FEUILLE
La feuille apparaît, à première vue, comme un organe généralement aplati et chlorophyllien porté latéralement par la tige des Cormophytes, végétaux dont l’appareil végétatif est un cormus , ensemble de rameaux feuillés. Les Cormophytes comprenant des groupes aussi différents et divers que les Bryophytes, les Ptéridophytes et les Spermaphytes, la notion de feuille demande à être précisée.
Qu’elles soient formées par les méristèmes primaires de flanc du point végétatif caulinaire des Ptéridophytes et des Spermaphytes [cf. MÉRISTÈMES], ou qu’elles dérivent de l’initiale apicale unique de la tige des Mousses, les feuilles sont toujours en position latérale dès le début de leur initiation. Pendant leur jeunesse, leur croissance est assez rapide, mais limitée dans le temps (croissance définie ). Au cours de leur développement, les feuilles conservent, tant dans la forme que dans les structures histologiques, une symétrie bilatérale .
Qu’elle soit hélicoïdale ou non, la distribution des feuilles le long de la tige n’est jamais désordonnée, et cela en rapport avec les processus rythmiques de l’initiation foliaire que la phyllotaxie met en évidence [cf. BOTANIQUE].
On oppose souvent les espèces à feuilles caduques aux espèces dites à feuilles persistantes. Les feuilles des premières mourant avant d’avoir atteint l’âge d’un an, seules les pousses de l’année sont foliées (nombreuses espèces arborescentes des forêts tempérées). Au contraire, les feuilles des secondes, bien que ne subsistant pas pendant toute la vie de la plante, ne meurent et ne tombent pas toutes en même temps. Aussi l’individu qui en est pourvu n’est-il jamais dépouillé totalement (feuillus «sempervirents» comme le buis et les Conifères sauf le mélèze).
Le polymorphisme foliaire
D’une espèce à l’autre, la feuille se révèle particulièrement polymorphe, d’où un foisonnement de termes (plusieurs centaines) utilisés pour traduire cette diversité extrême. Cependant, dans cette abondance de formes, on peut reconnaître deux grands types: les feuilles simples et les feuilles composées (fig. 1).
Feuilles simples et feuilles composées
Au maximum de complication, une feuille simple est constituée d’une lame mince parcourue par des nervures, le limbe , et d’un pétiole étroit s’élargissant en une gaine basale porteuse de deux stipules latérales. Si la feuille est composée, le limbe est constitué de plusieurs folioles insérées sur le prolongement du pétiole, ou rachis , par des pétiolules à la base desquels sont placées de minuscules stipelles . Aucune confusion n’est possible entre limbe de feuille simple et foliole, si l’on a soin de rechercher le bourgeon axillaire dont la place est toujours à la base du pétiole, alors que les aisselles des pétiolules sont toujours vides.
Qu’elles soient simples ou composées, les feuilles révèlent une symétrie bilatérale, leurs parties paires (stipules, folioles latérales, pétiolules et stipelles) se distribuant régulièrement de part et d’autre d’un plan de symétrie perpendiculaire au limbe et passant par la gaine, le pétiole et le limbe pour les feuilles simples, la gaine, le pétiole, le rachis et la foliole terminale, si elle existe, pour les feuilles composées. Les parties impaires (gaine, pétiole, limbe, rachis, foliole terminale) sont partagées en une moitié gauche et une moitié droite très semblables, sinon rigoureusement superposables.
La variation des différentes parties de la feuille
Le polymorphisme foliaire se traduit de plusieurs façons. En effet, si la manifestation des caractères morphologiques des éléments constitutifs de la feuille se révèle souvent très différente, il arrive aussi que l’un (ou plusieurs) de ces éléments n’apparaissent pas.
En ce qui concerne le premier cas, il faut signaler l’extraordinaire variété de la forme du limbe, de sa consistance et de sa nervation (parallèle, pennée, palmée, etc.), l’existence de pétioles dilatés jouant un rôle dans la flottaison de plantes aquatiques (châtaigne d’eau), la grande taille de la gaine des Monocotylédones (particulièrement chez les Graminées et les Cypéracées), l’importance des stipules prenant la forme et la taille du limbe (Rubiacées), constituant une ligule chez les Graminées, etc.
Dans le second cas, la feuille peut être réduite au limbe (feuilles sessiles dépourvues de pétiole) ou, inversement, à un pétiole aplati (phyllodes des acacias). De même, les stipules ne sont pas toujours présentes ou, si elles sont caduques, seules les jeunes feuilles en présentent.
Quelques types foliaires particuliers
Mais le polymorphisme foliaire peut être encore plus intense, car il arrive que tout ou partie de la feuille soit méconnaissable. C’est ainsi que les écailles des bourgeons équivalent à une feuille complète (lilas), ou seulement à un pétiole, chez les espèces dont les feuilles ne sont pas stipulées ou ligulées, à une gaine et (ou) à des stipules (châtaignier) chez les espèces aux feuilles stipulées ou ligulées. De même, les feuilles de tiges souterraines, comme les rhizomes ou les tubercules, sont réduites à l’état d’écailles.
Des organes particuliers comme les épines, les vrilles et même des glandes peuvent être, dans certains cas, de nature foliaire. Dans la seule famille des Légumineuses, la feuille des ajoncs, les stipules du robinier sont transformées en épines, le limbe d’une gesse, le Lathyrus aphaca , le rachis et quelques folioles du pois en vrilles et les stipules du lotier corniculé en glandes nectarifères.
Pour ne considérer ici que le cas des épines, des transformations comparables peuvent survenir chez la tige (piquants des aubépines) et la racine. On parle alors de convergences morphologiques que l’on qualifie, dans le cas présent, d’hétéroplastiques , puisque toutes ces épines ne sont qu’analogues, c’est-à-dire, malgré leur similitude morphologique, de nature différente.
Quant aux bulbes feuillés, les feuilles qui les constituent dans leur quasi-totalité sont écailleuses pour les externes et, au moins dans leur partie inférieure, épaisses et gorgées de réserves (eau, sucres, etc.) pour les internes comme chez l’oignon cultivé.
Enfin, avec les feuilles transformées en pièges, les plantes carnivores capturent des proies (Insectes, petits Oiseaux) et les digèrent grâce à des enzymes protéolytiques [cf. DIGESTION].
L’hétérophyllie
La variation foliaire ne s’observe pas uniquement d’une espèce à l’autre. Il est fréquent que, leur croissance terminée, les feuilles d’un même individu soient assez et même très dissemblables. Cette hétérophyllie est d’ailleurs beaucoup plus fréquente qu’on ne le suppose souvent.
Hétérophyllie et milieu
Il est bien connu que les feuilles immergées de la renoncule aquatique sont réduites à leurs nervures ramifiées et disposées dans toutes les directions de l’espace, alors que le limbe des feuilles flottantes rassemble toutes les nervures dans son plan. Chez la sagittaire, les feuilles immergées sont rubanées, les feuilles aériennes en fer de flèche, et, si des feuilles flottantes se forment, elles sont ovales. En fait, il n’existe pas de types morphologiques particuliers pour les feuilles se développant en milieu liquide. Cette constatation est à rapprocher de l’étonnante diversité des thalles des Algues.
Hétérophyllie dans le temps
De la germination à la floraison, un individu construit successivement des types foliaires qui, pour être spécifiques, n’en sont pas moins différents. On observe ainsi des passages progressifs du type le plus juvénile au type adulte. Si les exemples de ce développement hétéroblastique sont beaucoup plus variés, et surtout plus spectaculaires, chez les Spermaphytes (fig. 2 et 3) que chez les Ptéridophytes et les Bryophytes, on rencontre tout de même des cas d’hétérophyllie typique parmi les uns et les autres. Le Blechnum spicant (Filicinées) est bien connu pour le dimorphisme existant entre ses feuilles stériles et celles qui sont pourvues de sporanges. De même, il est fréquent que les feuilles de Mousses qui constituent le périgone entourant les gamétanges soient différentes des autres.
Les caractères morphologiques des feuilles étant, dans une certaine mesure, en rapport avec la maturité de l’individu au moment où celui-ci les a mises en place, on peut utiliser ces caractères pour prévoir la floraison, évaluer approximativement la quantité de substances en réserve, etc.: la vitesse et l’intensité du développement hétéroblastique sont des indicateurs de l’état physiologique de la plante.
