HONNEUR
«Serment sur l’honneur», «homme d’honneur», «religion de l’honneur». L’honneur est un mot bien souvent employé, un concept universellement admis, célébré. Qui ne se souvient de la lettre de François Ier à sa mère Louise de Savoie, au soir de la bataille de Pavie: «Madame, tout est perdu, fors l’honneur»! Rien n’était perdu, donc, du moins de l’essentiel... Et pourtant peu d’études aujourd’hui traitent de l’honneur. Serait-ce une notion dépassée? Ou le mot renferme-t-il tant de sens qu’il décourage les bonnes volontés? Est-il exact ce mot de J. B. Possevin qui, en 1557, se plaignait déjà: «le sujet de l’Honneur ressemble l’Hidre auquel, en coupant une teste, il en revient cinquante»?
Qu’est-ce donc que l’honneur? Une qualité qui porte à faire des actions nobles. La vertu pourrait ainsi être le fondement de l’honneur. Cicéron n’écrivait-il pas «verum decus in virtute positum est » – le véritable honneur réside dans la vertu. Mais c’est enlever au concept d’honneur une grande partie de son sens que d’en faire une qualité qui vaut seulement par rapport à sa propre conscience. L’honneur peut être une aspiration à un certain bien, il n’est reconnu comme tel que validé par les autres. Il engage certes celui qui y tend, mais c’est aussi un phénomène de société. En effet, c’est le groupe qui sanctionne, par l’estime glorieuse qu’il lui donne, l’homme d’honneur.
La religion de l’honneur peut être à la mode. Il se trouve toujours un roman pour le célébrer, un écrivain pour penser que «l’honneur est la conscience exaltée, la seule religion vivante aujourd’hui dans les cœurs mâles et sincères» (Alfred de Vigny). Encore faut-il définir les mots, et ne pas galvauder éthique et religion...
Un miroir social
Parce que l’honneur est le miroir de la société, et un miroir embellissant, l’honneur est un concept qui varie selon les temps, selon les lieux, selon les personnes. Le comportement d’honneur n’est pas le même pour l’homme et pour la femme. À l’un les actions viriles, la bravoure, le courage. À l’autre la pureté sexuelle, la chasteté, la modestie; les joues qui s’empourprent prouvent la niaiserie de l’un, la vertu de l’autre. À une époque où celui qui avait le pouvoir, qui décidait, était avant tout un guerrier, où les temps étaient durs et où la puissance se conquérait et se gardait à la pointe de l’épée, l’homme d’honneur, c’est le chevalier. Les romans courtois exaltent Roland, le preux dont la vie tout entière est fondée sur l’honneur: honneur féodal qui commande respect, obéissance, respect au seigneur – Charlemagne; honneur guerrier qui commande vaillance, bravoure, mépris de la mort; honneur chrétien qui remet tout à Dieu, le suprême Seigneur. À l’heure de mourir, Roland bat sa coulpe, prie et offre à Dieu son gant droit...
Lorsque, au XVIe siècle, les humanistes dominent la pensée intellectuelle, lorsque la culture savante l’emporte sur les «coups au cœur» de la culture populaire, alors l’homme d’honneur devient un savant – Philippe de Commynes fut, selon Ronsard, le premier gentilhomme «Qui d’un cœur vertueux fist à la France voir / Que c’est l’honneur de joindre aux armes, le savoir» –, ou bien un robin: «C’est l’honneur de plaider et juger: sotte est l’opinion des brutaux que les Présidents et Conseillers ne sont gentils hommes.»
Pour Molière, l’homme d’honneur est avant tout un être vertueux, qui s’attaque aux déguisements, aux mensonges; il résiste à la mode, même celle de la Cour et des petits marquis. Alceste l’affirme: «Je veux qu’on soit sincère et qu’en homme d’honneur On ne sorte aucun mot qui ne parte du cœur.»
Bien entendu, ces exemples sont empruntés à un milieu choisi . L’honneur serait-il un sentiment noble, réservé aux aristocrates, aux «meilleurs» – 見福晴靖精礼晴 (aristoi ) – selon l’étymologie même?
L’ambiguïté est manifeste. Les honneurs, ces marques d’estime données à ceux qui sont considérés comme honorables, sont bien souvent octroyés aux nobles, de par leur naissance. Les aristocrates ont leurs préséances, les pigeonniers, les tours de leurs résidences... témoignant de leur excellence. «Votre honneur» est somme toute un titre de noblesse... Les honneurs qui devraient, en théorie, être réservés à l’élite de la nation sont souvent acquis par la naissance, non par le mérite. C’est un paradoxe, que Montesquieu, par exemple, a stigmatisé: si le gouvernement monarchique est en péril, c’est que précisément «[dans le gouvernement monarchique] l’honneur prend la place de la vertu politique et la représente partout», or «cet honneur a été corrompu avec les hommes et l’on peut à la fois être couvert d’infamie et de dignités». L’entourage du roi, les courtisans, qui devraient, par essence, être les «aristocrates», ne sont plus les meilleurs. Voltaire le montre magistralement, «le parfait courtisan n’a ni humeur, ni honneur»... Ce sont là des débats devenus stériles entre pouvoir, naissance, mérite, honneur et honneurs qui intéressaient le milieu des grands.
Est-ce à dire que le peuple n’a pas d’honneur? Certes non! Mais les témoignages appartiennent surtout à la culture savante, reflet de la classe dominante. Les gestes et les coutumes de la culture populaire sont plus difficiles à saisir. Il semble que dans les milieux populaires – aujourd’hui comme hier, et notamment sur le pourtour de la Méditerranée – l’honneur ait surtout été lié au souci de la réputation. Réputation fondée sur la virilité – reliée au courage physique – ou sur la pureté sexuelle, réputation d’ailleurs indifférente à la valeur morale de l’individu. Le mari trompé, par exemple, dans tous les villages méditerranéens est le prototype de l’homme déshonoré: il n’a pas su faire respecter sa virilité; il n’a pas su défendre l’honneur (la pudeur) de sa femme, il a manqué à son devoir de mari et à son devoir d’homme, membre d’une communauté qui se doit de défendre la vertu des plus faibles, en l’occurrence la vertu de sa femme, tant il semble vrai que «l’honneur d’une femme est sous la protection des hommes de bien».
Manifestations de l’honneur
L’honneur est, en effet – et c’est essentiel –, une qualité qui s’acquiert par la naissance ou le mérite (honneur-vertu ou honneur-préséance des anthropologues), mais surtout qui se perd. Elle se perd à partir du moment où le comportement de celui qui est considéré comme homme d’honneur ne répond plus aux critères fixés par le code de la société dans laquelle il vit. Une «dette d’honneur» se doit d’être honorée, un «serment sur l’honneur» d’être respecté. Comment expliquer la prégnance de ces prescriptions? La question pécuniaire n’est pas en cause; le parjure non plus, puisque, à partir du moment où l’on jure, on doit ne pas mentir. Quand on en appelle à l’honneur, on en réfère à un certain code social et moral. Celui qui transgresse ce code, après l’avoir évoqué, s’exclut de facto de sa communauté, il s’excommunie et est excommunié.
Selon le code établi, l’honneur se perd généralement par lâcheté, il se regagne par le courage. C’est un paradoxe, mais il est exact de dire que souvent l’honneur se mesure à l’aune de l’affront. Celui qui reçoit un affront risque d’être déshonoré. Encore faut-il pour que le risque existe que l’affront soit explicite – paroles accompagnées de geste (car on peut toujours interpréter les mots), soufflet ou bras d’honneur...; qu’il soit fait en présence de témoin qui rendent les faits irrémédiables; qu’il vienne, enfin, d’un égal. Si l’offenseur est un inférieur, l’injure ne peut atteindre celui à qui elle est destinée: «Honni soit qui mal y pense», selon la fière devise des rois d’Angleterre; si l’offenseur est un supérieur, l’injure ne peut – de fait – être vengée, donc elle ne provoque pas de déshonneur. Un paysan dont la femme a été séduite par un noble ou un notable ne perd pas l’estime des siens, au contraire, parfois.
À partir du moment où l’affront est réel, l’offensé a le devoir de se venger, sinon, il perd sa propre estime et celle des autres. Il doit exiger que l’offenseur lui présente des excuses, mais l’offenseur ne peut les lui présenter sans être taxé de lâcheté et donc de déshonneur. Le combat est donc inévitable: «la lessive d’honneur se lave dans le sang», assure Théophile Gautier.
Les rites de ce combat sont historiquement très anciens. Montesquieu voit «naître et se former les articles particuliers de notre point d’honneur» sous Louis le Pieux: «L’accusateur commençait par déclarer devant le juge qu’un tel avait commis une telle action, et celui-ci répondait qu’il en avait menti. La maxime s’établit que, lorsqu’on avait reçu un démenti, il fallait se battre.»Très rapidement, le juge devint indésirable. Seule la justice privée fut reconnue compétente dans les «affaires d’honneur»; le ministre des Armées qui, dans les années 1900, révoque un officier pour avoir poursuivi en justice l’homme qui l’avait offensé, alors qu’il devait se battre d’homme à homme, reflète une conception de l’honneur, peu éloignée, somme toute, de la conception des gangsters du milieu qui «lavent leur linge sale en famille». Curieuse religion qui bannit le pardon des offenses, et fait appel au Jugement de Dieu – le duel est un combat judiciaire, un jugement de Dieu; étrange usage qui fait de tuer – ou au moins de blesser – un devoir moral.
L’affront non réparé entraîne le déshonneur de celui qui n’y répond pas, mais aussi de sa famille, de son lignage. Lorsque le comte donne un soufflet à don Diègue, outrageant ainsi ce dernier, mais aussi Rodrigue, «à l’honneur de tous deux, il porte un coup mortel». Dans des cas bien précis – incapacité physique ou morale (hommes âgés, malades, femmes) –, un membre de la famille, un homme lige à l’époque féodale, peut répondre de l’honneur de l’offensé. Et c’est encore pour venger l’honneur de son père que Chimène doit attaquer Rodrigue: «Tu t’es, en m’offensant, montré digne de moi / Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi.» Un homme d’honneur, au contraire, exalte les vertus de tous les siens, de sa famille, voire de son pays. La patrie est le «champ d’honneur», le défendre est un devoir; les saint-cyriens mouraient en gants blancs, symboles du savoir-vivre qui est savoir mourir, symboles d’une certaine société où l’honneur et panache sont inséparables.
Honneur et éthique
L’honneur s’élabore au tréfonds de l’individu, il est considéré par celui qui y tend comme un sentiment noble lui permettant de se surpasser. La mort ne fait pas peur à l’homme d’honneur. Don Juan respecte la promesse faite au Commandeur, il lui donne sa main; il sait qu’il en meurt, qu’il se damne sans doute, mais l’essentiel est d’agir en homme d’honneur: «Donne-moi cette main, n’aie pas peur. – Que dis-tu? Peur, moi! Serais-tu l’enfer même que ma main je te la donnerais sur l’heure.»
Mais ce sentiment noble ne repose absolument pas sur la morale; plus exactement, il n’y a pas de référence de l’un à l’autre. L’honneur, au nom d’un certain code, commande certaines actions, mais la finalité de ces actions importe peu. Le vainqueur d’une joute d’honneur voit sa réputation grandie de l’humiliation du vaincu: «Les rois vainqueurs s’accaparent les titres / Des ennemis vaincus dont ils font leurs captifs.» Le séducteur ne perd pas son honneur en trompant le mari – en Andalousie comme à peu près partout, c’est bien le mari bafoué qui déchoit; les exemples sont multiples. Les jansénistes dénonçaient déjà la fausseté de la «morale héroïque» fondée sur l’exaltation de la gloire, de l’honneur: «Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et notre propre être, écrivait Pascal, nous voulons vivre dans l’idée des autres une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire, et négligeons pour cela le véritable [...]. Grande marque du néant de notre propre être, de n’être pas satisfait de l’un sans l’autre et d’échanger souvent l’un pour l’autre.» Vanité donc que l’honneur.
L’honneur ne peut être un sentiment moral, car il ne consiste pas à respecter le sujet de moralité en soi, mais à respecter un code élaboré par un groupe social; car il ne consiste pas à estimer l’individu pour lui-même, mais selon l’estime d’autrui, ce qui peut mener à une parfaite hétéronomie.
L’honneur peut être une religion pour certains; en fait, honneur et religion sont antinomiques. Le bien et le mal n’ont pas le même sens, la même valeur, selon la loi de l’Église et selon le code imposé à l’homme d’honneur. Et, lorsque Bernanos assure qu’«il y a un honneur chrétien [qui] est la fusion mystérieure de l’honneur humain et de la charité du Christ», il s’agit d’un honneur transfiguré, d’un honneur d’une autre espèce que notre honneur commun. Mais la confrontation de ces définitions contradictoires est un exercice un peu vain, car il est probablement vrai qu’«on ne raisonne pas sur l’honneur, on le sent».
honneur [ ɔnɶr ] n. m.
• honor, onorXIIe; var. pop. enour; lat. honor
I ♦ Dignité morale.
1 ♦ Fait de mériter la considération, l'estime (des autres et de soi-même) sur le plan moral et selon les valeurs de la société. ⇒ dignité, fierté; estime, respect (de soi-même). « Tout est perdu, fors l'honneur » (François Ier). Sauver l'honneur. Mon honneur est en jeu. « L'honneur, c'est la poésie du devoir » (Vigny). « Le Monde a besoin d'honneur [...] le Monde a perdu l'estime de soi » (Bernanos).
♢ POINT D'HONNEUR : ce qu'on regarde comme intéressant au premier chef l'honneur. Se faire un point d'honneur de qqch., de réussir. Mettre un point d'honneur, son point d'honneur à (et l'inf.).
♢ Loc. Affaire d'honneur : affaire où l'honneur est engagé (spécialt duel). Dette d'honneur. Engagement d'honneur : promesse, serment. — PAROLE D'HONNEUR. Je vous donne ma parole d'honneur que... : je vous jure que. (Ma) parole d'honneur ! — Je l'atteste sur l'honneur, je vous en réponds sur mon honneur. Ellipt Sur l'honneur : je le jure sur l'honneur.
♢ Spécialt L'honneur d'une femme, réputation liée au caractère irréprochable de ses mœurs ou de sa situation. « Une femme outragée dans son honneur » (Stendhal). — Loc. En tout bien tout honneur. ⇒ 2. bien.
♢ (En parlant d'une collectivité, d'un corps, d'une profession) Compromettre, sauver l'honneur de la famille, du nom, de la corporation.
2 ♦ L'HONNEUR : le sentiment qui pousse à obtenir ou à préserver l'estime des autres et de soi-même. Règles, lois, code de l'honneur. L'honneur veut, exige... Manquer à l'honneur. C'est une question d'honneur. — Vieilli Bandit d'honneur, dont le mobile est de conserver l'honneur.
♢ Vieilli Chasteté, fidélité (d'une femme). ⇒ honnêteté, vertu. « Honneur, cruel tyran des belles passions » (Racan).
II ♦ Considération, marques de distinction qu'on accorde au mérite reconnu.
A ♦ L'HONNEUR.
1 ♦ Considération qui s'attache au mérite, à la vertu, aux talents. ⇒ estime, gloire, réputation. Il s'en est tiré avec honneur, avec succès. C'est tout à son honneur. À qui revient l'honneur de cette découverte ? Travailler pour l'honneur, de façon désintéressée (cf. Pour la gloire).
