PEAU
La peau est un tissu de revêtement qui enveloppe le corps et le maintient, tout en le protégeant contre les agressions extérieures; mais c’est aussi un véritable organe, possédant des fonctions sensorielles (toucher) et mettant en œuvre de nombreux processus métaboliques.
La peau assume plusieurs fonctions essentielles. En premier lieu, elle constitue une membrane de couverture, de soutènement et de protection s’opposant, dans une certaine mesure, à l’action des agents physiques, chimiques et bactériologiques du monde environnant. Les organes sensitifs cutanés contribuent à cette défense par la perception du chaud, du froid, de la douleur, en même temps qu’ils renseignent sur la forme des objets touchés. En second lieu, par ses propriétés sélectives d’imperméabilité et de perméabilité , la peau empêche la pénétration de certains corps chimiques étrangers, alors qu’elle permet le passage d’autres éléments (rejet ou absorption). Le plus important de ces échanges a trait à l’élimination de l’eau par la sudation. C’est par ce mécanisme d’élimination aqueuse (évaporation), associé à des réflexes vasomoteurs, que s’exerce une des principales fonctions de la peau: la thermorégulation de l’ensemble du corps. Enfin, au sein de l’épiderme et du derme se produisent de très nombreuses réactions biochimiques aboutissant à l’élaboration et à la dégradation de substances apportées par la circulation ou existant in situ . Ces combinaisons physico-chimiques et ces échanges incessants à l’intérieur des éléments constitutifs de la peau assurent non seulement la vie des cellules dermiques et épidermiques, mais jouent un rôle important dans l’équilibre métabolique de tout l’organisme.
1. Anatomie
Morphologie
Au niveau des orifices naturels (bouche, narine, œil, vulve, anus) et sur la région génitale masculine, la peau se prolonge par une muqueuse, de structure similaire. Dans le derme se situent des annexes de l’épiderme, comprenant les glandes sudorales, les glandes sébacées et les phanères (poils, ongles).
La superficie de la peau est comprise, pour un adulte, entre 1,5 et 2 mètres carrés. Son épaisseur varie suivant les régions du corps, le sexe et l’âge: elle est plus importante aux paumes et surtout aux plantes, plus mince aux paupières, aux organes génitaux. Chez la femme, l’enfant et le vieillard (atrophie sénile), l’épaisseur est plus faible que chez l’homme adulte.
La surface du tégument est ponctuée de dépressions minuscules, appelées vulgairement pores , correspondant aux orifices pilaires pourvus ou non de poils. Elle est sillonnée de plis et de fines rainures de différents types: les «plis de flexion», qui sont les grands plis articulaires (aisselles, poignets, aines); les «plis secondaires», courts et à peine visibles à l’œil nu, hachurant et quadrillant la peau; les sillons des pulpes des doigts et des orteils, formant des courbes et des circonvolutions, délimitant de minuscules saillies régulières (crêtes papillaires). Le dessin des sillons des pulpes digitales, différent pour chaque individu, constitue le meilleur test d’identité (cf. DERMATOGLYPHES). Les «plis de flexion» et les «plis secondaires» correspondent aux «lignes de Langer», qui suivent la direction de la tension élastique de la peau et qui peuvent guider le chirurgien pour obtenir les cicatrices le plus esthétiques possible.
La couleur du tégument dépend de la race de l’individu. Dans la race blanche la teinte de la peau varie du blanc rosé au brun suivant les régions du corps; elle peut changer en fonction des réactions vaso-motrices déclenchées par la chaleur, le froid, les émotions. Elle dépend aussi de l’état de santé, de la pigmentation naturelle ou provoquée (hâle solaire); la coloration plus ou moins brune de la peau est due au pigment cutané appelé mélanine (cf. infra , Métabolisme de l’épiderme , et article PIGMENTATION).
Origine embryologique
Deux feuillets embryonnaires sont à l’origine de la constitution de la peau. Le feuillet superficiel, ou ectoderme , donne naissance à l’épiderme. Le feuillet moyen, ou mésoderme (mésenchyme), formera le derme et l’hypoderme (cf. EMBRYOLOGIE).
L’embryon est initialement recouvert d’une simple assise cellulaire, qui devient double entre la cinquième et la septième semaine de la vie fœtale: une assise interne de larges cellules cuboïdes (stratum germinativum ) et une assise superficielle de cellules aplaties (périderme ou eptrichium ). Vers le troisième mois, la couche germinative se plisse, forme sur sa face profonde (germe épithélial primaire ) des bourgeons qui sont à l’origine des follicules pileux, des glandes sébacées et des glandes sudorales apocrines. En même temps, une troisième assise cellulaire se développe (stratum intermedium ) qui est l’ébauche de la couche de Malpighi. Les glandes sudorales eccrines ne se constituent, à partir du stratum germinativum , que vers le cinquième ou le sixième mois de la vie fœtale.
Le derme (chorium ) est formé, à l’origine, de paquets de cellules allongées (cellules mésenchymateuses embryonnaires). Vers le deuxième ou le troisième mois de la vie fœtale apparaissent des fibrilles à disposition réticulaire, puis fasciculée, alors que les cellules mésenchymateuses se transforment en fibroblastes. Les fibres élastiques ne se constituent que vers le cinquième mois. La graisse sous-cutanée est présente dès le troisième mois.
Histologie
La peau est formée de deux types de tissus, répondant à sa dualité embryologique: l’un, superficiel, l’épiderme, de nature épithéliale; l’autre, sous-jacent, le derme, de nature conjonctive.
Épiderme
L’épiderme est composé de plusieurs assises cellulaires épithéliales superposées (fig. 1).
La couche basale , ou assise germinative, la plus profonde, n’est constituée que par une seule rangée de cellules jointives, implantées verticalement sur la jonction dermo-épidermique, prenant ainsi une disposition palissadique. Ces cellules, dites basales, ont un très gros noyau foncé, fortement basophile.
Le corps muqueux de Malpighi (stratum malpighien ), ou couche filamenteuse, forme la plus grande partie de l’épiderme. Il comporte de cinq à douze assises de cellules (kératinocytes) à noyau clair, polygonales, disposées en mosaïque, séparées les unes des autres par des espaces intercellulaires. La cohésion de cette couche est assurée par des filaments (tonofibrilles) contenus dans des expansions cytoplasmiques ou «épines» reliant entre elles les cellules malpighiennes dites également «cellules épineuses». Ces «ponts d’union», surtout visibles lorsqu’il existe un œdème pathologique, présentent des renflements appelés nodules de Bizzozero (desmosomes). La microscopie électronique a précisé la structure de ces kératinocytes.
La couche granuleuse (stratum granulosum ), assez mince, comprend une à quatre rangées de cellules aplaties, losangiques, dont le noyau peu visible est entouré de grains noirs (grains de kératohyaline) donnant à cette couche une teinte très foncée.
Au-dessus de la couche granuleuse, on décrit une couche claire (stratum lucidum ), formée de cellules anucléées, translucides, contenant une substance mal définie (éléidine), mais qui n’est facilement retrouvée qu’aux paumes et aux plantes.
La couche cornée (stratum corneum ), particulièrement épaisse aux paumes et surtout aux plantes, est constituée de lamelles de kératine superposées, éosinophiles, sans noyau. À la surface de la peau, ces lamelles perdent leur cohésion (stratum disjunctum ) et s’exfolient continuellement.
La couche granuleuse et la couche cornée sont absentes sur les demi-muqueuses (lèvres, régions génitales) et muqueuses (bouche), sauf dans certains états pathologiques (leucoplasie).
L’épiderme est relié au derme par une zone, dite de jonction dermo-épidermique , ayant, sur les coupes histologiques, l’aspect d’une ligne ondulée, appelée autrefois «membrane basale» dont l’existence et la composition n’apparaissent nettement qu’au microscope électronique. Cette zone, assurant l’adhérence du derme à l’épiderme, est composée d’un réseau de fibres réticuliniques et de mucopolysaccharides, colorés par le PAS (bande rouge) en microscopie optique. Elle est traversée par les canaux sudorifères et les entonnoirs pilo-sébacés.
Derme et hypoderme
Le derme , de nature conjonctive, est surtout formé de faisceaux de fibres collagènes , disposées en bandes onduleuses, allongées en tous sens et entrecroisées. Ces fibres sont constituées de fibrilles. Cette charpente du derme comprend, en outre, de minces fibres élastiques sinueuses et de grêles fibres réticuliniques dessinant un réseau très fin.
Les cellules dermiques sont très peu nombreuses à l’état normal. Les unes sont des cellules conjonctives formées in situ : fibroblastes, éléments fixes et allongés, collés le long des faisceaux collagènes; histiocytes, cellules mobiles, douées d’un pouvoir phagocytaire. Les autres sont des cellules d’origine sanguine, qui ne prolifèrent que dans divers états pathologiques: lymphocytes, polynucléaires, mastocytes.
Une substance fondamentale amorphe enrobe fibres et cellules dermiques. Elle n’est pas visible sur les coupes histologiques, mais elle a un grand intérêt physiologique et pathologique.
Schématiquement, les constituants du derme s’organisent en trois couches:
– un derme superficiel, ou corps papillaire , de structure lâche, relativement pourvu de cellules, et dont les papilles, en «doigts de gant», forment des saillies qui alternent avec les «prolongements interpapillaires» de l’épiderme;
– un derme moyen, ou chorion , plus dense que le précédent du fait de la présence de nombreux faisceaux collagènes à disposition oblique;
– un derme profond , formé de gros trousseaux collagènes surtout horizontaux.
L’hypoderme , qui fait suite au derme profond, est constitué de lobules remplis de cellules graisseuses (adipocytes) et séparés par des cloisons conjonctivo-élastiques renfermant les vaisseaux et les nerfs de la peau.
Annexes épidermiques. Phanères
Diverses formations dérivent embryologiquement de l’ectoderme et sont, de ce fait, de nature épithéliale comme l’épiderme dont elles représentent les annexes. Mais elles sont en grande partie logées dans le derme.
Les glandes sudorales , profondes, situées près de l’hypoderme, sont de deux types (fig. 2). Les glandes eccrines , dont le nombre total excède deux millions, sécrètent et excrètent la sueur. Elles sont particulièrement abondantes aux paumes, aux plantes, aux aisselles, au front et à la poitrine; ce sont des tubes enroulés (glomérules), à petite lumière et à double assise cellulaire. Elles se prolongent par un canal excréteur (canal sudorifère) qui s’abouche à la peau par un pore invisible à l’œil nu. Les glandes apocrines ne persistent normalement, après la vie fœtale, que dans les régions mamelonnaires, axillaires, inguinales, ano-génito-périnéales. Elles ont une large lumière et leur tube excréteur s’ouvre dans un follicule pilosébacé. Les glandes apocrines et les follicules ont la même origine embryologique.
Les glandes sébacées sont généralement annexées aux poils (appareil pilo-sébacé, fig. 1). Il n’en existe ni aux paumes ni aux plantes. Se développant surtout à la période postpubertaire, elles sont nombreuses sur le visage et les organes génitaux. Plus superficielles que les glandes sudoripares, elles sont situées dans le derme moyen. Ce sont des glandes en grappe, pleines, sans lumière centrale, formées de lobules cernés par une membrane et constitués de cellules claires se chargeant de graisse. La glande sébacée s’abouche dans un follicule pileux, contenant ou non un poil.
Les poils sont disséminés sur tout le tégument, sauf dans les régions palmo-plantaires et sur le dos des dernières phalanges. Les duvets, poils en miniature, sont abondants dans les deux sexes et chez l’enfant.
Les poils proprement dits sont plus ou moins nombreux et longs suivant le sexe, la race et les individus: un excès considérable de la pilosité conduit à l’hirsutisme. Les poils «ambosexuels», axillaires et pubiens, apparaissent à la puberté dans les deux sexes. Les poils «masculins» sont électivement localisés, chez l’homme, à la lèvre supérieure et sur les joues (moustache, barbe), sur la région présternale et sur la ligne médiane abdominale.
Certaines femmes sont affligées d’une hypertrichose, soit diffuse, soit d’un type androïde (ébauche de moustache et de barbe), sans qu’une cause hormonale pathologique ou thérapeutique (hormones mâles) puisse être toujours décelée. Une pilosité androïde majeure avec hypertrichose généralisée constitue le virilisme, de nature habituellement dysendocrinienne. Après la ménopause apparaissent fréquemment, sur la lèvre supérieure et sur le menton, quelques poils gros et longs.
Les cheveux , les sourcils et les cils, variétés de poils, présentent un intérêt particulier du fait de leur caractère esthétique. De très nombreux commentaires pourraient être consacrés à l’importance attribuée à la chevelure, depuis les temps les plus reculés, aussi bien sur les plans religieux, politique et social que comme attribut de la beauté.
Les poils sont implantés dans des dépressions profondes de l’épiderme, appelées follicules. Le follicule pileux , qui contient la partie fixe du poil, au-dessous de son émergence cutanée, est une invagination épidermique dans le derme (fig. 2 et 3). Il comprend, de l’extérieur vers l’intérieur, un sac externe de nature conjonctive, dermique, une membrane vitrée homologue de la jonction dermo-épidermique et une gaine épithéliale externe, pluristratifiée, formée de cellules épidermiques malpighiennes. Le poil, dans sa portion inférieure fixe («racine» du poil), adhère intimement au follicule pileux par ses gaines propres (gaine épithéliale interne); il est constitué de plusieurs assises cellulaires. L’axe du poil est formé par la «moelle», riche en graisse, et qui est absente dans les simples duvets.
Le pôle inférieur de la racine du poil est renflé en forme de bulbe et son centre (matrice épidermique) est évidé pour recevoir une expansion du derme (papille dermique) riche en nerfs et en capillaires (fig. 3). Au-dessus du bulbe se situe l’abouchement de la glande sébacée dans le follicule pileux.
Au niveau de son émergence de la peau, le poil devient libre, non adhérent à l’entonnoir folliculaire, et il se continue par la tige qui est la partie visible. Cette tige, plus ou moins longue et épaisse suivant les régions, perd peu à peu ses gaines, sa moelle et ses assises cellulaires, pour n’être plus formée que de cellules kératinisées anucléées. Ces lamelles de kératine dure, analogue à celle de l’ongle, sont imbriquées et contiennent de nombreux grains de mélanine qui lui donnent une couleur plus ou moins foncée.
Au follicule pileux est annexé un muscle arrecteur , représenté par un étroit ruban de faisceaux de fibres musculaires lisses, dont la contraction détermine le hérissement des poils (fig. 1).
