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autrui

autrui [ otrɥi ] pron.
altrui 1080; cas régime de autre
Un autre, les autres hommes. prochain.
1Cour. (compl.) Agir pour le compte d'autrui, au nom d'autrui. Les dépouilles d'autrui. Voler le bien d'autrui. L'amour d'autrui. altruisme. « L'on ne prête à autrui que les sentiments dont l'on est soi-même capable » (A. Gide). « Ma pitié, ou du moins cette sorte de malaise devant la misère d'autrui » (F. Mauriac). PROV. Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît.
2Littér. ou didact. (sujet) « Autrui n'a même pas toujours besoin de formuler un conseil » (Romains).

autrui pronom indéfini (ancien cas oblique de autre, du bas latin alterui, datif de alter, autre) Toute personne autre que soi-même, surtout considérée sur le plan moral ; ensemble des personnes autres que soi-même : Se dévouer à autrui.autrui (citations) pronom indéfini (ancien cas oblique de autre, du bas latin alterui, datif de alter, autre) Arthur Adamov Kislovodsk 1908-Paris 1970 Je n'aime pas travailler, mais j'admets que les autres travaillent. Le Ping-pong Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Nous n'avons pas toujours assez de force pour supporter les maux d'autrui. Propos sur le bonheur Gallimard Claude Aveline Paris 1901-Paris 1992 La mort d'autrui soumet le vivant, résigné, aux lois inévitables. La sienne, il la considère comme un assassinat. Les Mots de la fin Hachette François Béroalde de Verville Paris 1556-Tours 1629 — Mais de quoi sont composées les affaires du monde ? — Du bien d'autrui. Le Moyen de parvenir Jacques Boutelleau, dit Jacques Chardonne Barbezieux 1884-La Frette-sur-Seine 1968 Le couple, c'est autrui à bout portant. L'Amour, c'est beaucoup plus que l'amour Albin Michel Assemblée nationale constituante La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui […]. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Article IV Eugène Grindel, dit Paul Eluard Saint-Denis 1895-Charenton-le-Pont 1952 Nous avons inventé autrui Comme autrui nous a inventé Nous avions besoin l'un de l'autre. Le Visage de la paix, 21 Éditeurs français réunis André Gide Paris 1869-Paris 1951 Le meilleur moyen pour apprendre à se connaître, c'est de chercher à comprendre autrui. Journal Gallimard André Gide Paris 1869-Paris 1951 Ne peut rien pour le bonheur d'autrui celui qui ne sait être heureux lui-même. Les Nouvelles Nourritures Gallimard Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Le fabricateur souverain Nous créa besaciers tous de même manière […] Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Et celle de devant pour les défauts d'autrui. Fables, la Besace Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui, Qui souvent s'engeigne soi-même. Fables, la Grenouille et le Rat duper, abuser Anne Thérèse de Marguenat de Courcelles, marquise de Lambert Paris 1647-Paris 1733 Nous vivons avec nos défauts comme avec les odeurs que nous portons : nous ne les sentons plus ; elles n'incommodent que les autres. Avis d'une mère à sa fille et à son fils Félicité de La Mennais Saint-Malo 1782-Paris 1854 L'on n'estime guère dans les autres que les qualités que l'on croit posséder soi-même. Mélanges religieux et philosophiques François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Il est plus aisé d'être sage pour les autres que de l'être pour soi-même. Maximes François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui. Maximes Commentaire L'antithèse est chez Alain dans Propos sur le bonheur. Alain René Lesage Sarzeau 1668-Boulogne-sur-Mer 1747 Tous les hommes aiment à s'approprier le bien d'autrui ; c'est un sentiment général ; la manière seule de le faire est différente. Histoire de Gil Blas de Santillane André Malraux Paris 1901-Créteil 1976 Reconnaître la liberté d'un autre, c'est lui donner raison contre sa propre souffrance. La Condition humaine Gallimard Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, Et service d'autrui n'est pas un héritage. Les Femmes savantes, II, 