NOUVELLE
Depuis les nouvelles de la Renaissance, on ne fait que parler des renaissances de la nouvelle: au XIXe, au XXe siècle. Comme si ce genre périodiquement périclitait, ou décédait. Mais l’âge classique pourrait bien se définir: celui, notamment, de la nouvelle. Et dans la Chine des Song, des Ming, des Mandchous, la nouvelle, indiscernable du conte, ne cesse de prospérer. Témoin Pu Songling, ses Contes extraordinaires du pavillon du loisir , qui, malgré leur titre, s’appelleraient aussi bien des nouvelles extraordinaires, selon notre terminologie.
Au fait, cette terminologie, que vaut-elle? Novella , tale , novela , histoire , monogatari , rasskaz , yarn , Erzählung , short short , novelette , Kurzgeschichte , tjerpén , kah n 稜 , voilà quelques-uns des mots dont on désigne les variantes d’un genre littéraire que, depuis le Moyen Âge, on appelle en français d’oïl la nouvelle et unas novas , au pluriel, en français d’oc. Non sans flottement: La Fontaine et Musset hésitent entre conte et nouvelle; Flaubert rassemble, dans Trois Contes , une légende, un conte et l’histoire d’Un cœur simple , simple nouvelle. Le préfacier d’une Anthologie de contes chinois commente les «nouvelles» de ce recueil. Et l’écrivain japonais Fukazawa Shichir 拏 a beau intituler ironiquement son chef-d’œuvre: Étude à propos des chansons de Narayama , le traducteur français ne s’y trompe nullement et célèbre «l’auteur de la nouvelle». Périphrase instructive: si le russe dit novellist (sur novella ) et l’italien noveliere , le français moderne a perdu son vieux mot novelier et jusqu’au moins vieux nouvelliste (encore qu’on aie vu récemment reparaître «novelliste»), de sorte que la notion de nouvelle pâtit de n’être pas liée à son auteur comme au romancier le roman, au conte le conteur. Quant aux ficciones de Borges, quant aux récits de Gide, qui tenait pourtant à ce mot, ne seraient-ce pas des nouvelles? Pour comble, on parle de longish tale , de long story , de long short story , de short novel , etc. Tout cela, afin de distinguer du roman proprement dit quelques variantes de la nouvelle: l’histoire longuette, la longue histoire, la longue nouvelle, le bref roman. Ajoutons que le japonais monogatari confond tous ces mots en un seul. Le dernier traducteur de la Geschichte vom braven Kasperl und dem schönen Annerl , de Clemens Brentano, se demande si c’est là Erzählung , roman ou Märchen , pour conclure que ça répond à la définition reçue depuis Goethe de la nouvelle: «unerhörte Begebenheit » (un événement inouï), laquelle recoupe la définition des nouvelles du Konjaku monogatari sh par Nagano J 拏ichi: «odoroki no bungaku » (littérature d’étonnement). Comment ne pas ranger sous cette rubrique mainte historiette de Tallemant, les Chroniques italiennes de Stendhal, mais aussi la snoavâ de Roumanie, les mahbarot des lettres hébraïques médiévales et les maq m t , séances qu’on a pu et dû rapprocher des nouvelles espagnoles de type picaresque?
1. Problématique de la nouvelle
Naissance d’une notion
Les dictionnaires nous seront-ils de quelque secours? Pour Littré, la nouvelle serait une «sorte de roman très court»; mais nos Cent Nouvelles nouvelles lui deviennent «contes fort libres»! Au dictionnaire de l’Académie royale espagnole, la nouvelle sera une «œuvre littéraire où l’on narre une action entièrement ou partiellement imaginée, dont la fin est de causer au lecteur un plaisir esthétique en décrivant ou dépeignant des événements ou des actions intéressants ainsi que des caractères, des passions, des mœurs»; ce qui définit aussi bien, aussi mal, le Quichotte que les Novelas ejemplares .
À l’expérience, nous n’obtenons guère mieux des dictionnaires de termes littéraires.
N’espérons même plus que les centaines de livres ou d’articles élaborés en Europe centrale depuis le XIXe siècle sur la théorie de la nouvelle vont nous tirer d’embarras: Donald Locicero publie en effet en 1971 Novellentheorie: the Practicality of the Theoretical , pour soutenir que toutes les définitions jusqu’à lui proposées: la Wendepunkttheorie (théorie du tournant), la Falkentheorie (théorie du faucon), celle enfin qui fait de l’inouï le propre du genre, doivent être abandonnées. Il faudrait se borner à étudier historiquement la nouvelle.
Considérer historiquement quoi que ce soit sans se former une idée de cela précisément qu’on s’assigne d’étudier, n’est-ce pas une gageure perdue? Mieux vaut donc essayer de coupler enquête historique et réflexion critique en se rappelant que l’Europe moderne et contemporaine n’épuise pas la littérature.
Bien qu’ils soient rédigés en vers, on a souvent considéré que certains «épisodes» de L’Odyssée : «Circé», «Le Cyclope», «La Nekuia », constituent autant d’histoires (de nouvelles) insérées dans une littérature épico-romanesque. Les Canterbury Tales et les Contes (que La Fontaine appelait indifféremment des «nouvelles») étaient composés en vers. Rien d’étonnant puisque, de Chrétien de Troyes au Kim Van Kiêu en passant par le Roman de l’anneau du prince tamoul Ilango Adigal, quantité de romans furent eux aussi écrits en vers. Comme notre chantefable élabore une nouvelle où prose et vers se mélangent, le premier recueil japonais de contes et nouvelles (Ise monogatari ) combine un bref récit de prose à plusieurs tanka (poème, de trente et une syllabes, à forme fixe).
L’ 見神礼凞礼塚礼﨟, la 嗀晴兀塚兀靖晴﨟 (narration , selon Platon, ou récit ), l’ 晴靖精礼福晴見 (récit selon Hérodote et Aristote, ou histoire ), le 猪羽礼﨟 (récit confirmé par témoins , selon le même Hérodote, avant d’être chez Platon un récit fabuleux ) n’ont-ils pas préparé, voire accompli dès l’Antiquité la nouvelle, au même titre que la fabula , les fables milésiennes, ou que, plus tard, durant notre Moyen Âge, certains dits, lais, fabliaux, exempla . Qu’est-ce que Les Aventures de Sinouhé , sinon, dès le Moyen Empire égyptien, un conte qui ressemble de près à ce que l’on dira de la «nouvelle historique» au XVIIe siècle: «Les Espagnols avaient le secret de faire de petites histoires, qu’ils appellent nouvelles, qui sont plus à notre usage et plus selon la portée de l’humanité, que ces héros imaginaires de l’Antiquité» (Scarron).
Pour que le mot «nouvelle» – et ses variantes: novela (espagnol), novella (russe), nowela (polonais), Novelle (Goethe), etc. – s’impose dans notre aire culturelle, il faudra néanmoins Boccace, Cervantès, Marguerite de Navarre, Les Cent Nouvelles nouvelles et Le Grand Parangon des nouvelles nouvelles de Nicolas de Troyes. Avec le Décaméron et l’Heptaméron s’organise un ensemble de nouvelles «encadrées», ainsi dénommées parce qu’elles sont insérées dans une fiction (la peste de Florence, par exemple) qui justifie leur rassemblement. Soit; mais dès la fin du XIIe siècle, en Perse, Nezamé de Gandjé (ou Ni ワ m 稜 de Gandje, 1140 env.-1202 env.) écrit son Haft Païkar (Les Sept Idoles ), recueil de sept histoires, encadrées comme celles de Boccace: sept favorites offrant chacune la sienne à un roi sassanide. À se demander si Boccace n’en aurait pas ouï parler: on connaissait bien le Libro dei sette savi ! Vers le même temps (IXe-XIIIe s.), les Chinois produisaient un grand nombre de xiaoshuo («récits mineurs», ou «histoires brèves»?) et des huaben («textes à réciter») dont les thèmes étaient modernes, et dont la durée ne devait pas dépasser une séance. L’Amour de la renarde , de Ling Mengchu, les Contes extraordinaires , de Pu Songling, nous proposent ainsi, parmi tant d’autres recueils, des histoires brèves qui traitent en langue vulgaire des sujets alors contemporains (la «misère des enseignants», par exemple): traits qui, en Europe, distingueraient la nouvelle des autres genres narratifs.
Quelques critères
Longueur?
Même si l’on accepte le jugement de Gide, selon qui la nouvelle «est faite pour être lue d’un coup, en une fois», la longueur ne saurait fournir le critère d’une définition. «Sur l’épaule gauche du nouveau-né dont on trouva le cadavre devant la caserne du 22e d’artillerie, Versailles, ce tatouage: un canon.» Félix Fénéon en écrivit des centaines de la même longueur: nouvelles en trois lignes, faits divers haussés au genre littéraire. Chacune des Causes célèbres de Paulhan occupe une page, exactement, des Œuvres . Au Japon, beaucoup de short shorts contemporains, comme on dit en japanglais, n’ont que quinze lignes, comme les histoires du Novellino , ou les Contes d’Ise , un des plus anciens monuments littéraires de Yamato. En France, la moyenne était de deux ou trois pages au XVe siècle, de dix à vingt-cinq au XVIe, de cent à deux cents au XVIIe (les nouvelles historiques poussant jusqu’à trois et quatre cents). Au point que Charles Sorel explique: «Les nouvelles qui sont un peu longues et qui rapportent des aventures de plusieurs personnes ensemble sont prises pour de petits romans.»
Vérité?
Ce qui distingue alors du roman la nouvelle, c’est qu’elle «doit un peu davantage tenir de l’histoire» (Segrais); par opposition aux fictions, la nouvelle se présente comme «histoire vraie». La nouvelle italienne était plutôt salace; plutôt grave, l’espagnole; la nouvelle française se cherchera longuement à partir de ces deux influences, mais en opposition avec la complexité excessive, la mythologie, des romans alors en vogue. Certaines se veulent comiques ou satiriques; d’autres, historiques; d’autres, tragiques. Dans toutes les civilisations, la nouvelle (ou ce qui sans le mot en tient lieu) propose en effet un tableau qui se veut non plus seulement vraisemblable, mais vrai, des mœurs du temps. Ce qui ne la borne ni au «réalisme» ni au «naturalisme», car le merveilleux fait partie du monde réel: The Turn of the Screw , Vathek , La Vénus d’Ille sont des nouvelles comme Le Pharmacien reconnaissant et La Divinité hindoue de Franz Hellens, et Christmas Carol , et La Dame de pique , et les récits de Dino Buzzati, et telle nouvelle de Melville, et les Seven Gothic Tales que la Danoise Karen Blixen composa en anglais.
Impassibilité?
