elle [ ɛl ] pron. pers. f. ♦ Pron. pers. f., 3e p. du sing. (elle) et du plur. (elles).
1 ♦ Employé comme sujet représentant un n. f. de personne ou de chose déjà exprimé ou qui va l'être (correspond au masc. il, ils). « Madame n'a pas soupé : elle n'a pris que du thé » (Laclos). Viendra-t-elle ? Elle arrive. Elles arrivent [ ɛlzariv ]. Qu'ont-elles fait ? Elles se sont rencontrées. Certainement, répondit-elle. Elle n'a pas tort, écoutez-la. Elle est très gentille, sa femme.
♢ Au sing. Désigne l'histoire, le fait qu'on vient de raconter. « Évadé ! Ah ! elle est bonne ! » (Aymé). Elle est bien bonne. Elle est un peu raide.
2 ♦ En apposition, forme d'insistance (correspond au masc. lui, eux). (Sujet) Elles, au moins, elles savent. Elle ira, elle. Elle, sa propre mère, refuse de le voir. (Complément) « Je la mets à part, elle » (Colette). — Elle(s)-même(s). ⇒ même.
3 ♦ Employé comme complément avec ne... que (correspond au masc. lui, eux). Je ne le connais pas, je ne connais qu'elle. ⇒ 2. la. « Je n'aimais qu'elle au monde » (Musset).
4 ♦ Avec une préposition (correspond au masc. lui, eux). Adressez-vous à elle. Ces bijoux sont à elle (⇒ sien) , à elles (⇒ 2. leur) . Ce n'est pas à toi que je parle, c'est à elle. ⇒ lui. Je suis contente d'elle. Il vit pour elle, avec elle, chez elle. Sans elle, rien ne serait possible.
⊗ HOM. Aile, ale, 1. l.
● elle, elles pronom personnel féminin de la 3e personne (latin illa, celle-là) S'emploie pour remplacer ou représenter un nom féminin : Comme sujet atone : Écoute cette histoire, elle est drôle. Comme forme accentuée, surtout pour désigner des personnes : Elles, ce sont les responsables. ● elle, elles (difficultés) pronom personnel féminin de la 3e personne (latin illa, celle-là) S'emploie pour remplacer ou représenter un nom féminin : → lui ● elle, elles (homonymes) pronom personnel féminin de la 3e personne (latin illa, celle-là) S'emploie pour remplacer ou représenter un nom féminin : aile nom féminin ale nom féminin hèle forme conjuguée du verbe héler hèlent forme conjuguée du verbe héler hèles forme conjuguée du verbe héler l nom masculin invariable
elle, elles
Pron. pers. fém. de la troisième pers. sujet ou comp. Elle viendra demain. Que font-elles? (V. il.)
— On les condamna, elle et son complice. Il faut le lui dire, à elle. (V. lui.)
|| Fam. L'histoire que l'on raconte, l'incident que l'on relate. écoute, elle est fameuse celle-là! Oui, elle est bien bonne.
I.
Pronom personnel non-prédicatif de la troisième personne, il masculin, elle féminin pour le singulier, ils et elles pour le pluriel, de forme atone (appelée aussi enclitique ou non accentuée), toujours sujet; pour les autres fonctions, v. lui et le2.
A. — Valeurs de représentant. Il(s) désigne une ou des personnes de sexe masculin (ou masculin et féminin) autre(s) que le locuteur (je) ou le destinataire (tu, vous) du discours; l'équivalent féminin est elle(s); pour les formes toniques, v. lui. Puis elle regarda le grand patron. « Ce qu'il est bien, dit-elle, ce qu'il a l'air intelligent! » (SARTRE, Nausée, 1938, p. 119). Parents, votre fille n'est plus à vous! C'est à moi seul! Anne Vercors : Eh bien, ils sont mariés, c'est fait! (CLAUDEL, Annonce, 1912, I, 3, p. 159). Boulevard Saint-Michel, des garçons et des filles se promenaient en bandes, ils riaient; ils allaient au café, au théâtre, au cinéma (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 174) :
• 1. L'ÂNE : Jeanne, reconnais-tu que ce n'est pas par tes propres forces et par des moyens naturels que tu es venue à bout des Anglais?
JEANNE : Je l'avoue!
LE CHŒUR : Elle avoue!
CLAUDEL, J. d'Arc, 1939, 4, p. 1208.
Rem. a) Ils plur. peut renvoyer par syllepse à un subst. collectif. Il y a un peu de folie dans la façon de voir de toute cette famille (...) ils sont engoués de leur jeune abbé (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 403). b) Il(s), elle(s) sont d'un emploi peu respectueux quand les pron. désignent, dans le dialogue, une ou des pers. présentes. Excepté dans certains tours (vieillis) de politesse ou de révérence. La servante me dit : « Monsieur veut-il quelque chose? » (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 148). Celui des domestiques à l'autre bout, demanda : « Ces messieurs savent-ils que c'est ce soir le réveillon? » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Réveillon, 1882, p. 50). c) Il peut représenter un indéf. L'homme est un apprenti, la douleur est son maître. Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert (MUSSET, Nuit Oct., 1837, p. 155). Est-il à mépriser, qui s'attache à son maître? (MORÉAS, Iphigénie, 1900, I, 3, p. 24). d) Il, elle, formes suj. atones, ne peuvent être renforcés comme les pron. toniques (il-même, il aussi = > lui-même, lui aussi).
1. Il(s) est un représentant servant à rappeler un substantif masculin (ou son équivalent : pronom, groupe nominal, pronom démonstratif + relative déterminative, etc.) qui vient d'être exprimé (dans une phrase ou une proposition précédente); elle(s) rappelle un substantif féminin.
a) Il(s) peut représenter des substantifs désignant des personnes de sexe masculin ou (au pluriel) féminin et masculin. C'est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs Il détient le record du monde pour la hauteur (APOLL., Alcools, 1913, p. 40). Ma fille, les bonnes gens se demandent à quoi nous servons, et après tout ils sont bien excusables de se le demander (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 2e tabl., 1, p. 1585).
b) Il(s) peut représenter des substantifs désignant des animaux mâles ou dont le nom est masculin. Nous venons de la promenade, papa, moi et mon chien, le joli chien de Lili : chère petite bête! il ne me quitte jamais (E. DE GUÉRIN, Journal, 1838, p. 199).
c) Il(s) peut représenter des substantifs désignant des choses du genre masculin. Françoise avait précipitamment rentré les précieux fauteuils d'osier de peur qu'ils ne fussent mouillés (PROUST, Swann, 1913, p. 11).
d) Elle(s) représente des substantifs désignant des personnes de sexe féminin ou des substantifs du genre féminin. Ma pauvre mère est morte. Elle n'a pas beaucoup souffert (VILLIERS DE L'I.-A., Corresp., 1882, p. 16).
♦ Représentant d'un substantif de genre féminin, mais désignant un homme. Son Éminence avait aussitôt dicté à M. de Goulet une note favorable au candidat du nonce. Elle s'écria, de sa jolie voix chevrotante... (A. FRANCE, Orme, 1897, p. 145).
— En partic. [Il(s), elle(s) servant dans la même prop. à reprendre le suj. lorsque celui-ci est un pron. tonique de la 3e pers. : lui, elle(s), eux] L'hiver sous ses frimas tient la terre enchaînée; Le printemps les dissipe, et lui-même il s'enfuit (CHÉNIER, Bucoliques, 1794, p. 226). Et lui, le village, il semblait attendre aussi — sans grand espoir — (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1031) :
• 2. Un souvenir, en passant, aux macreuses du lac de Tunis. Elles, elles font une petite pirouette quand elles se laissent balancer par la houle légère.
MONTHERL., Démon bien, 1937, p. 1231.
Rem. La répétition du même pron. elle(s) atone et tonique s'évite habituellement; la constr. adoptée est alors elle(s) forme tonique comme suj. Lui, coiffé d'une casquette de soie (...); elles, également endimanchées (...) portaient des robes semblables (ZOLA, Terre, 1887, p. 168).
2. Il(s), elle(s) sont des représentants servant à annoncer un sujet qui va être exprimé, ce sujet étant postposé au verbe (le plus souvent en apposition, rejeté en fin de phrase, notamment dans des phrases exclamatives à valeur affective). Et ce qu'il manquait de chic, ce Louis, sans gants pour conduire (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 15). Mais ils font trop de musique, ces gens (PROUST, Swann, 1913, p. 147) :
• 3. MANENTE : Voici venir le prince des lainiers, avec ses deux filles (...). UDERIGO : Elles sont belles, les deux filles.
SALACROU, Terre ronde, 1938, I, 1, p. 139.
— [ou en phrase interr. sans inversion du suj. (remplacée par l'intonation de la voix)] — Elle te plaît, cette montre? Prends-la! (JACOB, Cornet dés, 1923, p. 11). Elle va bien, Mademoiselle Lili? (BOURDET, Sexe faible, 1931, I, p. 242).