5, Martine Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 La confiance en la bonté d'autrui est un non léger témoignage de la bonté propre. Essais, I, 14 Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Il se faut prêter à autrui et ne se donner qu'à soi-même. Essais, III, 10 Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 Si on ne voulait être qu'heureux, cela serait bientôt fait. Mais on veut être plus heureux que les autres, et cela est presque toujours difficile parce que nous croyons les autres plus heureux qu'ils ne sont. Mes pensées Jean Paulhan Nîmes 1884-Neuilly-sur-Seine 1968 Académie française, 1963 Les seules libertés auxquelles nous soyons sensibles sont celles qui viennent jeter autrui dans une servitude équivalente. Le Bonheur dans l'esclavage Pauvert Jean Prévost Saint-Pierre-lès-Nemours 1901-près de Sassenage, Vercors, 1944 Me juger toujours responsable ; autrui, jamais. Les Caractères Albin Michel Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 Un milieu élégant est celui où l'opinion de chacun est faite de l'opinion des autres. Est-elle faite du contre-pied de l'opinion des autres ? C'est un milieu littéraire. Les Plaisirs et les Jours Gallimard Mathurin Régnier Chartres 1573-Rouen 1613 Sotte et fâcheuse humeur de la plupart des hommes Qui, suivant ce qu'ils sont, jugent ce que nous sommes. Satires, VII Charles Augustin Sainte-Beuve Boulogne-sur-Mer 1804-Paris 1869 Le plus souvent, nous ne jugeons pas les autres, mais nous jugeons nos propres facultés dans les autres. Les Cahiers Paul-Jean Toulet Pau 1867-Guéthary 1920 Apprends à te connaître : tu t'aimeras moins, et à connaître les autres : tu ne les aimeras plus. Monsieur du Paur, homme public Émile-Paul Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Le moi est haïssable… mais il s'agit de celui des autres. Mélange Gallimard Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues Aix-en-Provence 1715-Paris 1747 Nous n'avons pas assez d'amour-propre pour dédaigner le mépris d'autrui. Réflexions et Maximes Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues Aix-en-Provence 1715-Paris 1747 On ne s'amuse pas longtemps de l'esprit d'autrui. Réflexions et Maximes Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues Aix-en-Provence 1715-Paris 1747 Le prétexte ordinaire de ceux qui font le malheur des autres est qu'ils veulent leur bien. Réflexions et Maximes Épictète Hiérapolis, Phrygie, vers 50-Nicopolis, Épire, vers 130 après J.-C. C'est le fait d'un ignorant d'accuser les autres de ses propres échecs ; celui qui a commencé de s'instruire, s'en accuse soi-même ; celui qui est instruit n'en accuse ni autrui ni soi-même. Manuel, V (traduction J. Pépin) Bible Aussi es-tu sans excuses, qui que tu sois, toi qui juges. Car, en jugeant autrui, tu juges contre toi-même, puisque tu agis de même, toi qui juges. Saint Paul, Épître aux Romains, II, 1 Henry Louis Mencken Baltimore, Maryland, 1880-Baltimore, Maryland, 1956 C'est un péché de penser du mal d'autrui, mais c'est rarement une erreur. It is a sin to believe evil of others, but it is seldom a mistake. A Book of Burlesques Alexander Pope Londres 1688-Twickenham 1744 Je n'ai jamais connu, de ma vie, aucun homme qui ne pût supporter les malheurs d'autrui comme un parfait chrétien. I never knew any man in my life who could not bear another's misfortunes perfectly like a Christian. Pensées sur divers sujetsautrui (difficultés) pronom indéfini (ancien cas oblique de autre, du bas latin alterui, datif de alter, autre) Emploi 1. Autrui avec un possessif. Autrui étant par nature singulier ne peut être employé qu'en corrélation avec son, sa, ses : il rend scrupuleusement son dÛ à autrui (et non : il rend scrupuleusement leur dÛ à autrui). 2. Autruien fonction de sujet. Cet emploi est aujourd'hui admis : « En société, ce n'est pas autrui qui me fatigue et qui m'irrite ; c'est moi-même »(A. Gide). Remarque En ancien français, autrui était la forme de autre en fonction de complément (« cas régime ») ; aussi n'a-t-il été longtemps admis que comme complément.

