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PROFIT
PROFIT

La difficulté, maintes fois soulignée, d’une définition du profit tient à trois types de raisons: en premier lieu, la non-concordance du point de vue du comptable (généralement dominé par le souci fiscal) et de celui de l’économiste (préoccupé par la recherche des causes expliquant l’apparition du profit); en second lieu, l’insuffisante distinction des aspects globaux et individuels du profit (les raisons qui expliquent la propriété qu’a une économie donnée de dégager un surplus au terme d’une période ne sont pas forcément celles qui expliquent qu’une unité de production parvienne, elle aussi, à dégager un surplus); en troisième lieu, une confusion parfois volontaire entre les causes rendant compte de l’apparition du profit et les causes expliquant son appropriation (là encore, le mode d’appropriation du profit ne peut être considéré comme l’inévitable prolongement du mode d’apparition de ce revenu).

Pourtant, la nécessité d’une définition correcte de la notion de profit se justifie aisément. Sur le plan théorique d’abord, elle paraît indispensable à l’élaboration d’une analyse générale de la répartition des revenus. Sur le plan pratique, ensuite, elle conditionne l’importance des systèmes de partage des fruits de l’expansion entre les salariés.

Devant l’abondance des définitions du profit, parfois divergentes et au mieux complémentaires, deux positions sont concevables.

On peut, d’une part, faire preuve d’un certain apriorisme en indiquant ce que doit être le profit. Certains estimeront, par exemple, que le profit est la sanction, dans l’entreprise, de l’acte de création. La définition ne souffre plus alors d’équivoque, mais elle ne peut, en aucune manière, rendre compte de ce que, dans la réalité, on appelle communément «profit».

On peut, d’autre part, adopter une démarche opposée de type inductif. Dans ce cas, le profit apparaît sous des formes tellement diverses que la définition proposée, si elle prétend à l’exhaustivité, confine à l’insignifiance. On définira, tout au plus, le profit comme la variation positive d’actif net d’une unité économique durant une période donnée.

De toute manière, une simple définition ne saurait suffire à mesurer l’étendue d’une notion aussi complexe que celle de profit. L’examen des théories les plus connues visant à expliquer l’existence de ce revenu s’impose donc.

Les insuffisances des théories traditionnelles

Il est possible de distinguer dans les nombreuses théories du profit les explications spécifiques à ce revenu (qui sont donc des explications partielles) et les essais d’intégration de la notion de profit à une vision structurale du fonctionnement du système économique.

Les formes du marché

La théorie comme la pratique (cf. économie de MARCHÉ, MONOPOLE) montrent qu’en situation de monopole, par exemple, les profits sont supérieurs à ceux qui naissent sur des marchés plus concurrentiels. Dès lors, ne suffit-il pas d’élaborer une théorie des marchés pour obtenir, en corollaire, une théorie rendant compte, à la fois, de l’apparition du profit, mais également de son maintien (les firmes existantes freinant l’apparition des firmes potentielles).

Cette interprétation explique effectivement l’existence de certains profits, mais elle n’indique pas pourquoi, sur des marchés de formes identiques, le profit subit de fortes variations selon la période, le lieu et la nature de la production. En outre, la théorie des marchés est plus une théorie des prix que du profit [cf. OFFRE ET DEMANDE]. Or, pour comprendre ce revenu, il ne suffit pas de connaître le mécanisme de formation des prix, il convient, de plus, d’expliquer l’aptitude des centres de décision à aménager un écart entre deux séries de prix, prix de ventes et coûts, qui ne sont pas synchrones. L’innovation rend-elle compte de cette aptitude?

L’innovation de l’entreprise

Joseph Schumpeter s’est attaché à mettre l’accent sur le rôle pionnier de l’entrepreneur, sur son aptitude à modifier, à la fois, les produits et les fonctions de production, sur sa constante tendance à la «destruction créatrice». Le profit est alors la sanction de l’avance technologique conquise sur l’ensemble des producteurs. C’est un revenu différentiel qui s’amenuise à mesure que les imitateurs adoptent les méthodes nouvelles de production. L’établissement d’un lien exclusif entre l’innovation et le profit rend compte d’une partie de la réalité, mais certainement pas de son ensemble. L’expérience montre, à l’évidence, qu’il n’est pas nécessaire d’être pionnier pour réaliser une différence entre les prix et les coûts des produits que l’on fabrique. On relèvera cependant que l’innovation introduit l’idée d’incertitude. Innover, n’est-ce pas, en effet, une manière d’affronter le risque économique, et celui-ci n’est-il pas le principe d’explication le plus large, englobant tous les autres?