Quand même on la voudrait confiner à l’ana , à l’anecdote, la nouvelle ne saurait non plus se définir – comme on le fait souvent – par l’impassibilité du narrateur. Acceptable pour qualifier certains récits de Prosper Mérimée (qu’au reste on cite à peu près toujours à cet égard), ce critère ne convient pas toujours, pas souvent. Les nouvelles de Jacques Boulanger sont marquées par son expérience de la guerre, de l’Occupation. Quant à goûter celles de Marcel Arland sans comprendre qu’il distribue entre vingt héros ou héroïnes ses paysages d’enfance, ses images obsédantes, ses cauchemars et tous les thèmes en lui conflictuels; ainsi des Contes d’enfer de Marcel Jouhandeau, qu’on dirait mieux: «nouvelles d’Enfer» et même «dernières nouvelles de l’Enfer». Moins chargées d’autobiographie et de sentiments personnels, les nouvelles de Cavalerie rouge , les Contes d’Odessa , où se perpétue l’esprit de Gogol et de Tchekhov, n’auraient point coûté la vie à Isaac Babel. Quant à Luigi Pirandello...
Nouvelle, drame et roman
Peut-on du moins cerner la nouvelle en la comparant à d’autres genres? Par la concentration, l’intensité de l’action, la nouvelle n’est pas sans rapport avec le genre dramatique. «Récit généralement bref, de construction dramatique», dit le Petit Robert; Les Cent Nouvelles nouvelles renvoient constamment à la farce; d’autres, à la tragédie; la novela espagnole, à la comedia . C’est néanmoins avec le roman que la nouvelle vit en véritable symbiose.
Tout en se piquant d’éliminer ce qui n’est que vraisemblable, il arrive que la nouvelle sacrifie au pire du genre romanesque (au XVIIe s., on y injecte des pirates, des enlèvements, des captivités en Barbarie). Tout en voulant se démarquer du roman, à certaines époques et dans certaines cultures, la nouvelle contribue à la genèse du genre qu’en France elle est censée combattre. N’a-t-on pas soutenu qu’en un premier projet Thomas Mann avait agencé en Kurzgeschichte ses Buddenbrook ? Les xiaoshuo et les huaben chinois peu à peu s’additionnent, s’agglomèrent, s’agglutinent, se combinent, pour former une matière romanesque dont une lente maturation puis un grand écrivain dégageront les chefs-d’œuvre: Histoire officieuse des lettrés , Le Rêve dans le pavillon rouge , Le Singe pèlerin , Jin ping Mei , Au bord de l’eau . Et le «roman» indonésien de Mochtar Lubis, Crépuscule à Djakarta , déjà traduit en plusieurs langues, se compose, lâchement, de saynètes qui forment autant de nouvelles.
Certes, il arrive (en Europe surtout) que la nouvelle lutte contre un roman égaré en méandres fabuleux, indifférent ou hostile à la réalité quotidienne. L’influence des Novelas ejemplares et la rigueur délibérée des auteurs français de nouvelles au cours du XVIIe siècle aboutiront à La Princesse de Montpensier , à La Princesse de Clèves , nouvelles préparant le roman qu’on appellera d’analyse , et dont Sorel pense que c’est le «récit naturel» d’«aventures modernes». Dans la mesure où le souci du vrai leur commande de rédiger leurs œuvres à la première personne, les auteurs de nouvelles préparent la vogue de ces romans qui se présenteront au XVIIIe siècle sous forme de mémoires, écrits ou parlés: Mémoires du comte de Gramont, Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut (dont le récit encadré s’enrichit – ou s’appauvrit – d’une nouvelle dans le roman); cent autres romans, prétendus autobiographiques.
Cependant, comme elle avait fait en Chine, la nouvelle va produire, en Europe même, divers types de romans par agglutination. Sur des modèles espagnols, ce seront Le Diable boiteux et Gil Blas , romans à tiroirs, romans-gigognes, romans où des nouvelles s’emboîtent les unes dans les autres comme poupées de matriochkas . Dès Le Roman comique de Scarron, les nouvelles jouent un rôle, qu’étudia Roland Mortier. Longtemps après la vogue en Europe du picaresque, les romanciers continuent à insérer dans leurs œuvres des «épisodes», nouvelles authentiques mais étrangères au dessein général: dans Jacques le Fataliste , l’affaire de Mme de La Pommeraye (qu’on a détachée pour en tirer un film: Les Dames du bois de Boulogne ); dans Max Havelaar (de Multatuli), l’épisode de Saïdjah et d’Adinda; ainsi l’Histoire de deux renégats , thème de théologie arabe, nouvelle irréprochable, orne la Relation de la captivité du sieur Mouëtte (1683).
Plus près de nous, dans les Souvenirs encore inédits du colonel de Maumort , Roger Martin du Gard a glissé les pages libertines d’une nouvelle: La Baignade .
Si donc Du Plaisir était fondé à écrire (en France et en 1683) que «les petites histoires (les nouvelles) ont entièrement détruit les grands romans», ce n’est vrai que d’un type de roman – et encore à un moment donné. En Europe comme en Asie, la nouvelle a plutôt formé ou réformé divers types de romans (d’analyse, de mœurs), y compris les romans picaresques, les romans-fleuves. Ajoutons qu’une œuvre au moins célèbre, puis oubliée, remise naguère à la mode, Les Illustres Françaises (de Challe), équilibre ingénieusement la nouvelle et le roman: milieu contemporain, récit encadré, retour déjà balzacien des personnages d’une nouvelle à l’autre, critique du destin et de la société (F. Deloffre).
Les recueils de nouvelles
Lorsque les nouvelles ne sont pas encadrées et restent autonomes, elles peuvent se présenter en vrac – c’est le cas le plus fréquent – ou s’organiser vaguement selon le contenu – c’est le cas du Konjaku monogatari : plein de piété bouddhique et de souci prédicant, l’auteur, quel qu’il soit, de ce monument littéraire a réparti ses histoires par pays: l’Inde, la Chine, le Japon, et, dans chaque pays, en deux grandes sections: le sacré (histoire de la foi bouddhique, éloge des trois joyaux – le Bouddha, la loi et la communauté –, exposé de l’enseignement de base du bouddhisme par des nouvelles didactiques); le profane: les «affaires vulgaires», lesquelles se distribuent en histoires effrayantes, histoires cocasses, histoires de violence et de cruauté, histoires d’amour, bref, en quelques-unes des rubriques sous lesquelles en Europe, à l’âge classique, on feignait d’organiser maint et maint recueil de nouvelles. D’autres nouvelles du monde bouddhique, indiennes celles-là, sont plutôt enfilées le long d’un fil métaphysique (la transmigration) comme grains de chapelet: ainsi les j taka , dont chacun raconte une des vies antérieures du Bouddha, mise en forme que nous dirions peut-être de «conte» parce que nous n’y croyons pas, mais qu’un bouddhiste dirait sûrement de «nouvelle», puisque ce sont pour lui les seules histoires vraies; tantôt, plus subtilement, elles peuvent enfin se composer en un volume où l’auteur entend que chaque nouvelle tienne sa juste place; ainsi, chez Arland, celles qui s’organisent autour du thème du Grand Pardon , celles dont un autre titre: Attendez l’aube , livre le sens profond (comme afin de manifester combien la limite est floue entre nouvelle et récit, Arland cette fois les baptise récits).
Nouvelle et société
La nouvelle et la bourgeoisie
«C’est un des privilèges de la nouvelle, écrit Guy Rohou, que l’être démuni ou étonné y raconte sa vérité. Peut-être parce qu’en peu de pages on ne peut conter l’histoire de beaucoup de personnages. Mais c’est aussi que cette forme littéraire, telle la tragédie classique, a pour objet la résolution d’une crise, la mise en mots d’une aventure ponctuelle, le compte rendu d’un fait, d’un rêve, d’un acte bref.» Voilà qui correspond à une idée que nous prenons de la nouvelle: selon Maupassant, Gogol, Tchekhov, Tourgueniev, certains écrivains américains, allemands ou italiens de la fin du XIXe et du XXe siècle. Voilà qui ne correspond nullement au caractère des héros de Boccace. En fait, l’esprit de la nouvelle, sa fonction varient selon l’histoire, la religion, le génie des créateurs. Carducci déjà le notait: «De même que les bourgeois de Florence finissaient d’abattre le Moyen Âge dans ses ultimes forteresses féodales des Apennins, Boccace l’abat dans l’ordre de l’imagination, l’annule dans l’ordre des sentiments.» Mais les personnages du Konjaku monogatari étaient conçus en pleine floraison de la civilisation entre toutes aristocratique de Heian! Disons, à la rigueur, que lorsque la bourgeoisie de Chine et d’Europe prend conscience de son destin, la nouvelle raconte surtout des histoires dont les personnages, bien éloignés de se sentir étonnés ou démunis, ne s’étonnent de rien, ne perdent jamais le nord: intelligents, rusés, volontaires, capables de se mesurer activement avec le sort, et que, vers le temps où la bourgeoisie perd, sinon son pouvoir, du moins sa toute-puissance, cependant qu’une masse de plus en plus grande accède au statut de petit bourgeois larvaire, l’Europe, les États-Unis (pays les plus avancés industriellement) produisent de préférence des nouvelles dont les personnages semblent en effet démunis, dépourvus d’intelligence et de volonté, jouets ou proies d’un univers sans raison d’être. Encore faut-il être prudent: quoi de commun entre les Erzählungen de John Peter Hebel, bien proches encore du Novellino , et les Nouvelles asiatiques de Gobineau? Et pourtant l’un et l’autre recueil sont du XIXe siècle. Au lieu de héros, la nouvelle présente alors volontiers des anti-héros. Encore cela ne convient-il nullement aux héros de Tonio Kröger , de Tod in Venedig par exemple (Mort à Venise de T. Mann). On a sujet de penser que, parmi les nouvelles de Luxun, le Journal d’un fou doit un peu ou beaucoup à Guy de Maupassant. Il réussit pourtant à donner à son histoire un sens symbolique et révolutionnaire: «Sauvez, sauvez les enfants...» (l’obsession cannibalesque nous renvoyant aux «cannibales» dénoncés dans L’Internationale ).
La nouvelle dans les pays en mutation
D’autre part, s’il est vrai que l’Académie française ne crée qu’en 1971 un prix spécial de la nouvelle et l’attribue à Daniel Boulanger, dans les pays qui viennent d’obtenir leur indépendance, on assiste à une naissance (non pas renaissance) de la nouvelle; celle-ci se substitue aux genres traditionnels: contes folkloriques, légendes, littérature de cour, et se propose de produire une littérature engagée. En 1890, les nouvelles de Nabizadé Nazim, Kara Bibik , présentent des croquis quasiment naturalistes de la paysannerie anatolienne et préludent aux réformes d’Atatürk. Indépendante, la Tunisie se donne un Club de la nouvelle, chargé de propager ce genre parmi les jeunes. Au Pakistan, depuis le partage, une revue est entièrement consacrée aux short stories . De 1953 à 1965, le tjerpén (traduction indonésienne de short story ) prospère et offre au lecteur des tableaux d’une société en crise. Au même moment, la littérature hindie dispose d’un groupe d’écrivains («la Nouvelle d’aujourd’hui») qui entend étudier le choc entre l’individu et la civilisation: «La nouvelle d’aujourd’hui, écrit Kamle ごvar, n’est pas seulement communication de fragments du réel ou d’instants intensifiés; elle est aussi recherche des significations et des valeurs latentes» (C. Thomas).
