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NUTRITION
NUTRITION

Du fait même qu’il fonctionne, l’organisme dépense. S’il paraît évident que la croissance exige la fourniture de nouveaux éléments, il n’en est pas moins vrai que le simple entretien des cellules vivantes demande un apport constant de matière et d’énergie sous forme de nutriments dérivant des aliments. Ces nutriments sont les molécules assimilables, les matières premières de synthèses, d’une part, et d’autre part les sources d’énergie nécessaires à la croissance et à la maintenance ou entretien des organismes.

La preuve qu’il existe un renouvellement matériel constant a été donnée dès 1939 et 1940, lors d’expériences faites avec des composés marqués par des isotopes traceurs. Des rats ingérant un acide aminé, la leucine, marqué par l’azote de masse atomique 15, ainsi que des plants de tabac recevant du chlorure d’ammonium marqué de la même façon incorporent dans leurs protéines davantage d’azote que n’en requiert leur propre croissance: une fraction de leurs protides se trouve remplacée par des protides nouveaux, indépendamment de tout accroissement protoplasmique.

La nutrition, flux continuel d’échanges ordonnés entre l’être vivant et son milieu, a donc pour fonction de permettre les remaniements de l’organisme de telle sorte qu’on peut la définir comme le « double mouvement continu de combinaison et de décombinaison que présentent, sans se détruire, les végétaux et les animaux » (Littré). C’est pourquoi, à quelques rares exceptions près (vie suspendue des Rotifères, Nématodes, Tardigrades; vie ralentie des hibernants; vie latente des graines, des Mousses et des Lichens en période de sécheresse), la privation de nourriture, et plus généralement l’interruption des échanges nutritionnels, aboutit à la mort.

La vie se résume dès lors en une continuelle transformation d’énergie et de matière (cf. BIOÉNERGÉTIQUE et MÉTABOLISME), qui implique la satisfaction des besoins nutritionnels correspondants. C’est à l’étude de ces besoins (et à leur régulation chez l’homme) que sera consacré le présent article. Pour évaluer les besoins matériels, il convient de connaître la nature et la quantité des matériaux mis en œuvre, c’est-à-dire la composition chimique des organismes (tabl. 1 et 2). Chez l’animal adulte à l’entretien, par exemple, on pourra ensuite estimer l’intensité de l’usure (catabolisme) en mesurant les pertes pour chaque groupe de substances. Bien entendu, la grandeur des besoins varie selon l’état physiologique. Dans les états où prédominent la production et la mise en réserve de matière, on devra tenir compte de l’existence de différents types de synthèse organique (anabolisme).

Quelles que soient les exigences particulières des organismes, le courant d’échanges entre leur milieur intérieur et le milieu extérieur auquel ils sont soumis est nécessairement accompagné d’une dégradation dominante de l’énergie. Les besoins nutritionnels peuvent donc être évalués sous l’angle énergétique et, dans ce cas, on les calculera en déterminant l’équivalent de calories ou de joules dépensé par l’organisme. Chez les végétaux dits autotrophes , l’énergie nécessaire est fournie par la lumière ou par des réactions chimiques mettant en jeu des composés exclusivement minéraux: l’absorption de l’eau, des éléments minéraux et de bioxyde de carbone apportera les nutriments indispensables à l’élaboration endoénergétique des composés organiques des plantes, source de matières nutritives pour d’autres êtres vivants. Les animaux, en effet, tout comme les végétaux parasites et saprophytes dont la nutrition exige l’absorption d’aliments organiques, sont dits hétérotrophes ; l’énergie qu’ils dépensent provient exclusivement des phénomènes biochimiques du catabolisme qui se déroulent dans les cellules: cette énergie en exprime les dépenses de croissance, de fonction, d’entretien. L’énergie de croissance et d’entretien permet la synthèse de molécules organiques très complexes: glucides, lipides et surtout protides nouveaux, par couplage de réactions biochimiques endergoniques, de construction, avec des réactions exergoniques fondées sur la destruction de molécules organiques étrangères riches en énergie potentielle. Celles-ci sont fournies par l’ingestion d’aliments organiques (cf. comportement ALIMENTAIRE). La simplification des macromolécules glucidiques, protidiques, lipidiques que renferment ces aliments se fait par hydrolyse enzymatique au cours des processus de digestion . Ainsi sont obtenus des nutriments organiques à squelette carboné relativement court (glucose, acides aminés, acides gras) qui sont absorbés et passent dans le milieu intérieur de l’animal. Amenés au contact des cellules par la circulation , ces nutriments entrent dans le métabolisme cellulaire, s’intégrant à la matière vivante – c’est l’assimilation – ou se dégradant, ce qui amène l’excrétion de produits résiduels. Ces différentes fonctions atteignent, au moins chez les animaux supérieurs, une grande complexité. Dans de tels organismes, les fonctions de nutrition sont asservies d’une part à la réalisation d’un milieu biologique relativement constant (homéostasie ) et d’autre part à l’exécution des programmes comportementaux exprimant les fonctions de relation. La coordination et la régulation du métabolisme dépendent ici de l’intervention de mécanismes d’intégration fonctionnelle tant nerveux (cf. système NERVEUX, système NEUROVÉGÉTATIF) qu’hormonaux (cf. système ENDOCRINIEN, HORMONES). La nutrition humaine, qui pose des problèmes particuliers, par ses connotations culturelles ou géopolitiques, fait l’objet d’un chapitre distinct.

1. Nutrition végétale

Nature des besoins

Jusqu’au milieu du XVIIe siècle, notamment sous l’influence du physiologiste italien Andrea Cesalpino (1583), on continuait d’adopter les théories d’Aristote selon lesquelles les plantes recevaient du sol une nourriture tout élaborée: l’humus . Sans doute, dès 1563, un précurseur de génie, Bernard Palissy, avait eu une notion tout à fait claire du rôle des sels minéraux dans la vie végétale, mais ses idées, appuyées pourtant sur des remarques de bon sens, n’eurent aucune influence sur ses contemporains.

Il fallut attendre le XIXe siècle pour qu’on puisse recueillir, à la suite des travaux de Lavoisier, les données analytiques qui montrèrent l’importance des prélèvements minéraux opérés par la plante (Théodore de Saussure, 1804).

J. von Liebig, en 1840, ruinant définitivement la théorie de l’humus, établit le caractère exclusivement minéral de l’alimentation des végétaux supérieurs, sous réserve qu’il s’agisse d’autotrophes; toutefois, les végétaux non chlorophylliens (champignons), qui sont hétérotrophes, consomment la matière organique fournie en particulier par l’humus, ce qui laisse encore quelque valeur à la théorie d’Aristote.

À partir de 1850, et notamment de 1850 à 1870, de nombreux auteurs réussirent à mettre au point des formules de solutions nutritives permettant la survie des végétaux supérieurs sans le moindre apport de matières organiques (J. Sachs, J. Knop, J.-B. Boussingault, G. Ville) et celle des champignons par l’apport de glucides (J. Raulin). La composition de ces solutions traduit le fait que, exception faite de la nutrition carbonée , assurée par le gaz carbonique ou des substances organiques, et des besoins en eau (cf. PHOTOSYNTHÈSE, CHIMIOSYNTHÈSES, et aussi HYDRODYNAMIQUE VÉGÉTALE), les végétaux absorbent les éléments minéraux en quantité variable, ce qui permet de distinguer des macroéléments (azote, potassium, calcium, magnésium, soufre et phosphore), fournis à des doses de l’ordre de 10-4 à 10-3 g/ml, et des microéléments (ou oligoéléments ), nécessaires à des doses beaucoup plus faibles de l’ordre de 10-8 à 10-6 g/ml (parfois 10-5, le fer par exemple), avec comme cas extrême le molybdène, pour lequel la dose optimale est de 10-10 g/ml, c’est-à-dire un dixième de microgramme par litre (tabl. 1).

Les macroéléments (appelés autrefois éléments majeurs ou éléments plastiques) interviennent dans la constitution de certains composés fondamentaux (le magnésium est un constituant de la chlorophylle; le pectate de calcium soude entre elles les membranes intercellulaires); ils peuvent aussi participer à la constitution de substrats intermédiaires (composés phosphorés); enfin, ils activent l’action des diastases ou enzymes, qui sont les biocatalyseurs nécessaires au déroulement du métabolisme. Les oligoéléments interviennent uniquement dans le fonctionnement des systèmes biocatalytiques, souvent par des changements de valence (Fe, Cu, Mn) qui leur permettent d’assurer les transferts d’électrons.

Macroéléments

L’azote

L’azote présente pour la plante, comme pour tout organisme, une importance primordiale (cf. AZOTE, chap. 3). C’est l’un des principaux constituants des protéines, qui caractérisent la matière vivante. La carence en azote, ou « faim d’azote », se traduit par une chlorose (feuillage vert jaunâtre), avec apparition de taches colorées produites par des pigments anthocyaniques; le phénomène est favorisé par une élévation, dans les tissus végétaux, du rapport C/N (excès des glucides par rapport aux aminoacides). Les troubles nutritifs sont rapidement mortels.

L’azote de l’air, en grande abondance pourtant, n’est pas utilisé directement par les plantes. Cependant, diverses bactéries du sol fixatrices d’azote sont capables de l’utiliser et d’enrichir ainsi le sol en nitrates. De plus, certains végétaux, appartenant surtout à la famille des Légumineuses (pois, lentille, luzerne, etc.), possèdent dans leurs racines des bactéries symbiotiques, qui sont également capables de réduire l’azote de l’air et de le transformer en composés aminés (NH3 ou amino-acides); ils sont ensuite utilisés par la plante qui héberge ces symbiotes [cf. SYMBIOSE]. La fixation d’azote atmosphérique ainsi réalisée par les Légumineuses est très importante: alors que les cultures « exportent » environ 80 kg d’azote par hectare et par an, une culture de Légumineuses bien conduite apporte au sol plus de 200 kg d’azote par hectare et par an; c’est pourquoi on emploie ces plantes (engrais vert) dans les assolements (rotation des cultures) pour enrichir le sol en azote.

L’azote organique, surtout les petites molécules (aminoacides, asparagine, glutamine, urée, acide urique, etc.), peut être utilisé par les végétaux supérieurs; cependant, le rendement est moins bon qu’avec l’azote minéral et, en présence d’azote ammoniacal ou nitrique, l’alimentation organique n’a pas lieu. Les plantes carnivores (drosera, dionée, népenthès, etc.) sont capables de capturer des petits animaux et de les digérer, en assimilant directement leurs protéines. Il ne s’agit en fait pour elles que d’une source d’appoint. Un grand nombre de champignons sont comme les animaux complètement hétérotrophes à l’azote, qu’il s’agisse de saprophytes (Saprolegnia ) ou de parasites (mildiou: Plasmopara viticola ). Quelques-uns, dits auxotrophes, présentent un type atténué d’hétérotrophie, car ils ne peuvent synthétiser certaines substances azotées qui jouent le rôle de biocatalyseurs (exemple: la vitamine B1, précurseur du coenzyme de la décarboxylase).

L’azote ammoniacal est, avec l’azote organique, la forme utilisée préférentiellement par la plupart des champignons, et accessoirement par les végétaux supérieurs. Bien que relativement toxiques, les ions NH+4 ont l’avantage de se fixer sur le complexe adsorbant du sol et de ne pas en être chassés par les pluies. C’est la forme préférée par quelques espèces, telle la pomme de terre, et par les plantes jeunes, et conseillée en terrain légèrement basique.

La préférence de la plupart des végétaux supérieurs – notamment des plantes cultivées – va à l’azote nitrique. Cette capacité qu’ont les végétaux supérieurs d’assimiler l’azote nitrique (autotrophie à l’azote), démontrée par l’agronome français Boussingault en 1860, constitue une des grandes originalités des végétaux.

La réduction des nitrates (passage de NO-3 à NH+4 ou acides aminés) s’opère en général dans la racine. Chez la plupart des arbres (en particulier les Rosacées), elle est même si prononcée dans le système radiculaire que la sève y est dépourvue de nitrates et ne renferme que des traces de sels ammoniacaux, alors qu’elle est riche en aminoacides et autres composés organiques azotés. Cependant, chez beaucoup d’espèces, surtout des espèces herbacées (blé, tomate), la réduction s’effectue aussi dans la feuille verte à la lumière. Cette réduction consiste en un transfert d’électrons depuis des composés organiques sur les ions nitriques, avec un certain nombre d’étapes intermédiaires qui font notamment intervenir la nitrate-réductase, enzyme flavoprotéinique associée au molybdène qui n’existe que chez les végétaux.

