tu me plantes là, sans raison, sans t'excuser après, ni avant. (Après avoir lu). C'est tout pour aujourd'hui. (Il referme son carnet) (ACHARD, J. de la Lune, 1929, II, 8, p. 22) :
• 4. Je dirai, le moment venu, les effets particuliers qu'une telle beauté produisit sur deux de nos solitaires. Laissons cela pour l'instant.
DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 183.
— [Suivi d'inf.] Pour finir, la mère Gourvennec cracha par terre et jura qu'elle marierait Scolastique (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 74).
4. [À propos d'une propriété, p. rapp. à des circonstances ou des obj. où elle est moindre]
— Cette robe est bien chaude pour la saison; la porte est bien étroite pour une pareille maison; sa dépense est peu considérable pour son revenu (Ac. 1935). Il faisait dehors une nuit de lait étonnamment lumineuse pour la fin de novembre (NIZAN, Conspir., 1938, p. 37). C'est qu'elle est trop jolie pour le métier qu'elle fait, elle ne passe pas assez inaperçue (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 92).
— Il est grand pour un Japonais (laisse entendre que les Japonais sont petits). En effet, Rocambole remarqua que, pour un cheval de remise, celui qui les traînait avait de bien belles allures (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 457). Thomas éclata de rire et l'assura que, pour un mourant, il avait la tête bien solide, encore, sur les épaules (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944 p. 139).
5. En partic. [Dans un repérage circulaire, marquant l'idée d'un choix indifférent] Capitaine pour capitaine, ils aimaient mieux celui qui savait les conduire que ce bavard outrecuidant dont la nullité leur répugnait (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 264). « (...) Dis, laisse-moi prendre ma chance. » « C'est pas le moment... » dit Brunet. « N'importe comment, dit le typo, si je vais là-bas j'y crèverai. Crever pour crever... » Brunet ne répond pas (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 284).
— [Avec une idée d'intensité] — Eh ben! mince alors, nous sommes frais! — En v'là encore, des loufoques! — Ah! pour d'la belle ouvrage v'là de la belle ouvrage! (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., 6, p. 70).
6. [Sert au repérage du thème] Pour moi, pour ma part, pour le reste... (infra II C 3).
II.— [Marque l'idée de destination]
A.— [Dans l'espace, dans le temps ou au fig.]
1. [Dans l'espace] Partir pour les États-Unis; son départ pour les États-Unis. À son réveil il ne restait plus comme preuve et comme souvenir de tous ces événements que ce petit yacht, faisant à l'horizon voile pour Porto-Vecchio (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 558). Elle quitte le boulevard pour une rue déserte (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 328) :
• 5. Une paysanne slovaque (...) avec toutes les fleurs de l'Europe centrale brodées sur sa peau de mouton, prenait son billet pour l'Ouest et l'attachait à son corsage...
MORAND, New-York, 1930, p. 31.
— Pour où? Philippe, âgé de dix-huit ans, va nous quitter. Et pour où? Pour l'armée, pour la guerre (BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1914, p. 96).
2. [Dans le temps] On parlait vaguement d'un grand bal pour le 15 mai (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 20). Une de ces piles de bûches dont on fait provision pour l'hiver (RAMUZ, Derborence, 1934, p. 228).
— Fam. Pour quand... Mes parents lui ont arrangé notre ancienne chambre, à Georges et à moi, en cabinet de consultation, pour quand il aura de la clientèle (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 955).
— [Avec l'idée d'une durée dont on prévoit qu'elle s'étendra jusqu'à une certaine limite] J'suis inapte! Gaspard en eut de la joie pour trois jours (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 112). Repasse ce soir, je te raconterai... ou bien, veux-tu m'accompagner? J'en ai pour dix minutes avec lui (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 303) :
• 6. — Avez-vous des enfants? Pouvez-vous les nourrir? — Je peux. — Bien. Votre mari ira en prison pour six mois.
MORAND, New-York, 1930 p. 184.
— [Dans le syntagme nom.] Une chambre pour la journée, tout comme rue de Bucarest! (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 231).
3. Au fig.
a) En vue de. Et quand, pour un dernier adieu, je me retournai vers eux, je vis mon petit ami qui pleurait (GIDE, Journal, 1903, p. 137). La précaution de conserver pour les archives des doubles de chaque pièce de correspondance n'était pas encore en pratique (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 145). Le 9 mai, lendemain de la victoire, je me rendis à Notre-Dame pour le Te deum solennel (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 252).
b) [Dans le syntagme nom.] A la mobilisation, il existait : 1 338 000 000 de cartouches pour fusils ou mitrailleuses (JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 36).
— [Introd. un subst. d'action] Cette princesse seconde leurs efforts pour l'agrandissement de la science qu'ils cultivent (CUVIER, Anat. comp., t. 3, 1805, p. XIII).
— [Introd. un subst. désignant un domaine d'activité] Chiffreville, son associé pour sa fabrique de produits chimiques, me l'a dit (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 26). Notre délégué pour le Tonkin Jean Sainteny, se posant à Hanoï le 22 août, y trouve l'autorité Viet-Minh établie dans la capitale d'accord avec les Japonais (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959 p. 228).
— [Introd. un subst. désignant l'obj. d'une action] Vous savez, Monsieur Goulden, que je vous ai parlé d'un acheteur pour la petite montre en argent? (ERCKM.-CHATR., Conscrit 1813, 1864, pp. 13-14).
c) [Dans le syntagme adj.] L'affaire fut arrêtée, mais ajournée à l'époque la plus opportune pour la publication (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 469). La place est donc libre pour la naissance et le développement d'un art décoratif véritable (LÉVI-STRAUSS, Anthropol. struct., 1958, p. 290).
B.— [Introd. un compl. indiquant la pers. ou la chose qui bénéficie (ou est victime) de qqc.]
1. [Le compl. désigne une pers. (ou un animal)]
a) [Elle est bénéficiaire (ou victime) d'une action] En faveur de, au bénéfice de.
— Plaider, se prononcer, voter pour qqn. Je veux demander aujourd'hui pardon à la femme de ma brutalité, et c'est pourquoi je voterai pour le mari (GONCOURT, Journal, 1881, p. 137).
— Vivre pour qqn. J'aime Vivre pour mes amis, mes livres et moi-même! (DELILLE, Homme des champs, 1800, p. 145).
— N'y être pour personne. Être censé être absent. Gabrielle (...) : Oh! non, non! voyez ce qu'il veut; et, à moins que ce ne soit absolument urgent, je n'y suis pour personne (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, III, 1, p. 56).
— Faire qqc. pour qqn; préparer, confectionner, acheter qqc. pour qqn. Elle se perce le cœur, et les pâtissiers instituent une fête pour cette martyre boutiquière (NERVAL, Filles feu, Chans. et lég. du Valois, 1854, p. 633). Pour les dindonneaux, on avait planté une vieille roue sur un pieu (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 6). Éliane préparait un lit à l'hôpital pour M. Godeau (JOUHANDEAU, M. Godeau, 1926, p. 83) :
• 7. J'ai diverti la moitié de la France pendant dix ans; il est bien juste que le gouvernement fasse quelque chose pour moi.
LECLERCQ, Prov. dram., Mme Sorbet, 1835, 2, p. 122.
♦ [Avec un verbe en empl. abs.] Cette préoccupation fut à l'origine du soin que je pris au début de l'été d'ouvrir un cahier où j'écrivais pour elle, chaque nuit (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p. 154).
— [Avec une interj.] Hourrah pour... Je me secoue et je crie : hourrah pour Mary-Ann! (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 219).
b) [Elle est bénéficiaire (ou victime) d'un soutien, d'une disposition, d'une attitude, d'une qualité]
— Avoir, manifester, montrer, se sentir de la sympathie, de l'antipathie, de la pitié pour qqn; un faible, une inclination, une préférence pour qqn. Je sentais croître mon intérêt pour elle, à mesure que son inquiétude augmentait (KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 20) :
• 8. Il nageait dans le bonheur. Il se sentait une telle indulgence pour Armand qu'il pensa même que ça aurait bien arrangé les choses de le faire se coller avec la mère Beurdeley...
ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 363.
— Ma sympathie, mon antipathie, ma pitié pour lui. J'espère en venir à bout par amour pour elle (JANIN, Âne mort, 1829, p. 106). Point de pitié pour les Républicains (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1836, p. 40). Fanny, n'aie aucune pitié pour moi. Si tu aimes toujours ce garçon, si tu crois que ton bonheur est là, tant pis pour moi (PAGNOL, Fanny, 1932, III, 9, p. 202).
— (Être) telle chose pour qqn. L'abbé Boutarel était pour Anne-Marie plutôt un confesseur qu'un directeur de conscience (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 91). [En parlant d'une chose] Hommes et bêtes allaient et venaient sur la jonchée. C'était l'occasion pour les enfants d'apprendre à rouler le guéret ou à piquer les bœufs (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 145). Le New-York de 1930 est, pour nos jeunes artistes, ce que Rome était pour Corot ou Poussin (MORAND, New-York, 1930, p. 264).
— Être pour qqn. Être en sa faveur. Je croyais fermement que l'immense majorité de la nation française était pour nous (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 448).
♦ [Dans le syntagme adj.] On considère cette mission comme avantageuse pour moi à beaucoup d'égards (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1859, p. 305). Au nom du salut public, je somme le citoyen juré d'être impitoyable pour les conspirateurs et les traîtres (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 115). J'étais un enfant féroce pour qui prétendait m'aimer (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 29).
♦ [Dans le syntagme nominal] Jusqu'au soir elles discutèrent sur la perfidie des hommes, tout le mal que fait la guerre, et la nécessité pour les femmes de se défendre, coûte que coûte (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 150).
c) [Elle est bénéficiaire (ou victime) d'une chose] C'est pour toi. Point de repos pour l'assassin! Vengeance! Vengeance! (GUILBERT DE PIXER., Coelina, 1801, III, 1, p. 42). Adieu, mon amie; mille choses aimables pour toi (NAPOLÉON Ier, Lettres Joséph., 1807, p. 142). Madeleine, c'est pour la truie! (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 149).
— [Dans le syntagme nom.] Il y a bien, en plus, quelque deux ou trois bijoutiers et poissonniers qui n'ont rien apporté de nouveau à ce quartier pour rentiers (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 67).
— Une cuillerée pour... [S'emploie comme stratagème pour inciter les enfants à manger] Mange, Hugo, mange. Une cuillerée pour le gardien qui est en chômage, une cuillerée pour la vieille qui ramasse les épluchures dans la poubelle, une cuillerée pour la famille du charpentier qui s'est cassé la jambe (SARTRE, Mains sales, 1948, 3e tabl., 3, p. 98).
