ennuyer [ ɑ̃nɥije ] v. tr. <conjug. : 8>
1 ♦ Causer du souci, de la contrariété à (qqn). ⇒ contrarier. Ça m'ennuie, cette petite fièvre. ⇒ inquiéter, préoccuper, tarabuster, tourmenter, tracasser; région. chicaner. Cela m'ennuierait d'arriver en retard, que vous arriviez en retard. Cela vous ennuierait-il d'attendre un moment ? ⇒ déranger, gêner. — Impers. Vx « Il m'ennuierait fort d'en chercher un autre » (P.-L. Courier).
2 ♦ Importuner. ⇒ agacer, assommer, énerver, excéder, fatiguer, lasser; fam. barber, bassiner, canuler, cavaler, courir, embêter, emmerder, empoisonner, enquiquiner, gonfler, soûler, tanner, tuer(fig.), user (cf. fam. Faire braire, chier, suer, tartir). Tu nous ennuies, avec tes histoires ! (cf. Casser les pieds, pomper l'air).
3 ♦ Remplir d'ennui, lasser l'intérêt de (qqn). Un enfant gâté que tout ennuie. ⇒fam. barber, raser. Conférencier qui ennuie son auditoire. ⇒ endormir. Absolt Une lecture qui ennuie. « L'éloquence continue ennuie » (Pascal) .
4 ♦ Pronom. S'ennuyer de qqn : ressentir désagréablement son absence. ⇒ languir. Elle s'ennuie de ses parents.
♢ Éprouver de l'ennui. ⇒ s'embêter, se morfondre. S'ennuyer à mourir. S'ennuyer ferme quelque part. « Je ne m'ennuie jamais avec vous » (Sand). Vieilli S'ennuyer de, à (et inf.). « Les amants et les maîtresses ne s'ennuient point d'être ensemble » (La Rochefoucauld). ⇒ se lasser. — Loc. fam. S'ennuyer comme un rat mort, à cent sous de l'heure : s'ennuyer beaucoup.
⊗ CONTR. Amuser, désennuyer, distraire.
● ennuyer verbe transitif (bas latin inodiare, du latin classique in odio esse, être un objet de haine) Lasser quelqu'un, ne provoquer chez lui aucun intérêt, lui causer un sentiment de fatigue : Ce film nous a ennuyés. Importuner quelqu'un, le déranger, le gêner ; embêter : Cesse d'ennuyer ton père avec tes questions. Inspirer à quelqu'un du souci, du tracas, le préoccuper : Ça l'ennuie de devoir laisser les enfants seuls le soir. ● ennuyer (citations) verbe transitif (bas latin inodiare, du latin classique in odio esse, être un objet de haine) François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Nous pardonnons souvent à ceux qui nous ennuient, mais nous ne pouvons pardonner à ceux que nous ennuyons. Maximes François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 On s'ennuie presque toujours avec ceux que l'on ennuie. Maximes Gustave Le Bon Nogent-le-Rotrou 1841-Paris 1931 Les gens vertueux se vengent souvent des contraintes qu'ils s'imposent par l'ennui qu'ils inspirent. Aphorismes du temps présent Flammarion Charles Joseph, prince de Ligne Bruxelles 1735-Vienne 1814 Ceux qui ne savent pas rester chez eux sont toujours des ennuyés et, par conséquent, des ennuyeux. Mes écarts Charles d'Orléans Paris 1394-Amboise 1465 Le monde est ennuyé de moy, Et moy pareillement de lui. Rondeaux François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Le secret d'ennuyer est celui de tout dire. Sept Discours en vers sur l'homme, Sur la nature de l'homme ● ennuyer (synonymes) verbe transitif (bas latin inodiare, du latin classique in odio esse, être un objet de haine) Lasser quelqu'un, ne provoquer chez lui aucun intérêt, lui causer...