♢ Littér. Être l'honneur de, une source d'honneur pour. ⇒ fierté, ornement. « Ah ! tu seras un jour l'honneur de ta famille » (Racine). « Vous serez l'honneur de ma vieillesse » (Péguy).
♢ Loc. CHAMP D'HONNEUR, où l'on acquiert de l'honneur. Mourir au champ d'honneur, sur le champ de bataille, à la guerre. — Fam. Baroud d'honneur.
♢ (Sens affaibli) EN HONNEUR. (Choses ) Être en honneur, entouré de considération. ⇒ apprécié, estimé. Cette coutume est toujours en honneur. « Remettant en honneur les dons naturels » (Sainte-Beuve).
2 ♦ Traitement destiné à honorer qqn, à lui marquer de la considération; privilège qui distingue du commun. Honneur rendu aux dieux. ⇒ culte, vénération. « je n'ai mérité Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité » (Racine). À vous l'honneur ! à vous de commencer (dans un jeu, une rencontre sportive). PROV. À tout seigneur tout honneur : à chacun selon son rang; nous vous devons bien cela. — Faire un grand honneur à qqn. C'est beaucoup d'honneur, c'est trop d'honneur que vous me faites ! ( iron. vous me traitez, vous me jugez bien mal). — C'est lui faire trop d'honneur : il ne mérite pas d'être aussi bien jugé.
♢ EN L'HONNEUR DE (qqn),afin de l'honorer (cf. En hommage à). En son, en votre honneur (cf. À l'intention, à la louange de). — En l'honneur de (quelque événement) :en vue de fêter, de célébrer. — (Sens affaibli) Fam. En quel honneur ? pourquoi ?; (avec une intention malicieuse) à cause de qui ? pour qui ? En quel honneur cette nouvelle robe ?
♢ L'HONNEUR DE (et l'inf.). Le président lui a fait l'honneur de le recevoir. ⇒ faveur, grâce. « Le reste ne vaut pas l'honneur d'être nommé » (P. Corneille). ⇒ privilège. — (Formules de politesse) Vieilli Pouvez-vous me faire l'honneur d'assister à la cérémonie ? Iron. C'est comme j'ai l'honneur de vous le dire : c'est comme je vous le dis. Ellipt À qui ai-je l'honneur ? (de parler). Monsieur, j'ai bien l'honneur (de vous saluer).
3 ♦ Loc. ...D'HONNEUR apr. un subst.(marquant que la personne ou la chose est destinée à rendre ou conférer un honneur). Garçon, demoiselle, dame d'honneur. Cour, escalier d'honneur d'un bâtiment. Place d'honneur. Vin d'honneur. Prix, tableau d'honneur. Croix d'honneur. Légion d'honneur. Titre d'honneur. ⇒ honorifique. Président d'honneur. ⇒ honoris causa; honoraire. — Tour d'honneur, fait après la victoire par le gagnant d'une course. — Bras d'honneur.
4 ♦ FAIRE HONNEUR À (QQN) : valoir de la considération à. Élève qui fait honneur à son maître. « Deux belles livrées qui font honneur à une maison » (Romains). Ces scrupules vous font honneur. ⇒ honorer. — Faire honneur à qqch., le respecter, s'en montrer digne. Faire honneur à ses engagements, à ses obligations, les tenir, les remplir. Faire honneur à sa signature. Fam. Faire honneur à un repas, à un plat, en manger largement et avec entrain.
♢ Se faire honneur de qqch., considérer qu'on en tire honneur, s'enorgueillir de.
5 ♦ VOTRE HONNEUR, transcription française d'un titre usité (au vocatif), dans les pays anglo-saxons et dans l'ancienne Russie, pour marquer son respect à certains hauts personnages, à un juge.
B ♦ (XIIe) LES HONNEURS.
1 ♦ Témoignages d'honneur. Rendre à qqn les honneurs qu'il mérite. Loc. (parfois iron.) Avec tous les honneurs dus à son rang. ⇒ égard. — Honneurs militaires : saluts, salves d'artillerie, sonneries (cf. ci-dessous 3o). Obtenir les honneurs de la guerre : bénéficier dans une capitulation de conditions stipulant que la garnison qui se rend se retirera libre de la place, avec armes et bagages. Fig. Sortir d'un procès, d'une discussion avec les honneurs de la guerre, dans des conditions flatteuses. — Avoir les honneurs de la première page : être cité, mentionné à la première page d'un journal.
♢ Faire (à qqn) les honneurs d'une maison, du logis, recevoir des hôtes avec une politesse marquée, en les guidant soi-même. ⇒ accueillir.
2 ♦ Absolt Tout ce qui confère éclat ou distinction dans la société. ⇒ grandeur; dignité, privilège. Rechercher, briguer les honneurs. « Les honneurs déshonorent » (Flaubert). « Ceux qui refusent les honneurs sont encore plus orgueilleux [...] ils réclament l'honneur de mépriser les honneurs » (Duhamel).
3 ♦ Spécialt (sens lat.) Hiérarchie des magistratures et fonctions publiques. Les honneurs militaires et civils.
4 ♦ Cartes Les figures ou, plus généralement, les cartes les plus hautes à certains jeux (notamment au bridge). Jouer honneur sur honneur (en jouant un honneur supérieur). Points d'honneurs et points de distribution.
⊗ CONTR. Déshonneur, discrédit, honte, infamie , opprobre; improbité, malhonnêteté. — Humiliation, vexation.
● honneur nom masculin (latin honorem, accusatif de honor, -oris) Ensemble de principes moraux qui incitent à ne jamais accomplir une action qui fasse perdre l'estime qu'on a de soi ou celle qu'autrui nous porte : Sens de l'honneur. Sentiment de sa propre dignité, réputation : Attaquer l'honneur de quelqu'un. Littéraire. Vertu d'une femme, souci qu'elle a d'avoir une conduite irréprochable et de maintenir intacte sa réputation. Considération, renom, gloire qui va à quelqu'un dont le courage, le mérite, la valeur, le talent, etc., sont reconnus : Il a accepté cette charge, et c'est tout à son honneur. Témoignage d'estime, de considération qui honore quelqu'un : Il a eu l'honneur d'être admis dans cette compagnie. Privilège, simple faveur ou obligeance : Elle nous a fait l'honneur d'une visite. À certains jeux de cartes, nom donné aux cartes les plus fortes, en particulier au bridge l'as, le roi, la dame, le valet et le dix. ● honneur (citations) nom masculin (latin honorem, accusatif de honor, -oris) Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 L'Honneur tient souvent à l'heure que marque la pendule. Calligrammes, Lundi rue Christine Gallimard André Breton Tinchebray, Orne, 1896-Paris 1966 Les dons les plus précieux de l'esprit ne résistent pas à la perte d'une parcelle d'honneur. Manifeste du surréalisme Pauvert Alfred Capus Aix 1858-Neuilly 1922 Académie française, 1914 Le devoir, l'honneur ! Des mots à qui on fait dire ce qu'on veut, comme aux perroquets. Mariage bourgeois Fayard Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Le reste ne vaut pas l'honneur d'être nommé. Cinna, V, 1, Auguste Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Quoi qu'on fasse, on ne peut se déshonorer quand on est riche. Le Neveu de Rameau Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 La voix de la conscience et de l'honneur est bien faible quand les boyaux crient. Le Neveu de Rameau Eugène Grindel, dit Paul Eluard Saint-Denis 1895-Charenton-le-Pont 1952 L'honneur de vivre vaut bien qu'on s'efforce de vivifier. Donner à voir, Au-delà de la peinture Gallimard Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Sire, je ne viens pas redemander ma fille. Quand on n'a plus d'honneur, on n'a plus de famille. Le Roi s'amuse, I, 5, M. de Saint-Vallier Pierre Le Loyer, seigneur de La Brosse Huillé, Anjou, 1550-Angers 1634 L'Amour c'est un désir mutuel en deux âmes, Qui toutes deux les pousse à un pourchas égal ; L'honneur c'est un respect qu'ont entre elles les femmes, Qui les fait délayer de guérir notre mal. Les Amours de Flore recherche différer Louis XIV, roi de France Saint-Germain-en-Laye 1638-Versailles 1715 Les règles de la justice et de l'honneur conduisent presque toujours à l'utilité même. Mémoires Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices, Et chercher sur la terre un endroit écarté Où d'être homme d'honneur on ait la liberté. Le Misanthrope, V, 4, Alceste Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur, On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur. Le Misanthrope, I, 1, Alceste Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 L'honneur que nous recevons de ceux qui nous craignent, ce n'est pas honneur. Essais, I, 42 Marcel Pagnol Aubagne 1895-Paris 1974 L'honneur, c'est comme les allumettes : ça ne sert qu'une fois. Marius, IV, 5, César Fasquelle Charles Péguy Orléans 1873-Villeroy, Seine-et-Marne, 1914 L'honneur d'un peuple est d'un seul tenant. Notre jeunesse Gallimard Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 J'ose dire pourtant que je n'ai mérité Ni cet excès d'honneur ni cette indignité. Britannicus, II, 3, Junie Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Mais sans argent l'honneur n'est qu'une maladie. Les Plaideurs, I, 1, Petit Jean Paul Raynal Narbonne 1885-Paris 1971 La liberté n'est que la femelle de l'honneur. Au soleil de l'instinct Stock Mathurin Régnier Chartres 1573-Rouen 1613 L'honneur est un vieux saint que l'on ne chôme plus. Satires, XIII dont on ne célèbre plus la fête Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Honneur des Hommes, Saint Langage […]. Charmes, la Pythie Gallimard Cicéron, en latin Marcus Tullius Cicero Arpinum 106-Formies 43 avant J.-C. Le repos dans l'honneur. Otium cum dignitate. Des orateurs, I, 1, 1 Commentaire L'idéal, pour le Romain retiré des charges publiques. François Ier, roi de France Cognac 1494-Rambouillet 1547 Tout est perdu, fors l'honneur. Commentaire Formule résumant une phrase de la lettre adressée par François Ier à sa mère, faisant part du désastre de Pavie : « Pour vous avertir comme se porte le ressort de mon infortune, de toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur et la vie qui est saulve. » sainte Jeanne d'Arc, dite la Pucelle d'Orléans Domrémy 1412-Rouen 1431 Il avait été à la peine, c'était bien raison qu'il fût à l'honneur. Procès de Jeanne d'Arc, 9e interrogatoire, 17 mars 1431 Commentaire Réponse de Jeanne d'Arc à ses juges, qui lui demandaient pourquoi son étendard avait été porté à Reims, au sacre du roi, avec ceux des autres capitaines. Abu Bakr Abd Allah vers 573-634 Fuis les honneurs et l'honneur te suivra ; convoite la mort et la vie te sera donnée. Sentence Dante Alighieri Florence 1265-Ravenne 1321 Qui [sans honneur] a consumé sa vie laisse de soi, sur terre, autant de trace que fumée en les airs, écume en l'onde. Sanza la qual chi sua vita consuma, cotal vestigio in terra di sé lascia, qual fummo in aere ed in acqua la schiuma. la Divine Comédie Friedrich von Schiller Marbach 1759-Weimar 1805 Indigne est la nation qui n'accepte pas avec joie de tout sacrifier à son honneur. Nichtswürdig ist die Nation, die nicht […] alles freudig setzt an ihre Ehre. La Pucelle d'Orléans William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Qu'est-ce que l'honneur ? Un mot. Qu'y a-t-il dans ce mot honneur ? Qu'est-ce que cet honneur ? Du vent. What is honour ? A word. What is in that word, honour ? What is that honour ? Air. Henry IV, V, 1, Falstaff ● honneur (difficultés) nom masculin (latin honorem, accusatif de honor, -oris) Orthographe Avec deux n, ainsi que déshonneur. Les autres mots de la même famille ne prennent qu'un seul n : honorabilité, honorable, honorablement, honoraire, honorariat, honorer, honorifique, déshonorer. Emploi En quel honneur ? peut s'employer pour en l'honneur de quoi ? mais non pour en l'honneur de qui ? ● honneur (expressions) nom masculin (latin honorem, accusatif de honor, -oris) Avec honneur, avec mérite, d'une manière qui commande l'estime. À vous l'honneur !, se dit à quelqu'un pour l'inviter à commencer quelque chose, à jouer, à se servir le premier. C'est lui faire trop d'honneur, il ne mérite pas qu'on le traite avec tant de faveur. Cour d'honneur, cour principale d'un château, d'un palais. Dame d'honneur, femme attachée au service d'une princesse, d'une reine. Demoiselle, garçon, petite fille d'honneur, jeunes gens qui assistent les mariés le jour du mariage et qui mènent avec eux le cortège. Droit à l'honneur, droit de la personnalité dont le respect est notamment assuré par la répression des délits de diffamation et d'injure. En l'honneur de, en vue de rendre hommage à telle personne, de célébrer tel événement. Familier. En quel honneur ?, à quel propos ?, pourquoi ?, à l'intention de qui ? Être à l'honneur, être célébré, fêté. Être en honneur, jouir d'une large estime, être entouré de considération. Être l'honneur de, être un motif de fierté, un titre de gloire : Cette réalisation est l'honneur de la ville. Faire honneur à, procurer à quelqu'un, un groupe la considération, l'estime publiques ; se montrer digne de quelqu'un, de quelque chose, lui demeurer fidèle ; reconnaître à quelqu'un, quelque chose un mérite, une qualité, lui attribuer une chose flatteuse. Faire honneur à ses engagements, à sa signature, remplir, respecter ses engagements. Faire honneur à un repas, à un plat, à un vin, etc., montrer qu'on l'apprécie en en reprenant, en en mangeant, en en buvant beaucoup. Faites-moi l'honneur de…, formule de politesse servant à introduire une invitation, une prière. Garde d'honneur, troupe dont on fait accompagner de hauts personnages. Honneur à, exclamation employée pour louer une personne ou une chose digne d'éloge : Honneur au courage ! Membre, président d'honneur, membre, président honoraire. Mettre en honneur quelque chose, contribuer à le faire apprécier. Mettre un point d'honneur à, s'engager à faire quelque chose parce qu'on considère cette action comme touchant à son honneur, à sa réputation. Parole d'honneur, engagement solennel. Place d'honneur, place réservée, dans une réunion, à une personne qu'on veut particulièrement honorer. Pour l'honneur, sans autre profit que la satisfaction d'avoir fait ce que l'on devait accomplir. Prix d'honneur, récompense scolaire venant juste après le prix d'excellence. Se faire honneur de quelque chose, s'attribuer le mérite de quelque chose, par vanité, fatuité. Sur l'honneur, sur mon honneur, formules de serment pour attester qu'on dit vrai. Tour d'honneur, tour de piste ou de terrain effectué après la victoire par le gagnant ou l'équipe gagnante. Votre Honneur, titre donné, en Grande-Bretagne, à certaines personnes de qualité, quand on s'adresse à elles. ● honneur (synonymes) nom masculin (latin honorem, accusatif de honor, -oris) Ensemble de principes moraux qui incitent à ne jamais accomplir...
Contraires :
- déshonneur
- honte
- infamie
Sentiment de sa propre dignité, réputation
Synonymes :
- dignité
- fierté
Littéraire. Vertu d'une femme, souci qu'elle a d'avoir une conduite irréprochable...
Synonymes :
- honnêteté
- pureté
- vertu
Contraires :
- dépravation
- légèreté
Considération, renom, gloire qui va à quelqu'un dont le courage...