Il est également très fréquent que le développement hétéroblastique s’inverse. Après la formation de feuilles de type adulte, des feuilles de juvénilité croissante apparaissent. Un tel retour aux caractères juvéniles peut avoir des significations opposées. S’il est suivi d’un nouveau développement hétéroblastique typique, il traduit une réjuvénation effective; sinon il révèle une sénescence de l’organisme.
La structure de la feuille
Cas général
Une coupe transversale pratiquée dans une feuille aérienne typique de végétaux vasculaires (Ptéridophytes et Spermaphytes), selon un plan perpendiculaire à la nervure principale, révèle de grandes différences entre la lame et cette nervure, la structure de la première étant particulière à la feuille, alors que la structure de la seconde rappelle celle de la tige (fig. 4).
Limitée par deux épidermes, la lame est constituée dans sa quasi-totalité de deux parenchymes chlorophylliens sièges de la phytosynthèse, l’un palissadique sous l’épiderme supérieur, l’autre lacuneux sous l’épiderme inférieur et dont les lacunes réalisent une atmosphère interne communiquant avec l’air ambiant par des stomates. Si les feuilles sont dressées, ces deux parenchymes ne sont plus nettement différenciés, les lacunes sont moins abondantes et les stomates répartis sur les deux épidermes. Dans tous les cas, les parenchymes chlorophylliens sont parcourus de fines nervures.
Si toutes les nervures comportent des tissus conducteurs (le phloème et le xylème), ceux-ci prennent une importance toute particulière au niveau de la nervure principale, tant par le volume qu’ils occupent que par le fait qu’aux formations primaires s’ajoutent souvent des formations secondaires grâce au fonctionnement d’un cambium libéro-ligneux, alors que les nervures latérales ne comportent que du phloème et du xylème primaires. D’autre part, des tissus de soutien (collenchyme et sclérenchyme) complètent la structure de la nervure principale.
La symétrie bilatérale révélée par la forme générale de la feuille et la disposition de ses différentes parties est tout aussi nette au niveau des structures foliaires. En effet, bien que la distribution des tissus conducteurs soit similaire dans la nervure principale et dans la tige (faisceaux cribo-vasculaires avec disposition superposée du xylème et du phloème), elle se fait dans la première suivant le plan de symétrie qui régit la forme générale de la feuille, alors que le système conducteur de la tige admet un axe de symétrie.
Les rapports anatomiques existant entre la feuille et la tige qui la porte sont de deux types chez les Ptéridophytes et les Spermaphytes. Pour une mégaphylle , feuille simple ou composée, plurinerve, de taille relativement grande (Filicophytes parmi les Ptéridophytes, Spermaphytes), sa trace, cordon conducteur de cette feuille dans son trajet au travers de l’écorce de la tige, se raccorde au cylindre central de celle-ci au niveau d’une fenêtre (brèche), solution de continuité intéressant à la fois le xylème et le phloème et constituée de parenchyme. Au contraire, pour une microphylle , feuille simple, uninerve, de petite taille (quelques millimètres) (Psilophytes, Lycophytes, Arthrophytes parmi les Ptéridophytes), son émission ne provoque pas l’apparition de fenêtre sur le cylindre central de la tige.
Enfin, chez les Bryophytes feuillés (Mousses, Sphaignes, certaines Hépatiques), les feuilles, de très petite taille, sont toujours de structure très simple (limbe le plus souvent unistrate, dépourvu de nervures, ou en présentant une ou deux, simples, pluristrates, sans phloème ni xylème). Malgré cela, la symétrie bilatérale est toujours présente.
Variations en fonction du milieu
Le développement et la différenciation des organes végétaux sont liés à l’environnement et cette «plasticité» des formes végétales est frappante dans le cas de la feuille.
C’est ainsi que les variations du développement foliaire sont en corrélation étroite avec l’éclairement.
Les «feuilles d’ombre» sont petites et minces, leurs nervures moins développées que celles des «feuilles de soleil». Une diminution de l’éclairement entraîne aussi une diminution du nombre des stomates, des assises du parenchyme palissadique, des méats intercellulaires, des vaisseaux du xylème et des tubes criblés du phloème (fig. 4). Pour qu’une telle accommodation se réalise, il suffit que l’action modificatrice du milieu s’exerce à point nommé pendant une courte étape de la vie de la plante.
On distingue, à côté des accommodats non héréditaires, des structures adaptatives héréditaires . Par exemple, l’adaptation des feuilles à la sécheresse se traduit différemment suivant les espèces, d’où la diversité des Xérophytes. Une importante quantité d’eau est stockée par les «plantes grasses» dans un abondant parenchyme aquifère (fig. 5), tandis que les «sclérophytes» montrent différentes adaptations à une réduction de la perte en eau: surface d’évaporation limitée (feuilles de petite taille, souvent épineuses), très faible transpiration par cette surface (présence de cire sur une cuticule épaisse, épiderme doublé par un hypoderme), réduction du nombre des stomates et de la transpiration à leur niveau (revêtement de poils épidermiques, enfoncement des stomates dans des chambres sus-stomatiques (fig. 6) ou dans des cryptes, enroulement des feuilles sur la face ventrale), sclérification de l’épiderme et de l’hypoderme. Quant aux feuilles des plantes aquatiques, elles sont pourvues d’une atmosphère interne particulièrement importante, un aérenchyme se substituant au parenchyme lacuneux (fig. 7).
Phylogenèse
L’appareil végétatif des premiers Ptéridophytes (Rhynia) étant uniquement de nature caulinaire (du grec caulos : tige), les mégaphylles sont apparues par des modifications de la tige qui se sont produites au cours de l’évolution: acquisition de la dorsiventralité par aplatissement des axes, et foliarisation aboutissant à la symétrie bilatérale de la vascularisation, la réalisation du limbe se faisant progressivement, après cette foliarisation. Si les ancêtres carbonifères de nos Fougères montrent bien les étapes de cette phylogenèse, des Spermaphytes actuels apportent également des preuves de l’origine caulinaire des mégaphylles. Dans certaines familles (ex. Sapindacées), les feuilles composées possèdent encore des caractères de tige: présence d’un bourgeon à l’extrémité du rachis, celui-ci pouvant même produire périodiquement de nouvelles folioles insérées en ordre spiralé sur le rachis, comme les feuilles sur la tige.
Par opposition à cette transformation profonde des axes caulinaires qui a abouti à la formation des mégaphylles, c’est à partir d’émergences caulinaires dont la taille augmente régulièrement au cours de l’évolution que les microphylles sont produites, accompagnées par l’excroissance d’un faisceau conducteur issu du cylindre central de la tige qui s’étend progressivement à toute la longueur de l’émergence, constituant ainsi la nervure unique de la microphylle.
feuille [ fɶj ] n. f.
• fueille, foilleXIIe; lat. folia, plur. neutre devenu fém. → foliacé
I ♦
1 ♦ Partie des végétaux qui naît de la tige et quelquefois de la racine, et dont l'aspect est le plus souvent celui d'une lame mince de couleur verte (due à la chlorophylle). ⇒ -phylle. Parties de la feuille. ⇒ gaine, limbe, pétiole. Feuille sans pétiole (acaule, engainante, sessile). Charpente d'une feuille. ⇒ nervure. Tissu de la feuille : parenchyme. Feuille verte, rouge, argentée, blanche. Feuille simple; composée (⇒ foliole) . Feuille découpée, dentée, dentelée, lobée, digitée. Feuilles alternes, opposées, verticillées. Feuilles aciculaires : aiguilles. Feuilles caduques, persistantes. Fonction chlorophyllienne de la feuille. — Feuille de marronnier, de rosier, de menthe, de nénuphar. Feuilles de chou, feuilles de salade. Feuilles de carotte (⇒ fane) . Feuille de tabac. Jeunes feuilles. ⇒ bouton, pousse. Ensemble des feuilles d'un arbre. ⇒ feuillage. Apparition (⇒ feuillaison) , chute des feuilles. Feuilles sèches, séchées. Feuilles mortes. Tapis de feuilles mortes. « Les Feuilles d'automne », poèmes de V. Hugo. — Loc. Descendre en feuille morte, se dit d'un avion qui se laisse descendre par grands mouvements obliques, comme une feuille morte. — Trembler comme une feuille.
