sauvage [ sovaʒ ] adj.
• v. 1120; bas lat. salvaticus, altér. du class. silvaticus, de silva « forêt »
I ♦ Qui est à l'état de nature ou qui n'a pas été modifié par l'action de l'homme.
1 ♦ (Animaux) Qui vit en liberté dans la nature, n'appartient pas à l'expérience familière de l'homme. La vie des animaux sauvages. Apprivoiser les bêtes sauvages. — Chat sauvage. ⇒ haret. — Par anal. (1630) (Canada) Chat sauvage : raton laveur.
♢ Se dit des animaux non domestiqués d'une espèce qui comporte des animaux domestiques. Canard, oie sauvage. Taureaux, chevaux sauvages. — Par ext. Soie sauvage.
2 ♦ (Humains) Vieilli Qui est peu civilisé, dont le mode de vie est archaïque. ⇒ primitif. Peuples sauvages. ⇒ peuplade, tribu . « Je ne doute pas que la vie moyenne de l'homme civilisé ne soit pas plus longue que la vie de l'homme sauvage » (Diderot).
♢ N. UN SAUVAGE, LES SAUVAGES. La théorie du « bon sauvage » (de Montaigne à Diderot et à Rousseau).— (Canada) Vx Amérindien. — Une sauvage. ⇒vx sauvagesse.
♢ Par ext. Propre aux sauvages. L'état sauvage. Retourner à la vie sauvage. « Un art sauvage ne se maintient que dans la sauvagerie qu'il exprime, et l'intrusion d'un art civilisé le détruit » (Malraux).
3 ♦ Qui pousse et se développe naturellement sans être cultivé (végétaux, et particulièrement variétés qui sont par ailleurs cultivées). Plantes, fleurs, fruits sauvages. Rosier sauvage. ⇒ églantier. Cerisier sauvage. ⇒ merisier.
4 ♦ (Lieux) Que la présence ou l'action humaine n'a pas marqué; peu accessible, d'un aspect peu hospitalier, parfois effrayant. ⇒ 1. désert, inhabité. La côte sauvage. « Le versant espagnol, exposé au midi, est tout autrement abrupt, sec et sauvage » (Michelet). — Géol. Eaux sauvages : eaux de ruissellement diffus.
5 ♦ (v. 1965) (Choses) Qui surgit spontanément, se fait de façon anarchique, indépendamment des règles. Grève sauvage. Urbanisation, industrialisation sauvage, non planifiée. Immigration sauvage. ⇒ illégal. Faire du camping sauvage, hors des terrains prévus à cet effet. — Psychanalyse sauvage : interprétation spontanée par un non-spécialiste.
II ♦ Fig.
1 ♦ Qui fuit toute relation avec les hommes, se plaît à vivre seul et retiré. ⇒ craintif, 2. farouche, insociable, misanthrope. Cet enfant est très sauvage. Par ext. Humeur sauvage. — N. Un, une sauvage. ⇒ ours. « Edmond a des amis, mais Armand est un sauvage. Il reste solitaire dans la maison paternelle » (Aragon).
2 ♦ D'une nature rude, grossière ou même brutale. ⇒ fruste, grossier, inculte, rude (cf. Mal dégrossi). N. « On ne va pas arrêter ce petit dans ses études, il est si doué [...] Sûr que non ! On n'est pas des sauvages ! » (Mallet-Joris). Faites attention, bande de sauvages ! ⇒ brute. — Vieilli (sauf au Canada) Comme un sauvage : impoliment. « Ce n'est pas une raison pour s'en aller comme un sauvage » (Maupassant ).
3 ♦ Qui a qqch. d'inhumain, marque un retour aux instincts primitifs. ⇒ barbare, bestial, cruel, féroce; sauvagerie. « Son air sauvage et brutal » (Fénelon). « Une explosion rapide, successive, de cris sauvages, démoniaques » (Baudelaire).
⊗ CONTR. Domestique, familier. Civilisé, évolué, policé. Délicat, 1. poli, raffiné, sociable.
● sauvage adjectif (bas latin salvaticus, du latin classique silvaticus, de silva, forêt) Se dit d'une espèce animale non domestique, vivant en liberté dans la nature : Le sanglier est un animal sauvage. Se dit d'un sujet non apprivoisé d'une espèce domestique. Se dit d'un animal difficile à apprivoiser : Le merle passe pour très sauvage. Se dit d'une espèce végétale qui pousse librement dans la nature : De la menthe sauvage. Se dit d'un lieu qui est resté vierge, n'a pas été transformé par l'homme : Une région sauvage et d'accès difficile. Qui a lieu au contact de la nature : Retrouver pour quelque temps la vie sauvage. Qui s'organise en général spontanément en dehors des lois et règlements : Crèche sauvage. Faire du camping sauvage. Se dit d'une action violente, impitoyable, brutale : Une répression sauvage. ● sauvage (expressions) adjectif (bas latin salvaticus, du latin classique silvaticus, de silva, forêt) Capitalisme sauvage, type d'économie où les mécanismes du marché, laissés à eux-mêmes, exercent des effets très brutaux. Enfant sauvage, enfant qui a grandi à l'écart d'un milieu humain et qui, au moment où il a été trouvé et recueilli, ne possédait pas l'usage du langage. Type sauvage, souche bactérienne, gène ou organisme qui est prédominant dans une population vivant dans la nature. (Les mutations géniques sont définies par rapport au type sauvage.) ● sauvage (synonymes) adjectif (bas latin salvaticus, du latin classique silvaticus, de silva, forêt) Se dit d'une espèce animale non domestique, vivant en liberté...