autrui
Pron. indéf. inv. Litt. Les autres, le prochain. Le bien d'autrui.

⇒AUTRUI, pron. indéf.
A.— Un autre, les autres, l'ensemble des hommes par opposition au moi du locuteur et en exclusion de ce moi.
1. [Le plus souvent, précédé d'une prép.] :
1. Tu peux, fausse comme elle et comme elle sans foi,
Être encor pour autrui ce que tu fus pour moi.
CHÉNIER, Élégies, 1794, p. 53.
2. ... devinez sans être devinés, déjouez le jeu d'autrui sans permettre à autrui de lire dans le vôtre; autrement dit : défaites chez autrui l'œuvre d'artifice pour y retrouver la vérité, mais ne permettez pas à autrui de percer votre vérité propre; ...
JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, pp. 10-11.
Rem. 1. Toutes les prép. peuvent introduire autrui (à, avec, chez, dans, d', en, envers, par, pour, sans, sur, vers, etc.). 2. Autrui précédé de la prép. de est souvent compl. de nom : affaires, (aux) dépens, droit, liberté, malheur, opinion d'autrui; celui, celle, ceux d'autrui.
2. [Plus rarement, dans une constr. sans prép.]
a) Compl. d'obj. dir. ou attribut :
3. Ne pas aimer quand on a reçu du ciel une âme faite pour l'amour, c'est se priver soi et autrui d'un grand bonheur.
STENDHAL, De l'Amour, 1822, p. 69.
4. Si, au contraire, l'homme et les esprits purs n'avaient pas de choix entre Dieu et eux-mêmes, entre l'infini et le fini, leur personnalité n'existerait que comme une dépendance absolue de la personnalité divine; ils seraient autrui et non pas eux.
LACORDAIRE, Conf. de Notre Dame, 1848, p. 117.
5. Pour moi qui crains sans cesse de déranger autrui, la pensée d'autrui, le repos d'autrui, la prière d'autrui, tant de sans-gêne me consterne d'abord, puis m'indigne.
GIDE, Le Retour du Tchad, 1928, p. 1008.
b) Sujet
[En corrélation avec autrui empl. comme compl.] :
6. On renonce à gêner autrui en rien, et autrui vous en veut de votre renoncement comme d'une offense.
AMIEL, Journal intime, 1866, p. 127.
7. ... on rougit presque sous l'œil d'autrui, comme si autrui devinait que vous venez d'avoir des pensées aussi bêtes.
ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, p. 63.
Rare. [Empl. seul] :
8. Le socialisme se recrute, en effet, non seulement parmi les intelligences les plus capables de creuser profondément l'ardu problème de la justice sociale, mais surtout parmi les souffrants de la terre en quête de misères moindres, et parmi les grands cœurs que blesse au vif l'iniquité dont geint autrui.
CLEMENCEAU, Vers la réparation, 1899, p. 36.
9. Autrui nous est indifférent et l'indifférence n'invite pas à la méchanceté.
PROUST, La Prisonnière, 1922, p. 111.
10. Certes, autour de soi, on prônait le dévouement, mais on lui assignait pour limites le cercle familial; hors de là, autrui n'était pas un prochain.
S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 180.
Rem. 1. Autrui peut être suj. dans une phrase compar. avec ell. du verbe :
11. Il jeûnait plus longtemps qu'autrui les jours de jeûne, ...
HUGO, La Légende des siècles, t. 1, 1859, p. 122.
