ARBRE
La distinction entre arbre et herbe remonte à une antiquité éloignée. Théophraste (vers 300 av. J.-C.) en avait déjà fait la base de sa classification des végétaux, non sans quelque raison à en croire d’actuels botanistes. On sait que Hutchinson (1938) n’a pas hésité à scinder plusieurs ordres, établis traditionnellement d’après la structure florale, en groupes délimités d’après le port herbacé ou ligneux des plantes qui les composent.
En réalité, une définition précise de l’«arbre» est difficile à donner; cette notion, prise au sens commun, recouvre un certain nombre de concepts voisins mais non identiques.
Dans sa classification des types biologiques, Raunkiaer (1905) emploie comme critère «bourgeons à plus de 25 centimètres de la terre» pour regrouper certains végétaux en la catégorie des Phanérophytes . Bien entendu, ce groupe comprend essentiellement les arbres, mais aussi quelques plantes herbacées de grande taille (bananiers, bambous, Cactacées...) et les lianes. Inversement, des végétaux ligneux de faible taille, comme les saules nains qui rampent à la surface du sol, n’entrent pas dans cette catégorie.
Au contraire, les forestiers, comme Aubréville (1965), distinguent «la grande classe des herbacées s’opposant, au propre et au figuré, à celle des végétaux ligneux». Le critère retenu est ici autant la taille que la structure, herbacée ou ligneuse.
Cette difficulté de délimiter convenablement l’arbre et le phanérophyte se manifeste pleinement dans le cas de ce qu’ Emberger a appelé les «Phanérophytes scapeux». Il s’agit de plantes des montagnes tropicales appartenant aux familles évoluées des Lobéliacées et des Composées. Vivaces, elles édifient un pseudo-tronc entouré des bases persistantes des feuilles et portent à leur sommet une énorme inflorescence. Sont-ce des plantes herbacées géantes ou des arbres véritables? Les avis des botanistes sont partagés sur ce point.
1. L’arbre adulte
Son aspect
Souvent, même lorsqu’il est défeuillé, on peut reconnaître un arbre à son port. Ce caractère physionomique tient à plusieurs causes: taille et forme du tronc, angles que forment les branches entre elles, importance relative des rameaux...
Notons qu’il ne se manifeste bien que lorsque l’arbre est relativement isolé. En forêt, par la suite de phénomènes de compétition, les troncs sont généralement plus allongés et les branches plus réduites.
L’axe primaire des plantes ligneuses, ou tronc , peut être réduit en hauteur, comme chez l’aubépine, alors que ses branches latérales ont une grande extension; c’est ce que nous nommerons la forme «buisson» . Il peut être bien développé – forme «arbre» –, restant individualisé jusqu’au sommet de l’arbre (résineux) ou disparaissant apparemment au-dessus des premières branches qui deviennent aussi grosses que lui (pommier, etc.). On a parlé, dans le premier cas, de tronc excurrent et, dans le second, de tronc déliquescent . Les branches, elles, forment la ramure , la cime , ou le houppier comme disent les forestiers, et portent rameaux et ramilles .
Certains ports sont cependant typiques. Lorsque le tronc porte à son sommet une couronne de grandes feuilles, sans branches latérales, on parle d’arbre monocaule (papayer). Si les feuilles ne tombent que par cassure de leur base (et non par une zone d’abcission), il restera sur le tronc une gaine formée par l’extrême base de ces feuilles (certains palmiers); un tel tronc est nommé stipe . Remarquons, sans pouvoir le développer ici, que la monocaulie est souvent considérée, à la suite des travaux de Corner, comme primitive (cf. figure).
Généralement le tronc est ramifié. Cette disposition est l’effet de deux phénomènes différents: le tronc peut cesser brusquement de croître au profit de bourgeons axillaires sous-jacents; ce phénomène à répétition aboutit à une structure en «petits bouquets» (Anthocleista ). Ou bien le tronc peut cesser pour un temps de fonctionner alors que se forment des rameaux latéraux, puis reprendre son activité; on obtient dans ce cas un arbre «à étages». Le plus souvent, la ramification aérienne ne manifeste pas de structure très nette. Il est cependant souvent possible de distinguer deux types de rameaux. Les uns s’allongent beaucoup; les autres, tout en croissant chaque année, ne le font que par des entre-nœuds très courts, ne se ramifient pas, et peuvent se transformer en certains cas en une épine (aubépine, Gleditsia ).
Le port d’un arbre tient également aux proportions relatives du tronc et de la cime. Certaines Bombacacées (baobabs, Chorisia ) ont un tronc énorme par rapport au houppier qui peut se réduire à quelques branches (Cavanillesia , Adenium ), ce qui a fait surnommer ces arbres arbres-bouteilles . La forme de la cime, elle-même, est souvent caractéristique, arrondie (chêne) ou élancée (peuplier d’Italie). Notons le port des «arbres pleureurs», à longs rameaux souples (saule de Babylone), ou à rameaux rigides arqués vers le bas (Sophora ).
Il faut signaler un trait morphologique qui se rencontre essentiellement dans les arbres tropicaux, la formation d’organes latéraux de support. Ce sont des racines aériennes issues des branches (figuier banyan), ou les racines émises par le tronc («racines échasses») des Uapaca . Ce peut être aussi des épaississements localisés de la base du tronc qui jouent le rôle de contreforts , de taille quelquefois considérable (Mora excelsa ). Les racines superficielles se développent parfois de façon fortement asymétrique, leur partie supérieure sortant du sol et donnant des «racines palettes», qui consolident l’arbre (Piptadenia africana ). Chez certaines fougères arborescentes (Cyathéacées), on remarque des échasses latérales qui s’enfoncent dans le sol, puis donnent naissance à de nouveaux individus. F. Hallé a pu montrer récemment (1966) que ces formations sont des tiges d’un caractère très particulier, comparables aux stolons de quelques plantes herbacées.
Certains arbres tropicaux possèdent également des excroissances radiculaires qui sortent du sol (Avicennia ) ou des coudes aériens formés par les racines (Bruguiera ): les pneumatophores . Leur rôle, mal connu, est peut-être d’aider à la respiration des racines, les arbres en question poussant dans des milieux vaseux asphyxiques.
La taille, autre caractéristique importante, ne correspond pas toujours à la hauteur au-dessus du sol: un pied unique de myrtilles peut couvrir une superficie de plusieurs dizaines de mètres carrés bien que sa hauteur ne dépasse pas 60 centimètres. Dans de moindres proportions, une telle différence est la règle générale dans la forme «buisson». Les arbres les plus hauts (Eucalyptus regnans , Sequoia gigantea ) peuvent atteindre de 110 à 120 mètres, la hauteur de 170 mètres attribuée parfois au premier relevant d’un mythe. En Europe, les sapins et les chênes peuvent, de façon exceptionnelle, s’élever entre 40 et 50 mètres; c’est la taille moyenne des arbres de la forêt tropicale (strate supérieure).
Sa biologie
Les arbres peuvent atteindre un âge fort avancé. On sait que les séquoias vivent couramment plus de 5 000 ans. Dans nos pays, on attribue à un if, planté à Krombach (Allemagne), quelque 2 000 ans. Généralement la vie d’un arbre est plus courte, de 150 à 200 ans pour le hêtre, de 300 à 350 pour le chêne rouvre ou le sapin, une centaine d’années seulement pour le bouleau ou le tremble.
Cette longévité est hors de proportion avec celle des plantes herbacées (mis à part les Cactacées et certaines Liliales) vivaces ne subsistant que par la production, chaque année, de nouveaux individus (stolons à multiplication végétative, bulbilles). D’après Mac Gregor Skene (1955), le pin a ses premières fleurs à 15 ans, le hêtre et le chêne à 40 ans, le sapin à 60 ans. Selon de nombreux botanistes, une telle lenteur dans la reproduction sexuée des arbres a pour conséquence une grande lenteur dans l’évolution des plantes ligneuses. Pour eux, les arbres actuels représenteraient des formes végétales ancestrales par rapport aux plantes herbacées: il y a eu en effet soixante fois plus de générations, et donc de possibilités de mutations ou changements chromosomiques dans la lignée d’une plante annuelle que dans celle d’un sapin.
Si la floraison est annuelle, il n’en est pas de même pour le rythme de feuillaison et de défoliation. Dans la généralité des arbres «feuillus» de nos régions, les feuilles tombent chaque année, avec les froids pré-hivernaux. Il en est de même pour les arbres de la forêt semi-décidue ou décidue des régions tropicales, mais, dans ce cas, la défoliation est causée par le manque d’eau, notamment par la diminution de la vapeur d’eau atmosphérique.
Cependant, certains arbres ont des feuilles marcescentes qui sèchent et persistent assez avant en hiver (chêne); d’autres, des feuilles persistantes (conifères, arbres tropicaux de la forêt dense). En réalité, ces dernières ne durent pas plus de deux ou trois saisons, et seule leur chute échelonnée dans le temps donne l’illusion contraire.
Toutes les feuilles ne tombent pas de la même manière. Les mégaphylles (Corner) laissent souvent une importante base foliaire qui protégera le tronc en se desséchant. Dans d’autres cas (saules de Laponie), c’est le rameau de l’année tout entier qui tombe aux premières gelées. Ce phénomène est souvent qualifié de décurtation .
Les cycles végétatifs, s’ils sont commandés en grande partie par les conditions du milieu externe, n’en dépendent pas entièrement. En effet, il peut se surajouter, surtout dans les régions tropicales, un rythme endogène: Faidherbia albida est une légumineuse qui porte fleurs et feuilles en saison sèche. Ce phénomène n’affecte dans certains cas que des rameaux privilégiés. Il est banal de voir sur le même arbre des rameaux défeuillés, d’autres en pleine floraison, d’autres encore portant des feuilles. Il n’en est jamais ainsi chez les arbres à rameaux équivalents qui présentent souvent une impressionnante simultanéité biologique; tous leurs rameaux latéraux suivent les mêmes phases au même moment.
Un autre phénomène d’origine endogène se manifeste encore de façon spectaculaire: la ramification rythmique («flush» des auteurs anglo-saxons). Il s’agit d’une périodicité dans l’émission des productions latérales (feuilles, rameaux) et dans l’élongation de l’axe principal. L’aspect même des productions latérales peut varier; c’est ainsi qu’à une croissance ralentie de la branche correspondra la formation de feuilles réduites à des écailles, à une croissance vigoureuse de l’axe, la formation de feuilles bien développées. Ce phénomène, encore assez mal connu surtout quant à son déterminisme (lié également à des rythmes trophiques et à des rythmes auxiniques, semble-t-il), peut être rapproché de la formation périodique de bourgeons chez les arbres des régions tempérées.
2. Développement et structure
Morphologie du développement
On connaît le mode de ramification des plantes herbacées dont les bourgeons axillaires se développent, assurant la ramification de l’herbe. Celle des végétaux ligneux est beaucoup plus complexe et aboutit à la création des silhouettes caractéristiques que nous avons décrites.