Synonymes :
- empoisonner (familier)
- fatiguer
- lasser
- peser
- raser (familier)
- rebuter
Contraires :
- amuser
- charmer
- désennuyer
- divertir
- égayer
- plaire
Importuner quelqu'un, le déranger, le gêner ; embêter
Synonymes :
- assommer
- barber (familier)
- embêter (familier)
- enquiquiner (familier)
Contraires :
- intéresser
Inspirer à quelqu'un du souci, du tracas, le préoccuper
Synonymes :
- embêter (familier)
ennuyer
v. tr.
d1./d Causer de l'ennui à, contrarier (qqn). Cet échec l'ennuie beaucoup.
d2./d Importuner, lasser. Il ennuie tout le monde avec ses exigences.
|| Rebuter, susciter un ennui profond à. Ce conférencier ennuie son auditoire.
d3./d v. Pron. éprouver un ennui profond, se morfondre. Il est seul, il s'ennuie toute la journée.
|| S'ennuyer de: regretter ou être affecté par l'absence, l'éloignement de. S'ennuyer de ses proches.
⇒ENNUYER, verbe trans., S'ENNUYER, verbe pronom. subjectif.
I.— Verbe trans.
A.— Vieilli. [Correspond à ennui A en partic.] Il m'ennuie de + subst. Avoir la nostalgie de quelqu'un/ quelque chose. Depuis que tu es venue ici, il m'ennuie de toi plus qu'auparavant (FLAUB., Corresp., 1880, p. 375). Quand elles rentrèrent au logis (...), Madame ne put s'empêcher de dire :« C'est égal, il m'ennuyait déjà de la maison » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Mais. Tellier, 1881, p. 1201).
B.— Moderne
1. [Correspond à ennui B 1 b] Inspirer un sentiment de lassitude, de fatigue. Synon. lasser, barber (fam.), raser (fam.), tanner (fam.), enquiquiner (vulg.).
a) [Le suj. désigne une pers.] Je vous ennuie en bavardant là (MURGER, Scène vie jeun., 1851, p. 122). Les collectionneurs m'ennuient (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 508) :
• 1. Il est muet et sombre. Vous croyez qu'il s'ennuie et il vous ennuie. Et vous dites : « Ce pauvre monsieur, il est fatigant à la longue! »
FRANCE, Au petit bonheur, 1898, 3, p. 501.
♦ [Avec méton. du compl. d'obj.] Elle avait l'art de retourner contre moi tous les conseils dont j'avais ennuyé son enfance (BEAUVOIR, Mandarins, 1954 p. 163).
♦ P. anal. [Le compl. d'obj. désigne une chose] Il ne s'agit pas non plus d'ennuyer les échos à répéter d'excessives sonneries (DEBUSSY, M. Croche, 1926, p. 94).
— Emploi abs. Sa crainte d'ennuyer (GREEN, Journal, 1931, p. 73). Le monde entier dès lors se détourne distraitement de ce crime; les victimes viennent d'entrer dans l'extrémité de leur disgrâce : elles ennuient (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 345).
b) [Le suj. désigne une chose] Tes festins m'ennuient. Manger, c'est toujours la même chose (FLAUB., Tentation, 1849, p. 350). Il dit que tout ça finit par l'ennuyer (MEILHAC, HALÉVY, Gde duch. Gérolstein, 1867, I, 10, p. 214). Mais ne t'occupe pas de cette lecture, si elle te semble fatigante ou seulement t'ennuie (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1921, p. 484).
— Emploi abs. Ses livres [de Maupassant] amusent ou ennuient (RENARD, Journal, 1893, p. 152). La révolution ennuie : elle dure trop (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 41).