Rem. 2. À la suite d'un ex. de S. Guitry où autrui est employé comme suj. sans s'opposer à un autre autrui en fonction normale de compl., G. Gougenheim (Fr. mod., t. 17, 1949, p. 36) remarque : ,,Dans cette dernière phrase autrui a pleinement un sens collectif : ce n'est pas « un autre », mais « les autres » : il a un sens analogue à le prochain dans la langue morale ou religieuse. L'auteur semble s'être écarté intentionnellement de l'usage normal, afin d'accentuer, par cette irrégularité, le caractère piquant de sa raillerie.``
B.— En partic., PHILOS. ,,... les rapports entre l'individu et le monde sont parmi les principales préoccupations de l'existentialisme de Jean-Paul Sartre; aussi n'est-il point surprenant de le voir élargir et rajeunir la syntaxe de ce pronom, alternative concise et maniable de les autres — le troisième membre de la série synonymique, le prochain, lui étant interdit pour des raisons d'ordre idéologique`` (E. DE ULLMANN ds Fr. mod., t. 17, 1949, p. 225) :
12. ... ma liberté, en quelque sorte, récupère ses propres limites car je ne puis me saisir comme limité par autrui qu'en tant qu'autrui existe pour moi...
SARTRE, L'Être et le Néant, 1943, p. 609.
Plus gén., la philos. mod. emploie beaucoup autrui, substitut pratique de « les autres » :
13. La solitude et la communication ne doivent pas être les deux termes d'une alternative, mais deux moments d'un seul phénomène, puisque, en fait, autrui existe pour moi. Il faut dire de l'expérience d'autrui ce que nous avons dit ailleurs de la réflexion : que son objet ne peut pas lui échapper absolument, puisque nous n'en avons notion que par elle.
MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, p. 412.
Rem. 1. Autrui peut, dans la pensée d'un aut., perdre toute indéfinition, cesser de fonctionner comme nominal et être réduit à représenter un certain nombre de personnes :
14. Et pourtant, la coquette a beau être bien sûre d'elle : il y a autrui. Autrui est ce qu'il est, indépendamment des qualifications d'un arbitraire complaisant. Autrui, ç'avait été, dans le système Hanotaux, l'Allemagne, qui ne s'était jamais figuré une minute qu'il n'y eût là que jeu...
MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 99.
Rem. 2. Autrui étant du sing. peut être employé en relation avec les poss. son, sa, ses, soi (même), le(s) sien(s), etc., et non avec leur, leurs, eux (mêmes), bien que certains grammairiens aient condamné cet usage.
Rem. 3. Autrui/les autres. Autrui prenant de plus en plus un sens coll. est, le plus souvent, remplacé par les autres. Inversement autrui peut remplacer les autres.
Employé substantivement
1. [Précédé d'un art.] :
15. ... les connaisseurs d'eux-mêmes sont les meilleurs connaisseurs d'autrui, et de l'autrui le plus opposé.
DU BOS, Journal, 1921, p. 19.
P. plaisant. [S'accordant en genre et en nombre] :
16. Quand je pense à nous, je pense au temps où l'on pouvait aller errer sur route ou sur plage (Villerville, par exemple) et développer la sensation qu'on était tout à fait coupés des vagues autruis. C'est loin. Nous avons des autruis et autruies plein les — pieds.
VALÉRY, Correspondance [avec Gide], 1929, p. 508.
2. DR., Vx. L'autrui. Le droit d'autrui, le bien d'autrui.
Rem. Loc. en usage au commencement du XVIIe s. selon LITTRÉ.
♦ Antéposé comme complément de nom :
17. — ... et quant à moi, quoique je sois à peine légiste et tout au plus procureur amateur, je soutiens ceci : qu'aux termes de la coutume de Normandie, à la saint-Michel, et pour chaque année, un équivalent devait être payé au profit du seigneur, sauf autrui droit [à l'exclusion du droit d'autrui], par tous et un chacun, ...
HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 797.
3. SOCIOL. L'autrui généralisé. ,,... Communauté organisée elle-même, dont l'individu intègre les rôles et qui donne l'unité du soi. C'est sous la forme de l'autrui généralisé que le processus social affecte le comportement des individus qui y sont engagés et que la communauté exerce son contrôle sur la conduite de ses membres`` (Sociol. 1970).