Entre l’incertitude et la certitude

On doit à F. H. Knight la première recherche approfondie sur la liaison profit-incertitude. Il montre que ce n’est pas le risque calculable (celui qui peut se traduire par une distribution de probabilité) qui est à l’origine du profit. Ce risque, l’entreprise s’en décharge par une prime d’assurance qui s’analyse comme un coût fixe. En revanche, le risque non calculable et donc non assurable, que Knight appelle l’incertitude, explique le profit. Il est donc identifié à la différence entre la valeur anticipée par l’entrepreneur des facteurs de production et la réalité. Il est positif en cas de sous-estimation de cette valeur, négatif dans le cas contraire.

Certes, cette thèse fournit une explication du profit, mais elle implique en même temps l’impossibilité de construire une théorie de la décision économique. En outre, faire de l’incertitude l’explication générale du profit ne saurait être une position satisfaisante. L’observation de la réalité révèle la coexistence constante de profits de l’incertitude et de profits de la certitude. Ces derniers représentent d’ailleurs l’un des objectifs privilégiés de l’entreprise moderne.

Qu’il s’agisse de la création de réseaux de sous-traitants afin d’amortir les fluctuations de la demande, ou d’efforts de nature variée pour institutionnaliser le revenu de l’entreprise, ou, enfin, des perfectionnements des techniques de traitement de l’information, autant de voies ouvertes à l’entreprise pour réaliser des profits certains. L’unité de production pourra être aidée en cela par l’existence d’une planification indicative centrale, «réductrice d’incertitude».

Recours à l’analyse structurale

Face à la constatation des lacunes d’une explication moniste des différents revenus regroupés sous le nom de profit, trois attitudes sont concevables.

La première est de reconnaître le constat d’échec et d’en déduire l’impossibilité d’une théorie vraiment générale du profit. Ce dernier concept a peut-être désigné une réalité bien définie au XIXe siècle. Depuis, le développement économique a suscité l’apparition de structures diversifiées, de mécanismes complexes, qui ont fait perdre son unité au concept du profit.

L’économiste se résigne mal à cette conception agnostique, ce qui entraîne une deuxième attitude. L’effort de révision tenté par certains auteurs consiste à rejeter les concepts périmés et à tenter de forger de nouveaux instruments d’analyse. Tel est le sens des recherches menées en particulier par Jean Marchal et Jacques Lecaillon. L’attention se déplace du revenu lui-même vers le titulaire de ce revenu. Il y a «translation de l’objet au sujet», ce qui conduit à rechercher l’explication du profit par référence au groupe qui le perçoit. Le point de vue est intéressant. Il n’en comporte pas moins de sérieuses difficultés. Comment déterminer les critères de choix des groupes économiquement significatifs? Ayant délimité ces groupes, peut-on aller au-delà de la description de leurs activités pour expliquer véritablement les mécanismes qui engendrent cette activité? L’attention portée à ces groupes ne risque-t-elle pas de conduire, comme dans le cas de la théorie des marchés, à négliger par trop le rôle des centres de décision? Enfin, n’y a-t-il pas, dans ce point de vue, beaucoup plus une explication de la répartition du profit que de son apparition? Ces difficultés ne paraissent pourtant pas insurmontables et l’école sociologique est certainement loin d’avoir épuisé la richesse de ses thèmes de recherche.

Il est enfin une troisième attitude, à l’extrême opposé de la position agnostique. Puisqu’il est impossible d’expliquer le profit isolément, il faut admettre que ce revenu fait partie d’un ensemble, d’un système. Il convient donc de comprendre les mécanismes qui régissent cet ensemble pour saisir la signification des éléments isolés qui le composent. Il y a là une position d’allure structurale, au sens moderne de ce terme. Qu’on ne s’étonne pas de trouver alors réunis ici certains aspects des théories néoclassique et marxiste.

Système néoclassique et théorie marxiste

Le système néoclassique est fondé sur un certain nombre d’hypothèses ayant généralement pour point commun l’idée de perfection: concurrence parfaite, information et prévision parfaites, ajustements instantanés des variables [cf. CONCURRENCE]. Dans un tel monde hypothétique, il est démontré que les salariés d’une part, les détenteurs de capitaux d’autre part, perçoivent une rémunération strictement fonction de leur contribution à la formation du produit (ce qui, en termes techniques, s’exprime de la façon suivante: chaque facteur de production perçoit une rémunération en fonction de sa productivité marginale). Une hypothèse supplémentaire est généralement ajoutée, consistant à supposer que la dimension de la combinaison productive n’a aucune influence sur le rendement. Autrement dit, l’emploi de deux fois plus de capital et de deux fois plus de travail fournira une production multipliée par deux (hypothèse d’homogénéité et de linéarité de la fonction de production; cf. PRODUCTION ET SURPRODUCTION). Dans ce cas, la somme des parts revenant aux capitalistes et aux salariés est égale au produit. Ou encore, tout le produit est imputable soit aux salariés, soit aux capitalistes. C’est là l’essence de l’équation walrasienne de «l’entrepreneur ne faisant ni bénéfice ni perte». Dire que le profit est égal à zéro est une formule pour indiquer qu’il n’existe pas de revenu non imputable (de «surprofit», dit-on parfois). Cela ne signifie nullement que la rémunération du capitaliste soit égale à zéro: dans ce cas, le capitaliste perçoit un revenu strictement limité à son apport productif.