Les excès d’azote se traduisent notamment par la « verse », qui amène les plantes herbacées de haute taille (Graminées) à se coucher sous l’influence du vent.

Les métaux alcalins

Le potassium est indispensable aux divisions cellulaires: il est d’ailleurs surtout abondant dans les tissus en voie de prolifération active. Il semble intervenir directement dans les synthèses organiques supérieures: formation des polyosides (glucides, comme l’amidon, de poids moléculaire élevé) et formation des protéines. Il stimule l’action de certaines enzymes, en particulier les kinases, qui permettent les transferts du phosphore depuis certaines formes de réserve (acide adénosine triphosphorique ou ATP) sur les molécules organiques. La carence en potassium se manifeste par des troubles dans la formation des réserves glucidiques (tubercules) et par des déformations foliaires accompagnées de petites taches pâles sur les bords des feuilles (déficience de la photosynthèse). Les excès de potassium perturbent l’assimilation des nitrates.

Le sodium n’est généralement pas indispensable aux plantes, sauf à certaines qui vivent au bord de la mer ou sur certains sols salés (halophytes), ainsi qu’à quelques espèces cultivées (betterave).

Les alcalino-terreux

Le calcium n’est pas nécessaire aux champignons, mais chez les végétaux supérieurs son rôle est primordial. C’est un constituant de la lamelle moyenne de la membrane cellulaire (pectate de calcium); c’est aussi un antitoxique à l’égard des acides organiques en excès; il entre dans la constitution de certaines enzymes (amylase, qui sert à l’hydrolyse de l’amidon dans la germination). Son rôle dans le milieu nutritif est d’ailleurs aussi important: il contribue au maintien de la structure des sols, élève leur pH et favorise l’action des micro-organismes. Le chaulage, apport de chaux ou de calcaire, est un amendement des plus courants. Le calcium diminue la perméabilité cellulaire; il est antagoniste de la plupart des autres ions métalliques et constitue un antidote puissant contre leur surabondance. Toutefois, cette action antagoniste peut être néfaste et l’excès de calcium se traduit par des carences, notamment en fer (chlorose calcique), surtout chez certaines plantes dites calcifuges (comme les plantes de terre de bruyère: hortensia, rhododendron cultivé, camélia, etc.), qui s’intoxiquent par excès de calcium. Le calcium freine l’absorption de l’eau et accélère la transpiration: à l’inverse du potassium, c’est un facteur de flétrissement.

Le magnésium assure chez les champignons les fonctions dévolues au calcium chez les autres végétaux. Chez ceux-ci, le magnésium est cependant indispensable comme constituant de la chlorophylle. Sa carence entraîne une chlorose, avec sur les feuilles des zones jaunâtres très caractéristiques. Mais le magnésium est aussi un facteur absolument indispensable au fonctionnement des kinases, évoquées plus haut.

Les métalloïdes

Les phosphates sont parmi les premiers sels qui aient été utilisés comme engrais (le brevet de Lawes pour le superphosphate date de 1842). Le groupement phosphoryle P3 H2 est présent dans les molécules fondamentales: phosphoaminolipides des membranes, nucléoprotéines des noyaux; beaucoup de biocatalyseurs (nucléotides) sont des composés phosphorés. D’autre part, les dérivés phosphorylés jouent un rôle essentiel dans les échanges d’énergie, du fait que le groupement phosphoryle est souvent lié au reste des molécules organiques par une liaison riche en énergie.

Le soufre entre dans la composition des aminoacides (cystéine par exemple) et par là pratiquement dans toutes les protéines. Il intervient également dans certains transferts d’hydrogène par suite de la réaction RS 漣 SR + H2 燎 2 RSH. La synthèse de la chlorophylle exige la présence de soufre, bien que cet élément ne figure pas dans sa molécule, et la carence en soufre entraîne une chlorose particulièrement spectaculaire.

Le silicium , par contre, n’est indispensable que pour certaines plantes, chez lesquelles il joue un rôle spécial: sous forme de silice, il assure la minéralisation des membranes qui concourent à la rigidité de la tige (Graminées, prêle); c’est également lui qui rend coupantes certaines feuilles (carex) et qui assure le durcissement des parois de diatomées et autres algues siliceuses.

Oligoéléments

Les besoins en fer sont si importants (de l’ordre de 10 mg par litre de solution nutritive) qu’il est souvent classé parmi les macroéléments. Dans la plupart des cas, il intervient pour catalyser les oxydoréductions, grâce au changement de valence Fe2+/Fe3+. C’est un constituant de nombreuses enzymes qui agissent dans la respiration. Les carences en fer sont très fréquentes et sont facilitées par les hausses de pH ou une teneur trop élevée en calcium. Elles se caractérisent surtout par la disparition de la chlorophylle, pour la synthèse de laquelle le fer est strictement indispensable.

Le cuivre agit comme le fer, surtout par son changement de valence Cu+/Cu2+. Mais il intervient, lui, essentiellement dans les oxydations terminales qui conduisent à la fixation de l’oxygène moléculaire sur certaines molécules. C’est grâce au cuivre que fonctionnent les enzymes responsables de l’oxydation des phénols (brunissement des tubercules de pomme de terre après une section faite à l’air, oxydation du laccol en laque, etc.).

Le molybdène , nécessaire à des doses très faibles, intervient surtout dans le métabolisme de l’azote. C’est un constituant de la nitrate-réductase qui assure l’autotrophie des végétaux à l’azote; c’est également le métal qui permet, chez certaines bactéries, la fixation de l’azote atmosphérique.

Le manganèse joue également un rôle dans les oxydoréductions, peut-être par un changement de valence. C’est également un constituant de la nitrate-réductase et d’autres enzymes du métabolisme de l’azote. Des carences en manganèse ont été signalées par les agronomes; dans le cas de l’avoine, des taches très caractéristiques apparaissent sur les feuilles et ce fait est utilisé comme test de carence en manganèse dans certains pays (Autriche); les taches n’apparaissent pas en milieu stérile, le mécanisme pathologique est en réalité une sensibilisation de la plante carencée aux infections bactériennes.

Le zinc fut, après le fer, un des premiers oligoéléments reconnus: Raulin l’introduisait dans ses milieux nutritifs dès 1862. Les carences en zinc sont d’ailleurs bien connues des agriculteurs, notamment pour les arbres fruitiers (pommier, poirier, avocatier, cacaoyer).

Le bore doit être offert à la plante sous forme de borate. Les symptômes de carence sont particulièrement nets et affectent les tissus en voie de développement. La maladie du cœur de la betterave est une pourriture causée par un champignon ascomycète, le Phoma , qui envahit le collet: mais il ne peut s’installer que si la plante est carencée en bore (celui-ci, du reste, n’est pas nécessaire à la vie des champignons). Le bore semble intervenir dans la migration et l’utilisation des sucres, car sa carence s’accompagne toujours d’accumulation anormale de sucres ou d’amidon. Le mécanisme de son action n’est pas connu dans le détail.

Cette liste d’oligoéléments n’est pas complète et dépend sans doute des conditions. Dans certains cas, on peut lui en ajouter d’autres, dont la nécessité s’affirme avec plus ou moins de netteté: le cobalt (pour les algues), le chlore (pour les chloroplastes isolés), l’aluminium, le nickel, etc.

Les doses nécessaires

Lorsque l’on compare la croissance d’une plante sur des concentrations différentes d’un élément donné (plus exactement d’un sel donné, car on ne peut pas isoler un seul élément), on obtient des courbes d’action (fig. 1) dans lesquelles il est permis de distinguer:

– les concentrations insuffisantes, où il y a déficience (ou même carence lorsque la déficience, très accusée, s’accompagne de symptômes pathologiques);

– les concentrations optimales, caractérisées par un palier qui correspond au maximum de croissance;

– les concentrations toxiques, où l’excès de l’élément considéré se traduit notamment par une baisse de la croissance.

Des formules plus ou moins approximatives (comme celle de Mitscherlich) permettent de relier la croissance obtenue y à la concentration x de l’élément étudié:

A étant la croissance maximale, c et k des constantes d’action et d’intégration. Cette formule approximative, qui repose sur l’idée que, proportionnellement, les apports d’un élément nutritif doivent être d’autant plus importants que sa carence est plus accusée, fait intervenir, par le terme 10 size=1kx 2, les facteurs de toxicité.

Il est inutile de donner à une plante des éléments en concentration excessive, même si l’on reste dans la gamme des quantités optimales, c’est-à-dire si l’on ne provoque pas de troubles par excès de l’élément en question. Il y a en effet une consommation de luxe , qui fait qu’au-delà d’un certain seuil les éléments sont absorbés sans aucun profit pour la plante. À moins qu’il ne s’agisse de vouloir enrichir spécialement une plante en un élément donné (pour engraisser le bétail par exemple), l’excès d’engrais est donc administré en pure perte.

Lorsque l’on est en présence d’un mélange de plusieurs constituants, les règles suivantes peuvent être appliquées:

– C’est l’élément le plus éloigné de sa concentration optimale qui mérite l’attention la plus marquée de la part de l’expérimentateur ou du praticien: il agit en effet comme facteur limitant , qui empêche la croissance de se développer au-delà d’un certain niveau. Il est inutile d’élever la concentration des autres éléments si l’on n’a pas d’abord ajusté celle de ce facteur limitant.

– Il existe entre les divers éléments un certain nombre d’interactions qui font qu’en général un élément s’oppose à l’action d’un autre: les deux éléments sont dits antagonistes. Par exemple, le calcium est antagoniste du fer et son excès est susceptible de produire la chlorose ferrique, due à une déficience en fer; de même, l’excès de manganèse induit une carence en fer. Comme antagonismes importants en agriculture, on signalera aussi ceux qui existent entre l’azote, le phosphore et le potassium, ou encore entre le potassium et le calcium, le phosphore et le magnésium, le magnésium et le calcium, le potassium et le sodium.

Les considérations précédentes ont conduit à des formules de solutions nutritives: par exemple, celle de Hoagland pour les plantes entières, celle de White pour les racines et celle de Heller pour les tissus végétaux cultivés in vitro (tabl. 3). Ces formules traduisent des valeurs moyennes acceptables pour la plupart des plantes; mais on observe des variations spécifiques. Il existe des plantes plus exigeantes que d’autres: le frêne et l’érable sont très gourmands, alors que le bouleau et les conifères sont très frugaux; l’arachide ne peut se développer que sur des sols pauvres ou dégradés. On trouvera dans l’article ENGRAIS (tabl. 3) des précisions sur les préférences de diverses plantes cultivées.

Certaines plantes, comme les orties, fréquentent essentiellement les nitrates (plantes nitrophiles) ou les décombres (plantes rudérales). Certaines affectionnent les terrains calcaires (plantes calcicoles: hélianthème, euphorbe, orchidées), alors que d’autres fuient le calcium (plantes de terre de bruyère, myrtille, fougères, etc.). Des plantes dites halophiles (Salicornia , Suaeda , Salsola , Crithmum , Tamaris ) vivent sur les terrains salés [cf. HALOPHYTES]. D’autres plantes enfin peuvent vivre sur des terrains métallifères (riches en zinc, manganèse, etc.) et servir de plantes indicatrices pour la détection des gisements.

2. Nutrition animale

Besoins énergétiques

L’organisme animal convertit l’énergie potentielle chimique en d’autres formes d’énergie: chaleur, travail mécanique musculaire, travail osmotique cellulaire, énergie chimique inhérente au protoplasme lui-même ou à ses sécrétions, production d’électricité ou de lumière. Les mutations d’énergie satisfont au premier principe de la thermodynamique: la quantité d’énergie extériorisée est égale, aux formes près, à la quantité d’énergie reçue (Atwater, Benedict). La valeur énergétique des aliments se mesure à la bombe calorimétrique (chaleur de combustion). On calcule l’énergie utilisable par l’organisme, ou énergie métabolisable , en déduisant de la chaleur de combustion des aliments la somme de la chaleur de combustion des fèces et de celle des déchets urinaires. Ces calculs peuvent être simplifiés en admettant, à la suite d’Atwater, que l’énergie métabolisable est de 4 kcal ou 17 kjoule par gramme de glucides ou de protides et de 9 kcal ou 38 kjoule par gramme de lipides contenus dans les aliments consommés. En zootechnie, on utilise des « équivalents énergétiques », tels que la « valeur amidon » qui est l’énergie métabolisable de 1 kg d’amidon ou l’« unité fourragère » qui est l’énergie métabolisable de 1 kg d’orge: cela facilite les calculs permettant de déterminer les rations alimentaires animales. Ces rations doivent, bien entendu, être ajustées aux dépenses énergétiques, lesquelles se mesurent par calorimétrie directe ou indirectee [cf. MÉTABOLISME].