2. [Correspond à ennui B 2] Causer un sentiment de désagrément.
a) Inspirer du souci, de l'inquiétude à quelqu'un. La santé de ma femme m'ennuyait (VALÉRY, Corresp. [avec Gide]1901, p. 388). Un état de prostration qui ennuyait le médecin (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 279) :
• 2. ... quand je suis fatigué, les petites veinules de la cheville et du cou de pied se gonflent, et ça m'ennuie et ça m'inquiète comme une grosse infirmité qui prend possession de ma vieille personne.
GONCOURT, Journal, 1890, p. 1191.
b) Inspirer à quelqu'un un sentiment de contrariété, de gêne. Synon. gêner, importuner.
) [Le suj. désigne une pers.] Sans crainte d'ennuyer votre Excellence (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 633). Je ne veux pas vous ennuyer plus longtemps avec mes doléances et je m'arrête (FLAUB., Corresp., 1875, p. 255). Je ne t'ennuie pas? Dis? (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 281).
) [Le suj. désigne une chose] Ce dérangement m'ennuie (FLAUB., Corresp., 1851, p. 315). Ce qui pouvait le plus ennuyer Françoise (PROUST, Sodome, 1922, p. 737).
— [En constr. impers.]
♦ Ennuyer + de + inf.
Usuel. Ça m'ennuie de. C'est un bon ouvrier, cela m'ennuierait d'avoir à lui rendre son livret (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1312). Ça m'ennuie de lui en parler (MARTIN DU G., Confid. afric., 1931, p. 1118).
Rare, littér. Il m'ennuie de. Je veux que tu sois mon égale; il m'ennuie d'être seul dans l'univers (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 319).
♦ Ça m'ennuie + subst. apposé. Ça m'ennuie, cette histoire. Ça m'ennuyait, à la fin, ces potins de concierge! (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 287).
c) Chercher querelle, tracasser. Dans cette diable de Vendée, (...) il faut ennuyer l'ennemi, lui disputer le moulin, le buisson (...) lui faire de mauvaises querelles (HUGO, Quatre-vingt-treize, 1874, p. 25).
Rem. Un texte de Verlaine suppose la formation du dér. ennuyeur, comme substitut de emmerdeur, en emploi adj. Propos em...nuyeur (Elégies, 1893, p. 46).
II.— Verbe pronom. subjectif
A.— Vieilli. [Correspond à ennui A]
1. Ressentir une lourde peine, un gros chagrin. I' s'ennuie, i' souffre. Un d'ch'matin, on l'r'trouvera, ilo, crévé (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 151).
2. En partic. Ressentir la nostalgie, le regret de quelqu'un/quelque chose.
— [Avec compl. prép. de]
♦ [Compl. nom.] Il s'ennuie de ses parents qui habitent Mouron (RENARD, Journal, 1903, p. 843).
♦ [Compl. inf.] Je m'ennuie de désapprendre mon français en faisant de l'allemand (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1892, p. 153).
— Rare. [Avec compl. prép. après] Je m'ennuie beaucoup après toi et pense bien souvent à toi (PROUST, Prisonn., 1922, p. 45).
B.— Mod. [Correspond à ennui B] Éprouver un sentiment de lassitude.
1. Éprouver un sentiment de vide, d'inutilité sans cause précise. En attendant il s'ennuyait. C'était un vague état qu'il ne connaissait pas encore (GIDE, Caves, 1914, p. 833) :
• 4. O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits!
Pour un cœur qui s'ennuie,
O le chant de la pluie!
VERLAINE, Romances sans paroles, 1874, p. 14.
— P. anal. [Le suj. désigne une chose] Une pendule de pacotille entre deux flambeaux sous verre qui s'ennuyaient devant une petite glace à bordure dorée (BALZAC, Homme d'affaires, 1845, p. 408). Sa robe noire qui s'ennuyait à l'heure qu'il était, dans un placard (GREEN, Malfaiteur, 1955, p. 155).