PRONONC. ET ORTH. :[]. Durée mi-longue sur la 1re syll. ds PASSY 1914 et BARBEAU-RODHE 1930. FÉR. Crit. t. 1 1787 précise que le mot ,,ne se dit que des personnes, et n'a point de pluriel`` (cf. aussi WAILLY 1808).
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. Ca 1100 « un autre, le prochain » (Roland, 1963, éd. Bédier, p. 164 : Ne fait damage ne de meie ne d'altrui); 2. 1262 l'autrui « le bien d'autrui » (J. LE MARCHAND, Miracles N. D. Chartres, éd. Duplessis, 185 ds T.-L. : De l'autrui volentiers prenoit) — début XVIIe s. (MALHERBE, Bienf. de Sénèq., VII, 16 ds DG) sens encore signalé ds BESCH. et qualifié de ,,vieilli`` ds DG.
Anc. cas oblique de autre formé à partir du datif de alter alterui pour alteri d'apr. cui.
STAT. — Fréq. abs. littér. :2 587. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 903, b) 1 929; XXe s. : a) 1 660, b) 7 347.
BBG. — Autrui. Déf. Lang. fr. 1970, n° 55, pp. 40-41. — DEM. 1802. — Foi t. 1 1968. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — GOUGENHEIM (G.). Autrui sujet. Fr. mod. 1949, t. 17, pp. 35-36. — HENNING (G. N.). A Note on autrui. Mod. Lang. Notes. 1929, t. 44, pp. 107-108. — LAFON 1969. — LE ROUX 1752. — MARCEL 1938. — MARTIN (E.). Le Courrier de Vaugelas 1872, t. 3, p. 59; 1874/75, t. 5, p. 37. — NOTER-LÉC. 1912. — PIERREH. Suppl. 1926. — POPE 1961 [1952], § 870. — RAT (M.). Vieilles loc., mais qui vivent toujours. Déf. Lang. fr. 1965, n° 27, p. 10. — Sociol. 1970. — ULLMANN (S.). A propos d'autrui sujet. Fr. mod. 1949, t. 17, pp. 225-226.

autrui [otʀɥi] pron.
ÉTYM. 1262; altrui, 1080; cas régime de autre.
Un autre; les autres hommes. Prochain.Cour. (en compl. prépositionnel). || Agir pour le compte d'autrui, au nom d'autrui. || Vivre en parasite aux dépens d'autrui. || Les dépouilles d'autrui. || Convoiter le bien d'autrui. || S'approprier les pensées d'autrui. || L'amour d'autrui, l'intérêt pour autrui. Altruisme, et aussi altérocentrisme. || Compatir aux peines d'autrui.Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse. Littér. ou didact. (en sujet ou compl. direct.) → ci-dessous, cit. 9 (compl.), 28 (sujet). || Il ne faut pas juger autrui, il faut respecter autrui.
1 (…) frotter et limer notre cervelle contre celle d'autrui.
Montaigne, Essais, I, 25, De l'institution des enfants.
2 La vue des angoisses d'autrui m'angoisse matériellement.
Montaigne, Essais, XXXI, Force de l'imagination.
3 (…) Regarde en autrui
Tout ce qui t'y déplait, tout ce qu'on y censure,
Et déracine en toi ce qui te choque en lui.
Corneille, l'Imitation de J.-C., I, 25.
4 Dans le bonheur d'autrui je cherche mon bonheur.
Corneille, le Cid, I, 2.
5 Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui.
La Rochefoucauld, Maximes, 19.
6 T'attendre aux yeux d'autrui, quand tu dors, c'est erreur (…)
La Fontaine, Fables, XI, 3.
7 Le moins qu'on peut laisser de prise aux dents d'autrui,
C'est le mieux (…)
La Fontaine, Fables, X, 9.
8 Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
La Fontaine, Fables, VII, 1.