Le besoin énergétique est fonction de deux types de dépenses: une dépense inéluctable, liée à l’activité physiologique en dehors de toute excitation extérieure, et des dépenses contingentes. La première correspond au métabolisme de base. Celui-ci est beaucoup plus élevé chez les homéothermes que chez les pœcilothermes de poids voisin. Mais, dans les deux cas, par unité de poids, le métabolisme basal est d’autant plus faible que l’animal est plus gros. La loi des tailles ressort également des graphiques de Zeuthen (fig. 2).

Les dépenses contingentes sont le travail musculaire, l’extra-chaleur liée à l’alimentation (action dynamique spécifique ) et la formation de nouveaux tissus représentant l’accumulation d’énergie chimique potentielle. Chez l’homéotherme, il faut ajouter le maintien de la température corporelle. La lutte contre le froid ou la chaleur a ses limites. Au-delà du « métabolisme de sommet » (Giaja), l’organisme cède: il entre en hypothermie avec l’abaissement de la température ambiante ou en hyperthermie sous l’effet des chaleurs excessives. L’euthermie est la zone de confort thermique (neutralité thermique), pour laquelle il y a compensation entre les combustions et les dépenses. Cependant, les animaux à sang chaud semblent éprouver plus de bien-être quand ils se trouvent à une température légèrement inférieure à la neutralité thermique (thermopreferendum de Viaud).

Les états anaboliques (croissance, gestation, lactation, ponte) exigent un supplément d’énergie, qui correspond à la fois aux calories matérielles que représentent les tissus néoformés ou les produits de sécrétion et au coût énergétique des synthèses, car l’organisme ne travaille pas avec un rendement de 100 p. 100 [cf. BIOÉNERGÉTIQUE].

Besoins matériels

Indépendamment des besoins énergétiques, on peut définir qualitativement et quantitativement, chez les animaux comme chez les végétaux, des besoins en nutriments minéraux et en nutriments organiques. Ces derniers en effet doivent, non seulement couvrir les dépenses énergétiques, mais aussi fournir après dégradation métabolique des chaînons carbonés et azotés qui sont indispensables aux biosynthèses.

L’aptitude des nutriments organiques à produire ces chaînons caractérise ce qu’on appelle leur fonction plastique.

Dans le domaine des besoins en matériaux « plastiques », les différentes espèces ont des exigences propres qui varient en fonction de leur pouvoir de synthèse. Plus ce pouvoir est étendu, plus le nombre des nutriments organiques indispensables qui doivent nécessairement figurer en nature dans la ration est réduit.

En outre, chez un grand nombre d’animaux et peut-être même chez tous, on constate que la ration alimentaire doit comporter obligatoirement de faibles quantités de vitamines : ce sont des biocatalyseurs indispensables, mais qui ne peuvent être fabriqués par les organismes vitamino-dépendants. En cas de carence vitaminique , diverses réactions enzymatiques du métabolisme ne se déroulent pas normalement, ce qui se traduit par une pathologie spécifique.

Besoins minéraux

L’absorption d’eau est pour les animaux une nécessité vitale (cf. métabolisme HYDROMINÉRAL et OSMORÉGULATION). D’autre part, les animaux empruntent au milieu extérieur les éléments minéraux qui leur sont nécessaires. Du point de vue quantitatif, le calcium se place en tête. C’est le constituant fondamental du squelette des Vertébrés, où il est associé au phosphore (chez le nouveau-né, il y a environ 14 g de calcium, chez l’homme adulte 700 à 1 000 g), de la coquille des œufs d’oiseaux (la coquille d’un œuf de poule de 58 g correspond à une exportation de 2,2 g de calcium) et des mollusques, de la carapace des crustacés. Parmi les produits de sécrétion, le lait est riche en constituants phosphocalciques. Après les électrolytes (K, Na) viennent par ordre d’importance les deux minéraux qui participent à la synthèse des constituants des différents types de sang: Fe et Cu (sang rouge à hémoglobine, sang bleu à hémocyanine, sang vert à hémocuprine). Bien que très faibles sur le plan quantitatif, les besoins en oligo-éléments minéraux sont impérieux, soit parce que certains sont nécessaires au fonctionnement des glandes endocrines (iode et thyroïde), soit qu’ils entrent dans la constitution des vitamines (cobalt et vitamine B12), soit qu’ils jouent le rôle de cofacteurs dans de nombreux systèmes enzymatiques (cf. ENZYMES, OLIGO-ÉLÉMENTS et VITAMINES).

Besoins en nutriments à valeur plastique

Puisque le métabolisme d’entretien comporte un flux constant de dégradation des constituants protoplasmiques, protéines en particulier, ce flux doit être compensé par une reconstruction qui s’effectue en grande partie à partir des acides aminés libérés par l’hydrolyse des protéines tissulaires. Il pourrait donc exister un fond commun auquel participeraient à la fois les acides aminés d’origine tissulaire et les acides aminés provenant de l’hydrolyse digestive des protéines alimentaires.

Chez l’adulte à l’entretien, l’usure des protéines corporelles correspond à la dépense endogène spécifique d’azote qui a la signification inéluctable du métabolisme de base et lui est contingente: cette dépense est d’environ 2 mg d’azote par kilocalorie basale dans toute la série animale.

À l’occasion du renouvellement des protéines corporelles, certains acides aminés peuvent être synthétisés à partir de nutriments carbonés et des groupements NH2 fournis par le métabolisme intermédiaire; d’autres ne le sont que très lentement ou ne peuvent l’être: ces derniers sont « indispensables » et toute ration équilibrée doit les apporter en nature. Le nombre des acides aminés indispensables varie selon l’espèce et le stade physiologique de l’individu. Mais il est remarquable de constater que la plupart des espèces animales étudiées, appartenant à des groupes aussi différents que les protozoaires, les insectes, les poissons, les oiseaux ou les mammifères, demandent un apport d’isoleucine, de leucine, de lysine, de méthionine, de phénylalanine, de thréonine, de tryptophane, de valine, d’arginine et d’histidine, faute de pouvoir réaliser une synthèse suffisante pour faire face à leurs besoins.

Néanmoins, la diversité de ces besoins est grande. Il est surprenant, par exemple, de voir que la glycine est indispensable au poulet alors que les mammifères peuvent en synthétiser des quantités considérables (formation d’acide hippurique par conjugaison avec l’acide benzoïque). Certaines espèces ne manifestent aucun besoin spécifique d’acides aminés; ce sont celles dont l’abondante microflore digestive est convertie en nutriments résorbables après avoir subi les processus digestifs. La « protéine bactérienne » apporte ainsi au ruminant les acides aminés qui lui sont nécessaires. Le même processus s’observe dans la « panse » des termites, qui se livrent à une véritable rumination sociale (ingestion de l’aliment « proctodéal »), et, à un degré moindre, chez les Lagomorphes (lapin, lièvre), qui réingèrent les « cæcotrophes », excréments mous et humides, riches en acides aminés et en vitamines B (pseudo-rumination).

Les animaux trouvent en général dans les protéines de leurs aliments les mêmes acides aminés que ceux que renferment leurs propres tissus, mais en proportion parfois fort différente. Plus la composition en acides aminés d’un protide alimentaire se rapproche de la composition des tissus, mieux il est utilisé. C’est cette notion de pouvoir inégal de remplacement (entretien) ou de construction (états anaboliques) qu’exprime la valeur biologique . Celle-ci, ainsi que le coefficient d’utilisation digestive , détermine la capacité d’un protide ou d’un mélange de protides à couvrir le besoin azoté. Dans le cas des mammifères monogastriques, on admet en règle générale que les protides d’origine animale sont mieux équilibrés et plus efficaces que les protides du monde végétal, mais ces derniers, s’ils sont complémentaires, peuvent se supplémenter, chacun apportant l’acide aminé qui manque partiellement à l’autre, à la manière dont l’aveugle et le paralytique s’entraident. L’industrie livre également des acides aminés de synthèse qui peuvent corriger les déficits des protides végétaux; les plus fréquents: déficit de lysine (céréales) ou de méthionine (légumineuses).

Des exigences du même ordre sont connues chez certaines espèces animales en ce qui concerne les lipides: il existe dans ce cas des acides gras indispensables (famille 諸6 de l’acide linoléique chez qui la première double liaison se trouve en position 6 à partir du dernier atome de carbone). Des protozoaires ont besoin de cholestérol et il se peut que les phytostérols soient indispensables à quelques catégories d’insectes.

Besoins en vitamines

Le besoin en vitamines est le troisième aspect de l’utilisation directe, par un organisme dit « dépendant », de substances organiques complexes. Leur rôle oligodynamique se rattache à une déficience du pouvoir de synthèse dont les causes sont d’ordre génétique.

Les animaux et les autres êtres vivants hétérotrophes (champignons et micro-organismes), et même les organes végétaux non chlorophylliens (racines isolées), ne peuvent donc être privés de « vitamines » ou de « facteurs de croissance ». Il s’agit de substances organiques complexes qui représentent soit des fragments indispensables de certaines macromolécules (enzymes), soit des éléments structuraux d’importance fondamentale dans les cellules (membranes). Les unes sont hydrosolubles (groupes B et C), d’autres sont liposolubles (vitamines A, D, E, K). Parmi les principales maladies carentielles de l’homme, on citera le scorbut, la pellagre, le béribéri, l’anémie mégaloplastique (B12). Les vitamines jouent un rôle dans la régulation de la croissance et sans doute aussi dans celle de la sénescence [cf. VITAMINES].

Programme génétique et besoins spécifiques

Il y a vingt-cinq ans environ, l’analyse des besoins nutritifs de mutants du champignon Neurospora crassa a montré aux généticiens G. Beadle et E. Tatum le mécanisme qui gouverne les besoins auxotrophiques. La souche sauvage pousse sur un milieu nutritif renfermant du glucose et des sels minéraux. Les mutants requièrent en plus, pour croître, soit l’acide aminé arginine, soit l’un des précurseurs de sa biosynthèse. Si un mutant exige une substance déterminée, on peut en conclure que cette exigence doit pallier son incapacité d’en faire la synthèse.

Les biochimistes ont montré que la synthèse de l’arginine comprend dans les organismes sauvages une série d’étapes, jalonnées par des acides aminés particuliers:

Chaque étape correspond à une réaction catalysée par une ou plusieurs enzymes spécifiques (E1, E2...).

Parmi les mutants isolés, certains peuvent croître en présence de citrulline ou d’ornithine.

Les mutants qui se développent sur un milieu à ornithine croissent également en présence de citrulline. Par contre, ceux qui exigent la citrulline ne peuvent pousser sur ornithine. Les mêmes observations sont faites à propos des autres composés intermédiaires.

En somme, il manque à chaque mutant un maillon de la chaîne métabolique, parce qu’il a perdu la capacité de synthétiser le catalyseur correspondant, l’enzyme nécessaire. Il arrive que les croisements entre mutants déficients permettent de rétablir la continuité de la chaîne, par apport de capacités complémentaires.

L’étude génétique a montré que ces incapacités métaboliques relatives tiennent à des altérations qui ont pu être localisées sur les chromosomes et qui touchent les acides nucléiques par lesquels est gouvernée la synthèse des protéines-enzymes, par le code génétique.

C’est par l’analyse des exigences de ces mutants nutritionnels ou types trophiques que Beadle et Tatum ont pu confirmer leur hypothèse résumée par l’aphorisme: un gèneune enzyme . Bien d’autres cas analogues ont été décrits à propos des besoins nutritifs spécifiques de bactéries, de végétaux et d’animaux, illustrant l’importance des potentialités ou des insuffisances génétiques dans la satisfaction des besoins alimentaires. C’est ainsi qu’un des critères de la sélection avicole repose sur la grandeur des besoins en thiamine et en riboflavine, qui peuvent varier du simple au double selon les races.