Contraires :
- familier
Se dit d'un sujet non apprivoisé d'une espèce domestique.
Contraires :
- apprivoisé
Se dit d'un animal difficile à apprivoiser
Synonymes :
- farouche
Contraires :
- domestiqué
Se dit d'un lieu qui est resté vierge, n'a pas...
Synonymes :
- désert
- désolé
- inhabité
Contraires :
- habité
- urbanisé
Qui s'organise en général spontanément en dehors des lois et...
Synonymes :
- illégal
- illicite
- irrégulier
Contraires :
- autorisé
- codifié
- réglementé
- régulier
Se dit d'une action violente, impitoyable, brutale
Synonymes :
- bestial
- cruel
- farouche
- féroce
Contraires :
- délicat
- doux
- raffiné
- sophistiqué
Type sauvage
Synonymes :
● sauvage
adjectif et nom
S'est dit des groupes humains qui se sont développés à l'écart des sociétés évoluées et dont le mode de vie est resté primitif ; se dit aussi de ce qui leur est propre : Une peuplade sauvage.
Se dit de quelqu'un qui n'a pas le comportement social, l'attitude morale attendus dans une société civilisée : Quel sauvage ! Il aurait pu s'excuser.
Qui fuit les contacts humains et mène une vie solitaire : Un homme devenu sauvage avec l'âge.
Qui est violent, brutal, cruel : Il devient sauvage quand ses intérêts sont en jeu.
● sauvage (citations)
adjectif et nom
François Marie Arouet, dit Voltaire
Paris 1694-Paris 1778
On croirait que cet ouvrage est le fruit de l'imagination d'un sauvage ivre.
Dissertation sur la tragédie ancienne et moderne (en tête de Sémiramis)
Hamlet
● sauvage (difficultés)
adjectif et nom
Sens et registre
Attention aux nuances de sens et d'emploi qui distinguent ces trois mots.
1. Sauvage adj. et n. = qui fuit la société d'autrui. C'est un vieil homme assez sauvage, qui vit seul à l'écart du village. C'est un vieux sauvage ; c'est une sauvage.
Remarque Sauvage au sens de « qui vit en dehors de la civilisation » (peuplades sauvages) est ressenti aujourd'hui comme discriminatoire et méprisant et n'est plus guère employé.
2. Sauvagesse n.f. = femme d'un peuple exotique dont le genre de vie est resté proche de la nature ; femme rebelle aux usages de la vie en société. « Un petit pagne de dentelles qui la faisait ressembler à une sauvagesse élégante »(P. Louÿs). Ce mot du registre littéraire est presque entièrement sorti de l'usage.
3. Sauvageon, onne n. = garçon ou fille qui a grandi en liberté, sans éducation. Registre courant.
● sauvage (synonymes)
adjectif et nom
S'est dit des groupes humains qui se sont développés à...
Synonymes :
- barbare
- primitif
Contraires :
- civilisé
- évolué
Se dit de quelqu'un qui n'a pas le comportement social...
Synonymes :
- butor
- goujat
- malotru
- mufle (familier)
Qui fuit les contacts humains et mène une vie solitaire
Synonymes :
- ours (familier)
Contraires :
- liant
- mondain
- sociable
sauvage
adj. et n.
rI./r adj.
d1./d (Animaux) Qui vit dans la nature, loin des hommes; qui n'est pas domestiqué.
d2./d (Plantes) Qui croît naturellement, sans intervention humaine.
d3./d GENET Se dit de la souche, du caractère, du gène pris conventionnellement comme référence pour une étude. Ant. mutant.
d4./d Inculte, inhabité et peu accueillant. Des montagnes sauvages.
d5./d (Emploi critiqué.) Qui se fait indépendamment de toute organisation officielle, sans plan, spontanément. Grève sauvage.
rII./r adj.
d1./d Vieilli ou péjor. Qui vit en dehors de la civilisation. Des tribus sauvages.
— Subst. Les sauvages. (V. sens III.)
d2./d Qui évite les contacts humains, recherche la solitude. Ant. sociable.
|| Subst. Vivre en sauvage.
d3./d Très rude, brutal, féroce. Une cruauté sauvage.
|| Subst. Agir en sauvage.
rIII/r n. HIST ou vieilli Nom donné aux autochtones d'Amérique, considérés comme non civilisés (v. indien, amérindien).
|| Loc. (Québec) Vieilli été des sauvages: V. été.
— Attendre les sauvages: être sur le point d'accoucher.
— S'asseoir en sauvage, les jambes croisées devant soi.
⇒SAUVAGE, adj.
I. — Conforme à l'état de nature, qui n'a pas subi l'action de l'homme.
A. — [En parlant d'un animal] Qui vit en liberté dans la nature, à l'écart des influences humaines (v. fauve). Les bêtes sauvages de la jungle. Autrefois, (...) la Thrace (...) était habitée par des animaux sauvages et quelques hommes effrayés (, Aphrodite, 1896, p. 122). Des crépitements de bois dénoncent la retraite précipitée des bêtes sauvages rôdant aux alentours (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 95).