2. Éprouver un sentiment de lassitude, de fatigue provoqué par l'accoutumance à quelque chose, la monotonie de quelque chose, le manque d'intérêt de quelqu'un ou de quelque chose. S'ennuyer atrocement, ferme; s'ennuyer à mourir. Synon. s'embêter (fam.), s'emmerder (vulg.), s'enquiquiner (vulg.). Maman s'ennuie aux bons spectacles (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 12). Puissiez-vous ne pas trop vous ennuyer dans notre compagnie! (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 59). On s'ennuie dans cette baraque! (DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 272).
— [Avec compl. prép. de] Ce jeune homme qui s'ennuie du couvent et envie l'armure du chevalier (VIGNY, Journal poète, 1830, p. 925). Il commençait à s'ennuyer de cette monotonie sans espoir de revanche (HUYSMANS, Marthe, 1876, p. 82). Je m'ennuie de toujours écrire les mêmes choses (BLOY, Journal, 1899, p. 350).
♦ [Avec compl. prép. à] Vous viendrez vous ennuyer à voir une de mes répétitions générales (BALZAC, Corresp., 1842, p. 414).
Prononc. et Orth. :[], (je m')ennuie []. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Devant [] muet, change y en i (cf. aboyer). Pour l'initiale cf. ennui. La 2e syll. (a. fr. enoier) a subi l'infl. des formes accentuées en [-] en passant par un stade [-yj] : []. Même évolution que appuyer d'apr. appui, fuyant, fuyard d'apr. fuit, fuite, fuir (cf. BOURC-BOURC. 1967, § 100, I et BUBEN 1935, § 79). Étymol. et Hist. Ca 1100 part. passé adj. « recru de fatigue » chevalz... las et ennuiez (Roland, éd. J. Bédier, 2484); 1. ca 1135 emploi impers. « causer des tourments; être importun » (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 183); 2. ca 1175 pronom. « éprouver du dégoût pour, de la lassitude envers quelqu'un, quelque chose » (B. DE STE MAURE, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 1472). Empr. au b. lat. , formé sur la loc. in odio esse « être un objet de haine » usuelle en lat. classique. Fréq. abs. littér. :3 753. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 579, b) 7 271; XXe s. : a) 5 336, b) 4 947. Bbg. BIANCHINI (A.). S'ennuyer de qqn ou de qqc. Cultura neolatina. 1950, t. 10, pp. 237-241. — BRUNET (L.). Qd les nouv. Trissotin confortent à tour de bras. Déf. Lang. fr. 1972, n° 62, p. 16.
ennuyer [ɑ̃nɥije] v. impers. et tr. [CONJUG. appuyer.]
ÉTYM. XIIIe; enuier, XIIe; du bas lat. inodiare (in odio esse) « être un objet de haine », de in-, et odium « haine ». → Odieux.
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A V. impers. (Vx). Causer de l'ennui (1.), du désagrément. ⇒ Déplaire. || Il m'ennuie d'attendre. || « J'ai cessé de les fréquenter, il m'ennuyait d'entendre toujours déraisonner » (Académie).
1 Mon Dieu ! qu'il m'ennuie de ne vous point voir (…)
Mme de Sévigné, 199, 2 sept. 1671.
2 Marquez-moi si je puis compter sur votre libraire, il m'ennuierait fort d'en chercher un autre (…)
P.-L. Courier, Lettres, I, 58.
3 Nous avons perdu quelques impersonnels : il m'ennuie, il me fâche (…) Mais ils ne sont morts qu'en apparence. On les retrouve avec d'autres sujets : Cela m'ennuie; ça me fâche (…)
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 554.
1 (Sujet n. de chose; compl. n. de personne). Causer du souci, de la contrariété, du tracas à (qqn). ⇒ Contrarier, décevoir, désoler, mécontenter. || Cette absence de nouvelles, cette fièvre persistante commence à m'ennuyer. ⇒ Inquiéter, préoccuper, tracasser, tourmenter. || La chose m'ennuie un peu. ⇒ Soucier.