La forme «arbre»
Les arbres monocaules sont édifiés par le fonctionnement d’un méristème unique, généralement de grande taille (les bourgeons axillaires étant constamment inhibés), qui fonctionne régulièrement pendant la vie de l’arbre. Après une assez longue durée (plusieurs dizaines d’années parfois), il se transforme brusquement en une inflorescence terminale unique qui préludera généralement à la mort de l’arbre (Corypha par exemple). Parfois, cependant, cette transformation permettra le développement de bourgeons axillaires qui assureront la survie de l’arbre. Ce relais peut être pris par des bourgeons proches du sommet, comme chez Jatropha multifida (ramification sympodiale), ou par les bourgeons les plus basaux (cas des palmiers Raphia , Korthalsia , Plectocomia) .
Les arbres monocaules à inflorescences latérales diffèrent des arbres ramifiés par la nature uniquement inflorescentielle des bourgeons axillaires.
Pour les arbres ramifiés , la morphogenèse suit des voies plus complexes. Pendant les premières années de son existence, la plante croît vigoureusement par son bourgeon apical, les bourgeons axillaires restant totalement inhibés. On a un état monocaule transitoire qui permet la formation d’un tronc, caractéristique de ce type biologique.
Dans un stade ultérieur, les derniers bourgeons axillaires parus prennent un faible développement. Cependant, ils n’ont pas une vigueur suffisante pour édifier de véritables rameaux latéraux et ne tardent pas à tomber. Entre la 5e et la 12e année, les bourgeons axillaires du scion terminal se développent vigoureusement, les plus près du sommet étant les plus longs. Ce phénomène se reproduira tous les ans sur l’axe principal de la plante et sur ses rameaux latéraux, construisant le système de branches d’ordre croissant.
Les branches latérales n’ont pas exactement la même structure que la pousse terminale. Cette dernière manifeste une symétrie radiale: elle est circulaire en section transversale, et ses appendices, feuilles et rameaux, sont de taille égale. Au contraire, les pousses latérales ont une symétrie bilatérale qui se traduit par la section transversale elliptique du rameau, et une différence de taille des feuilles, des bourgeons axillaires et des rameaux latéraux, selon que ces organes sont sur la face supérieure ou la face inférieure; celle-ci étant toujours favorisée, il y a hypotonie . Cette hypotonie se montre nettement en période de repos végétatif, les bourgeons de la face regardant le sol sont les plus gros, et, au printemps, ce sont eux qui s’ouvriront les premiers.
En bref, la forme «arbre» (non monocaule) est caractérisée par son hypotonie et son acrotonie (dominance du bourgeon apical sur les bourgeons latéraux).
La forme «buisson»
Dès la première année, les bourgeons axillaires sont volumineux et fortement développés.
La deuxième année, tandis que le rameau terminal continue à s’allonger en formant sur ses côtés d’autres productions latérales, ces bourgeons se développent d’autant plus qu’ils sont plus loin du sommet du rameau principal. C’est donc à la base de la plante que la ramification est la plus active; il y a basitonie . Ce processus se répétera chaque année sur chaque rameau.
En réalité, dans un assez grand nombre d’espèces, et notamment dans les «arbres» fruitiers européens, il y a une combinaison de basitonie et d’acrotonie. La jeune plante est basitone, mais rapidement la plupart de ses rameaux latéraux abandonnent leur port oblique et se redressent, acquièrent à leur sommet un pouvoir de ramification certain. C’est alors la région médiane qui est dépourvue de bourgeons capables de croissance; il y a mésotonie . On conçoit que la «taille» des rameaux inférieurs (gourmands) favorise la pousse des rameaux supérieurs.
D’autre part, les rameaux latéraux et ceux qu’ils engendreront, de même, montrent une structure dorsiventrale, par leur section transversale et la taille de leurs appendices. Contrairement à ce que l’on avait dans la forme «arbre», c’est la face supérieure qui est dominante, qui porte les appendices les plus gros et les plus aptes à se développer. Cette constatation est à la base de la technique horticole de l’arcure.
D’une façon générale, la ramification s’effectuant de manière différente dans la forme «arbre» et dans la forme «buisson», elle se caractérise pourtant par l’asymétrie de ses rameaux latéraux et de leurs productions. Cette bilatéralité, si elle existe dans quelques plantes herbacées, n’y est pas commune.
Anatomie du développement
L’important accroissement en épaisseur qui aboutit à la formation du tronc et des branches résulte de phénomènes anatomiques qui compliquent la structure primaire de la plantule, mais selon des modalités diverses.
Chez les Dicotylédones , il apparaît deux couches génératrices concentriques. Le cambium externe produit une couche de liège centrifuge interrompue seulement par les lenticelles. Parfois, au cours des années, ce cambium ne fait que fournir de nouvelles couches de liège (hêtre, orme), mais, généralement, il cesse de fonctionner après un an ou deux et il est relayé en profondeur par de nouvelles assises génératrices. Cette subérification qui va s’approfondissant forme une enveloppe externe de tissus morts: le rhytidome .
Simultanément, un second cambium, l’assise génératrice libéro-ligneuse, plus interne, forme du bois centripède et du liber secondaire. Sans insister ici sur la structure parfois complexe de ces tissus, disons que le nombre de couches du liber secondaire varie suivant les conditions écologiques, l’âge et l’espèce de l’arbre. Classiquement, on affirme que, chaque année, il se produit une couche de bois secondaire. En réalité, les études récentes (Bunning, Allary notamment) ont montré que chaque «flush» formait, par activation du cambium, un anneau de bois. C’est ainsi que, chez le chêne, les pousses de la Saint-Jean provoquent la formation d’un anneau surnuméraire. Dans les arbres tropicaux à croissance rythmique, comme l’hévéa, quatre ou cinq couches peuvent se superposer chaque année.
Les couches les plus internes du bois s’enrichissent en matières colorantes, en tannins et en éléments minéraux, perdent leur eau et leur amidon, deviennent plus denses; c’est ce que l’on appelle le cœur , par opposition à l’aubier , bois plus superficiel. Remarquons que cette transformation est peu visible chez quelques arbres tempérés (bouleau, érable) et la plupart des arbres tropicaux.
Chez les Monocotylédones , les phénomènes de la croissance en épaisseur sont fort différents. L’épaississement du tronc correspond à la juxtaposition de faisceaux libéro-ligneux nouveaux à ceux qui se sont formés antérieurement. Ces faisceaux s’entrelacent de façon complexe, différente selon que l’apex caulinaire est saillant ou déprimé.
Cependant, certaines manifestent une faible activité cambiale au niveau des faisceaux (cambium intrafasciculaire). Chez quelques Liliales (Dracaena , Testudinaria ), il existe une zone, juste à l’extérieur du cylindre central, où se différencient de très nombreux faisceaux plus ou moins concentriques. Des botanistes (Lindinger) y ont reconnu une périodicité de fonctionnement comparable à celle des cambiums des Dicotylédones .
Chez les Fougères , enfin (certaines Cyathéacées atteignent 20 mètres de hauteur), le tronc a une structure extrêmement confuse, édifiée à partir d’une anatomie dictyostélique. Les traces vasculaires descendant des frondes sont nombreuses et entremêlées. Il s’y ajoute un important réseau de faisceaux intramédullaires, faisceaux apparaissant quand la jeune fougère possède une dizaine de feuilles. De nombreuses racines adventives courent à la surface du tronc et le consolident.
3. Écologie
La répartition des arbres en altitude et en latitude est étroitement liée au climat. Dans les régions chaudes tropicales et subtropicales, les arbres poussent partout où la sécheresse de l’air et du sol ne les en empêche pas (bordures des déserts chauds). Les arbres des savanes et des caatingas se sont adaptés à ce milieu relativement sec; ils possèdent un rhytidome très épais, des feuilles épaisses souvent recouvertes de cire, ou charnues, et leur tronc tortueux contraste avec le port élancé des arbres de la forêt dense. D’autres possèdent de véritables réserves d’eau dans leur tronc (arbres-bouteilles). Sur les montagnes et dans les régions froides du globe, c’est la température qui limite l’aire des arbres. De taille généralement faible, ils ont souvent de petites feuilles enroulées sur elles-mêmes (Éricacées). Une corrélation nette existe entre les limites altitudinales et latitudinales des arbres. Dans les régions tropicales, la forêt peut atteindre 4 000 m (Ruwenzori, Himalaya); dans les Alpes, elle ne dépasse guère 2 200 m; dans les Carpates du Nord, 1 550 m; et dans le centre de la Suède, 1 000 m. On sait que tout au Nord (Labrador, Laponie), même au niveau de la mer, elle cède la place à la toundra arctique. L’influence de la taille des massifs est également certaine; plus la montagne est haute, plus la limite supérieure des arbres l’est. Ce phénomène se voit bien en Suisse: la forêt des Préalpes (Santis, Pilate) hautes de 2 000 à 2 500 m ne dépasse pas 1 650 m; celle des Alpes (Valais, Bernina), qui culminent à plus de 4 000 m, atteint 2 500 m.
Toutes les familles ou espèces ligneuses ne sont pas également adaptées aux mêmes climats. Les aires des Palmiers (tropicaux), de Fagus et de Nothofagus (tempérés) et d’Alnus viridis (boréal) le montrent bien.
On remarquera que l’aulne vert se situe dans les Alpes à une altitude plus élevée que le hêtre, de même son aire générale est plus nordique.
D’autre part, les forêts se comportent tout autrement que de simples juxtapositions d’arbres. Leur feuillage crée un microclimat à périodicité régulière, tant par leur ombre que par l’intense évaporation due à sa formidable surface. Quand il tombe, formant la litière, il restitue au sol une quantité importante des éléments qu’y avait puisés l’arbre pour assurer sa croissance et il apporte des ions nouveaux grâce à l’assimilation chlorophyllienne (cf. tableau).
Les arbres isolés, cependant, constituent une micro-formation qui n’est pas sans importance pour leurs voisins. Qu’un arbre vienne à s’installer dans un défrichement, il ne tarde pas à être entouré de tout un cortège de plantes de sous-bois, croissant grâce à son microclimat. C’est à un phénomène de cet ordre qu’est due la savane «à boqueteaux» de certaines régions tropicales, chaque bosquet ayant un arbre comme origine.
Les ensembles qui accompagnent les arbres comprennent aussi de nombreuses espèces épiphytes, parasites ou saprophytes. Les épiphytes y sont beaucoup plus rares que dans la forêt, à moins qu’ils ne soient aptes à supporter une sécheresse relative et une luminosité plus forte (Broméliacées). Les Cryptogames ne sont pas les mêmes. Dans une hêtraie humide de nos régions, on rencontrera sur le tronc des arbres peu de lichens (Sticta , Nephromium ) et de nombreuses mousses et hépatiques (Isothecium , Orthotrichum , Tetraphis , Phagiochila , Radula , Metzgeria ); des hêtres isolés porteront d’autres genres (Evernia , Xanthoria , Ramalina , Thuidium , Neckera , Barbula , Amblystegium , Lophocolea , Madotheca ).