3. Il(s), elle(s) peuvent représenter des animés ou des inanimés que le locuteur et l'interlocuteur ont présents à l'esprit de sorte qu'il est inutile de les désigner nommément. Oh!... j'ai vu un crêpage de chignons hier. Elles s'écharpillaient (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 546). — Allons, voyons, ne répliquez pas! C'est curieux que lorsqu'ils arrivent, ils ont tous cette habitude! (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., 2, p. 22). Un coup d'œil sur la pendule. « Ils doivent être sortis de table, là-haut?... » (MARTIN DU G., Thib., Consult., 1928, p. 1057).
B. — Valeurs sém. ou styl. partic.
1. Valeur hypocoristique de il et de elle, substitut d'un pron. pers. à une autre pers.
a) Il ou elle à la place de tu ou de vous (pour exprimer la tendresse, l'ironie, le mépris, etc.). Mais qu'est-ce qu'elle a, ce matin? Vous pensez à votre amoureux? (BOUVELET, Barbe-blonde, I, p. 7 ds SANDF. t. 1 1965, § 24). La mère à son enfant : Est-ce qu'il aime bien sa maman? (GREV. 1975, § 468 N.B.).
b) Il ou elle à la place de je. Éponine! — Qu'est-ce qu'elle a fait? Que me voulez-vous donc? (COURTELINE, La Philos. de Georges Courteline, 1917, p. 115 ds SANDF. t. 1 1965, § 24).
2. Emploi subst. à valeur générique, où elle représente le sexe fém. :
• 4. Par la diversité de son humeur (...) elle allait rappelant en lui mille désirs, évoquant des instincts ou des réminiscences. Elle était l'amoureuse de tous les romans, l'héroïne de tous les drames, le vague elle [it. dans le texte] de tous les volumes de vers.
FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 114.
3. Valeur partic. de elle désignant l'histoire (drôle), le fait comique dont on parle (fam.). Elle est raide, celle-là! Il riait d'un rire formidable, et demandait toujours comme conclusion : « Est-elle bonne, celle-là? (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Rouille, 1882, p. 791). Mais il lui vint une idée (...). — Si je faisais Guitrel évêque? Elle serait bien bonne! (A. FRANCE, Anneau améth., 1899, p. 249).
4. Valeur péj. ou euphémique des indéf. plur. ils et elles.
a) Elles désignant un groupe indéterminé de femmesilles ou les femmes en général. « Ah! elles auront toujours le dernier mot », soupire Lohengrin (LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 125). Ça n'est pas la première fois qu'une femme supérieure se sera laissé dévorer, c'est même comme ça qu'elles finissent toutes (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 924) :
• 5. — Elles sont toutes les mêmes, tu sais, conclut le cordonnier (...). Andréas avait une sagesse à lui, et, coupant son mutisme, des réflexions définitives. Son « elles sont toutes les mêmes » englobait dans son esprit toutes les exaltées.
PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 117.
b) Parfois iron. ou péj. Ils désignant un groupe de personnes plus ou moins indéterminé, que le locuteur rend responsables d'un événement, d'une situation plutôt désagréable et souvent d'ampleur nationale (par exemple le gouvernement, le fisc, les hommes politiques, l'ennemi pendant la guerre, les patrons, les supérieurs, les riches) :
• 6. ... dans les armes parlantes de la bourgeoisie figure une boîte de spécialité pharmaceutique. (Ils ont besoin d'un médecin pour leur dire de moins manger. Ils ont besoin d'un médecin pour leurs « cures de silence ». Ils consultent le médecin s'ils prennent du ventre. Ils consultent le médecin si leur gosse se touche).
MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1375.
— Ils désignant des personnes que le locuteur ne veut pas désigner par le titre attaché à leur fonction. Eh bien! Ils en ont de bonnes au ministère. Lisez plutôt (BENOIT, Atlant., 1919, p. 16). Le jour où ils m'ont arrêté, j'allais vous rejoindre (CAMUS, Justes, 1950, I, p. 308) :
• 7. Ils, c'est tout le monde : les patrons pour les employés, les employés pour les patrons, les domestiques pour les maîtres de maison, les maîtres de maison pour les domestiques, les automobilistes pour les piétons, les piétons pour les automobilistes et, pour les uns comme pour les autres, les grands ennemis communs : l'État, le fisc, l'étranger.
P. DANINOS, Les Carnets du Major Thomson, pp. 32-33 ds GREV. 1975, § 470, rem. 1, note 1.
— Ils désignant les gens, l'opinion, le quartier (= on). Une épicerie modèle, qu'ils disaient (GIONO, Baumugnes, 1929, p. 16). Ils racontent que vous ne vous nourrissez point (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1182).
C. — Mécanismes syntaxiques (applicables également à il2 impers.)
1. Emplois pléonastiques
a) [Si le verbe est relativement éloigné de son suj.] :
• 8. Les êtres que nous désespérions d'atteindre et d'influencer, ils sont là, tous réunis par la pointe la plus vulnérable, la plus réceptive, la plus enrichissante de leur substance.
TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 138.
b) Très fam. ou pop. [Dans la lang. parlée relâchée ou la lang. enfantine, reprise immédiate du suj. par il(s) ou elle(s), placé entre le suj. et le verbe] La maîtresse elle a dit... Tout le monde il a voulu parler (MUSETTE, [Cagayous phil.], 1906, p. 187). Quand Messiou Rascasse il sera là, je pourrai travailler (ACHARD, Voulez-vous jouer, 1924, I, 1, p. 13) :
• 9. — Monsieur, dit Poil de Carotte réellement audacieux et fier, le maître d'étude et Marseau, ils font des choses! Aussitôt les yeux du Directeur se troublent comme si deux moucherons s'y étaient précipités soudain.
RENARD, Poil Carotte, 1894, p. 140.
Rem. Dans ce cas, la forme pop. y est fréq., pouvant désigner a) il masc. sing. Et qu'est-ce qu'il a dit, ce Monsieur? — Qu' M'sieu Canu y viendrait en personne (MAUPASS., Pierre et Jean, 1888, p. 298). b) ils masc. plur. Vous savez, les rentiers, y vivent de leurs rentes (BALZAC, Pts bourg., 1850, p. 207). c) elle(s) sing. ou plur. (rare). Ta mère y [= elle] t'appelle (MUSETTE, Cagayous partout, 1905, p. 101).
— [en juxtaposition de prop. ou de phrases] On ne lit point aujourd'hui les longs ouvrages; ils fatiguent, ils ennuient (LAMENNAIS, Religion, 1825, p. 5). Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants (APOLL., Alcools, 1913, p. 43).
— [impérativement quand l'une des deux phrases est positive, l'autre négative] Vous l'avez entendu, monsieur Henry, il va chez elle, il ne s'en cache pas, il le dit, il s'en vante! (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 128). Ils ne comprendraient pas, ils accuseraient maman (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 746).
— [en coordination de prop. ou de phrases] Elle avait tiré sa houppette et la passait légèrement sur ses pommettes et sous ses yeux (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 156).
Rem. Lorsque les verbes sont à des temps différents, le pron. en principe se répète. Il ne sortit plus de sa maison, et il guettait sans cesse la route par la petite fenêtre de sa cuisine (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, St-Antoine, 1883, p. 194).
— [lorsque la série se clôt par une prop. coordonnée ou lorsque les actions sont successives et continues (les verbes étant au même temps)] Elle écouta longtemps, n'entendit rien, comprit cet affront public et pleura (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 6). Le souvenir d'une enfance libre et heureuse, où il se couchait, se levait, galopait à sa fantaisie (ALAIN, Propos, 1906, p. 6).
Rem. L'omission du suj. il(s), elle(s) a lieu dans le style télégraphique ou dans des citations à l'ordre du jour. A été voir quelqu'un à Auteuil, a causé tranquillement (GONCOURT, Journal, 1856, p. 253). Léon Blum ne sait pas; il cherche; il tâtonne; a trop d'intelligence et pas assez de personnalité (GIDE, Journal, 1890, p. 15). V. citation ex. 9.
a) [Directement postposé au verbe ou à l'auxil., lorsque la syntaxe demande l'inversion du suj., notamment]
— [dans l'interr. dir., sauf avec l'outil est-ce que] Mais qu'ont-ils donc à rire là-bas? (HUGO, L. Borgia, 1833, III, 1, p. 149). J'ai une fille qui s'appelle Judith. Est-elle ici? Est-elle ailleurs? (BECQUE, Corbeaux, 1882, I, 1, p. 56).
Rem. Dans la lang. parlée, l'intonation de la voix remplace parfois l'inversion du suj. Elle est gentille? — Et comment! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 48).
— [après certains adv. comme ainsi, à peine, aussi (= « c'est pourquoi »), du moins, encore (= « mais il faut préciser que »), en vain, peut-être] Il la trouva couchée dans leur chambre, comme il lui avait demandé de le faire. Ainsi se préparait-elle à la fatigue du déplacement (CAMUS, Peste, 1947, p. 1221).
— [en incise, avec des verbes déclaratifs comme dire, s'écrier, murmurer, répondre] Ma fille, lui dit-il, quelle route veux-tu? Mon père, répond-elle, où marche la vertu (JAMMES, Géorgiques, 1912, chant 5, p. 9). L'accouchée tourna légèrement la tête et lui sourit. — Ça ne fait rien, ma mère, ça ne fait rien, murmura-t-elle (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 13).