La pousse du poil a surtout été étudiée à propos des cheveux qui subissent des évolutions cycliques successives de croissance (phase anagène), de régression (phase catagène) et de repos (phase télogène). Cette dernière phase aboutit à la mort et à la chute du cheveu, suivies d’une nouvelle pousse. Ces cycles débutent dès le cinquième mois et demi de la vie fœtale (première chute au septième mois) et se poursuivent, après une deuxième chute postnatale, pendant toute la vie. On admet très schématiquement que, chez l’adulte, 95 p. 100 des cheveux sont en phase anagène, d’une durée de trois ans ou plus pour chaque cheveu, 1 p. 100 en phase catagène pendant deux à trois semaines, et 4 p. 100 en phase télogène les deux à quatre mois suivants. La croissance des cheveux, variable avec l’âge et les saisons, est en moyenne de 0,35 mm par jour. Mais des causes multiples, physiologiques et pathologiques, modifient cette évolution. Les hormones mâles, qui déterminent la pousse abondante des poils dits masculins (barbe, moustache), ont par contre une action inhibitrice sur la croissance des cheveux, ce qui explique la fréquence des alopécies chez les hommes, ainsi que chez les femmes soumises à des hormonothérapies androgènes. Dans l’Antiquité, on avait déjà noté que les eunuques n’étaient jamais chauves.
Un cheveu ne tombe que deux à trois mois après sa mort spontanée ou pathologique, ce délai étant raccourci sous l’influence de facteurs mécaniques (traction, frictions, shampooings). Le cheveu mort présente un bulbe plein, atrophié, blanc et sec, que l’on croit, à tort, être une «racine» non susceptible de remplacement.
L’ongle est une lame de kératine dure, avec une partie visible (limbe) et une partie cachée (racine). Cette racine s’enfonce assez profondément sous l’épiderme; elle est enveloppée par un manchon épidermique (matrice). À la partie inférieure du limbe existe, surtout aux pouces, une zone elliptique blanche (lunule), habituellement absente dans la race noire. Le limbe repose sur le «lit de l’ongle», dont la coloration rosée se voit par transparence, et qui est le prolongement de l’épiderme de la pulpe du doigt, mais sans couche granuleuse. L’extrémité distale de l’ongle (bord libre), marquée par un fin liséré blanc opaque, est décollée du lit (rainure sous-unguéale); un épiderme très mince recouvre la base (repli sus-unguéal) et les bords latéraux du limbe (replis latéraux).
La surface de l’ongle présente souvent des stries longitudinales ou des petites taches blanches, sans signification pathologique, alors que des sillons transversaux ou des dépressions ponctuées témoignent d’une atteinte de la matrice par une affection locale ou générale.
On distingue, dans l’ongle, trois lames épithéliales kératinisées, étroitement unies: la table externe, la table interne et la lame intermédiaire, la plus épaisse, qui conserve des noyaux cellulaires. La croissance de l’ongle, ininterrompue depuis la vie fœtale jusqu’après la mort, est en moyenne de 0,10 mm par jour.
Vaisseaux et nerfs
Les vaisseaux cutanés sont abondants dans le derme et dans la papille du poil, mais ils ne pénètrent pas l’épiderme qui est, ainsi, non vascularisé. Ils sont de petit calibre: artérioles, veinules et surtout capillaires. Des anastomoses artério-veineuses directes (glomus) sont relativement nombreuses aux extrémités des doigts, bien qu’elles soient rarement visibles sur les coupes histologiques.
Le système nerveux cutané comprend, d’une part, des nerfs cérébro-spinaux, centripètes et sensitifs, qui assurent les fonctions sensorielles de la peau, et, d’autre part, des filets sympathiques, centrifuges, qui sont essentiellement vaso-moteurs et sécrétoires.
Les origines des fibres nerveuses cérébrospinales centripètes, appelées improprement «terminaisons sensitives », sont très différenciées suivant les incitations sensorielles qu’elles sont destinées à percevoir. Les corpuscules de Wagner-Meissner (sens du tact), en forme d’olives, surtout abondants à la pulpe des doigts, occupent chacun presque entièrement une papille dermique. Les corpuscules de Krause (sens du froid) sont également superficiels et situés sous la couche basale. Les corpuscules de Ruffini (sens du chaud) sont localisés dans le derme profond. Les corpuscules de Vater-Pacini (sens du tact et de la pression), les plus volumineux de ces organes sensoriels, sont facilement reconnaissables dans l’hypoderme, grâce à leurs lamelles conjonctives nucléées enroulées en bulbe d’oignon (fig. 4): ils siègent électivement dans les régions palmo-plantaires. Il existe, en outre, des terminaisons nerveuses libres, qui s’insinueraient dans l’épiderme et assureraient la sensibilité douloureuse. Les divers éléments sensitifs sont très nombreux aux extrémités des doigts, où l’on en compterait de 500 à 2 300 par centimètre carré.
2. Physiologie
La peau réalise une barrière de protection , isolant les tissus profonds du milieu extérieur. Le tégument est à la fois résistant et élastique. Sa cohésion est assurée par la texture très serrée des cellules de l’épiderme, jointes par des «ponts d’union» et par l’adhérence dermo-épidermique.
Un film cutané superficiel, mi-aqueux mi-graisseux (sueur, sébum, cellules cornées, provitamine D), recouvre tout l’épiderme. Il accroît le pouvoir de protection de la peau; il intervient contre les excès d’humidification et de dessiccation; il s’oppose aux changements brusques de température. Cette fine émulsion contribue, en outre, à maintenir l’acidité de la surface de la peau (manteau acide) dont le pH oscille entre 4,2 et 5,6 suivant les régions. Cette acidité est un facteur important de défense contre les microbes.
La peau joue ensuite un rôle essentiel dans la thermorégulation . D’une part, elle agit passivement par sa constitution physique: le tissu sous-cutané, la couche cornée et le sébum superficiel sont de bons isolants thermiques. D’autre part, elle intervient activement par des réflexes partant de ses «corpuscules» thermosensibles et se transmettant au centre régulateur hypothalamique.
La peau répond à ces incitations nerveuses thermiques par deux mécanismes: la sudation et les réactions vasomotrices.
L’évaporation de la sueur fait baisser rapidement et intensément la température du corps. La sudation n’est donc utile à la thermorégulation que si la sueur peut s’évaporer. Lorsque l’état d’humidité de l’atmosphère est très élevé, il empêche cette évaporation, favorisant ainsi une perte inutile d’eau et de sels qui peut aboutir à la déshydratation. Cela explique pourquoi l’organisme se défend mieux contre la chaleur sèche.
Les réflexes qui agissent sur le tonus vasculaire de la peau déterminent soit une vaso-dilatation à la chaleur, soit une vaso-constriction au froid.
Lieu d’échanges entre l’organisme et le milieu extérieur, la peau est une barrière sélective.
L’élimination aqueuse dépend de la perspiration et de la transpiration (cf. infra ). La quantité d’eau éliminée par la perspiration cutanée est légèrement supérieure à celle éliminée par les poumons et atteint 500 à 700 g par jour. Moins élevée chez la femme, diminuant avec l’âge, elle s’abaisse lorsque se produit une rétention hydrosaline (œdème).
L’élimination de C2 par la peau est minime, ne représentant que 1,3 p. 100 du C2 rejeté par les poumons: il ne s’agit pas d’une véritable «respiration cutanée». De même, l’élimination de l’urée par le tégument est extrêmement faible par rapport à celle du rein, bien que le taux de l’urée soit deux fois plus élevé dans la sueur que dans le sang.
L’absorption transcutanée est physiologiquement très réduite: eau, électrolytes, oxygène, gaz carbonique et autres gaz, à l’exclusion de l’oxyde de carbone, qui ne traverse pas l’épiderme. Ce passage serait, d’après certains auteurs, sous la dépendance de phénomènes d’électro-osmose: la peau, ayant une charge électrique négative, pourrait absorber les anions et serait imperméable aux cations. La traversée de la peau, de dehors en dedans, a par contre un grand intérêt en thérapeutique (médicaments introduits par voie transcutanée).
Plusieurs enzymes interviennent dans les différents métabolismes se passant dans la peau. Diverses vitamines (groupe des vitamines B, vitamines A, C) agissent également comme cofacteurs enzymatiques. Sous l’action des rayons ultraviolets, la vitamine O est synthétisée, dans l’épiderme, à partir des stérols (provitamine D) répandus dans le film lipidique de surface; elle est ensuite absorbée par la peau pour être répandue dans l’organisme, où son intervention est capitale dans l’utilisation du calcium et du phosphore. En revanche, la notion d’une substance active, considérée comme l’«hormone cutanée», est très vague: l’action des extraits de peau utilisés comme «thérapeutique tissulaire» est donc hypothétique.
La peau joue également un rôle dans les mécanismes immunitaires (cf. IMMUNITÉ et SYSTÈME IMMUNITAIRE, chap. 4 Immunités locales ).
Organe vivant, d’une extraordinaire activité et d’une remarquable plasticité (dont témoignent les possibilités offertes par les greffes cutanées), la peau reflète en outre les désordres généraux profonds.
3. Biochimie
Constituants chimiques
L’eau , inter- et intracellulaire, est en quantité relativement faible dans la peau (de 60 à 70 p. 100), la couche cornée étant très peu hydratée (10 p. 100). Les électrolytes sont assez abondants, surtout sous forme de chlorure de sodium (extracellulaire), de chlorures de potassium et de magnésium (intracellulaires) et d’une certaine quantité de calcium qui augmente avec l’âge. Le taux de glucose libre équivaut aux deux tiers de celui de la glycémie. Le glycogène, stocké par la peau du fœtus avant l’apparition de la fonction glycogénique du foie, n’existe ensuite que dans la moitié supérieure de la couche de Malpighi. Des glucides complexes (mucopolysaccharides), disposés tout le long de la jonction dermo-épidermique et imprégnant la substance fondamentale du derme, jouent un rôle capital dans la physiologie de la peau. Les lipides intracellulaires (stérols et phospho-lipides) interviennent également dans de nombreux processus métaboliques, alors que les lipides intercellulaires représentent surtout des réserves dont l’importance varie avec l’état de nutrition. Les protéines cutanées sont formées de longues chaînes d’acides aminés (polypeptides), qui sont enroulées et globuleuses dans les cellules malpighiennes, allongées et fibreuses dans le derme où elles constituent la charpente fibrillaire.
Métabolisme de l’épiderme
L’épiderme assure la transformation de ses propres cellules et leur renouvellement. Les cellules basales donnent naissance aux couches cellulaires sus-jacentes. Les cellules de la couche de Malpighi progressent constamment de la profondeur vers la surface et se reproduisent par division mitotique. Une assise cellulaire épidermique s’éliminerait toutes les 24 à 48 heures (desquamation de la couche cornée) et l’épiderme se renouvellerait en totalité en quelques dizaines de jours.
La kératinisation change les protéines globuleuses des cellules malpighiennes en protéines fibreuses allongées et flexibles de la couche cornée et des poils. Elle résulte de la transformation, par oxydation, de deux cellules de cystéine, formées chacune d’une chaîne polypeptidique soufrée, en une molécule de cystine, constituée ainsi de deux chaînes polypeptidiques qui sont réunies par des ponts. Les plus résistants de ces ponts sont les «ponts disulfures», détruits par le thioglycolate d’ammonium lors des «défrisages» et de la première phase des «permanentes».
La mélanogenèse consiste en une série de réactions cytochimiques qui transforment le propigment incolore (dopa), amené à la peau par le sang, en pigment cutané (mélanine) qui donne au tégument sa teinte plus ou moins brune.
La mélanine est une substance protéique complexe dérivant d’acides aminés (surtout tyrosine). Dans un premier temps, la tyrosine (amine soufrée) donne, sous l’action de la tyrosinase (enzyme), le propigment incolore ou dopa (di-oxy-phényl-alanine). Dans un deuxième temps, des cellules spéciales de la basale épidermique (cellules claires de Masson et cellules dendritiques) transforment la dopa en mélanine, par oxydation et sous l’effet de la dopa-oxydase, après formation d’un certain nombre de «corps intermédiaires». Le cuivre (cuproprotéine) active la tyrosinase, alors que celle-ci est inhibée par les groupements sulfhydriles (SH) de la peau, mais les radiations ultraviolettes (soleil, rayons U.V.) font perdre à ces groupements leur pouvoir inhibiteur, favorisant ainsi la pigmentation.
Chez les individus de race blanche, la plupart des «cellules claires» et des «cellules dendritiques», dites mélanocytes (ou mélanoblastes), restent incolores à l’état normal; il est impossible de les distinguer des cellules basales sur les préparations histologiques de routine. Mais ces mélanocytes contiennent l’enzyme (tyrosinase ou dopa-oxydase) qui les rend capables de fabriquer les grains noirs de mélanine: une réaction histochimique (dopa-réaction) peut mettre en évidence cette fonction spécifique des mélanocytes en les colorant en noir (cellules dopa-positives). On admet généralement que les mélanocytes et les mélanoblastes sont, embryologiquement, d’origine neuro-ectodermique (crête neurale). À côté des mélanocytes peuvent se trouver, dans le derme, des cellules pigmentées qui reçoivent en dépôt la mélanine élaborée en excès par les mélanocytes: ce sont les mélanophores .
La microscopie électronique a bien mis en évidence, à l’intérieur des mélanocytes (cellules dopa-positives), les corpuscules, dits mélanosomes , qui synthétisent la mélanine et qui, dans certaines circonstances, se développent et migrent, par les dendrites, dans les cellules épidermiques (mélanodermies).
Chez les Noirs, les grains de mélanine, en grande quantité dans la basale, sont répandus de plus dans les autres couches épidermiques.
D’autres cellules dendritiques à cytoplasme clair, ressemblant aux mélanocytes, sont présentes dans l’épiderme, bien reconnaissables en microscopie électronique: ce sont les cellules de Langerhans qui n’interviennent pas dans la formation de la mélanine (dopa-négatives), mais sont en relation étroite avec le système immunitaire.
Métabolisme du derme
Le derme, support de l’épiderme (charpente fibro-élastique), est de surcroît le siège de réactions biochimiques permettant les échanges entre le sang, la peau et le milieu extérieur. Ces processus métaboliques s’accomplissent essentiellement au sein de la «substance fondamentale», constituée par un gel colloïdal, et ils dépendent surtout des mucopolysaccharides (acide hyaluronique, acide chondroïtine-sulfurique, acide mucoïtine-sulfurique). Ces mucopolysaccharides sont, à l’état normal, fortement polymérisés afin de donner à la substance fondamentale son état visqueux. Cette viscosité assure la cohésion du système fibrillaire et contribue à former une barrière contre les infections.
La dépolymérisation des mucopolysaccharides se fait sous l’influence d’enzymes (hyaluronidases); elle rend la substance fondamentale plus fluide. Il s’agit là d’un phénomène surtout pathologique, et les hyaluronidases sécrétées par certains germes facilitent la diffusion des processus infectieux. Mais, normalement, le degré de polymérisation varie pour faciliter les échanges. L’acide chondroïtine-sulfurique contrôle le passage des électrolytes à travers la jonction dermo-épidermique, et l’acide hyaluronique régit, en grande partie, l’hydratation du derme.
Sécrétions cutanées
La sueur normale est sécrétée et excrétée par les glandes sudorales eccrines. Elle contient 990 p. 1 000 d’eau, 5 p. 1 000 de sels minéraux (surtout chlorure de potassium) et 5 p. 1 000 de substances organiques dont la moitié d’urée. La présence d’acide lactique et d’amino-acides lui confère une réaction acide (pH entre 4 et 6).