Gare alors au dogmatisme politique, au puritanisme révolutionnaire, qui contredisent le propos de vérité! La niaiserie, le conformisme ravalent les nouvelles publiées à Moscou durant la «guerre patriotique» au niveau des «histoires» de Bibliothèque rose avec lesquelles une maison d’édition parisienne, de 1914 à 1918, soutenait le moral des écoliers de France.
Péril d’autant plus grave qu’en effet «in der Beschränkung zeigt sich erst der Meister »; que le maître se reconnaît d’abord à son souci – et son art – de faire bref; et que, par conséquent, loin d’être un genre mineur, la nouvelle tend à «la plus artistique des formes» narratives (Lukács). Comme tout roman, si elle conte une histoire, elle ne peut – à la limite – se permettre une phrase, un mot de trop. Aux Misérables , à la Forsythe Saga , à Guerre et Paix , elle ressemble donc à peu près comme aux Contemplations , à Byron, les dix-sept syllabes du haiku japonais: germen dont le roman ne serait qu’un soma .
2. La nouvelle en Europe
En Europe, l’histoire de la nouvelle commence, d’après certains chercheurs, à l’Antiquité gréco-romaine, mais d’autres placent ses débuts à la fin du XIIIe siècle, où elle émerge des décombres du Moyen Âge pour s’imposer comme genre autonome. Véhicule de la croyance incrédule de la Renaissance, bien qu’elle soit issue de l’exemplum , elle est rarement d’inspiration ecclésiastique; imprégnée de l’esprit humaniste, elle rejette la simplicité parfois grossière du fabliau, autre genre auquel elle succède, et cherche à mettre en relief ce qui est unique dans le personnage et son destin. Les auteurs de cette époque publient d’ordinaire leurs nouvelles en cycles, unis par l’artifice d’un jeu de société: une petite compagnie passe son temps en écoutant des histoires qui, pour être proches de la vie quotidienne, n’en contiennent pas moins quelque élément singulier, ce qui leur vaut d’être racontées. Cohérentes et condensées, elles se terminent généralement sur un effet surprenant, souvent rehaussé par une pointe spirituelle. Mis à part ces quelques traits qui, d’ailleurs, ne se retrouvent pas dans chaque récit, la production de l’époque montre la plus grande diversité. Des amourettes libertines aux graves tournants du sort, les conteurs touchent à tout sujet qui s’offre à eux. Boccace se propose d’amuser son public avec le Décaméron et confronte souvent des vérités individuelles aux lois morales en vigueur; dans l’Heptaméron de Marguerite de Navarre, c’est l’intention didactique qui prédomine. Les Contes de Cantorbéry de Chaucer sont écrits en vers, aussi certains critiques hésitent à les appeler «nouvelles». Dans les Nouvelles exemplaires de Cervantès, le récit qui relie les histoires est absent, celles-ci sont parfois très étendues et l’action y suit un chemin sinueux. Mais ce sera, en partie, grâce à leur côté romanesque que certaines d’entre elles serviront de modèles aux nouvelles des XVIIe et XVIIIe siècles où le genre tend à disparaître au profit du roman, pour renaître ensuite comme le représentant des aspirations au réalisme et à la simplicité.
La seconde période de floraison de la nouvelle commence au début du XIXe siècle. Si son héros, à l’époque de la Renaissance, est l’individu qui s’affirme face à un système de mœurs rigides et révolues, le renouveau du genre est lié également à une puissance vague d’individualisme: la nouvelle est, d’après Friedrich Schlegel, «une histoire qui n’appartient pas à l’histoire». En faveur chez les romantiques, elle ne tarde pas à devenir «l’animal domestique des Allemands», comme disait T. Mundt. Un reflet de sérénité brille encore chez Goethe qui, explorateur des richesses de la réalité, définit le contenu du genre comme «un événement inouï qui a eu lieu». Mais, à partir de H. von Kleist, les conteurs se penchent sur les abîmes de l’âme et du destin. De même, la tendance réaliste semble faiblir: que le héros soit en quête de la «fleur bleue» ou de son alter ego démoniaque, la nouvelle s’ouvre à la métaphysique et, avec les œuvres de Hoffmann, par exemple, elle se mue en conte fantastique. Un processus semblable s’observe dans les autres littératures nationales: le fond réaliste sert souvent de contraste aux inventions extravagantes de Gogol, de Pouchkine, de Hawthorne, de Poe ou de Gautier, et la grande clarté des récits de Mérimée rayonne autour d’un noyau opaque. La forme reste toujours insaisissable (d’après L. Tieck, c’est la présence d’un «tournant»; selon Poe – et Baudelaire –, c’est «l’effet unique» qui définit le genre); quant au contenu, il reste aussi varié qu’autrefois, bien que de nombreux auteurs choisissent pour objet le moment décisif d’une existence humaine.
À partir du milieu du siècle, grâce à la prospérité du journalisme, la production de nouvelles augmente encore; les récits paraissent tantôt en cycle, tantôt isolément; parfois c’est un sujet de roman qui semble s’émietter en nouvelles, d’autres fois c’est un fait divers ou une impression personnelle qui revêt une forme artistique. Un certain engouement pour le réalisme commence à se manifester à nouveau, notamment chez Keller, Tolstoï, Maupassant, Kipling, O’Henry, mais, sous le signe de l’esprit relativiste, la réalité saisie n’est qu’une réalité tronquée: le sujet de la nouvelle se présente comme un fragment détaché de l’ensemble du monde, et, en isolant un cas particulier, l’auteur met souvent en évidence la pluralité des systèmes de normes et l’incertitude de toute connaissance. Certains ne recherchent plus l’extraordinaire: une banalité peut intéresser grâce au fait qu’elle est arrachée du réseau des correspondances. Mais, à cette époque non plus, il n’existe aucune caractéristique générale qui permette de définir le genre: Barbey d’Aurevilly choisit des sujets qui frôlent l’invraisemblable; Villiers de L’Isle-Adam opte pour le fantastique; C. F. Meyer fait triompher la nouvelle historique. Une psychologie nuancée va souvent de pair avec l’importance accordée à l’atmosphère particulière de l’œuvre, comme chez Tourgueniev ou Storm; cette même tendance peut aboutir au fantastique, comme chez Henry James, ou pénétrer les tragédies silencieuses de la vie quotidienne, comme chez Tchekhov. Au XXe siècle, les œuvres de Gorki, Babel, Thomas Mann, Kafka, Joyce, Mansfield, Maugham, Faulkner, Hemingway, Camus, Borges, pour ne mentionner que quelques noms importants, se présentent comme autant de ramifications du genre qui ne se laisse toujours pas réduire à quelque schéma généralement valable et se dérobe à toute approche théorique (c’est en Allemagne que la discussion sur la définition de la nouvelle a pris les proportions les plus considérables).
Certes, la nouvelle est plus courte que le roman, mais sa longueur, étant fonction du sujet, ne se mesure pas. L’hypothèse de la présence (parfois cachée) du narrateur – présence qui exprimerait l’importance accrue de la subjectivité créatrice, disproportion caractéristique de la nouvelle – doit être écartée: il est vrai que la part de l’arbitraire y peut être démesurée, mais on peut en dire autant d’autres genres. Il y a le principe de la concentration, le renouement de tous les fils du récit à un élément central, à un instant privilégié – qui ne va pas à l’encontre de l’évolution des caractères et n’exclut pas la durée, comme certains critiques cherchaient à le prouver –, mais les cas limites sont nombreux. Pourtant, l’intérêt esthétique de ce genre ne réside-t-il pas justement dans sa souplesse, en même temps que dans la cohérence et la tension garanties par sa densité? Genre à mille visages, «la» nouvelle n’existe pas: comme dit Walter Pabst, «il n’y a que des nouvelles».
3. Insaisissable, et partout présente
Bien que ses noms soient aussi nombreux que ceux d’Allah et son vrai nom aussi secret, la nouvelle anime toutes les littératures: cléricales (et c’est le Konjaku monogatari , les J taka ) ou laïcisées. Elle met en valeur et en forme l’insolite du quotidien, qu’elle préfère au merveilleux des contes et de l’hagiographie. Récit bref, à peu de personnages et bâti en façon de drame, mais non pas nécessairement tel. Vainement veut-on l’isoler du roman qui serait le domaine du temps, la nouvelle étant celui de l’instant. Les retours en arrière, sur lesquels on s’extasie dans le roman contemporain, abondent dans les nouvelles de Chesterton, de Dürrenmatt et même, voilà des siècles, dans la nouvelle française de l’âge classique, dans la novela espagnole. Qu’est-ce enfin que l’ensemble des nouvelles d’Arland, sinon une douloureuse recherche du temps perdu?
Bref, si l’on considère les nouvelles en général – celles y compris qui se publient dans les pulp magazines où l’on indique à une seconde près le temps qu’il faut pour en venir à bout –, impossible de lui assigner des normes, des constantes. Admettons qu’après 1945 la pénurie de papier ait incité les éditeurs allemands à favoriser ce genre; aux Philippines, depuis la même date, c’est la pénurie de lecteurs qui conseille aux éditeurs de produire, plutôt qu’un gros roman d’un seul auteur, un recueil de nouvelles de plusieurs écrivains qui rassembleront un plus grand nombre de chalands. Il est vrai que les quotidiens en ont secondé la prolifération. On dirait aussi bien, aussi mal, que la télévision favorise ou dessert la lecture des nouvelles. Et comment organiser de la même façon les trois lignes de Fénéon, les quinze du Novellino , les cent, les trois cents pages de certaines nouvelles, ou même les cinq, dix, vingt feuillets que l’on tient parfois pour l’idéal du genre (les cent nouvelles du Décaméron n’occupent que six ou sept cents pages)? Quand on assure que le temps est ralenti au début des nouvelles pour s’accélérer vers la pointe finale, cela suppose une pointe finale (ce qui n’est pas toujours le cas); cela suppose également des nouvelles assez longues pour qu’y varie le rythme du récit.
L’idée de nouvelle reste floue. Traduisent-ils le Konjaku monogatari , les Allemands disent: Volkserzählungen ; moins soucieux d’origine que de facture, le traducteur français parle de nouvelles , observe que Akutagawa y puisa le sujet de ses meilleures «nouvelles», et que cet ouvrage vaut ceux de Poe, Mérimée, Maupassant ou Boccace, tous maîtres de la nouvelle. Que la nouvelle tende à un idéal, c’est incontestable: récit bref (de trois à trente pages, disons); peu de personnages; l’inattendu d’un fait divers intense; parfois, une construction théâtrale. Mais cent titres aussitôt s’imposent qui contreviennent à ce schéma. La nouvelle serait donc à bon droit comparée à l’électron: veut-il éclairer celui-ci d’un photon, l’observateur en modifie la trajectoire, le perd de vue. E pur, si muove ; il n’en tourne pas moins. Ainsi la nouvelle: partout présente, mais insaisissable; existante, mais sans essence. Les Japonais avaient sans doute raison, pour qui les quinze lignes de leurs chantefables, les dix ou vingt pages des nouvelles du Konjaku , les deux mille du Genji , c’était tout uniquement du monogatari : des histoires qu’on raconte bien.