— [dans certaines prop. exclam. à valeur affective (exprimant l'admiration, l'étonnement, le mépris, l'indignation, etc.)] Que de peine Moïse n'eut-il pas, à prévenir chez les Juifs le culte des images! (BONSTETTEN, Homme Midi, 1824, p. 48). Aura-t-elle bientôt fini de me faire trotter! (CLAUDEL, Endormie, 1883, p. 6).
— [dans certaines prop. suppositives ou dubitatives] Dût-il en mourir; fût-il le meilleur. Et fût-il gratifié de tous les honneurs que peuvent conférer les républiques et les princes, je crois que le crépuscule allumerait encore en lui la brûlante envie de distinctions imaginaires (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 106). Ce respect pour ceux qui se trouvaient au-dessus de lui et qu'il voyait d'en bas (eussent-ils été fort au-dessous de lui jusque-là) (PROUST, Swann, 1913, p. 148).
b) [Séparé du verbe par ne, en, y ou un pron. pers. atone ou tonique] Alors... ils se voient? (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 146). C'est une mission embêtante. Mais ils y tiennent à l'État-Major. Ils y tiennent beaucoup (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 268).
c) [Disjoint du verbe, parfois en emploi subst.] Qui, ils? Henriette : Des lettres? mais je vous prie de croire qu'il ne m'a jamais écrit!... Blandinet, avec force : Il!... il y a un il... j'en étais sûr! (LABICHE, Pts oiseaux, 1862, II, 10, p. 255). Il commettait une faute en se reconnaissant dans cet il fameux qui est le héros de l'article (VALLÈS, Réfract., 1865, p. 138).
Rem. 1. Il(s), elle(s), dans le discours indir. (paroles rapportées) peuvent représenter la 1re pers. (je, nous). Il dit qu'il viendra (= il dit : « Je viendrai »); elles disent qu'elles viendront (= elles disent : « Nous viendrons »). Il dit qu'il s'étonne beaucoup de ce que l'on verse ainsi tant de pleurs, pour un acte d'une telle insignifiance (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 310). Il voulut lui conter tout ce qu'il ferait plus tard (ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 377). 2. La postposition du pron. suj. exige a) un trait d'union. Vient-elle? b) un t euphonique épenthétique si la forme verbale se termine par une voyelle. Viendra-t-il? 3. La docum. atteste des formes phonét. pop. ou de lang. parlée : ell'; i, y (sing. ou plur.). Comben t'a-t-il donné? I doit être généreux; il est si riche! (LECLERCQ, Prov. dram., Savet. et financ., 1835, 8, p. 234). À quel donc moument qu'i' font ça, les chiens? (MARTIN DU G., Gonfle, 1928, I, 2, p. 1178). Ell' ne l'aimait pas, lui non plus (ÉLUARD, Donner, 1939, p. 168). V. aussi Prononc. infra.
Prononc. : [il , []. À la différence de l'usage anc., la consonne de il se prononce auj. partout, au sing. et au plur. Les formes tronquées devant consonne et, au plur., devant voyelle, appartiennent à un parler relâché : i(l) va [iva], i(l)s vont [], i(l)s ont []. L'appréciation ds MART. Comment prononce 1913, p. 259, n'est plus actuelle : ,,dans l'usage courant et familier, les choses n'ont guère changé : où va-t-i(l), i(l) vient s'entendent presque uniquement à côté de il a. L'enseignement seul maintient cet l dans la lecture et dans le langage soigné``. Le pron. peut aussi se réduire à la consonne : il aurait dû filer [], voire à néant : il y a [ja], il n'y a [nja] (NYROP Phonét. 1951, § 79, rem. 2); graph. gn'y en a pas (s.v. incorruptible B ex. de DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 84). Dans une prop. interr., noter l'absence de liaison avec le mot suiv. : ils, elles ont eu une mère aimante, mais ont-ils, elles eu une mère aimante (la liaison verbe-pron. s'établit en revanche normalement). Étymol. et Hist. Il, el(l)e, els pron. pers. de la 3e pers. I. Cas suj. A. Masc. 1. sing. : il 842 intention d'insistance, d'opposition (Serments Strasbourg, ds HENRY Chrestomathie, n° 1, 6 : si saluarai eo cist meon fradre Karlo... in o quid il mi altresi fazet); 2e moitié Xe s. el medeps (Passion, éd. D'A. S. Avalle, 255); 2e moitié Xe s. sert d'appel pour annoncer un subst. à venir (St Léger, éd. J. Linskill, 152); id. rappelle un subst. précédemment énoncé (ibid., 115); ca 1190 fait fonction d'appos. au suj. (Aspremont, éd. L. Brandin, 1113 : Vait s'en Turpins, il et sa compaignie) [cf. ca 1200 Escoufle, 451 ds T.-L., s.v. il, 1315, 5 : Ains i sejorne volentiers Lui et sa gent]; 2. plur. a) il 937-52 (Jonas, ds BARTSCH Chrestomathie, col. 7, 2); b) eus ca 1130 (Gormont et Isembart éd. A. Bayot, 497). B. Fém. 1. sing. ele ca 881 (Eulalie, ds HENRY Chrestomathie, n° 2, 5); 2. plur. eles (Passion, 413). C. Neutre il mil. XIe s. (Alexis, éd. Chr. Storey, 503), cf. la forme rég. el relevée notamment ds les dial. de l'ouest : ca 1165 (B. DE STE-MAURE, Troie, 20263 ds T.-L. s.v., 1313, 12); empl. en position de suj. devant un verbe unipersonnel : mil. XIe s. (Alexis, 51 : Quant li jurz passet et il fut anuitet); annonçant un verbe en emploi unipersonnel a) ca 1100 suivi d'un subst. (Roland, éd. J. Bédier, 192 : Il nus i cuvent guarde); id. (ibid., 2418 : Il n'en i ad chevaler ne barun Que...); 1121-34 (PH. DE THAON, Bestiaire, 1037 ds T.-L. s.v., 1304, 43 : Il n'en est creature... Ki...); b) ca 1100 suivi d'une complétive (Roland, 1443). II. Cas régime A. tonique 1. masc. plur. els 937-52 (Jonas, loc. cit., col. 8,6 : sic liberat de cel peril quet il habebat decretum que super els mettreit); 2. fém. sing. ele 1284 [ms.] (BRUNET LATIN, Trésor, éd. P. Chabaille, I, CLXXXIII, p. 231, ms. F; li, éd. J. Carmody, ms. T début XIVe s.); fém. plur. eles ca 1160 (Eneas, 119 ds T.-L., s.v. il, 1312, 1). B. Atone; masc. plur. els mil. XIe s. (Alexis, 580 : Ço peiset els); ca 1100 obj. d'un verbe pronom. (Roland, 111 : pur els esbaneier). Il, pron. pers. masc. suj. du verbe à la 3e pers. du sing., est issu du b. lat. (époque mérov., VÄÄN., § 276), lui-même issu du dém. lat. ille (désignant l'objet éloigné; marquant avec insistance ce qui a rapport à la 3e pers.) sous l'infl. du pron. rel. . La forme el (St Léger, 29 et passim; Passion, 17 et passim; v. aussi T.-L., s.v. il, 1302, 9 sqq.) dénote une infl. mérid. Devant consonne et par suite d'un relâchement de l'articulation de la liquide en position implosive, il peut se réduire à i (1178 Renart, éd. M. Roques, 3687). Il cas suj. masc. plur. (< ) a pris, vers le mil. ou la 2e moitié du XIIIe s., un -s : ils par anal. de la flexion nominale. Ele, eles sont respectivement issus du lat. ílla, íllas. L'éviction progressive de lei, li, cas régime fém. tonique (< illáei) par ele, commence dans la 2e moitié du XIIIe s. El pron. neutre suj. (< lat. vulg. , TLL, s.v. ille, 340, 59-71; class. illud) a de bonne heure été évincé par la forme masc. il. Tandis qu'en lat. class. la dés. du verbe suffisait à en marquer la pers., le pron. n'étant utilisé que pour mettre en valeur le suj. du verbe, la lang. parlée a eu, dans un souci d'expressivité, tendance à généraliser l'emploi du pron. pers. suj. au point de l'utiliser fréquemment sans nuance styl. partic. (VÄÄN., § 281). En très a. fr., l'emploi du pron. pers. suj. traduit un besoin de renforcement, d'insistance, d'expressivité; ce pron. devient par la suite de plus en plus fréquent, étant dans la prose du début du XIIIe s. la marque normale de la pers. suj.; d'emploi peu à peu obligatoire, il deviendra pron. conjoint, simple indice de la pers. suj. (MOIGNET, Gramm. de l'a. fr., p. 128; MÉNARD, Synt. de l'a. fr., pp. 72-74; v. aussi VON WARTBURG, Probl. et Méthodes2, pp. 68-79 qui, faisant le point sur cette évolution à partir d'études partic., insiste sur la relation entre l'emploi du pron. suj. et les règles rythmiques de la phrase en a. fr. où le verbe occupe régulièrement la 2e place). Cette évolution a pour conséquence de faire peu à peu perdre aux pron. suj. leur intensité et leur valeur, et à les faire progressivement remplacer par les pron. du cas régime toniques (lui, eux pour la 3e pers.), v. MOIGNET, op. cit., p. 152, VON WARTBURG, op. cit., p. 77.