2. [Le compl. désigne une chose] Les autres se prononcent pour un armistice qui serait demandé à l'Allemagne (VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 257). Dans son premier mouvement, au moins, loin de plaider pour le mal, il plaide pour la justice qu'il met au-dessus de la divinité (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 76).
a) Avoir de l'attrait, de la répugnance pour qqc.; mon attrait, ma répugnance pour. Il montrait une préférence pour les courses entre chien et loup (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 138).
b) Faire qqc. pour qqc. C'est bon pour les hommes de croire aux idées et de mourir pour elles (ANOUILH, Antig., 1946, p. 148).
c) Être pour qqc. Être en sa faveur. Et moi aussi, bien sûr, je suis pour l'armée, pour la patrie, pour la religion et contre les Juifs (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 121).
— Empl. adv., néol. Être pour, voter pour. Eh bien, supprimer ces chaînes médiocres (...), je suis pour à 100 % (Télérama, 13 août 1986, p. 4).
— Empl. subst. Le pour et le contre. V. contre1.
d) [Dans le syntagme nom.] Destiné à. La Rochelle ne possède que trois bâtiments d'un tonnage un peu fort, un pour la morue, un pour la baleine, un pour le cabotage (MICHELET, Journal, 1835, p. 170). Tu vas avoir quatre cents francs par an pour ta toilette... tu t'arrangeras comme tu voudras (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 348).
C.— P. ext. En ce qui concerne (la pers. ou la chose désignée par le compl.)
1. [Le compl. désigne une pers.]
a) [En tant que suj. doué de conscience] Monsieur, me dit alors le vieillard, Dina, ma fille, est bien sensible à votre politesse, je vous remercie franchement, mais cela pour nous est impossible (BOREL, Champavert, 1833, p. 122).
b) En partic. [En tant qu'instance d'évaluation]
— [En tête de phrase] Pour moi, c'est un saint! crie Flaubert (GONCOURT, Journal, 1860, p. 784).
— [En incise] L'étoile nébuleuse à forte condensation centrale n'est donc pas, pour Laplace, l'état tout à fait primordial, puisqu'il lui suppose un état antérieur (H. POINCARÉ, Hyp. cosmogon., 1911, p. 9).
— [En fin de phrase] Ça te paraît absurde. Ces choses là n'existent pas pour toi (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 254).
— [Dans le syntagme nom.] J'ai remarqué que l'eau prenait un charme effrayant pour tous les esprits un peu artistes illuminés par le hachish (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 339). C'est presque une victoire pour moi puisque vos froideurs ne seront plus imputables à de l'indifférence (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p. 250).
— [Dans le syntagme adj.] Lac très formidable pour des voyageurs novices, et que les autres font bien de ne pas trop regarder (DUSAULX, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 224).
2. [Le compl. désigne une chose] À propos de; au sujet de. Je me suis arrangé avec lui pour deux cheminées de marbre qu'il doit m'envoyer à Bordeaux (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 205). Nous sommes d'accord pour les prix (PAGNOL, Fanny, 1932, III, 1, p. 172). Louise était très gourmande et faisait de la concurrence à Henriette pour la cuisine (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 233).
— Au titre de. Vous oubliez que le clergé figure pour vingt-cinq millions au budget de l'État (COURIER, Pamphlets pol., Procès, 1821, p. 116).
— Pour tout. À tous égards. Le régent anglais fit prêter à tous les habitants de Paris (...) le serment de lui obéir en tout et pour tout, et de nuire de tout leur pouvoir aux complices ou alliés de Charles de Valois (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 387).
— [Après une interj.] Et zut pour la monnaie! Moi, quand j'ai un béguin, je m'en fais crever (ZOLA, Nana, 1880, p. 1297).
3. [Introd. un compl. de phrase qui sert au repérage du thème] Pour le magnésium, nous n'avons pas vérifié la nature chimique des éléments formés en raison des difficultés expérimentales (JOLIOT, CURIE, Radioact. artif., 1935, p. 15). Pour les locations de villas, on a observé justement que les habitudes actuelles devraient être assouplies pour répondre aux derniers aménagements des vacances scolaires (JOCARD, Tour. et action État, 1966, p. 273) :
• 9. — Pauvre Nanon! Veux-tu du cassis? — Ah! pour du cassis, je ne dis pas non; madame le fait ben mieux que les apothicaires.
BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 167.
— Pour ma part. En ce qui me concerne. J'ai, pour ma part, l'impression que la plupart des théoriciens actuels (...) ont trop facilement renoncé à se faire une image intelligible des phénomènes de la physique quantique (L. DE BROGLIE, Bases interprét. mécan. ondul., 1963, p. 1).
— Pour le reste.
III.— [Entre dans une relation de causalité]
A.— [Marque la causalité finale, le but]
1. [Suivi de subst. ou de pron.] [Il] se vit contraint de tirer son épée pour sa défense personnelle (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 275). La lutte pour la vie, puis pour le mieux-être dans un monde où les biens nécessaires ou convoités sont rares (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 12).
— Pour cela. À cette fin. La philosophie (...) crut pouvoir avancer une justification directe du mal physique. Elle emprunta pour cela la notion de limitation (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p. 172) :
• 10. ... le pauvre chemisier résolut de faire un peu de réclame. Pour cela, il s'adressa à une agence de publicité qui lui fit d'abord verser un acompte de mille francs.
LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 13.
— Empl. adv., néol. C'est fait pour, étudié pour. Pour cela, à cette fin, à cette destination. C'est la ville qui te lasse, dit Isaïe. Tu n'es pas fait pour (TROYAT, La Neige en deuil, 1952, p. 86 ds GREV. 1986, § 992 a 4).
2. [Suivi d'un syntagme inf.]
a) [Compl. circ.] Synon. de afin de (ce dernier appartenant à la lang. écrite).
) [Répond à la question pourquoi?] Manger pour vivre et non vivre pour manger. Elle (...) prit un manteau et m'accompagna avec Nanine, pour ne pas revenir seule (DUMAS fils, Dame cam., 1848, p. 226). Avant de quitter Gênes, il se fit raser, pour arriver décent à Rome (GIDE, Caves, 1914, p. 780). Nous luttons pour rejeter l'agresseur et pour le mettre, nous l'espérons bien, dans l'impossibilité de recommencer (BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1918, p. 320).
— [Avec une nuance optative] Je voudrais qu'il vînt une belle fille pour m'aimer vraiment et comprendre à fond ce que je mets de désespoir dans cette dernière phrase (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p. 80).
— [Le suj. de l'inf. est l'obj. de la princ.] La malheureuse! Je l'avais élevée pour devenir la femme d'un roi (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 267). Je ne sais pas ce que vous êtes, mais je vous paie pour vous occuper de mes enfants et non pour les dresser contre leur mère (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 54).
— Ce n'est pas pour dire, (mais)... Ce n'est pas pour le plaisir de parler que je dis que, c'est sincèrement que je dis que... Ah! ce n'est pas pour dire, mais avec ces prêtres qui (...) permettent, les jours de fête, à des voix retroussées d'actrices de danser le chahut aux sons pesants de l'orgue, elle est devenue quelque chose de pas bien propre (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 228). Ah! c'est pas pour dire! T'étais plus amoureux hier soir! (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, I, 6, p. 10).
) [Le compl. final appartient au thème (il est antéposé ou antéposable)] De Skénectady, où nous nous trouvions alors, nous partîmes sur un bateau léger pour remonter la Mohawk (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 73). La religion est un feu que l'exemple entretient, et qui s'éteint, s'il n'est communiqué. Pour être pieux, il faut qu'on se fasse petit (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 126). La foule y est nombreuse pour accueillir Charles de Gaulle (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 219).
— Pour ce faire. À cette fin. La police, agissant à titre judiciaire, a notamment qualité, sous contrôle du Parquet, pour décider le maintien des suspects sans titre de détention à la disposition de la justice. Pour ce faire, elle dispose du système de « la garde à vue » dont la durée peut atteindre 48 heures (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 48).
) [Dans un comment. métalinguistique] Elle que j'avais vue si économe, pour ne pas dire avare, me donnait plus d'argent que je n'en demandais, me poussait à la dépense (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 34). Ainsi tenions-nous dans la presse un rôle de quémandeurs, pour ne pas dire de mendigots (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 22).
— [Introd. un compl. de phrase] Pour être bref : j'apportai un jour à ma maîtresse un joli petit huilier de porcelaine, le sien (le nôtre) s'étant cassé à notre dernier repas (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 175). Ils projetaient d'avoir des chambres particulières et ne pensaient même pas à employer la chambre vide. Pour être exact, Élisabeth y avait pensé une heure. Mais le souvenir de la morte, sublimé par la chambre mixte, l'effrayait encore sur les lieux (COCTEAU, Enfants, 1929, p. 64).
b) [Compl. d'obj. indir.] Profiter de... pour. Kimberly profita de ces interruptions flatteuses pour avaler une gorgée de champagne (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 204).
c) [Compl. déterminatif] Son zèle pour faire élire M. Gonin (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1836, p. 114). Il se met en quête d'un endroit pour manger (GONCOURT, Journal, 1880, p. 65). Les fontaines se trouvent presque toujours au milieu d'un vaste terrain pelé, sans un arbre pour donner de l'ombre à ceux qui viennent puiser l'eau (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 24) :
• 11. Les uns reprochaient au commandement français de n'avoir pas encore trouvé une solution décisive pour chasser l'ennemi de notre sol.
JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 144.
d) [Compl. de l'adj.] Ainsi l'on verra bientôt un simple officier, employé comme négociateur, avoir la finesse de l'homme le plus consommé dans la politique (...) tant ces climats sont heureux pour développer l'esprit humain! (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 75). Lucien appela un commis extrêmement adroit pour gratter et fit mettre partout Tarte au lieu de Tourte (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1836 p. 257).
3. Pour que. Synon. de afin que (ce dernier appartenant à la lang. écrite)
a) [En réponse à la question pourquoi?] Coupez-le bien proprement, pour que ça ne se voie pas (RENARD, Journal, 1903, p. 834). — Tu veux vraiment aller là-bas? — Bien sûr. — Et pour quoi faire? — C'est pour que le petit ait un père (RAMUZ, Derborence, 1934, p. 227) :
• 12. ... elle a prononcé vivement une parole que je ne peux analyser sans me faire du mal : « Je vous dis cela pour que vous ne soyez pas étonné quand vous apprendrez que je suis allée à Toulouse... »
J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p. 103.
— [Dans le champ de la nég.] À quoi employez-vous donc vos journées?... je ne vous paie pas pour que vous flâniez du matin au soir (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900 p. 75).
— [Dans une phrase exclam.] P. iron. :
• 13. ... Duplat tué, Blackman tué, les gardes anglaises mutilées, vingt bataillons français, sur les quarante du corps de Reille, décimés, trois mille hommes, dans cette seule masure de Hougomont, sabrés, écharpés, égorgés, fusillés, brûlés; et tout cela pour qu'aujourd'hui un paysan dise à un voyageur : Monsieur, donnez-moi trois francs; si vous aimez, je vous expliquerai la chose de Waterloo!
HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 374.
b) [Le compl. final appartient au thème] Mais, pour que la densité de la voie lactée devînt homogène, il faudrait répartir la masse du soleil (H. POINCARÉ, Hyp. cosmogon., 1911, p. 259). Je peux bien te l'avouer : pour que notre bonheur ait été possible, il a fallu que ce mariage manqué leur ait porté à la tête (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 67).
Rem. Dans cet empl., le verbe de la princ. est souvent devoir ou falloir. La princ. exprime alors la condition nécessaire à la réalisation de ce qui est dit dans la sub.
— [Dans une question] Qu'est-ce que les Grandet font donc à leur grande Nanon pour qu'elle leur soit si attachée? Elle passerait dans le feu pour eux! (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 33).
Rem. Pop. pour ne pas que (p. anal. avec pour ne pas + inf.) : pour ne pas qu'il vienne? « pour qu'il ne vienne pas ».
B.— [Marque l'idée de cause]
1. À cause de (mais proche de « à propos de »; supra II C 2) Le roi d'Angleterre avait pourtant été ému d'admiration aussi bien que de colère pour cette prodigieuse défense de la ville de Meaux (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 357). Est-ce là votre bonne foi, dit-elle? Cette sincérité pour laquelle on vous vante? (DURAS, Ourika, 1824, p. 154).
2. [Dans des tournures plus ou moins figées ou bien signifiant l'idée de cause par le subst. introd. par pour] Pour un oui ou pour un non, pour cette raison, pour cause de... La grande question est de savoir si, pour raison de santé, Vincent va devoir renoncer à l'internat (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1004). Peu après, Augustin Laurent quittait, pour raisons de santé, le ministère des postes que je confiais à Eugène Thomas revenu de déportation (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 262).
— Pour cela. À cause de cela. « Je ne conçois pas, » dit la duchesse de Noirmoutier, « qu'on puisse aimer une femme qui semble un homme. » — « Mais, c'est pour cela qu'on l'aime, » observa la princesse (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 103).
— Et cela pour... Trois mois d'études et deux années d'apprentissage; et cela pour l'amour de l'art (GIDE, Caves, 1914, p. 825). Yse : (...) N'achève pas de partir! Ne sois pas absent dans le milieu de ma vie! De Ciz : Et tout cela pour une absence de quelques jours! (CLAUDEL, Part. midi, 1949, II, p. 1108).
3. [Dans des phrases nég., interr., hyp.] Qu'avez-vous contre lui pour le traiter ainsi? On brisera vos volets et vos vitres, vous n'en dormirez pas mieux pour cela (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 176).
— Pour que. « Qui est cette personne? Elle est bien belle », demanda-t-il en voyant la Viennoise. « Mais qu'a-t-elle donc pour que lui aussi la trouve belle? » (RADIGUET, Bal, 1923, p. 158).
— Pour si peu. Si il plaisait à notre Chinois, on en ferait des autres voilà tout, des Câkya-mouni, tout en or! On s'arrêterait pas pour si peu. On arrangeait l'avenir en rose (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 208).
— Pour autant. [En tour nég.] Ce n'est pas une raison pour que... [En tour interr.] Est-ce une raison pour que... Mais celle-ci [l'Assemblée] (...) n'était pas parvenue pour autant à assurer un régime d'assemblée (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 31) :
• 14. ... la parole, au point de vue strictement auditif, n'est, de son côté, qu'une suite de sonorités diversement combinées. Et, sans nul doute, la poésie en tire une large part de ses prestiges! Doit-on, pour autant, nier le rôle qu'y jouent le sens et l'évocation?
HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 234.
4. [Suivi d'un inf. passé] Dans le huitième siècle, un pape ignorant avait persécuté un diacre pour avoir soutenu la rondeur de la terre, contre l'opinion du rhéteur Augustin (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 142). Le président Brisson, honnête homme et savant, pour avoir conseillé au roi de se défier des courtisans, fut pendu (COURIER, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 1, 1822, p. 147).
5. [Introd. la justification du dire] Mon dieu, me disais-je, comme il faut que ces actrices soient habiles pour prendre ainsi tout de suite l'air des autres! (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 110).
— Pour un peu. Il suffirait/aurait suffi d'une cause minime et ce qui est dit serait/aurait été. Une maîtresse qui, pour un peu, ne saurait pas lire et ignore absolument jusqu'aux titres des livres que je fais (GONCOURT, Journal, 1860, p. 819).
C.— [Marque l'idée de concession]
1. Pour + inf. [Ce qui est décrit dans le syntagme en pour ne suffit pas, quoi qu'on ait pu penser, pour rendre moindre ce que décrit le verbe princ.]
— [La prop. princ. est nég. ou interr.; elle comporte également un autre élément d'interprétation concessive (en partic. ne pas moins)] Et ceux qui croient qu'un amour d'écolier, pour être sans espoir et sans but, n'est pas vif et dévoué, ceux-là se trompent (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 105). Le bien qui est fait en est-il moins un bien, pour être fait d'une manière contraire à leur pensée? (SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 31). La victoire, pour être complète, n'en est donc pas moins maintenant d'une application difficile (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1850, p. 134) :
• 15. ... cette nouvelle « béatitude de l'âme » (...) pour être moins dispendieuse, moins ruineuse pour l'organisme, elle ne le détourne pas moins de l'effort et de la réalisation.
GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1101.
— Plus rarement. [La prop. princ. est positive, mais le syntagme introd. par pour comporte l'adv. moins] Elle avait une idée du monde de Camille qui, pour être moins haute que celle qu'elle avait eue du monde sénatorial, le mettait encore bien au-dessus d'elle (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1937, p. 77). Le cheptel est réduit de moitié. Pour être moins apparents, les dommages causés par les spoliations de biens sont beaucoup plus lourds encore (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 234).
♦ [La prop. princ. est positive, mais elle comporte par ailleurs un élément concessif] Cette ferveur nationale, pour être apaisée, subsiste cependant (E. CHARLES ds SANDF. t. 3 1965, p. 416).
2. Pour + adj. + que (+ subj.). Il (...) lui jura que, pour grand que fût son amour, son amitié l'emportait de beaucoup encore (GIDE, Caves, 1914, p. 763). Ce succès, pour modeste et incomplet qu'il fût, m'apparaissait comme une première étape vers la victoire (JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 61). Je me sentais perdu et, pour absurde que cela paraisse, j'eus un bref mouvement de désespoir (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 108).
— Pour si + adj. + que (+ subj.). Elle tranche sur mes impressions coutumières au contraire parce que, pour si rare qu'elle soit, elle me paraît plus naturelle (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p. 117). Pour si court qu'il fût et apparemment dénué de toute signification, je date du passage de Monella à la maison tous les changements apportés à nos habitudes après sa disparition (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 126).
3. Pour peu que (+ subj.). Quelque peu que. Pour peu qu'il réfléchisse, il comprendra que... Même s'il réfléchit peu, avec un minimum de réflexion. L'honnête homme, détrompé de toutes les illusions, est l'homme par excellence. Pour peu qu'il ait d'esprit, sa société est très aimable (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 58). Votre ami, pour peu qu'il y veuille réfléchir, lui-même en conviendra (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1819, p. 14) :
• 16. La petite fille de Brénugat était d'une sagesse exemplaire. Pour peu qu'elle commençât de pleurer, de rire, ou de chanter, Sénac disait : — Les enfants, c'est très joli.
DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 220.
D.— [Marque la conséquence] Pour son malheur; ce n'est pas pour lui déplaire.
— En partic.
1. [En corrél. avec une idée d'intensité] Trop, assez, pas assez, suffisamment pour...
— Pour + inf. Il est trop bête pour être vraiment méchant (= il n'est pas vraiment méchant, étant trop bête). Il a été assez bête pour le répéter (il l'a répété, sa bêtise ayant suffi à le lui faire répéter). Le faiseur de sépultures (...) était trop ivre pour être honteux (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 331). D'abord, les discordances externes ne sont jamais assez nombreuses pour éliminer complètement les coïncidences (LÉVI-STRAUSS, Anthropol. struct., 1958, p. 131).
— Pour que. Il y a assez de désert pour que, du centre, on ne voie point d'autre horizon (NERVAL, Filles feu, Angélique, 1854, p. 572). Il pleut cependant trop fort pour que je puisse me promener dans les bois (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 242).
2. [En corrél. avec l'idée de condition suffisante] Suffire pour. Le chant d'un oiseau suffit pour animer la contrée, et le plus léger souffle des airs a changé pour nous la nature (SENANCOUR, Rêveries, 1799, p. 47). Avez-vous jamais entendu (...) un militaire se plaindre (...) qu'il suffit d'être un scélérat pour être invulnérable? (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 17).