♢ Par anal. Feuille de chêne : laitue à feuilles très découpées et, en partie, rouges.
♢ Se dit couramment des folioles (trèfle à quatre feuilles), des bractées qui ressemblent à des feuilles (feuilles d'artichaut).
♢ Représentation de certaines feuilles. Feuilles de chêne d'un képi de général. Feuille d'acanthe sculptée. Feuille de vigne : feuille sculptée cachant le sexe des statues nues.
2 ♦ Littér. Pétale. « Languissante, elle [la rose] meurt, feuille à feuille déclose » (Ronsard). — Fig. et fam. Giroflée à cinq feuilles.
II ♦
1 ♦ (fueil XIIe ) Morceau de papier rectangulaire. Feuille de papier de formats divers. Endroit, envers d'une feuille (⇒ recto, verso) . Face d'une feuille. ⇒ 1. page. Feuille unie, lignée, quadrillée. Feuille blanche, vierge; feuille écrite, manuscrite, imprimée. Écrire sur une feuille. Feuille de papier à lettres. Feuille perforée. Feuille simple, double (⇒ copie) . Feuille volante. Assemblage de feuilles. ⇒ bloc, cahier, 1. livre, livret. Plier une feuille. ⇒ feuillet. Feuille de garde. Feuille insérée dans un livre. ⇒ encart. — Feuilles de papier à dessin, de papier carbone, de papier buvard... — Imprim. Feuille d'impression, pliée autant de fois que le comporte le format, et constituant un cahier. Bonnes feuilles, tirées définitivement; par ext. extrait d'un livre à paraître publié dans une revue, un journal. Ouvrage en feuilles, dont les feuilles ne sont pas encore assemblées. Feuille dépareillée. ⇒ défet. — Feuille à feuille. Impression feuille à feuille (opposé à en continu) .
♢ (Papiers, documents, états) Feuille d'impôt. Feuille de paye (⇒ bulletin, 1. fiche) . Feuille de présence. Feuille de maladie ou feuille de soins : imprimé rempli par le médecin et le patient, et destiné à la Sécurité sociale. Feuille imprimée à remplir. ⇒ formulaire. Feuille de route. Feuille de température.
2 ♦ (XVIIIe) Feuille imprimée à caractère pamphlétaire. — Mod. Périodique (journal, hebdomadaire). « Le Pilote était une feuille radicale dirigée par monsieur Tissot » (Balzac). « la version de certaines “feuilles à sensation” serait on ne peut plus troublante » (Green). Fam. Feuille de chou.
3 ♦ (1392) Plaque mince (d'une matière quelconque). Feuille de carton, de contreplaqué. Feuilles de métal. Feuille d'or.
4 ♦ (1928; de feuille de chou « oreille » 1867) Loc. fam. (d'ab. arg.) Être dur de la feuille, dur d'oreille, un peu sourd.
⊗ HOM. Feuil.
● feuille nom féminin (bas latin folia, du latin classique folium) Expansion latérale de la tige des plantes, caractérisée par sa forme aplatie, sa symétrie bilatérale, ses dimensions définies et sa croissance limitée dans le temps et l'espace. Nom usuellement donné à d'autres organes végétaux : bractée (feuille d'artichaut), foliole (trèfle à quatre feuilles). Littéraire. Pétale : Des feuilles de rose. Mince plaque de bois, de métal, de minéral, de carton, etc. : Feuille d'or. Feuille de mica. Morceau de papier d'une certaine grandeur sur lequel on écrit, on imprime un texte. Imprimé, document comportant des indications d'ordre administratif. Vieux. Publication périodique, journal. Architecture et Arts décoratifs Ornement en forme de feuille. Informatique Élément terminal d'une structure hiérarchisée d'informations. Menuiserie Mince lame de bois fin utilisée pour plaquer les panneaux en ébénisterie. Orfèvrerie Extrémité du manche d'une cuiller ou d'une fourchette, où l'on grave des armes ou un monogramme. Sylviculture Chacune des années de croissance du bois, depuis la dernière coupe. Volume dont un bois s'accroît en une année. ● feuille (citations) nom féminin (bas latin folia, du latin classique folium) Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 Les feuilles Qu'on foule Un train Qui roule La vie S'écoule. Alcools, Automne malade Gallimard Paul Verlaine Metz 1844-Paris 1896 Et je m'en vais Au vent mauvais Qui m'emporte Deçà, delà, Pareil à la Feuille morte. Poèmes saturniens, Chanson d'automne Messein ● feuille (expressions) nom féminin (bas latin folia, du latin classique folium) Familier. Avoir les oreilles en feuille de chou, avoir de grandes oreilles écartées. Descendre en feuille morte, en parlant d'un avion, tomber en tournoyant sur lui-même. Populaire. Dur de la feuille, un peu sourd. Feuille de chêne, laitue aux feuilles découpées et dont le cœur ne pomme pas. Familier. Feuille de chou, journal médiocre. Feuille morte, feuille qui a cessé de recevoir la sève et qui tombe au bout de quelque temps. Feuille de vigne, feuille stylisée qui cache le sexe des nus masculins dans certaines œuvres d'art. Feuille volante, feuille détachée d'un cahier, d'un carnet, d'un bloc. Trembler comme une feuille, avoir très peur. Feuille d'eau, dans le décor médiéval, feuille simple, sans découpures (par opposition aux feuilles refendues, lobées, incisées, runcinées, etc.). Feuille de fougère, disposition en chevrons, ou en arête de poisson, d'éléments identiques (moellons, lames de parquet, motifs décoratifs). Feuille de vigne farcie, synonyme de dolma. Feuille d'audience, feuille énumérant les affaires passant à une audience déterminée. Feuille d'impôts, document adressé au contribuable et indiquant le montant et la date des versements à effectuer au titre de l'impôt sur le revenu. Feuille de maladie, imprimé sur lequel sont portés les actes dispensés aux assurés sociaux. Feuille de paie, de salaire, synonyme de bulletin de paie, de salaire. En feuilles, se dit d'un livre non broché. Bonne(s) feuille(s), premières feuilles d'une impression avant rognage et reliure ; extrait d'un ouvrage publié dans la presse avant sa parution. Feuille de décharge, synonyme de décharge. Feuille d'impression, feuille de papier dont les dimensions correspondent au format de la machine sur laquelle a été effectué le tirage. Feuilles de passe, synonyme de passe. Feuille de déplacement ou, vieux, feuille de route, titre de transport permettant à tout militaire isolé d'obtenir le remboursement de ses déplacements de service. Feuille de prêt, document comptable établissant les droits à solde des militaires appelés d'une unité. ● feuille (homonymes) nom féminin (bas latin folia, du latin classique folium) feuil nom masculin ● feuille (synonymes) nom féminin (bas latin folia, du latin classique folium) Expansion latérale de la tige des plantes, caractérisée par sa...
Synonymes :
- fane
Mince plaque de bois, de métal, de minéral, de carton...
Synonymes :
- feuillet
- lame
- plaque
Publication périodique, journal.
Synonymes :
- bulletin
- canard (familier)
- gazette
- journal
Orfèvrerie. Extrémité du manche d'une cuiller ou d'une fourchette, où l'on...
Synonymes :
- spatule
Cuisine. Feuille de vigne farcie
Synonymes :
- dolma
Droit. Feuille de paie, de salaire
Synonymes :
- bulletin de paie
- bulletin de salaire
Imprimerie. Feuille de décharge
Synonymes :
- décharge
Imprimerie. Feuilles de passe
Synonymes :
- passe
feuille
n. f.
rI./r (Plantes)
d1./d Partie d'un végétal, généralement verte, plate et mince, qui naît des tiges et des rameaux.
|| Feuilles mortes: feuilles jaunies et desséchées.
d2./d Feuille de chêne: laitue brune à feuilles très découpées.
d3./d Bractée de l'artichaut portant à sa base une partie comestible.
d4./d Par ext. Pétale. Feuilles de rose.
d5./d CUIS Feuilles de vigne farcies: spécialité culinaire des pays d'Asie occidentale et d'Europe méridionale (Turquie, Liban, Grèce) consistant en une feuille de vigne repliée sur une farce à base de riz.
d6./d BX-A Représentation symbolique de feuilles. Feuille d'acanthe.