La sécrétion sudorale est à la fois permanente et épisodique. L’excrétion permanente, ou perspiration , est invisible à l’œil nu et immédiatement évaporée. Elle est assurée par une sécrétion des glandes eccrines, qui agissent à tour de rôle avec des repos de quelques minutes pour chaque groupe glandulaire, et elle est rythmée par un stimulus central. L’excrétion épisodique, ou transpiration , abondante et visible, se produit sous l’influence de la chaleur et des émotions, les réflexes sudoraux agissant par l’intermédiaire d’un centre nerveux, hypothalamique (chaleur) ou cortical (émotions).
La sécrétion sudorale est sous la dépendance d’incitations nerveuses d’ordre parasympathique: l’acétylcholine en est le médiateur chimique. L’expulsion de la sueur, au niveau de l’orifice des canaux sudorifères, obéirait à un mécanisme électrophysiologique (électro-osmose).
La sueur apocrine , de couleur laiteuse et d’odeur «caprylique», forme en séchant une sorte de colle solide. Elle est moins acide que la sueur eccrine (pH entre 5 et 6,5) et elle contient, en plus grande abondance, des graisses, de l’ammoniaque, des acides gras volatils et des chromogènes lui donnant une teinte bleue au contact de l’air. La sécrétion des glandes apocrines s’effectue suivant le type holocrine, c’est-à-dire par élimination du cytoplasme des cellules glandulaires. Elle obéit à l’incitation de fibres sympathiques avec, comme médiateur chimique, l’adrénaline. Se produisant surtout aux aisselles et aux régions génitales, la sueur apocrine est plus abondante dans le sexe féminin et augmente à la période prémenstruelle.
Le sébum est sécrété par les glandes sébacées, qui sont des glandes holocrines. Fluide dans les follicules pileux, le sébum est à l’état semi-solide sur la surface cutanée, imprégnant les couches disjointes du stratum corneum . Très peu hydraté, il contient une très forte proportion de lipides. La sécrétion de sébum subit une brusque poussée postpubertaire et obéit à des facteurs hormonaux. L’excès de sébum (séborrhée) n’est pas dû à la multiplication du nombre des glandes sébacées mais à l’augmentation de leur volume. L’expulsion du sébum est favorisée par la sueur.
4. Pathologie
La peau subit, plus que tout autre tissu, des agressions externes, physiques, chimiques et bactériologiques. Elle y répond par des réactions vasculaires et tissulaires non spécifiques (cf. INFLAMMATION TISSULAIRE), suivant un mécanisme parfois allergique [cf. ALLERGIE ET HYPERSENSIBILITÉ]. En second lieu, la peau est souvent le siège de manifestations qui dépendent de désordres internes, d’ordre infectieux, métabolique ou immunologique; ces symptômes cutanés sont fréquemment les signes révélateurs de la maladie générale en cause. Enfin, les divers tissus de la peau (épithélial, conjonctif, système pigmentaire) peuvent proliférer, soit par troubles de l’embryogenèse (dystrophies cutanées congénitales, nævi, angiomes), soit par l’action de facteurs acquis connus ou inconnus (tumeurs malignes et réticulopathies). Le domaine de la dermatologie est trop vaste pour que l’on puisse ici passer en revue toutes les affections de la peau. La syphilis et la lèpre, à traduction essentiellement cutanée, ainsi que la tuberculose et les affections vasculo-sanguines, sont étudiées dans d’autres articles (HÉMATOLOGIE, LÈPRE, SYPHILIS, TUBERCULOSE).
Une biopsie est si facile à pratiquer sur la peau qu’elle constitue un acte presque clinique: les malades ne doivent pas interpréter ce recours à des examens histologiques comme l’indice d’une affection maligne.
Lésions cutanées par facteurs exogènes
Facteurs physiques
Les agents mécaniques et physiques déterminent des plaies et des ulcérations traumatiques, accidentelles ou provoquées (pathomimie), des brûlures, des gelures (engelures), des lucites et des radiodermites post-thérapeutiques et professionnelles.
Les rayons lumineux naturels (soleil) ou artificiels (lampes à bronzer, photothérapie), surtout les rayons ultraviolets B (290-320 nm), déterminent des réactions cutanées de phototoxicité ou de photoallergie . Les premières sont du type «coup de soleil», allant du simple érythème ou du hâle solaire à des manifestations importantes de brûlure. Les procédés pour provoquer ou accélérer le bronzage doivent, ainsi, être utilisés avec prudence. La photosensibilité , variable suivant les sujets (facteur familial), peut être à l’origine de manifestations allergiques diverses, surtout du type eczéma. Elle relève parfois d’agents photosensibilisateurs exogènes (médications externes ou internes, plantes, etc.) ou, plus rarement, d’un trouble métabolique général [cf. PORPHYRINES ET PORPHYRIES]. Pour éviter toutes ces réactions, des crèmes protectrices sont à conseiller, allant de l’«écran total» à des crèmes filtrantes de coefficient antisolaire plus ou moins élevé; chez les sujets à fort degré de photosensibilité, on adjoindra la prise préventive orale d’amide nicotinique (Nicobion) ou même d’antipaludéens. Les expositions solaires répétées peuvent, en outre, créer une sénescence précoce de la peau (kératose, atrophie cutanée) et, surtout, elles peuvent favoriser les cancers cutanés (épithéliomas du visage et des mains).
Facteurs chimiques, végétaux et vénéneux
Les substances chimiques agissent par causticité (escarres, ulcérations nécrotiques) ou par irritation orthoergique. Les dermites de contact («dermites artificielles») se traduisent par des nappes érythémato-œdémateuses, vésiculeuses (eczéma) ou bulleuses, dont le siège et la configuration sont des éléments essentiels du diagnostic. Lorsqu’il s’agit d’une allergie, celle-ci est du type «retardé», mise en évidence par les tests épicutanés [cf. ALLERGIE ET HYPERSENSIBILITÉ]. Ces manifestations cutanées de cause externe sont devenues extrêmement fréquentes du fait de la multiplication des produits cosmétiques, ménagers, vestimentaires et en raison de l’usage intempestif de certaines médications locales. La diversité des productions industrielles a également augmenté le nombre des dermatoses professionnelles.
Citons, parmi les substances susceptibles de devenir des allergènes: les teintures de cheveux (paraphénylène et paratoluènediamine, aminophénols), le rouge à lèvres, les fards et crèmes de beauté, les détersifs, les vêtements et sous-vêtements (tissus synthétiques, formol-urée, teintures, apprêts), le caoutchouc, les insecticides (DDT), le ciment, les peintures, les médicaments externes (iode, sels mercuriels, antibiotiques, sulfamides, antihistaminiques, crème au phénergan, anesthésiques, sparadrap), le nickel, le chrome.
Selon le même mécanisme de sensibilisation agissent certaines substances végétales (primevères, lierre, thuya, fruits, légumes, bois, herbes), parfois par l’effet conjugué du soleil et de l’humidification de la peau (dermite des prés). On doit ajouter à tous ces facteurs provoquant des réactions dermiques les piqûres d’insectes (guêpes) et d’araignées qui provoquent des accidents locaux et généraux, parfois très graves.
Les produits chimiques, surtout médicamenteux, peuvent également déterminer des réactions cutanées lorsqu’ils sont introduits par voie orale ou par injection, réalisant des toxidermies . Ces allergies internes, dues au conflit antigène-anticorps circulants [cf. ALLERGIE ET HYPERSENSIBILITÉ], peuvent être confirmées par les tests intradermiques (risque de réactions générales) ou par des méthodes sérobiologiques (test de transformation lymphoblastique). Leurs manifestations cutanées sont variées: urticaire, œdème de Quincke, purpura, éruptions diverses, érythrodermie généralisée, ou même épidermolyse suraiguë (syndrome de Lyell) de très haute gravité. Les antibiotiques (pénicilline, streptomycine, chloramphénicol), les sulfamides, la procaïne, les bromures et iodures en sont les principaux responsables.
Chez le même sujet sont souvent conjugués les deux types d’hypersensibilisation, externe et interne. On doit insister sur les sensibilisations au «groupe para », essentiellement réalisées par la procaïne (novocaïne, pénicilline-retard à base de procaïne), les sulfamides locaux et généraux, les teintures de cheveux. Il faut interdire définitivement aux sujets sensibilisés à l’une de ces substances le contact avec les autres corps de ce groupe. C’est ainsi que, chez des individus ayant eu des accidents avec des sulfamides ou des teintures, une injection de novocaïne peut provoquer des accidents sérieux, parfois mortels. L’indication de ces intolérances doit être inscrite sur les cartes de groupe sanguin.
L’acte thérapeutique fondamental est de supprimer l’usage de l’allergène lorsqu’il est reconnu. Les antihistaminiques et les cortisoniques, par voie générale, s’imposent en présence d’accidents graves.
Facteurs infectieux
Les microbes, les virus ou les champignons donnent lieu à des lésions cutanées d’aspect plus ou moins bien caractérisé. Rappelons en premier lieu le bacille tuberculeux , le bacille de la lèpre , les tréponèmes (cf. TUBERCULOSE, LÈPRE, SYPHILIS). Le staphylocoque est surtout responsable d’inflammations suppuratives des follicules pileux (folliculites, furoncles). Le streptocoque détermine des placards de dermo-épidermites aiguës (érysipèle), subaiguës et chroniques, ainsi que des hypodermites nodulaires et en nappes. Les virus de l’herpès, du zona, de la varicelle, de la variole, de la vaccine, ne sont pas les seuls à se manifester sur la peau, et un nombre croissant de viroses cutanées sont identifiées (Molluscum contagiosum , kérato-acanthome) ou soupçonnées. Les champignons pathogènes, de plus en plus répandus, provoquent les uns des dermites des plis et des lésions des muqueuses surtout génitales (levures du type Candida albicans ), les autres des teignes des cheveux et des lésions vésiculeuses ou folliculaires de la peau glabre (dermatophytes du type trichophyton et microsporon ): un examen myco-bactériologique permet de déceler et d’identifier les champignons responsables de ces mycoses.
Les antibiotiques et les sulfamides ont transformé le pronostic d’infections microbiennes autrefois graves (staphylococcie maligne de la face, érysipèle). Les antifungiques, depuis l’emploi de la nystatine et de l’amphotéricine B, pour le Candida albicans , et, dans le cas des dermatophytes, de la griséofulvine par voie orale, représentent également un progrès thérapeutique considérable. On tend à leur subtituer les dérivés de l’imidazole.
Dermatoses atopiques
L’absence de réactogène reconnu et l’importance du terrain, autrefois appelé «diathésique», ont conduit à la création du terme de dermatose atopique pour qualifier essentiellement l’eczéma constitutionnel . Celui-ci apparaît dès la première enfance (eczéma du nourrisson) et se prolonge parfois toute la vie, souvent intriqué à l’asthme. Localisé électivement sur le visage, aux plis des coudes, aux creux poplités, cet eczéma constitutionnel évolue par poussées. Le traitement, en dehors d’influences climatiques et géographiques favorables, est très décevant.
Dermatoses auto-immunes
L’apparition anormale d’anticorps contre les cellules de son propre organisme (auto-anticorps) a, très souvent, une traduction cutanée révélatrice de la maladie. Dans ce groupe, de plus en plus riche, des affections auto-immunes figurent: le lupus érythémateux , se manifestant par un érythème du visage, en ailes de papillon (vespertilio) et par des taches érythémateuses sur d’autres régions du corps; la dermatomyosite , dont la composante cutanée est faite d’œdème violacé périorbitaire, de bandes érythémateuses du dos des doigts, de plaques rouges des coudes et des genoux; la périartérite noueuse , se traduisant par des nodules douloureux et par du purpura. Il s’agit là d’affections générales «de système», à symptomatologie polymorphe viscérale, articulaire, musculaire ou nerveuse suivant les maladies en cause.
D’autres dermatoses s’accompagnent également d’anomalies immunologiques, mais leur mécanisme physiopathologique est souvent imprécis: dysglobulinémies , cryoglobulinémies , pyodermite phagédénique (pyoderma gangrenosum). C’est dans ce groupe qu’on pourrait ranger les pemphigus et, avec plus de réserves, l’autre grande bullose représentée par la maladie de Duhring-Brocq avec sa variété macrobulleuse (pemphigoïde). Pour mieux différencier ces deux grandes bulloses primitives, des critères immunologiques (tests d’immunofluorescence) ont été ajoutés aux critères cliniques et histologiques, et on a isolé une nouvelle entité, la pemphigoïde .
Toutes ces affections, de pronostic parfois grave, ont bénéficié des médications anti-inflammatoires nouvelles (cortisone, immuno-dépresseurs).
Dermatoses dysmétaboliques
La perturbation de divers métabolismes généraux ou locaux est à l’origine des «dermatoses de surchage» (thésaurismoses), se traduisant par des papulo-nodules, par des infiltrations ou par des tumeurs. Ce trouble dysmétabolique peut porter sur la mucine (mucinoses papuleuses, scléromyxœdème, dermopathie basedowienne), sur l’amyloïde (lichen amyloïde, amyloïdose systématisée de Lubarsch-Pick), sur la substance hyaline (lipoïdo-protéinose d’Urbach-Wiethe), sur les lipides (xanthomes normo- et hyperlipémiques, xanthomatose hypercholestérolémique), sur l’acide urique (tophi goutteux), sur le calcium (calcinoses).
Les examens histologiques, avec colorations spéciales, précisent la nature de la substance déposée dans le derme ou dans l’hypoderme. Cette substance est également déterminée par d’autres recherches biochimiques (sang, bilans viscéraux). Les traitements sont locaux ou généraux, médicamenteux et diététiques.
Dermatoses isolées
Il est impossible d’énumérer les nombreuses affections qui, dans la plupart des cas, se limitent à la peau et dont l’étiopathogénie est souvent imprécise.
Le psoriasis est une des dermatoses isolées les plus fréquentes. Débutant à tout âge, avec un caractère parfois familial, le psoriasis est constitué par des placards bien limités, formés de lamelles squameuses sèches et pluristratifiées, se détachant en abondance. Localisée électivement au cuir chevelu, aux coudes et aux genoux, mais pouvant s’étendre à tout le tégument (érythrodermie psoriasique), cette dermatose évolue par poussées capricieuses, souvent pendant toute la vie. Diverses médications générales, la PUVA-thérapie, des topiques locaux et des pommades corticoïdes (avec ou sans pansement occlusif), des cures climatiques (soleil et mer) et thermales peuvent avoir une action bénéfique. La seule localisation extracutanée est représentée par le rhumatisme psoriasique.
Le lichen plan est également une dermatose relativement commune. Il se traduit, sur la peau, par des papules très purigineuses et, sur les muqueuses (bouche), par des réseaux blanchâtres. De durée variable, parfois récidivant, le lichen plan cutané n’est gênant que par les démangeaisons qu’il occasionne et par son caractère inesthétique (pigmentations résiduelles transitoires). Il peut être soigné avec succès par diverses thérapeutiques (arsenicaux, radiothérapie radiculo-médullaire, sédatifs nerveux).