4 (…) c'était bien assez d'ennuyer son père par sa tristesse, il ne voulait pas le fâcher et lui faire tort par sa lâcheté.
G. Sand, la Petite Fadette, XXVII, p. 181.
♦ Cela, ça m'ennuie de… (et inf.). || Cela m'ennuie de vous voir dans cet état. ⇒ Chagriner. || Cela vous ennuierait-il d'attendre un moment ? ⇒ Déranger, gêner. || Cela m'ennuierait d'arriver en retard.
2 (Sujet n. de personne). Importuner. || Il m'ennuie avec ses questions, ses revendications perpétuelles. ⇒ Accabler, agacer, assassiner (vx), assommer, assourdir (vx), énerver, excéder, obséder. → aussi (fam.) Barber, bassiner, braire (faire), briser, brouter, canuler, casser (la tête, les pieds), cavaler, chier (faire), courir (sur le ciboulot, sur le haricot), cramponner, embêter, emmerder, empoisonner, enquiquiner, foirer dans les bottes de qqn, seriner, soûler, suer (faire), tanner, tartir (faire); tuer (fig.). || Vous commencez à m'ennuyer (→ Chaudronnée, cit. 1).
3 Engendrer la lassitude de (qqn). ⇒ Accabler, endormir, fatiguer, lasser; → fam. Barber, casser les pieds à, faire chier, raser. || Professeur, prédicateur, conférencier qui ennuie son auditoire. || Ce spectacle nous ennuie à mourir. — Absolt. || L'art d'ennuyer (→ Dire, cit. 86). || Tout l'ennuie, il est blasé de tout. ⇒ Dégoûter.
5 (Cette chanson) Qui vous pourrait par sa longueur déplaire
Vous ennuyant, ce que je ne veux faire,
Car vous avez à quoi passer le temps
D'autres plus grands et meilleurs passe-temps (…)
Ronsard, Pièces retranchées, « Prière à la fortune ».
6 Nous pardonnons souvent à ceux qui nous ennuient, mais nous ne pouvons pardonner à ceux que nous ennuyons.
La Rochefoucauld, Maximes, 304.
7 L'éloquence continue ennuie.
Pascal, Pensées, VI, 355.
8 Le fat lasse, ennuie, dégoûte, rebute (…)
La Bruyère, les Caractères, XII, 46.
9 (…) tout les ennuie, tout les excède, tout les assomme; ils sont rassasiés, blasés, usés, inaccessibles. Ils connaissent d'avance ce que vous allez leur dire; ils ont vu, senti, éprouvé, entendu tout ce qu'il est possible de voir, de sentir, d'éprouver et d'entendre (…)
Th. Gautier, Préface de Mlle de Maupin, éd. critique Matoré, p. 41.
——————
s'ennuyer v. pron.
1 Éprouver de l'ennui. ⇒ Morfondre (se); (fam.) assommer (s'), barber (se), barbifier (se), embêter (s'), emmerder (s'); cf. Avoir le blues, le cafard; se faire chier, suer…. ☑ Loc. S'ennuyer à cent sous de l'heure. ☑ S'ennuyer comme un rat mort, beaucoup. || S'ennuyer quelque part, s'ennuyer partout (→ Attendre, cit. 7; dégoûter, cit. 5; ennui, cit. 26). || S'ennuyer avec qqn, en sa compagnie. || S'ennuyer à la lecture d'un roman (→ Austérité, cit. 3). || S'ennuyer réciproquement, l'un l'autre.
10 Seigneur, le Roi s'ennuie, et vous tardez longtemps.
Corneille, Nicomède, III, 8.
11 (…) les gens qui ont eu le malheur de s'accoutumer aux plaisirs violents perdent le goût des plaisirs modérés, et s'ennuient toujours dans une recherche inquiète de la joie.
Fénelon, De l'éducation des filles, V, p. 55.