3. Nutrition humaine

Comme les autres êtres vivants, l’homme manifeste des besoins nutritionnels de deux ordres, structuraux pour la constitution de ses cellules, énergétiques pour l’exercice de ses activités végétatives et relationnelles. Hétérotrophe, il trouve dans les aliments végétaux et animaux que fournit son environnement les composés organiques hydrocarbonés et azotés dont il a besoin; mais des composés minéraux tels que l’eau et l’oxygène lui sont tout autant indispensables.

Assurer sa nutrition est un souci prioritaire de l’homme et l’histoire des civilisations est inséparable de l’évolution des ressources et des politiques alimentaires. À l’aléatoire de la cueillette et de la chasse pratiquées par le nomade s’est lentement substituée la sécurité de l’agriculture et de l’élevage pratiqués par le sédentaire. Sécurité trompeuse dès l’instant où elle risque d’être débordée par l’expansion démographique, comme le soulignait déjà Malthus. Par ailleurs, assurer n’est pas assumer, et la réalité démontre le poids des contraintes et de l’ignorance en nutrition humaine.

On doit à Voit, Rubner et Atwater, à la fin du siècle passé, les premières approches scientifiques de la nutrition humaine. Toutefois, l’étude systématique des besoins vitaminiques et minéraux de l’homme, c’est-à-dire des micronutriments facteurs d’utilisation métabolique, ne date que des années trente. La disette en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, puis la famine dans bien des pays en voie de développement ont mis en évidence les diverses formes de sous-nutrition. À l’opposé, l’évolution du comportement alimentaire des populations industrialisées à niveau de vie élevé a favorisé les maladies nutritionnelles de surcharge.

Bien que la consommation alimentaire découle usuellement des contraintes socio-économiques, ce sont les manifestations pathologiques de la malnutrition qui ont fait apparaître la nécessité de préciser les principes et la pratique d’une nutrition humaine rationnelle, quantitativement et qualitativement satisfaisante, le spontané et le rationnel n’étant pas incompatibles comme on le montrera plus loin, ce qui devrait être un facteur décisif d’amélioration de la nutrition humaine.

Besoins en macronutriments

Selon leur nature, les nutriments organiques dérivés des aliments ingérés sont soit incorporés dans les structures cellulaires, soit engagés dans le métabolisme énergétique ; cependant tous seront finalement oxydés. Les constituants cellulaires étant soumis à un renouvellement plus ou moins rapide [cf. RENOUVELLEMENT BIOLOGIQUE], l’apport nutritionnel doit assurer l’entretien (ou le maintien) structural. Au besoin d’entretien s’ajoute en phase de développement, le besoin de croissance, de même nature qualitative. Étant donné que la composition de l’organisme humain est chimiquement et énergétiquement instable, son maintien exige une dépense d’énergie; l’apport d’énergie est donc indispensable à l’homme pour vivre, et le besoin énergétique est prioritaire sur les besoins structuraux (tabl. 4 et 5).

Besoins énergétiques

Pratiquement toute l’énergie dépensée pour le maintien structural se transforme en chaleur, directement dissipée ou utilisée pour l’évaporation de l’eau excrétée (poumons, surface cutanée). En ce qui concerne la dépense physique d’énergie (travail musculaire), elle varie considérablement selon l’activité du sujet. Étant donné le faible rendement de la machinerie biologique (de l’ordre de 15 p. 100) tout travail physique s’accompagne d’une perte obligatoire d’énergie sous forme de chaleur, de cinq à sept fois supérieure au travail effectif.

Généralement, on distingue dans la dépense énergétique de l’homme deux composantes: la dépense métabolique d’entretien ou de repos, dépense dite basale [cf. MÉTABOLISME] correspondant à la vie végétative, et la dépense supplémentaire d’activité physique. En effet, l’activité intellectuelle consomme très peu d’énergie, comparativement à l’activité nerveuse permanente, qui consomme environ 20 p. 100 de l’énergie totale. Pratiquement, à la dépense énergétique basale, de l’ordre de 1 600 kilocalories (kcal) par jour pour l’adulte, on ajoute 800 kcal, ce qui donne un total de 2 400 kcal par jour et par homme, environ 10 000 kilojoules (kj). Cette valeur moyenne 2 400 est à moduler selon différents facteurs d’ordre physiologique (sexe, stade de développement, caractères morphologiques) ou autres (température environnante).

Quant à la dépense énergétique associée à l’exercice physique, travail ou sport, elle est très variable dans le temps et d’un individu à l’autre.

Chez l’enfant en croissance s’ajoute le coût énergétique de la synthèse de la nouvelle matière vivante, estimé à 5 kcal par gramme de matière produite. Dans le cas de la femme enceinte ou allaitante intervient le coût énergétique de production du lait, estimé à 1 200 kcal par litre. À la suite d’agressions telles qu’une infection ou une intervention chirurgicale, la restauration des pertes corporelles exige au moins autant d’énergie que la valeur énergétique des matériaux cellulaires reconstitués.

Dans la couverture des besoins énergétiques, l’apport par les différentes classes d’aliments est théoriquement indifférent, sur la base de leurs équivalents énergétiques: glucides 4 kcal par gramme, lipides 8, protéines 4. En fait, les besoins structuraux, ainsi que les contingences métaboliques cellulaires, imposent une répartition équilibrée. L’étude des déviations métaboliques pathologiques – obésité, diabète, athérosclérose – liées à la consommation abusive qui sévit dans les sociétés industrielles, a amené les nutritionnistes à définir les proportions optimales des trois grandes classes de nutriments. La proportion équilibrée recommandée, qui doit être considérée comme un ordre de grandeur plutôt qu’une règle impérative, est la suivante: glucides 58 p. 100 de l’apport énergétique (soit 350 g pour un apport total de 2 400 kcal), lipides 30 p. 100 (soit 90 g), protéines 12 p. 100 (soit 70 g).

L’intérêt qualitatif des aliments consommés ne peut être négligé du fait de ses répercussions physiopathologiques. Aussi recommande-t-on: dans le cas des glucides, 2/3 de sucres complexes (amidon) à absorption lente, 1/3 de saccharose (sucre) à absorption rapide; dans le cas des lipides, 2/3 d’acides gras insaturés (huiles végétales), 1/3 d’acides gras saturés (graisses animales); dans le cas des protéines, 1/2 animales, 1/2 végétales.

Besoins protéiques

Les besoins protéiques sont en réalité des besoins en acides aminés qui permettront la synthèse des protéines structurales, des protéines enzymes et des protéines de transport. Étant donné que, parmi les vingt acides aminés en jeu, l’homme est incapable de synthétiser, de façon absolue, ou à une vitesse suffisante pour ses besoins, dix acides aminés particuliers (11 dans le cas de l’enfant), ces acides aminés indispensables spécifiques de l’homme doivent être apportés par les protéines des aliments. Ils doivent être apportés, non seulement en quantités convenables, mais encore en proportions définies (tabl. 6) dans le cadre d’un équilibre des acides aminés disponibles pour une utilisation cellulaire optimale. Comme l’homme ne possède pas, au sens physiologique du terme, de réserves d’acides aminés, et comme la dégradation et le renouvellement des protéines sont constants, l’apport équilibré des acides aminés est une nécessité quotidienne.

Les aspects quantitatif et qualitatif des besoins protéiques sont inséparables car, si les acides aminés d’une protéine alimentaire de bonne qualité nutritionnelle sont parfaitement assimilés et utilisés, une protéine alimentaire dont la composition en acides aminés n’est pas conforme à l’équilibre qualitatif souhaitable n’a qu’une valeur nutritive médiocre, les acides aminés excédentaires étant immédiatement éliminés par oxydation. Comme les protéines sont les composants les plus coûteux de l’apport alimentaire, il importe de connaître à la fois les besoins, optimal et minimal, de l’homme en protéines et les qualités nutritionnelles de ces substances.

L’approche expérimentale des besoins protéiques (fig. 3) a révélé que, même sans apport alimentaire protéique, l’élimination d’azote aminé dérivé du catabolisme des acides aminés est constante; près de 3 g par jour sous forme d’urée éliminée par l’urine, et près de 1 g par jour sous forme de pertes fécales (cellules intestinales renouvelées); sans compter des pertes mineures (productions cutanées, pertes sexuelles).

Théoriquement, la perte d’azote obligatoire exige au moins un apport équivalent pour que le bilan azoté de l’homme soit équilibré. Le besoin minimal, de l’ordre de 4 g d’azote aminé par jour pour l’homme adulte, pourrait théoriquement être couvert par 25 g de protéines alimentaires de parfaite qualité assimilées par jour. Cet apport minimal est incompatible avec un bon état physiologique: l’apport optimal, objet de discussions entre experts, se situe au-dessus de 50 g, soit le double, dans le cadre d’un bilan azoté équilibré.

Dans la pratique, tenant compte des variations individuelles et du fait que l’apport protéique est rarement de parfaite qualité, on recommande, par sécurité, un apport de l’ordre de 70 à 80 g de protéines pour l’homme adulte d’activité modérée (10 p. 100 en moins pour la femme) par jour, soit pratiquement 1 g par kg de poids corporel, dans la proportion de moitié protéines végétales, moitié protéines animales. Les protéines végétales seules ne peuvent couvrir les besoins humains, sauf si l’on combine différentes sources végétales: par exemple, l’association céréales (déficientes en lysine, mais pourvues en acides aminés soufrés) et légumineuses (déficientes en acides aminés soufrés mais pourvues en lysine) peut, en principe, assurer un apport équilibré. Les protéines animales, en revanche, assurent un apport optimal pour l’homme.

Besoins lipidiques

Au même titre que les acides aminés indispensables, deux acides gras polyinsaturés sont indispensables à l’homme: l’acide linoléique, comportant deux doubles liaisons (18 : 2w6), et l’acide linolénique, comportant trois doubles liaisons (18 : 3w3). Ces deux acides insaturés d’origine végétale (huiles) sont convertis par la nutrition humaine en acides polyinsaturés supérieurs dont en particulier l’acide arachidonique (20 : 4w6), dérivés de l’acide linoléique.

Ces acides polyinsaturés ont une fonction structurale en tant que constituants des phospholipides des membranes cellulaires. Alors que l’acide linoléique est indispensable à toutes les cellules en multiplication, l’acide linolénique apparaît spécifiquement indispensable aux cellules nerveuses. De plus, les acides polyinsaturés de la famille linoléique (w6) sont précurseurs des prostaglandines à fonctions hormonales; leur intervention dans le transport du cholestérol les rend antiathérogènes.

Le besoin en acide linoléique diminue avec l’âge: de l’ordre de 5 p. 100 du total énergétique pour l’enfant, couvert par le lait maternel, il est de l’ordre de 1 p. 100 du total énergétique pour l’adulte, soit un apport quotidien de 3 g; le temps de renouvellement (vie moyenne) des acides polyinsaturés est en effet très long. Quant au besoin en acide linolénique, il est probablement de l’ordre de 10 p. 100 du besoin en acide linoléique, au moins en période périnatale de développement actif du système nerveux.

Besoins minéraux

Parmi les cations minéraux, les métaux monovalents sodium et potassium sont quantitativement les plus importants en raison d’échanges rapides entre les cellules et le milieu intérieur. Le potassium est intracellulaire (de l’ordre de 3 g par kilogramme de muscles) alors que le sodium est extracellulaire (de l’ordre de 3,5 g par litre de plasma sanguin). Les mouvements et l’excrétion rénale de ces cations, réglés par les hormones du cortex surrénalien, sont liés strictement au métabolisme hydrique, et sont accrus par l’exercice physique et par un climat chaud. Les besoins de l’homme adulte en Na+ et K+ sont de l’ordre de 3 à 5 g par jour. Le chlore Cl- est le principal anion du milieu extracellulaire, en relation avec Na+; le besoin quotidien est de l’ordre de 7 g. Le sel de cuisine ClNa, ajouté aux aliments, apporte ces deux minéraux. Pratiquement, l’excès est beaucoup plus à craindre que la carence.

En ce qui concerne les minéraux à fonction structurale, essentiellement le calcium du squelette et des dents (1,5 kg), les besoins, proportionnellement plus importants pour le jeune, sont de l’ordre de 0,5 g par jour pour l’enfant et l’adulte, et de 1 g pour la mère enceinte et allaitante. Il convient de signaler le risque de mauvaise absorption intestinale du calcium associé, d’une part, à la présence dans les aliments végétaux de composés organiques (acides phytiques) complexant le calcium, d’autre part, à la carence en cholécalciférol (improprement appelé vitamine D3) ou à la carence en facteur dit intrinsèque de Castle, glycoprotéine synthétisée par l’estomac, tous deux indispensables à l’absorption intestinale du calcium. Dans le cadre de l’équilibre phospho-calcique, les apports recommandés de phosphore et de calcium sont identiques, de 0,5 à 1 g par jour. Le besoin en magnésium est 2 fois moindre que le besoin en calcium.