— Feuille de vigne, masquant le sexe des nus en sculpture, en peinture.
d7./d (Plur.) (Pacifique) Toute plante dont on fait usage en pharmacopée locale. Prendre les feuilles.
|| Moyen occulte utilisé à des fins bénéfiques (substances porte-chance, fluides magnétiques, etc.). S'il réussit tout, c'est grâce aux feuilles.
— Loc. Prendre un coup de feuilles: utiliser les feuilles; être la victime d'un maléfice ou d'un empoisonnement.
rII./r (Papier)
d1./d Morceau de papier quadrangulaire. Une feuille de papier à lettres.
|| Bonnes feuilles: feuilles d'un livre tirées définitivement (avant la reliure et la publication).
d2./d Document portant des indications manuscrites ou imprimées. Feuille de paie. Feuille de route.
d3./d Vx Journal. Une feuille locale.
|| Fam. Feuille de chou: journal médiocre.
rIII/r Plaque très mince. Feuille de tôle.
Encycl. Bot. - La feuille est présente chez tous les végétaux supérieurs. Celle des angiospermes dicotylédones comprend 4 parties: la base foliaire, partie intégrante de la tige; le limbe, vaste et mince surface exposée à la lumière; le pétiole, étroit support du limbe; les nervures, faisceaux conducteurs de la sève. La feuille des monocotylédones a rarement un pétiole et presque toujours des nervures parallèles.
⇒FEUILLE, subst. fém.
I.— [Désigne une partie d'un végétal, ou p. réf. à cette partie de végétal]
A.— Organe aérien des végétaux, à symétrie bilatérale, naissant de leur tige ou de leur racine, de formes diverses et ayant généralement l'aspect d'une fine lame de couleur verte. Feuille d'arbre, de salade; feuille dentelée, vernissée; chardon à feuilles gladiées et bleuâtres; une couronne de feuilles; un chapeau de feuilles de palme. Le vent et la forêt qui pleurent Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille Les feuilles Qu'on foule Un train Qui roule La vie S'écoule (APOLL., Alcools, 1913, p. 146). Allumer (...) une feuille de tabac roulée autour d'un brin de paille (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 145). La pythie, une écume verte aux lèvres, qui mâche la feuille de laurier prophétique (CLAUDEL, Échange, 1954, I, p. 747) :
• 1. Chaque feuille se construit suivant le lieu qu'elle occupe. Lorsque la feuille, fille du lierre, se trouve près de terre, c'est-à-dire assez loin du vent et de la lumière nourrice, elle s'étale en doigts minces, comme si elle cherchait les minces rais de lumière qui passent à travers le réseau des feuilles supérieures. Au sommet des branches, la feuille montre une structure bien plus simple, probablement parce que l'air et la lumière la baignent de toutes parts.
ALAIN, Propos, 1909, p. 48.
♦ Feuille morte. Feuille qui cesse de recevoir la sève de la plante et qui meurt. Un tapis de feuilles mortes. Toute la route était couverte de feuilles mortes, que le vent y avait apportées (STAËL, Corinne, t. 3, 1807, p. 353). Une humide matinée d'octobre qui détachait les feuilles mortes des peupliers (BALZAC, Lys, 1836, p. 291). Nous traînons nos pieds dans les feuilles mortes des Tuileries (GONCOURT, Journal, 1865, p. 201). P. compar., littér. Et je m'en vais Au vent mauvais Qui m'emporte Deçà, delà, Pareil à la Feuille morte (VERLAINE, Poème saturn., 1866, p. 73). Poursuivre dans ta profondeur cette chute pensive de l'âme comme une feuille morte à travers l'immensité vague de la mémoire (VALÉRY, Variété I, 1924, p. 63).
— Locutions
♦ Avant la feuille (les feuilles). Avant que les feuilles poussent, le printemps. La vue est belle et sévère, surtout en cette saison, avant les feuilles (MICHELET, Journal, 1835, p. 163).
♦ La chute des feuilles. La saison où les feuilles tombent, l'automne. Parcourir les bois à la chute des feuilles. La chute des feuilles (...) amène la fête des morts pour l'homme qui tombe comme les feuilles des bois (CHATEAUBR., Fragm. Génie, 1800, pp. 170-171).
♦ Descendre, tomber en feuille morte. [Le suj. désigne un avion] Descendre, tomber en grands mouvements obliques en tournoyant. (Dict. XIXe-XXe s.).
♦ Frémir, trembler comme une (la) feuille. Frémir, trembler de froid, de peur ou sous l'effet d'une émotion quelconque. Il était à trois pas d'elle, tremblant comme la feuille, mais de bonheur (STENDHAL, L. Leuwen, t. 1, 1835, p. 356). Leurs nerfs, tendus aux écoutes du silence, frémissaient comme des feuilles au moindre choc imprévu de la vie (ROLLAND, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1144).
♦ Regarder, voir la feuille à l'envers (fam.). [Le suj. désigne une femme] Se livrer aux ébats amoureux (dans un bois). Avec ça que vous êtes arrivée à l'âge de trente-deux ans, sans avoir vu la feuille à l'envers! (ZOLA, Terre, 1887, p. 141). Il me suffit d'être sous le cèdre où Madeleine vient chercher sa ration hebdomadaire de feuilles à l'envers (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 256).
B.— P. ext.
1. Cour. Bractée ou foliole ressemblant à une feuille. Un trèfle à quatre feuilles. Les uns mangeaient des feuilles d'artichauts (GONCOURT, Mme Gervaisais, 1869, p. 90).
2. Vx. Pétale d'une fleur. Arrachez à cette rose épanouie une seule feuille de son calice, toutes les autres tombent aussitôt (MUSSET, Le Temps, 1831, p. 144). Des joues qui semblaient faites d'une feuille de rose, un incarnat pâle (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 836). Dans un verre, une rose trop lourde tombait feuille à feuille (FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 268). Arg. (Faire) feuille de rose. Caresses linguales dans la région anale. Si tu veux que je te fasse feuille de rose, dit-elle, en me savonnant le cul, tu seras tranquille (E. AJAR, Gros-Câlin, Paris, Mercure de France, 1975, p. 201). Fam. Giroflée à cinq feuilles. Main qui gifle, gifle. Marie-Jeanne! Mes socques et mon cachemire en poil de lapin, et vite, ou je te réchauffe la joue par une giroflée à cinq feuilles (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 349). Les cinq doigts de la main sont la plus mirobolante giroflée à cinq feuilles (BERTRAND, Gaspard, 1841, p. 82).
3. Dans le domaine de l'art
a) Représentation de certaines feuilles. Des feuilles sculptées. Un magnifique et singulier képi tout galonné d'or, avec une garniture de feuilles de chêne brodées au fil d'argent (A. DAUDET, Tartarin de T., 1872, p. 115). Sur les boutons de sa livrée noire brillaient les feuilles d'ache d'une couronne ducale (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 315) :
• 2. Les murailles (...) étaient tapissées de cuir de Bohême gaufré de fleurs chimériques et de ramages extravagants découpant sur un fond de vernis d'or leurs corolles, rinceaux et feuilles enluminés de couleurs à reflets métalliques luisant comme du paillon.
GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 94.
♦ Feuille de vigne. Ornement représentant une feuille de vigne et cachant le sexe des statues d'hommes nus. Des statues nues avec des feuilles de vigne. Pour recouvrir la nudité de son corps, (...) il s'était servi de l'éponge comme d'une feuille de vigne (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 107) :
• 3. ... savoir le nom, l'âge, la demeure, la profession et la figure du monsieur qui a inventé pour les statues du musée de Nantes des feuilles de vignes en fer-blanc, qui ont l'air d'appareils contre l'onanisme. L'Apollon du belvédère, le discobole et un joueur de flûte sont enharnachés de ces honteux caleçons métalliques qui reluisent comme des casseroles.
FLAUB., Champs et grèves, 1848, p. 203.