Néanmoins, quand on lit dans une lettre de William Faulkner à Joan Williams (lettre du 8 janvier 1953): «Une nouvelle, c’est la cristallisation d’un instant arbitrairement choisi où un personnage est en conflit avec un autre personnage, avec son milieu ou avec lui-même», texte cité dans La Nouvelle Revue française de janvier 1981, p. 6, comment ne pas rapprocher cette notion d’«instant» de cette autre définition de la nouvelle, par Daniel Boulanger: «Un instantané qui s’épanouit chez le lecteur comme une rose de Jéricho»? Tension dramatique et brièveté, et si c’étaient là deux des caractères en effet essentiels de ce genre en apparence protéiforme?
nouvelle [ nuvɛl ] n. f.
1 ♦ Premier avis qu'on donne ou qu'on reçoit (d'un événement récent); cet événement porté pour la première fois à la connaissance de la personne intéressée, ou du public. La nouvelle d'un décès, d'un putsch. « La nouvelle que l'armée autrichienne avait été battue » (Bainville ). Annoncer, apporter, répandre une nouvelle. Connaissez-vous la nouvelle ? Nouvelle de bonne source (cf. On apprend, des milieux autorisés...). La nouvelle n'est pas confirmée. ⇒ bruit, écho, rumeur. Fausse nouvelle. ⇒ bobard, canard. Lancer une nouvelle sensationnelle (⇒ 1. bombe) , importante et exclusive (⇒ scoop) . — Une bonne, une mauvaise nouvelle : annonce d'un événement heureux, malheureux. Heureuse, triste, fâcheuse nouvelle. Nouvelles alarmantes. — Spécialt La bonne nouvelle : l'Évangile. — Loc. Ce n'est pas une nouvelle : c'est une chose que je savais déjà. Première nouvelle ! en parlant d'une chose dont on n'avait pas connaissance et qui surprend.
♢ Les nouvelles, tout ce que l'on apprend par la presse, les médias. ⇒ information. Aller aux nouvelles. Écouter les nouvelles à la radio, à la télévision. Les nouvelles du jour. Dernières nouvelles, celles de dernière heure. Petites nouvelles et faits divers.
2 ♦ Plur. Renseignements concernant l'état ou la situation d'une personne qu'on n'a pas vue ou dont on n'a pas entendu parler depuis quelque temps. Avoir des nouvelles de qqn. Je n'ai aucune nouvelle de lui. Aux dernières nouvelles, il allait mieux. « Sans nouvelles de toi, je suis désespéré » (Apollinaire). Ne plus donner de ses nouvelles. ⇒ signe (de vie). Envoyer, faire prendre des nouvelles d'un malade. Fam. Quelles nouvelles ? comment ça va ?
♢ Loc. prov. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles : quand on ne reçoit pas de nouvelles de qqn, on peut supposer qu'elles sont bonnes. — (Menace) Vous aurez, vous entendrez de mes nouvelles ! Soyez tranquilles, il aura bientôt de mes nouvelles ! — Vous m'en direz des nouvelles : vous m'en direz sûrement du bien, vous m'en ferez compliment. « Je vais te faire goûter à mon eau-de-vie de prunes, tu m'en diras des nouvelles » (Sarraute).
3 ♦ (XVe; it. novella) Récit généralement bref, de construction dramatique, et présentant des personnages peu nombreux. ⇒ conte. Romans et nouvelles. « la nouvelle [...] est faite pour être lue d'un coup, en une fois » (A. Gide). Auteur de nouvelles (⇒ nouvelliste) . Recueil de nouvelles. — « Les Cent Nouvelles nouvelles », recueil de nouvelles d'auteurs français publié au XV e s. Les nouvelles de Mérimée, de Maupassant.
● nouvelle nom féminin (latin populaire novella) Première annonce d'un événement récemment arrivé ; information donnée ou reçue sur un événement : Vous connaissez la nouvelle ? ● nouvelle (expressions) nom féminin (latin populaire novella) Bonne Nouvelle, traduction littérale du terme « évangile ». Ce n'est pas une nouvelle, c'est bien connu. Familier. Première nouvelle !, je l'ignorais totalement. ● nouvelle nom féminin (italien novella) Récit bref qui réclame l'unité de la narration et l'unité de l'effet. ● nouveau, nouvelle nom Personne arrivée depuis peu dans une collectivité, en particulier dans une classe, une école. ● nouveau, nouvelle (synonymes) nom Personne arrivée depuis peu dans une collectivité, en particulier dans...
Synonymes :
- apprenti
- bizuth (argot scolaire)
- bizuth (familier)
- bleu (familier)
- débutant
- néophyte
nouvelle
n. f.
rI./r
d1./d Annonce d'un événement récent. Répandre une nouvelle. Fausse nouvelle. écouter les nouvelles à la radio.
— Première nouvelle!: ce que vous m'annoncez me surprend!
d2./d (Plur.) Renseignements relatifs à la situation, à la santé de qqn. Prendre des nouvelles d'un malade.
— Prov. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles: quand on ne reçoit pas de nouvelles de qqn, on peut présumer qu'il va bien.
|| (Par menace.) Vous aurez de mes nouvelles!
|| Vous m'en direz des nouvelles: à coup sûr cela vous plaira.
d3./d (Afr. subsah.) Donner les (des) nouvelles: pour un visiteur, indiquer, par des formules stéréotypées, le lieu d'où il vient. Demander les (des) nouvelles.
rII./r LITTER Brève composition littéraire de fiction. Un recueil de nouvelles.
I.
⇒NOUVELLE1, subst. fém.
A. —Annonce d'un événement, généralement récent, à une personne qui n'en a pas encore connaissance; événement dont on prend connaissance. Les hommes étaient gaillards, bavards, joyeux. D'ailleurs, une nouvelle admirable courait les rangs: la révolution venait d'éclater en Allemagne (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p.31). Anne cria d'un bout de la pièce à l'autre: —Une grande nouvelle! devinez quoi... Mahaut et Séryeuse sont cousins (RADIGUET, Bal, 1923, p.106):
• 1. Vers midi, une nouvelle affreuse avait écrasé Madame Hugon. Philippe était en prison de la veille au soir, on l'accusait d'avoir volé douze mille francs à la caisse de son régiment.
ZOLA, Nana, 1880, p.1437.
SYNT. Colporter, confirmer, divulguer, transmettre, publier, apprendre une nouvelle; connaître, savoir la nouvelle; la nouvelle circule, se transmet de bouche à oreille; une nouvelle sûre, de bonne source, de première main; nouvelle inventée; fausse nouvelle; nouvelle officielle, officieuse; nouvelle importante, grave, sensationnelle, insignifiante, minime; nouvelle alarmante, fâcheuse, inquiétante, lamentable; mauvaise, triste nouvelle; nouvelle rassurante; bonne, heureuse nouvelle.
♦[Nouvelle + compl. déterminatif (de + subst. ou prop. introduite par que) précisant la nature de l'événement] La nouvelle d'un mariage, d'un divorce, d'une visite; la nouvelle de la victoire. Dans la nuit du 9 au 10 août, la nouvelle fâcheuse de la perte de Mulhouse me parvint (JOFFRE, Mém., t.1, 1931, p.255). Un jour je fus saisi par la terrible nouvelle que Pujol était mort (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1936, p.185).
♦P. iron. Belle nouvelle! Ce n'est pas une nouvelle. Je n'en puis plus, dit un des soldats (...) —Belle nouvelle! Nous en sommes tous logés là, dit le caporal (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.54).
♦[Marquant la surprise] (C'est la) première nouvelle. Lambercier: (...) pas plus tard que demain, j'irai à Paris régler cet homme. (...) Robert: À Paris? C'est la première nouvelle. Tu vas demain à Paris? Quoi faire? (HERMANT, M. de Courpière, 1907, III, 5, p.24). Ah! il s'appelle Gontran. Première nouvelle. On en apprend tous les jours (QUENEAU, Pierrot, 1942, p.181).
— En partic. La bonne nouvelle. L'Évangile. On ne nous a pas dit que la bonne nouvelle seroit crue par-tout. On nous a dit que par-tout elle seroit prêchée (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p.70). L'ensemble du récit était ce qu'on appelait «la bonne nouvelle», en hébreu besora, en grec évangélion, par allusion au passage du second Isaïe: «(...) Jéhovah m'a sacré pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres...» (RENAN, Évangiles, 1877, p.85).
— Au plur. Tout ce que l'on apprend, sur les sujets les plus variés, par la presse, la radio, la télévision, la rumeur publique. Les nouvelles du jour; dernières nouvelles; des nouvelles fraîches; les nouvelles de l'armée; les nouvelles du Moyen-Orient; écouter les nouvelles à la radio; commenter les nouvelles; aller, envoyer qqn aux nouvelles. Les communiqués français (...) étaient donnés avec un mois de retard et certaines retouches. Mais cette vérité altérée, ces nouvelles refroidies passionnaient encore (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.202). L'Écho des Sables ne paraissait qu'une fois par semaine, sur quatre pages, contenant surtout des nouvelles locales et des annonces (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.138):
• 2. La panne d'électricité nous prive de toutes nouvelles de la radio, vraies ou fausses; mais on s'attend à une violente offensive américaine sur Tunis.
GIDE, Journal, 1943, p.161.
♦En appos. ou en compos., vx. L'Empereur m'a fait demander; il était avec le grand-maréchal, qui lui lisait les papiers-nouvelles depuis le 9 jusqu'au 16 octobre; cela ne finissait pas (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.284).
— Vx. Nouvelles à la main. Nouvelles manuscrites, souvent satiriques, qui étaient distribuées avant la généralisation des journaux; p. ext., anecdotes souvent scandaleuses paraissant dans les journaux (d'apr. VOYENNE 1967 et CARABELLI [Lang. journ.], s.d.). Berr a fait une «nouvelle à la main» ridicule. —Elle est vraiment drôle! dit Calmette. Renard, vous devriez bien nous faire des nouvelles à la main (RENARD, Journal, 1898, p.468).
B. —Gén. au plur.
1. Renseignements concernant la situation, l'état de santé d'une personne que l'on n'a pas vue récemment. Je n'eus plus de nouvelles pendant les jours suivants. La maladie s'aggravait sans doute (JOUVE, Scène capit., 1935, p.228). Elle s'était rendue dans la famille du pêcheur y prendre de ses nouvelles et le remercier (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p.128):
• 3. J'ai été à Paris ces jours-ci et j'ai vu M. Mérimée qui m'a donné de vos nouvelles et M. de Rémusat qui en avait aussi.
GOBINEAU, Corresp., [avec Tocqueville], 1859, p.304.
SYNT. Savoir des nouvelles de qqn; avoir de bonnes/mauvaises nouvelles de qqn; n'avoir aucune nouvelle; être sans nouvelles de qqn; demander, faire prendre des nouvelles de qqn; recevoir des nouvelles de qqn; envoyer de ses nouvelles.
— Expressions
♦Pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Si on ne reçoit pas de nouvelles de quelqu'un, il est probable qu'il va bien (v. REY-CHANTR. Expr. 1979).