Ces deux affections sont considérées, par plusieurs auteurs, comme des affections psychosomatiques . Il est indiscutable que des poussées de psoriasis et de lichen sont occasionnées par des facteurs psychiques et émotionnels. Dans le cadre des dermatoses psychosomatiques, plus ou moins étendu suivant les conceptions de chacun, on citera également: certains eczémas; des prurits généralisés ou localisés, sans autre cause patente, pouvant provoquer des pigmentations et des épaississements de la peau par grattages répétés (lichénification, névrodermite); la pelade; des alopécies diffuses, survenant après des dépressions nerveuses et créant, souvent, une véritable obsession.
Dysembryoplasies cutanées
La peau, comme d’autres tissus, peut avoir un développement vicié au cours de son évolution embryologique, du fait d’anomalies génétiques, souvent héréditaires (génodermatoses), ou, plus rarement, sous l’influence de facteurs acquis in utero (embryopathies). Les lésions cutanées de ces affections, dites congénitales, bien qu’elles puissent ne pas être apparentes à la naissance, sont parfois associées à des dysplasies nerveuses, vasculo-sanguines ou viscérales.
Parmi les dysembryoplasies, habituellement familiales, étendues à tout le tégument ou à une partie de celui-ci, on mentionnera les épidermolyses bulleuses , les hyperkératoses congénitales (ichtyose, érythrodermie ichtyosiforme, kératodermie), des atrophies et hypoplasies de l’épiderme et du derme, la neurofibromatose de Recklinghausen, l’épiloïa (sclérose tubéreuse de Bourneville), l’angiomatose hémorragique de Rendu-Osler .
Nævi
Les nævi sont des dysplasies cutanées circonscrites, existant à la naissance ou se révélant au cours de la vie.
Les nævi nævo-cellulaires constituent un groupe très particulier de nævi, du fait que les cellules qui les composent sont susceptibles, dans des cas heureusement exceptionnels, de subir une dégénérescence maligne. Ces nævi sont dus à la prolifération de «cellules næviques de Unna», qui sont des mélanocytes (mélanoblastes embryonnaires), semblables aux mélanocytes normaux de l’épiderme mais rassemblés en amas (thèques næviques).
Les nævi pigmentaires communs sont les vulgaires « grains de beauté», petites taches lenticulaires brunes ou noires, planes ou légèrement bombées, qui existent, en plus ou moins grand nombre, chez tout individu. Plus rares sont les nævi pigmentaires en dôme, en élevure mamelonnée ou en placard elliptique de plusieurs centimètres. Exceptionnels sont les nævi géants, monstrueux, recouvrant toute une partie du corps («en pèlerine», «en maillot de corps»).
La topographie histologique des thèques næviques a une signification pronostique importante. Alors que les «nævi intradermiques» sont quiescents, les «nævi jonctionnels» de la zone dermo-épidermique sont doués d’un potentiel de transformation maligne. Ce critère histologique ne peut être connu que sur des nævi déja enlevés en totalité, toute biopsie partielle étant interdite par des risques d’essaimage cellulaire. Or, l’examen clinique ne permet pas toujours de faire la distinction entre ces deux types de nævi.
Bien que la dégénérescence cancéreuse (nævo-carcinome) soit très rare, elle exige la plus grande prudence. Un «grain de beauté» ne doit jamais être soumis à des irritations (grattage, frottement par vêtements). Un nævus accidentellement traumatisé (écorchure, blessure) doit être immédiatement détruit. La suppression d’un nævus s’impose lorsque apparaissent les signes d’une transformation maligne (cf. infra : Nævo-carcinomes ). Même l’ablation d’un nævus dans un but esthétique oblige à prendre toutes les précautions, ce qui fait passer au second plan le souci d’obtenir une cicatrice parfaite.
Que l’intervention consiste en une électrocoagulation (nævi de petite taille) ou en une ablation chirurgicale (nævi de large étendue), elle doit inclure une «collerette de sécurité» périphérique, qui agrandit la cicatrice.
Tous les procédés mineurs (neige carbonique, galvano-cautérisation, caustiques chimiques) sont à exclure.
Les nævi non nævo-cellulaires (nævi simples) ne représentent qu’une hyperplasie ou une hypoplasie des éléments normaux de la peau, et ils ne sont pas susceptibles de dégénérer en nævo-carcinomes: nævus verruqueux, nævus sébacé, nævi molluscum et pendulum.
Angiomes
Les angiomes sont des hyperplasies des vaisseaux du derme ou de l’hypoderme. Ce sont des taches ou des exubérances, de couleur rouge sang, souvent inesthétiques, mais ne comportant pas de risques de dégénérescence maligne.
Les angiomes plans («taches de vin») persistent durant toute la vie; le laser semble être le traitement actuel le moins décevant. Seuls les angiomes pâles de la racine du nez et des paupières supérieures s’effacent spontanément avant l’âge de un an. Les angiomes tubéreux dermiques («fraises»), formant de petites tumeurs rouges saillantes, disparaissent très souvent dans la deuxième enfance; ils sont facilement et sans danger effacés par la neige carbonique: cette évolution favorable est due au caractère «immature» des capillaires néoformés. Les angiomes hypodermiques , constituant des tumeurs sous-cutanées de couleur normale ou bleutée, sont des angiomes «matures», ce qui explique leur stabilité, sans tendance à l’extension ni à la régression. D’emblée ou après échec du traitement par la neige carbonique et les injections sclérosantes, ils peuvent être enlevés chirurgicalement. Les angiomes volumineux , monstrueux, électivement localisés sur une hémiface, sont, en partie tout au moins, des angiomes «immatures», nettement évolutifs: ils progressent de façon en apparence menaçante, dans la première année de la vie, puis presque la totalité d’entre eux régressent et finissent par s’atténuer considérablement. Aussi est-il préférable de s’abstenir de toute thérapeutique, ce qui exige beaucoup de patience et de confiance de la part des parents.
Il existe d’autres types d’angiomes, les uns banals et bénins (angiomes stellaires tardifs; points rubis dits séniles), d’autres complexes et graves, de par leur association à des malformations vasculaires profondes (angiodysplasies ostéo-hypertrophiques), à des angiomes cérébraux (angiomatose encéphalotrigéminée) ou viscéraux, ou à des troubles métaboliques généraux (angiokératome diffus de Fabry).
Tumeurs bénignes nævoïdes
Beaucoup de tumeurs bénignes ont une origine vraisemblablement dysembryoplasique. Elles dérivent des annexes de l’épiderme (glandes et canaux sudoraux, follicules pileux, glandes sébacées) ou des éléments fibroblastiques, vasculaires, musculaires et graisseux du derme et de l’hypoderme: hidradénomes, tricho-épithéliomes, kystes sébacés, histiocyto-fibromes, tumeurs glomiques, léiomyomes, lipomes. Leur traitement ne peut être que chirurgical ou physiothérapique (neige carbonique, azote liquide).
Tumeurs malignes
Épithéliomas cutanés
Les épithéliomas de la peau sont les cancers les plus fréquents, mais aussi les plus faciles à détecter, dès leur apparition, par l’examen clinique ou histologique (biopsie). Ils sont les plus susceptibles d’être traités précocement et efficacement. Ils sont favorisés par le soleil, ce qui explique, en partie, la localisation élective au visage. Ils se développent souvent sur des dermatoses préexistantes (kératoses, «crasse sénile», radiodermite, brûlure étendue), dont l’ablation permet de réaliser un traitement prophylactique. La dyskératose de Bowen, ainsi que la maladie de Paget du mamelon, précédant ou accompagnant un cancer du sein, sont déjà des épithéliomas.
Deux types d’épithéliomas cutanés s’opposent en raison de leur structure histologique et de leur pronostic
Les épithéliomas baso-cellulaires occupent, dans le groupe des cancers, une place tout à fait à part, car ils ont une stricte malignité locale, une très lente évolution, sans atteinte des ganglions et sans métastases. Cette absence de dissémination à distance leur confère un pronostic particulièrement favorable (95 p. 100 de guérison) lorsqu’ils sont détruits avant qu’une extension de proche en proche ne les transforme en tumeurs parfois largement ulcéreuses et mutilantes. La localisation aux muqueuses est exceptionnelle.
Ces épithéliomas gardent souvent, pendant plusieurs années, l’aspect très banal de minimes élevures translucides, de petites plaques atropho-cicatricielles bordées par des grains opalins (perles épithéliomateuses) ou d’ulcérations superficielles semblables à des écorchures. On doit se méfier de la persistance de ces lésions.
Plusieurs épithéliomas baso-cellulaires peuvent coexister ou apparaître successivement (rôle nocif du soleil). Ces épithéliomas multiples ou récidivants prennent parfois une allure grave (atteinte des orbites, des narines) et désespérément rebelle (épithéliomas centrofaciaux).
Les épithéliomas spino-cellulaires sont, par contre, susceptibles d’envahir les ganglions et de présenter des métastases, surtout lorsqu’ils sont localisés aux muqueuses (lèvres, langue) et aux organes génitaux. Cet épithélioma le plus souvent unique forme habituellement une tumeur végétante et ulcérée, infiltrée et saignant facilement.
Le traitement des épithéliomas cutanés dépend plus de leur siège, de leur étendue et de leur volume que de leur type histologique. Suivant les cas, on a recours à l’électrocoagulation, à la chirurgie, aux radiations ionisantes, au bétatron ou au cobalt. Un curage ganglionnaire systématique est justifié pour les épithéliomas spino-cellulaires des muqueuses et des organes génitaux.
Nævo-carcinomes (mélanomes malins)
Le nævo-carcinome dérive des cellules næviques (mélanoblastes). Il était classiquement admis que ce processus malin était presque toujours dû à la transformation d’un nævus pigmentaire datant de l’enfance ou apparu tardivement. Cette dégénérescence doit être soupçonnée lorsque le «grain de beauté» grandit ou se boursoufle assez brusquement, lorsqu’il devient rapidement plus foncé, par places ou en totalité, lorsqu’il s’entoure d’un halo rose, lorsqu’il s’infiltre en profondeur, lorsqu’il s’érode, s’ulcère et saigne. La survenue de ces modifications impose l’examen immédiat par un dermatologiste.
Les statistiques récentes montrent qu’une très forte proportion de mélanomes malins se développent d’emblée, sur une peau cliniquement saine, sans nævus apparent préexistant. Il en est ainsi du fréquent «mélanome à extension superficielle» (S.S.M.), observé particulièrement sur une jambe de femme.
De nombreux critères pronostiques, surtout histologiques, constituant la base de diverses classifications, ont été proposés, mais l’évolution des mélanomes est assez imprévisible.
Le nævo-carcinome, susceptible d’essaimer à distance, doit être enlevé très largement par électrocoagulation ou par électrochirurgie; la nécessité d’un curage ganglionnaire est discutée.
Sarcomes cutanés et réticulopathies malignes
Les sarcomes cutanés vrais, proliférant à partir des éléments conjonctifs du derme ou de l’hypoderme, sont très rares par rapport à ceux des autres régions: fibrosarcomes, angiosarcomes, liposarcomes. Moins exceptionnel est le dermato-fibrosarcome de Darier-Ferrand , de faible malignité, d’extension lente, sans dissémination métastique.
Les sarcomes cutanés du tissu hémolymphopoïétique (lympho- ou réticulosarcomes) s’intègrent dans le cadre des hémopathies malignes (hématodermies). Ils constituent les placards infiltrés, les nodules, les érythrodermies et les tumeurs des hémopathies cutanées malignes , du syndrome du Sézary et du mycosis fongoïde . Le mycosis fongoïde est une hémo-granulomatose au même titre que la maladie de Hodgkin, mais il diffère histologiquement de celle-ci et il est uniquement localisé à la peau. Ces hémo-réticulopathies malignes, ainsi que les leucémies cutanées qui peuvent leur succéder ou survenir d’emblée, sont traitées par radiothérapie, corticothérapie et par des médications antimitotiques.
C’est entre les sarcomes et les réticuloses que se place la maladie de Kaposi (acro-angiosarcome). Les plaques et nodules, d’un rouge violacé, d’aspect angiomateux, envahissent lentement les membres, pouvant conduire tardivement à la cachexie ou à la constitution de véritables sarcomes cutanés, osseux, ganglionnaires, viscéraux. Les immunorégulateurs ou la radiothérapie peuvent arrêter l’extension de la maladie. La fréquence de ce syndrôme dans le sida a banalisé, hélas, cette pathologie.
peau [ po ] n. f.
• pel 1080; sing. refait sur le plur. pels, peals; lat. pellis « peau d'animal »
1 ♦ Enveloppe extérieure du corps des animaux vertébrés, constituée par une partie profonde (⇒ derme) et par une couche superficielle (⇒ épiderme). La peau et ses appendices (poils, plumes, écailles). Relatif à la peau. ⇒ cutané, épidermique. Reptile qui change de peau. ⇒ mue. Enlever, détacher la peau d'un animal. ⇒ dépiauter, dépouiller.
♢ Cour. L'épiderme humain. « Il n'y a pas de plus fin, de plus riche, de plus beau tissu que la peau d'une jolie femme » (France). Couleur de la peau. Peau blanche, noire. « Notre peau est jaune, la leur est blanche [dit un Japonais]; l'or est plus précieux que l'argent » (Farrère). Peau claire, bronzée. Types de peau (peau grasse, sèche, mixte). Peaux sensibles. Loc. Une sensibilité à fleur de peau. — Soins de beauté de la peau (⇒ cosmétique) . Crèmes de soins pour la peau. Étude, soins des maladies de la peau (⇒ dermatologie) . Affections de la peau (acné, boutons, cloques, crevasses, eczéma, dermatose, furoncle, gerçures, impétigo, verrues...). Troubles de la pigmentation de la peau (albinisme, mélanisme). Marques laissées sur la peau. ⇒ bleu, cicatrice. Médicament absorbé par la peau (⇒ percutané) . — Loc. N'avoir que la peau et les os. — Fam. Se faire crever, trouer la peau : se faire tuer. Recevoir douze balles dans la peau. Attraper qqn par la peau du cou, du dos, des fesses, du cul, le retenir au dernier moment. Coûter la peau des fesses, très cher (cf. Les yeux de la tête). Avoir qqn dans la peau, être lié à lui (elle) pour des raisons sexuelles. — Fam. Peau de vache. En peau de toutou.
♢ Une peau : petit morceau de peau. Se couper les peaux autour des ongles. ⇒ envie. Peaux mortes : petits morceaux de peau desséchée.
2 ♦ Fig. (dans des expr.) Apparence extérieure, personnalité de qqn. Je ne voudrais pas être dans sa peau, à sa place. Entrer, être dans la peau d'un personnage. Être bien (ou mal) dans sa peau : se sentir à l'aise (mal à l'aise); pouvoir (ne pas pouvoir) se supporter. « Il se sentait à présent beaucoup mieux dans sa peau » (Beauvoir). Faire peau neuve : changer complètement de manière d'être. « Il sortait du saltimbanque et entrait dans le lord. Changements de peau qui sont parfois des changements d'âme » (Hugo). Par ext. (Choses) Se renouveler, se moderniser. La vieille institution fait peau neuve.