Prononc. et Orth. :[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Cause A. 1. 842 « en considération, au nom de » (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie, p. 2, 3 : Pro Deo amur); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 223 : Por amor Deu; 461); 2. « à cause de, en raison de, par le fait de » a) 2e moit. Xe s. d'un fait, d'une chose (St Léger, éd. J. Linskill, 65, 144, 209 : Por ciels signes que vidrent tels, Deu presdrent mult a conlauder); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 686, 957, 1377 : Por itels colps nos eimet li emperere; 2507 : Pur ceste honur e pur ceste bontet, Li nums Joiuse l'espee fut dunet); id. suivi de l'inf. prés. (ibid., 1092 : Pur ben ferir l'emperere plus nos aimet), plus souvent suivi, à l'époque mod., de l'inf. passé : 1664 (MOLIÈRE, Tartuffe, préf. : comme on ne s'avise point de défendre la médecine pour avoir été bannie de Rome [...] on ne doit point aussi vouloir interdire la comédie pour avoir été censurée en de certains temps); b) ca 1050 d'une personne (St Alexis, 397 : Tantes dolurs ad pur tei anduredeo no's coist); 937-952 poro (Jonas, éd. G. de Poerck, 24, 201), cf. T.-L., s.v. poruec; b) ca 1100 por ço « id. » (Roland, 1479); c) id. pur que « id. » (ibid., 3759); 2. a) 937-952 por qe, porqet « parce que » (Jonas, 148 : dunc fut Jonas mult letus co dicit. por qe Deus cel edre li donat a sun souev et a sun repausement; 166); ca 1050 pur que (St Alexis, 439); b) 2e moit. Xe s. por cio que « id. » (St Léger, 53 : Cio controverent baron franc, Por cio que fud de bona fiet, De Chielperig fesissent rei); ca 1100 por ço que (Roland, 2102 : Rumput est li temples, por ço que il cornat [Rollant]), empl. encore en us. au XVIIe s., cf. [1634] VOITURE, Lettre à Melle de Rambouillet, LIII ds Œuvres, éd. Paris, J. Clousier, t. 1, 1734, p. 130 : Je ne sçai pour quel intérêt ils tâchent d'ôter à Car, ce qui lui appartient pour le donner à Pour ce que; ni pourquoi ils veulent dire avec trois mots, ce qu'ils peuvent dire avec trois lettres; Trév. 1704-71 note que cet empl. ,,vieillit, et ne se dit plus que dans le Comique``. II. But. Direction. Intention A. 1. « dans l'intérêt de, pour le bien de, en faveur de » 842 (Serments de Strasbourg, p. 2, 3 : et pro christian poblo et nostro commun salvament); 881 (Ste Eulalie, p. 3, 26 : Tuit oram que por nos degnet preier Qued auuisset de nos Christus mercit); 2e moit. Xe s. (St Léger, 240 : Il nos aiud [Lethgiers] ob ciel Senior Por cui sustinc tels passïons!); empl. subst. av. 1654 le pour et le contre (GUEZ DE BALZAC, liv. I, lett. 3 ds LITTRÉ [le texte n'a pu être retrouvé dans l'éd. de 1665 indiquée dans les sources de LITTRÉ, ni dans celles de 1633 ou de 1642]); 1656 id. (PASCAL, Provinciales, VI, Paris, 1966, p. 93); 2. « (d'une chose) fait à l'intention de, destiné à » ca 1050 (St Alexis, 587 : D'or e de gemmes fut li sarqueus parez Pur cel saint cors qu'il i deivent poser); ca 1100 (Roland, 154 : Enz en voz bainz, que Deus pur vos i fist, La vuldrat il chrestiens devenir); 3. « à l'égard de, à l'endroit de (quelqu'un) » ca 1100 (ibid., 842 : .C. milie Francs pur lui [Carle] unt grant tendrur); 4. 1385 « favorable à, du parti de (quelqu'un) » estre pour le Roy (Pièces inédites relatives au règne de Charles VI, éd. L. Douët d'Arcq. t. 1, p. 68). B. 1. But dans l'espace a) ca 1050 guarder an luing por [aucun] « regarder au loin pour voir l'arrivée d'une personne attendue » (St Alexis, 473 : Sire Alexis, tanz jurz t'ai desirrét [...] Et tantes feiz pur tei an luinz guardét); après certains verbes de mouvement, por suivi d'un n. de pers., évoque l'idée que la pers. en cause est recherchée, mandée (MOIGNET, p. 319); ca 1100 aler pur (Roland, 2859 : Kar mei meïsme estoet avant aler Pur mun nevold que vuldreie truver); ca 1165 corre por (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 15462 ds T.-L.); ca 1170 enveier pur (Rois, I, XI, 7, éd. E. R. Curtius, p. 81); b) 1791 « dans la direction de » partir pour (Ch. P. DUCLOS, Œuvres, éd. Paris, Colnet et Fain. 1806, t. 7, p. 105); 2. durée, terme dans le temps a) 1419, mai « pendant la durée de » pour l'absence des aultres exécuteurs [testamentaires] (Inventaire des biens meubles de N. de Baye ds N. DE BAYE, Journal, éd. A. Tuetey, t. 2, 1888, p. XLIX); déb. XVe s. pour suivi d'une indication chronol. chiffrée pour ung an... (Quinze joies de mariage, éd. J. Rychner, VII, 15, p. 57); b) terme dans le temps 1606 introd. l'indication de l'époque pour laquelle une action a été prévue pour aujourd'huy (NICOT). C. Finalité 1. a) ca 1050 por suivi de l'inf.; le régime de cet inf. est régulièrement placé entre la prép. et l'inf. (St Alexis, 254 : De la viande ki del herberc li vint, [...] N'en fait musgode pur sun cors engraisser); ca 1100 (Roland, 26), cf. 1647, VAUG., p. 63 : Cette preposition ne doit rien avoir entre elle et l'infinitif qui les sépare, si ce n'est quelque particule d'une ou deux syllabes [...]; [...] d'y mettre plusieurs syllabes [...], il n'y a rien de si rude; b) ca 1100 por suivi d'un subst. abstr. ou d'un pron. (Roland, 3397, 3620 : ,,Munjoie!`` escriet [Carles] pur la reconuisance); 2. loc. a) ca 1100 por ço que suivi du subj. « afin que » (Roland, 1004 : Sunent mil grailles por ço que plus bel seit); b) 1244, juin pour que suivi du subj. (Trésor des chartes du comté de Rethel, éd. G. Saige et H. Lacaille, t. 1, p. 154). D. Intention 1. 1456 estre pour suivi de l'inf. « être sur le point de » (ANTOINE DE LA SALE, Jehan de Saintré, éd. J. Misrahi et Ch. A. Knudson, p. 105, 12); 2. 1549 estre pour id. « être disposé à, avoir l'intention de » (DU BELLAY, Olive, 2e préf. ds HUG.). III. Échange. Équivalence. Comparaison. Relation A. Échange, compensation 1. introd. un subst. exprimant une valeur « au prix de, moyennant » a) sans indication de valeur précise 881 en prop. nég. (Ste Eulalie, p. 3, 7 : Elle no'nt eskoltet les mals conselliers Qu'elle Deo raneiet chi maent sus en ciel, Ne por or ned argent ne paramenz); ca 1050 (St Alexis, 163 : Pur amistét ne d'ami ne d'amie, Ne pur honurs ki l'en fussent tramise[s], N'en volt turner, tant cum il ad a vivre); ca 1100 (Roland, 888 : Pur tut l'or Deu ne volt estre cuard); id. en prop. affirm. (ibid., 3756 : Les .XII. pers ad traït por aveir); b) introd. un subst. exprimant une valeur précise 1174-76 (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 2092 : un cheval unt pur uit deniers lué); 2. ca 1100 introd. un subst. désignant un dommage, un préjudice demandant dédommagement, compensation (Roland, 2809 : Li reis Marsilie enqui sera venget : Pur sun poign destre l'en liverai le chef); 3. 1176-81 introd. un subst. désignant un service pouvant entraîner une rémunération (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier à la Charrette, éd. M. Roques, 109 : sachiez bien Que je n'ai en cest monde rien Que je por votre demorance Ne vos doigne sanz porloignance). B. Remplacement, substitution 1. d'une personne a) ca 1100 agissant à la place d'une autre « en prenant la place de » (Roland, 295, 296 : ,,Si li reis voelt, prez sui por vus le face!`` Guenes respunt : ,,Pur mei n'iras tu mie!``); b) ca 1200 notion de préférence (GUIOT DE PROVINS, Bible, 1071 ds Œuvres, éd. J. Orr, p. 43 : Je donroie bien, per Saint Peire, Doze freires por un ami!); 2. d'une chose a) déb. XIIe s. notion de choix, de préférence (BENEDEIT, St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 28 : Pur oc guerpit cist reials eirs Les fals honurs pur iceals veirs); b) fin XIIe s. notion de tromperie loge por cortine (BÉROUL, Tristan, éd. E. Muret4, 2180); ca 1200 vecies por lanterne (GUIOT DE PROVINS, op. cit., 2628, p. 91). C. Équivalence, comparaison 1. a) ca 1050 introd. un attribut qu'il met en rapport avec l'obj. de verbes signifiant « tenir, estimer, considérer » (St Alexis, 266 : Tuz l'escarnissent [Alexis], sil tenent pur bricun); ca 1100 tenir [aucun] pur seignur; por fol (Roland, 364, 2294); b) ca 1150 pur veir « en vérité » (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 561); c) ca 1165 por morz [attribut du suj.]; por morte [attribut du compl.] (BENOÎT DE STE-MAURE, op. cit., 20076, 26191); 2. empl. avec un terme redoublé, exprime a) 1188 une réciprocité (AIMON DE VARENNES, Florimont, éd. A. Hilka, 3068 : A armes en chanp par mesure Li wel requerre ma droiture, Se li dites que je li mant Gent contre gent, a tant por quant; 3072 : Del tot soit a s'aliction Gent por gent ou mon cors a son); b) 1280-83 une équivalence [dr. anc. équivalence entre le délit et la peine] mort pour mort, membre pour membre (Livre Roisin, éd. R. Monier, § 154); c) 1552 une correspondance exacte mot pour mot (EST.); 1689, 3 juill. jour pour jour (SÉVIGNÉ, Lettres, éd. É. Gérard-Gailly, t. 3, p. 474); d) av. 1592 possibilité d'un choix entre deux choses équivalentes ou présentées comme telles (M. DE CASTELNAU, Mém., V, XI ds Mém. relatifs à l'Hist. de France, t. 33, Paris, 1823, p. 346 : et que, grandeur pour grandeur, si le prince d'Espagne...); 1694 (LA FONTAINE, Fables, XII, 1 : scélérat pour scélérat, Il vaut mieux être un loup qu'un homme). D. Relation. Placé en tête de la phrase, met en évidence a) 1160-74 le suj. (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, 427 : E pur l'estrif, que il remaine); 1640 pour moi (CORNEILLE, Horace, II, 3 : Pour moi, je l'ose dire); b) 1676, 1er juin, l'attribut (SÉVIGNÉ, op. cit., t. 2, p. 110 : J'ai à vous dire que vous faites tort à ces eaux de les croire noires : pour noires, non; pour chaudes, oui); c) 1666 le compl. (MOLIÈRE, Misanthrope, III, 1 : Pour de l'esprit, j'en ai). E. Rapport, proportion ca 1208 expression de la proportion entre deux nombres (GEOFFROI DE VILLEHARDOUIN, Constantinople, éd. E. Faral, § 164 : e fu mult grant merveille que por un qu'il estoient en l'ost estoient il .CC. en la ville). IV. Conséquence. Por introd. un inf. A. 1. en parlant d'une pers.; la princ. est nég. a) ca 1100 tel [...] por « capable de » (Roland, 2256, 2889 : Unques nuls hom tel chevaler ne vit Por granz batailles juster e defenir); b) ca 1140 si [...] pur « id. » (Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 29); 2. ca 1100 « assez pour; de manière à; au point de » (Roland, 26 : Prozdom i out pur sun seignur aider; 514 : Jo vos ai fait alques de legerie, Quant por ferir vus demustrai grant ire; 3617 : Trenchet la teste pur la cervele espandre); fin XVe s. estre gens pour « capable de » (COMMYNES, Mém., V, XIII, éd. J. Calmette, t. 2, p. 170); 3. ca 1225 « (en parlant d'une chose) capable de, de nature à » (PÉAN GATINEAU, St Martin, 2177 ds T.