♦N'avoir ni vent, ni nouvelle. Ne rien savoir. Les royalistes étaient tombés sur les canonniers en arrière et les avaient exterminés; (...) Marc Divès, (...) Jean Rat et cinq ou six autres de notre connaissance se trouvaient dans le nombre, et (...) depuis la compagnie n'en avait eu ni vent ni nouvelles (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.196).
♦[Pour menacer] Vous aurez/tu auras de mes nouvelles. Cela ne se passera pas comme ça, vous entendrez parler de moi. Tu as agi par traîtrise avec moi (...). Tu auras bientôt de mes nouvelles, sois tranquille (PROUST, Guermantes 1, 1920, p.179).
2. P. anal. Renseignements concernant quelque chose. Demander des nouvelles d'une affaire, d'un projet, d'un procès. Je n'ai encore aucune nouvelle de Salammbô! Dès que le marché sera fait, je vous en préviendrai, puisque vous vous intéressez à ce lourd colis (FLAUB., Corresp., 1862, p.37).
— Expr. Vous m'en direz/tu m'en diras des nouvelles. Vous m'en direz du bien, vous m'en féliciterez. Passez donc par la salle à manger. J'ai reçu un petit fût de vieil armagnac. Vous allez m'en dire des nouvelles (A. FRANCE, Hist. comique, 1903, p.172).
Rem. On rencontre l'expr. vieillie tu m'en diras de bonnes nouvelles. Tu auras soin de le mettre [ce jambon] dans la saumure, et en floréal prochain tu m'en diras de bonnes nouvelles ([L'HÉRITIER], Mém. Révol. fr., t.1, 1830, p.96).
♦P. iron. [Pour avertir que qqc. risque d'avoir des résultats fâcheux] Nous ne l'appelions jamais entre nous que «Tu m'en diras des nouvelles», car c'est par cette phrase perpétuellement répétée qu'elle avertissait ses filles des maux qu'elles se préparaient, par exemple en disant à l'une qui se frottait les yeux: «Quand tu auras une bonne ophtalmie, tu m'en diras des nouvelles» (PROUST, Sodome, 1922, p.771).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 au plur. «renseignements sur l'état d'une personne» (Alexis, éd. Chr. Storey, 479: Jo atendeie de te bones nuveles, Mais or les vei si dures e si pesmes!); spéc. 1694 (Ac.:par menace vous aurez de mes nouvelles); 2. «information sur un événement récent» a) début XIIe s. au sing. (BENEDEIT, Voyage St Brendan, 1821 ds T.-L.: Ja nuvele va par païs Que venuz est de paraïs); b) 1155 au plur. (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 2005); spéc. début XVIIe s. (A.D'AUBIGNÉ, Confession du sieur de Sancy ds OEuvres, éd. E. Réaume et de Caussade, t.2, p.337: Quant à l'honneur, ceux qui auront à se faire recevoir en la Cour [...] m'en diront des nouvelles); 1751 nouvelles à la main «feuilles d'information manuscrites distribuées de la main à la main» (VOLTAIRE, Le Siècle de Louis XIV, éd. 1878, chap.26, p.461 [en it. ds le texte]). Du lat. vulg. novella, plur. neutre de novellus (nouveau) pris comme subst. fém. singulier. Fréq. V. nouveau.
II.
⇒NOUVELLE2, subst. fém.
LITT. OEuvre littéraire, proche du roman, qui s'en distingue généralement par la brièveté, le petit nombre de personnages, la concentration et l'intensité de l'action, le caractère insolite des événements contés. La Nouvelle (...) a sur le roman à vastes proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l'intensité de l'effet (BAUDEL., Nouv. Hist. extr., 1857, p.14). Il conte cette vieille nouvelle des Cent nouvelles, la belle jeune fille de la peste de Grenoble, se repentant au lit de mort d'avoir désespéré l'amour de sept ou huit soupirants et leur demandant un pardon si vif qu'ils en meurent et qu'elle en guérit (GONCOURT, Journal, 1865, p.212). [La Nouvelle] est de l'ordre du vrai; mais inouï, révélateur, inédit, neuf —d'où son nom qui la rapproche de la nouvelle du jour: X est mort, c'est la guerre. A et B se marient. «Deux amis se quittent. Un corbillard qui passe. Une jeune amoureuse qui se met nue. Telle est la nouvelle». Quelque chose de surprenant et de problématique, c'est-à-dire qui met en relation les valeurs contradictoires, de la vie et de la mort en ce qu'elles se dénient mutuellement (J. STEFAN ds N.R.F., juin 1980 cité ds Universalia, 1981, p.437).
Prononc. et Orth. V. nouvelle1. Étymol. et Hist. 1414 (Ms. B.N. fonds fr. 129, f° 4 r° ds QUEM. DDL t.18: Cy commence le prologue de Jehan Bocace en son livre nomme Decameron [...] qui contient cent nouvelles). Empr. à l'ital. novella «récit imaginaire» (dep. 1348-53, BOCCACE, Décaméron, oeuvre constituée de cent nouvelles (cento novelle) réparties sur dix journées (dieci giornate), proprement «fait nouveau, information sur un fait nouveau», de même orig. que nouvelle1. Fréq. V. nouveau. Bbg. EMELINA (J.). La Nouvelle ds la presse du coeur. In:[Mél. Nardin (P.)]. Paris, 1977, pp.291-303. —GILLESPIE (G.). Novella, nouvelle ... Neophilologus. 1967, t.51, pp.225-230. —GODENNE (R.). La Nouvelle fr. Paris, P.U.F., 1974, pp.148-156. —ISSACHAROFF (M.). L'Espace et la nouvelle. Paris, Corti, 1976, pp.7-19. —KIBEDI VARGA (A.). Pour une déf. de la nouvelle à l'époque class. Cah. Assoc. intern. Et. fr. 1966, t.18, pp.53-95. —SEMPOUX (A.). La Nouvelle. Turnhout, 1973, 36 p.
nouveau [nuvo], nouvel [nuvɛl] (devant un n. commençant par voyelle ou h muet, ex. : un nouvel effort, mais un nouveau et rude effort), nouvelle [nuvɛl] adj. et n.
ÉTYM. XIIIe; novel, fin XIe; du lat. novellus, dimin. de novus. → Neuf.
❖
———
1 (Choses; le plus souvent après le nom). Qui apparaît pour la première fois ou qui vient d'apparaître, en parlant de créations de la nature ou de l'art humain. ⇒ Récent. || Les pousses nouvelles. ⇒ Jeune, vert (→ Attrister, cit. 15). || Les blés (cit. 5) nouveaux. || Pommes de terre nouvelles. || Petits pois nouveaux. || Herbe, fleur nouvelle. || L'écorce nouvelle (→ Graver, cit. 1). || Vin, raisin nouveau (→ Honneur, cit. 57). || Le beaujolais nouveau est arrivé (⇒ Primeur). || « Maquereau frais, maquereau nouveau » (→ Frais, cit. 25, Proust, citant un « cri de Paris »). || La saison nouvelle. || Mode nouvelle, plus nouvelle (→ Abolir, cit. 7). || Invention (cit. 6), création nouvelle (→ Apparition, cit. 5). || Un modèle nouveau, un type nouveau (→ Famille, cit. 19; industriel, cit. 2). || Une machine, des engins (cit. 5) nouveaux. || Foires (cit. 3) où l'on vend des articles nouveaux. || Les livres, les écrits nouveaux. ⇒ Nouveauté (→ Attendre, cit. 90; gazette, cit. 2). || La littérature nouvelle. ⇒ Moderne. || Les branches nouvelles de la science (→ Mécanique, cit. 6). || Langage (cit. 21), mots, termes nouveaux. ⇒ Néologisme. || Une couche (cit. 10) sociale nouvelle. || Un monde nouveau (→ Fossile, cit. 4). || Une génération (cit. 23) nouvelle. || L'ordre ancien et l'ordre nouveau (→ Hâter, cit. 6). || L'établissement (cit. 3) d'un ordre nouveau. || Le siècle nouveau (→ Messager, cit. 6). || Établir (cit. 10) une religion nouvelle. || Un esprit (cit. 168) nouveau. || Une ère (cit. 6) nouvelle. || Les conditions nouvelles de la vie (→ Adapter, cit. 3). ⇒ Différent. || Conceptions, théories, croyances… nouvelles (→ Héroïque, cit. 2; initier, cit. 2). || « Le conseil en est bon, mais il n'est pas nouveau » (→ Apparence, cit. 12, La Fontaine). || Ça c'est nouveau, voilà encore qqch. de nouveau, se dit pour souligner une remarque inattendue (souvent avec une intention critique). — ☑ Prov. Tout ce qui est nouveau paraît beau. ☑ Tout nouveau, tout beau.
1 Il semble que les premiers mots des Métamorphoses d'Ovide, In nova fert animus, soient la devise du genre humain (…) Un colporteur ne se chargera pas d'un Virgile, d'un Horace, mais d'un livre nouveau (…) Les femmes se plaignent depuis le commencement du monde des infidélités qu'on leur fait en faveur du premier objet nouveau qui se présente, et qui n'a souvent que cette nouveauté pour tout mérite.
Voltaire, Dict. philosophique, art. Nouveauté.
2 Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques.
André Chénier, Poèmes, « L'invention ».
3 Les siècles superstitieux accusent facilement les opinions nouvelles d'impiété, et les siècles incrédules les accusent non moins facilement de folie.
Mme de Staël, De l'Allemagne, Observ. générales.
4 On était toujours parfaitement poli à son égard à l'hôtel de La Mole; mais il se sentait déchu. Son bon sens de province expliquait cet effet par le proverbe vulgaire, tout beau tout nouveau. Peut-être était-il un peu plus clairvoyant que les premiers jours, ou bien le premier enchantement produit par l'urbanité parisienne était passé.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, V.
5 Nous demandâmes du cidre nouveau, — car il n'y a que des Normands ou des Bretons qui puissent se plaire au cidre dur.
Nerval, Nuit d'octobre, XI.
6 Voici une vie nouvelle qui s'ouvre devant nous; entrons-y sans remords, sans méfiance, et tâchons seulement qu'elle ne nous joue pas les mêmes tours que l'ancienne (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, XIV.
6.1 Ces personnes nouvelles, que les jeunes gens trouvaient fort anciennes, et que d'ailleurs certains vieillards qui n'avaient pas été que dans le grand monde croyaient bien reconnaître pour ne pas être si nouvelles que cela, n'offraient pas seulement à la société les divertissements de conversation politique et de musique dans l'intimité qui lui convenaient; il fallait encore que ce fussent elles qui les offrissent, car pour que les choses paraissent nouvelles si elles sont anciennes, et même si elles sont nouvelles, il faut en art, comme en médecine, comme en mondanité, des noms nouveaux.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 726.
♦ ☑ Loc. Art nouveau. ⇒ Modern style. Appos. || Des meubles art nouveau.
7 Tout l'appartement, sauf une pièce, était meublé dans le goût moderne. Mme de Champcenais avait fait le voyage de Nancy, pour y commander une salle à manger, un cabinet de travail, un boudoir, et deux chambres art nouveau.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, III, p. 45.