9 Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui,
Qui souvent s'engeigne soi-même.
La Fontaine, Fables, IV, 11.
10 Je m'érigerai en censeur des actions d'autrui, jugerai mal de tout le monde (…)
Molière, Dom Juan, V, 2.
11 Le sentiment d'autrui n'est jamais pour lui plaire (…)
Et ses vrais sentiments sont combattus par lui
Aussitôt qu'il les voit dans la bouche d'autrui (…)
Molière, le Misanthrope, II, 4.
12 Un noble cœur ne peut soupçonner en autrui
La bassesse et la malice
Qu'il ne sent point en lui (…)
Racine, Esther, III, 9.
13 Le roi s'était flatté toute sa vie de faire pénitence sur le dos d'autrui (…)
Saint-Simon, Mémoires, 250, 77, in Littré.
14 Nous n'avons pas assez d'amour-propre pour dédaigner le mépris d'autrui.
Vauvenargues, Maximes, 549.
15 J'ai toujours eu pour principe de ne faire jamais par autrui ce que je pouvais faire par moi-même.
Montesquieu, Cahiers, p. 7.
16 Au peu d'esprit que le bonhomme avait,
L'esprit d'autrui par supplément servait;
Il entassait adage sur adage,
Il compilait, compilait, compilait (…)
Voltaire, le Pauvre Diable.
17 Celui qui t'entretient des défauts d'autrui entretient les autres des tiens.
Diderot, Opinions des anciens philosophes, Sarrasins.
18 La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.
Déclaration des droits de l'homme, 1791, art. 4.
19 Sa haine le portait à blâmer chez autrui ce qu'il conseillait lui-même (…)
Louis Barthou, Mirabeau, p. 252.
20 Toute notre critique, c'est de reprocher à autrui de n'avoir pas les qualités que nous croyons avoir.
J. Renard, Journal, 29 juil. 1895.
21 Il advient le plus souvent que l'on ne prête à autrui que les sentiments dont l'on est soi-même capable (…)
Gide, Pages de journal, p. 113.
22 La complaisance envers autrui n'est pas beaucoup moins ruineuse que celle envers soi-même.
Gide, Journal, 25 nov. 1905.
23 Mon cœur ne bat que par sympathie; je ne vis que par autrui (…)
Gide, les Faux-monnayeurs, I, 8.
24 Chacun de nous croit être aux yeux d'autrui ce qu'il est aux siens propres.
Edmond Jaloux, les Visiteurs, XV.
25 (…) Je sais ce qu'il en coûte de s'attacher à autrui et quelles fibres intimes sont déchirées par l'arrachement des adieux.
Edmond Jaloux, Fumées dans la campagne, II.
26 (…) ma pitié, ou du moins cette sorte de malaise devant la misère d'autrui, que nous avons accoutumé d'appeler ainsi.
F. Mauriac, la Pharisienne, p. 156.
27 Par nature, il aimait à se mêler des affaires d'autrui, ce qui était bien une forme d'indiscrétion.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, VII, p. 245.
28 Autrui, le temps et l'histoire font éclater le champ transcendantal, parce qu'ils sont constitutifs de l'être de l'Ego lui-même et du mouvement qui le porte à la conscience de soi.
J.-T. Desanti, Phénoménologie et Praxis, p. 133.
N. m. Didact. : L'autrui; des autruis. Prochain, semblable.
29 Ce qu'elle dit, ce qui anime, illumine tel autrui — il lui importe peu que ce soit par des paroles ou par des formes.
Valéry, Cahiers, Pl., t. II, p. 1330.
30 (Le sadique) appréhende les autres soit comme des victimes soit comme des complices, mais dans aucun des deux cas ne les appréhende comme des autruis, toujours au contraire comme des Autres qu'autrui.
G. Deleuze, in M. Tournier, Vendredi…, p. 282.
DÉR. V. Altruisme. — Autruicide ou altruicide.

Encyclopédie Universelle. 2012.