Cette construction a un double intérêt. Elle explique l’existence d’un revenu fonctionnel (rémunération du capitaliste en raison de sa contribution à la formation du produit). Mais elle explique, également, a contrario , l’existence d’un profit résiduel (d’un surprofit, revenu non imputable). En effet, qu’une des hypothèses du modèle vienne à faire défaut, et aussitôt apparaîtra ce revenu résiduel.

Quant à la théorie marxiste, elle consiste à représenter la répartition des différentes formes de revenu comme l’inévitable conséquence des rapports de production existants. Le profit aussi bien que le salaire ou l’intérêt sont les produits de structures économiques données. En réalité, seul le travail est générateur de plus-value, et son détournement au bénéfice du capitaliste est une conséquence de l’appropriation privée des moyens de production.

Cette conception a été et est toujours âprement discutée, dans la mesure, notamment, où elle se fonde sur une vision très spécifique de la valeur (le travail seul étant considéré comme créateur de plus-value). Néanmoins, il y a là une vision globale du circuit production-répartition qui justifie un certain parallélisme conceptuel entre les schémas néoclassique et marxiste. Tous deux proposent une explication des liens unissant le produit aux revenus. Si la vision est commune, il est bien évident que les conclusions divergent. On est conduit, chez les marxistes, à une contestation explicite et radicale du système capitaliste et, chez les néoclassiques, à une justification implicite de ce système.

Quel que soit l’intérêt de ces démarches, elles risquent d’entretenir une confusion – qui a longtemps obscurci la compréhension de la notion de profit – entre l’apparition et l’appropriation de ce revenu. Une explication du profit doit tenir compte de ces deux phases et, pour être complète, se poursuivre par l’étude de la destination donnée au profit approprié.

Exigences d’une explication nouvelle

L’idée selon laquelle, le profit global ayant pour origine la somme des profits individuels, il suffit d’expliquer ces derniers pour comprendre l’ensemble du phénomène est une idée insuffisante et, à la limite, inexacte. On ne comprend pas pourquoi, en effet, la somme des profits réalisés par certains agents n’est pas compensée par la somme des pertes subies par d’autres agents, les pertes désignant, ici, soit les diminutions d’actif net du groupe des titulaires de profit, soit les baisses du niveau de vie des autres groupes sociaux. La question première consiste donc à se demander pourquoi une économie, dans son ensemble, toutes compensations faites, est en mesure de dégager un surplus.

Origines du surplus global

Quatre causes principales expliquent l’existence d’un surplus global dans un système économique donné.

La cause originelle tient à la productivité du travail de l’homme. Normalement, cette productivité est telle que, physiquement, la quantité de biens produits dépasse les quantités de biens consommés aux fins de production. Cela coïncide avec ce que J. Ullmo appelle l’«enrichissement» d’une collectivité, l’une des sources du profit pour cet auteur. Cet enrichissement correspond à une «plus-value collective» et on pourrait l’attribuer à un «surtravail d’ensemble». Si cette plus-value collective est un fait d’observation constante, il n’est pas obligatoire qu’elle se concrétise sous forme de biens de production. Elle peut prendre des aspects très divers tels que la création de biens affectés à des usages religieux (temple, sacrifices), à des consommations ostentatoires, bref des utilisations qui n’ont pas pour fin la reproduction des biens.

Lorsque cette plus-value collective prend la forme de biens de production, c’est-à-dire d’investissements, on rencontre, alors, une seconde source du surplus global ou plus exactement, cette fois-ci, de son accroissement: il s’agit de l’accumulation capitalistique . Depuis l’analyse de Böhm-Bawerk, il est reconnu que l’accumulation, comprise comme l’allongement du détour de production, augmente la productivité du travail. Généralisant ce point de vue, les auteurs modernes (J. Robinson, par exemple) reconnaissent que l’accumulation est à la source de la croissance économique, et donc à l’origine de l’augmentation de la plus-value collective.