Signalons également que les arbres abritent toute une faune qui leur est propre. Sans parler des oiseaux, des adaptations précises permettent cet habitat à des mammifères (le rongeur Anomalurus à queue prenante; l’écureuil volant, Sciuropterus ), à des batraciens dont les têtards se développent dans l’eau retenue par des bases foliaires (Leptodactylus ) et à des reptiles nombreux. Une infinité d’insectes y trouvent même le gîte et le couvert; les xylophages, dans nos régions, sont des Coléoptères (bostryches, cérambides) ou des Hyménoptères (Sirex ), les phytophages, des chenilles de Lépidoptères ou des Coléoptères (orcheste, galéruque). Beaucoup de larves de Diptères et d’Hémiptères se développent dans des galles sur des feuilles ou des tiges.
Au niveau de la litière, le rôle des animaux n’est pas moins important (rhizopodes, lombricides), allié à celui des champignons, souvent mycorhiziens. Il ne diffère guère, si ce n’est par son ampleur, pour un arbre isolé et pour une forêt.
arbre [ arbr ] n. m.
• 1080; lat. arbor, oris
I ♦ Végétal pouvant atteindre des dimensions et un âge considérables, dont la tige ligneuse se ramifie à partir d'une certaine hauteur au-dessus du sol.
♢ Bot. Végétal ligneux qui possède un tronc et qui, dans son plein développement, dépasse huit mètres de haut. Étude des arbres. ⇒ dendrologie.
♢ Cour. Petit arbre, jeune arbre. ⇒ arbuste. Les racines, la tige (⇒ fût, tronc) , les branches, les feuilles d'un arbre. Collet, pied de l'arbre. Un tronc d'arbre présente trois parties : le canal médullaire (⇒ moelle) , le bois (⇒ cerne, cœur, duramen ) , l'écorce (⇒ aubier, liber) . Branche d'arbre. ⇒ branchage, branche, fourche, rameau, ramille, ramure. Le feuillage de l'arbre. ⇒ feuille, frondaison, verdure. À l'ombre d'un arbre. ⇒ 1. couvert, ombrage. Le sommet de l'arbre. ⇒ cime, faîte, houppier. L'aspect, la forme de l'arbre. ⇒ 2. port; taille. Arbre en espalier. Arbre en fleur. Arbre qui bourgeonne (⇒ bourgeon) , reverdit (⇒ feuillaison) , perd ses feuilles (⇒ défoliation) . « Le bel arbre maintenant dépouillé de ses feuilles, déployait, nue et noire sous le ciel, sa puissante et fine membrure » (France). Arbre à feuilles persistantes (⇒ sempervirent, vert) , à feuilles caduques. Espèces d'arbres. ⇒ essence. Arbre feuillu, gommeux, résineux (⇒ conifère) . Arbre nain. ⇒ bonsaï. Arbre branchu, fourchu, moussu, noueux. Arbre centenaire. Arbre creux, foudroyé, mort. Arbre fossile (⇒ paléobotanique) . Culture des arbres. ⇒ arboriculture, sylviculture; arboretum, pépinière. Arbre fruitier. ⇒ verger. Arbre d'agrément, d'ornement. Arbre isolé. Lieu planté d'arbres. ⇒ bocage, bois, boqueteau, bosquet, forêt, futaie, taillis. Arbre d'alignement. Rideau, allée d'arbres. ⇒ avenue, charmille, haie, mail. Traitement des arbres (⇒ baguer, chauler, éborgner, ébourgeonner, ébrancher, écorcer, élaguer, émonder, greffer , scarifier, tailler) . Planter des arbres. ⇒ boiser, reboiser. Abattre les arbres (⇒ bois, 2. coupe, grume, souche; déboiser) . Repérer, marquer les arbres (⇒ baliveau, lais, témoin) . Arbre cornier, de lisière. — Monter dans un arbre, grimper aux arbres. « Maître Corbeau, sur un arbre perché » (La Fontaine). — Arbre à palabres, sous lequel on se réunit en Afrique. — Arbre à caoutchouc. ⇒ hévéa. Arbre à pain. ⇒ artocarpe. Arbre du voyageur. ⇒ ravenala. Arbre de Judée. ⇒ gainier.
♢ PROV. Entre l'arbre et l'écorce il ne faut pas mettre le doigt : il ne faut pas s'immiscer dans une affaire où il y a des intérêts contradictoires. Il ne faut pas juger de l'arbre par l'écorce. Couper l'arbre pour avoir le fruit : supprimer une source de profit pour un avantage immédiat (cf. Tuer la poule aux œufs d'or). C'est au fruit qu'on connaît l'arbre : c'est à l'œuvre, au résultat, qu'on peut juger l'auteur. « Ce n'est que d'après les fruits que je me suis permis de juger l'arbre » (Sainte-Beuve). Les arbres cachent la forêt.
♢ Anciennt Arbre de la liberté : arbre planté sur une place publique comme symbole d'émancipation. — Arbre de mai.
♢ Arbre de Noël : sapin ou branche de sapin auquel on suspend des jouets, des décorations, à Noël.
♢ Bible L'arbre de vie : arbre du paradis terrestre dont le fruit eût conservé la vie à l'homme avec son innocence. L'arbre de la science du bien et du mal : l'arbre au fruit défendu.
II ♦ Par anal.
1 ♦ Arbre de la croix : la croix où fut attaché Jésus.
2 ♦ Axe qui reçoit ou transmet un mouvement de rotation. Arbre moteur, arbre manivelle. ⇒ vilebrequin. Arbre à cames. ⇒ 1. came. Réunir deux arbres par un embrayage, un accouplement. Mar. Arbre de couche, qui transmet le mouvement des machines aux propulseurs. Arbre d'hélice d'un navire.
III ♦ Ce qui a l'apparence d'un arbre.
1 ♦ Anat. Arbre de vie : arborisation que présente la coupe longitudinale du cervelet. Arbre bronchique.
2 ♦ Alchim., chim. anc. Nom d'arborisations. Arbre des philosophes : le mercure.
3 ♦ Arbre généalogique : figure représentant un arbre dont les ramifications montrent la filiation des diverses branches d'une même famille (et fig. une évolution).
4 ♦ Didact. Schéma représentant des chemins et des bifurcations. — Math. Graphe connexe, non orienté et sans cycle, utilisé pour représenter les problèmes de filiation et de dénombrement. — Ling. Représentation graphique de la structure d'une phrase en constituants immédiats, selon des classes syntagmatiques (grammaire transformationnelle). Classification en arbre, présentation des sens d'un mot selon cette structure.
● arbre nom masculin (latin arbor, -oris) Végétal vivace, ligneux, rameux, atteignant au moins 7 m de hauteur et ne portant de branches durables qu'à une certaine distance du sol. Figure arborescente servant à représenter schématiquement les filiations entre les éléments d'un ensemble : Arbre généalogique. Chimie Nom donné à divers dépôts métalliques présentant la forme d'arborisations. Électricité Ensemble connexe de branches reliant tous les nœuds d'un réseau sans former de boucle. Informatique Représentation d'un programme, ou d'un algorithme, sous la forme d'un graphe faisant apparaître les diverses séquences de calcul, leurs enchaînements et les aiguillages entre ces séquences. Linguistique Représentation graphique de la structure en constituants d'une phrase. Mathématiques En théorie des graphes, graphe connexe et dont la condition d'unicité des chemins depuis la source implique l'absence de cycle et de circuit. Mécanique Pièce de révolution utilisée pour transmettre un mouvement de rotation. ● arbre (citations) nom masculin (latin arbor, -oris) Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 Est-ce là ce grand arbre qui portait son faîte jusqu'aux nues ? Il n'en reste plus qu'un tronc inutile. Est-ce là ce fleuve impétueux qui semblait devoir inonder toute la terre ? Je n'aperçois plus qu'un peu d'écume. Sermon sur l'ambition René Char L'Isle-sur-la-Sorgue, Vaucluse, 1907-Paris 1988 Le fruit est aveugle. C'est l'arbre qui voit. Feuillets d'Hypnos Gallimard Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 L'arbre mort fait encore une bonne charpente. L'Otage, II, 1, Sygne Gallimard René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Toute la philosophie est comme un arbre, dont les racines sont la métaphysique ; le tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale ; j'entends la plus haute et la plus parfaite morale, qui présupposant une entière connaissance des autres sciences est le dernier degré de la sagesse. Principes de la philosophie Charles de Gaulle Lille 1890-Colombey-les-Deux-Églises 1970 […] Le vent redresse l'arbre après l'avoir penché. Le Fil de l'épée Plon Pierre Louis, dit Pierre Louÿs Gand 1870-Paris 1925 L'arbre est né pour se rompre et non pour se plier. Poèmes Crès Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Le ciel même peut-il réparer les ruines De cet arbre séché jusque dans ses racines ! Athalie, I, 1, Abner Antoine de Saint-Exupéry Lyon 1900-disparu en mission aérienne en 1944 Fruits et racines ont même commune mesure qui est l'arbre. Citadelle Gallimard Bible Déjà même la cognée se trouve à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu. Évangile selon saint Luc, III, 9 Coran La parole mauvaise est comme un arbre mauvais ; elle est à fleur de terre et n'a point de stabilité. Coran, XIV, 31 Frédéric Mistral Maillane, Bouches-du-Rhône, 1830-Maillane, Bouches-du-Rhône, 1914 Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut. Lis aubre que van founs soun li que mounton aut. Les Îles d'or Octavio Paz Mexico 1914-Mexico 1998 L'arbre endormi profère des oracles verts. El árbol dormido pronuncia verdes oráculos. Libertad bajo palabra, I, Condición de nube ● arbre (expressions) nom masculin (latin arbor, -oris) Abattre, couper l'arbre pour avoir le fruit, supprimer une source de profit pour obtenir immédiatement un seul avantage. Arbre à palabres, en Afrique, arbre sous lequel se réunissent les anciens du village. L'arbre cache la forêt, les détails empêchent d'appréhender l'ensemble. Arbre de Noël, sapin que l'on orne et illumine à l'occasion de la fête de Noël ; distribution de cadeaux faite vers Noël par une entreprise ou une association aux enfants du personnel ou des adhérents ; ensemble des vannes, raccords, etc., qui constituent la tête d'un puits de pétrole. Arbre de vie, nom usuel de divers thuyas ; représentation symbolique d'un arbre figurant la médiation entre le ciel et la terre, thème fréquent de l'iconographie orientale ; partie centrale blanche du cervelet, qui se découpe en forme d'arborisations sur la partie corticale grise. Faire l'arbre fourchu, l'arbre droit, se tenir en équilibre sur la tête, les jambes en l'air écartées ou jointes. Familier. Monter, grimper à l'arbre, être la dupe d'une mystification, marcher ; se mettre en colère. Arbre primaire, secondaire, intermédiaire, pièces de la boîte de vitesses d'une automobile qui portent les différents engrenages. Arbre de roue, pièce transmettant le mouvement du différentiel à une roue motrice. Arbre de Judée, nom usuel du gainier. Arbre-poison, arbre de mort, noms usuels du mancenillier. Arbre de soie, nom usuel du julibrissin. Arbre creux, pièce de transmission cylindrique alésée, recevant le couple fourni par un moteur et transmettant ce couple à l'essieu moteur, dont l'axe, logé dans son alésage, peut subir par rapport à lui, de petits déplacements verticaux et horizontaux. Arbre de décision, méthode d'analyse et d'élaboration du processus de prise de décisions multiples et séquentielles. (On s'attache à déterminer la meilleure décision terminale avant de déterminer la première.) Arbre électrique, dispositif assurant la synchronisation permanente de deux ou de plusieurs arbres mécaniques. Arbres de la Liberté, arbres plantés au début de la Révolution de 1789 et au printemps de 1848 pour symboliser la liberté conquise. Test de l'arbre, test projectif dans lequel on demande au sujet de dessiner un arbre. (L'interprétation de ce test est fondée sur l'hypothèse que l'arbre est la représentation symbolique du corps vécu du dessinateur.) Arbre de la croix, la croix où Jésus-Christ fut attaché. Arbre de Jessé, arbre généalogique de Jésus, établi par l'iconographie chrétienne à partir des données bibliques.
arbre
n. m.
d1./d Végétal ligneux de grande taille (6 ou 7 m au minimum), dont la tige (tronc), simple à la base, ne se ramifie qu'à partir d'une certaine hauteur.