♢ (1850) Fam. dans des loc. La vie, l'existence. Tenir à sa peau. Jouer, risquer, sauver sa peau; y laisser sa peau. « Il se sentait capable de tout pour sauver sa peau, de fuir, de demander grâce, de trahir, et pourtant il ne tenait pas tellement à sa peau » (Sartre). Avoir la peau de qqn, se venger. J'aurai ta peau ! « Il brandissait les poings, il gueulait qu'il aurait leur peau à tous » (Zola). On lui fera la peau : on le tuera.
3 ♦ (1845 « prostituée ») Fam. et péj. Vieille peau : vieille femme. « Il culbutait la Bécu dans les coins, tout en la traitant de vieille peau, sans délicatesse » (Zola).
4 ♦ (XVe ) La dépouille de certains animaux destinée à fournir la fourrure, le cuir. Traitement, travail de peaux. ⇒ cuir; tannage. « À côté d'elle logeait un artisan tanneur. Il tannait chez lui de petites peaux d'animaux. Il les pendait pour les faire sécher aux volets de sa fenêtre » (Giono). Ouvriers des cuirs et peaux : corroyeurs, mégissiers, tanneurs, etc. Peau de chamois. Étui en peau de serpent. Peau de raie, de squale traitée. ⇒ galuchat. La peau de l'ours. Les peaux d'un manteau de fourrure. ⇒ pelleterie. « Une collection de valises plates en peau de porc » (Larbaud). Peau lainée : peau de mouton avec sa laine. — Reliure pleine peau : entièrement découpée dans une peau. — Absolt Cuir fin et simple. Culotte de peau. Gants de peau.
♢ (1882) Fam. Peau d'âne : diplôme, parchemin. — Peau de chagrin (allus. au roman de Balzac) :bien matériel ou moral qui s'amenuise.
5 ♦ Peau de tambour.
6 ♦ (1538) Enveloppe extérieure des fruits. ⇒ épicarpe. Enlever, ôter la peau d'un fruit. ⇒ peler. Peau de pêche; fig.tissu à l'aspect duveteux. ⇒ microfibre. Glisser sur une peau de banane. Par anal. Peau d'orange, aspect granuleux de l'épiderme, dans la cellulite.
♢ Peau du saucisson : enveloppe fine extérieure.
♢ Peau du lait : pellicule qui se forme sur le lait au repos.
7 ♦ (1872) Pop. Peau de balle, et vulg. Peau de zébi : rien du tout. « C'est toute la pièce ou peau de zébi » (Céline). Absolt La peau ! exclamation de refus, de mépris. « Pour ce qui est des bougies [...] la peau ! [...] elles sont sous clé » (Mirbeau).
⊗ HOM. Pot.
● Peau femme de mauvaise vie.
peau
n. f.
rI./r
d1./d Tissu résistant et souple, constitué de plusieurs couches cellulaires, qui recouvre le corps des vertébrés.
d2./d épiderme de l'homme. Les pores, la pigmentation de la peau.
|| Loc. Fam. N'avoir que la peau sur les os: être très maigre.
— être bien, mal dans sa peau: être à l'aise, mal à l'aise.
rII./r (Dans des expr. fig.)
d1./d Fam. La peau de qqn, sa vie, sa personne.
d2./d Personnalité de qqn. Se mettre dans la peau de qqn, s'imaginer à sa place.
rIII/r Cuir, fourrure dont on a dépouillé un animal. Peaux de mouton.
|| Sac en peau, en fin cuir souple.
rIV./r Loc. fig. Vendre la peau de l'ours: V. ours.
rV./r
d1./d Enveloppe d'un fruit. Peau d'une pêche.
d2./d Pellicule qui se forme à la surface de certains liquides, de certaines substances. Peau du lait bouilli.
d3./d Fausses membranes qui se forment pendant certaines maladies (notam. dans la gorge dans certaines angines).
d4./d ELECTR Effet de peau: concentration du courant au voisinage de la surface d'un conducteur, observée pour des courants alternatifs de fréquence élevée. Syn. effet Kelvin.
⇒PEAU, subst. fém.
A. —1. Membrane résistante, imperméable et élastique qui recouvre le corps des animaux vertébrés et de certains invertébrés. Épaisseur, résistance de la peau; être gras à pleine peau. Les quadrupèdes ont la peau couverte de poils; les pores de la peau (Ac. 1835-1935). Imaginons qu'on ait circonscrit à la surface de la peau une région où les impressions tactiles acquièrent leur maximum de finesse et de netteté (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.163).
a) ANAT. Organe qui recouvre le corps de certains animaux, formé du derme en profondeur, richement innervé et vasculé, et de l'épiderme en surface, qui a un rôle de protection, muni d'annexes (ongles, bec, phanères, corne(s), griffe(s), poils, etc.), uni aux plans sous-jacents par un tissu cellulaire sous-cutané et assurant le toucher, la régulation thermique et certaines fonctions d'excrétion. La peau et le rein sont alors organes excréteurs, non de la nutrition, mais bien de la digestion (BICHAT, Rech. physiol. vie et mort, 1822, p.13).
b) En partic. Repli de peau. (Dict.XIXe et XXes.).
c) P. méton., subst. masc. Peau-bleue. Requin d'assez grande taille qui a le dos d'un bleu assez soutenu et le ventre blanc (d'apr. POLLET 1970). Peau-rouge.
2. En partic.
a) Peau de l'être humain. Synon. couenne (fam.), cuir (vx ou plais.), épiderme. Celui-là était un maigre, un paysan tout en os couverts de peau sans chair, un de ces hommes qui vivent un siècle (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Fermier, 1886, p.654). Mais pour une comédienne, qui rentre chez elle la peau fatiguée et amollie par les fards, le mieux, après un lavage tonifiant, est d'assurer au visage quelques heures de liberté complète (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.122).
SYNT. Peau basanée, blanche, bronzée, brune, claire, cuisante, cuivrée, dorée, douce, fine, flasque, fraîche, hâlée, hâve, lactée, lisse, luisante, lumineuse, marbrée, mate, moirée, moite, molle, nacrée, nette, noire, nue, parcheminée, plissée, propre, racornie, râpée, rêche, ridée, rude, rugueuse, sèche, sensible, sombre, souple, squameuse, tendre, transparente, veinée, veloutée, vergetée, vermeille, violette; lambeaux de peau; cancer, hygiène, maladie, soins de la peau; être dur de peau; arracher, blesser, crever, effleurer, égratigner, érafler, fendre, gonfler, griffer, lacérer la peau.
) Loc. adv. À fleur de peau.
) Loc. verb.
♦(Être) en peau (vieilli). (Être) en grand décolleté. Femmes en peau. Dans la rue, les robes montantes, avec ces tuniques, là, ça ne dit pas grand'chose. Mais le soir, avec le tralala, quand elles sont en peau! Je te choque? (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.203).
♦Avoir la peau dure. Être très résistant, très endurant. Je puis vivre seul, Car j'ai la peau dure (CROS, Coffret santal, 1873, p.84).
♦Avoir le sang sous la peau, mettre (à qqn) le sang sous la peau. Rougir, faire rougir quelqu'un. Il avait cette carnation fragile de la jeunesse, chez les bruns qui ont pour un rien le sang sous la peau (ARAGON, op.cit., p.276).
♦Avoir (ou verbe exprimant un état) la peau sur les os, n'avoir que la peau et/sur les os. (Être) très maigre. On pourrait choisir, mais ça dépend des natures, devenir gras ou crever la peau sur les os (CÉLINE, Voyage, 1932, p.167).
♦Porter à la peau. Altérer la peau. Certains aliments, les moules, les crustacés portent à la peau (Ac. 1935).
♦Crever, faire la peau (à qqn) (pop.). Tuer quelqu'un. Bon nombre d'individus —le monde des apaches en regorge! —n'hésiteraient pas à sacrifier leur peau, si cela était nécessaire, au plaisir de crever la peau à leur prochain (COURTELINE, Boubouroche, Philos. Courteline, 1917, p.127).
♦Mettre, flanquer (fam.), loger une balle dans la peau. Tuer d'un coup de feu. Il tire donc son revolver et le garde à la main, histoire de se rassurer. —Oui. À ce moment un pauvre type se présente, et il lui loge une balle dans la peau, sans lui avoir seulement souhaité le bonsoir (BERNANOS, Crime, 1935, p.824).
♦(Prendre, recevoir, etc.) x balles dans la peau. Je lui en aurais fait voir, moi, à ce soudard. Pour commencer, au poteau! Et douze balles dans la peau! (SARTRE, Mots, 1964, p.42).
♦(Attraper, prendre, saisir, retenir, etc.) par la peau du cou, du dos, du cul (vulg.). (Attraper, etc.) de manière énergique et sans ménagement. Ferdinand n'a sûrement pas mauvaise intention. —Par la peau du cul que je vas te le sortir, le vétérinaire! (AYMÉ, Jument, 1933, p.190).
— Au fig., fam. ou pop.
♦Avoir qqc. dans la peau. Avoir quelque chose qui pousse à agir, à se comporter de telle ou telle manière. On lui demandait seulement de rentrer coucher. —Dis? Qu'est-ce que tu as dans la peau, à ton âge? (ZOLA, Germinal, 1885, p.1331).
♦Avoir qqn dans la peau (pop.). Être très amoureux de quelqu'un. Une femme de mon âge, ça ne se désintoxique pas du garçon qu'elle a dans la peau (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.33).
♦Avoir dans la peau de + inf. Avoir naturellement tendance à faire telle ou telle chose. C'est son gamin qui l'a prise, comme le Zèphe l'aurait prise: ils ont dans la peau de voler et de dénoncer (AYMÉ, op.cit., p.137).
♦(Être ou vouloir être)/(entrer, se mettre) dans la peau de qqn. Ressentir les sentiments qu'éprouve quelqu'un, s'identifier à quelqu'un par l'imagination, jouer le rôle de quelqu'un. Dumay se retira, le coeur plein d'anxiété, croyant que l'affreux Butscha s'était mis dans la peau de ce grand poëte pour séduire Modeste (BALZAC, Modeste Mignon, 1844, p.154). Il est maire par dévouement, parce qu'il est comme ça, qu'il est honnête homme, et qu'il veut finir dans la peau d'un honnête homme (RENARD, Journal, 1900, p.585). Au vrai, j'étais moi-même entré dans la peau de La Brige (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.341).
♦S'user la peau, travailler sa pleine peau. Travailler beaucoup. Le père continuait à s'user la peau (ZOLA, op.cit., p.1231):
• 1. Ils gagnent plus que nous! Faut acheter des engrais, des sulfates, travailler sa pleine peau, et qu'est-ce qu'on vend son vin? Une misère!
CHARDONNE, Dest. sent., I, 1934, p.167.
♦Se lever la peau pour qqn (région., Sud-Est). Se dévouer pour quelqu'un. Je me suis levé la peau pour les orphelins, je n'en ai jamais eu de contentement (GIONO, Batailles ds mont., 1937, p.214).
♦Mourir, crever (fam.) dans sa peau/dans la peau de. Ne point se corriger en vieillissant. Il mourra dans sa peau; il mourra dans la peau d'un insolent, d'un effronté, d'un fat (Ac. 1835-1935).
Expr. proverbiales. Dans sa peau mourra le renard (Ac. 1798-1878). Le loup mourra dans sa peau (Ac. 1835, 1878).
♦Coûter, valoir la peau des fesses (pop.). On trouve encore des trucs à Montreuil... Dis donc si jamais c'était une édition de 46... Ça vaut la peau des fesses c'est introuvable (Le Nouvel Observateur, 12 janv. 1976, p.57, col. 7).
♦Ne pas savoir durer dans sa peau (vx). Être rendu inquiet, anxieux ou agité par un désir. Il ne saurait durer dans sa peau (Le Nouvel Observateur, 12 janv. 1976, p.57, col. 7).
) Expr., vx. La peau lui démange (Ac. 1798-1878). [S'emploie à propos de qqn qui s'expose sans nécessité à se faire battre].
) Loc. subst. Peau de + subst. ou n. propre exprimant ou renvoyant à une fonction, un rôle social. Attitude de, habit de, rôle de (quelqu'un). V. aussi infra B 2. Je n'ai eu avec toi que ma peau d'épouse, tu n'as jamais sur moi touché qu'elle et caressé qu'elle (GIRAUDOUX, Sodome, 1943, I, 3, p.67). Pourtant c'est au moment où le nom d'Henri avait commencé à enfler (...) que Paule avait réintégré sa peau d'amoureuse (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.176).
♦Peau de poule (vx). Chair de poule. «La Passion ne sera pas chez toi ce qu'elle est chez les femmes ordinaires.» (...) Elle m'a donné la peau de poule (BALZAC, Mém. jeunes mariées, 1842, p.152).
♦(Avoir) une peau d'amadou (au fig.). S'enflammer facilement pour quelqu'un ou quelque chose. Elle suffoquait, elle pouvait bien se mettre à l'aise; tout le monde n'avait pas une peau d'amadou (ZOLA, Assommoir, 1877, p.504).
b) P. méton., fam. Corps. Être bien, mal dans sa peau. Moi, tu n'imagines pas comme je me sens bien dans ma peau. Je voudrais pouvoir y rester toujours (AYMÉ, Vogue, 1944, p.18).
— Péj., vulg. Vieille peau. Personne âgée, plus fréquemment femme âgée. Va donc, eh, vieille peau. Mais je m'en fiche, après tout! Qu'il reste donc avec sa vieille peau! (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, III, 9, p.63).
— Arg. Prostituée. Les libres penseurs qui se convertissent me font l'effet de ces hommes chastes qui méprisent la femme jusqu'à ce qu'ils se fassent engluer par la première peau venue (RENARD, Journal, 1902, p.759).
3. Spécialement
a) Épiderme, couche superficielle de la peau en tant qu'elle peut se détacher du corps qu'elle enveloppe. Ma religion m'est tombée comme une peau (RENARD, Journal, 1903, p.812). En une partie quelconque du corps, l'épiderme peut s'enlever en une peau fine et sèche sans douleur ni hémorragie, puisqu'il ne reçoit ni nerf ni vaisseaux (QUILLET Méd. 1965, p.297).
— P. métaph. Il en est ainsi de toute mue: la peau ancienne se détache et, n'adhérant plus à la réalité qu'elle revêtait naguère, elle flotte en linéaments compliqués et déjà morts (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.22).
— Peau morte. Couche cornée de l'épiderme qui se détache par lambeaux lors de certaines maladies ou après certaines atteintes. Elle détacha l'être aussi facilement qu'une peau morte (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.466).
♦Au fig. Elle ne lui pardonnerait jamais d'être parti pour l'Espagne; c'était une peau morte sur son coeur (SARTRE, Sursis, 1945, p.83).