Synonymes :
- gloire
Contraires :
- déchéance
honneur
n. m. (et Interj.)
d1./d Disposition morale incitant à agir de manière à obtenir l'estime des autres en conservant le respect de soi-même. Un homme d'honneur.
d2./d Considération dont jouit qqn qui agit selon ce principe. Sauver l'honneur.
|| Donner sa parole d'honneur, jurer sur l'honneur.
|| Se faire un point d'honneur de (+ inf.): apporter tous ses soins à (faire qqch) comme si son honneur était en jeu.
d3./d Gloire retirée d'une action, d'un mérite remarquable. Avoir tout l'honneur d'une affaire.
|| être l'honneur de sa famille, être pour elle un sujet d'orgueil.
— être à l'honneur: être mis au premier plan en signe de respect, d'admiration, d'estime.
|| être en honneur (choses): être apprécié.
|| Champ d'honneur: champ de bataille.
d4./d Marque extérieure de considération, témoignage d'estime. Préparer un repas soigné en l'honneur de ses invités.
— (Dans des formules de politesse.) Faites-moi l'honneur d'accepter cette invitation. J'ai l'honneur de vous annoncer, de vous informer que...
|| Place d'honneur, réservée à un personnage éminent dans une réunion. Demoiselle, garçon d'honneur, qui, dans un mariage, assistent les mariés.
|| (Plur.) Honneurs militaires: saluts, sonneries, salves d'artillerie pour honorer un chef, le drapeau.
— Les honneurs de la guerre: les conditions de reddition permettant à une garnison de se retirer librement, avec armes et bagages.
— Honneurs funèbres: cérémonie des funérailles.
— Faire les honneurs d'une maison, y recevoir avec courtoisie.
d5./d Interj. (Haïti) Formule de politesse par laquelle on salue la personne chez qui on est invité. (V. respect.)
d6./d Faire honneur à qqn, lui valoir de l'honneur, de l'estime. Faire honneur à ses engagements, à sa signature: remplir ses engagements.
— Fam. Faire honneur à un repas, y manger copieusement.
d7./d (Plur.) Dignités, titres qui permettent de se distinguer socialement. Rechercher les honneurs.
d8./d JEU Nom donné aux figures à certains jeux de cartes.
⇒HONNEUR, subst. masc.
I. — Au sing.
A. — 1. Principe moral d'action qui porte une personne à avoir une conduite conforme (quant à la probité, à la vertu, au courage) à une norme sociale et qui lui permette de jouir de l'estime d'autrui et de garder le droit à sa dignité morale. Synon. honnêteté. Forfaire, manquer à l'honneur; code, lois, règles de l'honneur; notion, sentiment de l'honneur. L'honneur, dans son caractère indéfini, est quelque chose de supérieur à la loi et à la morale : on ne le raisonne pas, on le sent. C'est une religion (FEUILLET, Rom. j. homme pauvre, 1858, p. 264). L'honneur parlait, il fallait que l'honneur et seulement l'honneur fût écouté (GOBINEAU, Nouv. asiat., 1876, p. 244) :
• 1. ... le devoir de l'honneur s'est accru en raison de l'élévation du rang. Il y a bien eu un temps en effet où les peuples n'étaient pas tenus pour responsables de leurs engagements; mais c'est quand ils étaient réputés au-dessous de l'honneur comme du pouvoir, quand l'honneur était le privilége insolent d'une seule classe, quand la foi du gentilhomme paraissait seule digne d'inspirer confiance, quand celle du vilain était sans prix.
A. DE BROGLIE, Diplom. et dr. nouv., 1868, p. 208.
— Homme d'honneur. Homme vertueux, probe, intègre, courageux, qui ne transige pas avec les lois les plus strictes de la morale. Est-on un homme d'honneur quand on a dans sa vie une de ces actions qui font rougir quand on est seul? Un homme d'honneur quand on a fait de ces choses que personne ne vous reproche, que rien ne punit, mais qui vous ternissent la conscience?... (GONCOURT, R. Mauperin, 1864, p. 203).
♦ [Formule de serment] Foi, parole d'homme d'honneur, p. ell. du déterminé d'homme d'honneur ou d'honneur. Foi d'homme d'honneur, je le ferai (Ac.). Comment trouvez-vous la pièce? — Charmante. — Vrai? — D'honneur (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 24).
Région. (Belgique, Canada). — Ma foi d'honneur, on dirait presquement que le père Didace le respecte (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 68).
2. En partic. [En parlant d'une femme] Synon. de honnêteté, pudeur. L'inceste est (...) une action simplement immorale. Il en est de même des manquements à l'honneur sexuel que commet la femme en dehors de l'état de mariage (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 43).
B. — P. méton.
1. Bien moral dont jouit une personne dont la conduite (conforme à une norme valorisée socialement) lui confère l'estime des autres et lui permet de garder le sentiment de sa dignité morale. Ils [deux plaideurs] engagent leur droit, leur parole, leur serment, leur honneur enfin, puisque droit et dignité ou honneur sont synonymes (PROUDHON, Guerre et Paix, 1861, p. 201) :
• 2. ... j'ai reçu des nouvelles de l'armée; (...) le baron est loin du danger, il s'en désespère, et je m'en applaudis; il est à l'armée, voilà ce qu'il faut pour ce qu'on appelle l'honneur; je m'y borne, et ne porte pas mes regards jusqu'à la gloire.
SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1568.
Rem. L'honneur dans cette accept. semble être une qualité spécifiquement masculine, la docum. n'atteste que de rares emplois concernant les femmes.
SYNT. Conserver, engager, garder, perdre, recouvrer, sacrifier son honneur; attaquer, blesser, flétrir l'honneur de qqn; se porter garant de l'honneur de qqn; porter atteinte à l'honneur de qqn; faire appel, rendre l'honneur à qqn; compromettre, défendre, engager, laver, sauvegarder, sauver, venger son honneur/l'honneur de qqn; l'honneur est sauf; engagement, question d'honneur.
♦ Affaire d'honneur.
♦ Dette d'honneur.
a) Loc. subst. et adv.
— Parole d'honneur. Engagement, promesse auquel on ne peut manquer sans se déshonorer. Elle exigea ma parole d'honneur que je ne la suivrois point secrètement, et qu'en la quittant je retournerois sur le champ dans mon château : je remplis scrupuleusement cet engagement (GENLIS, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 23).
♦ [Formule de serment, pour introduire une affirmation, pour prendre à témoin qqn] :
• 3. Quand j'avais vingt ans (..), vous me rendîtes des services qu'on n'oublie pas... Vous n'avez pas voulu continuer depuis (...). Parole d'honneur : j'ai été amoureux de vous, Madame Verrière, en outre. Vous étiez fraîche comme une pomme et dodue comme une grive roulant dans une vigne...
MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 209.
♦ Loc. verb. Donner sa parole d'honneur. Promettre solennellement. Je vous donne ma parole d'honneur que je ne consentirai jamais à un mariage avec cet homme (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 448).
— Point d'honneur. Ce qui est essentiel quant à la dignité d'une personne et à l'estime qui lui est due. Prendre tout au point d'honneur; se faire un point d'honneur de qqc. Il y a un point d'honneur chez les femmes de marins, et il est très rare qu'elles se conduisent mal en l'absence de leurs maris (FEUILLET, Veuve, 1884, pp. 18-19). Je ne lui ai pas caché que j'avais mon doctorat mais je lui ai bien fait comprendre que je n'étais pas un intellectuel et que je ne rougissais pas de faire un travail de copiste et que je mettais mon point d'honneur dans l'obéissance et la discipline la plus stricte (SARTRE, Mains sales, 1948, 3e tabl., 1, p. 62).
♦ Point d'honneur de + subst. désignant un sentiment. Point d'honneur de la dignité, de l'orgueil (de qqn). Le point d'honneur de ma fierté est de me passer de ce qui se passe de moi, et de ne pas tenir plus aux autres qu'ils ne tiennent à ma personne (AMIEL, Journal, 1866, p. 282).
— BLAS. Point, lieu d'honneur. Partie centrale de l'écu. (Dict. XIXe et XXe s.).
— [Formule de serment par laquelle on affirme la véracité d'un fait, d'un propos]
♦ Assurer, jurer, promettre sur l'honneur de qqn, p. ell. sur l'honneur. Je l'atteste sur l'honneur (Ac.). Je vous en réponds sur mon honneur (Ac.). Strozzi : Ainsi, Luisa, pas de condition infâme? Luisa : Rien, mon père, rien, sur l'honneur de la famille!... (DUMAS père, Lorenzino, 1842, IV, 3, p. 262). Je te crois en danger, et sur l'honneur je ne dormirai plus tranquille (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 142).
♦ En honneur (vieilli). Florimont : ... si je trouvais une femme comme il faut... Aromate : Tu l'épouserais? Florimont : Sur-le-champ. Aromate : Sérieusement? Florimont : En honneur (DUMAS père, Noce et enterrement, 1826, 5, p. 82).
b) Loc. verb.
— Perdre d'honneur qqn. Ôter toute l'estime, toute la considération dont jouit une personne. Il irait disant partout que je suis jaloux, et cela me perdrait d'honneur (DUMAS père, Mari Veuve, 1832, I, 8, p. 122).
— Piquer d'honneur qqn. Persuader une personne que sa dignité est en jeu (à faire ou non quelque chose). Il n'y a pas encore de majorité; les partis se balancent. Voyez d'abord Monsieur de Lurcy, tâchez de le piquer d'honneur (LECLERCQ, Prov. dram., Élect., 1835, p. 332).
♦ Se piquer d'honneur. Faire preuve dans l'accomplissement d'une tâche, d'une attention, d'un soin plus grand que de coutume. La Bruyère (...) se piqua d'honneur, et voulut que son discours [à l'Académie] comptât et fît époque dans les fastes académiques (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 1, 1861, p. 140).
— [Lors d'une compétition sportive] Sauver l'honneur. Obtenir tardivement un résultat honorable en marquant un but, des points lors d'une rencontre qui s'est déroulée au désavantage d'une équipe, d'un joueur. Battus nous avons du moins sauvé l'honneur en marquant un but (ROB.).
c) [P. allus. à la lettre que François 1er écrivit à sa mère après la défaite de Pavie] Tout est perdu(,) fors/hormis l'honneur. Eux, ils couraient, fous de peur, ils s'aplatissaient dans les fossés, ils demandaient pardon. Pardon dans l'honneur, bien entendu, tout est perdu fors l'honneur, prenez tout dans l'honneur : voilà mon cul, bottez-le dans l'honneur, je vous lécherai le vôtre si vous me laissez la vie (SARTRE, Mort ds l'âme, 1949, p. 81).
2. a) [En parlant d'une collectivité, d'une nation, d'un groupe social, d'une profession] Dignité que confère l'observation de principes déterminés (par le groupe considéré). L'honneur de la France, de l'humanité, de la nation; l'honneur de la magistrature, du métier, professionnel; l'honneur d'une famille, d'un nom, d'une maison. L'honneur national! (...) c'est tout bonnement l'art d'en appeler aux passions des gens trop occupés pour avoir une opinion (STENDHAL, Rossini, 1823, p. 44). Ce sera assez drôle de voir l'honneur des lettres défendu par un maquereau (GONCOURT, Journal, 1860, p. 702) :
• 4. ... Horace annonce non plus l'héroïsme chevaleresque (...) tout repose sur une ruse de guerre qui aboutit (...) au massacre d'un blessé ordinaire (...) cette ruse de guerre est fort loin d'être du même ordre (...) que celle qui soulève Rodrigue contre les Maures surpris (...) c'est (...) un tout autre honneur, non plus l'honneur chevaleresque et guerrier, mais déjà un honneur militaire...
PÉGUY, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 805.
b) En partic. [En parlant d'une femme] Dignité que confère une conduite sexuelle conforme à une norme valorisée socialement (chasteté, fidélité dans le mariage). Ravir l'honneur à une femme. Gardien de l'honneur de ma nièce, j'aurais étranglé son amant avec la complicité du jeune Bernard Ancelot qui tenait les pieds de la victime (AYMÉ, Travelingue, 1941, p. 244) :
• 5. RUFFIN : (...) je suis sûr que si vous vouliez donner une bonne dot à votre fille, le mariage serait conclu. GÉRARD : Je puis lui donner une dot. Mais qui lui rendra l'honneur! RUFFIN : Il y a, Monsieur, plusieurs sortes d'honneur. Et pour l'une d'entre elles, elle se vend au marché.
CAMUS, Esprits, 1953, III, 4, p. 510.
— [L'honneur du mari considéré quant à la fidélité de sa femme] L'honneur d'un mari (...) plus on donne de coups d'épée dedans, plus il y a de trous (DUMAS père, Halifax, 1842, I, 8, p. 37). Il la traitait en animal domestique; ses vices le laissaient aussi indifférent que les miaulements d'une chatte en rut; mettant son honneur bien au-dessus des hontes d'une pareille créature, il assistait, avec un dédain superbe et une froide ironie, au spectacle de la procession d'adolescents défilant dans la chambre de sa femme (ZOLA, M. Férat, 1868, p. 117).
C. — 1. Considération que l'on accorde à une personne qui s'est distinguée par ses qualités morales, par des actions, des attitudes valorisées socialement. Acquérir, briguer de l'honneur; action qui fait honneur à qqn; jour de gloire et d'honneur. J'ai pensé m'y casser le cou [à Vaucluse] en voulant grimper sur une montagne où les voyageurs ne vont jamais et où le guide a refusé de me suivre. Je suis venu à mon honneur, mais non sans danger (CHATEAUBR., Corresp., t. 1, 1802, p. 73). Mon idéal suprême N'était pas l'inouï bonheur, En aimant, d'être aimé moi-même, Mais d'en mourir avec honneur (SULLY PRUDH., Vaines tendr., 1875, p. 152). On peut (...) dire que c'est à lui que revient l'honneur d'avoir proposé le premier projet sérieux fixant les semaines (CHAUVE-BERTRAND, Question calendrier, 1920, p. 107) :
• 6. ... point de périls militaires (...); peu de sang versé, peu d'honneur conquis, de la honte pour quelques-uns, de la gloire pour personne; telle fut cette guerre [la guerre d'Espagne], faite par des princes qui descendaient de Louis XIV et conduite par des généraux qui sortaient de Napoléon.
HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 444.
— Pour l'honneur. Sans en tirer d'avantages, de bénéfice matériel ou financier; pour en retirer de la considération. J'ai eu la maladresse, selon mon habitude, de combattre l'opinion du lieu et de faire de l'opposition pour l'honneur (AMIEL, Journal, 1866, p. 176). Combien d'abonnements? — Cinq. — Cinq! Que cinq, un jour où il fait du soleil! Nous allons faire un journal pour l'honneur tout à l'heure? (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 29).
2. Expr. et loc.
a) Subst. + d'honneur. Qui procure de la gloire, de la considération.
♦ Baroud d'honneur.
♦ Champ d'honneur, lit d'honneur (vx). Champ de bataille. Liste des morts au champ d'honneur. Celle qui vivait d'oraison, Un soir de peine — il faut qu'il faille! — Elle fut grue, et ce bagnard Au champ d'honneur eut la médaille : Il n'est vertu que de hasard! (MUSELLI, Ball. contrad., 1941, p. 108) :
• 7. Ceux qui étaient les plus vivants et les plus forts (...)
Restent là immobiles couchés aux champs d'honneur
La tête dans la mort et la fleur au fusil
La mémorable fleur de leur si simple vie
Et la fleur à son tour
Doucement se pourrit...
PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 111.
b) Loc. verb.
— Sortir, se tirer d'une situation difficile avec/à son honneur. Sortir, se tirer d'une situation difficile sans perdre la face, avec succès. Je lui avais dit, que j'avais fait une épreuve par ma conduite avec Sara, dont elle ne s'était pas tirée à son honneur; qu'elle avait l'âme dure, et que j'étais revenu de mes sentiments pour elle (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 147).