En outre, les théoriciens modernes soulignent que l’investissement véhicule le progrès technique . Le simple remplacement du capital existant se fait rarement à l’identique, du point de vue qualitatif. Le progrès technique apparaît, dès lors, comme la troisième cause à l’existence d’un surplus global. La présence de ce progrès technique pose inévitablement le difficile problème du «partage des fruits de l’expansion». En effet, si les innovations ont pour source le travail humain, elles s’incorporent, le plus souvent, au capital, et l’on saisit aussitôt toute la complexité d’un partage satisfaisant des gains de productivité. Même si le traitement économétrique en est beaucoup plus délicat, il faut reconnaître, d’ailleurs, qu’une fraction du progrès technique s’incorpore directement au travail. L’accroissement du niveau des connaissances dans une population, l’augmentation du degré de qualification professionnelle, ce que l’on a appelé le learning by doing (apprentissage par la pratique, c’est-à-dire progrès de la productivité du travail due non pas à des investissements nouveaux, mais à l’habitude de se servir de l’équipement existant), toutes ces raisons font qu’il conviendrait de tenir compte de «générations» de travailleurs de plus en plus productifs, comme il est tenu compte de générations de capitaux également de plus en plus productifs (vintage models ).

Le progrès technique implique enfin, pour les unités de production, une taille optimale . La recherche de cette dimension permet de réaliser ce qu’on appelle des économies d’échelle , des gains dus à la taille de la combinaison productive. Bien que les idées d’optimum de dimension soient parfois critiquées (en particulier sur la base du fait que l’hypothèse des rendements décroissants n’est pas toujours vérifiée), il existe là une cause certaine d’augmentation du surplus global.

L’énoncé de ces quatre causes appelle une double interrogation. On peut se demander d’abord ce qui explique le passage au stade de l’accumulation, c’est-à-dire de la transformation du tout ou d’une partie du surplus global en biens de production. Ensuite, on peut chercher à savoir dans quelle mesure la nature du système économique influence ou non l’ampleur du surplus global. La réponse à ces deux questions sort du cadre strict de la définition du profit. La première question relève de la théorie du développement économique, la seconde de la théorie des systèmes et structures économiques. Cette double interrogation a néanmoins l’avantage de souligner les liens unissant la compréhension du profit au corps de ces deux grandes théories.

L’existence du surplus global étant établie, il est bien évident qu’il ne sera pas approprié en totalité par les détenteurs de capitaux, c’est-à-dire qu’il ne se transformera pas uniquement en profits. Une partie pourra aller aux salariés sous forme d’augmentation de leurs salaires et une autre aux consommateurs sous forme d’une baisse relative des prix. Comment se réalise ce partage et peut-on l’influencer? C’est là le domaine des théories et des politiques générales de la répartition concernant non plus seulement le profit, mais l’ensemble des revenus.

Le montant global du profit étant supposé connu, il convient d’expliquer dans quelle mesure chaque unité de production en perçoit une fraction. Le profit réalisé par l’unité de production apparaît comme un double indicateur: indicateur de succès, indicateur de puissance.

Indicateur de succès

Le fait de considérer le profit comme un indicateur de succès est une caractéristique importante, puisqu’elle s’est retrouvée aussi bien dans les régimes socialistes que capitalistes.

Dans les régimes socialistes, le profit a toujours existé. Mais longtemps il ne s’est agi que d’un profit planifié provenant d’un système de prix strictement fixé. Or, à partir de 1964, sous l’influence notamment du professeur Liberman, les économistes soviétiques insistèrent sur le fait que le passage d’une économie dont la production est principalement axée sur la fabrication des biens d’équipement à une économie produisant de plus en plus de biens de consommation ne s’opère pas sans difficultés. En particulier, le respect de la norme planifiée n’est plus apparu comme un indicateur suffisant d’efficacité économique et c’est à ce titre qu’il a semblé souhaitable de réintroduire la notion de profit. Cette réintroduction n’impliquait nullement une convergence des idéologies socialiste et capitaliste, mais seulement un certain rapprochement des modes de gestion économique.

Ce que l’on a pu constater dans le système collectiviste se trouve a fortiori vérifié dans le système capitaliste. L’obtention d’un profit apparaît, avant tout, pour une unité de production, comme le signe d’une bonne gestion. Ce revenu est analysé comme le résultat d’une action se déroulant dans un univers incertain. On retrouve là, mais sous une forme différente, les idées relatives à l’incertitude. Cette dernière n’explique plus le profit; elle devient une dimension que doit traiter le preneur de décision, au même titre que le temps ou l’espace (à noter l’influence des idées de Debreu sur la définition de la valeur des biens).

Cette optique a pour avantage une extension de la théorie stricte du profit à la théorie plus large de la décision génératrice de profit.