— Arbre à feuillage persistant, portant des feuilles tout au long de l'année.
— Arbre à feuilles caduques, dont toutes les feuilles tombent une fois par an.
|| Arbre à beurre: karité.
— (Nouv.-Cal., oc. Indien) Arbre à caoutchouc: ficus au latex abondant (Ficus elastica, Fam. moracées) dont on tire un caoutchouc, dit de l'Inde, et un masticatoire apprécié au Viêt-nam.
— (Afr. subsah.) Arbre à éventail: ravenala.
— (Viêt-nam) Arbre à durian: V. durian.
— (Afr. subsah., Antilles fr., Nouv.-Cal., oc. Indien) Arbre à pain: artocarpus. Syn. (Pacifique, Polynésie fr.) uru.
— (Viêt-nam) Arbre à laque: laquier.
— Arbre à soie: arbuste des savanes (Fam. asclépiadacées), dont le fruit contient une bourre soyeuse.
— Arbre à éventail ou (Afr. subsah., Madag., Nouv.-Cal.) arbre du voyageur: ravenala.
|| (Afr. subsah.) Arbre à palabres: grand arbre qui sert de lieu de réunion dans un village.
|| Arbre de Noël: sapin (ou, plus souvent, épicéa) garni de jouets et de bougies, au moment de Noël.
|| (Prov.) Entre l'arbre et l'écorce il ne faut point mettre le doigt.
d2./d TECH Axe entraîné par un moteur et transmettant le mouvement de rotation à un organe, à une machine. Arbre de transmission.
d3./d Arbre généalogique: figure en forme d'arbre dont les rameaux partant d'une souche commune représentent la filiation des membres d'une famille.
d4./d MATH Graphe orienté, sans cycle et convexe.
⇒ARBRE, subst. masc.
I.— [L'arbre désigne un végétal ou sa représentation]
A.— BOT. Végétal ligneux, de taille variable, dont le tronc se garnit de branches à partir d'une certaine hauteur. De grands arbres, branches d'arbres, troncs d'arbres :
• 1. Le végétal est si bien composé d'un assemblage de végétaux, qu'il en renferme à la fois de jeunes et de vieux, dont quelques uns n'ont quelquefois qu'une lunaison, et d'autres ont plus d'un siècle. Un rameau d'un arbre est moins âgé que sa tige, et son aubier que son tronc. L'arbre le plus caduc porte à la fois la vieillesse dans son cœur et la jeunesse sur sa tête : l'une et l'autre se manifestent encore dans sa racine et dans son écorce. L'accroissement de ses parties dépend évidemment des harmonies soli-lunaires, puisque ses cercles annuels, subdivisés en cercles lunaires, en sont la preuve...
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 262.
• 2. Entre les quelques champs déjà défrichés, nus, et la lisière de grands arbres au feuillage sombre, s'étendait un vaste morceau de terrain que la hache n'avait que timidement entamé. Quelques troncs verts avaient été coupés et utilisés comme pièces de charpente; des chicots secs, sciés et fendus, avaient alimenté tout un hiver le grand poêle de fonte; mais le sol était encore couvert d'un chaos de souches, de racines entremêlées, d'arbres couchés à terre, trop pourris pour brûler, d'autres arbres morts mais toujours debout au milieu des taillis d'aunes.
L. HÉMON, Maria Chapdelaine, 1916, p. 59.
• 3. ... et, tout autour du tronc, s'étend un vaste espace ombreux, que l'arbre investit, sur lequel il règne, étalant ses branches colossales comme pour repousser toute autre végétation. Ces branches s'arquent, se voûtent et, de leur extrémité au loin retombée, touchent le sol. L'on respire un instant dans ces belles clairières couvertes; mais, sitôt qu'on en sort, on est tout empêtré dans l'enchevêtrement confus des ramures...
GIDE, Le Retour du Tchad, 1928, p. 870.
• 4. L'homme était un ouvrier agricole. M. de Coantré voulait l'éblouir de sa science sylvestre; avec une fierté d'enfant il nommait les espèces d'arbres, il parlait des arbres roulés par le vent, dont on peut extraire le cœur comme un crayon; il critiquait l'administration de la forêt : les lignes de coupe mal entretenues, des prématurés qui mangeaient leurs voisins, et auraient dû être abattus...
MONTHERLANT, Les Célibataires, 1934, p. 879.
SYNT. Cime, ombre, pied d'un arbre, bouquets d'arbres; abattre, planter, tailler des arbres, grimper aux arbres; arbres dépouillé, mort, en fleurs.
B.— Spécifications de l'arbre
1. Spécifications naturelles ou arboricoles
a) [L'accent est mis sur une caractéristique tirée de l'origine, des propriétés réelles ou supposées d'une espèce d'arbres ou d'arbustes] Arbre à, arbre de :
• 5. ... je dirai à ceux qui ne comprennent pas les termes de botanique, et particulièrement aux personnes du peuple qui désirent passer à la Louisiane, qu'ils y trouveront le chêne, le pin, le frêne, l'arbre à ciguë, le cèdre, l'orme, le bouleau, le sapin, l'arbre à sauterelles ou à cigales, le peuplier, l'arbre à suif, l'arbre à cire, l'arbre à boutons, l'arbre à l'huile ou à beurre...
BAUDRY DES LOZIÈRES, Voyage à la Louisiane, 1802, p. 171.
• 6. ... d'autres [fleurs] même ne fleurissent que la nuit : telle est celle du jalap du Pérou, ou belle-de-nuit; celle de l'arbre triste de l'Inde, qui s'ouvre dans les ténèbres et tombe au point du jour...
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 63.
• 7. Les arbres qu'on y voit, et qui de loin lui prêtent un aspect riant, ne sont que des arbres à gomme, arbuste chétif et bâtard qui ne donne point d'ombre.
LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 252.
• 8. « Et quel est cet arbre qui ressemble à un petit palmier? demanda Cyrus Smith.
— C'est un « cycas revoluta », dont j'ai le portrait dans notre dictionnaire d'histoire naturelle!
— Mais je ne vois point de fruit à cet arbuste?
— Non, Monsieur Cyrus, répondit Harbert, mais son tronc contient une farine que la nature nous fournit toute moulue.
— C'est donc l'arbre à pain?
— Oui! l'arbre à pain. »
VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, p. 297.
• 9. — (...) nous jouions au bord du fleuve qui a de l'eau, sous les jujubiers, frères du zeg-zeg, dont les épines ensanglantèrent la tête de votre prophète, et que nous appelons l'arbre du paradis, parce que c'est sous lui, a dit notre prophète à nous, que les élus du paradis feront leur séjour, et qui est parfois si grand, si grand, qu'un cavalier ne peut, en un siècle, traverser l'ombre qu'il projette.
BENOIT, L'Atlantide, 1919, p. 240.
• 10. Le directeur de ce jardin, présente à notre émerveillement les plus intéressants de ses élèves : cacaoyers, caféiers, arbres à pain, arbres à lait, arbres à bougies, arbres à pagnes, et cet étrange bananier de Madagascar, l'« arbre du voyageur », dont les larges feuilles laissent sourdre, à la base de leur pétiole qu'un coup de canif a crevé, un verre d'eau pure pour le voyageur altéré.
GIDE, Voyage au Congo, 1927, p. 704.
SYNT. Arbre à caoutchouc (ou à seringue), — à chandelles, — à coca, — des conseils, — à encens, — de fer, — à fièvre, — à grives, — de Judas ou Judée, — aux lis (ou à tulipes), — à melons, — de neige, — à perruques, — saint ou à chapelets, — à soie, — à thé, — à la vache (ou à lait), — à vernis.
b) [L'accent est mis sur des caractéristiques communes à plusieurs espèces d'arbres] Arbre à, arbre + adj.
♦ [Aspect naturel, écologie] :
• 11. De longues avenues d'arbres verts à feuilles persistantes rayonnaient dans toutes les directions. Çà et là se massaient d'épais taillis de « grass-trees », arbustes hauts de dix pieds, semblables au palmier nain, et perdus dans leur chevelure de feuilles étroites et longues.
VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 2, 1868, p. 185.
• 12. C'était le temps où les arbres à cônes, chargés de pollen, agitent aisément leurs branches pour répandre au loin leur fécondation. Le ciel s'était chargé d'orage et toute la nature attendait. (...) Il monta de la terre un souffle si brûlant que l'on sentit tout défaillir; le pollen des conifères sortit comme une fumée d'or des branches.
GIDE, Les Nourritures terrestres, 1897, p. 161.
SYNT. Arbre aquatique, — exotique (ou indigène), — à feuilles caduques, — forestier, — nain, — résineux.
♦ [Destination, production, mode de plantation, forme (résultant de l'action de l'homme ou des éléments)] Arbre fruitier :
• 13. L'arbre naturel n'a pas de beaux fruits. L'arbre produit de beaux fruits dès qu'il est en espalier, c'est-à-dire dès qu'il n'est plus un arbre.
RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, p. 341.
• 14. ... dans toute l'Andalousie, il n'est pas un arbre qui ne donne quelque chose. Le caroubier succède à l'olivier, l'oranger à la vigne, puis l'olivier revient en maître, le chêne-liège et l'yeuse qui nourrit les porcs. D'immenses vergers se déroulent sur des centaines de kilomètres : noisetiers, pêchers, amandiers. Pas un arbre d'agrément, pas un chêne, pas un orme, de rares platanes pour ombrager quelques places, des eucalyptus le long de cinq ou six routes, des cyprès en haies, comme en Provence, pour briser le vent. Tout arbre qui ne produit rien ou qui ne sert à rien est impitoyablement abattu, transformé en charbon.
T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, p. 23.