Dans le domaine de la nutrition minérale, rappelons l’importance de l’eau, qui constitue les deux tiers de notre organisme. L’eau est le véhicule naturel des sels minéraux et des produits d’excrétion et le métabolisme minéral est commandé par le métabolisme hydrique. Le besoin en eau de l’homme adulte est, en climat tempéré, de l’ordre de 2 l par jour, apportés non seulement par les boissons, mais aussi par les aliments solides, surtout végétaux, qui contiennent jusqu’à 90 p. 100 de leur poids en eau. Le caractère indispensable de l’apport d’eau est révélé par le risque de déshydratation, rapidement mortelle chez l’enfant. La résistance de l’adulte au manque d’eau est de l’ordre de quelques jours seulement.

Besoins en micronutriments

Les micronutriments, dont les besoins sont quantitativement très faibles, généralement moins de 20 mg par jour, sont cependant des nutriments indispensables. Ils comprennent, d’une part, des composés minéraux, d’autre part, des composés organiques (vitamines) dont l’homme est incapable d’effectuer la synthèse. En raison de leur participation à des activités métaboliques très diverses, notamment enzymatiques, ce sont des facteurs d’utilisation métabolique, essentiels et non pas accessoires (tabl. 7).

Vitamines

On sait que les vitamines sont généralement précurseurs de composés à fonctions coenzymatiques, essentiels à la machinerie métabolique de la cellule [cf. VITAMINES]. Leur connaissance est en pratique associée aux maladies de carence dont les symptômes cliniques sont classiques, bien que difficiles à relier à leurs fonctions métaboliques, comme on le verra plus loin. Les besoins en vitamines sont généralement de l’ordre de quelques milligrammes par jour, jusqu’à 50 mg pour la vitamine C (acide ascorbique), et seulement quelques microgrammes pour la vitamine B12 (cobalamine).

L’homme est incapable de synthétiser les vitamines dont il a besoin, à deux exceptions près: d’une part la vitamine B2 (niacine), d’autre part la vitamine D3 (cholécalciférol). En effet, les Mammifères synthétisent, mais en quantité très insuffisante par rapport à leurs besoins, la niacine à partir du tryptophane, acide aminé indispensable. Par ailleurs, le cholécalciférol est synthétisé par la peau, grâce aux radiations U.V. solaires, à partir du cholestérol; en conséquence le terme vitamine D3 est impropre, au moins pour l’homme, et il est important pour lui de bénéficier des rayons solaires, particulièrement en phase de développement et de croissance.

Pour la plupart des vitamines, il est difficile d’établir des apports alimentaires recommandés, cela pour différentes raisons. De façon générale, les bactéries symbiotiques de la flore intestinale synthétisent la quasi-totalité des vitamines indispensables à l’homme (à l’exception des vitamines D, A et C), et l’apport d’origine bactérienne, variable et difficile à quantifier, est probablement du même ordre que l’apport d’origine alimentaire. La preuve en est l’observation d’avitaminoses consécutives à l’administration par voie orale de drogues antibactériennes comme les sulfamides. Remarquons que, dans des conditions intestinales pathologiques (entérite), ou par compétition avec les vitamines apportées par les aliments, les bactéries intestinales peuvent aussi être cause d’avitaminoses.

Étant donné leurs fonctions coenzymatiques, notamment de transport d’hydrogène et d’électrons dans la chaîne respiratoire, il existe une relation quantitative entre activité métabolique et besoins vitaminiques, en fonction de la nature des nutriments utilisés. Ainsi le besoin en vitamine B1 (thiamine) est de l’ordre de 1 mg pour 1 000 kcal glucidiques.

Enfin, le besoin cellulaire en vitamines peut être couvert à court terme par les réserves vitaminiques de l’organisme telles que réserves hépatiques pour les vitamines A et B12. De façon pratique, une alimentation variée équilibrée exclut les risques de carences. Au contraire, une alimentation monotone, généralement à bases de glucides végétaux (manioc, riz), est presque toujours à l’origine de déficiences multiples.

Minéraux oligoéléments

Le fer est essentiel en tant que constituant non seulement de l’hémoglobine des hématies (3 g sur les 4 g de fer de l’organisme), transporteur de l’oxygène, mais aussi des cytochromes cellulaires, transporteurs d’électrons dans la chaîne respiratoire mitochondriale, et en tant que cofacteur de divers systèmes enzymatiques. Bien que l’absorption intestinale du fer soit limitée, l’apport alimentaire satisfait généralement le besoin de l’homme, de l’ordre de 5 à 20 mg par jour (le Fe de l’hémoglobine est recyclé), grâce à une régulation efficace de l’absorption et du transport; le besoin est supérieur chez la femme.

Un certain nombre d’oligoéléments, généralement cofacteurs enzymatiques, sont indispensables à l’homme à l’état de traces. Citons entre autres les métaux – cuivre, manganèse, zinc, cobalt, molybdène –, et les halogènes – iode et fluor [cf. OLIGOÉLÉMENTS].

Comportement alimentaire

Le comportement alimentaire de l’homme est la résultante, d’une part de ses besoins biologiques et de ses caractéristiques métaboliques, d’autre part de la pression de son environnement, traditionnel ou évolutif, et surtout de ses possibilités économiques. Physiologiquement, c’est le besoin énergétique qui commande la prise alimentaire, mais c’est le goût qui commande le choix des aliments.

Bases physiologiques

Physiologiquement, la prise alimentaire est réglée par un mécanisme métabolique à commande neuro-hormonale qui ajuste la consommation au besoin énergétique et stabilise les réserves et le poids de l’organisme humain, au moins à long terme. À court terme (journalier) se déroule un cycle de consommation d’aliments, mise en réserve et mobilisation des nutriments énergétiques [cf. RÉSERVES PHYSIOLOGIQUES].

Les centres de commande de cette régulation, soumis à l’intervention de l’hypothalamus qui détecte les signaux métaboliques (glycémie, insuline) de faim et de satiété, sont des centres nerveux à localisation cérébrale: le centre de la faim (hypothalamus ventro-latéral) déclenche la prise alimentaire (appétit) et le centre de la satiété (hypothalamus ventro-médian) arrête la prise alimentaire. Ces deux centres sont en connexion permanente, le second inhibant le premier. Outre les signaux métaboliques, interviennent des signaux sensoriels d’ordre olfactif, gustatif et mécanique (distension de l’estomac). À la composante métabolique de la commande s’ajoute une composante sensorielle affective qui est susceptible de l’emporter sur la première, conduisant à l’hyperphagie et à l’obésité.

Évolution des comportements

La tendance spontanée à une alimentation variée va généralement de pair avec une bonne qualité nutritionnelle. Au contraire, une alimentation monotone, typique des faibles revenus, est à l’origine de déséquilibres (cf. infra ). Ainsi un régime à base exclusive de céréales est carencé en lysine. Spontanément, l’homme réalise des associations de bonne qualité nutritionnelle telles que riz et soja en Asie, maïs et haricots en Amérique latine, pain et fromage en Europe.

Jusqu’à nos jours (fig. 4), les consommateurs ont été pratiquement indifférents aux recommandations, il est vrai contradictoires, des spécialistes nutritionnistes. Depuis les années soixante-dix, le développement des nuisances alimentaires – contaminations naturelles (microbes et champignons) et artificielles (pesticides), consommation excessive source de maladies de surcharge – ainsi que l’élévation du niveau culturel, favorisée, dans les sociétés industrialisées, par l’explosion des moyens de communication et d’information, ont sensibilisé l’homme à la qualité de sa nutrition.

En réaction contre les excès, la tendance occidentale actuelle est à une alimentation plus légère (nouvelle cuisine). Dans les sociétés urbaines, qui progressivement l’emportent sur les sociétés rurales, les cellules familiales ont éclaté et les strates sociales, plus ou moins rapidement touchées par l’évolution des pratiques et l’attraction de l’american way of life , ont diffusé leurs comportements.

La façon de s’alimenter, en relation avec une disponibilité moindre et une forte dispersion des activités, évolue rapidement: les repas sédentaires, de longue durée, sont remplacés par des prises de nourriture, individuelles ou collectives, rapides, sommaires et irrégulières, plus ou moins bien rationalisées à la source. En nourriture quotidienne, le réfrigérateur, les plats précuisinés et les services rapides (fast food ) détrônent les cordons bleus des tables familiales dans les sociétés industrialisées riches.

Des contraintes économiques pèsent sur les sociétés rurales pauvres: les protéines animales sont des aliments de luxe, et les légumineuses deviennent de prix élevé. Dans les sociétés industrialisées, la baisse de consommation d’aliments végétaux, apportant des composés cellulosiques non digérés mais utiles (fibres alimentaires), entraîne des altérations du transit intestinal.

Globalement, l’évolution plus ou moins rapide du comportement alimentaire de l’homme, enfin sensibilisé à la qualité de sa nutrition, tend à équilibrer ses besoins et sa consommation (tabl. 8). L’analyse de la valeur nutritionnelle des différents aliments a permis de justifier ses choix spontanés ou empiriques et d’orienter la mise au point d’aliments « nouveaux » (protéines de soja). Étant donné que les caractéristiques physiologiques d’un individu, et donc son état nutritionnel, sont spécifiques de cet individu, et que les facultés d’adaptation métaboliques de l’homme, sans être illimitées, sont très larges, les recommandations nutritionnelles, empiriques et rationnelles, doivent être considérées non pas comme rigides mais comme indicatives à titre statistique pour l’ensemble d’une population. Encore faudrait-il que les contraintes économiques ne soient pas un obstacle à la satisfaction nutritionnelle de tous les hommes.

Malnutritions

La satisfaction imparfaite des besoins nutritionnels se traduit rapidement par des altérations de la santé et des activités de l’adulte et par des déviations du développement; en fait, la malnutrition, seule ou associée, affecte plus que toute autre maladie la santé de l’homme.

Outre les manifestations aiguës, il s’agit surtout de manifestations modérées chroniques, de plus en plus répandues. Un homme sur deux dans le monde se trouve, de façon permanente ou temporaire, en état de malnutrition évidente ou discrète. Un état de malnutrition pouvant résulter de multiples facteurs, quantitatifs et qualitatifs, de nature alimentaire ou métabolique, on est conduit, en pratique, à traiter des malnutritions.

Si les causes les plus évidentes de malnutrition sont les carences ou défauts d’apport d’aliments, c’est-à-dire la sous-alimentation (fig. 5), les déséquilibres et les excès ou surcharges sont aussi à l’origine d’états de malnutrition.

Étant donné que l’alimentation de l’homme est le fait non pas d’un choix rationnel, mais de ses goûts, de ses coutumes, et surtout de ses disponibilités économiques, les malnutritions sont inséparables des facteurs démographiques, agronomiques et socio-économiques qui conditionnent l’existence et l’activité des individus et des populations.

Évaluation de l’état nutritionnel

L’évaluation de l’état nutritionnel est fondée d’une part sur l’examen biomédical, d’autre part sur la confrontation entre disponibilités et consommations alimentaires et apports recommandés.

L’examen biomédical est d’ordre clinique, particulièrement dans les cas de malnutritions aiguës, et anthropométrique: rapports poids/âge, poids/taille représentatifs de la croissance, pli cutané indice de l’adiposité sous-cutanée, ou biochimique: hémoglobine sanguine, protéines sériques, taux vitaminiques sériques. Outre les difficultés pratiques de certains de ces examens sur le terrain, une difficulté théorique d’interprétation réside, compte tenu du polymorphisme humain, individuel ou ethnique, dans l’adoption des standards biologiques de référence, caractéristiques d’un état ou d’un développement « normal ».

Dans la classification de Gomez fondée sur l’importance du déficit pondéral de l’enfant relativement au poids moyen à cet âge, un déficit de 10 à 25 p. 100 du poids moyen est l’indice d’une malnutrition légère (1er degré), un déficit de 25 à 40 p. 100 l’indice d’une malnutrition modérée (2e degré) et un déficit de plus de 40 p. 100 l’indice d’une malnutrition grave (3e degré). Indépendamment du déficit pondéral, la présence d’œdèmes nutritionnels importants situe l’enfant dans la malnutrition du 3e degré (Bengoa).