♦ Des faits nouveaux (→ Artisanat, cit. 3). || Qu'y a-t-il de nouveau ? ⇒ Nouvelle (n. f.). || Quoi de nouveau ? || Rien de nouveau. ⇒ Neuf. — Fam. || Ça alors, c'est nouveau !, c'est inouï, c'est un peu fort. ⇒ Extraordinaire, surprenant. || C'est une chose nouvelle de…, il est nouveau de…, suivi de l'inf.
♦ N. m. || Il y a du nouveau dans l'affaire X.
8 Qu'est-ce qui a été autrefois ? c'est ce qui doit être à l'avenir. Qu'est-ce qui s'est fait ? c'est ce qui se doit faire encore. Rien de nouveau sous le soleil (…)
Bible (Sacy), Ecclésiaste, I, 9-10.
9 Et puis, que dit-on de nouveau ?
Quand part le Roy ? aurons-nous guerre ?
Clément Marot, Épîtres, XLIX.
10 Par des faits tout nouveaux je m'en vais vous apprendre
Tout ce que peut l'amour sur le cœur d'Alexandre.
Racine, Alexandre, III, 6.
11 J'admire les idiots cultivés, enflés de culture, dévorés par les livres comme par des poux, et qui affirment, le petit doigt en l'air, qu'il ne se passe rien de nouveau, que tout s'est vu. Qu'en savent-ils ? L'avènement du Christ a été un fait nouveau. La déchristianisation du monde en serait un autre.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 39.
2 (1686). Personnes. || Un homme nouveau qui s'est fait connaître récemment. || Un homme politique nouveau. || Il nous faut des hommes nouveaux !
12 Chrysippe, homme nouveau, et le premier noble de sa race (…)
La Bruyère les Caractères, VI, 27.
13 Les élus (de la Législative) tous des hommes nouveaux, la plupart très jeunes, presque tous obscurs, sortaient d'un suffrage restreint, censitaire (…)
J. Bainville, Hist. de France, XVI, p. 347.
3 (Personnes; avant le nom). Qui est depuis peu de temps ce qu'il est. ☑ Les nouveaux riches (→ Afficher, cit. 6; agioteur, cit. 3). || Les nouveaux pauvres. || Les nouvelles recrues : les soldats nouvellement incorporés (cit. 10). || La nouvelle épouse (→ Fruit, cit. 31). || « Que d'amis, que de parents naissent en une nuit au nouveau ministre » (cit. 4, La Bruyère). — (Devant un participe, avec la valeur adverbiale de nouvellement, mais s'accordant cependant, sauf, en principe, dans le nom composé nouveau-né). || Le nouvel élu, les nouveaux élus (→ Appariteur, cit. 1). || Les nouveaux mariés. ⇒ Jeune. || Des nouveaux venus (→ Assimilation, cit. 9; familiariser, cit. 10; hôtel, cit. 16). || Les nouveaux convertis. ⇒ Néophyte. — REM. Quand le participe, au lieu de former avec nouveau un véritable substantif, garde sa valeur verbale, nouveau conserve la forme adverbiale et ne s'accorde pas. || Le voyageur nouveau débarqué (→ Badauderie, cit. 2). || Des vins nouveau percés (Littré), mais cet emploi est vieilli.
14 (…) le déplaisir d'un enfant nouveau sevré entre les bras de sa mère.
Corneille, Office de la Vierge, IX, v. 236.
15 Il fallait pour être initié avoir des répondants, des cautions qu'on appelait d'un nom qui répond à parrains, afin que l'Église s'assurât de la fidélité des nouveaux chrétiens (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Baptême.
16 Avant 1914, l'Allemagne était orgueilleuse comme une nouvelle riche. Depuis 1918, elle se fait humble comme une nouvelle pauvre.
♦ N. (1919; nouveau, à l'école, 1832). || Le nouveau, la nouvelle : celui, celle qui vient d'arriver dans un collège, un atelier, un bureau, une collectivité dont les membres se connaissent tous. || Il y a trois nouveaux dans la classe. || Le nouveau était intimidé (→ Articuler, cit. 8). || Un petit nouveau. || Grande École où les nouveaux sont victimes de canulars. ⇒ Bizuth. || Nouveaux arrivant au régiment. ⇒ Bleu (→ Indifférence, cit. 17).
17 Quiconque voudra se représenter l'isolement de ce grand collège (…) au milieu d'une petite ville (…) aura certes une idée de l'intérêt que devait nous offrir l'arrivée d'un nouveau, véritable passager survenu dans un navire. Jamais jeune duchesse présentée à la cour n'y fut aussi malicieusement critiquée que l'était le nouveau débarqué par tous les écoliers de sa Division (…) « Vous aurez demain un Nouveau ! » Tout à coup ce cri : « Un Nouveau ! un Nouveau ! » retentissait dans les cours.
Balzac, Louis Lambert, Pl., t. X, p. 364.
18 Nous étions à l'étude, quand le proviseur entra, suivi d'un nouveau habillé en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre.
Flaubert, Mme Bovary, I, I.
18.1 Toutes les têtes des élèves s'étaient tournées du côté de la nouvelle.
A. Robida, le Vingtième Siècle, p. 153.
4 (Avec une valeur laudative; après le nom et souvent qualifié). Qui tire de son caractère récent une valeur de création, d'invention (→ Inventer, cit. 1). ⇒ Hardi, inédit, insolite, neuf, original. || Un art, un style, un langage nouveau, tout à fait nouveau (→ Génie, cit. 27). || Des tours si nouveaux et si naturels (→ Grâce, cit. 75). || Présenter les choses sous un jour, un aspect nouveau. || Riche d'aperçus (cit. 3) nouveaux. || Cette qualité toute moderne et toute nouvelle (→ Expression, cit. 45). || L'emploi nouveau et hardi (cit. 17) que certains écrivains font des mots. || Créateur qui propose des types nouveaux (→ Iconographie, cit. 3). || Quelque chose de nouveau et de vrai (→ Livre, cit. 13). || Rajeunissement du talent par des moyens nouveaux (→ Mesure, cit. 10). || C'est une idée, une vue toute nouvelle. ☑ Allus. littér. « Vous créez un frisson (cit. 25) nouveau ».
19 Son éloquence, essentiellement poétique, pleine de méthode, et se mouvant toutefois hors de toute méthode connue, un arsenal d'images tirées d'un monde peu fréquenté par la foule des esprits, un art prodigieux à déduire d'une proposition évidente et absolument acceptable des aperçus, secrets et nouveaux, à ouvrir d'étonnantes perspectives (…) telles étaient les éblouissantes facultés (de Poe).
Baudelaire, Edgar Poe, sa vie, ses œuvres, III.
20 Que ta vision soit à chaque instant nouvelle.
Gide, les Nourritures terrestres, p. 32.
21 L'originalité réside dans la façon nouvelle d'exprimer des choses déjà dites.
Antoine Albalat, la Formation du style, p. 29.
♦ N. m. || Faire, réclamer du nouveau en art (→ Étrange, cit. 14). || Curiosité qui pousse à chercher du nouveau (→ Jupon, cit. 4). || Le goût (cit. 35) du nouveau. ⇒ Innovation, innover, novateur. || « Au fond de l'inconnu (cit. 32) pour trouver du nouveau » (Baudelaire).
22 (…) mais surtout évitez
Les traits que tant de fois l'églogue a répétés;
Il me faut du nouveau, n'en fût-il point au monde.
La Fontaine, Clymène.
23 En attendant, demandons au poète du nouveau, — idées et formes.
Rimbaud, Correspondance, XII, 15 mai 1871.
24 Comme l'organe crée le besoin, dit-on, l'expression finit toujours par créer la pensée : l'essentiel est qu'elle soit nouvelle. Du nouveau, à tout prix ! Ils avaient la frayeur maladive du « déjà dit ». Les meilleurs en étaient paralysés. On sentait qu'ils étaient toujours occupés à se surveiller peureusement, à effacer ce qu'ils avaient écrit, à se demander : « Ah ! mon Dieu ! où est-ce que j'ai déjà lu cela ? » (…)
R. Rolland, Jean-Christophe, Foire sur la place, I, p. 691.
5 a Vieilli. || Nouveau à (qqn) : qui était jusqu'ici inconnu de (qqn); dont on n'a pas l'habitude. ⇒ Inconnu, inhabituel; inaccoutumé, inusité. || Cela m'est nouveau (→ Aphasique, cit. 2). || « Ce mot me fut nouveau et inconnu » (→ Explication, cit. 1, Pascal).
25 (…) La pompe de ces lieux,
Je le vois bien, Arsace, est nouvelle à tes yeux.
Racine, Bérénice, I, 1.
26 (…) c'est un style si nouveau à nous autres Français (…)
Mme de Sévigné, 833, 17 juil. 1680.
27 Aujourd'hui, je sais Racine par cœur, et il m'est toujours nouveau.
France, le Petit Pierre, XXXIV.
b Mod. || Nouveau pour (qqn). || Un système, un sentiment tout à fait nouveau pour moi (→ Fructification, cit. 1; houri, cit. 3). ⇒ Insoupçonné. || Nouveau pour le lecteur (→ Image, cit. 48). || Quand on visite un pays nouveau pour soi (→ Jalonner, cit. 5). — Des officiers nouveaux pour eux (→ Bataillon, cit. 7).
28 (…) ce document est nouveau pour vous tous, messieurs, et même pour moi, qui n'ai eu que le temps d'y jeter un coup d'œil.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXII, p. 174.
c (Le complément de l'adjectif n'étant pas exprimé; avant ou après le nom). || Les sonorités nouvelles que je distinguais dans sa voix (→ Agressivité, cit. 1). || Elle lui apparaissait sous un aspect (cit. 29) nouveau. || « De quel trouble nouveau tous mes sens sont atteints » (cit. 8, Voltaire). || Voir tous les jours de nouveaux visages, des têtes nouvelles (→ Auberge, cit. 2; coudoyer, cit. 1). || « Le premier qui vit un chameau (cit. 1), s'enfuit à cet objet nouveau » (La Fontaine). || L'agrément nouveau de l'indépendance (cit. 7)… || Se sentir une force, une foi, une vigueur, une vie… nouvelle (→ Ardeur, cit. 24; bouillonner, cit. 5). || Le plaisir d'une petite fille qui manie un jouet (cit. 1) nouveau. || « Quelque bien (cit. 34) qu'on dise de nous, on ne nous apprend rien de nouveau » (La Rochefoucauld).
29 (…) plus l'être est faible, plus il répugne, à l'étrange, au changement; car la plus légère idée nouvelle, la plus petite modification de régime nécessite de lui une vertu, un effort d'adaptation qu'il ne va peut-être pas pouvoir fournir.
Gide, Prétextes, p. 48.
6 (Personnes). En attribut ou après le nom (Vieilli). Qui n'a pas, qui n'a guère l'expérience ou l'habitude de qqch. ⇒ Inexpérimenté, neuf, novice. || « Nous arrivons tout nouveaux aux divers âges (cit. 20) de la vie » (La Rochefoucauld). || « Quand, la première fois, un athlète nouveau vient combattre… » (→ Joute, cit. 2, Boileau). || « Un monde (cit. 22) si nouveau et si enfant » (Montaigne). || Être bien nouveau dans son métier, dans les affaires.