— Loc. fig. Changer de peau, faire peau neuve. Changer d'apparence, de manière d'être. Elle parlait des deux anciens messieurs de madame (...) que Nana s'était décidée à congédier, certaine de l'avenir, désirant faire peau neuve, comme elle disait (ZOLA, Nana, 1880, p.1165). Je refuse absolument de critiquer un peuple qui change de peau (COCTEAU, Poés. crit. II, 1960, p.47):
• 2. Depuis un demi-siècle on entend le bonhomme jurer qu'il détient la vérité politique, avec la garantie du gendarme et du curé, mais sa vérité mue tous les quatre ans, change de peau.
BERNANOS, Gde peur, 1931, p.119.
b) En partic. Filet, morceau de peau. Synon. envie. Peaux autour des ongles. (Dict.XXes.).
B. —1. Dépouille de certains animaux, séparée du corps et généralement tannée, ou apprêtée en fourrure, ou destinée à l'être. Tambourin de peau. Le Lapon qui vend ses peaux de renne, est cupide comme l'Asiatique qui pèse ses perles (BONALD, Législ. primit., t.1, 1802, p.192):
• 3. À peine l'étranger eut-il laissé entendre qu'il faisait le trafic des peaux de fourrure que Didace s'empressa de dire: —Le rat d'eau sera ben rare ce printemps...
GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.175.
SYNT. Peau d'agneau, de bête, de boeuf, de buffle, de chevreau, de crocodile, de lapin, de porc, de vison; apprêter, battre, écharner, effleurer, fouler, mégir, peler, poncer, tanner une peau; gants de peau; lanière, mocassin, sac, soulier de peau; achat, vente de peaux; peau brute, souple, travaillée.
— Peaux de bêtes. Peaux de mammifères apprêtées sur lesquelles on a laissé les poils ou la fourrure. Les Pélasges vêtus de peaux de bêtes rattachées à l'épaule (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p.206).
— Négociant en cuirs et peaux. V. cuir B.
— En partic.
♦Peau d'Espagne, de senteur. Peau bien passée et parfumée, très prisée au XVIes.; p.méton., parfum employé pour traiter cette peau. Le manteau de spahi, le burnous noir lamé d'or, la chéchia (...), le morceau de «véritable peau d'Espagne» indélébilement parfumé (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p.157):
• 4. Moi qui ne suis pas riche, j'ai plus de coquetterie... J'écris sur du papier parfumé à la peau d'Espagne, du beau papier, tantôt rose, tantôt bleu pâle...
MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p.14.
♦Peau de Suède. Peau tannée très souple. Son jeune ami, Lucien Sartorys, beau comme une femme, souple comme un gant de peau de Suède (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900 p.195).
♦Peau d'Irlande. D'un seul coup d'oeil mademoiselle de Fontaine remarqua (...) la petitesse d'un pied bien chaussé dans une botte de peau d'Irlande (BALZAC, Bal Sceaux, 1830, p.107).
— P. anal.
♦Peau(-)d'ange. Tissu à base de soie très doux au toucher. Il s'installait alors (...) dans un coupé Renault démodé, haut sur roues, capitonné en peau-d'ange comme la voiture d'une demi-mondaine (CENDRARS, Lotiss. ciel, 1949, p.288).
♦Peau de pêche. ,,Tissu de soie présentant un endroit velouté et un envers tissé satin`` (Lar. encyclop.).
♦Peau d'âne. Diplôme. Quant aux examens (...) nous savions bien que l'on nous tendrait sans difficulté nos peaux d'ânes avant que nous allions offrir la nôtre! (VIALAR, Pt jour, 1947, p.319).
♦Peau de crapaud. V. infra C 1 b.
♦Peau de crocodile. V. infra C 1 b.
— P. méton.
♦Peau de bique, de chèvre. Pelisse en peau de chèvre. La saison s'avançait. Papa s'enveloppa dans sa vieille peau de bique, pelée aux coudes et au derrière (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.109).
♦Peau d'âne. Tambour. Fibi et Vinos (...) firent le tohu-bohu habituel d'instruments, cuivre et peau d'âne mêlés, qui marquait la fin de la représentation (HUGO, Homme qui rit, t.3, 1869, p.58).
♦Culotte de peau (vieilli). Militaire. C'était [Bugeaud] un paysan mélangé de l'homme du monde, fruste et rempli d'aisance, —n'ayant rien de la lourdeur de la culotte de peau, —spirituel et galant (HUGO, Choses vues, 1885, p.37).
— Au fig. Peau de chagrin. V. chagrin1.
— Loc. Coudre la peau du renard à celle du lion. ,,Joindre la finesse à la force`` (Ac. 1835-1935).
— Proverbe. [P. allus. à la fable de La Fontaine: L'Ours et les deux compagnons] Vous avez vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p.133).
— Spécialement
♦TANNERIE
Peau en tripe. Peau telle qu'elle apparaît après avoir été écharnée et ébourrée. La peau parfaitement propre qui sort de l'ébourrage, de l'écharnage et éventuellement du façonnage, est dénommée peau en tripe (BÉRARD, GOBILLIARD, Cuirs et peaux, 1947, p.45).
Peau de vélin.
Peau de chagrin. V. chagrin1.
♦BEAUX-ARTS. Peau de chamois. Peau traitée du chamois, employée principalement pour effacer les traits dans les études au fusain (d'apr. BÉG. Dessin 1978). Usuel. V. chamois B ex. de Chapelain.
♦MENUIS. Peau de chien (vx). Peau de chien de mer employée pour polir la surface du bois dont on a rebouché les trous. Lorsque le racloir a bien uni les surfaces, on achève le polissage avec la pierre ponce à sec, la peau de chien ou le papier à polir (NOSBAN, Manuel menuisier, t.2, 1857, p.127). Ils la polissaient encore [la planche de cèdre] avec du gravier ou avec la peau d'un chien de mer (LOWIE, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p.157).
♦RELIURE
Peau de vélin.
(Reliure, relié) pleine peau. Reliure entièrement découpée dans une peau. Les reliures en pleine peau, en basane et surtout en veau brun, étaient autrefois reliures courantes (Civilis. écr., 1939, p.12-3).
♦MAR., arg. Peau de bouc. Cahier de punition. (Dict.XIXes., LE CLÈRE 1960, ESN. 1966). Être porté sur la peau de bouc.
♦SKI. Peau de phoque. V. phoque B 2.
2. P. méton. Vie. Je ne donnerais pas un décime de notre peau, si nous ne prenons pas notre bisque (BALZAC, Chouans, 1829, p.26). Il va y laisser sa peau dans ces jeux de con, tu ne comprends pas ça? (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.233).
SYNT. Défendre, craindre pour, risquer, lutter pour, sacrifier, tenir à, sauver, vendre cher sa peau.
— Populaire
♦Avoir, vouloir la peau (de qqn). Tuer quelqu'un, vouloir le tuer. Ça ne suffit donc pas qu'ils m'aient tué le père, tu voudrais peut-être que je dise merci. Non, vois-tu, j'aurai leur peau! (ZOLA, Germinal, 1885, p.1236). Les paysans tu t'en fous; ce que tu veux, c'est notre peau (SARTRE, Diable et Bon Dieu, 1951, II, 4, p.131).
♦Faire la peau à qqn. —Qu'on y remonte un jour, tiens, et je te la ferai la peau! (VERCEL, Cap.Conan, 1934, p.56).
♦Ne pas savoir quoi faire de sa peau. Être désoeuvré, s'ennuyer. Je ne savais trop que faire de ma peau. Lewis me proposait mollement de l'accompagner (BEAUVOIR, op.cit., p.440).
♦Sacrifier sa peau. V. supra A 2 crever, faire la peau à qqn ex. de Courteline.
C. —1. a) Ce qui forme une enveloppe ou une pellicule épaisse autour de quelque chose ou à la surface de quelque chose. Peau de pêche, de pomme. Il se forme une peau sur le lait bouilli (Ac. 1935). Je la pris par les épaules et le docteur, la forçant à montrer sa gorge, en arracha une grande peau blanchâtre, qui me parut sèche comme du cuir (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Mis. hum., 1886, p.650):
• 5. Il ne faut pas enlever la peau de certains aliments avant la cuisson: coque de châtaigne, peau de pomme de terre, etc.; vitamines et sels se trouvent ainsi protégés.
R. LALANNE, Alim. hum., 1942, p.102.
— P. métaph. [Sur la montagne] la peau de la planète apparaît dans toute sa nudité (GAUTIER, Italia, 1852, p.22). On voyait bien, par-ci, par-là, à travers les feuillages la peau flasque et vieille des maisons (GIONO, Solit. pitié, 1932, p.178).
♦Au fig. Je monte l'OEdipe Roi, de Sophocle où j'essaierai, après Antigone, une méthode qui consiste à couper et à retendre la peau des vieux chefs-d'oeuvre (COCTEAU, Foyer artistes, 1947, p.34).
♦Peau de banane. Piège, embûche. Il y a trop d'embûches, trop de gens sur votre chemin qui ont intérêt à glisser sous vos pas la peau de banane (VIALAR, Carambouille, 1949, p.166).
♦Avoir la peau du coeur épaisse. Être peu sensible. Toutes ces croyances qui troublaient nos anciens le laissaient au fond bien tranquille, car il avait la peau du coeur épaisse (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.133).
b) Spécialement
— ANAT., BIOL. Peau plasmatique. ,,Membrane entourant une cellule`` (ROB.).
— BOUCH. Aponévroses qui recouvrent certains muscles.
— CHIM. Peau de crapaud. ,,Défaut d'apparence qui se présente sur les trop grandes surfaces planes moulées en résine thermodurcissable`` (DELORME 1962).
— PEINTURE
♦Peau d'orange. Aspect de surface défectueux se présentant sous forme de fissurations peu profondes à contours polygonaux, qu'on observe sur les pellicules de vernis (d'apr. DELORME 1962, Peint. 1978).
♦Peau de crocodile. Pellicule apparaissant à la surface des peintures lorsqu'on applique deux couches l'une sur l'autre sans que la première soit complètement sèche (d'apr. BARB.-CAD. 1963).
— ÉLECTR. (Effet de) peau. Effet par lequel, dans un conducteur soumis à une haute fréquence, la densité du courant est maximum à la surface et nulle au centre (d'apr. Électron. 1960). [En radioélectricité] les fils de connexion offrent, à cause de l'effet de peau, une résistance de plus en plus grande quand la fréquence [du courant] augmente (J. MERCIER, Radio-électricité, t.1, 1937, p.276).
♦MÉD. Peau d'orange. Aspect capitonné et piqueté de la peau. Synon. cellulite. Aspect traduisant notamment l'adhérence cutanée du cancer du sein (d'apr. GARNIER-DEL., 1958, Méd. Biol. t.3 1972).
— PHYS. NUCL.
♦Peau d'étanchéité. ,,Paroi généralement en acier doux garnissant la face interne d'une enceinte (...) et dont le rôle est d'assurer l'étanchéité`` (Nucl. 1975).
♦Peau d'orange. Aspect rugueux que prend la surface de l'uranium après irradiation (d'apr. Nucl. 1975).
2. Pop. ou arg.
a) Peau de + subst. [S'emploie comme terme d'injure, peau désignant ce qui est à jeter, ce qui ne vaut rien dans qqc.] Peau d'hareng; peau de noeud, de paf, de cervelas. Ben, r'garde toi, bec de singe, peau d'fesse! Faut-il qu'un homme soye bête pour sortir des choses comme v'là toi! (BARBUSSE, Feu, 1916, p.14). Ça ne fait rien, un cabot qui ne va pas lui-même aux distributions, ça ne se voit qu'à la cinquième. Il est encore resté à écrire à sa bourgeoise... Peau de fesse! (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p.28).
— En partic.
♦Peau de boudin. Nègre. Avec ça, ils peuvent toujours se gargariser avec le tonnerre de Dieu si ça les excite, les peaux de boudin! (CÉLINE, Voyage, 1932, p.208).
♦Peau de vache (fam.). Personne d'une sévérité excessive et parfois injuste ou sournoise. Synon. salaud, vache. Quelle peau de vache! Un' joli' fleur dans une peau d' vache Un' joli' vach' déguisée en fleur (G. BRASSENS, Poèmes et chansons, Une jolie fleur, Paris, Éd. musicales 57, 1973 [1954], p.84).
♦Peau de chien, de chat (vieilli). Femme de mauvaise vie (d'apr. DELVAU 1866, p.289). Et les autres reprenaient en choeur l'horrible refrain:À la Bastille, à la Bastille, On aime bien, on aime bien Nini peau d'chien; Elle est si belle et si gentille À la Bastille (BENOIT, Atlant., 1919, p.42).
b) Peau de balle, de zébi, de mouche (rare). Synon. de rien. Quand moi [Populo] que j' trim' j'ai peau d' zébi! (Le Père Peinard) (BRUANT 1901, p.395). —Eh bien? Qu'est-ce que tu as décidé? —J'ai décidé peau de balle, dit-il avec humeur (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p.52). Peau de balle et balai de crin. V. balle1 ex. 21.
— Empl. exclam. [S'emploie pour indiquer le désaccord dépité du locuteur] Alors, moi, une balle dans la gueule (...) Ou divorcée! Et ma situation, peau de zébi! (RICHEPIN, Flamboche, 1895, p.335). —Peau de balle et variété; elle [la danseuse étoile] finira aux Galeries, rayon des rubans (MORAND, Rococo, 1933, p.36).
♦P. ell. La peau! [Qu'on laisse l'Allemagne conquérir l'Algérie?] La peau! (MUSETTE, Cagayous partout, 1905, p.64).
REM. 1. Peaudezébie, var. graph. Var. de l'expr. peau de zébi (supra C 2 b). Je rarrangerai peaudezébie, voilà tout ce que je rarrangerai (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., p.71). 2. Peausser (se), verbe pronom. réfl., arg., vx. Changer de vêtement, mettre les vêtements d'un autre. —Qui veille le condamné? (...) —C'est Coeur-la-Virole! —Bien, je vais me peausser en gendarme, j'y serai; je les entendrai, je réponds de tout. —Ne craignez-vous pas, si c'est Jacques Collin, d'être reconnu et qu'il ne vous étrangle? (...) —En gendarme, j'aurai mon sabre (BALZAC, Splend. et mis., 1847, p.551). 3. Peaussu, -ue, adj. Qui présente de nombreux replis de peau. Une face parcheminée (...) sans un poil de barbe pour en dissimuler les plis peaussus (RICHEPIN, Cauchemars, 1892, p.258). Nous avons admiré cordialement une silhouette velue, peaussue, matelassée, que surmontait un bonnet pointu (GENEVOIX, Boue, 1921, p.124).