STAT. — Fréq. abs. littér. Il1 et 2 : 1 150 105. Ils1 : 176 912. Fréq. rel. littér. Il1 et 2 : XIXe s. : a) 1 439 998, b) 1 552 553; XXe s. : a) 1 780 815, b) 1 759 668. Ils1 : XIXe s. : a) 246 033, b) 215 896; XXe s. : a) 283 427, b) 256 302. Fréq. abs. littér. Elle : 461 941. Elles : 58 958. Fréq. rel. littér. Elle : XIXe s. : a) 514 382, b) 697 240; XXe s. : a) 761 791, b) 693 928. Elles : XIXe s. : a) 92 894, b) 68 572; XXe s. : a) 84 342, b) 84 006.
BBG. — BRANDT (G.). La Concurrence entre soi et lui, eux, elle(s). Lund-Copenhague, 1944, 346 p. - FOULET (L.). L'Extension de la forme oblique du pron. pers. en anc. fr. Romania. 1935, t. 61, pp. 401-463. - HÉRIAU (M.). Le Verbe impers. en fr. mod. Lille-Paris, 1980, p. 10, 13, 47, 51; pp. 76-77; p. 96; pp. 1113-1116 (Thèse. 1976). - PINCHON (J.). Hist. d'une norme. Lang. fr. 1972, n° 16, pp. 74-87. - SANKOFF (G.), CEDERGREN (H.). Les Contraintes ling. et soc. de l'élision du l chez les Montréalais. In : Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 13. 1971. Québec. Québec, 1976, t. 2, pp. 1001-1116. - SEELBACH (D.). Transformationsregeln im Französischen... Heidelberg, 1978, pp. 48-56.
II.
⇒LUI2, ELLE2, EUX, ELLES2, pron. pers.
Pronom personnel non-prédicatif de la troisième personne, forme tonique (lui masculin singulier, elle féminin singulier, eux masculin pluriel, elles féminin pluriel) correspondant aux pronoms personnels il(s), elle(s), de forme atone (voir il1); peut assumer toutes les fonctions du substantif et s'employer avec toutes les prépositions et locutions prépositives, excepté les prépositions temporelles depuis, dès, durant, passé, pendant, aussitôt; représente le plus souvent des animés ou des inanimés personnifiés.
I.— Emploi non réfl.
A.— Emploi prép. [Lui, elle(s), eux représentent le plus souvent des pers., parfois des animaux ou des choses, surtout personnifiées ou déterminées; en fonction de compl. d'obj. indir., de compl. circ., de compl. déterminatif ou de compl. d'adj.]
1. À lui, à elle, à elles, à eux
a) [Compl. d'obj. indir. de verbes conjugués à un mode personnel construits avec la prép. à]
— [exprimant le mouvement (avec des verbes comme aller, arriver, courir, etc.)] Vers cette/ces personne(s). Allez à lui; il courut à elle. Car tout vient du Seigneur, et tout retourne à lui (VIGNY, Poèmes ant. et mod., 1837, p. 207). Ils y vont, ils le touchent juste de la voix, sans s'approcher, et c'est mon Alphonse qui va à eux (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 32).
Rem. Pour désigner des choses ou des lieux, y remplace à lui, à elle, etc. Il s'y est adonné (aux sciences); il y est parvenu (au sommet).
— [exprimant une activité mentale (avec des verbes comme penser, rêver, songer à)] Ces fameux tilleuls la faisaient pleurer le dimanche, puis elle songeait à eux tout le reste de la semaine (STENDHAL, Lamiel, 1842, p. 54) :
• 1. Simone montait l'avenue de Laon, pour gagner le bureau où elle était dactylo, juste à l'heure où je partais pour le lycée, je n'ai jamais osé lui parler. Je pensais à elle, je pensais à elle...
VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 211.
— [comme compl. d'obj. d'autres verbes trans. indir. ou de certains verbes pronom. constr. avec la prép. à] Adressez-vous à elle; renoncez à lui; personne ne fait attention à lui; se fier à, s'attacher à, s'intéresser à lui, à elle, à elles, à eux. En approchant des fermes, ils apercevaient une ou deux personnes les attendant pour se joindre à eux (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Père Amable, 1886, p. 222). Les non-anarchistes préféraient avoir affaire à lui plutôt qu'aux chefs de la F.A.I. (MALRAUX. Espoir, 1937, p. 450). Qu'est-ce qu'un dieu pour que je désire m'égaler à lui? (CAMUS, Caligula, 1944, I, 2, p. 27).
Rem. Renforcé par même ou seul. Agnès : Comme il est beau! Le Monsieur de Bellac : Dites-le à lui-même (GIRAUDOUX, Apollon, 1942, 2, p. 30).
— [comme compl. d'obj. second de verbes à double constr.] Nous parlerons de vous ce soir avec le chancelier; ayez patience, c'est moi qui vous recommande à lui (MUSSET, Quenouille Barb., 1840, I, 3, p. 290) :
• 2. — Quel est donc ce Valdo dont tu parles à tout propos?
— Je vais te le présenter à l'instant, ou, plutôt, je vais te présenter à lui.
DUHAMEL, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 18.
b) [Pour indiquer l'identité ou l'appartenance, avec le présentatif c'est]
♦ C'est + adj. + à lui/à elle(s)/à eux. C'est gentil à lui (de + inf.); c'est aimable à elle. V. aimable ex. 66.
[Avec ell. de c'est] Que le poète ou le romancier se contente ici d'une confusion répugnante, libre à lui (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 9).
♦ C'est à lui que. C'est à lui qu'ils souhaitèrent heureux voyage, c'est à lui qu'ils dirent adieu (GIRAUDOUX, Simon, 1926, p. 15). Mon cœur, si ma raison lui donne tort de battre, c'est à lui que je donne raison (GIDE, Nouv. Nourr., 1935, p. 260).
♦ C'est à lui/à elle(s)/à eux + à/de + inf. Il lui/leur incombe de, il lui/leur appartient de. V. ce1 II A 1 a ex. de Verne et être ex. 105.
[Avec ell. du présentatif] À lui de jouer; à elle de s'arranger. Je suis décidé à accepter la place; à eux de juger si elle vaut mieux que ce que j'avais en vue (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1834, p. 160). Suis-je de marbre? À eux de me faire de chair! (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 70).
— [ou avec le verbe être, exprimé ou non] Et ils me donneront en échange le royaume des cieux, car il est à eux (MUSSET, On ne badine pas, 1834, III, 7, p. 74). À eux les expéditions maritimes, c'est bien ce qu'il leur faut (MONTHERL., Maître Sant., 1947, I, 6, p. 620) :
• 3. À l'esclave, à ceux dont le présent est misérable et qui n'ont point de consolation dans le ciel, on assure que le futur, au moins, est à eux. L'avenir est la seule sorte de propriété que les maîtres concèdent de bon gré aux esclaves.
CAMUS, Homme rév., 1951, p. 241.
c) [Pour indiquer la possession, la parenté, l'appartenance, après un subst.] Qui lui/leur appartient en propre (cf. sien). Une maison à lui; un ami, un oncle à elle; une allure bien à lui, bien à elle; il n'a pas un moment à lui. Une de leurs nièces (...), fille d'un cousin à eux, nommé Miel (STENDHAL, Lamiel, 1842, p. 39). Il avait une façon bien à lui de leur prendre la tête sous le bras ou de leur tirer les cheveux ou de leur donner de gracieux coups de pied au derrière (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 27).
— En partic. [Empl. en corrélation avec un adj. poss. de la 3e pers., pour renforcer ou préciser l'idée de possession] En sa propre chambre, à lui, Augustin (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 379). Cette touche familière, quelque peu vulgaire qui mettait le jeune homme sur son plan à elle (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 11) :
• 4. ... c'est pour une raison que j'ignore, mais que je pressens, pour une raison qui lui ressemble, par servitude stoïque à quelque point d'honneur — son honneur, son honneur à lui, car il n'est qu'un honneur à son usage...
BERNANOS, Dialog. ombres, 1928, p. 51.
♦ [ou pour renforcer un pron. poss. de la 3e pers.] L'allusion à la mémoire impressionnante de M. Henri Desgrès l'inquiétait autant. La sienne, à lui Augustin, n'était-elle pas exposée aux mêmes épithètes? (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 171).
d) [Après un terme de même fonction, subst. ou pron., coordonné, juxtaposé ou en prop. comparative] Ne dites rien ni à sa femme, ni à lui; je l'ai dit à son frère et à lui; adressez-vous à lui plutôt qu'à elle. C'est un brave militaire, c'est l'honneur du pays, et jamais on ne s'aviserait de manquer à lui et aux siens (SCRIBE, VARNER, Mariage raison, 1826, II, 8, p. 402).
e) [En appos. au compl. d'obj. indir. (leur repris par à eux/à elles; lui (atone) repris par à lui/à elle)] Quel bonheur avait-il goûté, quelle grandeur lui restait-il, à lui qui voulait tout mettre à ses pieds? (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 333). Tremblante à la pensée de ce qui aurait pu lui arriver à elle (PROUST, Sodome, 1922, p. 1031). Oh! à eux, je le leur dirai, soyez sûr (ANOUILH, Répét., 1950, II, p. 44) :
• 5. — Tu ne lui as pas demandé de reçu. — C'est vrai. Pas de pièces de caisse : ma société me fait confiance. — Sans doute. Et à lui? Tu lui fais confiance?
DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, p. 30.
— [Coordonné à un subst. ou à un autre pron.] Il leur arrivait souvent à Lancelot et à lui, en causant, de juger M. Bourdoise (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 423). L'ébranlement et la fissure de ces murailles autour de lui qui lui barraient le salut, Je dis à lui et à cette multitude avec lui qu'il implique obscurément (CLAUDEL, Soulier, 1929, 1re journée, 1, p. 654).
Rem. En antéposition, à lui/à eux peut se réduire à lui/eux (dans la lang. parlée). Eux on ne leur dit rien (MONTHERL., Ville dont prince, 1951, I, 1, p. 853).
f) [Dans les tours à valeur d'appos.]
— À lui (tout) seul, à elle (toute) seule, à eux (tout) seuls, à elles (toutes) seules. [Pour indiquer que des pers. ou des choses produisent d'elles-mêmes un effet quelconque sans qu'il soit nécessaire d'ajouter autre chose]
♦ [En parlant d'animés] Sans se faire aider, sans l'aide, sans la coopération d'autrui. Il en avait consommé déjà (...) plus de trois mille boîtes à lui tout seul (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 225).
♦ [En parlant de choses] Sans l'aide ou l'adjonction d'autre chose. Le service à la russe, où les hors-d'œuvre sont à eux seuls tout un véritable repas (HERMANT, M. de Courpière, 1907, II, 11, p. 20). Je continue avec méthode mes efforts de réadaptation. Exercice de volonté qui, à lui seul, est déjà salutaire (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 914).
— À eux deux, à eux trois, à eux tous. [Pour indiquer, par le nombre cardinal ou par tous, que ce que l'on dit n'est vrai que si l'on prend ce nombre en entier] Ils ont quarante ans à eux deux (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 94).
2. De lui, d'elle, d'elles, d'eux. [Avec toutes les fonctions d'un compl. introd. par la prép. de, compl. d'adj. (je suis content de lui, d'elle, d'elles, d'eux), de subst. (un portrait d'elle), de verbes et de loc. verb. constr. avec de (compl. d'obj. indir., compl. circ., etc.)] Voyez-vous, mes filles, les bonnes gens nous jugent très différentes d'eux (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 3e tabl., 6, p. 1627). Je suis sans nouvelles d'eux depuis le 1er juin (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 12).
Rem. Dans ces emplois, le pron. ne représente ni un animal (montez dessus et non montez sur lui) ni une chose (n'en approchez pas [de cet arbre]).
— En partic.
a) [Pour marquer l'appartenance ou la provenance, comme compl. déterminatif ou à la place de l'adj. poss. quand celui-ci n'est pas de mise] L'idée est de lui; cela vient d'elle. Et que nous obtenons, en quelque sorte, des paroles de lui que le souvenir n'aura même pas à déformer (GIDE, Robert, 1930, p. 1316). Il y a de lui [Euripide] une tragédie perdue, intitulée également Les Crétois, dont nous ne savons rien ou presque rien (MONTHERL., Pasiphaé, 1938, av.-pr., p. 105).
b) [Pour marquer le point de départ d'un mouvement] Si je n'avais pas Cécile, je m'en irais, oui, je m'en irais d'eux tous (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 169).
c) [En alliance avec les indéfinis, d'eux, d'elles est à rattacher à l'emploi partitif de la prép. de1] Aucun d'eux, aucune d'elles, chacun d'entre eux; un d'eux, l'un d'eux, l'un d'entre eux, l'une d'entre elles, la plupart d'entre eux; quelqu'un d'eux, quelqu'un d'entre eux, nul d'eux, tel d'eux. À qui d'eux eût-on persuadé que je ne travaillais pas pour moi seul, pour mes avantages personnels? (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 463). Sa rêverie, d'abord éparse sur tous les praticiens qu'il avait connus, se rassembla et convergea sur l'un d'entr'eux (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 65).
♦ Pop. Quelques-uns d'eux autres. Depuis le commencement, y en a quelques-uns d'eux autres qui ont été tués par un malheureux hasard (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 138).
d) [Dans le gallicisme exclamatif pauvre d'eux! pauvres d'elles!] V. pauvre et moi.
Rem. 1. Pour en, substitut de de lui pour des pers., v. en. 2. Lui tonique peut représenter un inanimé en l'absence d'un tour concurrent après une loc. prépositive contenant déjà de. Je peux citer ce fait parce que mon séjour à Balbec me mit au courant de lui (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 268).
3. [Avec d'autres prép. ou loc. prépositives] Par lui, avec lui, en lui; excepté lui; quant à elle; entre eux, entre lui et elle.
a) [Très souvent avec un subst. représentant des pers.] Il était drôle et amusant, et, avec lui, il y avait toujours — comme disait l'Abbé — de l'imprévu (GYP, Souv. pte fille, 1927, p. 72) :
• 6. Vous savez comme j'aime les lettres en général et tout lettré en particulier. Je me sens vivre en eux; quand ils souffrent, je souffre avec eux; quand ils espèrent, j'espère avec eux; quand ils travaillent je suis avec eux. Il me semble que mon cœur a des fibres qui répondent au cœur de chacun d'eux.
HUGO, Corresp., 1845, p. 619.
— Entre eux, entre elles. Mutuellement, réciproquement, l'un avec l'autre, les uns avec les autres. Quelques poètes et un jeune et grand peintre réellement unis entre eux et avec lui par des rapports intimes d'amitié et de voisinage (SAINTE-BEUVE, Poés., 1829, p. 65). Et les pleurs et les chants sont les voix éternelles De ces filles de Dieu qui s'appellent entre elles (MUSSET, Coupe, 1832, I, 1, p. 272).
b) Rare. [Avec un subst. représentant un animal ou une chose, surtout personnifiée] Le solitaire se ramasse (...). Deux balles coup sur coup l'abattent. Le limier se jette sur lui (PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 11).
Rem. 1. ,,Après les prépositions, on emploie souvent cela, mais l'emploi de lui tend à se répandre. Lui se dit néanmoins des choses avec les prép. avec, après, devant, derrière, au-dessus de, etc.`` (THOMAS 1956). 2. L'omission du pron. pers. tonique est fréquente, notamment dans la lang. fam., et lorsque le subst. désigne un animal ou une chose non personnifiés, après des prép. comme après, avec, devant, derrière, dessous, dessus, qui ont alors un emploi adv. : contre peut devenir là(-) contre; dans la lang. pop., autour de, en face de deviennent autour, en face. Un écheveau de crins rattaché à un anneau de cuivre que le musicien passe dans son pouce, il tire dessus en jouant pour lui donner le degré de tension nécessaire (DU CAMP, Nil, 1854, p. 117).
c) Chez lui, chez elle, chez eux
— À la maison, à son/leur domicile. Je la remis chez elle; je lui souhaitai le bonsoir (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 186). J'ai pris pour vous rendez-vous jeudi à 3 heures, chez eux, 33 rue de Seine (BALZAC, Corresp., 1841, p. 260). Le café qu'on buvait chez lui était exquis (TAINE, Notes Paris, 1867, p. VII).
— Au fig. Dans sa/leurs personne(s), son/leur esprit, son/leur caractère, son/leur clan, sa/leur classe. Chez eux [des conseillers], c'est la tête et non le bras qui agit (BALZAC, Splend. et mis., 1844, p. 13). L'ascenseur, dont il me pria de le laisser manœuvrer les boutons, c'était chez lui une manie (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 314). Chez lui le geste ou la parole précédait toujours l'émotion ou la pensée (GIDE, Geneviève, 1936, p. 1352).
4. Littér. (ou dans la lang. jur. ou admin.). [Devant un part. passé sans auxiliaire, le pron. pers. tonique compl. d'obj. indir. ou compl. d'attrib. introd. par la prép. à, ou plus rarement avec d'autres prép. comme de, par, pour, etc., est antéposé] Ils rempliront les conventions par eux souscrites (LAYA, Ami loix, 1793, II, 3, p. 38). Cette société d'illustres égaux (...) s'entretenant ensemble dans une langue d'eux seuls comprise (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 502). Un coffre rempli de poulets flairant le musc et le benjoin, à lui adressés par une foule de personnes de qualité (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 33).
— [Devant un adjectif] Des raisons à lui particulières. Son tourment à lui spécial, c'était les fourmis rouges (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 224).