— Être, mettre en honneur. Être apprécié, faire apprécier; être très considéré, entourer de considération. Mettre les lettres, les sciences, la vertu en honneur. La biroulade est un festin de châtaignes rôties qu'on mouille de vin blanc, et qui est en grand honneur dans les Cévennes (MALOT, Sans fam., 1878, p. 68).
♦ P. ext. [En parlant d'un procédé, d'une mode] Être conforme au goût du jour; avoir cours; être à la mode. Le portique [de la Fuite de Loth] à colonnes composites, aux bossages carrés, est dans le style d'architecture en honneur à Anvers du temps de Rubens (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 131). Encore que le mécanisme soit fort en honneur dans la science contemporaine, il ne règne pas sans partage (J. ROSTAND, La Vie et ses probl., 1939, p. 148).
— Qqn/qqc. (est l') honneur de. Procurer de la gloire à, être une cause de fierté, de joie, de bonheur. Être l'honneur de son pays, de sa patrie, de son temps. La belle féline, la si bien nommée, qui est à la fois l'honneur de son sexe, l'orgueil de mon cœur et le parfum de mon esprit (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 81). L'étiquette bien visible est l'honneur des crus probes (COLETTE, Jumelle, 1938, p. 61).
D. — 1. Marque de respect, d'estime; manifestation extérieure qui rend témoignage de la considération, de l'admiration qu'on porte à une personne; privilège accordé à quelqu'un pour le distinguer, lui donner des marques de considération. Désirer, recevoir un honneur; prétendre à un honneur; accorder, faire beaucoup d'honneur à qqn. Cet honneur [d'être fixés sur la toile] semblait réservé aux seuls héros du De Viris illustribus (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 10). Deux frères extrêmes se retrouvent un soir, le premier avide de dégradation, l'autre de stabilité et d'honneur (ARNOUX, Suite var., 1925, p. 37). Je voulais vous entretenir de la venue du Pogge, et combiner avec vous deux la façon dont nous lui rendrions honneur (MONTHERL., Malatesta, 1946, IV, 3, p. 513) :
• 8. Il y avait à l'hospice général de Rouen un idiot que l'on appelait Mirabeau, et qui, pour un café, enfilait les femmes mortes sur la table d'amphithéâtre. Je suis fâché que vous n'ayez pu introduire ce petit épisode dans votre livre (...). Il est vrai que Mirabeau était faible et ne mérite pas tant d'honneur, car un jour il a calé bassement devant une femme guillotinée.
FLAUB., Corresp., 1861, p. 436.
— [Pour engager qqn à commencer dans une épreuve sportive, un jeu] À vous/toi l'honneur de commencer à jouer, p. ell. à vous/toi l'honneur. Les deux illustrissimes se fendirent l'un sur l'autre, en même temps, se tournèrent le dos, coururent et se rencontrèrent au milieu de la lice (...) — À toi l'honneur! — On te le cède! (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 276).
♦ P. ext., cour. Il monte par l'escalier intérieur. Maître Simon : Passez, maître Maugier, à vous l'honneur (A. FRANCE, Com. femme muette, 1912, I, 3, p. 449).
— [Pour rendre hommage à une personne dont la conduite, les qualités provoquent l'admiration] Honneur à qqn, qqc.! Honneur aux braves! Honneur donc aux savants généreux! Honneur à ces esprits infatigables qui consacrent leurs veilles à l'amélioration ou bien au soulagement de leur espèce! Honneur! Trois fois honneur! (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 16).
♦ Transcription française d'un titre usité en Angleterre Votre honneur. Je vais vous dire comme à ce domestique italien qui (...) me donnait à chaque mot du « Votre Honneur » (...) : « Ne me parlez donc pas toujours de mon honneur. Vous finiriez par le faire venir » (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 971).
♦ Sauf votre honneur. ,,Sauf le respect que je vous dois`` (Ac.).
2. Subst. + d'honneur
— [Le subst. désigne une pers., un titre, une fonction ou la place occupée dans la hiérarchie sociale] Dame, demoiselle, fille, garçon, garde d'honneur.
♦ HIST. Chevalier d'honneur. Conseiller d'épée qui avait séance et voix délibérative dans les cours souveraines. (Dict. XIXe et XXe s.). Chevalier attaché à la personne d'un prince, d'une princesse. Elle était la femme de ce fameux marquis Crescenzi, chevalier d'honneur de la princesse (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 467).
— [Le subst. désigne un lieu]
♦ Chambre, cour, escalier d'honneur. Dont l'usage est réservé pour rendre hommage à quelqu'un. Notre grand-père (...) nous guettait sur le palier d'honneur (FEUILLET, Scènes et prov., 1851, p. 320).
♦ Place d'honneur. Place réservée à une personne, à quelque chose qu'on veut honorer. Ferdinand reçut le tableau avec piété (...) et l'accrocha dans le salon au-dessus du piano, à la place d'honneur (AYMÉ, Jument, 1933, p. 34).
— [Le subst. désigne une distinction] Qui rend hommage aux qualités d'une personne; qui marque la considération qu'on a pour lui. Croix, Légion, Tableau d'honneur.
♦ Épée, fusil d'honneur. Arme donnée à un militaire en mémoire d'une action d'éclat, de son mérite, de sa bravoure. On voyait (...) un parchemin jauni (...) : c'était un brevet de chevalier de la Légion d'honneur. Au-dessous étincelait la croix, (...) et, pour compléter ce trophée, un sabre d'honneur dont la lame avait brillé au soleil des grandes batailles impériales (MURGER, Scènes vie jeun., 1851, p. 127).
3. Locutions
a) En l'honneur de + subst.
) [Le subst. désigne une pers., une qualité, un sentiment] Pour rendre hommage, pour honorer quelqu'un, quelque chose. Couplet, hymne, poème en l'honneur de qqn/qqc.; célébrer une fête, élever un monument en l'honneur de qqn/qqc. Je vais pousser jusqu'à Savonnières pour y ruminer à mon aise un sonnet en l'honneur de la beauté non pareille qui a blessé mon cœur... (THEURIET, Mar. Gérard, 1875, p. 131). Un ami de province marié depuis peu (...) offrait en l'honneur de sa jeune femme un grand bal costumé (LORRAIN, Sens. et souv., 1895, p. 112). La Camargo (...) fait représenter un ballet en l'honneur de son soupirant (L. SCHNEIDER, Maîtres opérette fr., 1924, p. 199).
Rem. Vieilli. À l'honneur de. L'église (...) élevée par l'évêque Rey, à l'honneur de saint François de Sales (AMIEL, Journal, 1866, p. 411).
— [Le subst. désigne un événement relatif à une pers.] En vue de fêter, de célébrer. Je lui ai fait un cadeau en l'honneur de son anniversaire (ROB.).
) En quel honneur? À quel propos, pourquoi, à cause de qui? Qu'as-tu fait d'abord? Albert, impatienté : Une visite à Maurice Cormier... Là!... Es-tu contente? Louise : À Maurice Cormier?... En quel honneur? Albert : J'allais lui porter un papier et lui poser une question (CUREL, Nouv. idole, 1899, III, 2, p. 233). J'ai toujours payé de ma personne!... Ici!... Là-bas!... Ailleurs!... Partout! (...) Jamais éludé un péril! Jamais!... En quel honneur?... (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 521). En quel honneur t'étais-tu faite si belle? (ANOUILH, Antig., 1946, p. 154).
) Bras d'honneur. Geste trivial par lequel on signifie à quelqu'un un mépris injurieux. La mère Marcoussi s'il l'envoie rebondir dans son règlement!... Il lui fait des gestes... des bras d'honneur, elle l'effarouche pas (A. BOUDARD, L'Hôpital, Paris, Gallimard (Folio), 1974 [1972], p. 49).
b) L'honneur de + inf. [En spécifiant la considération, la marque d'estime qui est accordée] L'abbé, véritable parvenu, était fort sensible à l'honneur de dîner avec un grand seigneur (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 253). Ce qu'il y a de plus difficile à gagner dans ce monde, ce qui se paye le plus cher, (...) c'est l'argent, n'est-ce pas? C'est le bonheur et l'honneur d'être riche, c'est la jouissance et la considération du million (GONCOURT, R. Mauperin, 1864, p. 86).
c) Loc. verb.
— Être à l'honneur. Être fêté, célébré. (Dict. XIXe et XXe s.). Être privilégié, avoir la première place. Ce genre de femme, qui était à l'honneur dans ses romans l'intimidait par sa beauté (AYMÉ, Travelingue, 1941, p. 69).
— Être (tout) à l'honneur de qqn. Être à l'avantage de quelqu'un et lui valoir des marques de considération, d'estime. Pour le développement de la saine philosophie sociale, et à l'honneur croissant des estimables esprits qui s'y livrent... (COMTE, Philos. posit., t. 5, 1839-42, p. 338). Peut-être que ce sont les enfants d'un de ses hommes qui aurait été tué à côté de lui et qu'il est devenu pour ainsi dire leur tuteur. — Si c'était vrai pourquoi ne pas nous le dire? Ce serait tout à son honneur. Mais je crains le pire (QUENEAU, Un rude hiver, p. 146 ds REY-CHANTR. Expr. 1979).
— Faire honneur à qqn/qqc. Être une des causes de l'estime, de la considération qui est accordée à quelqu'un ou quelque chose; lui donner des marques de considération.
) Qqn/qqc. fait honneur à qqn/qqc. Une statue de marbre représentant une divinité mythologique, (...) laquelle avait dû être fort galante en son temps et faire honneur à l'ouvrier, mais qui était camarde comme la mort, ayant le nez cassé (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 4). J'en saute de joie! et toi aussi, il faut que tu sautes! Je t'assure que je te ferai honneur; regarde ma jolie robe mauve (TAINE, Notes Paris, 1867, p. 75). On m'a demandé tantôt un avocat pour la prochaine session du conseil de guerre. Il fallait quelqu'un qui fît honneur au bataillon. Je vous ai désigné (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 61). Il fallait que son frère fît honneur à la famille (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 244). Si je réussissais une vie, une œuvre qui fissent honneur à l'humanité, on me féliciterait d'avoir foulé aux pieds le conformisme (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 188).
— P. ext. Se montrer digne de. Faire honneur à sa naissance, à son éducation (Ac.). En partic. Faire honneur à ses affaires, ses engagements. Les honorer, les tenir. Faire honneur à ses affaires (...). Qu'est-ce que l'honneur vient faire ici? Je le demande aux Sages (BLOY, Lieux communs, 1902, p. 155). Faire honneur à + subst. désignant un repas. Manger abondamment et avec plaisir. Faire honneur à un déjeuner. Walter allait de table en table, excitant ses hôtes à faire honneur au festin (P. LALO, Mus., 1899, p. 84).
Rem. La loc. faire honneur à qqn/qqc. peut soit signifier : « être digne de quelqu'un » (TAINE, loc. cit., supra c ), soit « honorer » (GAUTIER, loc. cit., supra c ) sans qu'il soit toujours aisé de décider.
) Faire honneur à qqn de qqc. Attribuer (généralement à tort), à quelqu'un quelque chose qui procure de la considération et dont le mérite lui revient. C'est à cette belle et méchante reine [Isabeau de Bavière] qu'il faut faire honneur de ces robes échancrées par derrière (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 267). Tite-Live attribue la fondation de Rome à Romulus. Salluste en fait honneur aux Troyens d'Enée (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 123) :
• 9. On a fait honneur à Bossuet de la conception de son livre [L'Histoire universelle]. Non, elle n'appartient pas au génie de Bossuet, mais à celui de l'Église.
COUSIN, Hist. philos. mod., t. 1, 1847, p. 241.
— Se faire honneur de qqc. Se sentir honoré de quelque chose, en retirer de l'orgueil. Rodogune, la pièce dont Corneille se faisait le plus d'honneur (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 7, 1864, p. 216). On aime (...) à se faire honneur de sacrifices que l'on fait quand on est riche et qu'on a la conscience de ce qu'on a le droit d'exiger (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1863, p. 490).
— [Formule de politesse] Faire l'honneur de + inf. Je désirerais entretenir (...) madame la comtesse (...). Demande-lui si elle veut me faire (...) l'honneur de me rejoindre ici (DUMAS père, Mariage sous Louis XV, 1841, I, 7, p. 116).
♦ Emploi pronom. Se faire l'honneur de répondre à votre bienveillante offre (DUSSORT, Lettres, 1930, p. 2).
— Tenir à honneur. Considérer comme honorifique, comme une marque d'estime, de considération. Dolorès tenait (...) à honneur de sortir triomphante de cette lutte (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 198). Les « hommes » tenaient à honneur le port de la casquette (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 236).
— MAR. Ranger un navire, une terre à l'honneur. ,,Passer avec un navire très près d'un autre navire ou d'une terre sans les toucher`` (GRUSS 1952). La brise (...) nous permit de doubler cette île à l'honneur (DUMONT D'URVILLE, Voy. Pôle Sud, t. 4, 1842, p. 331).
— Avoir l'honneur (de). [Employé dans des formules de politesse]
♦ Avoir l'honneur de + inf. Agréez, Monsieur, l'assurance des sentiments distingués, avec lesquels j'ai l'honneur d'être votre très humble et très obéissante servante (STAËL, Lettres jeun., 1784, p. 20).
♦ À qui ai-je l'honneur (de parler)? À qui ai-je l'honneur?... dit l'Abbé, dont la mémoire semblait chercher un nom (GONCOURT, R. Mauperin, 1864, p. 73).
♦ Je n'ai pas l'honneur de + inf. Je n'ai pas l'honneur de vous connaître personnellement (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 336).
♦ J'ai bien l'honneur (de vous saluer, d'être votre serviteur, etc.). [Pour clore une entrevue, pour prendre congé] Chère Guiguite, j'aime le plaisir que j'ai avec toi, j'aime le plaisir que je te donne, enfin tu as dix-huit ans, et tu me plais. Adieu, ma chère, j'ai bien l'honneur (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 934).
— Proverbe À tout seigneur, tout honneur. Il faut rendre honneur à chacun selon son rang et sa qualité. Vous pouvez monter, messieurs de la douane (...). Vous aussi, monsieur Morel, et le premier même. À tout seigneur, tout honneur! (DUMAS père, Monte-Cristo, 1848, I, 1, p. 3).
II. — Au plur.
A. — Témoignages, marques de considération, d'estime, rendus à une personne qui s'est distinguée par sa conduite; marques de distinction. Jamais encore une mission n'avait été reçue avec autant d'honneurs (THARAUD, Passant Éthiopie, 1936, p. 25) :
• 10. ... nous sommes tous pêcheurs; mais les plus indignes de miséricorde ne sont pas ceux qui donnent le scandale, ni ceux-là qui, vivant selon le vice, usurpent les honneurs dus à la seule vertu.
PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 222.
— Loc. Avec (tous) les honneurs dus à son rang. Avec la considération que l'on témoigne à des gens importants. Je tiens à ce que, dans deux heures, Natacha Féodorovna soit ici... et qu'elle y soit amenée avec les honneurs dus à son rang (G. LEROUX, Roul. tsar, 1912, p. 175). Par antiphrase. Sans ménagement. Peu après, Croquignol, Ribouldingue et Filochard furent vidés avec tous les honneurs dus à leur rang et le directeur du cirque les envoya se faire pendre ailleurs (L'Épatant, 1908, p. 28 ds REY-CHANTR. Expr. 1979).