Rem. La docum. atteste qq. emplois de feuille de figuier dans ce sens. Nous avons mis six cents feuilles de vigne ou de figuier aux statues des jardins du Roi (FRANCE, Opinions J. Coignard, 1893, p. 234). En Hollande comme dans les pays anglo-saxons, la feuille de figuier remplace la feuille de vigne (GREEN, Journal, 1947, p. 89).
b) En partic., ARCHIT. Ornement en forme de feuille décorant des chapiteaux, des bordures, des moulures, etc. Feuille refendue ou de refend. Feuille dont les bords sont découpés. Feuille tournante. Feuille appliquée sur une moulure formant un cercle. Chapiteaux ornés de feuilles d'acanthe. L'élégante colonne corinthienne, avec son chapiteau de feuilles sur le modèle du palmier (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 24). Chapiteaux, taillés en feuilles de vigne, de lierre, de rose et de trèfle (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. 349).
♦ Demi-feuille. Motif ornemental très fréquent dans l'art de l'Orient musulman. Les entrelacs et les demi-feuilles du décor islamique inspirent, avec les formes abstraites et végétales, plusieurs systèmes zoomorphiques (J. , Le Moyen âge fantastique, A. Colin, Paris, 1955, p. 106).
♦ Feuille d'angle. Feuille placée au coin des cadres et des plafonds. Le dessin des feuilles d'angle se reproduit symétriquement sur chaque face de moulure (ADELINE, Lex. termes art, 1884).
♦ Feuille d'eau. Feuille simple et ondée à bords unis, sans découpure. Plates bordures, aux jolies feuilles d'eau (E. DE GONCOURT, Mais. artiste, 1881, p. 28).
♦ Feuilles entablées. [Dans l'archit. gothique] Feuilles disposées en rangées, entre deux moulures, et dont les extrémités se recourbent en crochet (d'apr. ADELINE, op. cit.).
SYNT. Feuille allongée, découpée, désséchée, fanée, flétrie, fraîche, jaunie, jaunissante, large, longue, luisante, lustrée, naissante, nouvelle, rousse, roussie, sèche, séchée, tendre, veloutée, verte; (bot.) feuille alterne, caduque, carpellaire, cloquée, composée, pennée, persistante, primordiale, séminale, simple; des feuilles opposées; les premières feuilles; feuille d'acanthe, de chêne, de fougère, de houx, de laurier, de lierre, de marronnier, de menthe, de nénuphar, de palmier, de peuplier, de platane, de saule, de tabac; feuilles qui jaunissent, qui jonchent le sol, qui tombent, qui tremblent; aisselle, nervure des feuilles; bruissement, bruit, frémissement, frôlement, frisson, murmures des feuilles; bouquet, touffe de feuilles; lit, tas de feuilles; infusion de feuilles; dormir sous les feuilles; mâcher, manger des feuilles.
C.— [P. anal. de forme]
1. Arg. Oreille. Dur de la feuille. Dur d'oreille, sourd. Je viens demander au pape s'il est sourdingue... Comprenez je viens lui demander s'il est dur de la feuille (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 143).
♦ Feuille de chou, oreille (DELVAU, 1883 FRANCE 1907).
Rem. La docum. atteste dans ce sens l'expr. constipé des feuilles.
2. Emplois techn.
a) ARCHÉOL. Objet en pierre taillée (pointe de flèche, de lance, poignard) dont la forme rappelle celle d'une feuille. Feuille de laurier solutréenne. On trouve dans le tardenoisien de petites pointes dissymétriques à retouches bifaciales, totales ou partielles, qui sont désignées sous le nom de feuilles-de-gui (BRÉZ. 1969).
b) MÉD., vx. Feuille de figuier. Réseau de sillons creusés sur la face interne de l'os pariétal et du temporal (ds LITTRÉ, BESCH. 1845, Lar. 19e — Lar. Lang. fr.).
D.— Au fig.
1. Vx. [P. réf. à la chute annuelle des feuilles; en parlant d'un bois ou du vin] Année. Vin, bois de deux, de trois feuilles, vin, bois de deux, de trois années (LITTRÉ). L'homme n'est pas comme le vin, il ne s'améliore pas en comptant par feuilles (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 309).
2. Fam. et péj. Feuille de chou. Mauvais journal. Pour une fois que je ne mets pas le nez dans le journal... mais vous ne savez donc pas ce que c'est qu'une feuille de chou? (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 28). Une bonne phrase dans un article vous décèle subitement et cent fois mieux que mille compte-rendus aux feuilles de chou (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1891, p. 71).
Rem. La docum. atteste de nombreux emplois p. métaph. Je trace mes prédictions sur mes heures tombantes; feuilles séchées et légères que le souffle de l'éternité aura bientôt emportées (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 785). Des deux familles de mon père et de ma mère, il n'est resté que moi, dernier chêne d'une forêt détruite par la hache, je laisse tomber une à une les feuilles de mes années (VIGNY, Mém. inéd., 1863, p. 67).
II.— P. anal. [Désigne un objet mince, à surface plane]
A.— [Désigne un morceau de papier]
1. Morceau de papier généralement de forme rectangulaire, de différents formats. Feuille blanche, dactylographiée, imprimée; feuille détachée, arrachée à un cahier; feuille volante; remettre une feuille blanche à l'examen. Du papier mécanique de 2 pieds onze pouces de long sur 2 pieds sept pouces de large, la rame composée de 500 feuilles (BALZAC, Corresp., 1843, p. 381). Saccard brûla le registre à la flamme de la cheminée, feuille à feuille (ZOLA, Curée, 1872, p. 521). Marat déplie sa blague à tabac, d'un bloc de papier à cigarettes détache une feuille (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 21) :
• 4. Il déchira l'enveloppe et déplia la feuille. C'était une feuille quadrillée de lignes bleues, comme on en trouve dans l'éventaire des colporteurs ou dans les toutes petites épiceries de campagne.
GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 332.
♦ Feuille de papier. Feuille de papier à lettres, de papier à cigarettes, de papier grand aigle, de papier ministre; une feuille de papier pliée en quatre; déchirer, déplier une feuille de papier. Une feuille de grand papier d'enveloppe, dont il avait fait ce qu'on appelle dans les bureaux une chemise (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 261). Sous toutes les formes, (...) réapparaît l'administration, la discipline, la feuille de papier rayé, le cadre, la règle (FLAUB., Champs et grèves, 1848, p. 338) :
• 5. Autant, si l'on était l'un près de l'autre, on se laisserait aller (...) à d'interminables causeries, (...) autant l'effroi d'une feuille de papier blanc, qui semble demander les vers si longtemps rêvés et qui n'aurait que quelques lignes d'une amitié qui a fini tellement par faire partie de vous-même qu'on l'a oubliée, comme le reste de soi, vous écarte presque d'un sacrilège!
MALLARMÉ, Corresp., 1867, p. 240.
2. En partic. [Avec un compl. introduit par de indiquant un acte ou un fait du domaine admin., comm., jur., etc.; désigne divers papiers admin., documents, états, etc.] Feuille de dépouillement, d'émargement, d'embauche, d'emploi, d'expédition, d'impôts, de location, de mobilisation, de paye, de service, de vote. Il déplia la feuille de température (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 148).
a) AVIAT. Feuille de vol. Document remis au commandant de bord d'un avion, précisant le plan de vol et destiné à recevoir différentes observations en cours de vol. La feuille de vol du pilote ne portait d'ailleurs pas reconnaissance, mais bombardement (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 550).
b) CH. DE FER. Feuille de marche. Document imprimé remis au chef de train ou au mécanicien portant les détails de l'horaire du train et destiné à recevoir les différentes inscriptions de contrôles ou de passages en cours de route (ds Lar. 20e-Lar. Lang. Fr.).
c) DR. Feuille d'audience. Feuille de papier timbré portant le texte des jugements rendus au cours d'une audience (attesté par la plupart des dict. gén.). Feuille de présence. Liste dressée lors de la tenue d'assemblées générales de sociétés, de conseils, etc., comportant le nom de chaque membre présent ou représenté. En entrant dans la salle du conseil [Évariste] signe la feuille de présence (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 293). ADMIN. Feuille sur laquelle les employés doivent inscrire leur nom en arrivant au travail. À cette mesure de précaution, quelques ministres à grandes vues ont ajouté un terrible auxiliaire : je veux parler des feuilles de présence (YMBERT, Mœurs admin., Paris, Ladvocat, 1825, t. 1, p. 182).
d) HIST. Feuille des bénéfices, ou, p. ell. du déterminant, feuille. Sous l'ancien régime, liste des bénéfices ecclésiastiques. Évêque de la feuille. Évêque chargé de la feuille des bénéfices. L'archevêque de Lyon, Marbeuf, qui tenant la feuille des bénéfices... (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 75).
e) VIE MILIT. Feuille de route. Titre délivré par l'autorité militaire aux militaires se déplaçant isolément. La feuille de route qui m'a été délivrée à Marseille, en vertu d'un congé de convalescence de trois mois (COURIER, Lettres Fr. et It., 1800, p. 671). La feuille de route d'un hussard mort en prison (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 33).