B.— Emploi non prép. [Le pron. pers. tonique peut assumer toutes les fonctions non prép. d'un subst. ou d'un pron. dans la phrase; à l'opposé des formes atones, les formes toniques peuvent être séparées du verbe par une appos., par une rel., ou peuvent être coordonnées]
1. [En fonction de suj.]
a) [Suj. prédicatif; forme d'insistance, ou pour s'opposer à un autre pron. pers.; parfois séparé du verbe par une virgule ou par un membre de phrase, à la différence du pron. atone il(s)1, elle(s); non commutable avec moi ou toi, ces pron. ne pouvant être qu'apposés à un suj.] À l'asile, on les plaisantait, on disait à Pérez : « C'est votre fiancée ». Lui riait (CAMUS, Étranger, 1942, p. 1132) :
• 7. Les passans qui me voyaient auraient pu dire : Voilà un fidèle croyant. Mais eux priaient, et moi j'écoutais; eux adoraient, et moi je cherchais à adorer...
QUINET, All. et Ital., 1836, p. 196.
— [Parfois séparé du verbe] Eux, nous étonnaient par leurs principes dégénérés; et nous, nous les étonnions par nos idées et nos mœurs nouvelles (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 112). Il la boudait (...). Elle pourtant, à chaque minute, (...) semblait l'inviter à être aimable (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1180).
— Lui + rel. Lui qui aimait faire l'homme d'importance, s'oubliait (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 12).
— Lui renforcé par aussi, au moins, du moins, non plus, seul, ou par un adj. numéral cardinal, ou par tous. Eux deux, elles toutes. Napoléon : (...) Je demande mes maréchaux (...). Santini : Ils ont pris la route de Paris (...). Caulaincourt : Vous le voyez, sire; eux aussi vous abandonnent (DUMAS père, Napoléon, 1831, IV, tabl. 14, 2, p. 99).
♦ Lui-même (non réfl.; v. aussi même). Marguerite : je ne reverrai jamais mon fils! et qui peut en répondre, madame? La marquise : Lui-même ignorera qui il est (DUMAS père, Jones, 1838, V 2, p. 195). Et que veux-tu savoir, quand lui-même ne sait rien encore? (CLAUDEL, Père humil., 1920, I, 1, p. 485).
b) [Suj. coordonné à un subst. ou un pron.] Eux et moi serons contents (VILLIERS DE L'I.-A., Corresp., 1878, p. 242). Pas une minute, ni eux, ni personne, ne soupçonnèrent l'épouvantable vérité (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 147).
— [ou suj. d'une prop. comparative ell.] Frère sombre et pensif des arbres frissonnants, Tu laisses choir tes ans ainsi qu'eux leur feuillage (HUGO, Contempl., t. 2, 1856, p. 129) :
• 8. Et moi aussi, je suis comme eux. Mais quoi! La mort n'est rien pour les hommes comme moi. C'est un événement qui leur donne raison.
CAMUS, Peste, 1947, p. 1316.
c) [Suj. d'une prop. ell.] La soirée était chaude, et des papillons venus du jardin tournoyaient autour des bougies. Eux aussi! répliqua ironiquement le petit bossu (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p. 49) :
• 9. Quelles tourtes, ces examinateurs! L'esprit le plus obtus aurait compris que, par ce temps écrasant, nous composerions en français plus lucidement le matin. Eux, non.
COLETTE, Cl. école, 1900, p. 199.
d) [Suj. d'un inf. de narration] Et lui de renchérir, de répliquer, de conclure. Et lui de cornemuser et nous tous de trépigner comme des fous (SAND, Maîtres sonneurs, 1853, p. 96). Eux, alors, de lâcher leur fardeau (...) et puis de s'enfuir à toutes jambes (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 46).
e) [Suj. d'une prop. part. abs., ell. du verbe être] La jeune fille qu'il a conduite à cette ferme, il y a six semaines, lui déguisé en ouvrier (SUE, Myst. Paris, t. 2, 1842-43, p. 280). Cependant, lui parti, M. Baslèvre n'aurait pu agir autrement (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 18). Je ne parviens pas à résister à dire, à formuler, eux absents, ce fond de ma pensée (DU BOS, Journal, 1926, p. 31) :
• 10. En vain Rachel, puis Théophile Gautier ou Victor Hugo ont-ils tenté de rendre à l'enclos déserté une vogue éphémère : eux partis, un abandon définitif s'est appesanti sur ce lieu plein d'histoire.
ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919 p. 3.
2. [Dans les autres fonctions, toujours en cont. prédicatif]
a) [En tournure ell., dans des phrases interr., exclam., le pron. formant à lui seul la question ou la réponse] Vous l'avez joint au téléphone? — Lui-même (? en personne). Oh! lui alors! Encore lui! Toujours lui! Impossible... Dites-lui que je ne pense recevoir aucun journaliste... Non, même pas lui! (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 473).
— En partic. [Phrases exclam. à valeur affective] Cette grossesse l'exaspérait. Lui qui prenait tant de précautions! (ZOLA, Terre, 1887, p. 242). — Mais tous semblaient ravis? — Oh! Eux!... (MALRAUX, Conquér., 1928, p. 19).
b) [En coordination avec un subst. ou un pron.] J'embrasse ton mari, et toi, et lui, et toi encore (HUGO, Corresp., 1843, p. 607). Vous lui donnez un emploi chez vous (...) en vertu d'un traité qui n'engage ni lui ni vous pour un temps déterminé (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 436).
c) [En tournure compar.] Je vous confie la lettre ci-jointe écrite à Dubochet, prenez-en connaissance car elle vous regarde ainsi que lui (BALZAC, Corresp., 1844, p. 664).
d) [Après le présentatif c'est ou il y a ou dans la tournure c'est... qui/que] C'est bien elle. Toutes lui ressemblaient, — ce n'était jamais elle (MUSSET, Namouna, 1832, p. 433). Ils jouaient l'indifférence, ce n'étaient pas eux (ZOLA, Page amour, 1878, p. 1041). On a sonné! On vient! C'est eux! (GIRAUDOUX, Lucrèce, 1944, II, 4, p. 129).
♦ [P. allus. littér. à Montaigne (Essais, I, 27, De l'amitié)] Inutile de chercher d'autres raisons que celle-ci : « Parce que c'était eux, parce que c'était moi... » (MAURIAC, Th. Desqueyroux, 1927, p. 253).
— C'est lui qui/que/dont, etc. Ce n'étaient pas eux qui fuyaient les détails, mais les détails qui les fuyaient (BAUDEL., Salon, 1846, p. 150). Les idées nouvelles ne peuvent être vaincues que par elles-mêmes, ou plutôt ce sont elles qui vainquent leurs adversaires (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 521). C'est bien lui surtout que je suis venu voir (GIDE, Journal, 1905, p. 151) :
• 11. Était-ce lui qui avait discrètement renvoyé Marika? N'était-ce pas elle plutôt qui s'était enfuie, effrayée par l'aspect du pays, ou doutant de mes promesses, ou craignant la colère des personnes dont je dépendais?
LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 185.
♦ En partic. [En phrase exclam.] C'est lui qui sera content! C'est lui, oui, qui a de la chance! (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 79).
— [Après le tour présentatif il y a servant de mise en relief] Oh! mon Dieu, s'il n'y avait pas Vous! Il s'entendit murmurer à voix presque haute : « S'il y a Lui, il est bien caché » (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 315).
— Emploi subst. Dira-t-on que pour Dieu ces adhérences se rompent? Mais il est facile de voir que Dieu ainsi défini n'est en rien pour moi et que je ne suis en rien pour lui. Rien si ce n'est un lui qui ne pourra jamais devenir un toi (G. MARCEL, Journal, 1918, p. 137).
e) [Après le tour restrictif ne... que] Je n'ai trouvé que lui qui m'ait parlé sentiment d'une manière attachante et vraie (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1630). Et je n'ai plus trouvé de grand dans l'univers que lui et son auteur (DELACROIX, Journal, 1822, p. 19). Il n'y avait plus qu'eux sur la terre (CHAMPFL., Bourgeois Molinch., 1855, p. 293).
f) [En fonction d'appos.]
) [au suj., ce dernier étant un subst., un pron., ou un pron. atone de la même pers. et du même genre : lui, il..., elle, elle..., eux, ils..., elles, elles...; le pron. tonique est parfois séparé du verbe par une virgule ou par un membre de phrase] Et ceux qui ont perdu la vie, n'ont-ils rien perdu, eux? (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 311). Vous sauvez la vie aux gens, et après vous les oubliez! Oh! c'est mal! eux ils se souviennent de vous! (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 562) :
• 12. Pour un blessé que nous soignons par hasard, pour un enfant à qui nous donnons à manger, la guerre infatigable en fait par centaines, elle, et tous les jours, des blessés, des malades et des abandonnés.
PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 20.
— [Accompagné d'un compl. circ. de constr. dir.] Nous passâmes encore un pont, lui, son sac de jouets sur l'épaule, moi, un fragile carton aux doigts (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 254).
— En partic.
♦ [Dans les prop. part. (lui + part. prés. ou part. passé)] Et nous allions tous deux, lui pensant, moi rêvant (HUGO, Feuilles automne, 1831, p. 775). Ils couraient par la plaine vide et rase, lui ballonné dans sa blouse, elle échevelée, son bonnet au poing, tous les deux répétant les mêmes mots, grondant comme des bêtes traquées (ZOLA, Terre, 1887, p. 449).