-L.). B. Ca 1210 exprime la conséquence prévisible d'un procès « ayant toutes chances de » (ROBERT DE CLARI, Constantinople, éd. Ph. Lauer, XXXIII, 15, p. 32 : Miex nous vient il [...] que nous conquestons viande et avoir par raisnaule acoison, que nous i aillons pour morir de fain). V. Concession, opposition A. 1. dans une phrase nég., ca 1100 pur [aucune rien] « malgré, en dépit de » (Roland, 810; 2990 : Joiuse, Ki pur soleill sa clartet nen escunset; 3417 : Cumunement l'en prametent lor feiz Ne li faldrunt pur mort ne pur destreit); 2. id. la princ. étant nég., pur introd. un inf. « même s'il s'agit de, au risque de » (ibid., 1048 : Ja pur murir ne vus en faldrat uns; 1909); 3. a) id. loc. pur poi [...] ne introd. une concess. au mode ind.; exprime un procès qui a failli se réaliser « il s'en faut de peu que... » (ibid., 304 : Dunc ad tel doel pur poi d'ire ne fent); b) id. por poi que [...] ne (ibid., 3608 : Carles cancelet, por poi qu'il n'est caüt); 4. a) ca 1165 la princ. étant nég., por suivi d'un subst. et de que introd. une rel. au mode subj. « quelque... que » (BENOÎT DE STE-MAURE, op. cit., 489); 1176 (CHRETIEN DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 1490 : Mes por esmai que il en aient N'ont nul talant que il se randent); b) 1394 por + subst. précédé d'un adj. + que « id. » (HARDOUIN DE FONTAINE-GUÉRIN, Trésor de Vénerie, 1766 ds T.-L. : Pour estrange estat qu'il prëist); 5. 1593 la princ. étant nég., pour introd. un inf. « bien que, quoique » (Satyre Ménippée, Harangue de M. d'Aubray pour le Tiers-Etat, éd. Ch. Read, p. 276 : Les Roys pour estre Roys ne laissent pas d'estre hommes). B. 1. 1444 pour suivi d'un adj. + que introd. une concess. au mode subj. « quelque... que; si... que » (ANTOINE DE LA SALE, La Salade, éd. F. Desonay, prol., p. 10, 122 et 11, 141); 2. 1599 pour si suivi d'un adj. + que « id. » (DU VAIR, Médit., Ps. 36 ds HUG.). VI. Condition restr. 1135 por ce que suivi du subj. « pourvu que, dans la mesure où » (WACE, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 165 [ms. A]); ca 1165 por que « id. » (BENOÎT DE STE-MAURE, op. cit., 25415). Du lat. pro « pour » (de même que le logoudorien pro, l'esp. et le port. por, l'a. prov. por, ca 1143 avec une indication de prix « au delà de, plus de » ds BRUNEL, n° 41, 17, 18, t. 1, p. 48; cf. FEW t. 9, p. 402b, note 8; le lat. pro ayant été supplanté par per dans les autres lang. rom. y compris le prov.), devenu por à basse époque (E. DIEHL, Inscriptiones lat. christ. veteres, Berlin, 1961, t. 1, n° 2490 A : si d[eu]s por nobis), peut-être par infl. de per (par1), REW3, § 6762. Du sens « en avant (dans l'espace) » est issu celui de « en faveur de » [II A]; de celui-ci est dér. à basse époque le sens final (IIIe s. ds BLAISE Lat. chrét.) [II C]. De là, en a. fr., les notions de but dans l'espace et de durée dans le temps [II B 1, 2], d'intention, d'imminence [II D] et de conséquence [IV A, B]. Les sens « en échange de, pour le prix de, en retour de » [III B]; « en qualité de, en tant que, comme » (pro occiso relictus, Cicéron) [III C]; « en proportion de, dans la mesure de, selon » [III E; la notion de relation. III D, étant issue de celle de proportion], sont directement issus du lat. class. Le sens causal [I A, B] est dér. de pro « à la mesure de, selon » (poenae pro delicto, Tacite; pro tua clementia, Tite-Live); il est tout à fait clair à basse époque (Peregrinatio Aetheriae, 5, 10 et 25, 12, v. BLAISE Lat. chrét. et LÖFSTEDT, p. 156) : en raison de l'empl. causal de par1 et de por, ces deux prép. ont parfois été confondues au Moy. Âge, notamment dans certaines formules d'invocation, peut-être en raison de la double interprétation possible du [s]pib.jpg" /> dans les mss (v. MOIGNET, p. 319; MÉNARD Synt., § 335, rem.). Du sens causal de por est dér. le sens concess. [V A], résultat de l'opposition entre le verbe à la forme nég. et l'élém. introd. par por qui représente une cause inopérante, c.-à-d. une oppos., une concession. L'empl. concess. V B [pour + adj. + que] est dér. de V A 4 [por + subst. précédé d'un adj. + que]. La condition restr. [VI] « dans la mesure où, pourvu que » est issue du sens « pour le prix de » [III A]; FEW t. 9, p. 401b. Fréq. abs. littér. :450 662. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 685 063, b) 610 655; XXe s. : a) 603 828, b) 641 715. Bbg. ANSCOMBRE (J.-Cl.). Pour autant, pourtant,... Cah. Ling. fr. Genève. 1983, n° 5, pp. 37-64. — BEMENT (N. S.). The Early history of Fr. pour que. Rom. Philol. 1955/56, t. 9, pp. 429-435. — CADIOT (P.). Pour et de. In : Sprachen in Kontakt, von J. Caudmont. Tübingen, 1982, pp. 113-128; Saturation gramm. et saturation discursive : rem. sur qq. emplois de pour. DRLAV. 1979, n° 21, pp. 128-134. — DARCUEIL (J.). Ét. de l'expr. de la concession en fr. Banque Mots. 1980, n° 20, pp. 156-158. — EBNETER (Th.), GESSNER (M. P.). La Causalité en fr. parlé. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1974, t. 12, n° 1, pp. 325-345. — GAUTIER (L.). Qq. tours néologiques. Fr. mod. 1962, t. 30, pp. 256-257. — HASSELROT (B.). La Constr. si grand qu'il soit et ses concurrents ds le fr. contemp. R. Ling. rom. 1970, t. 34, pp. 39-47. — HENRY (A.). Ét. de synt. expressive. Bruxelles, 1977, pp. 111-124. — IRMEN (F.). Frz. pour und pour que. Z. für Mundartforschung. 1939, t. 63, pp. 198-234. — LOMBARD (A.). Den franska Konjunktionen pour pas que. Moderna Språk. 1948, t. 42, pp. 179-180. — LORIAN (A.). Ce pour quoi, ce pourquoi ou c'est pourquoi? R. Ling. rom. 1968, t. 32, pp. 341-361. — MOREL (M.-A.). Ét. sur les moy. gramm. et lex. propres à exprimer une concession en fr. contemp. Thèse, Paris, 1980, passim. — WASER-HOLZGANG (D.). Beitr. zur Syntax der Präpositionen par und pour im modernen Frz. Bern, 1954, 92 p.
pour [puʀ] prép.
ÉTYM. 842, pro, in Serments de Strasbourg; por, in Vie de sainte Eulalie, Xe; lat. pro « devant », devenu por en lat. vulg. Le sens de « en faveur de, à la place de, en échange de » existait déjà en latin.
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I (Marquant l'idée d'échange, d'équivalence, de correspondance, de réciprocité).
1 En échange de; à la place de. || Pour un de perdu (supra cit. 62), dix de retrouvés. || Acheter, acquérir, livrer (cit. 14), vendre qqch. pour telle somme. ⇒ Contre, moyennant. || Pour un prix modique, pour dix sous (→ Lunette, cit. 4). || Je l'ai eu pour une bouchée de pain, pour rien. || En avoir pour son argent. ☑ Un prêté pour un rendu. ☑ Pas pour un empire (cit. 18 et 19). || Pour un client malhonnête (cit. 5) cinq… tiendraient parole. || Pour tout l'or (cit. 25 et supra) du monde.
♦ Ellipt. ☑ En avoir, en vouloir pour son argent (cit. 55 et supra). Iron. || Il en a été pour son argent, pour ses frais (cit. 13, 14 et supra). Fig. || En être (cit. 86) pour…
♦ ☑ Loc. (vx). N'avoir pas pour un… : n'avoir pas seulement un, pas qu'un… ⇒ Que.
♦ Tant pour cent. ⇒ Cent; pourcentage (→ 1. Marc, cit.).
REM. Avec les expressions de ce type (cinq, dix…) pour cent (%), pour mille (‰), suivies d'un complément singulier, le verbe se met au singulier, ou au pluriel selon que la pensée insiste sur le nom complément (dix pour cent de la population est dans l'industrie lourde) ou sur le numéral (cinq pour cent d'augmentation seront accordés); cf. Grevisse, le Bon Usage, §812.
♦ ☑ Loc. Prendre, dire un mot pour un autre (→ Non, cit. 57), au lieu de… || Vous me prenez pour une femmelette (cit. 3). || Pour qui me prenez-vous ? — Traduire mot pour mot (on dit aussi mot à mot). ☑ Mot pour mot (cit. 37). — ☑ Rendre coup pour coup (cit. 4). — ☑ Œil (cit. 49 et 50) pour œil, dent pour dent. — Virer lof (cit.) pour lof. — Mesure pour mesure (titre français d'une comédie de Shakespeare). — Il y a tout juste un an, jour pour jour (cit. 36). || Trait pour trait.
1 Je n'aurais pas du moins à cette aveugle rage
Rendu meurtre pour meurtre, outrage pour outrage (…)
Racine, Athalie, II, 7.
2 (…) il se borna à lui jeter un veston de pyjama. Elle ne vit là qu'un jeu, et rendit projectile pour projectile (…)
Colette, Belles saisons, p. 136.
3 Elle-même, aiguillonnée d'inquiétude et de désir (…) rendit amour pour amour avec une fureur inconnue d'elle.
France, le Lys rouge, XXIII.
♦ Une fois (cit. 3) pour toutes (→ Force, cit. 72).
2 Pour, employé avec un terme redoublé, marque la possibilité d'un choix entre deux choses, deux circonstances équivalentes ou présentées comme telles : puisque telle chose vaut telle autre (→ À tant faire que de…, et, fam., tant qu'à faire).
4 (…) mourir pour mourir, j'aimerais mieux que ce fût à l'endroit où j'étais qu'à deux lieues plus loin.
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 509.
5 J'ignorais que servitude pour servitude, il vaut encore mieux être asservi par son cœur que l'esclave de ses sens.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 145.
3 Pour, établissant un rapport d'équivalence, entre deux termes. ⇒ Comme, fait (en fait de), guise (en guise de), tant (en tant que), etc. || « L'amour pour principe, l'ordre (cit. 29) pour base et le progrès pour but » (A. Comte). || Donner la religion pour fondement (cit. 7) à la morale. || Avoir pour effet, pour conséquence. || La littérature (cit. 5) a pour substance et pour agent la parole.