Rem. Certains dict. gén. récents attestent dans cet emploi feuille de déplacement et mentionnent feuille de route comme vx.
3. Spéc., IMPR. Ensemble de pages contenues dans un format donné, au recto et au verso, et formant un cahier après pliure. Feuille de seize pages. Feuille in-folio. Feuille tirée sur quatre pages. Feuille in-quarto, in-octavo, etc. Feuille tirée sur huit, seize pages, etc. Une omission de pagination qui fait chasser 2 pages dans la feuille 8 (BALZAC, Corresp., 1840, p. 224). Les trois quarts de sa double feuille in-folio étaient consacrés à ma généalogie (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 497) :
• 6. Cet almanach, qui se vend un sou, consiste en une feuille pliée soixante-quatre fois, ce qui constitue un in-64, de cent vingt-huit pages.
BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 557.
♦ Bonne feuille. Feuille de tirage définitif. Je me vois à mon tour lisant les premières pages des bonnes feuilles d'Aimée (DU BOS, Journal, 1925, p. 349).
Rem. Employé le plus souvent au plur.
♦ Feuille en blanc. Feuille imprimée d'un seul côté. (Dict. XIXe-XXe s.).
♦ Feuille de garde. Feuille non imprimée se trouvant au commencement ou à la fin d'un livre. Synon. fig. page de garde. Sur la feuille de garde : Hommage de l'éditeur à Monsieur Edm. de Bruijn, Lyon-Claesen, éditeur (BLOY, Journal, 1898, p. 279).
♦ Feuille volante. Feuille isolée, qui n'est reliée ni en livre ni en cahier. (Dict. XIXe-XXe s.).
♦ Lever la feuille. Recevoir la feuille imprimée sortant de la machine. (Dict. XIXe-XXe s.).
♦ Ouvrage en feuilles. Qui n'est pas relié en livre ou en cahier, non-broché. Cladel m'a écrit pour me dire qu'il désirait que je lusse (...) le roman en feuilles qui est chez vous (FLAUB., Corresp., 1877, p. 35).
— P. méton. Journal. Feuille locale, publique, périodique, quotidienne. Cette feuille de papier d'un jour, le journal : l'ennemi instinctif du livre, comme la putain de la femme honnête (GONCOURT, Journal, 1858, p. 494). Charles (...) attendait en lisant dans une feuille hebdomadaire la chronique des cœurs saignants (QUENEAU, Zazie, 1959, p. 15) :
• 7. ... à la suite des troubles de Montsou, une vive émotion s'était emparée des journaux de Paris, toute une polémique violente entre les feuilles officieuses et les feuilles de l'opposition, des récits terrifiants, que l'on exploitait surtout contre l'Internationale, dont l'empire prenait peur, après l'avoir encouragée.
ZOLA, Germinal, 1885, p. 1462.
♦ Feuille de chou (cf. supra I D 2).
B.— [Avec un déterminant adj. ou un compl. introduit par de désignant une matière quelconque] Plaque mince. Feuille d'aluminium, d'ardoise, de carton, de métal; feuilles de plomb en rouleaux; feuilles métalliques. Recouvrir les tablettes de chocolat d'une mince feuille de métal clair comme l'argent (FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 54). Une source parcimonieuse et sans beauté. Elle filtrait entre les feuilles de schiste (GIDE, Journal, 1910, p. 313) :
• 8. Coupeau tenait la dernière feuille de zinc. Elle restait à poser au bord du toit, près de la gouttière; là, il y avait une brusque pente, et le trou béant de la rue se creusait.
ZOLA, Assommoir, 1877, p. 479.
— En partic.
♦ Feuille de parquet. Chacune des lattes constituant un parquet. Plusieurs feuilles du parquet étaient soulevées (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 134) :
• 9. ... le piano sur lequel avait joué Cécile enfant et qui, lorsqu'on heurtait du pied certaine feuille du parquet, faisait entendre une vibration plaintive ...
DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p. 286.
♦ MENUIS. Mince lame de bois utilisée pour le placage des meubles. Cette feuille de bois refendue, on la place sur l'établi (MAIGNE, MAUGIN, Nouveau manuel complet du luthier, 1929 [1869], p. 234 [encyclop. Roret]).
Spéc. Élément d'un objet se présentant sous la forme d'une plaque, d'une lame. Feuille d'éventail. Feuille de paravent. Chacun des panneaux constituant un paravent. Il enveloppait son lit d'un vaste paravent à neuf feuilles en laque de Coromandel (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 714). Elle est fort occupée des albums japonais, dont elle transporte les fleurs et les oiseaux sur les feuilles d'un paravent de soie (GONCOURT, Journal, 1868, p. 452).
C.— [Désigne certains outils minces à surface plane, ou dont la forme rappelle celle d'une feuille]
1. BOUCH. Sorte de couperet utilisé par les bouchers ou les charcutiers pour découper et aplanir la viande. (Dict. XIXe-XXe s.).
2. Feuille-de-sauge. CHIR. Bistouri. TECHNOL. Petite lime oblongue et allongée coupant le long des deux côtés. (Dict. XIXe-XXe s.).
REM. 1. Feuilliste, subst. masc., vx. Personne qui écrit des articles, des feuilletons dans un journal. Il [Restif] haïssait les critiques, les feuillistes et les attaquait souvent en termes peu mesurés (NERVAL, Illuminés, 1852, p. 295). 2. Défoliant, ante, adj. Qui fait tomber les feuilles, qui provoque la défoliation. Des substances défoliantes. Dégâts causés par les produits chimiques défoliants (Le Monde, 6. 6. 69 ds GILB. 1971). Emploi subst. masc. La mise au point de produits utilisables comme retardateurs de croissance, défoliants ou mûrisseurs (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 442). L'usage massif (dans une guerre) des gaz, du napalm et des défoliants chimiques (Le Monde, 25. 5. 66 ds GILB. 1971). 3. Défoliation, subst. fém. a) Chute des feuilles, avant la saison ordinaire. La défoliation provient le plus souvent d'une maladie du liber (CHABAT 1881). b) Destruction des feuilles d'arbre et des végétaux au moyen des défoliants (attesté par les dict. récents). 4. Défolier, verbe trans. Provoquer la défoliation (cf. supra b ). Une zone dont la forêt a été complètement défoliée par saupoudrages chimiques (Le Monde, 13. 3. 66 ds GILB. 1971). Emploi abs. On débarquait, on bombardait, on défoliait (L'Express, 27. 3. 67 ds GILB. 1971). Emploi pronom., rare et vx. Perdre ses feuilles (de façon naturelle). Les animaux comme les végétaux se défolient, c'est-à-dire qu'ils perdent leur épithélium (BERNARD, Notes, 1860, p. 133).