La théorie de la décision oscille entre deux directions. La première se caractérise par un certain normativisme. L’objectif de la décision est généralement la maximation du profit. Le calcul emprunte la voie probabiliste avec tous ses raffinements (recours aux probabilités subjectives, analyse bayésienne; cf. PROBABILITÉ SUBJECTIVE). Bref, s’élabore tout un corps de principes ayant pour but de donner un contenu objectif à la rationalité, c’est-à-dire visant à préciser la cohérence des moyens (calcul probabiliste) par rapport aux fins (maximation du profit).

La seconde direction de cette théorie est la voie descriptive. Elle est fondée sur l’idée que la décision d’affaire est essentiellement caractérisée par son unicité; une situation donnée ne se reproduisant jamais identique à elle-même, le calcul probabiliste ne peut être d’aucun secours. La théorie vise alors à la compréhension des décisions réelles. Celles-ci sont généralement analysées comme un processus de rétrécissement progressif de l’attention sur un petit nombre de cas jugés vraisemblables et sur lesquels le choix s’exercera effectivement. La motivation n’est plus forcément et seulement la maximation du profit. L’entrepreneur peut, par exemple, se contenter de rechercher un niveau de profit qu’il juge satisfaisant.

En réalité, l’opposition des schémas explicatif et normatif ne peut être absolue et une synthèse de ces deux points de vue semble s’amorcer.

Indicateur de puissance

Dire que le profit est un indicateur de succès revient à admettre qu’il rémunère un traitement correct de l’avenir incertain par l’unité de production. Ce point de vue implique aussitôt que les unités qui se trouvent le mieux placées pour réaliser ce traitement sont également celles qui percevront le profit. À ce titre, le profit peut bien être considéré comme un indicateur de puissance.

Ce qui explique et caractérise la puissance de l’unité de production est, avant tout, le degré d’information dont elle dispose, mais aussi son aptitude à restructurer l’environnement ainsi que l’importance de son pouvoir de marchandage. La domination par l’information, élément privilégié d’explication non pas du niveau absolu du taux de profit mais de sa stabilité, est soulignée par F. Perroux. «Les organismes les plus grands, les plus puissants, les plus influents en raison même du secteur d’activité auquel ils appartiennent détiennent un pouvoir économique et un pouvoir sans épithète qui est fonction de leur capacité d’être informés et d’informer.»

Par ailleurs, le profit sanctionne l’aptitude de l’unité de production à modifier son environnement, c’est-à-dire à organiser sa croissance externe afin de bénéficier au maximum des économies d’échelle. Le profit sanctionne enfin la capacité de l’entrepreneur d’agir comme un «disjoncteur de prix», suivant l’expression de J. Marchal. Cet auteur qualifie le profit de «revenu des violents», de ceux qui, en raison de leur force contractuelle, de leur capacité d’innovation, parviennent à aménager un écart maximal entre les prix de vente et les coûts.

Les explications qui précèdent conduisent à la définition suivante du profit: «fraction du surplus global obtenue par le détenteur de capitaux dont l’actif net en fin de période se trouve accru en raison d’opérations de production». Cette définition posée, il convient de préciser la destination et la mesure du profit approprié.

Destination du profit

Le profit peut être prélevé, épargné ou distribué.

L’État prélève, en effet, par la voie fiscale, une partie des profits réalisés. Ce prélèvement repose sur une triple justification. Il constitue, d’abord, une contribution normale à la marche des services publics. Il représente, parfois, une confiscation de l’enrichissement sans cause (taxation des plus-values d’actif dues à l’érosion monétaire). Il manifeste, enfin, une volonté de substitution de l’autorité publique à l’initiative privée dans l’allocation des ressources.

Une autre fraction du profit est épargnée, c’est-à-dire qu’elle reste dans l’entreprise. L’utilisation de cette épargne en investissements constitue l’autofinancement. Le niveau de l’autofinancement varie selon les économies nationales et les époques. L’importance de cette source de financement dans la croissance de l’entreprise constitue l’une des caractéristiques fondamentales généralement avancées pour justifier l’existence de profits.

La dernière fraction du profit est distribuée aux actionnaires de l’entreprise sociétaire ou conservée par le propriétaire de l’entreprise individuelle. La part des actionnaires est, en règle générale, le résultat d’un arbitrage opéré entre des intérêts divergents: ceux des détenteurs d’actions (sensibles à l’importance du dividende) et ceux des dirigeants de l’entreprise (sensibles à l’importance de l’autofinancement et des réserves). Ces intérêts se rejoignent pourtant, lorsque le système fiscal existant fait de l’autofinancement une voie privilégiée d’évasion fiscale. Une partie du profit peut enfin échoir aux travailleurs dans la mesure où existe un système de partage des bénéfices entre les salariés de l’entreprise.