♦ Rendre à qqn les (derniers) honneurs, les honneurs suprêmes. Lui faire des funérailles dignes de lui. Voilà le goût des hommes et ce qu'on appelle rendre les honneurs aux grands. Je serais bien humilié qu'à mon enterrement on fit de semblables bêtises (FLAUB., Corresp., 1839, p. 113).
♦ Honneurs funèbres, suprêmes. Derniers hommages rendus lors des funérailles. Rendre les honneurs funèbres; honneurs funèbres civils, militaires. L'autre [Grétry] obtient des honneurs funèbres dont les annales des arts n'offrent (...) aucun exemple (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 240).
♦ Honneurs militaires. Marques spéciales de respect (salut, salves, cérémonies) dont sont honorées certaines personnes occupant une place élevée dans la hiérarchie sociale (civile ou militaire). En raison de sa rosette, l'auteur de Sac au dos avait droit aux honneurs militaires (BLOY, Journal, 1907, p. 350).
♦ Rendre les honneurs (militaires). Les mouvements secs de la sentinelle qui rend les honneurs accueillent Maxence (PSICHARI, Voy. Centur., 1914, p. 115).
— Honneurs de la guerre. Conditions faites aux troupes qui ont capitulé après un combat honorable et qui leur permettent de sortir de la place assiégée avec leurs armes. Obtenir les honneurs de la guerre.
♦ Au fig. Conditions honorables qui permettent aux deux parties opposées dans un procès, un conflit, de considérer que leur dignité est pré S'en tirer avec les honneurs de la guerre. Quoique j'aie succombé, (...) j'ai succombé avec les honneurs de la guerre (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 8).
— Loc. verb.
♦ Avoir les honneurs de la première page. Figurer, être cité, mentionné à la première page d'un journal. Vous avez vu que Swann a « les honneurs » du Figaro? (PROUST, Swann, 1913, p. 22).
♦ Faire (à qqn) les honneurs (d'une maison). Recevoir des hôtes avec des attentions toutes particulières, dans le souci de leur être agréable. Celui-ci avait cru devoir faire les honneurs de l'hôtel à son ami Venture et le lui montrer en détail, depuis les combles jusqu'aux offices (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 513). — Allons, fais les honneurs, lui dit sa mère [à un petit garçon], en le conduisant dans la première pièce (ZOLA, Page amour, 1878, p. 890). Faire les honneurs de la table. Présider un repas et veiller à ce que chacun soit satisfait. Malvina (...) m'envoya chercher pour faire les honneurs du repas (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 393).
♦ Faire les honneurs de qqn/qqc. Les présenter en les vantant. Monsieur le premier gentilhomme de la Chambre peut dire à Mademoiselle Colombe qu'elle ne se repentira pas de m'avoir laissée faire les honneurs de son nom (VIGNY, Serv. grand. milit., 1835, p. 110). Je tiens essentiellement à ce que ma fille nous fasse elle-même les honneurs de mon madère (A. FRANCE, Jocaste, 1879, p. 10).
♦ VÉN. Faire les honneurs du pied. Apporter à la personne qu'on veut honorer le pied droit de devant de la bête qui vient d'être tuée. Ceux qui bénissent les meutes Ceux qui font les honneurs du pied (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 8).
B. — Absol. Fonctions, titres qui confèrent de l'éclat dans la société. Aspirer, briguer, rechercher les honneurs; acquérir, se procurer des honneurs; obtenir des honneurs. Dans un pays, les chefs égaux en forces, se redoutant mutuellement, firent des pactes impies, des associations scélérates; et se partageant les pouvoirs, les rangs, les honneurs, ils s'attribuèrent des privilèges, des immunités (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 66). Je me répète cette maxime qui est de moi : « Les honneurs déshonorent, le titre dégrade, la fonction abrutit. » Commentaire : impossible de pousser plus loin l'orgueil (FLAUB., Corresp., 1880, p. 407). Quelque 11 pour cent du revenu national de la Grande-Bretagne, à l'époque, sont vraisemblablement dépensés par les riches, au dam de la communauté, pour acquérir un rang, pour se procurer des honneurs, pour s'assurer une influence sociale (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 387).
— En partic. Hiérarchie des magistratures et fonctions publiques. Honneurs militaires et civils; carrière des honneurs. Il poussait Anténor dans la carrière des honneurs; maire, conseiller général, que sais-je encore? (ARÈNE, Tor Entrays, 1876, p. 176).
C. — Principales pièces qui servent aux cérémonies, aux sacres des rois, à la célébration des grandes cérémonies. Voulait-on un char avec galerie ou un char avec panaches, des tresses aux chevaux, des aigrettes aux valets, des initiales ou un blason, des lampes funèbres, un homme pour porter les honneurs (...)? (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 227). P. ext. Du Poizat énuméra alors les honneurs du prince impérial, le chrémeau, le cierge, la salière, et les honneurs du parrain et de la marraine, le bassin, l'aiguière, la serviette; tous ces objets étaient portés par des dames du palais (ZOLA, E. Rougon, 1876, p. 100).
D. — (Chacune des) figures d'atout, (chacune des) cartes les plus hautes (au bridge et au whist). Jouer honneur sur honneur; cent d'honneurs; points d'honneur(s). Évaluation de la main (...). L'évaluation est double et comprend : 1o L'évaluation des honneurs par le compte des points d'honneur, créé par Milton Work. 2o L'évaluation de la distribution par le compte des points de distribution, créé par P. Albarran (ALBARRAN, LE DENTU, Mémento du bridge, Paris, Fayard, 1952, p. 3).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. nn ne se conserve pas dans les dér. honorable, honoraire, honorer, etc. Comparer avec ordonner, ordonnance, ordonnateur, tonne, tonneau, tonnelle, etc. (cf. V. G. GAK, L'orth. du fr., Paris, SELAF, 1976, p. 198). Étymol. et Hist. A. 1. a) 2e moitié Xe s. « marque de vénération, de considération, d'honneur » (S. Léger, éd. J. Linskill, 2 [sing.], 7 [plur.]); b) 1835 Votre Honneur (en Angleterre) titre donné par respect à certaines pers. de qualité (Ac.); 2. mil. XIe s. « considération, estime, haut crédit dont on jouit » (Alexis, éd. Chr. Storey, 69); 1679 faire honneur à la lettre [de change] « se montrer digne de la considération dont on jouit en s'acquittant de ses obligations » (SAVARY DES BRUSLONS, Parfait négociant, I, p. 147 ds KUHN, p. 139); 3. ca 1100 « sentiment qu'on a de sa dignité » (Roland, éd. J. Bédier, 533); spéc. à propos d'une femme ca 1145 « sagesse du maintien, de la conduite » (WACE, Conception N.-D., 607 ds T.-L.); ca 1170 (M. DE FRANCE, Lais, Milun, éd. J. Rychner, 58 : [la demeisele] S'onur e sun bien ad perdu). B. 2e moitié Xe s. « office, charge » (S. Léger, éd. citée, 120); ca 1100 « domaine, possession, fief » (Roland, éd. citée, 315). Du lat. class. honos, honoris, masc. « honneur rendu aux dieux, décerné à qqn, marque de considération; charge, magistrature, fonction publique »; à l'époque médiév., honor désigne surtout la charge octroyée par le roi au comte, au duc, aux officiers royaux (dep. le VIe s. ds NIERM., § 8); ces fonctions entraînant la concession de revenus fonciers, l'honor finit par se confondre avec le beneficium; devenu héréditaire, il tend naturellement à désigner le fief (dep. le début du IXe s., ibid., § 14; v. HOLLYMAN, pp. 33-37; F.-L. GANSHOF, Qu'est-ce que la féodalité?, pp. 77, 79 et 153-154; R. BOUTRUCHE, Seigneurie et féodalité, t. 2, pp. 263-64). — A 1 b est le calque de l'angl. Your Honour, appellation d'une pers. de qualité, de haut rang (dep. 1553 ds NED), notamment, à l'époque mod., de certains officiers, entre autres des juges des cours comtales. L'a. fr. onor, enor, eneur (la plupart du temps fém. d'apr. le genre des mots en -eur) est ultérieurement devenu honneur p. réfection étymologique. Fréq. abs. littér. : 13 345. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 26 685, b) 19 449; XXe s. : a) 18 242, b) 12 588. Bbg. BURGESS (G. S.). Contribution à l'ét. du vocab. pré-courtois. Genève, 1970, pp. 69-90. - DARM. Vie 1932, p. 51. - FOSTER (B.). Fr. St. 1972, t. 26, p. 493. - QUEM. DDL t. 10. - ROSSI (D.). Honneur e conscience nella lingua e nella cultura di Margherita di Navarra. Journal (The) of Medieval and Renaissance studies. 1975, t. 5, pp. 63-87.
honneur [ɔnœʀ] n. m.
ÉTYM. Xe; honor, onor; honur, Chanson de Roland, 1080; d'abord « marque d'honneur », sens I, 1, mil. XIe; var. pop. enour; du lat. honor ou honos, accusatif honorem.
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I Dignité morale.
1 a Bien moral qui correspond au sentiment de mériter la considération et de garder le droit à sa propre estime. ⇒ Dignité, fierté; estime, respect (de soi-même). || L'honneur de qqn, son honneur. || Attaquer, blesser, déchirer, ruiner l'honneur de qqn. || Commettre, compromettre (cit. 5), vendre son honneur. || Porter atteinte à l'honneur de qqn par diffamation (cit. 3). || Engager (cit. 6) son honneur. || Défendre, venger son honneur (→ Faire, cit. 56). || Perdre, garder (cit. 45), conserver (→ Exprès, cit. 2) son honneur. — ☑ Absolt. || « Tout est perdu, fors l'honneur » (François Ier). || L'honneur est sauf. || Sauver l'honneur. — Spécialt (en parlant d'une rencontre sportive qui a tourné au désavantage d'un joueur, d'une équipe). || Battus, nous avons du moins sauvé l'honneur en marquant un but. — Mon honneur est en jeu. || Il y va de l'honneur (→ 1. Bien, cit. 79). || C'est une tache à son honneur. ⇒ Entacher. || Cette action l'a perdu d'honneur. || Aimer l'argent (cit. 19) plus que l'honneur. || Votre honneur m'est cher (→ 2. Brocard, cit. 2).
1 Viens me venger. — De quoi ? — D'un affront si cruel,
Qu'à l'honneur de tous deux il porte un coup mortel (…)
Corneille, le Cid, I, 5.
2 Et l'on peut me réduire à vivre sans bonheur.
Mais non pas me résoudre à vivre sans honneur.
Corneille, le Cid, II, 1.
3 Car qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-là serait infâme.
Pascal, Pensées, II, 147.
4 La plupart des hommes s'exposent assez dans la guerre pour sauver leur honneur; mais peu se veulent exposer toujours autant qu'il est nécessaire pour faire réussir le dessein pour lequel ils s'exposent.
La Rochefoucauld, Maximes, 219.
5 (Le lièvre) Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard (…)
La Fontaine, Fables, VI, 10.
6 Je distingue dans ce qu'on appelle honneur celui qui se tire de l'opinion publique, et celui qui dérive de l'estime de soi-même.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, I, Lettre XXIV.
7 (…) c'est un homme si scrupuleux et si délicat sur l'honneur, qu'il exagère quelquefois, et se fait des fantômes où les autres ne voient rien.
Beaumarchais, la Mère coupable, III, 1.
8 Pour ne parler que de morale, on sent combien ce mot, l'honneur, renferme d'idées complexes et métaphysiques. Notre siècle en a senti les inconvénients; et, pour ramener tout au simple, pour prévenir tout abus des mots, il a établi que l'honneur restait dans son intégrité à tout homme qui n'avait point été repris de justice.
Chamfort, Maximes et pensées, Philosophie et morale, XLII.
9 Bien que supplément obligé aux lois qui ne connaissent pas des offenses faites à l'honneur, le duel est affreux, surtout lorsqu'il détruit une vie pleine d'espérances (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 280.
10 Je perds tout sauf l'honneur ainsi qu'à Marignan.
J'ai perdu mes amours. Où sont-elles allées ?
Apollinaire, Ombre de mon amour, XXIII.
11 Pour de l'argent, il a vendu son honneur et son ami. Pour de l'argent, il vendrait son âme (…)
Louis Madelin, Talleyrand, II.
12 La vie vaut-elle plus que l'honneur ? L'honneur plus que la vie ? Qui ne s'est pas posé une fois la question ne sait pas ce qu'est l'honneur, ni la vie.
Bernanos, le Scandale de la vérité, p. 9.
♦ Vx. || L'honneur du rang, de la naissance (→ Cœur, cit. 106).
♦ ☑ Loc. vieillie. (Déb. XVIIIe, Fénelon). Piquer d'honneur (qqn) : persuader (qqn) que son honneur est engagé (à faire ou ne pas faire qqch.). ☑ Se piquer d'honneur : croire qu'il y va de son honneur en telle ou telle occasion, et, par suite, y apporter tous les soins, toute l'habileté, toute l'énergie dont on est capable. ⇒ Zèle. || Son premier travail ne m'avait pas satisfait, mais cette fois il s'est piqué d'honneur : c'est parfait. || Se piquer d'honneur, d'un faux honneur de… (avec l'infinitif). → Ensevelir, cit. 23.
12.1 (…) elle piquerait le prince Ahmed d'honneur, en l'engageant à lui procurer certains avantages, par l'entremise de la fée, sous prétexte d'en tirer une grande utilité dont il lui avait obligation.
A. Galland, les Mille et une Nuits, t. III, p. 429.
♦ Vieilli. || Mettre son honneur à (et inf.) : considérer comme une question d'honneur (→ ci-dessous, Mettre son point d'honneur).
♦ ☑ (1580). Point d'honneur : la chose essentielle quant à l'honneur, ce qu'on regarde comme intéressant au premier chef l'honneur. || « Origine du point d'honneur » (Montesquieu, De l'esprit des lois, XXVIII, 20). || Être délicat, intraitable sur le point d'honneur (→ Hidalgo, cit.). || Contestation sur le point d'honneur. || « Autrefois les maréchaux de France étaient juges du point d'honneur » (Académie). || Un singulier, un faux point d'honneur (→ Déchoir, cit. 2; gloriole, cit. 5). ☑ Prendre tout au point d'honneur : faire preuve d'une susceptibilité excessive quant au point d'honneur. || Se faire un point d'honneur de qqch., le tenir pour une chose qui intéresse essentiellement l'honneur. || Mettre un point d'honneur, son point d'honneur à frauder (cit. 3) ses créanciers. || Se faire un point d'honneur de…
13 (…) vous êtes homme qui savez les maximes du point d'honneur, et je vous demande raison de l'affront qui m'a été fait.
Molière, George Dandin, I, 6.
14 Je conçois bien qu'un scélérat, associé à d'autres scélérats, cèle d'abord ses complices; les brigands s'en font un point d'honneur : car il y a de ce qu'on appelle honneur jusque dans le crime.
Voltaire, la Henriade, Dissert. sur la mort de Henri IV.
15 Frédéric, par point d'honneur, crut devoir les fréquenter plus que jamais.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, III.
♦ … d'honneur. — (XVIIe). || Affaire d'honneur : affaire où l'honneur est engagé; spécialt (1771), duel. || Réparation d'honneur. || Dette (cit. 8) d'honneur. || Engagement d'honneur (→ Fiançailles, cit. 2). ⇒ Promesse, serment. — ☑ (1694). Parole (cit. 14) d'honneur. — Exclamativement. || (Ma) parole d'honneur ! (→ Autant, cit. 34). ⇒ Parole (ma).