♦ (Avec tout, seul…). || Pour tout, pour seul avantage, pour tous avantages : comme seul, unique avantage. ⇒ Guise (en guise de), manière (en manière de). ☑ Pour tout potage. — Avoir pour maître (cit. 78), pour élève (→ Loger, cit. 13). || « Il ne faut choisir (cit. 5) pour épouse que la femme qu'on choisirait pour ami, si elle était homme » (Joubert). — Prendre pour femme (→ Lignage, cit. 1). — Tenir pour… (→ Fond, cit. 30; 1. lieu, cit. 55). — ☑ Loc. Se le tenir pour dit. ⇒ 1. Dire (cit. 29 et supra). — Laisser (cit. 45) qqn pour mort (cit. 4). — ☑ Compter pour rien, pour du beurre (fam.), pour beaucoup (→ Différence, cit. 9). — ☑ Pour le moins (cit. 22, 23 et supra). — Passer pour. ⇒ Passer (cit. 77 à 82). || Être connu pour… (→ Fille, cit. 35). || Les artistes le reconnaissaient pour un maître (cit. 91).
6 Mon Dieu, préservez-moi des rides de l'esprit ! Et surtout gardez-moi de ne pas les reconnaître pour des rides !
Gide, Journal, 19 mai 1919.
♦ ☑ Loc. fam. Pour de bon (cit. 127), pour tout de bon : d'une façon « bonne », réelle, authentique. — ☑ Fam. (enfantin). Pour de vrai : vraiment. — ☑ Régional ou vx. Pour sûr.
7 (…) ce n'était pas une amourette comme il y en a tant. Mais c'était pour de vrai, pour de bon, cette fois.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, XIII.
8 Tu racontes que tu ne te sens supérieur à personne; mais pour de vrai, tu méprises tout le monde (…)
S. de Beauvoir, les Mandarins, p. 468.
4 En prenant la place de… (⇒ Remplacer). || Les pères se livrèrent (cit. 19) pour les fils. || Financer (cit. 2), payer pour qqn. || Le mandat, la procuration permet à une personne d'agir pour une autre. || Parler pour qqn (→ Porte-parole). — Pour le directeur, pour le chef de service (dans une lettre, une circulaire…), mention précédant la signature du subordonné qui remplace ces personnes.
5 En ce qui concerne… (une chose, une personne prise comme objet et, le plus souvent, par comparaison avec d'autres). || Approuver (cit. 13) pour une idée ce qu'on blâme pour une autre. — ☑ En tout et pour tout.
9 (…) que la comparaison de la lune au soleil pour la grandeur, pour l'éloignement, pour la course ?
La Bruyère, les Caractères, XVI, 43.
10 On est pour les livres à peu près comme pour les hommes : on exige d'eux toujours ce qu'ils nous ont accoutumés à en attendre.
Mme de Staël, De l'Allemagne, II, XII.
♦ Par rapport à… || Il n'est pas mal du tout pour son âge. || Il fait froid pour la saison.
♦ Pour, servant « à mettre en évidence, généralement en tête de la phrase, le sujet, l'attribut ou l'objet » (Le Bidois, §1877).
a (Sujet). || Pour moi, je pense que… ⇒ Quant (à); → Austère, cit. 12; manger, cit. 14; parole, cit. 12. || Pour ma part… ⇒ art (infra cit. 8). — Pour toi, Socrate, tu n'étais que… (→ Camus, cit. 1). || « Pour l'homme aux rubans verts… » (→ Divertir, cit. 10).
♦ (Avec une valeur d'opposition). || Pour une jeune fille, elle n'en sait pas mal (2. Mal, cit. 29).
11 Quel beau temps, pour un 3 novembre.
Pierre Benoit, Bethsabée, p. 216.
b (Attribut). Littér. (Avec un adj.). || « Pour stupide, tu l'es » (R. Rolland). || « Pour jolie, elle l'avait toujours été comme personne » (Loti). || « Pour savante, c'est une autre affaire » (Musset, Il ne faut jurer de rien, III, 4). || « Oh ! pour impatientée, elle l'était réellement » (Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques). — Cour. (Avec un nom). || « Pour un orateur, c'est un orateur » (Romains, in Le Bidois, §1877).
c (Objet). || « Pour de l'esprit, j'en ai » (Molière, le Misanthrope, III, 1). — Pour ce qui est de… : en ce qui concerne, à l'égard de…, par rapport à…
12 Pour les après-dînées, je les livrais totalement à mon humeur oiseuse et nonchalante (…)
Rousseau, les Confessions, XII.
13 Pour le problème de l'influence extérieure, du pouvoir temporel par emplois et fonctions, on peut l'examiner sans hâte; il est de toute éternité.
G. Duhamel, Défense des lettres, II, XI.
♦ Fam. || Pour ça, on a de la chance !, en ce qui concerne la chose dont on parle.
14 On a bonne mine, les gars. Pour ça, on a bonne mine.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 69.
d (Pour, introduisant un infinitif avec reprise d'un terme de la principale). || Pour être malin, il est malin, il l'est, il l'est bien. || Pour avoir de la chance, il en a !
15 Pour me soigner, elle m'a soigné ! Elle venait me voir dix fois par jour.
Pierre Vialar, Risques et Périls, p. 63.
15.1 Est-ce que vous recevez beaucoup ? — (…) Oui, oh ! ça oui… pour recevoir… ça, je reçois.
Sacha Guitry, Ils étaient 9 célibataires, p. 305.
REM. 1. Dans la langue classique pour pouvait être construit devant une autre préposition, par ellipse de l'infinitif. « Quelque chose dans notre tête, à la bonne heure… mais pour dans la mienne… » (Mariv., Jeu de l'amour, II, 11)… « Pour à de l'argent… » (Mariv., Paysan, II)… « mais pour de mari, néant » (Mariv., Paysan, I)… « Il faut des hommes : mais pour des hommes de génie, point » (Dider., Rameau, 132); cités par Brunot, H. L. F., t. VI, p. 1526-1527.
2. Cf. aussi le germanisme (ou flamandisme). « Qu'est-ce là pour un homme ? (quel homme, quelle sorte d'homme est-ce là ?), courant dans toute la Wallonie (…) répandu aussi en Lorraine, dans la Suisse romande et même en Savoie » (Grevisse).
6 En ce qui concerne une personne en tant que sujet, dans sa conscience, son esprit. ⇒ Œil (à mes yeux, à ses yeux). → Arène, cit. 10; impulsion, cit. 11; invincible, cit. 6; lumière, cit. 29. || Pour lui, toutes les religions se valent. || Il n'est plus rien pour moi, il était tout pour elle. || Rien ne compte plus pour nous. || Pour qui eût compris… (→ Limier, cit. 6). || Ce n'est un mystère, un secret pour personne. — Philos. || Le pour-soi.
16 On aurait dit que j'existais de deux manières : entre ce que j'étais pour moi, et ce que j'étais pour les autres, il n'y avait aucun rapport.
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée, p. 140.
———
1 (Marquant la direction, le but dans l'espace). Partir pour une destination, une ville, un pays… ⇒ Partir (cit. 8 à 12 et supra). || Le train pour Paris, pour l'Italie. ⇒ De (cit. 6), vers. || Les voyageurs pour Lyon, en voiture !
♦ Mar. (vx). || « Partir pour France » (Académie), pour la France. — Pour où (cit. 29). || « Je ne songe plus qu'au départ, mais pour où ? » (Gide, Journal, 14 mai 1943).
2 (Marquant le terme dans la durée, dans le temps). || Pour le lendemain (→ Location, cit. 2). || Ce sera pour ce soir, pour la semaine prochaine. || Alors, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?
17 Il ne lui reste plus, s'il ne tend pas la main,
Que la faim pour ce soir et la mort pour demain.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Lettre à Lamartine ».
18 Vous partez ? — Oui ! c'est pour ce soir —
Où allez-vous ? Reims ou Belgique !
Apollinaire, Ombre de mon amour, p. 34.
♦ Pendant (telle durée), dans le futur. || Pour six mois, pour deux ans : pendant six mois, deux ans à partir de maintenant (→ Lier, cit. 33; mornifle, cit. 1). || Pour un moment, un temps. || Pour l'éternité (→ Apprendre, cit. 11). — C'est assez pour aujourd'hui (→ Finir, cit. 11). || Pour le moment. || Pour l'heure (cit. 89 et supra).
19 Elle se trouvait donc libre pour la semaine entière.
Maupassant, les Sœurs Rondoli, « Le mal d'André ».
♦ Pour longtemps (cit. 3), pour toujours (→ 2. Finale), pour jamais… || Pour lors (→ Marchandise, cit. 3). ⇒ Alors. — Pour quand ? || C'est pour quand, ton départ ?
20 Est-ce que vous voulez apprendre à danser pour quand vous n'aurez plus de jambes ?
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 3.
♦ Pour, suivi d'une préposition. || Pour dans; pour après; pour jusqu'à… (→ Fin, cit. 5).
21 (…) ce qu'il désirait pour après sa mort (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. I, p. 308.
22 (…) la guerre générale qui se prépare pour dans deux ou trois ans (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XXI, II, p. 42.
♦ Par ext. || Pour une fois, pour cette fois. ⇒ Fois (cit. 17 à 19 et supra). — Pour le coup. ⇒ Coup (cit. 67, et supra cit. 64).
3 Pour, marquant la destination figurée (dans l'intérêt, en faveur de…), le but, l'intention…
a Destiné à…; à l'usage de… || L'eau pour les bêtes et l'arrosage (→ Mare, cit. 1). || Une cuillerée, une louchée pour chacun… (→ 2. Louche, cit. 1). || Il n'y en aura pas pour tout le monde. || Tailleur pour hommes. || Film pour adultes. || Journaux pour enfants.
23 Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
Racine, Andromaque, V, 5.
♦ Fait (cit. 271 à 273), prévu pour (tel usage). — ☑ Ellipt. et fam. C'est fait, c'est pas fait pour, étudié pour. — (Personnes). || Vous n'êtes pas fait pour cette vie : cette vie ne vous convient pas.
24 Tout lui paraissait créé dans la nature avec une logique absolue et admirable. Les « Pourquoi » et les « Parce que » se balançaient toujours. Les aurores étaient faites pour rendre joyeux les réveils, les jours pour mûrir les moissons, les pluies pour les arroser, les soirs pour préparer au sommeil et les nuits sombres pour dormir.
Maupassant, Clair de lune.
♦ Spécialt. Destiné à combattre, à guérir… || Remède, médicament pour telle maladie. ⇒ Contre.
b En vue de… || Pour son plaisir, pour le plaisir (→ Faire, cit. 9; fortune, cit. 50). || Pour son compte, son propre compte (→ Libertin, cit. 14; marché, cit. 3). || Pour leur intérêt. ⇒ Dans (→ Maître, cit. 12). || C'est pour son bien. || Pour votre gouverne (cit. 2 et 3). || Spectacle offert pour une fête, pour un anniversaire (⇒ Honneur [en l']), pour une occasion… — Pour le meilleur et pour le pire. || Pour le cas où… : dans le, au cas où (→ Ligne, cit. 29). — || « Pour si jamais… » (Proust, Correspondance, in Le Bidois).