Prononc. et Orth.:[po]. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist.I. 1. a) Ca 1100 pel «membrane recouvrant le corps de l'homme et des animaux» ici «cette membrane, séparée du corps de l'animal et traitée en fourrure» pels de martre (Roland, éd. J. Bédier, 3940); ca 1150 peau de martre (Charroi Nîmes, éd. D. McMillan, 160); 1re moitié XIIIes. la piaus (Chanson de Godin, éd. Fr. Meunier, 18501); ca 1450-65 ma vieille peau (CHARLES D'ORLÉANS, Rondeaux, CLXXXIII, 6 ds Poésies, éd. P. Champion, II, 395); b) ca 1175 pel «parchemin» (BENOÎT DE STE-MAURE, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 14976); d'où 1883 peau d'âne ici fam. «diplôme» (ZOLA, Bonh. dames, p.450); 2. déb. XIIes. «épiderme de l'homme» (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1408); d'où expr. a) 1188 n'avoir que la pel et l'os (ici d'un animal) (AIMON DE VARENNES, Florimont, 1760 ds T.-L.); b) 1587 ne pas durer en sa peau «être plein d'orgueil; brûler d'impatience» (LANOUE, 193 ds LITTRÉ); c) 1698 crever dans sa peau ici fig. «éprouver un violent dépit que l'on s'efforce de cacher» (FUR.); d) 1875 en peau «(d'une femme) très décolletée» (Figaro ds LARCH. 1880); e) 1885 trouer la peau de qqn (ZOLA, Germinal, p.1506); d'où 1927 se faire trouer la peau (PROUST, Temps retr., p.740); f) 1914 se sentir bien dans sa peau (GIDE, Caves, p.822); 3. 1564 «petit fragment de peau» souvent au plur. (PARÉ, XV, LVII ds OEuvres, éd. J.-F. Malgaigne, II, 507). II. 1. Ca 1160 «la vie même d'une personne» laissier la pel «mourir» (Enéas, 5384 ds T.-L.); d'où ca 1570 vendre bien sa peau «se défendre vigoureusement» (Bl. DE MONLUC, Commentaires, éd. P. Courteaulx, II, 414); 1656 risquer sa peau (MOLIÈRE, Dépit amoureux, V, I, 1472 ds OEuvres, éd. E. Despois, I, 501); 1677 avoir la peau de qqn (D'ASSOUCY, Aventures burlesques, éd. E. Colombey, Paris, 1876, p.309); 1850 faire la peau à qqn (en Corse d'apr. ESN. 1966); 2. fin XIIIes. ou début XIVes. [ms.] «la nature profonde d'une personne, son comportement» d'où le dicton en tel pel con naist li loux morir l'estuet «il est incorrigible» (Proverbes fr., éd. J. Morawski, 685, p.25); 1585 ne pas changer de peau «id.» (CHOLIÈRES, Matinées, I ds OEuvres, éd. E. Tricotel, I, p.55); 1640 être en la peau de qqn «être à la place de quelqu'un» (OUDIN Curiositez t.2); 1831 faire peau neuve (HUGO, Feuilles automne, p.711: Les vieilles religions qui font peau neuve); 3. 1665 «la personne physique, charnelle» (MOLIÈRE, L'Avare, II, V ds OEuvres, éd. citée, II, 105); d'où expr. a) 1882 avoir qqc. dans la peau «être féru, entiché de quelque chose» (ZOLA, Pot-Bouille, p.153); b) 1896 avoir qqn dans la peau (DELESALLE, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., p.207); 4. 1845 «femme de mauvaise vie» (BESCH.); 1883 vieille peau «personne âgée» ou simpl. péj. (ZOLA, Cap.Burle, p.53: qui aurait cru ça de cette vieille peau de Laguitte, après toutes les horreurs qu'il lâchait sur les femmes); 1936 peau de vache (CÉLINE, Mort à crédit, p.186). III. 1. 1538 «enveloppe de certains fruits» (EST.); d'où expr. ca 1870 peau de zébi «rien du tout» (arg. des zouaves d'apr. ESN. 1966); 1877 peau de balles (arg. des voyous, ibid.); 1888 peau d'balle, balai d'crin et variétés diverses (COURTELINE, Train 8 h 47, 1re part., p.78); 2. 1690 «pellicule qui se forme à la surface d'un liquide, et particulièrement du lait bouilli» (FUR.). Du lat. class. pellis «peau d'animal, fourrure, peau tannée, cuir, parchemin, enveloppe extérieure», qui dans le parler pop. a supplanté cutis «peau d'homme». Fréq. abs. littér.:6773. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 8242, b) 11256; XXes.: a) 11287, b) 8951. Bbg. DAUZAT Ling. fr. 1946, p.296. — PICHOIS (C.). Entrer dans la peau... Fr. mod. 1952, p.173. — QUEM. DDL t.4, 7 (s.v. peaussu), 13 (s.v. peau de zébie), 16, 19, 20. — SAIN. Arg. 1972 [1907], p.95, 96 (s.v. peausser), 104 (s.v. peau d'âne).
peau [po] n. f.
ÉTYM. Déb. XVe; pel, 1080, Chanson de Roland; sing. refait sur le plur. pels, peals, peaus; du lat. pellis « peau d'animal », employé pour cutis en lat. vulg.
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1 Enveloppe extérieure du corps des animaux vertébrés (⇒ Tégument), constituée par une partie profonde (⇒ Derme, cit. 1) et par une couche superficielle (⇒ Épiderme). || Relatif à la peau. ⇒ Cutané, derm-, épidermique. || L'ectoderme, feuillet embryonnaire d'où provient la peau. || Annexes de la peau. ⇒ Phanère; corne, écaille, griffe, ongle, plume, poil; glande (sébacée et sudoripare). || Insertion des plumes dans la peau des oiseaux. ⇒ Ptérylie. || Tissus placés sous la peau. ⇒ Sous-cutané, pannicule. || Surface de la peau : saillies, sillons ou plis, orifices (⇒ Pore), crêtes papillaires (⇒ Papille). || Composition chimique de la peau : protides (kératines, substances collagènes : osséine, etc.), lipides, eau et sels minéraux — Physiologie, fonctions de la peau. ⇒ Tact, toucher; perspiration, respiration (cutanée); transpiration. || Sensibilité thermique, douloureuse de la peau. || La peau protège, défend l'organisme (→ Endurcir, cit. 10). — Épaisseur, résistance, élasticité de la peau. || Peau épaisse (⇒ Cuir), fine. — La peau des mammifères. || Peau du porc. ⇒ Couenne. — Reptile qui change de peau. ⇒ Mue, muer. || Enlever, détacher la peau d'un animal. ⇒ Dépiauter, dépouiller, écorcher; équarrir (→ ci-dessous, 6.).
1 Une brûlure même superficielle, si elle s'étend à une grande partie de la peau, amène la mort. Cette enveloppe, qui isole de façon si parfaite notre milieu intérieur du milieu cosmique, permet cependant les communications physiques et chimiques les plus étendues entre ces deux mondes. Elle réalise le prodige d'être une frontière simultanément fermée et ouverte. Car elle n'existe pas pour les agents psychologiques.
Alexis Carrel, l'Homme, cet inconnu, III, III.
♦ L'épiderme humain. ⇒ Chair (cit. 22 et 23); couenne (fam.), cuir. || Apparence; couleur, coloration, coloris (⇒ Pigment, pigmentation, teint); grain, texture de la peau. || Le grenu (cit. 2) de la peau. || Plis (⇒ Fanon), sillons de la peau. ⇒ Ride; patte (d'oie). || Pores de la peau (→ Huiler, cit. 3). — Belle peau; peau sans défaut (→ Brûlure, cit. 4). || Peau délicate (→ Bouton, cit. 5), douce (→ Grain, cit. 13), douillette (vx), fine (→ Indélébile, cit. 3), lisse, satinée (→ Coquette, cit. 10), soyeuse, tendre, veloutée… (→ Épaule, cit. 5; heureux, cit. 38). || Peau de satin, de velours. || Peau enfantine (→ Fondant, cit. 2), poupine. — Peau blanche (→ Éraflure, cit. 2); blancheur de la peau (→ Aviver, cit. 1). — (Syntagmes plus ou moins littér.). || Peau rose, lactée, laiteuse, nacrée, neigeuse, opaline; peau ambrée, blonde, dorée, ivoirine. || Peau couleur d'ambre (→ Flamboyant, cit. 4). || Peau carminée. — Peau basanée (cit. 1), bistre, bistrée, boucanée, bronzée (→ Bronze, cit. 3), brune (cit. 1), brunie, cuite (→ Foncer, cit. 9), cuivrée, hâlée (cit. 1; ⇒ Hâle, cit. 5). — Peau claire, fraîche, nette (→ 1. Mousse, cit. 8). || Peau brillante, éblouissante, éclatante, luisante, lustrée. || Peau mate, terne. || Peau marbrée (⇒ Marbrure), nuancée, pommelée, tachée (→ Carotte, cit. 1), veinée, vergetée. || Peau transparente qui laisse voir les veines. — Peau tendue. || Peau flasque, pendante, plissée (→ Momifier, cit. 2), ridée. || Peau grasse, huileuse; peau rèche, rude, sèche; parcheminée. || Peau calleuse (⇒ Callosité), rugueuse, grumeleuse (cit. 1)…
2 (…) d'Arthez lui prouva, ce dont elle était convaincue, qu'elle avait la peau la plus délicate, la plus délicieuse au toucher, la plus blanche au regard, la plus parfumée; elle était jeune et dans sa fleur.
Balzac, les Secrets de la princesse de Cadignan, Pl., t. VI, p. 57.
3 (…) la peau à papilles frémissantes, vaguement bleuie par le lacis des petites veines, vaguement jaunie par l'affleurement des gaines tendineuses, vaguement rougie par l'afflux de sang, nacrée au contact des aponévroses, tantôt lisse et tantôt striée, d'une richesse et d'une variété incomparables de tons, lumineuse dans l'ombre, toute palpitante à la lumière, trahissant par sa sensibilité nerveuse, les délicatesses de la pulpe molle et le renouvellement de la chair coulante dont elle est le voile transparent.
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 270.
4 (…) il n'y a pas de plus fin, de plus riche, de plus beau tissu que la peau d'une jolie femme.
France, Histoire comique, II.
5 (…) la peau blanche, veinée de bleu ou de rose et faiblement ambrée, par son analogie avec le marbre et certaines pierres légèrement teintées, me semble plus esthétique que toute autre.
Léon Daudet, la Femme et l'Amour, II.
♦ Couleur de peau, caractéristique des différentes races humaines. ⇒ Pigment, pigmentation.
REM. Les couleurs réelles de la peau ont souvent peu à voir avec les désignations sociales (blancs, jaunes, noirs…).
♦ La couleur de la peau, symbole des différenciations racistes. || Peau foncée des Noirs, de certains Blancs (Dravidiens), des Océaniens, des aborigènes d'Australie. || Peau noire, marron, chocolat, café au lait… || Peau claire de certains Noirs. || Peau cuivrée, blanche, des Jaunes. || Peau cuivrée des Indiens. — Loc. (Vieilli). || Peaux-Rouges (→ Flamboyant, cit. 5) : les Indiens d'Amérique, à cause de la teinture rouge dont ils couvraient leurs corps. || Une Peau-Rouge. Adj. || Tribu peau-rouge.
6 Je ne me sentis plus guidé par les haleurs.
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
Rimbaud, Poésies, XLI.
7 Voici la traduction de ses paroles (d'un Japonais) : « Notre peau est jaune, la leur est blanche; l'or est plus précieux que l'argent. »
Claude Farrère, la Bataille, XIII.
♦ Contact des objets avec la peau. || Porter une chemise contre la peau, à même la peau, sur la peau (nue). ⇒ Cru (à); → ci-dessous À fleur de peau. || Chatouillement, picotement sur la peau; frisson qui court sur la peau (⇒ Chatouiller; démanger). || Démangeaison provenant d'un trouble des nerfs de la peau. ⇒ Prurit. || Sous la peau (→ Entre cuir et chair, cit. 12). — Le froid (2. Froid, cit. 4 et 5) mord, glace (→ Houle, cit. 7), hérisse (cit. 22), pince la peau… — Peau qui se hérisse. ⇒ Chair (de poule). — Évaporation à la surface de la peau. ⇒ Exhalation, sueur, transpiration. || Peau moite, halitueuse. ⇒ Moiteur.
♦ ☑ Loc. À fleur de peau. ⇒ Fleur. ☑ Fig. Avoir les nerfs (cit. 12) à fleur de peau : être très irritable, au moindre contact.
8 Alors, une crainte vague à fleur de peau, je me lève (…) Vite, je tire la porte sur moi (…)
R. Dorgelès, les Croix de bois, VI.
♦ Soins de la peau. ⇒ Cosmétique (et cit. 1). || Crèmes, pommades (⇒ Cold-cream, ichtyol…), poudre (⇒ Talc…) pour la peau… (→ Maquillage, cit. 1). || Peau rasée de près. || Peau poudrée. — Hygiène de la peau.
9 La propreté, le soin de soi-même, en rendant la peau plus délicate, augmentent le plaisir du tact (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Amour.
♦ Affections, lésions, maladies, anomalies de la peau; maladies (cit. 10) de peau. ⇒ Acné, actinite, ampoule, bouton, bube, bubon, bulle, cloche, cloque, comédon, cor, couenne, couperose, crevasse, croûte, cyanose, dartre, dermalgie, dermatite, dermatose, desquamation, durillon, ecchymose, échauboulure, ecthyma, eczéma, efflorescence, éléphantiasis, élevure, envie, éphélide, éruption, érysipèle, érythème, escarre, exanthème, fraise, folliculite, fongus, furoncle, gale, gerce, gerçure, grain (de beauté), herpès; ichtyose, impétigo; intertrigo, lentigo, lentille, lèpre, lichen, loupe, lupus, macule, miliaire, molluscum, nævus, nodosité, nodule, œdème, papule, pellagre, phtiriase, pityriasis, prurigo, psora (vx), psoriasis, purpura, pustule, rougeole, rousseur (tache de), rubéfaction, son (tache de), squame, syphilis, tache (vasculaire ou pigmentaire), tanne, tavelure, teigne, tubercule, ulcération, urticaire, vergeture, verrue, vésicule, vibices, vitiligo, xérodermie. — Étude, soins des maladies de la peau (⇒ Dermatologie). || Troubles de la pigmentation de la peau (albinisme, mélanisme). || Cancer de la peau. || Parasites de la peau. || Peau boutonneuse, lentilleuse; ansérine; farineuse. || Peau qui se desquame. || Peau anémique, chlorotique, blafarde, blanchâtre, blême, cireuse; jaune (par ex. dans l'ictère ou jaunisse) ocre, chamois, fauve, citron; rouge, rubescente (rougeur), bleue (cyanotique, asphyxique…). || Peau livide (cit. 1), tuméfiée. || Peau bulleuse. — Marques, traces, signes laissés sur la peau par un coup, une brûlure, une lésion… ⇒ Cicatrice, bleu, brûlure, coupure, écorchure, éraflure, excoriation, griffe, pinçon, suçon; tatouage. || Vaccination pratiquée par incision de la peau (⇒ Cuti-réaction). || Léser; écorcher, égratigner, érafler, excorier, griffer, labourer… la peau. || La balle lui effleura la peau. || Détacher, arracher la peau (⇒ Écorcher, cit. 2 et 12); enlever la peau du crâne (⇒ Scalper).