16 Pesez ce que vaut, parmi nous, cette expression populaire, universelle, décisive et simple cependant — Donner sa parole d'honneur.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, Conclusion.
♦ Exclam. Vx. || D'honneur ! : en vérité !
16.1 Tiens, mais c'est d'honneur vrai, ils sont tous les mêmes ! Des parvenus !
H. Monnier, le Roman chez la concierge, Scènes populaires, t. I, p. 14.
♦ ☑ (1690, sur mon honneur). Assurer, jurer sur l'honneur, sur son honneur (→ Coupable, cit. 3; devant, cit. 6). || Je l'atteste sur l'honneur, je vous en réponds sur mon honneur. — Ellipt. || Sur l'honneur, d'honneur (vx), en honneur (vx) : je le jure sur l'honneur.
b (Mil. XIIe). Spécialt, vieilli. || L'honneur d'une femme, réputation attachée au caractère irréprochable de ses mœurs ou de sa situation (fidélité, chasteté : interdiction des relations extra-conjugales). ⇒ Honnêteté. — ☑ Loc. (Vx). || « Rendre l'honneur à une femme, l'épouser après l'avoir eue pour maîtresse » (Littré). « Ravir l'honneur à une femme », la violer (Académie). || Des prudes défendant sauvagement leur honneur (→ Armer, cit. 22). || Commettre (cit. 11) l'honneur de sa dame. || L'honneur dans le mariage (→ Conformité, cit. 1; émousser, cit. 2).
17 Nous avons intérêt que l'hymen prétendu
Répare sur-le-champ l'honneur qu'elle a perdu.
Molière, l'École des maris, III, 5.
18 (…) j'ai l'honneur en recommandation, et j'aimerois mieux me voir morte, que de me voir déshonorée.
Molière, Dom Juan, II, 2.
19 Enfin sa compagne sortit de l'arrière-cabinet, tout éperdue, sans pouvoir parler, réfléchissant profondément sur le caractère des grands et des demi-grands, qui sacrifient si légèrement la liberté des hommes et l'honneur des femmes.
Voltaire, l'Ingénu, XV.
20 (…) je parle comme une femme outragée dans son honneur, c'est-à-dire dans ce qu'elle a de plus précieux.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XXI.
♦ ☑ Loc. mod. En tout bien tout honneur. ⇒ Bien (cit. 75 à 78).
♦ Vx. || L'honneur d'un homme, réputation liée au comportement sexuel (fidélité) de sa femme (→ Eunuque, cit. 2; fat, cit. 2).
21 Il prend, pour mon honneur, un intérêt extrême (…)
Molière, Tartuffe, I, 5.
c (En parlant d'une collectivité, d'un corps, d'une profession). || Compromettre, sauver l'honneur de la famille, du nom, du régiment, de la corporation. || Pour l'honneur de la profession. || L'honneur national, professionnel, sacerdotal (→ Coupable, cit. 3), militaire. — Par ext. || Son honneur de soldat, de médecin, de savant : l'honneur qu'il défend en tant que soldat, etc. (et qui peut coexister avec l'honneur personnel, parfois s'y opposer).
22 On peut voir (…) quel haut sentiment elle avait de l'honneur militaire, et à quel point elle épousa cette religion de loyauté, de dévouement et de sacrifice (…)
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 9 juin 1851, t. IV, p. 220.
23 Ce que nous défendons, ce n'est pas seulement notre honneur. Ce n'est pas seulement l'honneur de tout notre peuple, dans le présent, c'est l'honneur historique de notre peuple, tout l'honneur historique de toute notre race, l'honneur de nos aïeux, l'honneur de nos enfants (…) Une seule tache entache toute une famille. Elle entache aussi tout un peuple. Un seul point marque l'honneur de toute une famille. Un seul point marque aussi l'honneur de tout un peuple. Un peuple ne peut pas rester sur une injure, subie, exercée, sur un crime, aussi solennellement, aussi définitivement endossé. L'honneur d'un peuple est d'un seul tenant.
Ch. Péguy, la République…, p. 256.
24 Pour intéresser un Français à un match de boxe, il faut lui dire que son honneur national y est engagé; pour intéresser un Anglais à une guerre, rien de tel que de lui suggérer qu'elle ressemble à un match de boxe.
A. Maurois, les Silences du colonel Bramble, I.
2 (1080). Absolt. a L'honneur (souvent écrit avec un h majuscule) : le sentiment qui pousse à obtenir ou à préserver ce bien moral. || Les grandes notions, les grands mots d'Honneur, Patrie, Droit, Civilisation (→ Alouette, cit. 5; employer, cit. 14; évangile, cit. 8; gros, cit. 19). || L'honneur considéré comme un sentiment, une foi (→ Armée, cit. 16), un devoir (→ Amour, cit. 8), une maladie (→ Argent, cit. 29). || L'honneur a sa source dans l'amour-propre (→ Amour, cit. 50), dans des préjugés de caste (cit. 1). || Honneur chevaleresque (cit. 1). || Règles (→ Bienséance, cit. 10), prescriptions, lois, code, morale (→ Gagner, cit. 10) de l'honneur. || Ce que prescrit, ce qu'ordonne l'honneur (→ Capitulation, cit. 2; extrémité, cit. 11). || L'honneur veut, exige que… || Ne consulter que l'honneur, n'écouter que la voix de l'honneur. || Avoir le sentiment de l'honneur. || Allez où l'honneur vous appelle, vous convie (→ Aller, cit. 36). || Ne songer qu'à l'honneur (→ Espagnolisme, cit. 1; filet, cit. 10). || Manquer à l'honneur. || Se sacrifier à l'honneur (→ Émigration, cit. 3). || « L'honneur, âme des martyrs » (→ Entourer, cit. 7). — Vx. || L'Honneur, personnifié (dans des allégories; → ci-dessous, cit. 1).
25 Lors l'Honneur qui volait dessus les camps armés,
Les rendait vivement aux armes animés,
De sorte que chacun avait plus grande envie
De la mort, que sauver honteusement sa vie,
Et plutôt désirait à la guerre mourir,
Que vivre en sa maison sans louange acquérir.
Ronsard, le Bocage royal, II, Discours.
26 Honneur impitoyable à mes plus chers désirs,
Que tu vas me coûter de pleurs et de soupirs !
Corneille, le Cid, II, 3.
27 (…) une de ces fâcheuses affaires qui réduisent les gentilhommes à se sacrifier (…) à la sévérité de leur honneur (…) être asservi par les lois de l'honneur au déréglement de la conduite d'autrui (…)
Molière, Dom Juan, III, 3.
28 (…) on ne voit pas qu'où l'honneur les conduit
Les vrais braves soient ceux qui font beaucoup de bruit.
Molière, Tartuffe, I, 5.
29 L'honneur parle, il suffit : ce sont là nos oracles.
Racine, Iphigénie, I, 2.
29.1 (…) on est trop infatué de ce mot d'honneur; on s'en est fait un fantôme qu'il est présentement trop malaisé de détruire.
J.-F. Regnard, Voyage en Laponie, p. 104.
30 (…) une distinction que vous me fîtes autrefois dans une occasion importante, entre l'honneur réel et l'honneur apparent ? (…) Qu'y a-t-il de commun entre la gloire d'égorger un homme et le témoignage d'une âme droite ? et quelle prise peut avoir la vaine opinion d'autrui sur l'honneur véritable dont toutes les racines sont au fond du cœur ?
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, Lettre LVII.
31 Jamais il (le comte Maxime de Trailles) n'avait manqué à l'honneur, il payait scrupuleusement ses dettes de jeu.
Balzac, le Député d'Arcis, Pl., t. VII, p. 726.
32 L'Honneur, c'est la conscience, mais la conscience exaltée. — C'est le respect de soi-même et de la beauté de sa vie porté jusqu'à la plus pure élévation et jusqu'à la passion la plus ardente.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, Conclusion.
33 L'honneur, c'est la poésie du devoir.
A. de Vigny, Journal d'un poète, p. 96.
34 On a ici le sentiment de l'honneur, de la vertu, du patriotisme dans toute sa pureté et son ingénuité, le sentiment moral, exquis, antique, plus antique que celui d'Eudore, malgré le costume romain de ce dernier.
Sainte-Beuve, Chateaubriand, t. I, p. 114.
35 (…) Combeferre se bornait à répondre avec un grave sourire : — Il y a des gens qui observent les règles de l'honneur comme on observe les étoiles, de très loin.
Hugo, les Misérables, V, I, XXI.
36 Je t'ai élevée, je t'ai consacré ma vie, je t'ai appris le bien, je suis restée ici seule, malade, malheureuse, pour qu'il y ait auprès de toi un exemple de l'honneur. Voilà ma récompense ! Tu veux me quitter, toi aussi (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 474.
37 Le Monde a besoin d'honneur. C'est d'honneur que manque le Monde. Le Monde a tout ce qu'il lui faut, et il ne jouit de rien parce qu'il manque d'honneur. Le Monde a perdu l'estime de soi. Or, aucun homme sensé n'aura jamais l'idée saugrenue d'apprendre les lois de l'honneur chez Nicolas Machiavel ou Lénine. Il me paraîtrait aussi bête d'aller les demander aux Casuistes. L'honneur est un absolu. Qu'a-t-il de commun avec les docteurs du Relatif ?
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 98.
38 (…) la fleur merveilleuse dont la semence semble avoir été jetée par les Anges, ce génie de l'honneur que notre race a tellement surnaturalisé qu'elle a failli en faire un moment comme une quatrième vertu théologale (…)
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 359.
39 L'honneur était dans l'obéissance qui se confondait parfois avec le crime. La loi militaire punit de mort la désobéissance et son honneur est servitude.
Camus, l'Homme révolté, p. 228.
♦ Spécialt (Montesquieu, De l'esprit des lois, III). || L'honneur, principe de la monarchie. || L'honneur, objet des lois de l'éducation (cit. 4) dans les monarchies.
40 Dans les États monarchiques et modérés, la puissance est bornée par ce qui en est le ressort, je veux dire l'honneur, qui règne, comme un monarque, sur le prince et sur le peuple.
Montesquieu, l'Esprit des lois, III, X.
41 (…) Saint-Simon est une belle pièce justificative pour la maxime de Montesquieu, l'honneur, base des monarchies (…)
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 20.
♦ ☑ (1592; « homme d'un certain rang », mil. XVe). Homme d'honneur, animé par le sentiment de l'honneur, et, par ext., homme de probité, de vertu (→ Attaquer, cit. 30; écarter, cit. 30). || Action indigne d'un homme d'honneur (→ Autoriser, cit. 11). — Des gens (cit. 8) d'honneur.
42 Ne le recevez point en meurtrier d'un frère,
Mais en homme d'honneur qui fait ce qu'il doit faire (…)
Corneille, Horace, II, 4.
43 Il faut rompre la paille : une paille rompue
Rend, entre gens d'honneur, une affaire conclue.
Molière, le Dépit amoureux, IV, 4.
♦ (Dans un serment). || Foi d'homme d'honneur, parole d'homme d'honneur, je le ferai comme je le dis ! — Elliptiquement :
44 D'homme d'honneur, il (cela) est ainsi que je le dis.
Molière, le Dépit amoureux, III, 8.
♦ Bandit d'honneur, qui agit, devient bandit par honneur (spécialt en parlant des bandits corses).
♦ Ne pas avoir d'honneur. || « Il n'a ni cœur ni honneur » (Académie). || Des hommes sans honneur (→ Canaille, cit. 1; généreux, cit. 2).
b (→ ci-dessus, 1., b). Vieilli. Chasteté ou fidélité (d'une femme). ⇒ Honnêteté, pudeur. || L'honneur d'une femme, son honneur, et, absolt, l'honneur. — ☑ Loc. (Vx). Faire faux bond (cit. 10), forfaire (cit. 1) à l'honneur. || Son honneur s'alarme, se gendarme (cit. 1). — Vouloir, exiger (cit. 4) d'une femme ce que l'honneur ne permet pas. || Instinct de l'honneur qui empêche une femme de faillir (cit. 16). || « L'honneur est comme une île escarpée et sans bords » (→ Dehors, cit. 2, Boileau).
45 Honneur, cruel tyran des belles passions,
Qui traverse l'espoir de nos affections,
De combien de malheurs la terre est féconde
Depuis que ton erreur empoisonne le monde !
Racan, Bergeries, I, 3.
46 Puisque l'honneur du sexe, en tout temps rigoureux,
Oppose un fort obstacle à de pareils aveux.
Molière, Dom Garcie, III, 1.
47 (…) votre fille ne vit pas comme il faut qu'une femme vive, et (…) elle fait des choses qui sont contre l'honneur (…)
Molière, George Dandin, I, 4.
47.1 Voilà ce que je souffris, Madame, mais mon honneur au moins se trouva respecté si ma pudeur ne le fut point.
Sade, Justine…, t. I, p. 42 (1791).
48 (…) la lutte d'une femme « tout à fait du monde » contre les images trop puissantes de l'honneur et de la vertu.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XII, p. 138.
♦ Femme d'honneur (→ Assaut, cit. 5). || Femme sans honneur (→ Carie, cit. 1).
———
II (Fin Xe). Considération plus ou moins glorieuse, marques de distinction accordées au mérite reconnu.
A L'honneur, un honneur.
1 Considération (cit. 6) qui s'attache au mérite, à la vertu, aux talents. ⇒ Estime, gloire, illustration, réputation. — Vieilli. || Acquérir de l'honneur (→ Arme, cit. 17; brigue, cit. 1; caution, cit. 2). || « Vous y aurez de l'honneur » (Académie). — Mod. || Il s'en est tiré avec honneur, il en est sorti à son honneur, en acquérant de l'honneur, avec succès ou, du moins, sans perdre la face (→ Expédient, cit. 2). || C'est tout à son honneur. ⇒ Éloge. || Tout l'honneur lui en revient. ⇒ Mérite (→ Généralat, cit.). || Il en a eu tout l'honneur. || L'honneur de (et inf.). || L'honneur d'achever cette belle entreprise lui était réservé. || « L'honneur de l'avoir entrepris » (→ Agréer, cit. 2, La Fontaine). — Il n'y a ni honneur ni profit à cela. — ☑ Pour l'honneur. || Travailler pour l'honneur, de façon désintéressée. || Athlète amateur qui peine, qui lutte pour l'honneur.
49 Et ne suivait, comme il disait, la guerre,
Comme beaucoup, pour du bien y acquerre (acquérir)
Mais pour l'honneur, qui est le seul loyer
Du cœur qui veut aux vertus s'employer.
Ronsard, Épitaphe de feu M. d'Annebault.
50 Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire (…)
Corneille, le Cid, II, 2.
51 Ensemble nous cherchons l'honneur d'un beau trépas (…)
Corneille, Cinna, V, 2.
52 Pendant que la paresse et la timidité nous retiennent dans notre devoir, notre vertu en a souvent tout l'honneur.
La Rochefoucauld, Maximes, 169.
53 Votre fils s'était acquis bien de l'honneur dans cette campagne.
54 (…) eh bien ! je m'en suis tiré avec honneur, comme je fais toujours. Quand M. le comte reçut son boulet dans le bas-ventre, je ramenai moi seul ses chevaux, ses mulets, sa tente et tout son équipage, sans qu'il manquât un mouchoir, monsieur (…)
A. de Vigny, Cinq-Mars, VI, t. I, p. 189.
55 (…) les Laplace, les Lagrange, les Monge, les Chaptal, les Berthollet (…) devinrent les plus obséquieux serviteurs de Napoléon. Il faut le dire à l'honneur des lettres : la littérature nouvelle fut libre, la science servile (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 208.