SYNT. Arbre de bordure, — en buisson, — en chablis, — en colonne, — en cordon, — de haute fûtaie, — en gobelet, — de lisière, — de lumière, — en quenouille, — de pieds corniers, — de réserve, — de haute, moyenne, basse, demi-tige, — ébranché (ou déshonoré), — en espalier, — franc (franc sur franc).
2. Spécifications culturelles : domaine symbolique, magique ou relig. [L'arbre est désigné] :
a) [Par le nom de la fête à laquelle il est attaché] :
• 15. L'arbre de Noël que préparait ma tante Plantier réunissait chaque année un grand nombre d'enfants, de parents et d'amis. Il se dressait dans un vestibule formant cage d'escalier et sur lequel ouvraient une première antichambre, un salon et les portes vitrées d'une sorte de jardin d'hiver, où l'on avait dressé un buffet. La toilette de l'arbre n'était pas achevée et, le matin de la fête, lendemain de mon arrivée, Alissa, ainsi que me l'avait annoncé ma tante, vint d'assez bonne heure l'aider à accrocher aux branches les ornements, les lumières, les fruits, les friandises et les jouets.
GIDE, La Porte étroite, 1909, p. 533.
— P. méton. La fête organisée à l'occasion de Noël (cf. ex. supra).
SYNT. Arbre de Mai, — de la mariée.
b) MYTH. ANTIQUE. [Par le nom de la divinité à laquelle il est consacré] Arbre d'Apollon (le laurier), de Bacchus (la vigne), de Minerve (l'olivier), de Vénus (le tilleul).
— P. anal. [Par le nom de la valeur idéol. qu'il doit évoquer] Arbre de la liberté, de la paix :
• 16. L'arbre de vie s'élève sur la Colline de l'encens : un peu plus loin, l'arbre de science étend de toutes parts ses racines profondes et ses rameaux innombrables : il porte, cachés sous son feuillage d'or, les secrets de la Divinité, les lois occultes de la nature, les réalités morales et intellectuelles, les immuables principes du bien et du mal.
CHATEAUBRIAND, Les Martyrs, t. 1, 1810, p. 183.
• 17. Je ne sais pourquoi je conspirai. Cet arbre [de la Fraternité] était un malheureux jeune chêne très élancé, haut de trente pieds au moins, qu'on avait transplanté à son grand regret au milieu de la place Grenette, fort en deçà de l'arbre de la Liberté qui avait toute ma tendresse. L'arbre de la Fraternité peut-être rival de l'autre, avait été planté immédiatement contre la cabane des châtaignes vis-à-vis les fenêtres de feu M. Le Roy. Je ne sais à quelle occasion on avait attaché à l'arbre de la Fraternité un écriteau blanc sur lequel M. Jay avait peint en jaune, et avec son talent ordinaire, une couronne, un sceptre, des chaînes, tout cela au bas d'une inscription et en attitude de choses vaincues.
STENDHAL, Vie de Henry Brulard, t. 2, 1836, p. 361.
SYNT. Arbre expiatoire, — de la connaissance du bien et du mal, — du paradis.
c) Emplois techn.
— HÉRALD. Figure représentant un arbre.
SYNT. Arbre arraché (racines apparentes), — écolé (sans branches), — fûté (si le fût est d'un autre émail que les branches), — effeuillé, — fruité, etc.
— PSYCHOL., PSYCHANAL. Test de l'arbre. Test analytique de la personnalité mis au point par C. Koch, et qui consiste à interpréter le dessin d'un arbre effectué par un sujet.
Rem. Attesté ds Lar. encyclop. Suppl. 1968 et ds de nombreux dict. récents de psych. et de psychologie.
C.— Proverbes et loc.
♦ Entre l'arbre et l'écorce, il ne faut pas mettre le doigt. Il ne faut pas s'immiscer dans les affaires privées d'autrui.
Rem. Attesté ds tous les dict. gén. du XIXe et du XXe siècle.
♦ Se tenir au gros de l'arbre. Rester fidèle aux valeurs, aux partis qui ont prouvé leur solidité et leur sûreté.
Rem. Attesté ds tous les dict. gén. du XIXe et du XXe s. à partir de Ac. 1835.
♦ Couper l'arbre pour avoir le fruit. Sacrifier une source de richesses durable pour jouir momentanément d'un de ses profits.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe s. à partir de Lar. 19e.
♦ Les arbres cachent la forêt. L'attention portée aux détails empêche de saisir l'ensemble (cf. ROB., ROG. 1965).
♦ C'est au fruit qu'on connaît l'arbre. On juge les gens d'après leurs actes, les choses, d'après les résultats produits (cf. ROB. et ex. 19).
♦ Pop. Monter à l'arbre. Se laisser prendre à une mystification; faire monter qqn à l'arbre, le mystifier :
• 18. C'est malin de me faire monter à l'arbre! ... Au fond, je n'en ai pas cru un mot, vous savez.
COLETTE, Claudine à Paris, 1901, p. 240.
Rem. Absent des dict. gén. Attesté ds A. DELVAU, Dict. de la lang. verte, 1866; L. LARCHEY, Dict. hist. d'arg., 2e suppl., 1883; Ch.-L. CARABELLI, [Lang. pop.].
— L'arbre se prête à de nombreux emplois symboliques dont les écrivains ont fait grand usage :
• 19. — Vous avez des vapeurs?
Hélène haussa les épaules d'un air offensé.
« Des vapeurs! Des vapeurs! Elle n'avait encore jamais eu de vapeurs. Elle n'avait pas de vapeurs. Elle se portait comme un arbre. »
Joseph répondit, l'air bourru :
— Les arbres tombent malades, tout comme nous, croyez-moi.
Hélène hocha la tête avec désinvolture et elle repartit à rire. « Non, non, il n'y avait rien à craindre, l'arbre-Hélène était en pleine exubérance. »
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 174.
• 20. L'image de l'arbre où s'affirme une structure spatiale, dynamique selon l'axe vertical, est aussi mesure, cycle du devenir, symbole de régénération étroitement lié au temps cosmique. Le temps s'inscrit dans la substance de l'arbre, la notion de temps est saisie d'une manière intuitive grâce à l'image de l'arbre fleuve, qui puisse aux ténèbres minérales, à la substance obscure et qui est résurgence lente et profonde.
P. LAURETTE, Le Thème de l'arbre chez P. Valéry, Paris, Klincksieck, 1967, p. 5.
II.— [L'arbre désigne un objet ou une figure ressemblant au végétal]
A.— [Ressemblance avec l'arbre muni de ramures]
1. Domaine relig. Arbre de la croix. La croix du Christ. Embrasser l'arbre de la croix, s'abriter sous l'arbre de la croix :
• 21. Que n'avez-vous rangé pour la première fois
Quand il était encore un fragile arbrisseau
L'arbre au double destin, l'arbitre au double sceau,
L'arbre de la science et l'arbre de la croix.
Que n'avez-vous rangé dans un âge absolu
Quand il était encore un arbre jouvenceau,
L'arbre au double destin, l'arbitre au double sceau,
L'arbre de la potence et l'arbre du salut.
Que n'avez-vous rangé dans un ordre absolu
Avant qu'il fût entré sous la seconde loi,
L'arbre au double destin, l'arbitre de la foi,
L'arbre de la créance et l'arbre du salut.
Ch. PÉGUY, Ève, 1913, p. 727.
2. GYMNASTIQUE. [En parlant d'une position recherchée] Faire l'arbre fourchu. Se tenir sur ses mains, la tête en bas et les pieds en haut.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe siècle.
3. Domaines sc.
a) ANATOMIE :
• 22. La coupe du cervelet montre des linéamens médullaires qui représentent un arbre à cinq branches principales, subdivisées deux fois de suite en branches plus petites : on l'appelle arbre de vie.
CUVIER, Leçons d'anat. comp., t. 2, 1805, p. 139.
• 23. Je me suis fait aussitôt un pansement au collargol, et je me suis couché. Je pensais toujours que ce n'était pas grand-chose. Mais l'arbre bronchique avait été plus profondément atteint que je ne le soupçonnais ... Vous voyez combien c'est ridicule : j'allais là-bas pour vérifier si l'on observait bien toutes les précautions réglementaires, — et je n'ai même pas été fichu de les prendre moi-même! ...
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, p. 886.
SYNT. Arbre de corail, — glandulaire, — respiratoire, — urinaire, etc.
b) CHIM. Cristallisation, dépôts plus ou moins arborescents. Arbre de Diane (ou philosophique). Amalgame d'argent obtenu avec du nitrate d'argent et du mercure. Arbre de Jupiter. Étain précipité par le zinc. Arbre de Mars, de Saturne, etc.
c) GRAPHISME. Croquis, schéma ou diagramme, avec base et ramifications.
— GÉNÉALOGIE, PHYLOGÉNIE. Arbre généalogique. Tableau montrant, sous la forme d'un arbre avec ses ramifications, les filiations d'une même famille à partir d'un ancêtre commun :
• 24. ... il y a une multitude d'ordres différents, représentés dans la variété sans nombre des conceptions géométriques (141). De là les arbres généalogiques et encyclopédiques, les tablettes chronologiques, les atlas historiques et les tableaux synoptiques de toute espèce.
COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances, 1851, p. 358.
♦ Arbre de Jessé. Arbre généalogique du Christ :
• 25. Un arbre de Jessé, dans le style de la Renaissance, qui s'élevait du haut en bas de la maison Paillot, (...) avait été jeté par terre avec le reste, mais non détruit. M. de Terremondre, l'ayant retrouvé par la suite dans un chantier, en avait fait l'acquisition pour le musée. Ce monument est d'un bon style. Malheureusement, les prophètes et les patriarches, qui s'épanouissaient sur chaque branche comme des fruits merveilleux, et La Vierge, fleurie au faîte de l'arbre prophétique, furent mutilés par les terroristes en 1793, et l'arbre souffrit de nouveaux dommages en 1860, quand il fut porté au chantier comme bois de chauffage.
A. FRANCE, L'Orme du mail, 1897, p. 123.
Rem. La représentation d'une famille par un arbre, et l'idée d'une même sève nourrissante, passant dans toutes les ramifications de l'arbre et le faisant fructifier ont donné naissance, dans la lang. fam. et littér., à des expr. comme l'arbre, les fruits, les rejetons, la souche d'une famille :
• 26. Car c'est ainsi que la France va chercher sans cesse, au plus profond du terroir, des réserves de substance neuve. Encore un effort, encore une génération, et l'arbre Pasquier fera peut-être s'épanouir quelque fleur miraculeuse. Allons, pourquoi cet espoir absurde? Que demander encore à la souche qui a donné Cécile, la musicienne?
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Combat contre les ombres, 1939, p. 11.
— LING. Arbre, arbre étiqueté. Représentation sous forme d'un schéma arborescent, d'une structure syntagmatique.
— SC., vieilli. Arbre encyclopédique. Tableau démontrant les rapports étroits entre les sciences et les arts en les faisant partir d'un tronc commun. (Cf. ex. 24).