Prononc. et Orth. :[fœj]. Enq. : øj/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié XIIe s. bot. (Psautier Cambridge, 1, 4 ds T.-L.); 2. ca 1200 « matière étendue, plate et mince [ici de l'or] » (Escoufle, 8010, ibid.); 3. XIIIe s. en partic. du papier (Lais et descorts, éd. Jeanroy, Brandin et Aubry, XIX, 14, ibid.); 1751 feuilles volantes « petits écrits, brochures » (VOLTAIRE, Lett. Mme Denis ds LITTRÉ); 1789 feuille « périodique, journal » (Le Moniteur, II, 543); péj. 1858 feuille de chou « mauvais journal » (LARCHEY, Excentr. lang., p. 515); 4. 1867 feuilles de chou « oreilles » (DELVAU, p. 191). Du b. lat. folia plur. collectif du subst. neutre class. folium « feuille d'arbre, de plante; de papier ». Fréq. abs. littér. :8 755. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 11 690, b) 14 591; XXe s. : a) 15 252, b) 10 265. Bbg. CASANOVA (M.). Le Lang. des vignerons de Bevoix. In : Colloque sur le Fr. Parlé ds les Villages de Vignerons. 1976. 18-20 nov. Dijon. Paris, 1977, pp. 120-123. — COUPERUS (M.). La Terminol. appl. aux périod. et aux journalistes. In : Couperus (M.). L'Ét. des périodiques anciens. Paris, 1972, pp. 59-62. — HOTIER (H.). Le Vocab. du cirque et du music-hall en France. Paris, 1973, p. 106, 107, 142. — QUEM. DDL t. 6, 10. — SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 196. — SAUVAGEOT (A.). Latinisation et écon. In : [Mél. Michéa (R.)]. Ét. Ling. appl. 1971, n° 2, pp. 119-120 (s.v. défoliation).
feuille [fœj] n. f.
ÉTYM. V. 1130, fueille, foille; du lat. folia, plur. neutre devenu fém. de folium « feuille d'arbre; feuille de papier ». → Foliacé.
❖
———
1 Partie des végétaux qui naît de la tige et quelquefois de la racine, et dont l'aspect est le plus souvent celui d'une lame mince de couleur verte (due à la chlorophylle). ⇒ -phylle. || Parties de la feuille. ⇒ Gaine, limbe, pétiole. || Feuille sans pétiole. ⇒ Acaule, engainant, sessile. || Charpente d'une feuille. ⇒ Nervure. || Tissu de la feuille. ⇒ Cuticule, épiderme, parenchyme, stomate. || Feuille verte, sombre, rouge, argentée, blanche. || Feuille odorante. — Feuille simple, composée (⇒ Foliole); feuille composée pennée (conjuguée, unijuguée…), palmée. || Petite feuille des pédicelles. ⇒ Bractée, involucre. || Feuille des plantes acotylédones. ⇒ 1. Fronde. — Aspect des feuilles d'après leur bord (crénelée, déchiquetée, découpée, dentée, dentelée, lobée, tridentée…), leur limbe (cloquée, connivente, crépue, digitée, frisée, linéaire, penniforme, perfoliée, pubescente, ronde, sagittée…), leur direction (convolutée, curvative, révolutive, roncinée…), leurs nervures (nervation pennée, palmée, parallèle). || Disposition des feuilles sur la tige (⇒ Foliation), feuilles alternes ou isolées, opposées, verticillées ou en rosette. || Angle formé par la base de la feuille avec la partie supérieure du rameau. ⇒ Aisselle. || Feuilles caulinaires, amplexicaules. || Modification des feuilles en aiguille, cotylédon (feuille séminale), écaille, épine, fleur, piquant, stipule, vrille. || Feuille carnivore. || Feuilles caduques, persistantes. || Fonction chlorophyllienne de la feuille. ⇒ aussi Végétal. || Maladie des feuilles. ⇒ Fumagine, rouille. || En forme de feuille. ⇒ Foliacé, folié. — Feuille de marronnier, de rosier, de menthe, de nénuphar. || Feuille luisante et piquante du houx. || Feuille de chou, feuille de salade, de carotte (⇒ Fane). || Feuille de tabac. — Arbre qui se couvre de feuilles au printemps. ⇒ Feuillaison, frondaison. || Bouton (cit. 1), bourgeon à feuilles. || Disposition des jeunes feuilles dans le bourgeon. ⇒ Préfoliation, vernation. || Feuille qui sort, se déplie. ⇒ Pousse (→ Bois, cit. 24). || Ensemble des feuilles d'un arbre. ⇒ Feuillage. || Feuilles qui tremblent, frissonnent dans le vent (→ Église, cit. 13); bruissement, murmure des feuilles (→ Bruire, cit. 4; bruit, cit. 5). || Feuille d'automne; feuille jaunie, dorée, rousse, rouge, brune; tachetée. → Cueillir, cit. 4; crosse, cit. 6; éventail, cit. 6. || Chute des feuilles en automne. ⇒ Défeuillaison, effeuillaison. || Feuille qui tombe, tournoie (→ Automne, cit. 12; avertir, cit. 10). || Feuilles dispersées par le vent. || Feuilles sèches, séchées, qui jonchent le sol (→ Combe, cit. 2). — Cour. || Feuille morte. || Tapis de feuilles mortes. || Arbres (cit. 31) qui ont perdu leurs feuilles. ⇒ Dénudé, dépouillé (→ Estomper, cit. 3). — Arracher les feuilles d'un rameau. ⇒ Effeuiller (→ 2. Courant). || Tresser une couronne de feuilles. || Toiture de feuilles (→ Crevasser, cit. 2). || Utilisation des feuilles dans l'alimentation, l'industrie. — Les Feuilles d'automne, poèmes de V. Hugo (1831).
1 (…) pendant l'hiver, l'arbre mort et l'arbre vivant paraissent égaux; ils sont tous deux sans fruits et sans feuilles.
Bossuet, 2e sermon sur la Providence, I.
2 Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.
Verlaine, Poèmes saturniens, Paysages tristes, « Chanson d'automne ».
2.1 Et il se retrouva bientôt sur le boulevard couvert de feuilles mortes. Elles ne tombaient plus, les dernières ayant été détachées par une longue rafale. Leur tapis rouge et jaune frémissait, remuait, ondulait d'un trottoir à l'autre sous les poussées plus vives de la brise grandissante. Tout à coup une sorte de mugissement glissa sur les toits, ce cri de bête de la tempête qui passe, et, en même temps, un souffle furieux de vent qui semblait venir de la Madeleine s'engouffra dans le boulevard. Les feuilles, toutes les feuilles tombées qui paraissaient l'attendre, se soulevèrent à son approche. Elles couraient devant lui, s'amassant et tourbillonnant, s'enlevant en spirales jusqu'au faîte des maisons. Il les chassait comme un troupeau, un troupeau fou qui s'envolait, qui s'en allait, fuyant vers les barrières de Paris, vers le ciel libre de la banlieue.
Maupassant, Fort comme la mort, p. 287.
3 Il y avait dans l'air des tournoiements de feuilles lasses, détachées on ne savait de quels bouleaux (…)
M. Genevoix, Raboliot, p. 28.
3.1 Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi (…)
J. Prévert, les Feuilles mortes.
♦ ☑ Loc. Avant les feuilles : avant la feuillaison. — ☑ La chute des feuilles : l'automne.
♦ ☑ Loc. fig. (1913, in Petiot). Descendre en feuille morte, se dit d'un avion qui se laisse descendre par grands mouvements obliques, comme une feuille morte.
3.2 C'était l'avion de Moravagine qui s'insinuait entre le soleil et moi. Alors, je levais la tête et suivais longuement des yeux ce gracieux, ce fragile engin qui virevoltait, décrivait des courbes, des spirales, tombait en vrille, en feuille morte, sur l'aile, sur l'autre aile, se relevait, bouclait la boucle au-dessus de la ville, disparaissait dans une gloire de lumière. Il faisait un soleil de feu. C'était l'été.
B. Cendrars, Moravagine, in Œ. compl., t. IV, p. 235.
♦ ☑ (Av. 1679, trembler comme la feuille). Trembler comme une feuille.
♦ ☑ (Déb. XVIe). Loc. fig. et fam. (en parlant d'une femme). Voir la feuille à l'envers : s'adonner aux ébats amoureux dans les bois.
3.3 (…) le cèdre où Madeleine vient chercher sa ration hebdomadaire de feuilles à l'envers ?
Hervé Bazin, Vipère au poing, p. 245.
♦ Feuilles symboliques du chêne, du laurier, de l'olivier.
♦ Se dit couramment des folioles (trèfle à quatre feuilles), des bractées qui ressemblent à des feuilles (feuilles d'artichaut).