♦ Rendre honneur à… : célébrer. ⇒ Hommage (rendre). — Ellipt. || Honneur au courage malheureux : rendons honneur au…
♦ ☑ (Mil. XVIIe; choses). En honneur : entouré de considération, qui est l'objet d'une sorte de culte. ⇒ Apprécié, estimé. || Les lettres furent en honneur sous son règne. || La poésie a toujours été en grand honneur auprès du peuple arabe. || La taille fine reste en honneur (→ Catalogue, cit. 2). ⇒ Mode (à la), vogue (en). || Mettre qqch. en honneur : faire qu'une chose soit en honneur. || L'« Émile » de Rousseau mit en honneur l'allaitement maternel.
56 Remettant en honneur les dons naturels et les affections primitives, et leur laissant leur libre jeu, il s'oppose à l'excès de raisonnement et d'analyse qui voudrait tout réduire à un amour de soi égoïste et cupide.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 18 nov. 1850, t. III, p. 130.
♦ ☑ Être, devenir… l'honneur de…, une source d'honneur pour… ⇒ Fierté, ornement. || Être l'honneur de sa famille, de sa génération. || Cette contradiction (cit. 11) est l'honneur de l'espèce humaine. || C'est son honneur immortel d'avoir dit un jour… (→ Emporter, cit. 9).
57 Tout ainsi que la vigne est l'honneur d'un ormeau,
Et l'honneur de la vigne est le raisin nouveau,
Et l'honneur des troupeaux est le bouc qui les mène,
Et comme les épis sont l'honneur de la plaine,
Et comme les fruits mûrs sont l'honneur des vergers,
Ainsi ce Henriot fut l'honneur des bergers.
Ronsard, Églogues, I.
58 Ah ! tu seras un jour l'honneur de ta famille (…)
Racine, les Plaideurs, II, 3.
59 (…) une femme n'est pas un instrument de plaisir, mais l'honneur et la vertu de la maison.
Balzac, le Contrat de mariage, Pl., t. III, p. 178.
60 (…) une salle d'armes célèbre à la ronde, qui était la distinction, l'ornement et l'honneur de la ville (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le bonheur dans le crime ».
61 Vous serez l'honneur de ma vieillesse, admirable élève, la gloire de mes cheveux blancs.
Ch. Péguy, la République…, p. 35.
62 Le rôle suprême de la divinité et son honneur, chez les philosophes helléniques, était, non pas d'avoir créé l'univers, mais d'y avoir introduit de l'ordre, c'est-à-dire de l'intelligibilité.
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 18.
♦ D'honneur (dans des expressions). — ☑ (1756). Champ d'honneur, où l'on acquiert de l'honneur; champ (I., 3.) de bataille. || Le théâtre me parut un champ d'honneur (→ Essayer, cit. 5). || Mourir au champ d'honneur, sur le champ de bataille. ⇒ Front, guerre. — ☑ Fam. Baroud d'honneur : combat livré sans espoir d'en retirer rien d'autre que de l'honneur.
♦ ☑ Faire un tour d'honneur, un tour de piste, après une victoire (sports). — Fig. || Il aura droit à un tour d'honneur.
2 (XIIe). Traitement spécial destiné à honorer qqn, à lui marquer de la considération, à lui rendre l'hommage qui lui est dû; privilège qui distingue du commun (construit surtout avec les verbes rendre, devoir, recevoir, mériter). — ☑ Loc. Rendre honneur à qqn (vx, rendre l'honneur). ⇒ Culte, vénération. || L'enfant (cit. 22) doit honneur et respect à ses parents. || L'épitaphe (cit. 1), dernier honneur dû au défunt. || Recevoir un honneur (→ Apprêter, cit. 4; ériger, cit. 4). || « Ni cet excès (cit. 4) d'honneur, ni cette indignité » (Racine). || Exigeant (cit. 3) pour l'honneur qui m'était dû. ☑ À vous l'honneur ! : à vous de commencer (dans un jeu, une rencontre sportive). — ☑ Prov. À tout seigneur tout honneur : il faut rendre honneur à chacun selon sa qualité ou son mérite; à chacun selon son rang. — ☑ Loc. Être à l'honneur. || « Il avait été à la peine, c'était bien raison qu'il fût à l'honneur » (mots attribués à Jeanne d'Arc, et s'appliquant à son étendard, qu'on lui reprochait d'avoir déployé auprès du roi lors du sacre, à Reims).
63 Que ma bouche et mon cœur, et tout ce que je suis,
Rendent honneur au Dieu qui m'a donné la vie.
Racine, Esther, II, 8.
64 (…) jamais un si digne maître n'avait expliqué par de si doctes leçons les Commentaires de César. Les capitaines des siècles futurs lui rendront un honneur semblable.
Bossuet, Oraison funèbre du Prince de Condé.
65 En rendant l'honneur et le tribut aux puissances établies de Dieu.
66 (…) un jour comme il (Virgile) vint paraître au théâtre après qu'on y eut récité quelques-uns de ses vers, tout le peuple se leva avec des acclamations, honneur qu'on ne rendait alors qu'à l'empereur.
Voltaire, Essai sur la poésie épique, III.
♦ ☑ Sauf votre honneur : sauf le respect que je vous dois.
♦ Votre Honneur, traduction française d'un titre usité dans les pays anglophones (your Honor) et dans l'ancienne Russie, pour marquer son respect à certains hauts personnages (spécialement, en parlant à un juge, à un magistrat, dans un pays de langue anglaise).
♦ Faire, accorder un honneur à qqn. || Faire un grand honneur à qqn. || Veuillez m'accorder cet honneur. || C'est un honneur pour moi, croyez bien que je l'apprécie. || Je suis flatté d'un tel honneur. ☑ C'est beaucoup d'honneur, c'est trop d'honneur que vous me faites ! || Vous me faites là un grand, un bel honneur, bien de l'honneur : vous me traitez bien (ou, iron., mal).
67 Le grand dieu Jupiter nous fait beaucoup d'honneur,
Et sa bonté (…)
Molière, Amphitryon, III, 10.
68 (…) vous leur fîtes, Seigneur.
En les croquant beaucoup d'honneur (…)
La Fontaine, Fables, VII, 1.
69 De la manière dont ces peuples étaient faits, c'était leur faire trop d'honneur que de les fourber avec quelque précaution.
Fontenelle, Hist. des oracles, I, 15.
70 (…) dîner tous les jours avec madame la marquise est-ce un de mes devoirs, ou est-ce une bonté que l'on a pour moi ? — C'est un honneur insigne ! reprit l'abbé, scandalisé. Jamais M. N…, l'académicien, qui depuis quinze ans, fait une cour assidue n'a pu l'obtenir pour son neveu (…)
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, IV.
71 Vous aviez la bonté de vous occuper de moi; mais c'est un honneur qui se paye ordinairement par un peu de médisance.
Balzac, Vautrin, Pl., t. II, p. 10.
♦ Iron. || C'est trop d'honneur que vous lui faites : il ne mérite pas que vous le traitiez, que vous le jugiez d'une façon si favorable, si obligeante (→ Enchérir, cit. 2). || Ne vous occupez pas de ses critiques, c'est lui faire trop d'honneur !
♦ ☑ (XIIe, en l'onor de…). En l'honneur de (qqn), en vue de lui rendre honneur, afin de l'honorer. ⇒ Hommage (en). || Fêtes, manifestations, applaudissements (cit. 8), acclamations en l'honneur d'un grand homme. || En l'honneur de Dieu (→ Brûler, cit. 1; célébrer, cit. 3). || En son, en votre honneur (→ Entonner, cit. 5; flagorner, cit. 3). ⇒ Intention, louange (à la). || Hymne, couplet en l'honneur de la vertu, d'une doctrine (→ Exercice, cit. 15). — Vx (dans le même sens). || À l'honneur de… (→ ci-dessous, cit. 72).
72 (…) vous voulez bien que cette petite ingratitude soit mise dans le livre que nous avions envie de composer à l'honneur de cette vertu.
Mme de Sévigné, 362, 24 déc. 1673.
73 On voyait aussi des pères insensés se jeter au milieu des flammes en l'honneur de leur idole.
Diderot, Opuscule des anciens philosophes, Juifs.
74 Le président de Brosses envoie à son ami l'abbé Courtois une liste des cardinaux du conclave avec un mot sur chacun d'eux en son honneur (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 499.
75 C'est en l'honneur de cette bluette que vous avez préparé votre couplet de la belle saison ?
Colette, la Naissance du jour, p. 171.
♦ En l'honneur de (un événement) : en vue de fêter, de célébrer. || Les cloches sonnent en l'honneur d'un mariage.
76 C'était la botte de mai, que les clercs de la basoche avaient déposée le matin à la porte d'un président au parlement, en l'honneur de la solennité du jour.
Hugo, Notre-Dame de Paris, II, 1.
♦ Fam. || En l'honneur de… : à cause de… || C'est en l'honneur de cette fille qu'on ne te voit plus ? — ☑ En quel honneur ? : pourquoi ? (ou, avec une intention malicieuse : à cause de qui ? pour qui ?). || En quel honneur cette nouvelle toilette ?
77 (…) voici que passent les pompiers trompetteurs et tous les gens de notre maison se précipitent à la cave en l'honneur de je ne sais quel zeppelin.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 79.
♦ Vx. || Tenir à honneur… : considérer comme un honneur… (→ ci-dessous, cit. 78 et 80). || Je tiens à honneur de lui être présenté. — (Dans le même sens). Cour. ☑ Se faire un honneur de… || Je me ferai un honneur et un plaisir d'intervenir en votre nom. || Se faire un honneur d'être constant (→ Constance, cit. 5).
78 (Je) tiens son alliance à singulier honneur.
Molière, les Femmes savantes, II, 4.
79 (…) le sénat se faisait un honneur de défendre les dieux (…)
Bossuet, Disc. sur l'Hist. universelle, III, 1.
80 En Laponie, le père de famille tient à honneur que sa fille soit l'objet de toutes les gracieusetés dont peut disposer le voyageur admis à son foyer.
Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels, « Les demoiselles de Bienflâtre », p. 10.
♦ ☑ Avoir, faire (à qqn) l'honneur de… (avec l'inf.), l'honneur qui consiste à… || Le roi lui fit l'honneur de le recevoir. ⇒ Faveur, grâce (→ Bas, cit. 10). || Il m'a fait l'honneur de me choisir pour son témoin, pour son avocat (cit. 14). — (Dans un sens affaibli, comme formule de politesse). || Pouvez-vous me faire l'honneur de venir me voir, d'assister à la cérémonie ? || Faites-moi cet honneur. — (Par un redoublement ironique de politesse). || C'est comme j'ai l'honneur de vous dire. || Me ferez-vous l'honneur de ne pas me contredire ? || Faites-moi l'honneur de répondre quand je vous pose une question.
81 Des écrivains me firent l'honneur d'imiter Atala et René, de même que la chaire emprunta mes récits des Missions et des bienfaits du Christianisme.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 203.
82 Monsieur le comte Sixte du Châtelet et madame la comtesse du Châtelet prient Monsieur Chardon de leur faire l'honneur de dîner avec eux le quinze prochain.
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 976.
♦ Les Grands avaient l'honneur de vivre à la cour. ⇒ Prérogative, privilège. || Il a l'honneur de siéger dans cette illustre assemblée. || De quel maître j'aurais l'honneur de porter le bât (→ Âne, cit. 2). || L'honneur dangereux de… (→ Approcher, cit. 10). — (Avec d'autres verbes que avoir ou faire). || Briguer l'honneur de…. (→ Avilir, cit. 1). || Ne vouloir que l'honneur de… (→ Attacher, cit. 2). || Se proposer l'honneur de… (→ Emploi, cit. 11). || Mériter un honneur.
83 Le reste ne vaut pas l'honneur d'être nommé (…)
Corneille, Cinna, V, 1.
84 On demandait à une duchesse de Rohan à quelle époque elle comptait accoucher : « Je me flatte, dit-elle, d'avoir cet honneur dans deux mois ». L'honneur était d'accoucher d'un Rohan.
Chamfort, Caractères et anecdotes, L'honneur d'un Rohan.
85 Je suis allé à l'Académie tibérine, dont j'ai l'honneur d'être membre.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 65.
♦ Iron. || Je n'ai pas l'honneur d'être le fils de l'illustre maire (→ Entendre, cit. 31). || Ce monsieur n'a pas l'honneur d'être dans votre estime (cit. 5).
86 (…) il me disait : « Vous êtes du même avis que Taine. » Je n'avais pas l'honneur de connaître M. Taine, ajouta M. de Charlus (avec cette irritante habitude du « monsieur » inutile qu'ont les gens du monde, comme s'ils croyaient, en taxant de monsieur un grand écrivain, lui décerner un honneur, peut-être garder les distances […]) […]
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 1052.
♦ (Dans un sens affaibli, comme formule de politesse, dans le style épistolaire). || J'ai l'honneur de vous demander sa main (→ Épouser, cit. 4). || J'ai l'honneur de vous faire savoir que… || J'ai l'honneur de vous saluer, « la plus sèche des formules de civilité au bas d'une lettre » (Littré). — Iron. || C'est comme j'ai l'honneur de vous le dire. — Ellipt. || À qui ai-je l'honneur (de parler) ? || Monsieur, j'ai bien l'honneur (de vous saluer).
87 Monsieur le grand Référendaire,
J'ai l'honneur de vous envoyer copie des deux lettres que j'ai adressées (…)
J'ai l'honneur d'être avec une haute… (considération) etc.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 668.
3 (XVIIe; in Richelet, 1680). || D'honneur (après un substantif, marque que la personne ou la chose est, au moins à l'origine, destinée à rendre ou conférer un honneur). || Garde (cit. 21) d'honneur (→ Étamine, cit. 1). || Garçon, demoiselle d'honneur. || Fille, dame d'honneur (→ Abeille, cit. 5; grappin, cit. 4). || Cour, escalier, étage d'honneur d'un château, d'un bâtiment public (→ Fuir, cit. 22). || Place d'honneur (→ Cerner, cit. 1). || Épée d'honneur. || Armes d'honneur. || Vin d'honneur. || Prix, tableau d'honneur. || Médaille, croix, diplôme d'honneur (→ Gloire, cit. 28). || Légion d'honneur. || Titre d'honneur. ⇒ Honorifique (→ Appui, cit. 27; envier, cit. 12). — ☑ Loc. (par antiphr.). Bras (3., b) d'honneur. — Président, membre d'honneur. ⇒ Honoris causa; honoraire.
88 Ce palais était un vrai logis seigneurial. Tout y avait grand air, les appartements de l'évêque, les salons, les chambres, la cour d'honneur, fort large, avec promenoirs à arcades, selon l'ancienne mode florentine, les jardins plantés de magnifiques arbres.
Hugo, les Misérables, I, I, II.
89 De sa main tendue, il désignait une coupe en argent, protégée contre les mouches par une mousseline, le prix d'honneur remporté dans un comice agricole.
Zola, la Terre, II, V.