♦ [Dans une énumération, pour expliciter un pron. pers. sing. ou plur.] Il est certain qu'elle me déplaît, elle, sa foulure et son bouillon (MUSSET, Il ne faut jurer, 1840, II, 1, p. 126). Nous étions restés orphelins, moi à cinq ans, lui à dix-huit (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 633). Il périt tout entier, lui et sa vile carcasse! (CLAUDEL, Choéphores, 1920, p. 924).
♦ Fam. [Après un autre suj. en appos. et le renforçant] Les Japonais, eux, ils ne demandent pas tant de choses (GONCOURT, Journal, 1876, p. 1151).
Rem. On relève a) une forme pop. eusses : Eusses, ils ne connaissent rien (FRANCE, Crainquebille, 1905, tabl. 1, 3); b) une forme pop. ou région. (Canada) eux autres : Et eux autres maintenant, (...) ils disent que nous sommes morts (CLAUDEL, Agamemnon, 1896, p. 882). Ce sont des dames riches qui apportent des jouets aux petits garçons malades, ou d'autres enfants, qui en ont plus qu'ils en veulent, eux autres (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 277).
) [au compl. d'obj. dir. (souvent pour reprendre un pron. pers. atone)] Vous verrez le directeur général lui-même. Mais eux ça les tentait pas l'aventure (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 232) :
• 13. Les aquarelles de Cézanne constituent un chapitre à part, et pour lequel mes connaissances actuelles sont encore trop déficientes. Je les admire, elles, sans réserve...
DU BOS, Journal, 1928, p. 134.
— En partic.
♦ [En coordination (souvent pour dédoubler un pron. pers. atone au sing. ou au plur.)] Je les considérais avec surprise, eux, leurs armes et leur accoutrement (DUSAULX, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 229). On les accuserait tous deux, lui d'un manque de franchise, elle de l'oubli de ses devoirs (DURANTY, Malh. H. Gérard, 1860, p. 103). Je sais qu'il déteste le bruit, qu'il désire qu'on ne le mette, ni lui, ni les siens, en scène (HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p. XIV).
♦ Lui qui. Pourquoi l'avaient-ils crucifié, lui qui chérissait les enfants (...)? (FLAUB., Cœur simple, 1877, p. 26).
♦ Vx. Lui + adj. numéral ordinal. Quel beau rôle Que celui d'un nigaud qui gémit et qui piaule, Et qui de vers connus dans un livre-glaçon, Nous donne, lui centième, une contrefaçon! (POMMIER, Crâneries, 1842, p. 161). On le ramassa sous les balles, lui troisième, à l'assaut d'un village (P. MARGUERITTE, Simple histoire, p. 297 ds LE BIDOIS 1967, t. 1, § 288) :
• 14. Zeus ayant rempli son cœur de l'art divin
L'établit, lui quatrième en ce siège par ordre chronologique,
Prophète du dieu son père, Loxias, tel qu'encore il est aujourd'hui même.
CLAUDEL, Euménides, 1920, I, p. 950.
g) [En fonction d'attribut prédicatif] Tout ce qui n'est pas lui; je ne voudrais pas être lui (= je ne voudrais pas être à sa place). Dans sa création le poëte tressaille; il est elle, elle est lui (HUGO, Contempl., t. 1, 1856, p. 74) :
• 15. Bouvard et Pécuchet m'emplissent à un tel point que je suis devenu eux! Leur bêtise est mienne et j'en crève.
FLAUB., Corresp., 1875, p. 237.
h) Fam. [En fonction de thème, ne renforçant ni le suj. ni le compl. d'obj. et signifiant, dans des tours ell., « pour lui, quant à lui »] Lui, très troublé; elle... ses lèvres tremblaient un peu (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1437). Chacun ses monstres, eux c'était l'Amérique leur bête noire (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 233) :
• 16. Et lui aussi, le vieux Peuch, il a tout son menu sur son gilet. Mais, lui, ce n'est pas de l'œuf. Il n'en mange plus, à cause du foie. C'est de la sauce béchamel ou quelque autre saleté de cette espèce.
DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 21.
i) [Avec valeur d'oppos.] Racine s'est trouvé là : autant valait, je crois, pour modèle choisir lui qu'un autre (DUMAS père, Charles VII, 1831, préf., p. 230).
Rem. Pour éviter soit une équivoque, soit un sens trop concr., on emploie après le verbe le pron. compl. d'obj. dir. tonique et on laisse devant le verbe le pron. atone de la 1re ou de la 2e pers. compl. d'obj. indir. ou d'attribution. Cette lettre m'apporte, lui tel que je l'ai connu; elle me rappelle lui en ce moment. ,,Ces cas sont (...) assez rares et leur correction sera contestée par beaucoup`` (SANDF. t. 1 1965, § 43).
II.— Emploi réfl.
1. Emploi réfl. déterminé
a) [Comme compl. prép.]
) [Le subst. déterminé masc. ou fém. désigne une pers.] Il est maître de lui, sûr de lui. Elle attira Jean contre elle (...) et, d'un coup de hanche l'élevant de terre, se mit à danser avec lui (A. FRANCE, Servien, 1882, p. 53). La concierge, qui était une brave femme, le lava et tenta de le faire revenir à lui (COCTEAU, Enf. terr., 1929, p. 17). Il ne faut pas que nos hôtes parisiens soient des étrangers parmi nous, il faut qu'ils se sentent chez eux (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1937, p. 23) :
• 17. Le peuple de l'esprit (...). C'est le seul peuple qui subsiste sans frontières; c'est le seul peuple qui soit chez lui partout, ce qui revient à n'être nulle part chez soi.
ALAIN, Propos, 1933, p. 1156.
Rem. Pour l'emploi de soi avec un subst. déterminé désignant une pers., v. soi.
) [Le subst. déterminé masc. ou fém. désigne une chose] La terre tourne sur elle-même. Si petit que soit le fragment d'une œuvre romaine, il porte en lui un monde qui m'apparaît comme sans limites (GREEN, Journal, 1935, p. 23). Les grands sentiments promènent avec eux leur univers, splendide ou misérable (CAMUS, Sisyphe, 1942, p. 24). La vertu a en elle ce qu'il faut pour la rendre aimable (DAUZAT Gramm. 1958, p. 263).
Rem. Pour un subst. déterminé désignant une chose, on emploie soi (emploi arch.) ou lui/elle (v. soi); l'emploi de lui/elle est de règle si le suj. est un animal. ,,Au féminin, on emploie plutôt elle`` (DUPRÉ 1972).
b) [Comme attribut réfl. (souvent sous la forme renforcée avec même)] Sainte-Beuve ne fut lui que par ses disgrâces auprès des jeunes femmes (BARRÈS, Homme libre, 1889, p. 90). Bremond — qui me quitte à l'instant, qui est plus adorablement lui que jamais (DU BOS, Journal, 1927, p. 288). La façon naturelle qu'ils [des amis] ont d'être « eux » et de compter pour rien dans la transformation qu'ils accomplissent en moi (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1936, p. 54) :
• 18. J'ai avancé (...) que jamais homme n'a été plus lui-même que le Dante, qu'Alfieri n'était pas lui, pour la langue, que même pour les idées il était bien moins lui qu'il ne croyait.
STENDHAL, Rome, Naples et Flor., t. 2, 1817, p. 158.
2. Emploi réfl. indéf. [Pour représenter un pron. indéf. (surtout suivi d'un déterminatif : chacun de..., aucun de..., celui qui...) ou un subst. à valeur gén. à la place de soi (plus rare que soi)] Chacun de nous appartient à la société autant qu'à lui-même (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 7). Il me semble qu'à la première conscience qu'il aurait de lui-même, l'homme retomberait en poussière (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1184).
B.— Lui-même, elle-même, eux-mêmes, elles-mêmes
Rem. Même est obligatoire chaque fois que l'équivoque peut naître et que lui, elle... peut s'interpréter comme renvoyant à autre chose que le sujet.
1. [Sert à renforcer le suj. désignant une pers. ou une chose] Il est imbu de lui-même, en contradiction avec lui-même. Tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change, Le poëte suscite... (MALLARMÉ, Poés., 1898, p. 70). Voilà donc une malheureuse population qui est entièrement abandonnée à elle-même au point de vue hygiénique et prophylactique! (ROMAINS, Knock, 1923, II, 2, p. 9).
a) En partic.
— [En appos.] Les meilleurs libraires de Leyde, sont, disent-ils eux-mêmes, des antiquaires (MICHELET, Journal, 1837, p. 237). À ce moment le do lui-même est remplacé par un indistinct son intermédiaire (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 887). Depuis Marie, sœur de Moïse, jusqu'à cette parfaite Marie elle-même qui fut la mère du Christ (CLAUDEL, Poète regarde Croix, 1938, p. 190).
— [En emploi attribut] Il n'est plus lui-même. Il est tout à fait changé. Nos rêves sont la meilleure et la plus douce partie de notre vie. C'est le moment où chacun de nous est le plus lui-même (RENAN, Drames philos., Eau jouvence, 1881, IV, 3, p. 497).