Rem. Attesté ds Ac. Compl. 1842, Ac. 1878, 1932, BESCH. 1845, ROB., QUILLET 1965.
B.— [Ressemblance avec le tronc ou la tige de l'arbre]
1. MAR., vx. Arbre de meistre, de trinquet (le mât de misaine) :
• 27. Le grand mât s'appelait l'arbre de mestre...
J. DE LA VARENDE, Heureux les humbles, 1942, p. 128.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe s. de Ac. 1835 à QUILLET 1965.
2. TECHNOLOGIE
a) Vx. Pièce maîtresse, parfois tournante, qui, dans une machine, sert de support à d'autres pièces animées. Arbre d'une balance, d'une grue, d'un moulin, d'une presse, d'un pressoir.
Rem. Attesté de Ac. 1835 à Ac. 1932. Synon. axe, plus usité.
— Spéc., HORLOG. Pièce cylindrique à pivots sur laquelle est adaptée une roue (ou barillet) qui sert à bander un ressort.
♦ Arbre de grand ressort. Qui supporte la fusée.
b) Pièce cylindrique et allongée, généralement en acier, qui est destinée à transmettre, recevoir ou transformer un mouvement de rotation, une puissance. Arbres moteurs (ou de couche), arbre de transmission, arbre parallélogramme :
• 28. L'arbre à cames [dans un moteur Diesel] (...), reçoit son mouvement de l'arbre à manivelles, par l'intermédiaire d'un arbre perpendiculaire ...
P. DUMANOIS, Moteurs à combustion interne, 1924, p. 181.
• 29. La turbine est un organisme chargé de transformer en mouvement et force la pression formidable de la chute. Cette poussée s'exerce sur une roue de métal munie d'aubages spéciaux et fixée sur un axe, arbre d'acier puissant. L'arbre transmet mouvement et force à l'alternateur, où ils engendrent le fluide.
PESQUIDOUX, Le Livre de raison, t. 1, 1925, p. 190.
• 30. La carcasse du moteur est munie de paliers-supports dans lesquels tourne un arbre creux. Cet arbre entoure l'essieu avec un jeu suffisant pour permettre tous les déplacements de l'essieu par rapport au châssis.
M. BAILLEUL, Notions de matériel roulant des ch. de fer, 1951, p. 76.
SYNT. Arbre à cardan, — de couche, — coudé, — porte-hélice, — de relevage, — de roue, — primaire, — secondaire, — intermédiaire.
Rem. Sens attesté dès Lar. 19e.
— Au fig. Arbre de couche :
• 31. C'est que parfaitement exacte, du point de vue logique, qui est l'arbre de couche de l'entendement, elle [la doctrine de Maurras] s'appuie à une personnalité d'un désintéressement total...
L. DAUDET, Ch. Maurras et son temps, 1928, p. 67.
Rem. On rencontre dans la doc. 2 néol. a) Arbraie, subst. fém. (H. DE RÉGNIER, Poèmes, Tel qu'en songe, 1892, p. 176; suff. -aie). Lieu planté d'arbres, ensemble d'arbres. b) Arbricule, subst. masc. (HUYSMANS, Les Sœurs Vatard, 1879, p. 191; suff. -cule, -ule). Petit arbre, arbuste. Des arbricules poussiéreux.
PRONONC. ET ORTH. :[]. Enq. ://. Ac. Compl. 1842 et GUÉRIN 1892 enregistrent le mot arbroie (pour le remplacement de l'orth. oi par ai, cf. la finale -ais). Ac. Compl. 1842 réserve également à ,,arbrée (V. lang.)`` une vedette de renvoi à arbroie.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1100 « grand végétal ligneux » (Roland, éd. T. Müller, 2267 ds T.-L. : desuz dous arbres bels); p. anal. 2. a) 1100-50 « pièce horizontale qui transmet le mouvement dans une machine motrice » (Pelerinage Charlemagne, éd. E. Koschwitz-G. Thurau, 372, ibid. : Altresil fait torner com arbre de molin); b) XVe s. arbre de la croix « la croix où fut attaché le Christ » (CHR. DE PISAN, Charl. V, part. I, ch. 33 ds GDF. Compl. : N'estoit point de necessité a la perfection et enterinité du corps ressuscité de Jhesu Crist ravoir tout le sang respendu en l'arbre de la croix); 3. 1723 arbre des philosophes alchimie (Trév. : Terme de science hermétique. Le grand arbre des Philosophes est leur mercure, qui est leur teinture, leur principe et leur racine; quelquefois c'est l'ouvrage de la pierre); 1771 arbre de Diane chim. (Trév. : C'est un mélange d'argent, de mercure et d'esprit de nitre cristallisés ensemble en forme d'un petit arbre).
Du lat. arbor, CATON, Agr., 6, 1 ds TLL s.v., 421, 38; 2 a « arbre du pressoir » (CATON, Agr., 6, 1, ibid., 427, 51 : in torcularium quae opus sint ...; qui arbores conprimat si dishiascent); cf. avec 2 b OVIDE, Am., 1, 12, 18, ibid., 424, 3 : carnifici ... praebuit illa arbor cruces.
STAT. — Arbre. Fréq. abs. littér. :15 033. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 19 245, b) 24 220; XXe s. : a) 23 126, b) 20 625. Arbricule. Fréq. abs. littér. :1.
BBG. — Archéol. chrét. 1924. — BACH.-DEZ. 1882. — BADER.-TH. 1962. — BAUDR. Pêches 1827. — Bible 1912. — BLANCHE 1857. — BOUILLET 1859. — BRARD 1838. — BRUANT 1901. — Canada 1930. — CHABAT 1881. — CHASS. 1970. — CHESN. 1857. — COLAS-CAB. 1968. — Comm. t. 1 1837. — CROS-GARDIN 1964 (et s.v. arborescence). — DAINV. 1964. — DARM. Vie 1932, p. 75, 154. — DELAMAIRE (J.). Meuniers et moulins à vent. Vie Lang. 1970, p. 630. — DE WERGIFOSSE (G.). Les Im. symboliques de l'arbre et de l'eau dans la poésie de Jules Supervielle (Licence Louvain 1966/67). — DHEILLY 1964. — Divin. 1964. — DUMAS 1965 [1873]. — DUVAL 1969. — ESN. 1966. — Foi t. 1 1968. — FROMH.-KING. 1968. — GAY t. 1 1967 [1887]. — GEORGE 1970. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 19; pp. 164-165; p. 270, 277. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 50. — GOUG. Mots t. 1 1962, p. 91. — GOUGENHEIM (G.). La Relatinisation du vocab. fr. Annales de l'Univ. de Paris. 1959, t. 29, n° 1, p. 8. — GRANDM. 1852. — GRUSS 1952. — GUERBER 1967. — GUILB. Aviat. 1965. — HETMAN 1969. — HUSSON 1970. — JAL 1848. — JOSSIER 1881. — LACR. 1963. — LAL. 1968. — Lar. mén. 1926. — LAURETTE (P.). Le Thème de l'arbre chez Paul Valéry. Frankfurt/M.-Paris, 1967, 196 p. — LAVEDAN 1964. — LE CLÈRE 1960. — LE ROUX 1752. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — LOTE (G.). Arbre « barre de gouvernail », à propos d'un épisode de Rabelais. Bibl. d'Human. et Renaissance. 1936, t. 3, pp. 52-57. — MARCEL 1938. — MASSON 1970. — Méd. Biol. t. 1 1970. — MILLEPIERRES (F.). Les Conifères. Vie Lang. 1969, p. 563. — MILLEPIERRES (F.). Promenade philol. parmi les arbres. Vie Lang. 1969, pp. 122-123. — MONT. 1967. — MORIER 1961. — Mots rares 1965. — NELLI 1968. — NOTER-LÉC. 1912. — NYSTEN 1824. — Pétrol. 1964. — PLAIS. 1969. — PLAIS.-CAILL. 1958. — POIGNON 1967. — Pol. 1868. — POPE 1961 [1952], passim. — PRIVAT-FOC. 1870. — RÉAU-ROND. 1951. — REMIG. 1963. — RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. Rem. lexicogr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 350. — ROCHE 1968. — ROG. 1965. p. 54. — ROLL. Flore t. 4 1967, p. 79. — SAIN. Lang. par. 1920, p. 372. — Sexol. 1970. — SIZ. 1968. — SOÉ-DUP. 1906. — ST-EDME t. 1 1824. — TEZ. 1968. — Théol. bibl. 1970. — TONDR.-VILL. 1968. — TOURNEMILLE (J.). Au jardin des loc. fr. Vie Lang. 1959, p. 237, 239. — VIOLLET 1875. — WILL. 1831.
arbre [aʀbʀ] n. m.
ÉTYM. 1080; lat. arbor, arboris.
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I Grand végétal ligneux dont la tige, qui s'élève à plus de 6 mètres quand la plante est adulte (au-dessous, on parle d'arbrisseau), ne porte de branches qu'à partir d'une certaine hauteur au-dessus du sol (Voir les mots en arbor- et en dendro-). || Les racines, la tige (⇒ Tronc; bille, grume), les branches d'un arbre. || Nœud vital de l'arbre. ⇒ Collet, pied. || Coupée transversalement, la tige d'un arbre présente trois parties : le canal médullaire (⇒ Moelle), le bois (⇒ Bois, cambium, cerne, cœur, duramen, nœud, xylème) et l'écorce (⇒ Aubier, écorce, liber). || La sève circule entre les racines et les feuilles de l'arbre. || Le creux d'un arbre. || La charpente de l'arbre. ⇒ Branchage, branche, brindille, dard, embranchement, fourche, fourchet, gourmand, lambourde, rame, rameau, ramée, ramure. || Le feuillage d'un arbre. ⇒ Feuille; aiguille, épine; (poét.) chevelure, couronne, couvert, frondaison. || Le haut, le sommet, la tête d'un arbre. ⇒ Apex, cime, faîte, houppier, sommité.
♦ La vie d'un arbre. || L'arbre prend bien, prend racine (⇒ Enraciner), croît, se développe, pousse, végète; bourgeonne (⇒ Bourgeon, œil), s'épanouit (⇒ Débourrement), fleurit (⇒ Bouton, fleur), s'affruite, se met à fruit, produit, porte des fruits (⇒ Fruit); se défeuille, s'effeuille, verdit, verdoie, reverdit.
♦ Aspects, caractères, nature des arbres (⇒ Espèce, essence). — Arbre agreste, franc (franc de pied), sauvage (⇒ Sauvageon); cultivé (⇒ Élève), de semis, greffé, en caisse, en pleine terre, en plein vent. — Arbre indigène ou exotique (dans un lieu donné). || Acclimater un arbre. — Arbre géant ou nain. — Arbre d'un seul brin, d'une seule venue; élancé, vigoureux, en pleine sève. — Arbre chevelu, feuillu, frondescent, frondifère, touffu. — Arbre à feuilles persistantes (⇒ Vert) ou caduques (⇒ Feuillu). — Arbre épineux. — Arbre fleuri; chargé, couvert de fleurs; fertile ou stérile. — Arbre branchu, fourchu, moussu (⇒ Mousse; bryon), noueux, rameux. — Arbre caverneux, creux. — Arbre antique, chenu, rabougri. — Arbre fossile. ⇒ Dendrite; lepidodendron, sigillaire. — Arbre pétrifié. ⇒ Dendrolithe.