La qualité de la relation nutrition-développement est reflétée par le taux de la mortalité infantile . Encore est-il difficile de faire la part du facteur malnutrition et celle du facteur infection, ces deux facteurs étant généralement associés et en interaction réciproque. La mortalité infantile entre 1 et 5 ans est considérée comme un bon indicateur de la situation nutritionnelle des différents pays. Dans les pays en développement elle est de l’ordre de 30 et parfois plus de 40 fois supérieure à celle des pays développés. C’est dans cette tranche d’âge que la réduction de la mortalité a été le plus marquée.

Pour l’ensemble d’une population, l’espérance de vie (ou vie moyenne des individus) est également un indicateur significatif de l’état de santé et de l’état nutritionnel, avec les mêmes réserves d’interprétation au sujet de l’association malnutritions-infections. Supérieure à 70 ans dans les pays développés, elle est inférieure à 40 ans dans nombre de pays en développement.

Les enquêtes nutritionnelles portent sur la consommation alimentaire en liaison avec l’état de santé de l’adulte, de développement et de santé de l’enfant. Difficile à saisir au niveau individuel, la consommation alimentaire est évaluée au niveau familial et au niveau du pays par confrontation des données de productions agricoles et de flux importation-exportation des produits alimentaires. Une difficulté d’interprétation résulte du manque d’accord concernant les apports alimentaires recommandés comme optimaux. Outre l’imprécision éventuelle des données disponibles, une évaluation aussi globale masque, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement, l’existence de sous-groupes plus ou moins importants de sous-alimentés et de suralimentés.

Carences énergétiques et carences protéiques

En pratique les besoins énergétiques des organismes sont prioritaires devant leurs besoins structuraux. Pendant la carence énergétique, tous les nutriments disponibles sont immédiatement utilisés; les acides aminés sont oxydés de façon prématurée, ce qui provoque une carence protéique. De la même façon, un déséquilibre entre les acides aminés indispensables apportés par les aliments affecte leur utilisation structurale en tant que constituants des protéines cellulaires et entraîne leur oxydation prématurée. Ainsi, l’utilisation métabolique des acides aminés dépend strictement du contexte énergétique et de la qualité nutritionnelle des protéines alimentaires. La carence protéique est soit primaire, soit secondaire à une carence énergétique.

La carence énergétique par défaut d’apport affecte de façon critique le jeune en développement. Ses manifestations modérées ou sévères sont: retard de croissance de l’enfant, amaigrissement, inactivité physique. La forme grave est le marasme, dont l’échéance plus ou moins rapide est la mort de l’enfant.

Généralement associée à la précédente, la carence protéique se traduit par des manifestations cliniques du style retard de développement, et par des symptômes spécifiques: œdèmes des chevilles et des mains, lésions cutanées, dépigmentation des cheveux, troubles digestifs (diarrhées qui, par défaut d’absorption intestinale, accentuent la carence), atteinte du système nerveux et du comportement intellectuel et relationnel. La forme aiguë grave est le kwashiorkor , terme extrait d’un dialecte africain signifiant littéralement premier-second (enfants). Le kwashiorkor affecte particulièrement la tranche d’âge 1 an-2 ans et correspond à la période de transition nutritionnelle du sevrage. Au siècle dernier, l’enfant des milieux pauvres des pays industriels souffrait semblablement de la « dystrophie des farineux » (Mehlnaehrschaden en allemand), maintenant exceptionnelle en Europe.

D’après la fréquence observée en milieu hospitalier des cas de marasme et de kwashiorkor, et leur répartition selon l’âge des enfants, il apparaît que le marasme, carence énergétique, affecte davantage la tranche 0-1 an et le kwashiorkor, carence protéique, les enfants plus âgés, de 1 à 3 ans. Si, à cet équilibre nutritionnel fragile, s’ajoute l’agression d’une infection telle que la rougeole, l’échéance est rapidement fatale. Passé l’âge critique, 3 à 5 ans, le développement peut reprendre mais reste généralement imparfait, physiquement et intellectuellement, révélant des atteintes irréversibles. Dans les cas graves, il s’agit de nanisme nutritionnel.

Suite à des conditions nutritionnelles défavorables au début de son développement, l’enfant risque un retard sur les plans physique et psychique. Il peut rattraper son retard staturo-pondéral s’il est par la suite nourri convenablement. C’est sur le développement du système nerveux et du comportement psycho-intellectuel de l’enfant que les répercussions de mauvaises conditions nutritionnelles dans les premiers mois de la vie peuvent être particulièrement graves et parfois irréversibles (Jellife, Cravioto). Il importe de faire remarquer que, la malnutrition étant généralement associée à un milieu socio-économique et éducationnel défavorable, la part propre de la malnutrition dans le retard ou l’arrêt du développement psychosensoriel et intellectuel de l’enfant est difficile à discerner.

Dans la prévalence et l’échéance des malnutritions par carence protéo-énergétique (fig. 6), on doit invoquer, en mortalité et en morbidité, l’incidence fréquente des infections et parasitoses associées. Les infections courantes chez l’enfant sont la rougeole et la coqueluche; les parasitoses, aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant, le paludisme, la bilharziose, les parasites intestinaux (ankylostomes).

L’interrelation infection-nutrition est complexe, car, si l’infection, notamment intestinale, accentue la malnutrition, la malnutrition altère les défenses de l’organisme contre l’infection. La malnutrition protéique affecte particulièrement la défense immunitaire cellulaire (lymphocytes) plus que la défense humorale (anticorps).

Carences lipidiques

Les manifestations de carence en acide linoléique, acide gras indispensable, observées chez l’animal mais rarement chez l’homme sont: retard de croissance, dermatites, anomalies des mitochondries, grande susceptibilité aux infections. Il est vraisemblable que, au même titre que la carence protéique, une carence en acides linoléique et linolénique retentit sur le développement du système nerveux de l’enfant et sur son comportement sensoriel et psychomoteur.

Carences en micronutriments

Carences vitaminiques

Alors que l’ère clinique des carences vitaminiques aiguës appartient au passé, à l’exception de la carence en vitamine A, les carences modérées ou subcarences sont encore communes. Ces carences, liées à une alimentation insuffisante ou déséquilibrée, affectent de façon plus ou moins invalidante les groupes vulnérables (enfants, femmes enceintes et vieillards), y compris dans les classes aisées des pays développés. Par ailleurs, l’évolution des régimes alimentaires, la pratique abusive de l’alcool, du tabac, de certains médicaments, associés à la civilisation urbaine, augmentent les besoins en certaines vitamines.

La carence en vitamine A (rétinol ou axerophtol) entraîne un retard de croissance de l’enfant, des altérations de l’œil et des fonctions visuelles, et des troubles de la reproduction. Le défaut de vitamine A est la cause principale, unique ou partielle, de la cécité des jeunes enfants dans les pays en développement (300 000 nouvelles victimes chaque année). Antérieurement à cette atteinte irréversible, les manifestations oculaires sont: dessèchement de la conjonctive et de la cornée (xérophtalmie et kératomalacie), associé ou non à la présence de zones nécrotiques (taches de Bitot); le défaut de la vision nocturne (héméralopie) révèle une altération de la rétine. On évalue à près de 100 millions le nombre d’hommes aveugles par xérophtalmie.

On a récemment découvert l’incidence d’une carence en zinc sur la manifestation de l’avitaminose A. Le Zn intervient au niveau de la synthèse par le foie d’une protéine spécifique qui transporte dans le sang le rétinol, entre le foie, le lieu de stockage de la vitamine, et les cellules utilisatrices.

Généralement associée à la malnutrition protéo-énergétique, la carence en vitamine A affecte significativement l’enfant de 2 à 4 ans. Facteur de croissance, la vitamine A est également un facteur de défense immunitaire, dont le mécanisme n’est pas élucidé. La vitamine A est donc généralement impliquée dans la pathologie des associations malnutrition-infections.

La meilleure défense naturelle contre la carence en vitamine A est la consommation d’aliments apportant soit la vitamine A préformée (foie des animaux, lait), soit, plus universellement, et à meilleur coût, les provitamines A telles que les pigments carotènes, que l’organisme animal convertit en vitamine A active. Dans les pays semi-tropicaux arides comme la zone sahélienne, la saison sèche, où les fruits font défaut, s’accompagne d’une augmentation saisonnière importante des cas d’avitaminose A.

Bien que les manifestations sévères de carence en vitamine D , rachitisme chez l’enfant, ostéomalacie chez l’adulte – soient devenues rares, les formes modérées et légères sont encore répandues: retard de développement physique et mental, déformations du squelette. L’absorption intestinale du calcium est défectueuse, ainsi que sa disponibilité vis-à-vis de son utilisation cellulaire et spécialement par le tissu osseux. La malnutrition calcique peut d’ailleurs résulter non seulement d’un défaut d’apport de vitamine ou de calcium, mais aussi d’altérations pathologiques des organes, rein et foie, qui interviennent dans la conversion de la vitamine D en ses formes métaboliques actives.

Étant donné que la « vitamine D3 » animale n’est autre que le cholécalciférol synthétisé par la peau grâce à l’intervention des rayons UV solaires, la carence en cholécalciférol est une carence d’irradiation solaire. D’où le risque de carence dans les pays tempérés et, paradoxalement, dans les pays ensoleillés où l’on évite le soleil (bassin méditerranéen, tropiques). La carence affecte significativement les nourrissons et les jeunes enfants jusqu’à deux ans, mais aussi les vieillards. Outre la pratique de vie à l’extérieur, la disponibilité d’aliments enrichis en vitamine D2 ergocalciférol spécialement pour les enfants a pratiquement supprimé les manifestations sévères de rachitisme dans les milieux informés.

Les carences spécifiques ou associées en vitamine B 10 (acide folique), et en vitamine B 12 (cobalamine) sont à l’origine d’anémies nutritionnelles aussi bien que la carence minérale en fer. La teneur en hémoglobine du sang est inférieure à la normale (moins de 10 g par litre) en raison du nombre réduit des hématies. Bien que les manifestations cytologiques affectant les cellules sanguines (mégaloblastes immatures) soient similaires, l’anémie macrocytaire signe une carence en folates et l’anémie pernicieuse ou de Biermer une carence en B12. Les groupes vulnérables sont, en raison des besoins du développement (multiplications cellulaires), les femmes enceintes et allaitantes et les enfants. L’usage de certains contraceptifs oraux entraîne des carences en folates chez la femme; certains antibiotiques ont un effet analogue.

En ce qui concerne la vitamine B12, absente des aliments végétaux et d’origine exclusivement bactérienne (flore intestinale) ou animale (foie lieu de stockage), le risque de carence est effectif chez les végétariens. Pour une raison différente, défaut d’un facteur protéique d’origine stomacale indispensable à l’absorption intestinale de la vitamine, les individus privés d’estomac, ou dont les fonctions gastriques sont altérées, sont susceptibles de carence en B12.

La carence en vitamine B 1 (thiamine), qui affecte essentiellement les populations dont le régime est à base de riz décortiqué (l’enveloppe de grain contient la vitamine) touche actuellement surtout les enfants.

Le béribéri infantile, aux manifestations très variées: cardio-vasculaires, respiratoires, œdèmes, et de diagnostic difficile, est souvent cause de mort subite du nourrisson. La thérapeutique par injection de thiamine est radicale. La supplémentation par la thiamine synthétique, produite à faible coût, pratiquée notamment au Japon, et la diversification des régimes alimentaires, consommation moindre de glucides et plus élevée de lipides caractéristiques des milieux économiques favorisés, ont fait rapidement régresser la mortalité par carence en thiamine.

Le scorbut, manifestation aiguë de carence en vitamine C (acide ascorbique), qui affecte les dents et les tissus conjonctifs, est devenu très rare. Les individus atteints sont des enfants ou des vieillards ne consommant pas assez de fruits, des adultes alcooliques.

La pellagre, causée par une carence en vitamine PP (niacine prévenant la pellagre), affecte encore les populations pauvres dont le régime alimentaire est un régime monotone à base de maïs. En effet le tryptophane, acide aminé indispensable en trop faible proportion dans les protéines du maïs, est partiellement converti par l’animal en niacine, d’où une carence double, en tryptophane et en niacine. La pellagre se manifeste par des troubles dermiques (peau, langue), intestinaux (diarrhées) et des troubles nerveux allant jusqu’à la démence.