— En partic. Qui n'est pas domestiqué (par opposition aux individus appartenant à la même espèce qui le sont). Chat, cheval, chien, taureau sauvage; oie sauvage. Les étangs, auprès des manoirs voisins, recélaient, (...) du canard sauvage (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 287). La dépouille d'un bœuf sauvage frais tué (MARAN, Batouala, 1921, p. 22).
♦ P. ext. Difficile à apprivoiser. Le merle est très sauvage (Lar. Lang. fr.).
B. — [En parlant d'un végétal] Qui pousse naturellement sans être cultivé ni greffé, en particulier quand il s'agit de variétés d'espèces qui le sont généralement. Fleurs, fruits, plantes sauvages; abricotier, cerisier, groseillier, olivier, orchidée sauvage. Ce n'était plus que quelques plantes marines, quelques arbrisseaux sauvages (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 227). Un rosier grimpant furieux de sève et redevenu sauvage et dont les nœuds emmêlés et inextricables retombent du toit et des fenêtres crevés en une lourde masse sombre et parfumée (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 105).
— [P. méton.;] [en parlant des fruits de ces végétaux] Un homme à qui il serait interdit (...) d'allumer du feu, de ramasser des baies sauvages, de cueillir des herbes et de les faire bouillir dans un morceau de terre cuite, cet homme-là ne pourrait vivre (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 195). Pommes sauvages découvertes sous la pourriture humide des frondaisons déchues (PERGAUD, De Goupil, 1910p. 18).
C. — [En parlant d'un lieu, d'un site ou des éléments qui le constituent] Qui n'est pas marqué par l'intervention de l'homme; qui a gardé l'aspect de la nature vierge et présente un aspect peu hospitalier. Campagne, contrée, région, vallée sauvage; jardin sauvage; côtes, étendues, forêts, monts, rives sauvages. Les approvisionnements devenaient toujours plus difficiles dans ces pays sauvages remplis de landes, de broussailles (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 184). Les vagues rongeaient la roche comme des rats. Tailladées, creusées, frappées de plein fouet, gigantesque et sauvage carrière abandonnée (...) les falaises, à grands pans de pierre, (...) descendaient dans la mer (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 51).
— GÉOGR. Eaux sauvages. Eaux de ruissellement abondantes, s'écoulant sur une pente forte. Des contrées où les eaux sauvages, torrentueuses, stagnantes, causes de destruction et d'émanations malfaisantes (...), remplacent ces fleuves, ces ruisseaux, ces lacs, ces eaux aménagées (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 88). Les eaux sauvages n'agissent que là où le sol est privé de couvert végétal, soit naturellement, soit artificiellement (PLAIS.-CAILL. 1958).
D. — [En parlant d'un individu ou d'un groupe hum.] Qui vit à l'écart des formes de civilisation dites évoluées, qui est proche de l'état primitif. Peuple, tribu sauvage; Indiens à moitié sauvages. [Les lois] qu'Orphée, Osiris et les dieux mythologiques avaient établie afin de grouper dans les villes les pasteurs sauvages des montagnes, les chasseurs de la forêt (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 192). Guillaume II (...) arme les multitudes sauvages de l'Asie blanche et de l'Afrique noire contre l'Angleterre et la France (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 206).
♦ Empl. subst. L'écolier que j'étais alors (...) rêvait de longues traversées, de naufrages dans des îles inconnues, d'aventures extraordinaires chez des sauvages armés d'une massue et coiffés d'un diadème de plumes (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 73). Comme les sauvages actuels, les hommes de ce temps [des premiers âges de l'humanité] se pliaient difficilement aux changements de toute sorte, et vivaient entre eux (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 115).
— Bon sauvage. [P. réf. à la théorie défendue par J.-J. Rousseau dès ses premiers écrits] Individu qui n'a pas été en contact avec la société et aurait gardé de ce fait certaines qualités considérées comme idéales. Votre bon sauvage m'a fait rire, franchement, quand il est à l'Opéra (FLAUB., Corresp., 1868, p. 392). Malgré sa vie à Taos et au Mexique, Lawrence n'a pas cru niaisement au « bon sauvage ». Je doute qu'il ait rien attendu ni espéré des Indiens (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 110).
— En partic. Enfant sauvage ou, p. ell., empl. subst. masc. Enfant abandonné, élevé par des animaux ou séquestré et traité comme un animal. Le sauvage de l'Aveyron a certainement la faculté de penser et d'articuler. Depuis deux ans, on l'instruit avec zèle et intelligence (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 248). Les expériences d'Itard sur le Sauvage de l'Aveyron servirent à fonder l'enseignement des anormaux. — Par la suite on a trouvé d'autres enfants sauvages ou enfants-loups, aux Indes par exemple (LAFON 1969).
— P. méton. [En parlant d'une chose] Relatif aux hommes sauvages ou aux civilisations primitives. Vie sauvage; mœurs sauvages; art, mélopée sauvage. Un autre [fétiche], de l'île de Pâques, qui est le premier objet sauvage que j'aie possédé (BRETON, Nadja, 1928, p. 123).