Méthodes de mesure

La mesure statistique du profit s’obtient à partir des comptabilités d’entreprises. Elle est rendue délicate par la variation de valeur de l’unité monétaire, la non-sincérité des comptes et l’hétérogénéité internationale des systèmes comptables.

Toute évaluation du profit doit donc être opérée avec beaucoup de précaution en précisant, cas par cas, les corrections apportées aux données examinées.

Le profit peut être mesuré de façon absolue ou en termes de taux. Dans ce dernier cas, il constitue alors une appréciation de la rentabilité de l’entreprise.

Si l’on désigne par V le revenu des ventes, par C les dépenses ordinaires de gestion, par A les dépenses d’amortissement, le profit P est égal à:

Il est possible d’affiner l’évaluation des coûts en tenant compte d’un coût d’opportunité, c’est-à-dire de la recette additionnelle perdue en raison du non-emploi du capital dans un usage alternatif plus rentable. On appellera i le coût d’opportunité supporté par unité de capital utilisé (K). On aura:

Ces expressions permettent de déterminer de nombreux ratios. Les deux rapports:

sont le plus fréquemment utilisés.

profit [ prɔfi ] n. m.
• 1120; var. a. fr. proufit, pourfit; lat. profectus, de proficere « progresser »
1Augmentation des biens que l'on possède ou amélioration de situation qui résulte d'une activité. avantage, bénéfice. Profit matériel; intellectuel, moral. enrichissement. Profit inattendu, inespéré. aubaine, chance. Il ne cherche que son profit. Source de profit (cf. fam. Vache à lait). « Il ne peut y avoir que profit dans une entente, que préjudice dans un conflit » (A. Gide). Il a redoublé sa classe sans aucun profit.
Loc. Il y a (du) profit à (telle chose, faire telle chose). PROV. Quand on en a l'honneur on en a aussi le profit (à propos d'une calomnie). — FAIRE SON PROFIT DE (qqch.),l'utiliser, l'employer à son avantage. « Cette fois, il fit son profit de ce qu'il entendait » (Sand). — TIRER PROFIT DE (qqch.),en faire résulter qqch. de bon pour soi. ⇒ exploiter, profiter, utiliser (cf. Tirer parti, faire valoir). « Le bon maître tire profit des leçons qu'il donne » (Duhamel). Tirer profit de ses lectures. — METTRE À PROFIT : utiliser de manière à tirer tous les avantages possibles. « Mets à profit ta jeunesse pour apprendre » (Stendhal). Elle pourra mettre à profit ses connaissances dans son nouveau métier.
♢ AU PROFIT DE (qqn, qqch.) :de sorte que la chose en question profite à. Gala donné au profit des handicapés (cf. À l'intention, au bénéfice de). En agissant pour le bien, l'intérêt de qqn. Trahir qqn au profit d'un ami. Fig. Au profit de la démocratie.
Fam. Faire du profit, beaucoup de profit : être d'un usage économique. ⇒ durer, servir. On peut dire que ce manteau t'aura fait du profit !
2Cour. Un, des profits. Gain, avantage pécuniaire que l'on retire d'une chose ou d'une activité. bénéfice. Profits illicites. Faire de petits profits. fam. gratte (cf. Faire sa pelote). Loc. Il n'y a pas de petits profits (d'une personne mesquinement intéressée). — Profits tirés d'un capital, d'une terre. intérêt. Profits usuraires.
Comptab. Excédent des recettes sur les charges. bénéfice. Compte de pertes et profits. résultat. Loc. Passer qqch. par profits et pertes. Être à profit : laisser un profit.
3Écon. LE PROFIT : ce que rapporte une activité économique, en plus du salaire du travail (rémunération du risque, revenu de l'exploitation, etc.). ⇒ plus-value. « Le profit [selon Marx], c'est une quantité de travail non payé » ( Ch. Gide). Un, des profits. Réaliser d'importants profits.
⊗ CONTR. Désavantage, détriment, dommage, perte, préjudice.