4 ☑ (Mil. XVIIe). Faire honneur à (qqn) : valoir de l'honneur, de la considération publique à qqn. || Il, elle fait honneur à ses parents. || Je veux que tu me fasses honneur, mets ton plus beau costume (→ Friser, cit. 4). || Cet élève fait honneur à son maître (→ Essor, cit. 5). || Il était empêtré (cit. 8) d'une femme qui lui faisait peu d'honneur. || Il fait honneur à son pays (→ Allouer, cit.). || Un de ces hommes qui font honneur à leur profession. — (Sujet n. de chose). || Cette entreprise vous fera beaucoup d'honneur (→ Entrepreneur, cit. 2). || Ce sont des sentiments, des scrupules qui vous font honneur. || La mine de vos pensionnaires vous fait honneur. || Cet ouvrage, ce tracé de route fait honneur aux ingénieurs (→ Gorge, cit. 30). — Vx. || Faire de l'honneur (→ ci-dessous, cit. 91).
90 Rasius et Baldus font honneur à la France (…)
Molière, les Femmes savantes, IV, 3.
91 Nous vîmes une fort jolie fille qui ferait de l'honneur à Versailles (…)
Mme de Sévigné, 1201, 30 juil. 1689.
92 (…) deux belles livrées qui font honneur à une maison.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XII, p. 166.
♦ (Av. 1690). || Faire honneur à qqch., y rester fidèle, s'en montrer digne. || Faire honneur à sa naissance, à son éducation. — Faire honneur à ses engagements, à ses obligations, les tenir, les remplir. || Faire honneur à sa signature, à une lettre de change : respecter l'engagement souscrit, payer ce qu'on doit.
93 À ce sujet, Véronique parut se souvenir du nom de Montégnac, et pria son mari de faire honneur à cet engagement en acquérant cette terre pour elle.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 638.
94 Grâce aux cinquante-sept francs de la voyageuse, Thénardier avait pu éviter un protêt et faire honneur à sa signature.
Hugo, les Misérables, I, IV, III.
♦ Se faire honneur de… : considérer qu'on retire beaucoup d'honneur de…, se tenir honoré de… — (Compl. n. de personne). Rare. || Il se fait honneur de son fils (Académie). — (Compl. n. de chose). || Se faire honneur de l'amitié d'un grand homme. || Singularités (→ Approfondissement, cit. 2), scrupules (→ Arme, cit. 34) dont on se fait honneur. — Se faire honneur de (et inf.). ⇒ Targuer (se), vanter (se); → Se donner les gants de. || Il se fait honneur d'avoir réussi. — Se faire un honneur, un grand honneur de qqch. — Péj. (en s'en vantant). || Se faire honneur de sa richesse, de son luxe. ⇒ Targuer (se).
95 Vertueux sans vouloir se faire honneur de sa vertu.
96 Loin de m'excuser de la guerre d'Espagne, je m'en fais honneur vous le savez et je le répète.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, V, 6, éd. Levaillant, t. III, p. 187.
♦ Spécialt (l'honneur qu'on retire étant immérité, acquis par fraude). || Se faire honneur, se donner l'honneur de qqch., se l'attribuer en revendiquant la gloire. ⇒ Parer (se). || Se faire honneur de la découverte d'un autre.
REM. On dit, dans le même sens : faire honneur à qqn de qqch. || « On lui fait honneur d'un sentiment qu'il ne connut jamais » (Académie).
97 Ils ne doutèrent pas que je ne me fusse fait honneur du travail d'autrui.
Rousseau, les Confessions, V.
♦ (La chose dont il est question semblant être traitée d'une manière flatteuse). Fam. || Faire honneur à un repas, à un plat, en manger largement et avec entrain. || Je suis contente que vous fassiez honneur à ma cuisine.
98 Et sur l'ordre de l'évêque, on apporta des biscuits et du vin de Malaga, auxquels Julien fit l'honneur, et encore plus l'abbé de Frilair, qui savait que son évêque aimait à voir manger gaiement et de bon appétit.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XXIX.
99 Il y avait bien une trentaine de plats à table, pour quatre personnes que nous étions. Afin de faire honneur à tant d'honneurs, j'ai mangé de telle sorte que si je n'ai pas eu d'indigestion le soir, c'est que j'ai un rude estomac.
Flaubert, Correspondance, 268, 6 oct. 1850, t. II, p. 246.
♦ Mar. || Faire honneur à un banc, à une roche, en passer près, mais sans les toucher, en se tenant à une distance respectueuse. — REM. On dit dans le même sens : ranger une terre à l'honneur.
1 Témoignages d'honneur. || « On lui a fait des honneurs extraordinaires » (Académie). ⇒ Autel (dresser, élever des autels; vx). || Rendre à qqn les honneurs qu'il mérite (→ Éloge, cit. 1; garantie, cit. 3). || Il a été reçu avec tous les honneurs dus à son rang. ⇒ Égard (→ Caïd, cit. 1).— ☑ Fam. Avec tous les honneurs dus à son rang, se dit, dans des circonstances familières, pour « avec égard ». — Recevoir certains honneurs (→ Gourmet, cit. 5). || On rendait à Auguste les honneurs divins (→ Autel, cit.11). ⇒ Apothéose. || Général romain auquel on décernait les honneurs du triomphe.
100 (…) dans Rome enfin, ce même art a reçu aussi des honneurs extraordinaires (…)
Molière, Tartuffe, Préface.
101 (…) il rendait au roi d'Angleterre et au duc d'York, maintenant un roi si fameux, malheureux alors, tous les honneurs qui leur étaient dus (…)
Bossuet, Oraison funèbre du Prince de Condé.
102 Les ambassadeurs qu'on laisse trop longtemps à la même cour prennent les mœurs du pays où ils résident : charmés de vivre au milieu des honneurs (…) ils craignent de laisser passer dans leurs dépêches une vérité qui pourrait amener un changement dans leur position.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, XII, 1, éd. Levaillant, t. III, p. 641.
102.1 Aller chez le ministre de la Justice qui était non seulement son ami, mais même un peu son protégé, n'avait rien de bien effrayant. Cela ne lui rappelait que des dîners où il était au bout de la table, un cabinet qui s'ouvrait immédiatement pour lui, quand les plus gros personnages faisaient antichambre. Cela le replongeait dans toute sa vie d'honneur et d'honneurs, qui en somme durait encore et par un mot du ministre de la Justice allait certainement reprendre et continuer jusqu'à sa mort.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 593.
♦ (1828). || Honneurs militaires : saluts, salves d'artillerie, sonneries, etc., rendus à des souverains, des généraux, ou aux drapeaux, aux pavillons. || Rendre les honneurs au chef de l'État. — (1753). || Les honneurs de la guerre. || Obtenir les honneurs de la guerre : bénéficier dans une capitulation de conditions stipulant que la garnison qui se rend se retirera libre de la place, avec armes et bagages. — ☑ Fig. Sortir d'un procès, d'une discussion avec les honneurs de la guerre, en sortir dans des conditions flatteuses, avec des satisfactions d'amour-propre, sans rien perdre de sa dignité (→ Battre, cit. 46).
103 (…) les mêmes corrects soldats à turban rouge, qui rendent les honneurs, qui présentent les armes (…)
Loti, l'Inde (sans les Anglais), III, VII.
104 Quand il entendit les légionnaires s'aligner dans la cour, pour rendre les honneurs, sa pensée s'affola.
P. Mac Orlan, la Bandera, XV.
♦ (1552). Littér. || Honneurs funèbres, suprêmes; absolt (1642), honneurs, ceux qui sont rendus lors des funérailles (→ Après, cit. 17). — Les honneurs de la sépulture, du cercueil, du bûcher (cit. 1). || Rendre des honneurs solennels aux restes, à la dépouille de qqn.
105 Jetez les yeux de toutes parts : voilà tout ce qu'a pu faire la magnificence et la piété pour honorer un héros; des titres, des inscriptions (…) des figures qui semblent pleurer autour d'un tombeau, et des fragiles images d'une douleur que le temps emporte avec tout le reste; des colonnes qui semblent vouloir porter jusqu'au ciel le magnifique témoignage de notre néant : et rien enfin ne manque dans tous ces honneurs, que celui à qui on les rend.
Bossuet, Oraison funèbre du Prince de Condé.
106 Son époux en cherchait le corps
Pour lui rendre, en cette aventure,
Les honneurs de la sépulture.
La Fontaine, Fables, III, 16.
107 Chez les anciens, le cadavre du pauvre ou de l'esclave était abandonné presque sans honneurs; parmi nous, le ministre des autels est obligé de veiller au cercueil du villageois comme au catafalque du monarque.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, IV, I, XII.
108 Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente (…)
Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, Un rêve.
109 (…) on a travesti la cathédrale en domino noir, et on a planté sur ses deux respectables tours deux espèces d'étendards noirs supportés par des bâtons. Voilà le goût des hommes et ce qu'on appelle rendre les honneurs aux grands.
Flaubert, Correspondance, 64, 1er août 1842, t. I, p. 113.
♦ (1672, Mme de Sévigné). Anciennt. || Avoir les honneurs du Louvre, certains privilèges, comme celui d'entrer à cheval ou en carrosse dans la cour du Louvre.
♦ ☑ Vén. Faire les honneurs du pied, à la chasse (cit. 3) : offrir le pied de la bête à la personne qu'on veut honorer.
109.1 (…) on avait prié, puis sommé le prince de céder vivante sa capture : il s'y était refusé, encore qu'on lui offrît les honneurs du pied, en raison de ses principes religieux.
Paul Morand, Bouddha vivant, p. 131.
♦ Admettre aux honneurs de la séance : inviter à la séance qqn qui ne fait pas partie de l'assemblée. || Peintre désirant obtenir les honneurs de la cimaise (cit. 1). || Avoir les honneurs de la première page : être cité, mentionné à la première page d'un journal. || Jouir des honneurs du fauteuil (cit. 6) dans une académie.
♦ ☑ Faire (à qqn) les honneurs d'une maison, du logis : recevoir des hôtes avec politesse et avec le souci de leur être agréable, en les introduisant et les guidant soi-même. ⇒ Accueillir (→ Assemblée, cit. 1; entracte, cit. 1). ☑ Faire à qqn les honneurs de la table : présider au repas en hôte attentif.
110 (…) je vais faire pour vous, mon père, les honneurs de votre logis, et conduire Madame dans le jardin, où je ferai porter la collation.
Molière, l'Avare, III, 9.
111 Parmi ceux qui lui faisaient les honneurs de la ville, il y avait un petit abbé périgourdin, l'un de ces gens empressés, toujours alertes, toujours serviables, effrontés, caressants, accommodants, qui guettent les étrangers à leur passage, leur content l'histoire scandaleuse de la ville, et leur offrent des plaisirs à tout prix. Celui-ci mena d'abord Candide et Martin à la comédie.
Voltaire, Candide, XXII.
112 S'il est un rôle noble et bien digne d'envie
Un agréable emploi dans le cours de la vie,
C'est celui d'un mortel qui fait en sa maison
Les honneurs de la table en digne Amphitryon.
Berchoux, la Gastronomie, Chant III.
♦ Faire à qqn les honneurs de… : faire visiter, conduire (lorsqu'on a autorité pour le faire.)
112.1 (…) son chef de cabinet, M. Bouvet, nous fera les honneurs du pays.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 717.
♦ Fig. (métaphore d'origine précieuse). Vx. || Faire les honneurs de qqn, de qqch., les présenter, les montrer en se mettant en frais.
113 Faisons bien les honneurs au moins de notre esprit.
Molière, les Femmes savantes, III, 3.
2 (Xe, saint Léger, « office, charge »; « possession, fief », 1080, Chanson de Roland). Absolt. || Les honneurs, titres, dignités, charges, privilèges, décorations qui confèrent de la distinction, qui sont appréciés dans la société. ⇒ Grandeur (→ Bénéfice, cit. 8; éminent, cit. 4; fortune, cit. 6; grand, cit. 46). || Rechercher, briguer les honneurs, aspirer aux honneurs, être avide d'honneurs. ⇒ Ambition (cit. 1 et 8). || Soif d'honneurs. || Conférer, dispenser les honneurs (→ Envie, cit. 23; faire, cit. 19). || Être dépouillé de ses honneurs (→ Grandesse, cit. 2). || Être élevé aux honneurs, parvenir au comble, au sommet des honneurs, aux plus grands honneurs. || Être chargé, comblé d'honneurs (→ Accabler, cit. 23). || Route qui mène aux honneurs (→ Battre, cit. 90; consentir, cit. 5). || Ne pas confondre l'honneur et les honneurs (→ Échanger, cit. 4; foisonner, cit. 2). || « Les honneurs déshonorent » (cit. 5, Flaubert). || Vanité des honneurs (→ Appareil, cit. 6).
114 Honteux attachements de la chair et du monde
Que ne me quittez-vous quand je vous ai quittés ?
Allez, honneurs, plaisirs, qui me livrez la guerre.
Corneille, Polyeucte, IV, 2.
115 Lorsqu'on se voit tout d'un coup élevé aux places les plus importantes, et que je ne sais quoi nous dit dans le cœur qu'on mérite d'autant plus de si grands honneurs, qu'ils sont venus à nous comme d'eux-mêmes (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Michel Le Tellier.
116 L'ambition n'était cependant pas de notre âge, et l'avide curée qui se faisait alors des positions et des honneurs nous éloignait des sphères d'activité possibles.
Nerval, les Filles du feu, « Sylvie », I.
117 Il dédaigne les honneurs, refuse les croix, et réussit à rendre cette modestie plus décorative que toutes les décorations.
A. Maurois, la Terre promise, XXXI.
118 Ceux qui refusent les honneurs sont encore plus orgueilleux, les plus enragés de distinction. Ils réclament l'honneur de mépriser les honneurs.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VI, IX.
3 Spécialt (retour au sens du lat. cursus honorum « carrière des honneurs », hiérarchie des magistratures et fonctions publiques). Dignités d'une carrière, positions dans une hiérarchie. || Les honneurs militaires et civils (→ Aristocratie, cit. 1). || Les premiers honneurs militaires (→ Capitaine, cit. 2). || Charges (cit. 17) et honneurs ecclésiastiques.
119 (…) on y élevait aux honneurs et aux dignités des gens de basse naissance (…)
Montesquieu, l'Esprit des lois, XXX, XXV.
120 Pour n'avoir plus les honneurs gothiques et ridicules des fiefs, devenus un non-sens, ils n'étaient pas descendus. Presque partout, avec une déférence aveugle, on leur avait donné les vrais honneurs du citoyen, dont la plupart n'étaient guère dignes, les premières places des municipalités, les grades de la garde nationale.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., IV, I.
♦ Pièces et insignes honorifiques, essentiels à la célébration de grandes cérémonies.
121 Quatre maréchaux portent les honneurs : Sérurier, l'anneau; Moncey, la corbeille qui recevra le manteau; Murat, le coussin d'or où repose la couronne; Lefebvre, le sceptre (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Avènement de l'Empire, XV.
122 Du Poirat énuméra alors les honneurs du prince impérial, le chrémeau, le cierge, la salière, et les honneurs du parrain et de la marraine, le bassin, l'aiguière, la serviette; tous ces objets étaient portés par des dames du palais.
Zola, Son Excellence Eugène Rougon, t. I, p. 115.
C (1690). Aux cartes. Les cartes les plus hautes à certains jeux (notamment au bridge). ⇒ Figure. || Avoir tous les honneurs à trèfle, en main. || Marquer cent d'honneurs. ☑ Jouer honneur sur honneur : couvrir l'honneur jeté par l'adversaire en jouant un honneur supérieur. || Points d'honneurs, comptés par addition des points attribués conventionnellement à chaque honneur.
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CONTR. Avilissement, déshonneur, discrédit, flétrissure, honte, infamie, opprobre. — Improbité, malhonnêteté. — Humiliation, vexation.
COMP. Déshonneur.
Encyclopédie Universelle. 2012.