II. — Qui évoque l'état de nature, antérieur aux formes de civilisations dites évoluées.
A. — [En parlant d'une pers.] Qui s'accommode mal de la vie en société, fuit les contacts humains et recherche la solitude. Cet enfant est un peu sauvage. Ce garçon sauvage, accoutumé à se tapir loin du monde et de qui c'était l'unique souci de n'être pas vu (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 166):
• 1. Hier, en arrivant dans la ville où nous devions coucher, j'ai vite demandé ma chambre. — Allez-vous donc encore vous enfermer? m'a-t-elle dit; vous devenez bien sauvage. Elle avait l'air mécontent en disant cela; je l'ai suivie...
KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 32.
♦ Empl. subst. Personne qui se plaît à vivre seule, retirée. Synon. misanthrope, ours. Gavarni: tourne à l'ours, au sauvage, ne veut plus sortir, s'habiller, porter des souliers neufs ni de chemises amidonnées (...). Impossible de le faire sortir pour rien de sa solitude et de sa sauvagerie (GONCOURT, Journal, 1865, p. 149). Il n'était jamais question de l'avenir de ma sœur aînée, déjà majeure, mais étrangère à nous, étrangère à tous, volontairement isolée au sein de sa propre famille. — Juliette est une autre espèce de sauvage, soupirait ma mère (COLETTE, Sido, 1929, p. 141).
— P. méton. [En parlant d'une chose] Propre aux individus sauvages. Être d'une nature sauvage, d'un caractère sauvage; mener une vie sauvage et retirée. Le comte a paru mécontent de moi; il m'a reproché mon humeur sauvage (KRÜDENER, Valérie, 1803p. 159). Paris m'éreinte (...). Depuis treize ans je ne vais plus dans le monde, je suis un homme de solitude et de plaisirs sauvages (COCTEAU, Poés. crit. II, 1960, p. 27).
B. — [En parlant d'une pers.] Dont le comportement est farouche, rude, grossier voire brutal. Je la devinai sauvage [sa mère], pleine de fausse gaîté et de malédictions (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 14):
• 2. Ces officiers qui cassent des glaces en gants blancs, qui savent le sanscrit et qui se ruent sur le champagne, qui vous volent votre montre et vous envoient ensuite leur carte de visite, cette guerre pour de l'argent, ces civilisés sauvages me font plus horreur que les cannibales.
FLAUB., Corresp., 1871, p. 203.
♦ Empl. subst. Individu grossier, inculte. Synon. ostrogoth. Traiter qqn de sauvage. Je me souviens d'avoir connu dans ma jeunesse une célèbre actrice (...) venant redemander ses lettres à un de mes amis; je n'ai jamais depuis retrouvé ce spectacle, cette fureur tranquille, cette impertinente majesté, cette attitude de sauvage (BALZAC, Fille Ève, 1839, p. 193). Je viens vous parler d'homme à homme. (...) il n'est que de parler pour s'entendre, et j'aime mieux vous voir avant d'aller plus loin. On n'est pas des sauvages, après tout! (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 62).
— En partic. Enfant sauvage ou, p. ell., en empl. subst. Enfant dépourvu d'instruction et d'éducation, qui a grandi plus ou moins seul ou à l'écart des influences de la société. Synon. sauvageon (v. ce mot B 1). C'était encore une enfant sauvage, ses pieds étaient nus, sa peau hâlée, malgré son chapeau de paille (NERVAL, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 614). Je crains qu'un homme tel que vous ne puisse s'accommoder d'un petit sauvage qui, vingt fois le jour, vous offensera malgré lui (BERNANOS, Soleil Satan, 1926p. 120).
— P. méton. [En parlant d'une chose] Propre aux individus sauvages. Manières, mœurs sauvages et farouches; désir, énergie sauvage. Elle me regarda fixement de son regard sauvage, et me dit : — J'ai toujours pensé que tu me tuerais (MÉRIMÉE, Carmen, 1847, p. 69). Chaque mois, (...) un rapide courrier venait jeter à l'exilé des lambeaux déchirés de sa patrie. Il les rejetait avec ennui, puis se replongeait avec une joie sauvage dans sa solitude (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 30).
C. — [En parlant d'une pers.] Qui rappelle les époques barbares de l'humanité par son caractère cruel, violent; qui a quelque chose d'inhumain. Synon. barbare, bestial, féroce. Assassin, ennemi sauvage. L'élégante femme avait disparu pour faire place à une créature sauvage, à une bête fauve qui, ne possédant plus d'autre arme offensive que son regard empoisonné, essayait d'en percer son ennemie (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 296). [Ravaillac] entendit en pleine chaire les prêtres (...) demander à grands cris s'il n'y aurait pas quelque cœur généreux, mâle ou femelle, pour délivrer ce pays du tyran, comme cette bonne dame Judith du sauvage Holopherne (THARAUD, Trag. de Ravaillac, 1913, p. 18).
♦ Empl. subst. Individu qui commet des actes de cruauté. Envahisseurs qui se conduisent en sauvages. D'une façon ou d'une autre, il fallait en finir, que ce fût gentiment, par des lois, par une entente de bonne amitié, ou que ce fût en sauvages, en brûlant tout et en se mangeant les uns les autres (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1256):
• 3. À quelques minutes d'intervalle, les mêmes personnes traitaient Alban de butor et de névrosé: aimer les taureaux prouvait tantôt qu'on avait trop de sang (...), tantôt qu'on avait le sang pauvre (...); Alban était un sauvage, un primitif, et en même temps une pâle fleur de décadence.
MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 390.
— P. anal. [En parlant d'une chose] Qui a un caractère violent, cruel, barbare. Destruction, guerre, lutte, meurtre, viol sauvage; fureur, hurlement sauvage; coups sauvages. Le besoin de justice, (...) le culte de vérité, qui d'abord contrebalancent en nous les primitifs instincts de brutalité sauvage (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 200):
• 4. ... malgré son propre nez en sang qui lui pissait sur la chemise, il se releva dans un état d'exaltation. Il avait l'air sauvage, (...) il n'avait aucunement respecté les règles élémentaires de la boxe et de la savate contre son adversaire qui avait une oreille décollée, et gémissait en se tenant les couilles.
ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 297.
D. — [En parlant d'une chose]
1. Qui évoque le caractère grandiose, farouche de la nature vierge ou des époques primitives. Parfum sauvage. L'odeur sauvage du sapin brûlé s'unissait à ces bruits montagnards (SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 61). Sublime dernier acte de Carmen! et d'abord, la musique sauvage, haletante, éveillait dans mon sang cette fièvre que nous connaissions tous, d'avant la corrida (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 126).
2. Qui échappe aux règles établies, qui se fait en dehors de toute organisation officielle, qui a un caractère spontané et incontrôlable. Concurrence, dévaluation, immigration sauvage; architecture, industrialisation, urbanisme sauvage; affichage, grève, vente sauvage; psychanalyse sauvage. Le festival [de la photo, à Arles] sécrète déjà ses signes extérieurs de réussite. Son antifestival, par exemple. Un accrochage pirate sur les parois d'une camionnette, une expo sauvage aux pieds de la statue (Le Nouvel Observateur, 26 juill. 1976, p. 39, col. 1):
• 5. Dans le héros Jean-Christophe luttent les deux éléments qui nous tourmentent et ont éternellement tourmenté le monde: le développement sauvage de l'individu, — et la fidélité humble et fière de l'individu à l'humanité.
J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 76.
— En partic. Qui se pratique en dehors des endroits spécialement aménagés, à l'écart des circuits traditionnels. Camping, tourisme sauvage. Il reste [à Superdévoluy] des dizaines de km2 de neige vierge que les amateurs aventureux de ski sauvage peuvent explorer (Le Point, 26 avr. 1976, p. 104, col. 3). 7 jours de randonnée sauvage dans les Cévennes méridionales et le Haut Languedoc (Le Nouvel Observateur, 26 août 1978, p. 68, col. 4).
REM. 1. Sauvagesque, adj., hapax. Brutal, cruel. La mort du prince impérial, qui m'a frappé comme une image d'Épinal, tant elle est violente et sauvagesque, commence à devenir une scie; ne trouvez-vous pas? (FLAUB., Corresp., 1879, p. 283). 2. Sauvagière, subst. fém., hapax. Lieu où l'on se retire pour se mettre à l'abri des contacts humains. Elle raconte d'un air malheureux que tu es bien trop heureux dans ta sauvagière pour en sortir, simplement avec l'intention de nous voir (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 237). 3. Sauvagisme, subst. masc., hapax. Synon. de sauvagerie (v. ce mot E). La barbarie sous ses deux formes, la barbarie voulue, le sauvagisme, et la barbarie souffrante, l'esclavage (HUGO, Corresp., 1867, p. 3).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1121-34 adj. « (d'un animal) qui vit dans la nature; qui n'est pas domestiqué » Asne salvage (PHILIPPE DE THAON, Bestiaire, 1828 ds T.-L.); 1690 « qui ne s'apprivoise pas facilement » (FUR.); 2. a) 1135 id. « (d'un homme) qui vit à l'écart de certaines formes de civilisation; rude, grossier » en partic. la gent sauvage « les Sarrazins par opposition aux chrétiens » (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, rédaction A-B, 384); 1596 subst. « homme, femme appartenant à une population primitive » (HULSIUS); b) 1580 « qui est propre aux hommes primitifs » cette vie brutale et sauvage (MONTAIGNE, Essais, éd. Villey-Saulnier, II, XII, 478); 3. a) ca 1160 « inculte, inhabité » päis ... molt salvage (Enéas, 280 ds T.-L.); ca 1165 une terre sauvage (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 5669, ibid.); b) 1845 eau sauvage (BESCH. d'apr. FEW t. 2, p. 617b); 1870 (LITTRÉ); 4. ca 1165 « (d'arbres, de plantes) qui vient naturellement, sans culture » De poires, de pumes sauvages ([CHRÉTIEN DE TROYES], G. d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 432 ds T.-L.). II. 1. a) 1121-34 adj. « étranger; qui ne fait pas partie d'un groupe constitué » (PHILIPPE DE THAON, op. cit., 2040, ibid.); b) ca 1165 id. « qui s'accommode mal de la vie en société; craintif » (BENOÎT DE STE-MAURE, op. cit., 13683, ibid.); 1656 subst. « personne qui aime la solitude et fuit les contacts humains » (PASCAL, Provinciales, éd. L. Lafuma, 9e lettre, p. 409); c) ca 1265 adj. « au caractère difficile » sauvages et hom de male escole (BRUNET LATIN, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, II, 25, p. 196); d) ca 1650 id. « qui traduit un caractère difficile, rude, voire brutal » style ... sauvage (BALZ., Dissert. critiques, 7 ds LITTRÉ); 2. a) ca 1208 id. « qui rappelle la violence, la cruauté des peuplades primitives » (HENRI DE VALENCIENNES, Hist. de l'empereur Henri de Constantinople, éd. J. Longnon, § 558); 1806 subst. « personne qui par ses actes de sauvagerie évoque les peuplades primitives » on se massacra comme des sauvages (J. DE MAISTRE, Corresp., p. 36); b) fin XIVe s. « (de manières, d'une attitude...) qui rappelle la rudesse de la nature vierge » de sauvage manière (FROISSART, Chron., éd. S. Luce, t. I, p. 10); 3. ca 1960 « qui échappe aux règles établies » (d'apr. GILB. 1980); 1966 profit sauvage (J.-P. COURTHÉOUX, La Pol. des revenus, Paris, P.U.F., p. 62). Du lat. de basse époque , IVe s. (PELAGON, 7, 91; CHIRON, [Mulomedicina], 54 ds Z. rom. Philol. t. 64, p. 141) altér. p. assim. vocalique du lat. class. silvaticus (dér. de silva « forêt ») « qui est fait pour le bois » puis à l'époque impériale « sauvage » en parlant d'une plante, qui survit dans le roum. selbatic, l'ital. selvatico, le cat. selvatge (FEW t. 11, p. 620b). Fréq. abs. littér.: 6 180. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 12 024, b) 9 621; XXe s.: a) 7 690, b) 6 241. Bbg. QUEM. DDL t. 34 (s.v. camping sauvage).