30 (…) comme je suis encore fort nouveau dans mes affaires, je croyais qu'il fût à mon choix de payer (…) ou en un seul terme ou en deux (…) Je vous en supplie (…) d'excuser mon ignorance (…)
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II (Av. le nom).
1 Qui apparaît après un autre qu'il remplace, au moins provisoirement, ou tend à remplacer dans notre vision, dans nos préoccupations. — REM. Dans cette acception, le sens I de nouveau demeure plus ou moins sensible, l'idée de « nouveauté » pouvant coexister avec celle de « succession » et de « substitution ». || Le nouvel an. || La nouvelle lune (cit. 1). Rare. (Après le nom). || La lune nouvelle (→ Canon, cit. 4, Loti). — Le nouveau monde, le nouveau continent : le continent américain (→ Assimiler, cit. 10; dépeupler, cit. 2). || Le Nouveau Testament. || La nouvelle alliance (cit. 4 et 5). || Le nouvel homme (ou l'homme nouveau), régénéré par la grâce. || Le nouveau régime (→ Fédération, cit. 7). || Nouveau style (en chronologie). — De nouvelles découvertes (→ Approfondissement, cit. 2). || Une nouvelle carrière (→ Arriver, cit. 25). || De nouveaux besoins (→ Assujettir, cit. 27). || Prendre une nouvelle forme (cit. 2). || Les cellules (cit. 9) dont se composera le nouvel être. || La faveur (cit. 3) du nouveau maître. || Un nouveau sens du mot « fixer » (cit. 9). || De nouvelles habitudes (cit. 42). || Les nouveaux systèmes d'éducation (→ Homuncule, cit. 5). || La nouvelle législation (→ Immigration, cit. 2). || Inventer un nouveau plaisir (→ Jouissance, cit. 3). || Une nouvelle, une autre chanson. || Chercher à promouvoir un nouveau type de société, une nouvelle société. — Allus. littér. || « Ainsi (cit. 11) toujours poussés vers de nouveaux rivages… » (Lamartine).
31 L'approche de l'air de la cour a donné à son ridicule de nouveaux agréments (…)
Molière, la Comtesse d'Escarbagnas, I, 1.
32 J'ai essayé d'inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues.
Rimbaud, Une saison en enfer, Adieu.
33 Les textes modernes ont leur tour, car ils témoignent de l'état présent de la langue; mais ils sont réservés pour indiquer ce qui leur est propre, c'est-à-dire les nouvelles acceptions, les nouvelles combinaisons, en un mot les nouvelles faces des mots.
Littré, Dict., Préface, p. XVII.
♦ (Personnes). Qualifie une catégorie de personnes ayant des caractéristiques considérées comme inédites, renouvelées, par rapport à la tradition (sens voisin de I., 4.). || Les « nouveaux producteurs » (l'Express, déc. 1971); les nouveaux industriels, d'un type nouveau. || Les nouveaux conducteurs. — (V. 1975). || Les nouveaux philosophes : les jeunes philosophes qui prétendent renouveler la conception de la philosophie (et sa fonction sociale). || Les nouveaux réalistes ⇒ Jeune, néo.
♦ (Avec un nom désignant un groupe, une activité). || La nouvelle philosophie. || La nouvelle droite. || La nouvelle gauche américaine. || Le nouveau théâtre, le nouveau cinéma.
♦ Littér. || Le nouveau roman. ⇒ Roman.
♦ ☑ Loc. métaphorique. La nouvelle vague. ⇒ Vague.
2 Qui a succédé, s'est substitué à un autre. ⇒ Autre, second. || Sur (de) nouveaux frais (cit. 7 et 8). — (Vieilli). || Nouveaux francs. ☑ Jusqu'à nouvel ordre. || En cas de nouvelles condamnations (→ Avertir, cit. 12). || Faire de nouvelles recherches, de nouveaux efforts (→ Courtage, cit.; financer, cit. 4). || Formuler de nouveaux griefs (cit. 8). || Vous lui injecterez (cit. 2) un nouveau demi-centigramme. || Une nouvelle édition. — (Entrant dans le titre de nombreuses publications). || Nouveaux Lundis, de Sainte-Beuve. || Nouveaux Essais de critique et d'histoire, de Taine… || La Nouvelle Revue française…
34 On convint d'un nouveau rendez-vous, aussitôt après les fêtes (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, IV, p. 27.
♦ (Le nom étant mis en rapport avec une personne, soit par un verbe marquant la possession : avoir, acheter…, soit par un possessif). || Il a acheté une nouvelle voiture. || Elle a un nouveau fiancé, un nouveau mari. || Elle a eu un nouvel enfant. ⇒ Autre.
REM. Dans ces emplois, et lorsqu'il qualifie une chose, nouveau peut s'opposer à neuf : sa nouvelle voiture est plus ancienne que la dernière : c'est une vieille Rolls.
3 (Devant un nom propre). ⇒ Autre, second. || Un nouveau César, un nouvel Alexandre. || Le nouveau, notre nouveau Cicéron (→ Bégayer, cit. 2). || Et, nouveau Jupiter… je foudroie… (cit. 3, La Fontaine). || Se croire un nouveau Lope de Vega (→ Fumée, cit. 17). || Ce nouvel Adonis (→ Magot, cit. 2). || Julie ou la Nouvelle Héloïse, roman de Rousseau. — Une contrée que les habitants appellent le nouvel Éden (→ Arroser, cit. 3.1). || La nouvelle Athènes : nom donné parfois à Paris.
REM. Beaucoup des expressions où nouveau figure en ce sens sont employées ironiquement.
35 (…) épanchons nos cœurs sur la piété de Louis (XIV) … et disons à ce nouveau Constantin, à ce nouveau Théodose, à ce nouveau Marcien, à ce nouveau Charlemagne (…) : « vous avez affermi la foi; vous avez exterminé les hérétiques (…) »
Bossuet, Oraison funèbre de Le Tellier.
36 (…) je suis parti d'ici avec Dumas, pour Bruxelles, d'où je comptais revenir directement à Paris. Mais « la nouvelle Athènes » me semble dépasser le Dahomey en férocité et en bêtise.
Flaubert, Correspondance, 1163, 31 mars 1871.
♦ (Dans des expressions géogr.). || Nouvelle-Zélande. || La Nouvelle-Orléans. || Nouvelle-Guinée…
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III Loc. adv.
1 ☑ (1119; sens mod., XVIe). De nouveau : pour la seconde fois, une fois de plus. ⇒ Derechef, encore.
♦ REM. De nouveau marque une simple répétition. ⇒ préf. Re-. || Ève enfanta de nouveau et mit au monde Abel (→ Adam cit. 2). || Faire de nouveau qqch. ⇒ Recommencer. || Être de nouveau dans tel ou tel état (→ Armistice, cit. 2; fomenter, cit. 2; friction, cit. 2; hérésie, cit. 6; moi, cit. 60). || De nouveau et encore plus fort. ⇒ Beau (de plus belle). — (Vx). || Tout de nouveau (cf. Molière, Dom Juan, II, 11).
37 La tourmente dont il était sorti avec tant de peine se déchaîna de nouveau en lui. Ses idées recommencèrent à se mêler.
Hugo, les Misérables, I, VII, III.
2 ☑ À nouveau. a (1835). Fin. Sur un nouveau compte. || Créditer, débiter, porter à nouveau. — Report à nouveau.
b (1852). De nouveau et d'une manière différente, sur de nouvelles bases. || Examiner à nouveau une question (→ Matérialisme, cit. 3). || Reprendre à nouveau un travail. || L'homme doit conquérir chaque chose, à nouveau, chaque jour (→ Appartenir, cit. 8).
c (1884, Leconte de Lisle; → Masse, cit. 2). De nouveau. || Elle m'interdit à nouveau toute familiarité avec ce malappris (cit. 3, France). → Agitation, cit. 21; fil, cit. 14; interrupteur, cit. 3.
38 Cela m'est égal que Littré, qui est pourtant un de mes dieux, ne fasse aucune différence entre « à nouveau » et « de nouveau ». Moi, je vois une différence et je m'impose une règle. « De nouveau » veut dire « derechef » et « à nouveau » veut dire « à neuf ». Je repeins ma maison à nouveau (…)
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, V, XI.
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CONTR. Ancien, antique, archaïque, lointain, vieux. — Banal, éculé. — Aguerri, expérimenté. — Même.
DÉR. Nouveauté, nouvelle, nouvellement. — (Du rad. lat. novus) Novateur, novation.
COMP. Nouveau-né. — Renouveau, renouveler.
HOM. (Du fém.) Nouvelle.
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nouvelle [nuvɛl] n. f.
ÉTYM. XIIIe; novele, v. 1050; du lat. pop. novella n., plur. neutre de l'adj. novellus mais pris comme n. f. → Nouveau.
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1 Premier avis qu'on donne ou qu'on reçoit d'un événement relativement récent; cet événement porté pour la première fois à la connaissance de la personne intéressée, ou du public. || La nouvelle d'une bataille, d'un décès, d'un mariage… (→ Bagatelle, cit. 8; extrême, cit. 14; hommage, cit. 6). || La nouvelle que l'armée avait été battue (→ Intervenir, cit. 9). || Avoir, recevoir la nouvelle d'un événement, que tel fait se produit… — Vieilli. || Avez-vous eu nouvelle de la chose ? ⇒ Vent. — Dire, annoncer (cit. 1), conter, apporter (cit. 30) une nouvelle. || Porteur de nouvelles. ⇒ Messager. || Répandre, divulguer, colporter (cit. 2), débiter (cit. 6), publier, ébruiter, corner, propager, transmettre… une nouvelle. || Apprendre (cit. 30) recevoir une nouvelle. || Connaître, savoir une, la nouvelle. || La nouvelle circule, vole de bouche en bouche. || Nouvelle de bonne source, de première, de seconde main. || Tenir une nouvelle de qqn. || Nouvelle encore vague, sans consistance, qui ne paraît pas fondée (cit. 24), qui demande à être confirmée (cit. 9). ⇒ Bruit, écho, rumeur. || Fausse nouvelle. ⇒ Bobard, canard, fable (cit. 16). || Fabricateur de fausses nouvelles. || Nouvelle apocryphe, forgée de toutes pièces, tendancieuse… || Nouvelle officielle, officieuse. || Cacher (cit. 26), tenir secrète une nouvelle. || La nouvelle a transpiré, est venue aux oreilles de X. || Où a-t-il pêché cette nouvelle ? — Grande, importante nouvelle. || Lancer une nouvelle sensationnelle (⇒ Bombe, pétard).
1 Célimène (…) Eût-on pu croire cette nouvelle ?
Célimène me trompe et n'est qu'une infidèle.
Molière, le Misanthrope, IV, 2.
2 Le Roi, dès qu'il eut nouvelle du siège levé (…)
Racine, Notes historiques, XXXV.
3 Le Roi, approchant de Valenciennes, reçut nouvelle que Gand était investi (…)
Racine, Notes historiques, XIII.