♦ Culture des arbres. ⇒ Arboriculture, foresterie, sylviculture. — Arbre de tige, de haute tige (⇒ Filardeau), de moyenne tige, de demi-tige, de basse-tige. ⇒ Tige. || Arbre de première, de deuxième, de troisième, de quatrième grandeur. || Arbre de haute futaie, de basse futaie. ⇒ Futaie. || Arbre de lumière. ⇒ Lumière. — Arbre gommeux, gummifère, guttifère, lactescent, résineux, résinifère.
♦ Syntagmes arbre + qualificatif (adjectif; à ou de + nom) désignant des espèces d'arbres. || Arbre aux anémones : calycanthe ou beurreria; d'argent : protea; aveuglant : excecaria; des banians : figuier de l'Inde; à beurre : bassia, butyrosperme, caryocar, garcinia, irvingia; du Brésil : césalpinie; à café : chicot du Canada; à calebasse : calebassier; à caoutchouc : hévéa (etc.); de Caroni : galipéa; de castor : magnolia; à chandelle : muscadier porte-suif; à chapelet : azédarach, mélia; du ciel : ginkgo; à cire : céroxyle, myrica, sumac; des conseils : figuier des pagodes; au corail : erythrina; de Cythère : spondias; du diable : sablier; de Dieu : figuier des pagodes; de dragon : dragonnier; à encens : amyris; à enivrer : piscidie; de fer : mesua; de la folie : amyris; aux fraises : arbousier; à la gale : sumac; à la glu : houx; à la gomme : acacia; à grives : sorbier; immortel : erythrina; impudique ou indécent : pandanus; à ivoire : phytéléphas; de juda ou de Judée : gainier ou cercis; à lait : galactodendron; à laque : butéa; aux lis : tulipier; de Sainte-Lucie : cerisier mahaleb; à la manne : frêne; à melons : papayer; de mille ans : baobab; de Moïse : cotoneaster (pyracanthe); de mort : mancenillier ou hippomane; aux mouchoirs : davidia; de neige : viorne; à pain : artocarpe ou jacquier, irvingia (→ ci-dessous, cit. 0.1); à papier : broussonetia (mûrier); de paradis : thuya; aux perruques : sumac; à la pistache : staphylier; pluvieux : césalpinie; à poison : sumac, mancenillier ou hippomane; au poivre : vitex (gattilier); puant : sterculia fœtidia; à la puce : sumac; aux quarante écus : ginkgo; saint : mélia; à savon : sapindus; à seringue : hévéa; du soleil : platane; à suif : croton; de saint Thomas : bauhinia; triste : nyctanthe; aux tulipes : tulipier; à la vache, à vache, arbre-vache (1830, in D. D. L.) : galactodendron; au vermillon : quercus coccifera (chêne); de vie : thuya; du voyageur : ravenala.
0.1 Et quel est cet arbre qui ressemble à un petit palmier ? demanda Cyrus Smith.
— C'est un « cycas revoluta », dont j'ai le portrait dans notre dictionnaire d'histoire naturelle !
— Mais je ne vois point de fruit à cet arbuste ?
— Non, monsieur Cyrus, répondit Harbert, mais son tronc contient une farine que la nature nous fournit toute moulue.
— C'est donc l'arbre à pain ?
— Oui ! l'arbre à pain.
— Eh bien, mon enfant, répondit l'ingénieur, voilà une précieuse découverte, en attendant notre récolte de froment.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. I, p. 422.
0.2 Au Venezuela, existe un arbre qui fournit, quand on l'a incisé, un liquide crémeux et blanc qui lui a valu le nom d'arbre-vache; les indigènes boivent cette sève à l'état pur.
P. Deffontaines, l'Homme et la Forêt, p. 55, in D. D. L., II, 15.
♦ (En Afrique). || L'arbre à palabres : grand arbre à l'ombre duquel les anciens, les notables se réunissent.
♦ Myth. || Arbres sacrés ou symboliques : arbre d'Apollon (laurier, palmier), de Bacchus (vigne), de Cybèle (pin), des Dryades (chêne), des Euménides (cèdre), des Helliades (peuplier), d'Hercule (peuplier), de Jupiter (chêne, châtaignier), de Minerve ou de Pallas (olivier), de Pluton (cyprès), de Vénus (myrthe et tilleul).
➪ tableau Principaux arbres, arbustes et arbrisseaux.
♦ Plantation d'arbres. ⇒ Plant, plantation; complanter, déplanter, planter, transplanter; boiser, reboiser; peupler, repeupler. — Lieu planté d'arbres, réunion d'arbres. ⇒ Alignement, allée, ambulacre, avenue, berceau, bocage, bois, bordure, bosquet, boulevard, bouquet, charmille, complant, cordon, forêt, fourré, futaie, gaulis, haie, jardin, ligne, lisière, mail, massif, ombrage, palissade, pépinière, peuplement, rangée, rideau, taillis, touffe, végétation, verdure, verger, voûte.
♦ Formation, forme des arbres. ⇒ Taille (en berceau, boule, buisson, bulteau, chandelle, colonne, cône, contre-espalier, cordon, couronne, dôme, espalier, éventail, fuseau, gobelet, palmette, pyramide, quenouille, tétard, vase…).
♦ Traitement des arbres. ⇒ Baguer, butter, chauler, chausser, conduire, courber (arcure…), déchausser, décortiquer, dégarnir, déplanter, éborgner, ébourgeonner, ébouturer, ébrancher, écheniller, écimer, éclaircir, écorcer, écussonner, effeuiller, égravillonner, éhouper, élaguer, émonder, émousser, entailler, enter, éplucher, étêter, étronçonner, forcer, greffer, habiller, hannetonner, inciser, œilletonner, palisser, pincer, praliner, rabattre, rapatronner, recéper, rechausser, saigner, scarifier, tailler, terrer, transplanter, tuteurer…
♦ Accidents, dommages, maladies survenant aux arbres. ⇒ Arrachement, brouissure, broussin, cadranure, chancre, découronnement, dénudation, déracinement, desséchement, ébranchement, écuissage, effeuillaison, exfoliation, forcine, gel, gelée, gélivure, givre, gomme, gommose, gouttière (fente), lenticelle, loupe, rabougrissement, roulure; abattis, arrachis, chablis, rompis, ventis… || Arbre arsin, cassé, charmé, ébranché, encroué, épuisé, gélif, givré, ruiné.
♦ Abattage des arbres. ⇒ Abattage; abattre, cerner, couper, équarrir, essoucher, étronçonner… || Balivage des arbres (choix et marquage des arbres réservés, retenus dans une coupe). ⇒ Baliveau, lais, pérot; marmenteau, témoin, tétard. || Arbre moderne, arbre de repeuplée. || Baguer, flacher (faire une entaille, un miroir) et marquer un arbre au marteau. || Annélation; ceinturage d'un arbre. || Arbres compris dans la coupe. || Arbre d'assiette. || Arbre cornier. || Arbre coupier. || Arbre de lisière. || Arbre de tronce, dont on coupe les branches périodiquement. || Arbre de délit, coupé contre les ordonnances. || Le chicot d'un arbre. || Arracher la souche d'un arbre.
♦ Rejets, rejetons d'un arbre. ⇒ Accru, bois (pousser du), boulure, bourgeon, bouture, brin, brout, cépée, drageon, pousse, repousse, scion, surgeon; rejeter, reprendre, surgeonner.
♦ Monter dans un arbre, sur un arbre, grimper à l'arbre. || Planter, tailler, abattre un arbre. || Un grand, un petit arbre. || Un vieil arbre. || Arbre mort.
1 Ô quantes fois (combien de fois) aux arbres grimpé j'ai (…)
Clément Marot, Églogue au roi.
2 La terre produit verdure, arbres fruitiers (…)
Ambroise Paré, Œuvres, XXIV, 2.
3 Lieux couverts et ombragés d'arbres et de verdure (…)
J. Amyot, Pompée, 47.
4 Les arbres dépouillés de leurs feuillages verts.
Rotrou, Hercule mourant, V, 1.
5 De longues allées d'arbres, plantées à la ligne (…)
Vaugelas, Quinte-Curce, 393.
6 Maître Corbeau, sur un arbre perché (…)
La Fontaine, Fables, I, 2.
7 L'arbre tient bon, le roseau plie;
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine (…)
La Fontaine, Fables, I, 22.
8 L'aigle avait ses petits au haut d'un arbre creux (…)
La Fontaine, Fables, II, 1.
9 L'un des deux compagnons grimpe au faîte d'un arbre (…)
L'un de nos deux marchands de son arbre descend (…)
La Fontaine, Fables, V, 20.
10 (Notre écolier) Qui, grimpant sans égard sur un arbre fruitier,
Gâtait jusqu'aux boutons, douce et frêle espérance (…)
La Fontaine, Fables, IX, 5.
11 Le Scythe l'y trouva qui, la serpe à la main,
De ses arbres à fruits retranchait l'inutile,
Ébranchait, émondait, ôtait ceci, cela,
Corrigeant partout la nature (…)
La Fontaine, Fables, XII, 20.
12 (…) Puissions-nous chanter sous les ombrages
Des arbres dont ce lieu va border ses rivages !
La Fontaine, Philémon et Baucis.
13 (Les arbres) courbent sous le poids des offrandes sans nombre.
La Fontaine, Philémon et Baucis.
14 Il (le riche) peut dans son jardin, tout peuplé d'arbres verts,
Recéler le printemps au milieu des hivers.
Boileau, Satires, VI.
15 Ce que vous dites des arbres qui changent est admirable; la persévérance de ceux de Provence est triste et ennuyeuse : il vaut mieux reverdir que d'être toujours vert.
Mme de Sévigné, 7 juin 1675.
16 Les arbres sont bien taillés, bien émoussés, les espaliers bien tenus (…)
La Quintinie, Jardins, I, 4.
17 Les arbres ont perdu leur chevelure verte.
Richelet, Dict.
18 L'ordonnance veut qu'on abatte les arbres à coups de cognée, à fleur de terre, sans les écuisser ni les éclater.
Richelet, Dict.
19 (…) Vitruve (…) dit (…) qu'avant d'abattre les arbres il faut les cerner par le pied jusque dans le cœur du bois, et les laisser ainsi sécher sur pied (…)
Buffon, Hist. nat. des végétaux, Expériences sur les végétaux, 2e mémoire.
20 Plus un arbre est vieux quand on l'abat, moins sa souche épuisée peut produire.
Buffon, Hist. nat. des végétaux, Expériences sur les végétaux, 2e mémoire.
21 (…) le chêne, le hêtre et les autres arbres forestiers que j'avais semés (…)
Buffon, Hist. nat., t. VIII, p. 415.