sauvage [sovaʒ] adj.
ÉTYM. V. 1175; salvage, XIe; bas lat. salvaticus, altér. du lat. silvaticus, de silva « forêt ».
❖
———
I Qui est à l'état de nature, qui n'a pas été modifié par la main de l'homme.
1 (Animaux). Qui vit en liberté dans la nature, n'appartient pas à l'expérience familière de l'homme. ⇒ Fauve, inapprivoisé, et (vx) fier. || Animaux, bêtes sauvages (→ 1. Bas, cit. 76; caverne, cit. 1; graine, cit. 7). || Orphée apprivoisait (cit. 3) les bêtes sauvages. || Chasse aux bêtes sauvages. || L'écureuil, petit animal à demi sauvage (→ Gentillesse, cit. 1). || Oiseau sauvage, inapprivoisable (cit. 1). || Les bêtes sauvages. || Animaux craintifs (cit. 2) et sauvages. || Cheval qui redevient sauvage. ⇒ Marron.
1 N'assure-t-il pas que les animaux sauvages s'approchent de l'homme, et que les oiseaux viennent se poser sur lui, lorsqu'ils ignorent le danger de cette familiarité ?
Diderot, Suppl. au voyage de Bougainville, I.
2 Pénétrez dans ces forêts américaines aussi vieilles que le monde (…) la nuit s'approche (…) on entend des troupeaux de bêtes sauvages passer dans les ténèbres (…)
Chateaubriand, le Génie du christianisme, II, IV, I.
♦ (XIIIe). Spécialt. Se dit des animaux non domestiqués d'une espèce qui comporte des animaux domestiques (cit. 5). || Chien (cit. 6), lapereau (→ Rabouillère, cit. 1), canard (→ Pluvier, cit.), oie sauvage. || Taureau (→ Joug, cit. 2), lama (→ Guanaco, cit.) sauvage. || Chevaux sauvages. || Porc sauvage. || Abeilles sauvages (→ Insecte, cit. 3). — Par métonymie. || Soie sauvage.
♦ Chat sauvage. ⇒ Haret, cit. — (1630, Canada). Raton laveur.
2 (V. 1196). Des hommes. Vx ou péj. Qui appartient à une civilisation considérée comme peu évoluée. — Spécialt. Qui, appartenant à un groupe peu civilisé, est jugé brutal et repoussant. ⇒ Primitif. || Peuples sauvages. ⇒ Peuplade, tribu (→ Barbare, cit. 8; civilisation, cit. 4; civiliser, cit. 3; 1. pratique, cit. 11). || L'homme sauvage (→ État, cit. 99; 1. moyen, cit. 9) et l'homme civilisé. || Hommes à moitié sauvages (→ Farouche, cit. 10).
♦ N. || Un sauvage, les sauvages. ⇒ Barbare (cit. 13), bois (homme des); et → Arbre, cit. 37; civiliser, cit. 2; déprédation, cit. 4; empreinte, cit. 7; hamac, cit. 2; homme, cit. 80; hospitalité, cit. 3; instinct, cit. 33; manitou, cit. 1; naturel, cit. 7; policer, cit. 1. || La théorie du « bon sauvage » (de Montaigne à Diderot). — Au fém. || Une sauvage. ⇒ Sauvagesse.
♦ || « On croirait que cet ouvrage est le fruit (cit. 42) de l'imagination d'un sauvage ivre » (Voltaire, à propos de Shakespeare). || Un petit sauvage : un gamin (cit. 2, Hugo), sans attache familiale ni sociale, sans instruction ni manières (→ aussi Jumeau, cit. 1).
3 Aussi Farrabesche et son fils étaient-ils surtout développés du côté physique, ils possédaient les propriétés remarquables des sauvages : une vue perçante, une attention constante, un empire certain sur eux-mêmes, l'ouïe sûre, une agilité visible, une intelligente adresse.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 668.