24.1 Ils avaient des couvertures pour si le temps changeait (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 381.
24.2 C'est pour si vous aviez besoin (…)
M. Aymé, Maison basse, p. 81.
♦ ☑ Loc. Faire qqch. pour la forme (cit. 61 et 62). || Pour la frime (cit. 2). || Parler, poser pour la galerie (cit. 10). || Pour la gloire, pour l'honneur. ⇒ Nom (au nom de). — ☑ Pour mémoire. — (Avec un terme redoublé). ☑ L'art pour l'art (cit. 82 et supra).
25 Cette profondeur, où se tapit un orgueil de père et de Dieu, contient le culte de l'amour pour l'amour, comme le pouvoir pour le pouvoir fut le mot de la vie des jésuites (…)
Balzac, la Fausse Maîtresse, Pl., t. II, p. 31.
26 Je n'ai jamais dit : l'art pour l'art, j'ai toujours dit : l'art pour le progrès.
Hugo, Correspondance, À Baudelaire, 6 oct. 1859.
c À l'égard de… ⇒ Envers. || Passion (cit. 23) haine pour qqn (→ Faveur, cit. 4). || Sentiments des pères pour leurs fils (→ Attendre, cit. 16). || Mon admiration, mon amitié pour lui (→ Attaquer, cit. 34; 2. mort, cit. 22). || Par égard pour lui. — Magnanime (cit. 2), indulgent, sévère pour qqn. — Éprouver, ressentir un sentiment pour qqn (→ Malgré, cit. 14; morsure, cit. 3). || S'en faire (cit. 250), trembler (→ Foyer, cit. 7) pour qqn. — Vx. || S'intéresser (cit. 16) pour… ⇒ À. — Être (cit. 55 et supra) tout pour quelqu'un.
26.1 Elle n'était guère belle que pour elle-même et pour les rares hommes qui avaient été épris d'elle.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 742.
♦ Tant mieux, tant pis pour lui (→ Malavisé, cit. 2). || C'est bien fait pour elle ! || Malheureusement (cit. 3) pour lui. — Fam. || Crotte, merde (cit. 3), zut… pour lui !
d En faveur de…, pour l'intérêt, le bien, la sauvegarde de… (→ Elle, cit. 5; lourd, cit. 24). || Former (cit. 12) des vœux, intercéder (cit. 4), prier pour qqn. || Quêter pour les pauvres. ⇒ Profit (au). || Faire qqch. pour qqn. ⇒ Intérêt (dans l'). — ☑ Prov. Chacun (cit. 14) pour soi et Dieu pour tous. || Pour la Patrie (→ Fort, cit. 80). || Mourir pour une religion (→ Martyr, cit. 4). || Parier (cit. 8), opter pour… (→ Lettre, cit. 40). || Voter pour qqn. || Prendre parti pour… (⇒ Partisan). || Il ferait des folies pour elle. — Ellipt (fam.). || Je ne paierais pas pour. || Je vote pour.
26.2 — Aimez-vous les épinards ? — Avec des petits croûtons je les supporte, mais je ne ferais pas des folies pour.
R. Queneau, Zazie dans le métro, Folio, p. 80.
♦ ☑ Loc. fam. (en parlant aux enfants). Une bouchée, une cuillerée pour papa… : pour faire plaisir à papa…
27 (Manger était) le plus sérieux de mes devoirs : « Une cuiller pour maman, une pour bonne-maman… Si tu ne manges pas, tu ne grandiras pas. »
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée, p. 11.
♦ Être pour… (qqn ou qqch.) : être partisan de… ⇒ Côté (de son côté); être (cit. 88). || Quiconque n'est pas pour lui est contre lui (→ Parti, cit. 16). || Je suis pour les gens qui disent (cit. 16) leur pensée. — Ellipt (fam.). || Je suis pour. || C'est idiot : personne ne sera pour.
28 Il (le surréalisme) considérait — semblable en ceci au parti communiste — que tout ce qui n'était pas totalement et exclusivement pour lui était contre.
Sartre, Situations II, Notes, p. 318.
4 Pour (suivi de l'infinitif) : afin de pouvoir. ⇒ Afin (de), effet (à l'effet de), manière (de manière à), vue (en vue de…); → Arc-bouter, cit. 4; levée, cit. 1; liberté, cit. 26; 1. livre, cit. 19; machine, cit. 22; main, cit. 46. || « Pour réparer des ans (cit. 19) l'irréparable outrage » (Racine). || Il faut manger pour vivre (→ Frugalité, cit. 1). || Faire l'impossible, tout tenter pour… (→ Fléchir, cit. 8). || Travailler pour vivre. || Attendre (cit. 43, 49 et 56) pour faire qqch. || « On ne loue (1. Louer, cit. 9) d'ordinaire que pour être loué » (La Rochefoucauld). || Voilà cent francs pour boire (⇒ Pourboire). — Comme pour faire… (→ Arlequin, cit. 5; livrer, cit. 6). — Pour quoi faire ? (parfois écrit fautivement : pourquoi faire). — Pour ce faire : pour faire cela.
♦ Pour ne… pas (→ 2. Morgue, cit. 2). || Pour n'avoir pas à… (→ Fond, cit. 56). — Pour ne les pas (2. Pas, cit. 10) gâter. || Pour ne pas se mettre mal (2. Pas, cit. 10) avec lui.
29 Nous sommes revenus par le chemin de Saint-Malo, pour ne pas le rencontrer.
Maupassant, Mon oncle Jules.
♦ Pour (suivi de l'infinitif), ne marquant plus qu'une valeur finale (ou intentionnelle) très atténuée. || On s'accorde, ils s'accordent pour dire… (au sens propre : on se met d'accord dans l'intention de dire) : ils sont d'accord en disant… — ☑ Loc. Pour ainsi dire (→ Lendemain, cit. 2), pour mieux dire, pour tout dire (→ Palabre, cit. 2). ⇒ Dire (infra cit. 104). ☑ Ce n'est pas pour dire (infra cit. 31). || Pour parler comme X… — Iron. || Untel, pour ne pas le nommer. — Je l'ai dit pour rire, pour plaisanter (signifie plutôt « en plaisantant » que « dans l'intention de… »). || C'est pour rire (→ Histoire de rire). Dans le langage enfantin, et par infl. de pour de bon : pour de rire.
♦ (Les faits, les événements étant considérés comme voulus par la nature, la providence, le destin, le hasard). → Malédiction, cit. 17, Voltaire.
30 Une mouche éphémère naît à neuf heures du matin (…) pour mourir à cinq heures du soir (…)
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XLIV.
31 (…) ce remue-ménage sournois cesse complètement, une seconde, pour reprendre ensuite (…)
Alain-Fournier, le Grand Meaulnes, I, IV.
32 Ce bonheur-là, qui ne naît que pour mourir (…) sera-ce donc du bonheur totalement perdu pour l'avenir ?
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, p. 12.
♦ Être pour (et l'infinitif) : être sur le point de… ⇒ Être (cit. 89).
33 Quand il fut pour la quitter devant la porte de sa maison (…) elle lui demanda : « Quel jour nous revoyons-nous ? »
Montherlant, les Lépreuses, I, V.
34 — Son homme est peut-être pour partir, dit-elle.
Sartre, le Sursis, p. 15.
REM. 1. Pour, suivi de l'inf. ne s'emploie plus que lorsque le sujet de la proposition finale est le même que celui de la principale (l'inf. peut avoir cependant pour sujet le compl. d'un verbe à valeur finale : Je l'ai choisi pour être votre guide (Le Bidois); on lui a donné cent francs pour aller au cinéma). La langue classique employait ce tour avec deux sujets différents (→ Lourd, cit. 4, Corneille; mandement, cit. 2, Bossuet).
35 Est-ce pour obéir qu'elle l'a couronné ?
Racine, Britannicus, IV, 2.
REM. On dirait plutôt de nos jours : « Est-ce pour qu'il obéisse… »
36 (…) je lui avais envoyé les deux premières parties de Julie pour m'en dire son avis.
Rousseau, les Confessions, IX.
37 Des hommes sont roués de coups par des policiers dans des caves pour les faire avouer, et ils meurent.
Émile Henriot, On n'est pas perdu sur la terre…, III, Du bonheur.
2. Pour éviter l'amphibologie des emplois mentionnés ci-dessus, l'ancienne langue énonçait parfois le sujet entre pour et l'infinitif; cet emploi est encore vivant dans le nord de la France, en Belgique (« J'ai emporté un livre pour moi lire »; cf. Grevisse, le Bon Usage, §1027). Cf. dans la langue juridique :
38 « (…) toute ma fortune restera entre les mains de mon notaire, pendant trois ans, pour ma volonté exprimée plus haut être accomplie (…) »
Maupassant, Miss Harriet, « L'héritage ».
39 S'il fréquenta les salons… c'était seulement pour lui se divertir.
39.1 Il y a l'eau chaude courante, maman trouve que c'est commode pour elle faire la vaisselle.
M. Aymé, Maison basse, p. 37.
5 Pour que… ⇒ Afin (que). || C'est un truc pour que j'ouvre (→ Mensonge, cit. 6). || « Pour que Dieu (cit. 43) nous réponde, adressons-nous à lui » (Musset). || Dérange-toi, manant (cit. 2), pour que je passe.
40 (…) pour que, énonçant la finalité, ne s'est définitivement établi qu'au XVIIIe siècle.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1486.
41 (…) elle pressa Bovary d'écrire à sa mère pour qu'elle leur envoyât vite tout l'arriéré de l'héritage.
Flaubert, Mme Bovary, III, VI.
REM. Lorsqu'il y a deux propositions coordonnées, le second pour que… peut se réduire à que. Il nous a téléphoné pour que nous allions le voir et que nous le ramenions ici.
42 Un peu de peinture verte pour peindre le tout et que ce fût joli.
Loti, le Livre de la pitié et de la mort, XXI.
♦ Iron. En présentant « comme intentionnel un résultat quelconque qu'on prévoit » (Sandfeld). || C'est ça ! laisse ton porte-monnaie sur la table, pour qu'on te le vole !
♦ Pour que… ne pas (→ 1. Manger, cit. 27). Dans une subordonnée introduite par pour… que, la langue très familière intercale souvent la négation ne pas entre les deux éléments de la locution. || Ferme la porte à clef pour ne pas qu'on entre. Pop. (sans ne). || Pour pas qu'il s'en aperçoive.
43 Aujourd'hui, surtout dans la langue populaire, il y a une tendance à réunir pour à pas. Une locution négative de finalité est en train de se forger : pour pas que (…) Cette locution traduit excellemment l'intention négative, elle serait logique et commode.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 849.
44 L'ouvrière reprit : — J'en ai deux (oiseaux), vous comprenez, pour pas qu'ils s'ennuient.
France, les Désirs de Jean Servien, XVIII.
45 Je l'ai pris (ce carnet) pour ne pas qu'Armand le voie (dit Sarah).
Gide, les Faux-monnayeurs, I, XII.