— [En emploi subst.] Louise : Qui êtes-vous, monsieur? Dubouloy : Un ami intime de Saint-Hérem, un autre lui-même (DUMAS père, Demois. de St-Cyr, 1843, I, 9, p. 114). C'est trop souvent cet homme officiel qui fait la leçon au lui-même d'autrefois (SAINTE-BEUVE, Chateaubr., t. 1, 1860, p. 109).
— [Après ne... que] Les visages n'affirment qu'eux-mêmes (ALAIN, Propos, 1923, p. 548). On dit que les Arnauld n'estiment qu'eux-mêmes (MONTHERL., Port-Royal, 1954, p. 1012).
b) Expr. diverses
♦ [En parlant de pers.] De son/leur propre chef, de sa/leur propre initiative, tout seul, spontanément. En apprenant que son père voulait céder son commerce, elle vint d'elle-même lui demander la préférence (ZOLA, Terre, 1887, p. 48). Le cousin Lachassaigne (...) jugeait inconcevable que le professeur ne songeât pas de lui-même à démissionner (MAURIAC, Génitrix, 1923, p. 333).
♦ [En parlant de choses] Sans l'aide ou l'adjonction d'autre chose. Chaque barreau, plutôt d'acier que d'or, semblait luire de lui-même (GIDE, Tentative amour., 1893, p. 79) :
• 19. Les feux de cheminée et les inondations devenaient plus rares; les lustres ne tombaient plus d'eux-mêmes et spontanément sur le plancher...
A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 309.
— En/par lui/elle-même, en/par eux/elles-mêmes
♦ [En parlant de pers.] Personnellement. Il est venu voir par lui-même. Esprits capables de vérifier en eux-mêmes et par eux-mêmes (NIZAN, Chiens garde, 1932, p. 157).
♦ [En parlant de choses] Par sa/leur propre nature. C'est [Une Bataille, de Salvator Rosa] la bataille en elle-même, personnifiée pour ainsi dire (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 111). Les résultats généraux (...) ont de la valeur en eux-mêmes (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 135). Ces théorèmes sévères ne sont pas intéressants par eux-mêmes; c'est que par eux-mêmes ils ne sont pas; il faut les faire et les soutenir (ALAIN, Propos, 1931, p. 1009).
— Pour lui/elle-même, pour eux/elles-mêmes
♦ Pour sa propre personne, indépendamment de toute considération d'intérêt. M. Thiboust-Gouron était dur pour lui-même comme pour autrui (SARTRE, Nausée, 1938, p. 123).
En leur propre nom. C'est qu'ils ne parlent pas seulement pour eux-mêmes, ils parlent aussi pour M. Claudel (THIBAUDET, Réflex. litt., 1936, p. 133).
♦ Pour la chose considérée isolément. S'il restait encore de lui quelques os, ils existaient pour eux-mêmes, en toute indépendance (SARTRE, Nausée, 1938 p. 127).
2. [Sert à renforcer le pron. réfl. se]
a) [Se est compl. d'obj. dir.] Avant de se trouver eux-mêmes, ils s'étaient rencontrés les uns les autres (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 26). Il leur demande un grain de blé et en échange Il Se donne Lui-même, Il est le Pain des anges (JAMMES, Géorgiques, Chant I, 1911, p. 31).
b) [Se est compl. d'obj. indir. (à + le pron.)] Pour se justifier à lui-même les soupçons qu'il a (MÉRIMÉE, A. Guillot, 1847, p. 11). La demeure qu'ils se sont donnée à eux-mêmes, est (...) la demeure de l'absolu (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 116).
Prononc. :[], [], [ø], []. On ne fait pas la liaison entre eux et un mot suiv., ex. : je chante, eux/écoutent, mais je chante, elles écoutent, avec la liaison. Pas de liaison non plus après eux-mêmes, eux seuls : eux-mêmes/avaient émigré, eux seuls/auraient pu rester. Étymol. et Hist. Lui2 : v. lui1. Elle2, eux, elles2 : v. il1(s).
STAT. — Lui1 et 2. Fréq. abs. littér. :303 549. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 395 544, b) 440 000; XXe s. : a) 460 064, b) 440 999.
BBG. — FOULET (L.). L'Extension de la forme oblique du pron. pers. en a. fr. Romania. 1935, t. 61, pp. 401-463. — HERIAU (M.). Le Verbe impers. en fr. mod. Paris, 1980, p. 399, 905; pp. 1010-1012. — JENSEN (J.). Obs. sur le pron. lui. R. rom. 1970, t. 5, pp. 205-222. — MASON (P.). Li and lui as indirect objects pronouns in two Middle Fr. texts. St. neophilol. 1980, t. 52, n° 2, pp. 385-388. — PINCHON (J.). Hist. d'une norme... Lang. fr. 1972, n° 16, pp. 74-87. — THOMAS (A.). Lui et lei. Romania. 1883, t. 12, pp. 332-334. — TILANDER (G.). Un Probl. syntaxique de l'a. fr. je lui donne = je le lui donne. Romania. 1937, t. 63, pp. 31-47. — ZRIBI-HERTZ (A.). Coréférence et pron. réfl. : notes sur le contraste lui/lui-même en fr. Ling. Investig. 1980, t. 4, n° 1, pp. 131-179.
elle [ɛl] pron. pers. f.
ÉTYM. Xe, ele; lat. illa « celle, celle-là ».
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♦ Elle employé comme sujet. || Elle arrive, elles arrivent.
1 Hier au soir, Madame n'a pas soupé : elle n'a pris que du thé. Elle a sonné de bonne heure ce matin; elle a demandé ses chevaux tout de suite, et elle a été, avant neuf heures, aux Feuillans, où elle a entendu la Messe.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre CVII.
REM. Le code de la « civilité puérile et honnête » recommandait aux enfants de ne pas dire « elle » en parlant de leur mère.
♦ Fam. Désignant la chose dont on parle. || Elle est bien bonne. || Elle est raide, celle-là !
2 Ah ! non, elle est trop drôle ! bégayait Loubet, la bouche pleine, en agitant sa cuiller. Comment ! c'est là l'ennemi qu'on nous menait combattre ? Il n'y avait personne (…)
Zola, la Débâcle, I, I.
♦ Employé comme complément. — REM. Elle n'est complément d'objet direct qu'accompagné; seul, il est remplacé par le pronom la devant le verbe : Je la chéris. — Je n'aime qu'elle. || Je veux la voir, elle. || Le lion la dévora, elle et ses petits.
3 Je n'aimais qu'elle au monde, et vivre un jour sans elle
Me semblait un destin plus affreux que la mort.
A. de Musset, Poésies nouvelles, Nuit d'octobre.
4 Quand j'écris « nous », je la mets à part, elle, de qui me vient le don de secouer les années comme un pommier ses fleurs.
Colette, la Naissance du jour, p. 154.
♦ Employé comme complément du verbe et de l'adjectif et introduit par une préposition. — REM. Avec les prépositions avec, après, en, par, pour, vers…, elle s'emploie indifféremment pour les personnes et les choses (animées ou inanimées). || Les ruines que la guerre accumule derrière elle.
5 Je trouvais du plaisir à me perdre pour elle.
Racine, Andromaque, II, 5.
♦ Avec les prépositions à et de, la construction de elle est une question d'usage, quand il s'agit de personnes (ou de choses personnifiées). || Je ne suis pas content d'elle. || Je songe à elle. || Elle ne pense qu'à elle. || Ces gants sont à elle. || Des sœurs à elle (→ Bourgeoisement, cit. 1). || Adressez-vous à elle. || Parlez-lui (et non « parlez à elle »). || C'est à elle que vous devez parler. || Dites-lui, à elle. ⇒ Lui. || Dites-le leur, à elles. ⇒ Leur.
REM. On ne dira pas : il est désagréable, facile, pénible… à elle de…; mais : il lui est désagréable, facile, pénible… de… En revanche, on dira : il est honteux à elle de s'afficher ainsi; et non pas : il lui est honteux de…
♦ Quand il s'agit de choses, les pronoms en et y, aujourd'hui réservés aux choses, doivent être préférés à elle. || Cette maison menace ruine, ne vous en approchez pas, plutôt que ne vous approchez pas d'elle. || Il aime la musique, il s'y adonne depuis l'enfance, plutôt que il s'adonne à elle..
♦ C'est à elle que… || C'est à elle (une science, une technique…) que nous devons consacrer le plus d'efforts.
♦ Absolt. La femme aimée, l'éternel féminin… || Elle et Lui, roman de George Sand, inspiré par sa liaison avec Musset.
♦ Elle-même (plur., elles-mêmes), forme renforcée. || Elle-même l'a déclaré : elle, en personne.
REM. On note parfois des prononciations populaires du pronom comme [al] ou [e] :
6 Mam'zelle Jeannette Laurier, s'il vous plaît ?
— Sortie. — Ah ! Où qué déjeune ? — Où qué déjeune ?
Est-ce que je sais, moi ! Où qué déjeune ? Ah ! bien !
Germain Nouveau, Œuvres en prose, « Le manouvrier » (1878), Pl., p. 445.
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HOM. Aile, ale.
Encyclopédie Universelle. 2012.