3.1 « (…) Mais ce n'est pas un singe ! » répondit Harbert. Pencroff et Gédéon Spilett, à ces paroles, regardèrent alors l'être singulier qui gisait à terre.
En vérité, ce n'était point du singe ! C'était une créature humaine, c'était un homme ! Mais quel homme ! Un sauvage, dans toute l'horrible acception du mot, et d'autant plus épouvantable, qu'il semblait être tombé au dernier degré de l'abrutissement !
Chevelure hérissée, barbe inculte descendant jusqu'à la poitrine, corps à peu près nu, sauf un lambeau de couverture sur les reins, yeux farouches, mains énormes, ongles démesurément longs, teint sombre comme l'acajou, pieds durcis comme s'ils eussent été faits de corne : telle était la misérable créature qu'il fallait bien, pourtant, appeler un homme ! Mais on avait droit, vraiment, de se demander si dans ce corps il y avait encore une âme, ou si le vulgaire instinct de la brute avait seul survécu en lui !
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. II, p. 503-504.
3.2 À la prodigieuse astuce naturelle à sa race, elle joignait une énergie farouche, qui ne connaissait ni le pardon ni la pitié. C'était une sauvage digne de partager le wigwam d'un Apache ou la hutte d'un Andamien.
J. Verne, Michel Strogoff, p. 280.
♦ (1580). Vx. Propre aux sauvages. || État sauvage (→ Animal, cit. 4; et aussi barbarie, cit. 1). || Retourner à la vie sauvage (→ Jugeote, cit. 1). || Perceptions intuitives qui appartiennent au fond (cit. 47) sauvage. || Mélopée sauvage (→ Hululement, cit.).
4 C'est une grande erreur que d'attribuer l'innocence à l'état sauvage; tous les appétits de la nature se développent sans contrôle dans cet état : la civilisation seule enseigne les qualités morales.
Chateaubriand, Mœurs générales des XIIe, XIIIe et XIVe siècles.
5 (…) un art sauvage ne se maintient que dans la sauvagerie qu'il exprime, et l'intrusion d'un art civilisé le détruit : l'art des noirs meurt des formes de l'Europe, même misérables.
Malraux, les Voix du silence, p. 223.
3 (XIIIe). Plantes. Qui pousse et se développe naturellement sans être cultivé. ⇒ Agreste (cit. 1). || Plantes, fleurs, fruits sauvages (→ Miséricordieux, cit.). — Spécialt. Se dit des variétés d'espèces végétales qui peuvent être également cultivées. || Groseilliers (→ Agripper, cit. 2), figuiers (→ Blottir, cit. 6), cassis (cit. 1), vignes (→ Entrelacer, cit. 2), framboisiers (cit.), oliviers (→ Massue, cit. 1)… sauvages. || Absinthe (cit. 2), anémone (cit. 2), baume (1. Baume, cit. 2), oseille (→ Lychnide, cit.), cerfeuil (→ Ombellule, cit.), orchidée (cit.), rosier sauvage.
5.1 Autour du Lac Supérieur et du Lac Michigan, pousse dans les marais une graminée (zizania aquatica), le riz sauvage, qui a été considérablement exploitée par différentes tribus. Les modalités de cette exploitation sont particulièrement instructives. Les Sioux Dakota, chasseurs de bisons et ramasseurs de plantes sauvages, organisaient des raids au moment de la maturité du riz et récoltaient simplement la plante qui ne constituait qu'une partie accessoire de leur alimentation.
A. Leroi-Gourhan, le Geste et la Parole, t. I, p. 230.
4 (V. 1130). Lieux, sites. Que la présence ou l'action humaine n'a pas marqué; qui est inculte, peu accessible, d'un aspect peu hospitalier et parfois effrayant. ⇒ Désert (cit. 2); et aussi abandonné, farouche, inhabité. || Région, pays, contrée, terre… sauvage (→ Expatrier, cit. 1; exténuer, cit. 5; fleurir, cit. 4; itinérant, cit. 1; méditer, cit. 9; peler, cit. 4). || Bois (cit. 7), forêt (→ Monastère, cit. 2), gorges (→ Épouser, cit. 16)… sauvages. || Lande (cit. 2), pampa (cit.), montagnes (→ Jupe, cit. 9), rives (→ Romantique, cit. 3), sauvages.
6 Seulet dedans les bois, pensif je me promène,
Et rien ne m'est plaisant que les sauvages lieux.
Ronsard, Second livre des Amours, I, XXVI.
7 J'étais seul, je m'enfonçais dans les anfractuosités de la montagne; et, de bois en bois, de roche en roche, je parvins à un réduit si caché que je n'ai vu de ma vie un aspect plus sauvage. De noirs sapins entremêlés de hêtres prodigieux (…) fermaient ce réduit de barrières impénétrables; quelques intervalles que laissait cette sombre enceinte n'offraient au-delà que des roches coupées à pic, et d'horribles précipices (…)
Rousseau, Rêveries…, 7e promenade.
8 Le versant espagnol, exposé au midi, est tout autrement abrupt, sec et sauvage (…)
Michelet, Hist. de France, III.
♦ Géogr. || Eaux sauvages : eaux de ruissellement diffus.