profit nom masculin (latin profectus, de proficere, progresser) Gain réalisé sur une opération ou dans l'exercice d'une activité : Cette entreprise a réalisé des profits importants. Avantage, bénéfice intellectuel ou moral : Son séjour à Londres lui a été d'un grand profit.profit (expressions) nom masculin (latin profectus, de proficere, progresser) Au profit de quelqu'un, de quelque chose, dans leur intérêt, à leur bénéfice. Familier. Faire du profit (à quelqu'un), être d'un usage très économique : Ce pull t'aura fait du profit. Faire son profit de quelque chose, en profiter, en tirer un avantage, un bénéfice. Mettre à profit quelque chose, l'employer utilement, à son avantage, en tirer parti. Profit brut, total des gains réalisés. Profit net, différence entre le profit brut et le total des sommes décaissées pour la réalisation de l'opération ou l'exercice de l'activité. Tirer profit de quelque chose, en tirer un avantage, un bénéfice ; exploiter à son avantage quelque chose. ● profit (synonymes) nom masculin (latin profectus, de proficere, progresser) Gain réalisé sur une opération ou dans l'exercice d'une activité
Synonymes :
- bénéfice
Contraires :
- déficit
- désavantage
Avantage, bénéfice intellectuel ou moral
Synonymes :
- intérêt
- utilité
Contraires :
- préjudice

profit
n. m.
d1./d Gain, bénéfice. Profits illicites.
|| FIN Compte de pertes et profits: document comptable sur lequel on reporte le résultat d'exploitation, les opérations déficitaires ou bénéficiaires exceptionnelles (moins-values ou plus-values, par ex.), et l'impôt sur les bénéfices.
d2./d ECON Pour une entreprise, bénéfice correspondant à la différence entre le prix de vente et le prix de revient tous frais payés.
d3./d Avantage matériel ou moral que l'on retire de (qqch). Il a tiré profit de mes conseils.
Mettre qqch à profit, l'utiliser au mieux.
Faire du profit: être d'un usage économique.
Faire son profit de qqch, en tirer un avantage.
Au profit de: pour procurer des avantages à.