Carences minérales

Les carences minérales concernent essentiellement les nombreux métaux à fonction structurale (calcium) et à fonction métabolique comme le fer et les oligo-éléments, mais aussi l’iode et le fluor. Les plus à craindre sont les carences en fer (anémies), en zinc, et en magnésium. Quant à l’eau, généralement considérée comme banale dans l’alimentation humaine, son apport est souvent insuffisant, notamment dans les pays industrialisés où sa disponibilité et ses qualités sanitaires ne sont pas en cause.

La carence en iode est révélée physiquement par le goître, hypertrophie compensatrice de la glande thyroïde. Le goître endémique, qui affecte de façon chronique certaines populations, est encore couramment observé dans les régions du globe en haute altitude et à l’écart de la civilisation. Chez la plupart des individus atteints du goître, l’hypertrophie compensatrice des follicules thyroïdiens autorise une production d’hormones compatible avec une vie normale. Dans les cas graves, le manque d’hormones résultant de l’hypothyroïdie, qui peut avoir d’autres causes que la carence en iode, entraîne un retard du développement physique et mental de l’enfant (crétinisme).

Le traitement des carences en iode minéral s’impose: supplémentation en iode ou en iodate du sel ordinaire (proportion 2 à 4 mg pour 100 g). En Colombie, cette mesure introduite vers 1950 a réduit de façon spectaculaire la prévalence du goître. C’est au chimiste français Boussingault que revient le mérite du traitement. Boussingault avait remarqué que le sel marin est riche en iode, alors que le sel des régions montagneuses en est pauvre, d’où sa recommandation au gouvernement colombien d’utiliser le sel tiré de l’océan plutôt que le sel tiré des mines de sel des Andes. Entre cette recommandation et sa pratique effective plus d’un siècle s’est écoulé...

Certains aliments végétaux introduisent des facteurs antithyroïdiens qui interfèrent au niveau de l’utilisation de l’iode par les cellules de la thyroïde et inhibent la synthèse des hormones. Ces légumes goîtrigènes comme les choux, les rutabagas, le manioc sont dangereux lorsqu’ils sont des composants notables et constants du régime alimentaire, ce qui est relativement rare. Une autre voie d’entrée dans l’organisme de ces antithyroïdiens est l’apport par le lait de vaches ayant intégré ces végétaux en forte quantité, comme ce fut le cas en Australie.

En ce qui concerne le fluor , on sait que sa carence est associée à des défauts de minéralisation des os et des dents (caries). Étant donné que le fluor est un puissant inhibiteur des enzymes cellulaires, la supplémentation minérale en fluor doit être rigoureusement contrôlée: au plus 1 mg par jour chez l’enfant. En fait, la carence en fluor, apporté par l’eau de boisson et les aliments végétaux, est très rare, et l’on doit plutôt craindre les excès de fluor (fluorose de l’homme et des animaux).

La carence en zinc est généralement associée à la malnutrition protéo-énergétique, encore que les répercussions respectives soient difficilement discernables. De par la participation du Zn au fonctionnement de près de 70 métallo-enzymes, les répercussions de sa carence sur le métabolisme intermédiaire, notamment sur le bilan azoté, sont multiples. Rappelons son incidence sur les protéines sériques transportant le rétinol vitamine A et les hormones thyroïdiennes.

Plus que les carences en vitamines, acide folique et cobalamines (B12), la carence en fer est la cause principale d’anémies nutritionnelles définies par le défaut d’hémoglobine sanguine, moins de 10 g par litre. Diverses maladies parasitaires peuvent contribuer à cette anémie ferriprive.

L’anémie ferriprive affecte le transport sanguin et la fourniture d’oxygène aux cellules. Il en résulte une diminution de l’activité physique par défaut énergétique. Autres symptômes: fatigue, atrophie de certaines muqueuses, incidence sur la reproduction (mortalité et morbidité fœtales). Les sujets à risque d’anémie ferriprive ou de carence martiale sont les nourrissons (0,5 à 1 an) en alimentation exclusivement lactée, les femmes enceintes et allaitantes, les vieillards, les sujets infectés par des parasites à localisation ou pénétration intestinales (ankylostomes, bilharzies).

Le traitement des anémies ferriprives a pour objectif la normalisation de l’hémoglobine sanguine et des réserves de fer dans l’organisme. La dose administrée de fer assimilable, par exemple sous forme de sulfate de ferreux, est de l’ordre de 200 mg de fer par jour pendant 2 à 3 mois.

Excès alimentaires

Le déséquilibre du bilan énergétique d’un individu résulte du défaut d’adéquation entre son apport énergétique alimentaire et ses dépenses énergétiques. Dans le style de vie des sociétés industrielles avancées, l’excès résulte à la fois d’une alimentation excessive, plus de 3 000 kcal/jour, et d’un manque d’activité physique.

On connaît les maladies métaboliques nutritionnelles de notre civilisation: obésité (dépôt excessif de réserves énergétiques lipidiques non seulement chez l’adulte mais aussi chez l’enfant), diabète (altération pathologique de l’utilisation des sucres), athérosclérose (dépôts lipidiques dans le système cardio-vasculaire, réduisant la circulation sanguine).

En ce qui concerne le diabète, on invoque un déséquilibre dans l’apport glucidique: il s’agit d’une tendance à l’augmentation de la consommation du sucre saccharose, à absorption rapide, et d’une diminution de consommation des glucides complexes (amidon du pain, des pommes de terre) à absorption lente, favorables à l’utilisation cellulaire des sucres. Remarquons que la malnutrition par excès ou déséquilibre n’est pas la seule cause du diabète, mais qu’elle est toujours impliquée. En ce qui concerne l’athérosclérose, on invoque, autant que la quantité, la qualité de l’apport lipidique (excès d’acides gras saturés).

La consommation excessive d’aliments d’origine animale, riches en protéines de très bonne qualité mais aussi en lipides liés de moins bonne qualité (saturés, cholestérol) est corrélée avec une fréquence élevée des cancers de l’intestin (côlon) et des maladies cardio-vasculaires. La goutte, maladie métabolique caractérisée par le dépôt d’acide urique dans les articulations, est liée à une consommation excessive de viande, riche en purines.

L’excès d’aliments d’origine animale est concomitant du défaut d’aliments d’origine végétale apportant notamment, outre des vitamines et des minéraux en bonnes proportions, des lipides insaturés (huiles) et des composés cellulosiques (fibres alimentaires) qui facilitent le transit intestinal et limitent l’absorption, au risque de favoriser certaines carences, notamment minérales.

Outre son incidence énergétique, la consommation excessive d’alcool – plus de 50 ml par jour – est cause de carences nutritionnelles protéique et vitaminiques, notamment en thiamine par inhibition de son absorption intestinale, et de malnutrition cellulaire, particulièrement hépatique.

Excès de micronutriments

Chez l’homme, les excès vitaminiques ont pour cause des surdosages à finalité thérapeutique ou préventive injustifiés. Pratiquement trois vitamines sont en question: l’acide ascorbique (vitamine C), l’ergocalciférol (vitamine D2), et éventuellement la vitamine A.

Certaines personnes, d’elles-mêmes ou sur la foi de recommandations abusives, absorbent jusqu’à 1 g d’acide ascorbique par jour (lutte contre la fatigue, la grippe, le cancer...). Comme le catabolisme de l’acide ascorbique conduit à l’acide oxalique, ces personnes courent le risque de dépôts d’oxalate, notamment au niveau du rein. La pratique d’une consommation de vitamine C de plus de 100 mg par jour est injustifiée et dangereuse.

L’hypervitaminose D se manifeste par des hypercalcémies des tissus mous (reins, vaisseaux) et des altérations morphologiques diverses.

Alors que l’hypervitaminose A n’est pas à craindre dans une alimentation courante apportant les carotènes provitamines, l’absorption excessive de vitamine A a des effets sérieux, sinon toxiques, en particulier pour la femme enceinte et le fœtus. Étant donné la disponibilité trop aisée de doses fortes de vitamine A, le risque d’hypervitaminose est manifeste.

Dans les pays développés, l’excès minéral le plus répandu et le plus à craindre est l’excès de sodium, apporté par le chlorure de sodium (sel de cuisine). Alors que le besoin journalier en chlorure de sodium est de l’ordre de 3 g, la consommation courante est de l’ordre de 10 g, allant jusqu’à 30 g par jour. Or, la consommation excessive de sel favorise considérablement le risque d’hypertension artérielle, elle-même corrélée aux maladies cardio-vasculaires.

Étant donné que les individus sont spécifiquement susceptibles d’hypertension et sensibles à l’excès de sel, cet excès alimentaire ne fait que révéler un défaut métabolique d’ordre cellulaire récemment mis en évidence: l’altération des fonctions membranaires réglant les flux du sodium et du potassium entre la cellule et le milieu environnant, se traduisant par une diminution de sortie du sodium et une augmentation d’entrée du potassium (R. Garay et P. Meyer). Un défaut génétique semble bien être cause des hypertensions essentielles avec consommation excessive de sel.

Géographie mondiale des malnutritions

De façon générale, la prévalence des malnutritions à la surface du globe met en évidence la coupure entre pays développés et pays en voie de développement en expansion démographique (2 milliards d’habitants), sans négliger toutefois la présence de foyers de malnutrition dans les pays industrialisés, correspondant aux économiquement défavorisés (10 millions aux États-Unis), et de cas de surnutrition dans les pays en développement, correspondant aux économiquement privilégiés.

Dans la réalité, l’alimentation de l’homme est réglée moins par ses besoins physiologiques que par ses possibilités économiques; schématiquement les malnutritions affectent, dans tous les pays, les pauvres par carence et les riches par excès. Les miséreux de Harlem sont comparables aux miséreux d’Afrique centrale et les privilégiés d’Abidjan aux riches de Paris. Nomades africains, Indiens mâchant le cola de l’altiplano andin, chômeurs des favelas du Brésil et autres bidonvilles illustrent tristement cet ensemble rural et urbain de miséreux sous-nutris [cf. ALIMENTATION].

Carences

C’est dans la ceinture tropico-équatoriale sur les trois continents que la sous-nutrition énergétique et protéique est la plus criante (fig. 7). Dans les pays du Sahel, la moitié des habitants souffrent de la faim de façon chronique, et de façon aiguë en période de soudure des récoltes. Les famines sont encore fréquentes dans cette zone tropico-équatoriale. Citons entre autres: Pérou (1970), Inde (1972), Éthiopie (1973), Sahel (1973). Outre les famines dues à des récoltes déficitaires, sévissent des famines liées à des conflits d’ordre politique ou idéologique (Cambodge, 1979).

La carence énergétique est pratiquement constante au centre de l’Afrique, de l’ouest à l’est; en Asie, dans l’arc sud-occidental, de l’Afghanistan à l’Indonésie; en Amérique latine andine, particulièrement en Bolivie. En Asie, alors que la Chine et l’Inde ont atteint en 1980 le niveau d’autosuffisance alimentaire, les famines sont encore contemporaines. Entre 1945 et 1965, 20 millions de Chinois seraient morts de faim. De façon plus sporadique, la sous-nutrition affecte encore l’arc sud-oriental du bassin méditerranéen.

Au sein d’une population, des malnutritions sélectives affectent les individus selon leur régime alimentaire, lié à leur mode de vie. C’est ainsi qu’au Sahel les sédentaires, dont les besoins énergétiques sont pratiquement couverts, sont carencés en protéines, alors que les nomades, dont l’apport énergétique est insuffisant, ont un apport protéique de qualité convenable assuré par les produits animaux.

Selon la Banque mondiale (1979), plus du tiers des populations des pays en développement, soit 800 millions d’hommes, sont des « pauvres absolus » (revenu annuel inférieur à 5 000 FF). 600 millions d’entre eux sont en état permanent de sous-alimentation et plus de 400 millions sont victimes de régimes déséquilibrés. Dans les années quatre-vingt que nous vivons, chaque jour environ 50 000 humains meurent de faim et 100 000 des interactions sous-malnutrition infections. Selon l’U.N.I.C.E.F., 17 millions d’enfants sont morts de faim en 1981. À la surface du globe, 1 enfant sur 3 meurt de malnutrition avant l’âge de 5 ans (1 sur 2 dans certains pays africains en développement), et 1 homme sur 4 souffre de sous-alimentation.

La carence en vitamine A, généralement associée à la carence protéo-énergétique, affecte particulièrement l’Asie: Inde, Indonésie, Vietnam, Cambodge, Philippines, mais aussi le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, le Sahel et le Soudan, l’Amérique centrale et caraïbe. Selon l’U.N.I.C.E.F., chaque année 3 000 000 d’enfants deviennent aveugles par carence vitaminique A, la majorité en Asie.