5 (V. 1965). Choses. Qui surgit spontanément, se fait de façon anarchique, indépendamment des règles. || Grève sauvage. || « Une grève sauvage échappe aux syndicats, des crèches sauvages à la Santé publique » (Femme pratique, sept. 1970). || Dévaluation sauvage. || « À 10 h 30, la première fiche de paie “sauvage” sortait » (l'Express, 6 août 1973). || Capitalisme sauvage. || Urbanisation, industrialisation, développement sauvage, non planifié. || « Le profit sauvage, irréductible et fluctuant » (J.-P. Courthéoux, la Politique des revenus, p. 62). || Hausse des prix sauvage. || Camping sauvage, hors des terrains prévus à cet effet. || Affichage sauvage. || Immigration sauvage. ⇒ Illégale. || Vente sauvage de produits. || « Un “abattage sauvage” d'un millier de poulets » (l'Express, 25 mars 1974). — Classes, cours sauvages (⇒ aussi Parallèle).
♦ Par ext. || Psychanalyste sauvage, promeneur sauvage.
♦ Argot. Qui travaille indépendamment des groupes reconnus du « milieu ».
8.1 On chuchotait qu'il y avait eu une femme (…) qui l'avait roulé, grugé, trahi, une créature de police qui l'avait donné et fait épingler, ce qui l'avait rendu « sauvage » comme on dit en argot de traite des blanches d'un trafiquant qui a été marqué par une femme et ne peut plus de ce fait espérer faire jamais partie des réguliers (…)
B. Cendrars, Bourlinguer, p. 69.
———
II (Domaine moral).
1 (V. 1196). Qui fuit toute relation avec les hommes, se plaît à vivre seul et retiré. ⇒ Craintif, farouche, insociable, misanthrope… || Il est devenu sauvage (→ Hurluberlu, cit. 1). || Famille ratatinée (cit. 4), sauvage. — N. || Un, une sauvage (→ Austère, cit. 6). ⇒ Loup-garou, ours. || C'est une vraie sauvage, une misanthrope. || Vivre à l'écart, solitaire, en sauvage (→ Quérir, cit. 3). Par ext. || Caractère, humeur sauvage (→ Loup-garou, cit. 1). || Fierté sauvage (→ Estimer, cit. 21).
9 Edmond a des amis, mais Armand est un sauvage. Il a peur des petits paysans, il ne va pas courir avec eux dans les vignes. Il reste solitaire dans la maison paternelle (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, I, IX.
2 (V. 1160). D'une nature rude, grossière ou même brutale. ⇒ Abrupt, âpre, brut, dégrossi (mal), fruste, grossier, inculte, rude… || Hérissé (cit. 36) et presque sauvage. — N. || Il les traite de sauvages, de brutes (→ Lettré, cit. 4). ⇒ Canaque, ostrogoth. — Vieilli (sauf au Canada où le mot fait traditionnellement allusion aux Indiens). || Comme un sauvage : impoliment.
10 — Il ne faut pas lui en vouloir, il est un peu malade aujourd'hui et fatigué d'ailleurs de sa promenade à Trouville. — N'importe, reprit Roland, ce n'est pas une raison pour s'en aller comme un sauvage.
Maupassant, Pierre et Jean, V.
10.1 La mère de Robert, avec sa chaude générosité d'ivrogne, a dit : « On ne va pas arrêter ce petit dans ses études, il est si doué ! » Le beau-père, brave matamore en tablier bleu (…) : « Sûr que non ! On n'est pas des sauvages ! »
F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 88.
♦ Par ext. || La sauvage âpreté des mœurs (→ Contracter, cit. 8). || Sauvage barbarie (→ Œuvre, cit. 21). || Crudité (cit. 4) sauvage. || Sauvage énergie. ⇒ Farouche (→ Force, cit. 13). || Manières frustes (cit. 5) et sauvages. || Amour physique et sauvage (→ Possession, cit. 14).
3 (V. 1208). Qui a quelque chose d'inhumain, marque un retour aux instincts primitifs. ⇒ Barbare, bestial, cruel, féroce; sauvagerie. || Vainqueur sauvage (→ Effroyable, cit. 2). || Malfaiteurs (cit. 2), rôdeurs sauvages. — REM. Le dérivé sauvagerie est plus courant.
♦ N. || Ces sauvages (→ Inhumainement, cit.). || Envahisseurs qui se conduisent comme des sauvages.
♦ Par ext. || Éclat, flamme sauvage du regard (→ Allumer, cit. 10; dominer, cit. 7; envelopper, cit. 4; feu, cit. 66). || Air sauvage et brutal (→ Étonner, cit. 20). ⇒ Hagard. || Coups, horions (cit. 2) sauvages. || Crime sauvage. || « Alors commença l'âpre (cit. 12) et sauvage poursuite » (Hugo).
11 (…) une explosion rapide, successive, de cris sauvages, démoniaques (…)
Baudelaire, Trad. E. Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « Roi Peste ».
12 (…) ces crimes répondaient à des crimes, comme au Maroc une répression sauvage vient de répondre à un massacre sauvage (…)
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 191.
❖
CONTR. Domestique, familier. — Civilisé, évolué, policé. — Civil, coquet, poli, sociable.
DÉR. Sauvagement, sauvageon, sauvagerie, sauvagesse, sauvagin, sauvagine.
Encyclopédie Universelle. 2012.