22 Les arbres résineux, comme le sapin (…)
Buffon, Hist. nat. des végétaux, Expériences sur les végétaux, 2e mémoire.
23 Les arbres qui poussent vigoureusement en bois produisent rarement beaucoup de fruit (…)
Buffon, Hist. nat. des végétaux, Expériences sur les végétaux, 2e mémoire.
24 De quelque façon qu'on intercepte la sève, on est sûr de hâter les productions des arbres (…)
Buffon, Hist. nat., t. VIII, p. 283.
25 La Quintinye a créé l'art de la culture des arbres et celui de les transplanter.
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, « Écrivains ».
26 Les bignonias, les coloquintes s'entrelacent au pied de ces arbres de toutes les formes (…)
Chateaubriand, Atala.
27 (…) le castor coupe les arbres, équarrit leurs troncs.
Chateaubriand, Voyage en Amérique…, 9.
28 Arbres (…) courbés sous les tempêtes,
Mais dont la foudre seule ose ébranler les têtes (…)
Lamartine, Jocelyn, II.
29 Ce fut comme un abatis d'arbres (…)
Hugo, Quatre-vingt-treize, III, 2.
29.1 Les colons purent fouiller à fond cette forêt, dont la largeur variait de trois à quatre milles, car elle était comprise entre les deux rivages de la presqu'île Serpentine. Les arbres, par leur haute taille et leur épaisse ramure, attestaient la puissance végétative du sol, plus étonnante ici qu'en aucune autre portion de l'île.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. II, p. 737.
30 Des arbres fruitiers en éventail sur des fils de fer, ou bien en espalier, s'étalaient à la grande lumière, un peu défeuillés, là seulement pour le fruit.
A. Daudet, Contes du lundi, « Maison à vendre ».
31 Le bel arbre maintenant dépouillé de ses feuilles, déployait, nue et noire sous le ciel, sa puissante et fine membrure.
France, l'Anneau d'améthyste, p. 268.
32 De petites allées sinueuses où les arbres d'hiver, habillés de lierre et de ronces, comme des ruines (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XI, p. 217.
33 Un arbre foudroyé, sa sève monte plusieurs printemps de suite, ses racines n'en finissent pas de mourir.
Martin du Gard, les Thibault, II, 8.
34 Gravez votre nom dans un arbre
Qui poussera jusqu'au nadir.
Un arbre vaut mieux que le marbre
Car on y voit les noms grandir.
Cocteau, Pièce de circonstance.
34.1 Un arbre est couvert de redites. Il est un nombre vivant et frissonnant. Une forêt dit : feuille, feuille – – – – Millions de feuilles.
Valéry, Cahiers, Pl., t. II, p. 741.
34.2 L'arbre corps énorme entre la finesse de ses principes dans la terre et la finesse de ses conséquences aériennes.
Valéry, Cahiers, Pl., t. II, p. 1252.
♦ ☑ Loc. fig. Faire l'arbre fourchu : se tenir sur les mains, les pieds en haut, la tête en bas.
35 (…) l'arbre fourchu, les pieds à mont, la tête en bas.
Rabelais, le Quart Livre, 19.
♦ ☑ Fam. Monter, grimper à l'arbre : se laisser prendre à une mystification. || On m'a fait monter à l'arbre.
♦ ☑ Loc. prov. Entre l'arbre et l'écorce il ne faut pas mettre le doigt : il ne faut pas s'immiscer dans les débats de famille.
36 Apprenez que Cicéron dit qu'entre l'arbre et le doigt il ne faut point mettre l'écorce.
Molière, le Médecin malgré lui, I, 2.
♦ ☑ Loc. (Vieilli). Se tenir au gros de l'arbre, au parti le plus sûr; s'appuyer sur ce qui semble le plus solide.
♦ ☑ Couper l'arbre pour avoir le fruit : tarir la source de la richesse (→ Tuer la poule aux œufs d'or). — ☑ Couper le pied de l'arbre, abattre, arracher l'arbre (même sens).
37 Quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit, ils coupent l'arbre au pied, et cueillent le fruit. Voilà le gouvernement despotique.
Montesquieu, l'Esprit des lois, V, 13.
38 Le laboureur, quand il a besoin de bois, coupe une branche, et non pas le pied de l'arbre.
Voltaire, in Œ. compl. de Montesquieu, Note.
39 Le despote arrache l'arbre, le sage monarque l'ébranche.
Voltaire, Essai sur les mœurs, 64.
40 (…) qui abat l'arbre pour en avoir les fruits.
Balzac, Melmoth réconcilié, t. IX, p. 297.
♦ ☑ Loc. prov. C'est au fruit qu'on connaît l'arbre.
41 Ou admettez que l'arbre est bon, et que son fruit est bon; ou admettez que l'arbre est mauvais, et que son fruit est mauvais : car c'est au fruit qu'on connaît l'arbre.
Bible, Évangile selon saint Matthieu, XII, 33 (cf. aussi VIII, 18).
42 Ce n'est que d'après les fruits que je me suis permis de juger l'arbre.
Sainte-Beuve, Correspondance, t. I, p. 334.
♦ ☑ L'arbre, les arbres cache(nt) la forêt : les détails empêchent de voir l'ensemble.
♦ L'arbre, symbole de vigueur, de résistance, de ténacité… (dans des loc. compar. ou métaphoriques).
43 L'amour est comme un arbre, il pousse de lui-même, jette profondément ses racines dans tout notre être, et continue de verdoyer sur un cœur en ruine.
Hugo, Notre-Dame de Paris, IX, 4.
44 Il résistait au temps comme un vieil arbre.
Maupassant, le Garde, Pl., t. II, p. 349.
45 Quand on veut d'une certaine façon intime et profonde, quand ce sont nos cellules qui veulent en nous, quand c'est notre inconscient qui veut, quand on veut avec la volonté sourde, abondante et pleine de l'arbre vigoureux qui veut reverdir au printemps (…)
France, Histoire comique, XVII.
♦ Par métaphore ou fig. || L'arbre, symbole de la race, de la lignée (→ ci-dessous, III., arbre généalogique, arbre de Jessé).
46 Le ciel même peut-il réparer les ruines
De cet arbre (la race de David) séché jusque dans ses racines ?
Racine, Athalie, I, 1.
47 Il faut que cette force, cachée dans une race, aboutisse enfin ! C'est en nous que l'arbre Thibault doit s'épanouir : l'épanouissement d'une lignée ! Comprends-tu ça ?
Martin du Gard, les Thibault, II, 8.
♦ Arbre de la liberté : arbre planté sur une place publique comme symbole d'émancipation.
47.1 (…) comme à Paris on plantait des arbres de la Liberté, le conseil municipal décida qu'il en fallait à Chavignolles.
Bouvard en offrit un, réjoui dans son patriotisme par le triomphe du peuple; quant à Pécuchet, la chute de la royauté confirmait trop ses prévisions pour qu'il ne fût pas content.
Flaubert, Bouvard et Pécuchet, VI.
♦ Arbre de mai : arbre planté le 1er mai devant la porte de qqn, en signe d'honneur.
♦ Mod., cour. || Arbre de Noël : sapin ou branche de sapin auquel on suspend des jouets, le jour de Noël.
♦ ☑ L'arbre de vie : arbre du paradis terrestre dont le fruit eût conservé la vie à l'homme avec son innocence. ☑ L'arbre de la science du bien et du mal : l'arbre au fruit défendu.
48 Le Seigneur Dieu avait aussi produit de la terre toutes sortes d'arbres beaux à la vue, et dont le fruit était agréable au goût, et l'arbre de vie au milieu du paradis, avec l'arbre de la science du bien et du mal.
Bible (Sacy), Genèse, II, 9.
49 Mais ne mangez point du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal; car au même temps que vous en mangerez, vous mourrez très certainement.
Bible (Sacy), Genèse, II, 7.
♦ Psychol. || Test de l'arbre : test de la personnalité qui consiste à interpréter le dessin d'un arbre.
———
II Par anal.
1 Arbre de la croix : la croix où fut attaché Jésus.
50 Il est mort ignominieusement en l'arbre de la croix pour la rançon de nos péchés.
2 Mar. Vx. Mât. || Arbre de trinquet : mât de misaine d'un bâtiment à voiles latines.
3 Axe qui reçoit ou transmet un mouvement de rotation. || Arbre moteur ou arbre de couche. || Arbre de transmission. || Le balancier permet de transmettre le mouvement du piston de la machine à vapeur à un arbre moteur. ⇒ Bielle, manivelle. || Arbre à cames (des moteurs à explosion). → 1. Came, cit. 1. || Moteur à double arbre à cames en tête. || Arbre-manivelle (1873, arbre de manivelle). ⇒ Vilebrequin. || Arbre de transmission. || Le boitard, les coussinets d'un arbre de transmission. || Réunir ou isoler deux arbres. ⇒ Embrayer. || Manchons d'accouplement d'arbres de transmission. || L'engrenage transmet le mouvement d'un arbre à un autre. — Arbre d'hélice d'un navire. || Palier de butée de l'arbre d'hélice. — Arbre de couche.
51 On leur fait (aux nègres) tourner à bras l'arbre des moulins à sucre.
Voltaire, Essai sur les mœurs, 152.
51.1 Les quatre châssis qui formaient les ailes (du moulin) avaient été solidement implantés dans l'arbre de couche, de manière à faire un certain angle avec lui, et ils furent fixés au moyen de tenons de fer.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. II, p. 534.
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III Ce qui a l'apparence d'un arbre.
1 Anat. || Arbre de vie : arborisation que présente la coupe longitudinale du cervelet.
2 Chim. anc. || Arbre de… : arborisation. || Arbre de Diane (amalgame d'argent), de Mars (silicate de fer et carbonate de potasse), de Jupiter (étain précipité par le zinc), de Saturne (cristallisation formée autour d'une lame de zinc plongée dans l'acétate de plomb).
♦ Alchim. || Arbre des philosophes : le mercure.
3 Arbre généalogique : figure représentant un arbre dont les ramifications montrent la filiation des diverses branches d'une même famille. — Arbre de Jessé : arbre généalogique du Christ (en iconographie, représenté comme un arbre, I.).
4 Arbre encyclopédique (vx) : tableau de l'enchaînement des sciences et des arts représentés comme sortant d'un tronc commun.
5 Didact. Schéma représentant des trajets et des bifurcations et servant à dénombrer des éléments, à dresser des listes. ⇒ Alternative, branche (II., 1.). — Ling. Représentation graphique de la structure d'une phrase en constituants immédiats, sous forme d'un schéma en arbre hiérarchisant les classes syntagmatiques. || Arbre étiqueté. ⇒ Arborescence, arborescent. || Visualiser l'analyse linguistique d'une phrase par un arbre, par des parenthèses emboîtées. ⇒ Parenthésage.
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DÉR. et COMP. Arbrier. — (Du lat. arbor) Arboré, arborer, arborescent, arboricole, arboriculture, arboriforme, arborisation, arborisé, arboriser, arbrisseau. — Arbuste.
Encyclopédie Universelle. 2012.