12 Je dis quelquefois en moi-même : La vie est trop courte pour mériter que je m'en inquiète. Mais, si quelque importun me rend visite et qu'il m'empêche de sortir et de m'habiller, je perds patience, et je ne puis supporter de m'ennuyer une demi-heure.
Vauvenargues, Réflexions et maximes, 144.
13 (…) cette vie de petite ville lui pesait, l'étouffait. Le grand homme de Tarascon s'ennuyait à Tarascon.
Alphonse Daudet, Tartarin de Tarascon, I, IV, p. 31.
14 On s'ennuie presque toujours avec ceux que l'on ennuie.
Antoine Albalat, la Formation du style, p. 221.
14.1 La vie est courte, mais on s'ennuie quand même.
J. Renard, Journal, 24 mai 1902.
2 Vx ou régional. || S'ennuyer de qqn, ressentir désagréablement son absence. ⇒ Languir. || S'ennuyer de qqch.
15 (…) né inquiet et qui s'ennuie de tout, il (l'homme) ne s'ennuie point de vivre (…)
La Bruyère, les Caractères, XVI, 32.
16 On ne s'ennuie jamais de son état quand on n'en connaît point de plus agréable.
Rousseau, Émile, IV.
17 La lumière du Midi, elle aussi, n'est qu'un rêve. Là-bas, la vie est plus facile. Le malheur veut que les cœurs profonds s'ennuient de la facilité.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », p. 103.
3 (1610). || S'ennuyer à… || S'ennuyer de… suivi d'un inf. || Il s'ennuie à l'attendre si longtemps. || Il s'ennuie de voir que…
18 On s'ennuie à attendre, c'est-à-dire en attendant; on s'ennuie d'attendre, c'est-à-dire que l'attente elle-même est désagréable, qu'on ne peut plus la supporter.
Lafaye, Dict. des synonymes, p. 65.
19 Ce qui fait que les amants et les maîtresses ne s'ennuient point d'être ensemble, c'est qu'ils parlent toujours d'eux-mêmes.
La Rochefoucauld, Maximes, 312.
20 On ne s'ennuie point de manger et dormir tous les jours, car la faim renaît, et le sommeil; sans cela on s'en ennuierait.
Pascal, Pensées, IV, 264.
21 (…) après s'être si longtemps ennuyée à sonder le vide de tout, madame du Deffand avait enfin trouvé sa raison de vivre (…)
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 152.
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ennuyé, ée p. p. adj.
♦ Préoccupé, contrarié. ⇒ Mécontent. || Je suis très ennuyé. || Il a l'air ennuyé.
22 (…) celui qui se retire, ennuyé et dégoûté de la vie (…)
Montaigne, Essais, I, XXXIX.
23 Ennuyé de ce que je suis, je voudrais toujours être ce que je ne suis pas (…)
Bourdaloue, Sur la récompense des saints, 1er avent.
24 Ennuyés de vivre dans un pays si inculte, et poussés par leur férocité naturelle, ils descendirent jusqu'aux environs de la Vistule (…)
Fléchier, Hist. de Théodose, I, 47.
25 (…) fatigué d'écrire, ennuyé de moi, dégoûté des autres, abîmé de dettes et léger d'argent; à la fin convaincu que l'utile revenu du rasoir est préférable aux vains honneurs de la plume (…)
Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, 2.
26 (…) il est doux de se croire malheureux, lorsqu'on n'est que vide et ennuyé.
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, in Prose, Pl., p. 92.
27 Et, très ennuyé de ce tête-à-tête taciturne, presque hostile, il se remit à examiner la route par les carreaux de la voiture.
Huysmans, Là-bas, XIX, p. 254.
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CONTR. Amuser, charmer, désennuyer, distraire, divertir, égayer, enchanter, plaire, ravir, récréer, réjouir. — Heureux, satisfait.
DÉR. Ennui, ennuyant, ennuyeux.
Encyclopédie Universelle. 2012.