46 C'était pour pas qu'on insiste.
Céline, Mort à crédit, p. 37.
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III (Conséquence). En ayant pour résultat (qqch.). || Pour son malheur (cit. 34 et 35). || « N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? » (cit. 2, Corneille).
47 Qu'en dis-tu ? N'est-ce pas cette même Agrippine
Que mon père épousa jadis pour ma ruine (…)
Racine, Britannicus, I, 4.
48 Chaque fois que j'ai repris Vauvenargues, ç'a été pour ma déception.
Gide, Journal, 16 janv. 1929.
♦ (Suivi de l'infinitif; la principale exprimant une condition). Afin de. || La première condition pour écrire (→ Manière, cit. 4). — Pour faire telle chose, il faut, il est bon, utile… (→ Demander, cit. 40; liberté, cit. 35; main, cit. 51; passer, cit. 70). || « Les moissons pour mûrir ont besoin de rosée » (→ 1. Loi, cit. 36, Musset). || Il suffit de… pour (→ Malchance, cit. 3). — Pour faire telle chose, il faudrait, vous n'auriez qu'à… (→ Appui, cit. 18).
49 Il faut que ce jeune homme aime furieusement l'argent, pour ne pas planter là cette fille (…)
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XIII.
50 (…) il n'y a que les imbéciles et les ambitieux pour faire des révolutions.
France, l'Orme du mail, XIV, Œ., t. XI, p. 163.
♦ Vx. || C'est pour… : c'est une chose à faire…, c'est une chose capable, susceptible de faire… || Être homme pour… : être homme à.
♦ Mod. (sous la forme négative) :
51 Ils savent ces choses-là infiniment mieux que moi. Je ne suis pas pour les contredire.
France, la Vie littéraire, II, in Œ., t. VI, p. 639.
52 (…) voilà une réputation qui n'est pas pour m'effrayer (…)
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 128.
♦ Assez pour…, suffisamment pour…, trop pour… (→ Lettre, cit. 39; maladroit, cit. 4; manigance, cit. 2). || Trop laid pour être infidèle (cit. 10). || Assez, pas assez (cit. 34) pour… (→ Lucratif, cit. 1). || Trop pour ne pas… (→ Âpreté, cit. 11). ☑ Loc. Trop poli pour être honnête. ☑ C'est trop beau pour être vrai.
53 Assez de bien pour en donner
Et pas assez pour faire envie.
Florian, Fables, V, Épilogue.
REM. Pour, séparé de son complément (→ Fil, cit. 22).
54 Mais je n'ai plus assez de jours devant mes pas pour, de toutes ces folies, faire un peu de ferme raison.
G. Duhamel, la Pierre d'Horeb, XVII.
♦ Pour que…, introduisant une subordonnée de conséquence. || « Je suis bien jeune… pour qu'on veuille m'écouter » (Stendhal, la Chartreuse de Parme). || Assez, pas assez (cit. 44), trop… pour que… || Il faut, il suffit… pour que. — Faire une chose à temps pour que (→ Lettre, cit. 26).
55 (…) les maisons (…) étaient assez obscures pour qu'il fallût dès que le jour commençait à tomber relever les rideaux (…)
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 48.
♦ Pour, pour que…, en corrélation avec une interrogative. || Qu'aviez-vous contre elle pour la maltraiter (cit. 2) ainsi ? || Es-tu un prince pour qu'on te flagorne ? (cit. 1). → aussi 3. Droit, cit. 40.
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IV (Cause). À cause de. ⇒ Par (→ Matelassier, cit.; mot, cit. 21). || Puni pour ses fautes (→ Majeur, cit. 6). || Il ne faut pas brûler ses compatriotes pour des arguments (cit. 5). ☑ Prov. Pour un point Martin perdit son âne. — ☑ Loc. Pour un oui, pour un non (→ Canaillerie, cit. 2; guerroyer, cit. 3). || Pour rien. || Beaucoup de bruit pour rien (→ 1. Foin, cit. 7). || Pour sa peine : en considération de. — Merci (cit. 15 et supra) pour… ⇒ De. || Remercier pour… — Pour l'amour du grec (cit. 14). || Pour Dieu (cit. 55). || Pour l'amour de Dieu, taisez-vous !
56 (…) elle voulait être épousée pour sa fausse laideur et ses prétendus défauts, comme les autres femmes veulent l'être pour les qualités qu'elles n'ont pas et pour d'hypothétiques beautés.
Balzac, la Vieille Fille, Pl., t. IV, p. 253.
57 On plaignait donc le capitaine d'Auverney, moins pour les pertes qu'il avait souffertes que pour sa manière de les souffrir.
Hugo, Bug-Jargal, II.
♦ Pour quoi ? pour quelle raison ? ⇒ Pourquoi. || Pour ce que… ⇒ Parce que. || « Pour ce que rire » (Rabelais). — REM. Le tour pour ce que commença à vieillir au XVIIe s., à cause de la confusion du sens causal et du sens d'intention ou de finalité. — Pour le motif, la raison que… ⇒ Par.
58 Je ne sais pour quel intérêt ils tâchent d'ôter à car ce qui lui appartient pour le donner à pour ce que, ni pourquoi ils veulent dire avec trois mots ce qu'ils peuvent dire avec trois lettres.
Voiture, Lettre sur « Car » à Mlle de Rambouillet, 1637.
59 (…) nos libres penseurs qui, le plus souvent, ne pensent pas librement pour la raison qu'ils ne pensent pas du tout.
France, l'Île des pingouins, VII, I.
60 Il me plaisanta pour ce que je n'avais pas su poser mon dernier mot (…)
Gide, la Porte étroite, III.
♦ Le magasin est fermé pour cause de maladie, de décès. — Absolt. || Et pour cause ! : pour une raison trop évidente.
♦ Pour un peu. ⇒ Peu.
♦ Vx. (Suivi de l'infinitif). ⇒ Parce que.
61 Pour être plus qu'un roi, tu te crois quelque chose !
Corneille, Cinna, III, 4.
62 (…) pour être plus lyrique, on finit quelquefois par ne plus être précis du tout.
Gide, les Nouvelles Nourritures, p. 212.
♦ Mod. Littér. (Suivi d'un infinitif passé ou passif). → Marionnette, cit. 8.
63 Ce cœur s'est-il brisé pour avoir trop aimé ?
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Fontaine aux lianes ».
64 Ainsi mourut la fille d'Hamilcar pour avoir touché au manteau de Tanit.
Flaubert, Salammbô, XV.
65 Pour avoir oublié ces choses, l'apprenti sorcier a perdu la tête.
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V (Avec une valeur d'opposition ou de concession).
♦ Littér. || Pour… que (avec un adjectif). ⇒ Aussi, si. || Pour invisible (cit. 10) qu'il fût (→ Malplaisant, cit. 1). ⇒ Quelque. — REM. Ce tour commande généralement le subjonctif, mais on le rencontre avec l'indicatif.
66 La phrase : Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes (CORN., Cid, 157), signifie à la fois : quoique les rois soient grands et : quelque grands que soient les rois.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 886.
67 (…) pour mystérieux et distant qu'il me parût en cet état, mon père était alors une divinité courtoise.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, I, IX.
♦ ☑ Pour autant que… : dans la mesure où… (avec l'indicatif ou le subjonctif).
68 Pour autant que je le sache, ils étaient d'une très honnête et probablement très loyale piété.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, I, X.
69 L'idée n'a ici de prix que pour autant qu'elle est liée à une cogitation personnelle.
♦ ☑ Pour autant : même si telle condition est remplie, même pour cela; « à peu près uniquement dans les phrases négatives, interrogatives ou dubitatives » (Grevisse). ⇒ Pourtant.
♦ Pour si peu. || Ne t'en fais pas pour si peu ! — Iron. Pour autant. || Il a échoué quatre fois à son examen, mais il n'est pas découragé pour si peu !
♦ Fam. || Pour ce que ça nous rapporte !
70 — Et puis, tu n'aimes pas, toi, des vues dégagées comme ici ? — Pour ce qu'on en profite ! Il n'y a pas un endroit où on puisse risquer le nez dehors.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XV, VI, p. 75.
♦ Suivi de l'infinitif présent « quand la principale est négative ou interrogative et contient un comparatif » (Le Bidois, §1457).
71 (…) quand Tartuffe déclare : « Ah ! pour être dévot, je n'en suis pas moins homme », il paraît d'abord n'énoncer qu'une cause : du fait que, parce que je suis dévot. Mais cette causale étant suivie d'une proposition négative, il en résulte que l'effet auquel on pourrait s'attendre ne s'est pas produit; de cette discordance (…) l'esprit passe tout naturellement à l'idée d'opposition (…) J'ai beau être dévot, je n'en suis pas moins homme pour cela.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §1581.
72 Es-tu moins esclave, pour être aimé et flatté de ton maître ?
Pascal, Pensées, III, 209.
73 (Il savait) qu'un officier, pour être plus ancien, n'est pas toujours meilleur.
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, XVIII.
74 Pour ne pas reposer sur une sympathie de l'esprit, cet amour n'en était pas moins vrai.
R. Rolland, Jean-Christophe, L'adolescent, III, p. 335.
♦ Littér. || Pour si… que, introduisant une proposition concessive (cf. Daudet, Madelin, Bernanos, Giono, in Grevisse, §1031).
75 Mais, pour si précieux qu'il le tînt, Bonaparte entendait ne pas le mettre au pinacle.
Louis Madelin, Talleyrand, II, XII.
♦ Littér. || Pour plus (moins)… que… avec un adjectif comparatif. — REM. L'ellipse de que et du verbe (cit. Gide, ci-dessous) est exceptionnelle.
76 Les hommes, pour plus généreux qu'ils soient, doivent être fortement individuels.
Proust, Chroniques, p. 143.
77 Non ! le sacrifice même d'Isaac, pour plus atroce, n'est pas plus éloquent à mes yeux.
Gide, Journal, Numquid et tu, 18 févr. 1916.
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VI N. m. || Le pour.
1 Le bon côté, les éléments favorables. ☑ Le pour et le contre (1. Contre, cit. 30 et 31).
2 (1914; aussi pourre; de c'est pour rire). Argot. Plaisanterie, mensonge, mystification. || C'est du pour, il frime. ☑ C'est pas du pour : c'est sérieux, c'est pas de la blague.
78 La Joconde elle c'est pas du pour !…
Céline, Guignol's band, p. 85.
79 … il te lui retournait net les naseaux et sec et séance tenante !… et devant la coterie tout entière ! et pas au pour et pas d'histoire !…
Céline, Guignol's band, p. 97.
80 À six plombes, je pouvais plus tolérer de rester sans savoir. Ce vanne de l'enlèvement. C'était peut-être pas du pour, après tout ?
Albert Simonin, Touchez pas au grisbi, p. 137.
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COMP. V. Pour-.
Encyclopédie Universelle. 2012.