Les 200 millions d’hommes affectés du goitre endémique par carence en iode habitent les régions montagneuses et/ou mal desservies par les communications: Asie, vallées et hauts plateaux himalayens, Amérique latine andine, mais aussi certaines zones ponctuelles en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord.

Les anémies nutritionnelles par carence en fer sont observées essentiellement dans les pays en développement, et les anémies par carences vitaminiques en folates et B12 également dans les pays industrialisés. Les deux tiers du milliard de femmes de 15 à 50 ans vivent dans les pays en développement et donnent naissance à deux fois plus d’enfants que dans les pays développés. Au moins 60 p. 100 des femmes enceintes et 30 p. 100 des femmes non enceintes, soit au total 250 millions de femmes dans les pays en développement, sont anémiées, par fréquence décroissante en Asie et en Océanie, puis en Afrique et en Amérique latine. Dans les pays développés, les proportions sont de l’ordre de 30 p. 100 des femmes enceintes et 15 p. 100 des femmes non enceintes; les proportions globales sont de 20 à 40 p. 100 pour les enfants. Le total des individus anémiés est de l’ordre de 600 millions.

Excès

Quant aux malnutritions par excès, elles affectent surtout les pays développés à civilisation industrielle: Amérique du Nord, Europe occidentale, et de façon ponctuelle les privilégiés des pays en développement. Schématiquement, 1 Français sur 5 est trop gros et 1 Français sur 25 est, ou deviendra diabétique (1 million de Français sont diabétiques). Dans le monde entier, 5 millions de diabétiques sont sous traitement insulinique. Rappelons que sont à l’origine des diabètes des défauts métaboliques, et non pas seulement des excès nutritionnels.

Les maladies cardio-vasculaires sont responsables de 40 p. 100 des décès et affectent chaque année 200 000 nouveaux individus en France (1980). L’incidence des maladies coronariennes en relation avec la qualité de l’apport alimentaire lipidique (pourcentage de l’apport énergétique par les acides gras saturés) et la cholestérolémie des sujets dans divers pays européens et au Japon met en évidence la corrélation acides gras saturés-cholestérolémie-maladies cardio-vasculaires.

Dans les populations consommant peu de lipides, comme les Bantous africains et les Japonais, ces maladies sont rares. C’est le facteur alimentaire qui est en cause, et non un facteur génétique, puisque les Japonais immigrés vivant en Californie et à Hawaii et dont le régime alimentaire est du type américain, présentent une fréquence des maladies cardio-vasculaires plus élevée qu’au Japon.

Vaincre la malnutrition

L’examen de la prévalence des diverses malnutritions dans le monde révèle l’importance des carences énergétiques, protéiques et en vitamine A, et met clairement en évidence l’asservissement de l’état nutritionnel de l’individu à ses conditions socio-économiques (fig. 8). L’asservissement matériel est provoqué par les possibilités de consommation alimentaire et les conditions d’hygiène, qui favorisent ou limitent les infections et les parasitoses; l’asservissement intellectuel par l’ignorance des principes d’une nutrition humaine convenable. Cette ignorance affecte, outre les habitants des pays en voie de développement, nombre d’habitants des pays développés. Un effort mondial d’éducation nutritionnelle doit être accompli, notamment auprès des enfants, généralement les plus concernés et les plus réceptifs. Le réseau des centres de nutrition du Ruanda a fait la preuve de son efficacité.

En ce qui concerne la confrontation entre l’évolution démographique et l’évolution des disponibilités alimentaires au niveau des divers États, elle est généralement pessimiste. Pour l’ensemble des pays en développement, alors que l’accroissement de la production agricole devrait être de 3,8 p. 100 par an, il est seulement de 2,7 p. 100 en 1980. En fait, les deux tiers de la population mondiale produisent seulement un tiers des ressources alimentaires du globe. D’où la nécessité d’importations des ressources alimentaires conduisant de nombreux pays à un endettement insupportable. Entre 1970 et 1980, les disponibilités alimentaires en Afrique ont baissé de 10 p. 100. La Tunisie importe 9 grains sur 10 qu’elle consomme, alors que, dans le passé, elle était le grenier à blé de Rome.

L’expansion démographique est le principal facteur en cause, mais point le seul. Le bilan du développement agricole est négatif dans la plupart des pays à régime socialiste (Cuba, Algérie, U.R.S.S.) qui planifient un industrialisme de prestige. Le retour aux productions agricoles vivrières s’impose, de préférence aux productions spécifiques d’exportation soumises aux profits et aux aléas du commerce international.

On place beaucoup d’espoir dans l’augmentation des productions alimentaires végétales par amélioration des rendements et extension des surfaces cultivées à la surface de la Terre (de 1,5 à 2,7 milliards d’hectares théoriquement cultivables). Dans cette perspective, on ne doit pas sous-estimer le coût des pratiques d’irrigation, de fertilisation par les engrais et de lutte phytosanitaire. Encore faudrait-il faire en sorte que l’agriculture industrialisée soit compatible avec le maintien des petits paysans.

En ce qui concerne l’accroissement des productions animales par l’élevage intensif et extensif, généralement au bénéfice des pays développés caractérisés par une consommation excessive, il convient de réaliser le gaspillage énergétique et protéique de cette chaîne alimentaire et l’altération des végétations naturelles, lourde de conséquences écologiques. En Amérique centrale, la surface de ces nouveaux pâturages a augmenté de plus de moitié en vingt ans, au détriment des forêts primaires. Or la déforestation entraîne rapidement l’érosion des sols et une modification des conditions climatiques. De plus, notamment en Afrique, on observe une désertification des terres arides.

Pour conclure, l’amélioration des conditions nutritionnelles de l’ensemble de l’humanité et l’élimination des carences et déséquilibres exigent, outre la volonté des pays en développement de maîtriser leur expansion démographique et leur production agricole vivrière, une politique d’éducation nutritionnelle et sanitaire et une volonté de solidarité et de coopération nationale et internationale assurant une répartition équitable des disponibilités alimentaires. Globalement, en effet, la production alimentaire mondiale permet la satisfaction nutritionnelle de l’humanité. Cette adéquation globale ne devrait pas être assombrie par l’égoïsme des hommes et des nations.

nutrition [ nytrisjɔ̃ ] n. f.
• 1361; bas lat. nutritio, de nutrire « nourrir »
1Physiol. Ensemble de processus d'assimilation et de désassimilation qui ont lieu dans un organisme vivant, lui permettant de se maintenir en bon état et lui fournissant l'énergie vitale nécessaire. Fonctions de nutrition. alimentation, digestion, métabolisme.
2(Sens restreint) Transformation et utilisation des aliments dans l'organisme. Troubles de la nutrition. dystrophie. Mauvaise nutrition. carence, dénutrition, malnutrition.

nutrition nom féminin (bas latin nutritio, -onis) Introduction dans l'organisme, et utilisation par celui-ci, des matériaux plastiques et énergétiques (aliments, gaz respiratoires, etc.) qui lui sont nécessaires. Ensemble des processus d'assimilation et de dégradation des aliments qui ont lieu dans un organisme, lui permettant d'assurer ses fonctions essentielles et de croître. Science appliquée, au carrefour de plusieurs disciplines scientifiques (biologie, médecine, psychologie), qui permet de comprendre le fonctionnement du corps humain et de proposer des recommandations alimentaires ou médicales visant à maintenir celui-ci en bonne santé. ● nutrition (expressions) nom féminin (bas latin nutritio, -onis) Maladies de la nutrition, maladies, souvent de caractère familial, provenant soit d'un trouble du métabolisme interne des substances nutritives, soit d'un mauvais équilibre alimentaire (maigreur, obésité, diabète sucré, hypercholestérolémie, associée ou non à une hypertriglycéridémie, goutte). Nutrition azotée, carbonée, phosphatée, etc., mode d'acquisition et d'utilisation par un organisme animal ou végétal du carbone, de l'azote, du phosphore, etc., dont il a besoin. Nutrition entérale, synonyme de alimentation entérale. Nutrition parentérale, synonyme de alimentation parentérale.

nutrition
n. f. Processus par lequel les organismes vivants utilisent les aliments pour assurer leur croissance et leurs fonctions vitales.

⇒NUTRITION, subst. fém.
BIOL. ,,Ensemble des actes d'assimilation et de désassimilation se faisant dans l'organisme et ayant pour but la conservation ou l'accroissement de l'individu, le maintien de sa température constante et la production de l'énergie dépensée au travail`` (Méd. Biol. t.3 1972). Nutrition des êtres, de l'embryon, des organes; physiologie, troubles de la nutrition:
♦ ... l'embryon ou le bourgeon, si petit et si simple qu'on le suppose, «sait» d'avance ce qu'il deviendra, et ordonne d'après cette «idée directrice» le prodigieux travail de la nutrition et de l'élimination...
ALAIN, Propos, 1909, p.47.
P. métaph. Là où la presse libre est interceptée, on peut dire que la nutrition du genre humain est interrompue (HUGO, Actes et par., 2, 1875, p.185). Il faut donc [dans les dictatures] que les sentiments, les idées, les impulsions soient livrés, comme tout usinés, à la consommation des esprits et à la nutrition des âmes, par un être central (VALÉRY, Regards sur monde act., 1931, p.272).
BOT. ,,Fonction qui s'effectue pour les végétaux par l'absorption des éléments contenus dans le sol et dans l'air`` (BÉN.-VAESK. Jard. 1981). Nutrition des plantes, des végétaux; nutrition azotée, carbonée, minérale. Des plantes carnivores que nous étudierons plus loin à propos de la nutrition azotée de la plante (PLANTEFOL, Bot. et biol. végét., t. 1, 1931, p.168).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1370 nuctricion (NICOLE ORESME, Ethiques d'Aristote, éd. A. D. Menut, t.1, p.142). Empr. au b. lat. nutritio «action de nourrir». Fréq. abs. littér.:245. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 488, b) 460; XXe s.: a) 113, b) 310.
DÉR. 1. Nutritionnel, -elle, adj. De nutrition; relatif à la nutrition. Besoin, trouble nutritionnel. L'équilibre nutritionnel, indispensable à la conservation de la santé et au bon fonctionnement du corps, dépend au premier chef de celui des apports alimentaires en glucides (BARIÉTY, COURY, Hist. méd., 1963, p.683). []. 1re attest. 1955 (P. MORAND, Confins vie, p.123); de nutrition, suff. -el; cf. angl. nutritional dès 1869 ds NED, s.v. nutrition. 2. Nutritionniste, subst. Médecin spécialiste de la nutrition. Il n'existe que des rapports très lâches entre les nutritionnistes et les consommateurs, distributeurs et producteurs (BOULAY, Arboric. et prod. fruit., 1961, p.19). []. 1re attest. 1951 (Qq. aspects équip.agric., p.25); de nutrition, suff. -iste; cf. angl. nutritionist dès 1926 ds NED Suppl.2

nutrition [nytʀisjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1370; du bas lat. nutritio, du supin de nutrire « nourrir ».
1 Physiol., cour. Ensemble de processus d'assimilation et de désassimilation qui ont lieu dans un organisme vivant, lui permettant de se maintenir en bon état et lui fournissant l'énergie vitale nécessaire.REM. Dans le langage courant, nutrition exclut les phénomènes de désassimilation (excrétion; respiration et sécrétion des végétaux) ainsi que la respiration des animaux. — Nutrition des animaux. Digestion; absorption, assimilation; et aussi animalisation, métabolisme. || Nutrition des végétaux. || Les fonctions de la nutrition font partie des fonctions de la vie végétative. || Nutrition des organes (→ Artériel, cit. 1), des cellules (→ Glande, cit. 2), des tissus… Nourriture. || Déchets de la nutrition (→ Encombrer, cit. 9).
2 (Sens restreint). Physiol. ou cour. Transformation et utilisation des aliments dans l'organisme. || Éléments, substances propres à la nutrition. Alibile, nourricier, nutritif; aliment, nourriture. || Maladies, défauts de la nutrition. Arthritisme, atrophie, athrepsie, dénutrition…; trophique, tropho-. || L'herpès, la scrofule résultent de troubles de la nutrition.
DÉR. Nutritionnel, nutritionniste.
COMP. Sous-nutrition.

Encyclopédie Universelle. 2012.