2 Représentation de certaines feuilles. || Feuilles de chêne d'un képi de général. || Feuille d'acanthe (cit. 2) sculptée (→ Corinthien, cit. 1), feuille d'olivier, de chêne, de chardon, de trèfle, de persil, de fougère. || Feuilles galbées de chapiteau. — Feuilles d'eau, simples et à bords unis. — Feuille d'angle (au coin d'un cadre, etc.).
♦ (Av. 1850). || Feuille de vigne : feuille sculptée cachant le sexe des statues nues. — Fig. || Mettre une feuille de vigne à (une chose indécente). → Un voile pudique.
♦ Demi-feuille, motif ornemental de l'art islamique.
3 Fig. (Feuille de… et nom de végétal). Techn. || Feuille de laurier : outil de vitrier. — Préhist. || Feuille de laurier, feuille de gui : outil de pierre taillée ayant cette forme. || Des feuilles de laurier solutréennes.
♦ ☑ Fig. et fam. Feuille de chou. ⇒ Chou, 3. (→ aussi ci-dessous, II., 2.).
4 Mais battue ou de pluie, ou d'excessive ardeur,
Languissante elle (la rose) meurt, feuille à feuille déclose.
Ronsard, Second livre des amours, Amours de Marie, Stances IV.
5 Les cinq doigts de la main sont la plus mirobolante giroflée à cinq feuilles qui ait jamais brodé les parterres de la noble cité de Harlem.
Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, Cinq doigts de la main.
5 ☑ Loc. fig. et fam. Giroflée à cinq feuilles : la main qui gifle.
6 (XVe). Techn. Volume dont un bois s'accroît en une année. — Par ext., vx. Année de croissance d'un bois. || Vin, bois de deux, trois feuilles.
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II
1 (XIIe, fueil). Morceau de papier rectangulaire. || Feuilles de papier de formats divers. || Feuille de mauvais papier (cit. 2.1) quadrillé. || Endroit, envers d'une feuille. ⇒ Recto, verso. || Face d'une feuille. ⇒ 1. Page. || Feuille unie, lignée, quadrillée. || Feuille blanche, vierge (→ 2. Estampe, cit. 4); feuille écrite, manuscrite, imprimée. || Écrire (cit. 7) sur une feuille. || Feuille de papier (cit. 13) à lettre. || Plier, déchirer, froisser une feuille. || Feuille cornée. || Feuille simple, double. — (1632, Gassendi, in D. D. L.). || Feuille volante : feuille isolée. ⇒ Copie. || Assemblage de feuilles. ⇒ Bloc, cahier, 1. livre, livret. || Plier une feuille. ⇒ Feuillet. || Feuille pliée en deux. || Feuille insérée dans un livre. ⇒ Encart (→ Encarter). — Feuille de papier à dessin, de papier carbone, de papier buvard… || Feuille ornée d'une gravure. ⇒ Planche.
6 (…) il en a fait une autre (lettre) qui, en vérité, est plus plate que la feuille de papier sur quoi elle est écrite.
Mme de Sévigné, 589, 16 oct. 1676.
7 Un ouvrage (…) qui est donné en feuilles sous le manteau (…) s'il est médiocre, passe pour merveilleux; l'impression est l'écueil.
La Bruyère, les Caractères, I, 5.
8 Le Français léger ne fait cas que des lourds volumes; le gros Anglais veut mettre tout en feuilles volantes : contraste singulier, bizarrerie de nature !
P.-L. Courier, Pamphlet des pamphlets.
9 Le sous-main contient par bonheur de grandes feuilles d'un horrible papier quadrillé, et de minces enveloppes gris-vert.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XIX, p. 210.
♦ Techn. (imprim.). || Feuille d'impression, pliée autant de fois que le comporte le format et constituant un cahier. || Feuille in-folio, pliée une fois (quatre pages). — (1798). || Bonnes feuilles. — (1865). || Ouvrage en feuilles, dont les feuilles ne sont pas encore assemblées.
♦ (1684, feuilles d'entrées « registre des entrées »). Dans des syntagmes. Document, état. ⇒ Papier(s). || Feuille d'impôt. || Feuille de paye (cit. 4) (⇒ Bulletin, fiche), d'émargement (cit.). || Feuille d'emploi (cit. 17). || Feuille de présence (→ Borner, cit. 15). || Feuille de maladie. || Feuille imprimée à remplir. ⇒ Formulaire. || Feuille de retombe. — (Ch. de fer). || Feuille de marche. — (Aviat.). || Feuille de vol. (1825). || Feuille de route. — Feuille de température. — Feuille de timbres, de coupons, de tickets, d'où l'on détache ces timbres, ces coupons.
9.1 Bon ! Il est plus de neuf heures, Mademoiselle, enlevez-moi la feuille de présence. Tant pis pour les retardataires ! Daisy se dirige vers la petite table, à gauche, où se trouve la feuille de présence, au moment où entre Bérenger.
Ionesco, Rhinocéros, II, 1.
2 (1759). Vx. Feuille imprimée à caractère pamphlétaire. — (1834). Mod. Périodique. ⇒ Journal; hebdomadaire. || Feuilles satiriques de Fréron (→ Avilissant, cit. 2; folliculaire, cit. 1). || Feuille locale, de province. || Être critiqué dans une feuille (→ Éreinté, cit. 3). — REM. → aussi Feuille de chou (Chou, 3.).
10 Le Pilote était une feuille radicale dirigée par monsieur Tissot, et qui donnait pour la province, quelques heures après les journaux du matin, une édition où se trouvaient les nouvelles du jour, qui alors avaient, dans les départements, vingt-quatre heures d'avance sur les autres feuilles.
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 1010.
11 (…) le Journal des Débats, une des rares feuilles françaises qui pénètrent à Venise, se trouva sous notre main, et nous y vîmes annoncée la mort de Balzac.
Th. Gautier, Portraits contemporains, p. 129.
12 C'était une feuille d'extrême gauche qui le citait souvent avec faveur (…)
G. Duhamel, le Voyage de P. Périot, VI, p. 106.
3 Inform. || Feuille de calcul : tableau à deux dimensions (créé sous un tableur) contenant des données, des éléments de calcul. || Feuille de données : tableau permettant de présenter les informations d'une base de données. — (Calque de l'angl. style sheet). || Feuille de styles : document dans lequel des styles de paragraphes ont été définis, servant de base à la création de documents de travail (⇒ Modèle); l'ensemble des styles définis.
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III (V. 1360; du sens I.).
1 Plaque mince (d'une matière quelconque). || Feuille de carton, de contre-plaqué. || Feuille de liège, de papyrus. || Feuille d'ardoise, de gypse. || Feuilles de métal (⇒ Laminer). || Feuille d'étain, d'or. ⇒ Bractéole. || Feuille de crêpe, ou feuille crêpée. — Feuille de parquet. ⇒ Lame.
13 (…) c'était une feuille d'or appliquée à la dent avec beaucoup d'adresse.
Fontenelle, Oracles, I, 4.
14 Tous les corps sont transparents; il n'y a qu'à les rendre assez minces pour que les rayons, ne trouvant qu'une lame, qu'une feuille à traverser, passent à travers cette lame.
Voltaire, Éléments de la philosophie de Newton, II, 12.
15 L'or, dans ses mines primitives, est ordinairement en filets, en rameaux, en feuilles, et quelquefois cristallisé en très petits grains de forme octaèdre.
2 Objet qui a cette forme. — (1680). || Feuille de paravent, chaque châssis pliant. — Feuille d'éventail, papier, tissu collé sur les brins.
3 (1922). Techn. Gros couteau de boucher, de charcutier pour découper la viande.
4 ☑ (1928; de feuille de chou « oreille », 1867). Loc. fam. (d'abord argotique). Être dur de la feuille : être un peu sourd.
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DÉR. Feuillade, feuillage, feuillard, feuillé, feuillée, feuillées, 1. feuiller, feuillet, 2. feuillette, feuillir, feuilliste, feuilloler, feuillu, 2. feuillure. V. 1. Feuillette.
COMP. Défeuiller, effeuiller. — Entrefeuille, 1. mille-feuilles, 2. millefeuilles. — Feuille de chêne, feuille-de-sauge, feuille-morte. — Abat-feuille.
HOM. Feuil; formes des v. 1. feuiller, 2. feuiller, feuillir.
Encyclopédie Universelle. 2012.