4 Dans la soirée, tous les salons, les petits marchands, les pauvres, les mendiants, la noblesse, le commerce, toute la ville enfin parlait de la grande nouvelle : l'arrestation du comte d'Esgrignon soupçonné d'avoir commis un faux.
Balzac, le Cabinet des Antiques, Pl., t. IV, p. 457.
5 Dites donc, Caporal, vous savez la nouvelle (…) Paraît qu'on va avoir la guerre.
Zola, la Terre, V, III.
♦ Bonne, mauvaise nouvelle, annonce d'un événement heureux, malheureux (→ Apprendre, cit. 30). || Heureuse, excellente, triste, fâcheuse, calamiteuse (cit. 2), désastreuse… nouvelle. || Raconter une nouvelle plaisante. ⇒ Anecdote. || Nouvelle rassurante, inquiétante (cit. 8), alarmante, qui étonne, qui assomme (cit. 20), qui accable, nouvelle bouleversante, renversante, consternante, affligeante, attristante… ☑ Prov. Les mauvaises nouvelles ont des ailes, se répandent vite.
6 Mais voici du combat la funeste nouvelle.
Racine, la Thébaïde, V, 1.
7 On ne saurait assez se rappeler que, dans l'antiquité, les porteurs de mauvaises nouvelles étaient mis à mort. C'est toujours vrai : on se trouve mal le plus souvent d'avoir dit la vérité à ses amis. C'est pour cela que les puissants sont si mal conseillés.
André Siegfried, La Fontaine…, p. 215.
♦ ☑ Loc. Ce n'est pas une nouvelle : c'est une chose que je savais déjà — En voici la première nouvelle (Littré). — ☑ (1920). Première nouvelle !, en parlant d'une chose dont on n'avait pas connaissance et qui surprend fort. — ☑ (Vx). Faire la nouvelle : occuper l'attention à titre de nouvelle importante. (→ Faire la une.).
8 — Mon cœur brûle sous tes lois.
— Ce n'est pas une nouvelle,
Tu me l'as dit mille fois.
Molière, George Dandin, Grand divert. royal.
9 Comme Aufrère partait à rire de plus belle, Legrain se mit l'index sur la bouche : — Chut ! souffla-t-il. — Eh quoi, mon vieux, on ne peut plus donc rire, chez vous ? Première nouvelle.
G. Duhamel, Salavin, V, V.
♦ Les nouvelles : ce que l'on apprend par la rumeur publique, par la presse. ⇒ Chronique, information. || Les nouvelles du jour (→ Avant, cit. 20), des journaux (→ Feuille, cit. 10; houleux, cit. 2). || Les nouvelles du quartier. ⇒ Fait (faits divers). || Nouvelles du bord (→ 1. Loch, cit. 1). || Être à la source des nouvelles. || Dernières nouvelles, celles de dernière heure. || Nouvelles fraîches, récentes. || Les nouvelles de Londres, de Berlin… : les informations en provenance de Londres, de Berlin (→ Croire, cit. 13). ⇒ Rubrique. || Les nouvelles du front. || Quelles sont les nouvelles aujourd'hui ? || Les nouvelles sont bonnes, mauvaises… || Aller aux nouvelles. || Envoyer aux nouvelles. || Petites nouvelles et faits divers.
10 On apprend par là chaque jour les petites nouvelles galantes, les jolis commerces de prose et de vers.
Molière, les Précieuses ridicules, 9.
11 (…) il connaissait tous les trucs et les nouvelles du quartier à force d'être chez les bistrots (…)
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 416.
12 L'encre des quotidiens nous tient lieu de cervelle
Car c'est vivre pour nous que lire les nouvelles (…)
Aragon, le Roman inachevé, p. 166.
♦ Fam. || Alors, quelles nouvelles ?
2 (Au pluriel). Renseignements concernant l'état ou la situation (d'une personne qu'on n'a pas vue ou dont on n'a pas entendu parler depuis quelque temps). || Avoir des nouvelles de qqn (→ Absence, cit. 13; impatienter, cit. 2). || Être sans nouvelles de qqn (→ Humilier, cit. 38). || Ne plus donner de ses nouvelles (→ Fantaisie, cit. 31). ⇒ Signe (de vie), silence. || Attendre (cit. 1), recevoir des nouvelles de qqn. || Demander, réclamer des nouvelles de la famille, de tout le monde… (→ Étonner, cit. 30; intérêt, cit. 23). || Envoyer, savoir, faire prendre, prendre des nouvelles d'un malade (→ Honoraire, cit. 5; informer, cit. 13). || Les nouvelles du petit étaient mauvaises (→ Inquiétude, cit. 18). || Aux dernières nouvelles, il était au plus mal. || Avez-vous de bonnes nouvelles de la jeune maman ? — (Au sing.). || Je n'ai aucune nouvelle de lui. || Il eut ainsi quelque nouvelle d'elle (→ Enquérir, cit. 6). — ☑ Loc. prov. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles : quand on ne reçoit pas de nouvelles de qqn, on peut supposer qu'elles sont bonnes.
13 Il y avait bien longtemps que je n'avais eu directement de tes nouvelles, quand je rencontrai, dimanche dernier, ton père, à qui j'en demandai.
Sainte-Beuve, Correspondance, 17, 28 juin 1824.
14 Sans nouvelles de toi, je suis désespéré
Que fais-tu ? Je voudrais une lettre demain (…)
Apollinaire, Ombre de mon amour, p. 45.
15 Régulièrement, au réveil, il s'enquérait de mes nouvelles auprès des autres lurons (…)
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 108.
♦ ☑ (1694). Loc. Vous aurez, vous entendrez de mes nouvelles !, avertissement menaçant adressé à qqn pour lui faire comprendre qu'il éprouvera bientôt les effets de notre colère (→ Vous entendrez parler de moi). || Toi, tu auras de mes nouvelles ! || Sois tranquille, il aura bientôt de mes nouvelles.
16 Ah ! et puis y a le chat que j'oubliais ! une saloperie qui passe sa vie à aller faire ses ordures dans le porte-parapluies de l'antichambre. Il aura de mes nouvelles, le chat : je vas le foutre par la fenêtre et nous verrons un peu s'il retombera sur ses pattes !
Courteline, la Peur des coups.
♦ (Concernant qqch.). || Demander des nouvelles d'une affaire, de la guerre, d'une représentation… (→ Arrêter, cit. 71). || Avez-vous des nouvelles du fameux mariage ? — (Vieilli). || Je peux en dire des nouvelles : j'en suis instruit mieux que personne, je suis le premier à être au courant de la chose. — ☑ (Fin XVIe). Cour. Vous m'en direz des nouvelles : vous m'en direz sûrement du bien, vous m'en ferez compliment. || Goûtez-en, vous m'en direz des nouvelles (→ 1. Mine, cit. 9). — Iron. || Vous vous plaignez ? prenez donc ma place, et vous m'en direz des nouvelles ! — ☑ Vx. Point, peu de nouvelles : il n'est pas, il n'est guère question d'en parler, d'en entendre parler (→ Meubler, cit. 2).
17 (…) ma main droite ne veut entendre encore à nulle autre proposition qu'à celle de vous écrire (…) On lui présente une cuiller, point de nouvelle (…) elle refuse tout à plat (…)
Mme de Sévigné, 525, 17 avr. 1675.
17.1 — Il n'y a jamais que toi qui souffres ! Moi je ne compte pas. Je voudrais pourtant te voir à ma place. Tu m'en dirais des nouvelles.
S. Beckett, En attendant Godot, I.
REM. Ce sens s'explique par le fait que beaucoup de publications portaient le titre de Nouvelles (cf. les Nouvelles de la République des Lettres, de Bayle; les Nouvelles ecclésiastiques, feuille janséniste violemment hostile aux philosophes, etc.).
♦ ☑ Nouvelles à la main, distribuées en manuscrit. — REM. À la main signifiait anciennement « par complot, concerté, tout exprès » (Furetière).
18 Après avoir lu cette étrange anecdote dans ces Mémoires manuscrits, qu'on dit faits avec soin par un courtisan qui n'avait presque point quitté Louis XIV pendant quarante ans, je ne lassai pas d'être encore en doute : je m'informai (…) Enfin je sus que ces Mémoires du marquis de Dangeau, qu'on regarde comme un monument précieux, n'étaient que des nouvelles à la main, écrites quelquefois par un de ses domestiques (…)
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, XXVI.
N. B. Voltaire dit ailleurs (Dissert. sur la mort de Henri IV) de ce domestique qu'il « se mêlait de faire à tort et à travers des gazettes manuscrites de toutes les sottises qu'il entendait dans les antichambres ».
4 (1414, in D. D. L.; ital. novella). Récit généralement bref, de construction dramatique (unité d'action), présentant des personnages peu nombreux dont la psychologie n'est guère étudiée que dans la mesure où ils réagissent à l'événement qui fait le centre du récit. ⇒ Conte, roman. || Auteur de nouvelles. ⇒ Nouvelliste. || Les Cent Nouvelles Nouvelles (1486 : « lequel livre en soi contient cent chapitres ou histoires ou pour mieux dire nouveaux contes à plaisance »). || Les Nouvelles exemplaires, de Cervantes. || Les Nouvelles asiatiques, de Gobineau. || Les Nouvelles de Balzac, de Stendhal, de Mérimée, de Maupassant, de Sartre. || Les Contes et nouvelles en vers de La Fontaine. || « Adolphe », nouvelle de B. Constant (→ Intimité, cit. 6). — Genre littéraire constitué par ce type de récits.
19 Il (le roman) ne subit d'autres inconvénients et ne connaît d'autres dangers que son infinie liberté. La nouvelle, plus resserrée, plus condensée, jouit des bénéfices éternels de la contrainte : son effet est plus intense; et comme le temps consacré à la lecture d'une nouvelle est bien moindre que celui nécessaire à la digestion d'un roman, rien ne se perd de la totalité de l'effet.
Baudelaire, l'Art romantique, XX, IV.
20 (…) de la Chronique à Colomba (…) on a vu naître de Mérimée la nouvelle, très loin du conte du XVIIIe siècle, sauf de certains contes de Diderot. L'optique de la nouvelle comporte généralement, comme mise au point, la présence ou le passage d'un voyageur, d'un témoin qui raconte, d'un curieux qui observe, d'un artiste qui peint. Dans le roman, même s'il n'est pas roman-fleuve, le romancier se jette à la nage, épouse un courant (…) L'auteur de nouvelles, lui, reste sur le rivage, avec son chevalet et sa toile (…)
A. Thibaudet, Hist. de la littérature franç., p. 211.
21 Et je songe que la nouvelle est bien près de former un genre depuis qu'elle doit se limiter aux exigences de la revue ou du journal. Elle est faite pour être lue d'un coup, en une fois. Dès qu'il y a un « à suivre », dès qu'on laisse le lecteur en suspens, on verse dans le genre « roman » — qui n'en est plus un car il ne comporte plus de lois.
Gide, Attendu que…, p. 84.
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DÉR. Nouvellier. — V. Nouvelliste.
HOM. V. Nouveau.
Encyclopédie Universelle. 2012.