10 La question ! — On serre ses membres avec des cordes pour le faire parler; sa peau se coupe, s'arrache et se déroule comme un parchemin (…)
A. de Vigny, Cinq-Mars, XII.
11 C'était un homme rasé qui avait une maladie de peau, de grandes plaques rouges et granuleuses sur les joues, le menton, et ses cheveux tombaient comme des flocons d'étoupe (…)
P. Nizan, le Cheval de Troie, I, II.
♦ ☑ Loc. fig. Crever dans sa peau, être gras à pleine peau : être très gras, bouffi. || « On se gaverait (cit. 2) de raisin, tant que la peau du ventre en tiendrait ». — ☑ N'avoir que la peau et les os, que la peau sur les os; avoir la peau collée aux os : être très maigre. ⇒ Os. — ☑ Avoir la peau trop courte : être très paresseux. — ☑ Vx. Ne pas tenir, ne pas durer dans sa peau : être enflé d'orgueil; être en proie à la colère, à l'impatience, au désir…
♦ ☑ Fam. Se faire crever la peau : se faire tuer. — ☑ Recevoir, prendre douze balles dans la peau : être fusillé.
♦ ☑ Fam. Attraper qqn par la peau du cou, du dos, par la peau des fesses, le retenir au dernier moment; l'attraper pour le punir, le battre. Var. vulg. : par la peau du cul :
11.1 Si je vous retrouve dans mes plates-bandes, j'irai vous dire un mot dans votre étable et je vous attraperai par la peau du cul, comme déjà l'année dernière. Mais cette fois, ce sera plus cher.
M. Aymé, Travelingue, p. 146.
♦ Spécialt. Partie visible dénudée de la peau, du corps. || Montrer sa peau. — ☑ Loc. fam. (Vx). En peau : très décolletée (en parlant d'une femme en robe du soir).
11.2 (à force de se compromettre) avec une dactylo en fourrures, en peau, à poil sur les plages, dans les casinos, aux sports d'hiver.
B. Cendrars, Bourlinguer, p. 393.
11.3 Toujours dans le salon et toujours couvé du regard par la mère, M. Jo apprenait à Suzanne l'art de se vernir les ongles (…)
— Quand vous m'avez enlevé les peaux, ça me pique, grogna Suzanne.
M. Duras, Un barrage contre le Pacifique, p. 99.
♦ Peau morte : cellules mortes de l'épiderme qui se détachent par plaques. ⇒ Desquamation. || Détacher des peaux mortes.
♦ Figuré :
11.4 Et cet amour n'était plus. On pouvait le toucher aux points jadis sensibles sans que Jean éprouvât rien, comme une peau morte que nous portons encore avec nous, mais qui désormais ne ressentira plus ni caresses ni piqûres, qui n'est plus nous, qui est morte.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 674. N. B. Cet emploi joue sur le sens I.
♦ Par ext. Parties dures, tendineuses, coriaces, dans un morceau de viande de boucherie. || Ce bifteck est plein de peaux.
3 (Dans des expressions). Apparence extérieure, personnalité de qqn. ☑ Coller à la peau : être indétachable, inséparable (de qqn). — (Avec dans). ☑ Vivre dans la peau de…, dans une peau d'homme de bien, en avoir l'apparence (cit. 23). ☑ Mourir (cit. 24 et supra) dans la peau de… ☑ Je ne voudrais pas être dans sa peau, à sa place. — ☑ Théâtre, Cin. Entrer, être dans la peau d'un personnage : se sentir à l'aise dans un rôle, éprouver les sentiments du personnage.
12 Il est trop tard — je me suis fait à mon métier. La vie a été pour moi un vêtement, maintenant il est collé à ma peau. Je suis vraiment un ruffian (…)
A. de Musset, Lorenzaccio, III, 3.
13 Il sortait du saltimbanque et entrait dans le lord. Changements de peau qui sont parfois des changements d'âme.
Hugo, l'Homme qui rit, II, V, V.
♦ ☑ (1875). Faire peau neuve, changer de peau : changer de conduite, de comportement, de personnalité. Par ext. (Choses). || Faire peau neuve : être renouvelé, modernisé. || Le parti devrait faire peau neuve.
14 (…) le temps (…) insuffle une autre personnalité (…) aux êtres que nous n'avons pas vus depuis longtemps, depuis que nous avons fait nous-mêmes peau neuve et pris d'autres goûts.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIII, p. 216.
♦ ☑ Loc. fig. Dans la peau. || Être bien, mal dans sa peau : être satisfait ou non de ce qu'on est, pouvoir (ne pas pouvoir) se supporter.
14.1 Il avait mangé de bon appétit, il avait bu un grog, et maintenant il fumait une cigarette. Il se sentait bien, tout à fait à l'aise dans sa peau, heureux de vivre.
Robert Merle, Week-end à Zuydcoote, p. 163.
14.2 Du soupçon à la certitude, il y a moins de distance que de la séparation à l'entente. C'est pourquoi il se sentait à présent beaucoup mieux dans sa peau.
S. de Beauvoir, Tout compte fait, p. 101.
♦ ☑ Fam. Avoir qqn dans la peau, être très amoureux de lui, le désirer.
15 (…) ils réalisent ce qu'on appellerait vulgairement nous mettre une femme dans la peau, jusqu'à nous faire passionnément aimer pendant un sommeil de quelques minutes une laide (…)
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 911.
16 Elle fit une pause, avant d'ajouter, d'une voix sourde : « Tant qu'une femme parle d'un homme avec cette espèce de haine-là, c'est qu'elle l'a toujours dans la peau ! »
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 75.
4 (1850). Fam. || La peau : la vie, l'existence (seulement dans des loc.). ☑ Jouer (cit. 37), risquer sa peau. ☑ Faire bon marché de sa peau : s'exposer. ☑ Craindre pour sa peau, pour sa vie. ☑ Tenir à sa peau, à sa vie. ☑ Vendre cher sa peau : se défendre vaillamment. ☑ Sauver sa peau (→ Intégrité, cit. 2). — ☑ Fam. Avoir la peau d'un adversaire, le tuer, ou encore en venir à bout par tous les moyens. ☑ J'aurai ta peau ! ☑ (1850). Faire la peau à qqn, le tuer.
17 Est-ce qu'on n'était pas libre chez soi ? Il brandissait les poings, il gueulait qu'il aurait leur peau à tous, s'ils le dérangeaient encore.
Zola, la Terre, IV, VI.
18 Il se sentait capable de tout pour sauver sa peau, de fuir, de demander grâce, de trahir, et pourtant il ne tenait pas tellement à sa peau.
Sartre, le Sursis, p. 129.
18.1 (…) lui, du moins, nomme les gens, prend ses risques (…) on sait (… de) quels hommes il compte un jour avoir la peau.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 236.
5 (T. de dénigrement). a Femme de mauvaise vie (⇒ Prostituée). — Par ext. ☑ Va donc, eh, vieille peau !, injure adressée à une femme.
19 Depuis la fête, il culbutait la Bécu dans les coins, tout en la traitant de vieille peau, sans délicatesse.
Zola, la Terre, IV, III.
19.1 Une dame mûre à prétentions y tenait un petit chien sur ses genoux (…) — Vous avez fait de l'œil à cette vieille peau !
Montherlant, le Démon du bien, p. 234.
20 (…) il s'en allait à la ville où il demeurait quelquefois plusieurs jours, traînant dans tous les mauvais lieux de l'endroit, en compagnie des voyous et des peaux.
M. Aymé, la Jument verte, II.
b ☑ T. d'injure. Peau de… (et n.). || Va donc, eh, peau de fesse !
20.1 C'est cette peau de poubelle de Bonvillain, mais il ne perd rien pour attendre !
René Fallet, le Triporteur, p. 385.
(L'expression fait allusion au sens II., 1.; peau de légume, de fruit qu'on trouve dans les poubelles, objet de rebut. → Ordure).
♦ Peau de vache. ⇒ Vache. || Quelle peau de vache ! : quel salaud !
6 Dépouille (de certains animaux) détachée et traitée sous forme de cuir ou de fourrure ou destinée à l'être. || Chasseurs, trafiquants de peaux. — Peau fraîche : non traitée. || Peau brute, en poil (fraîche ou conservée par salage, saumurage…). || Côté poil, côté fleur; côté chair d'une peau. || Tête, gorge, collet, pattes, flancs d'une peau (⇒ Croupon). || Traitement, travail des peaux. ⇒ Cuir; corroyage, mégisserie, pelleterie, tannerie; affaiter, apprêter; chipage, chiper (ou auvergner), bigorner, chamoisage, chamoiser, corroyer, délainer, débourrage, dépilage, dépiler, drayer, ébourrer, écharner, effleurer, joncer, mégir, palissonner, pelage, peler, surtonte, tannage, tanner (et tan, tanin). || Ouvrier des cuirs et peaux : corroyeurs, mégissiers, tanneurs, etc. || Fouler les peaux à la bigorne, les battre à la triballe (triballer); selle pour poncer les peaux. || Naphtaline utilisée pour la conservation des peaux. || Déchets, résidus du travail des peaux. ⇒ Dégras, parure, retaille. || Colle de peaux. — Peau traitée, mégissée (⇒ Mégis), tannée; peau chamoisée (⇒ Chamoiserie). — Peau d'agneau (⇒ Agnelin), de mouton (⇒ Basane, bisquain, cosse [parchemin en cosse]), de chevreau (⇒ Chevreau, chevrotin), de chèvre (⇒ Maroquin). ⇒ Parchemin. || Peau de buffle (⇒ Buffleterie). || Peau de bœuf, de vache, de veau (⇒ Vélin, velot). || Peau d'âne, de cheval… (⇒ 3. Chagrin). || Peau de porc, de truie (→ Livre, cit. 6). || Peau de chamois (→ Couvert, cit. 16; gilet, cit. 5). || Peau de phoque. || Peau de crocodile (⇒ Caïman, cit. 2, croco, crocodile), de poisson (⇒ Galuchat), de lézard (⇒ Lézard). || Étui en peau de serpent (→ Camper, cit. 4). — Gant (cit. 6) de peau fine. || Outre en peau (→ Canot, cit. 3; jet, cit. 5). || Culotte de peau. || Chabraque de peau. || Mocassin en peau non tannée. || Livre relié pleine peau.
20.2 On nous montra aussi des habits de Lapons, faits de peaux de jeunes rennes, avec tout l'équipage, les bottes, les gants, les souliers, la ceinture et le bonnet.
J.-F. Regnard, Voyage en Laponie, p. 82.
21 Acheté, aussi, une collection de valises plates en peau de porc (c'est surtout l'odeur de ces cuirs qui me plaît).
Valery Larbaud, Barnabooth, Journal, 23 avr. 19…
♦ Peaux à fourrure. ⇒ Fourrure. || Peau mouchetée, léopardée, tachetée, tigrée… de certains fauves.
♦ Peau de bête : dépouille de mammifère portant encore les poils. || « Lorsqu'avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes… » (→ Échevelé, cit. 2, Hugo). || Peau de lion (→ Âne, cit. 16; fauve, cit. 1). || Peau de tigre, de panthère. || Peau d'ours (cit. 2). ⇒ Oursin. — ☑ Loc. Vendre la peau de l'ours (cit. 3 et supra). — Peau de renard. ☑ Prov. Coudre la peau du renard à celle du lion : joindre la ruse au courage. — Peau de mouton. || Pelisse en peau de mouton (→ Moufle, cit. 1). ⇒ Panoufle. || Peau de chèvre. || La peau de bique des automobilistes 1900. — Peau de lapin.
22 À côté d'elle logeait un artisan tanneur. Il tannait chez lui de petites peaux d'animaux : des peaux de blaireaux, de fouines, de renards, de belettes. Il les pendait pour les faire sécher aux volets de sa fenêtre.
J. Giono, Jean le Bleu, IV.
♦ Peau d'Âne (cit. 17, La Fontaine) : conte de fée dont l'héroïne est vêtue d'une peau d'âne qui la cache et l'enlaidit (cf. Perrault, Contes). Figuré :
23 Il (Dos Passos) a fait le nécessaire pour que son roman ne paraisse qu'un reflet, il a même endossé la peau d'âne du populisme.
Sartre, Situations I, p. 14.
♦ ☑ Fam. Peau d'âne : diplôme, parchemin.
♦ ☑ Peau de chagrin, se dit, par allusion au roman de Balzac (→ Face, cit. 30), d'un bien matériel ou moral qui s'amenuise, se réduit peu à peu à rien.
♦ Peau de tambour : peau tendue formant la surface de résonance d'un tambour (→ Grillage, cit. 2).
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II
1 (1538). Enveloppe extérieure (des fruits, de certains légumes). ⇒ Épicarpe. || Enlever, ôter la peau d'un fruit. ⇒ Peler, pelure. || Peau duveteuse, cotonneuse d'un fruit. || Peau de pêche. || Peau d'orange (⇒ Écorce; → Numéro, cit. 11). Techn., méd. et cour. Aspect bosselé un peu luisant. || Aspect en peau d'orange de l'épiderme. ⇒ Cellulite. — Glisser sur une peau de banane. ☑ Fig. Peau de banane. ⇒ Banane. — Muscat à peau épaisse (→ Olivette, cit. 2). || Peau d'amande (→ Dent, cit. 6).
24 Des raisins mûrs apparemment
Et couverts d'une peau vermeille.
La Fontaine, Fables, III, 11.
2 Membrane fine à la surface. || Peau du lait : pellicule qui se forme sur le lait bouilli au repos. → Lait (cit. 13).
24.1 Il me sembla d'abord intéressant de noter les dégoûts de ma jeunesse (…) — les soupes au tapioca, au quaker oats, où les grumeaux s'aggloméraient jusqu'à me faire, en caressant ma langue, hérisser les cheveux — la « peau » sur le café au lait.
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 74.
♦ Biol. || Peau plasmatique : membrane entourant la cellule.
3 (1872). Fam. (La peau étant considérée comme sans valeur). || La peau : rien du tout (formule de négation). — ☑ On dit aussi peau de balle (et balai de crin), peau de zébi.
25 C'est toute la pièce ou peau de Zébi !
Céline, Guignol's band, p. 83.
26 J'ai fait tout juste un « laranqueté » (quarante sous).
— Eh bien (…) et moi (…) peau de balle, déclare la Grande Bringue (…) J'en ai soupé, du truc (…) et je ne vais pas tarder à remiser.
Goron, l'Amour à Paris, t. III, p. 1590.
♦ Absolt. || La peau (rien du tout) s'emploie surtout en exclamatif ou comme complément d'un verbe marquant la possession.
27 (…) il faudra que je m'achète de mon propre argent, des bougies (…) car, pour ce qui est des bougies de Madame (…) la peau (…) comme disait monsieur Jean (…) Elles sont sous clé.
O. Mirbeau, le Journal d'une femme de chambre, p. 38.
28 Un insigne (…) pour quoi faire ? Ceux du front ont tous la croix de guerre (…) Vous, vous avez la peau ! Ça vous fera reconnaître !
Roger Vercel, Capitaine Conan, I, p. 31.
➪ tableau Principales interjections.
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COMP. Peaufiner. Peau-Rouge (voir à l'article, I., 1.). Balle-peau. Repousse-peaux. — V. Dépiauter, oripeau.
HOM. Pot.
Encyclopédie Universelle. 2012.