⇒PROFIT, subst. masc.
A. —Avantage d'ordre matériel, intellectuel ou moral qu'une personne ou une collectivité peut tirer de quelque chose. Profit énorme, quelconque; le plus clair profit; avec profit; sans utilité ni profit; part d'un profit; recherche du, source de profit; trouver plaisir et profit (à qqc.); retenir ni profit ni dommage. Nous méditerons le matin, au moment de notre réveil, les plans qu'il nous faudra suivre, pour que le travail du jour nous rende des profits considérables (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p.361). Ma grand'mère, à qui j'avais raconté mon entrevue avec Elstir et qui se réjouissait de tout le profit intellectuel que je pouvais tirer de son amitié (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.830):
1. Indifférent aux théories, étranger à toute philosophie, ce qui ne sert pas ses projets lui est indifférent. Même dans la mécanique, où il est sur son terrain, il rejette ce qu'il ne juge pas d'un profit immédiat, comme les bateaux et les voitures à vapeur.
A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.342.
Petits profits. Amasser de petits profits. Fini pour lui de sonner les cloches et de creuser les tombes, finis les petits profits qui s'attachaient à ces emplois (QUEFFELEC, Recteur, 1944, p.78).
Expressions
Il y a (du) profit à (telle chose, faire telle chose); avoir profit à; avoir le profit de (qqc.); être de profit à qqn (vieilli); c'est tout profit. Vous auriez profit de temps et de fatigue à revenir prendre à Clermont le chemin de fer pour Châteauroux (SAND, Corresp., t.5, 1866, p.118). Voici venir le médecin (...) C'est un vieux voisin à qui j'ai été de peu de profit, mais que j'aime beaucoup (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p.464):
2. Ce sont des désirs naturels, et, lorsque l'âme jeune y aura résisté assez longtemps pour y prendre des droits de fierté, son soin doit être de les faire taire, ou d'en profiter, car il y a profit aux désirs, et profit au rassasiement des désirs...
GIDE, Journal, 1894, p.53.
Faire du profit. Être d'un usage économique, de bon rendement, avantageux. Cette sorte de bois à brûler fait beaucoup de profit (Ac. 1935).
Faire (son) profit de qqc. Tirer avantage, bénéfice de quelque chose. Ce qui existait pour lui [Flaubert], c'était cet ensemble de prétentions, de tics, de manies, c'était cette attitude qui, chez un homme d'abord, nous frappe et dont un La Bruyère fait son profit (MAURIAC, Trois gds hommes dev. Dieu, 1947, p.150).
Mettre (qqc.) à profit. Utiliser (quelque chose) de façon à en tirer le meilleur avantage. L'abbé Dubignon (...) voulut mettre à profit pour son salut le peu de moments qui lui restaient encore (MÉRIMÉE, A. Guillot, 1847, p.145). Aussi, mettant à profit l'instant favorable, elle conta (...) la détresse de la mère et du fils (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p.94).
Tirer profit de (qqc.). Exploiter le plus avantageusement possible (quelque chose). Synon. profiter. Tirer profit du malheur d'autrui; d'une leçon. On souhaiterait parfois qu'un auteur, qu'un artiste puisse revenir sur terre, pour reconnaître et tirer profit de ses erreurs (GIDE, Journal, 1929, p.905):
3. Même si la guerre ne visait pas la conquête d'abord, c'est à une conquête qu'elle aboutit, tant le vainqueur juge commode de s'approprier les terres du vaincu, et même les populations, pour tirer profit de leur travail.
BERGSON, Deux sources, 1932, p.294.
Au profit de. Au bénéfice de. Ajouter, commettre, déshériter, diminuer, exploiter, gagner, liquider, organiser, prélever, prononcer, ruiner, sacrifier, tourner, utiliser, vendre au profit de. [La rente viagère] peut être constituée au profit d'un tiers, quoique le prix en soit fourni par une autre personne (Code civil, 1804, art. 1973, p.355). La pitié est rabaissée ici, non point au profit de l'inhumanité, mais au profit de l'humanité guidée par la raison, parce que la raison seule «nous permet de porter secours à autrui avec certitude» (BENDA, Trahis. clercs, 1927, p.175). Quoique les médecins, les éducateurs et les hygiénistes appliquent avec désintéressement leurs efforts au profit des êtres humains, ils n'atteignent pas leur but, car ils visent des schémas qui ne contiennent qu'une partie de la réalité (CARREL, L'Homme, 1935, p.30).
DR. Adjuger le profit du défaut. ,,Statuer par suite du défaut en faveur du demandeur`` (ROB., s.v. défaut).
Loc. proverbiale. Plus de profit et moins d'honneur. ,,Mieux vaut chercher des avantages réels que des satisfactions d'amour-propre ou l'approbation des autres`` (REY-CHANTR. Expr. 1979).
B. —1. Lang. cour. Gain en argent que l'on retire d'une chose ou d'une activité. Profit additionnel, foncier, illicite, industriel, usuraire; gros profits; argent et profit; procurer un profit. L'aubaine connue sous les noms de fermage, rente, intérêt, se paye tous les ans; les loyers courent à la semaine, au mois, à l'année; les profits et bénéfices ont lieu autant de fois que l'échange (PROUDHON, Propriété, 1840, p.247). Il y but [au café] (...) une franche bouteille de ce précieux vin français que le noble poète avait tant aimé et, dit-on, un peu vendu non sans profit (VERLAINE, OEuvres compl., t.4, Mes hôp., 1891, p.337). Une petite courtisane (...) au sourire d'une grâce angélique sauf quand elle (...) supputait le profit, guettait l'argent et poussait l'enchère (ARNOUX, Seigneur, 1955, p.20).
2. Spécialement
a) COMPTAB. Ce qui reste des recettes tous frais déduits. Profit brut, net. La vente des chiots est un profit presque net (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p.1029).
Compte de profits et pertes. ,,Le Compte Profits et Pertes relatif à une période donnée récapitule toutes les recettes et toutes les dépenses faites pendant cette période`` (LEMEUNIER 1969).
Au fig. Mettre, passer au compte des profits et pertes; passer par profits et pertes. Considérer comme définitivement perdu:
4. Elle ajouta cependant: —Et... l'enfant? —Quel enfant? —Le... le nôtre. —Ah! c'est vrai. Eh! mais tu le passeras aux profits et pertes. Je suis même sûr que le cheikh Admed trouvera qu'il lui ressemble. —Tu as toujours le mot pour rire, —fit-elle, souriant et pleurant à demi.
BENOIT, Atlant., 1919, p.219.
Être à profit. [En parlant d'une chose] Rapporter un bénéfice. Pourtant, la comptabilité seule établissait la situation, indiquant ceux des produits qui étaient à profit, ceux qui étaient à perte; en outre, elle donnait le prix de revient et par conséquent de vente (ZOLA, Terre, 1887, p.156).
b) ÉCON. POL. Revenu résiduel résultant de la différence existant entre les dépenses occasionnées par la production ou la vente de biens et services et les recettes obtenues par l'entreprise. Définition, théorie du profit; profit global, social; profits de conjoncture, de croissance, de structure, de transfert. Je m'étais demandé quels étaient les ressorts qui, dans l'économie communiste, pouvaient (...) remplacer le désir du profit, grand moteur de l'économie capitaliste (MAUROIS, Mes songes, 1933, p.56). Vous avez appelé les peuples au Profit comme vous les appelez maintenant aux armes (BERNANOS, Enf. humil., 1948, p.253):
5. Le capitalisme des monopoles contrôlé par les programmes publics laisse voir, au milieu d'une confusion e.trême, quelques signes d'un profit fonctionnellement discuté. La part des profits de monopole et de puissance demeure considérable. Toutefois, plusieurs circonstances modèlent le profit tout autrement qu'il ne l'était dans la seconde moitié du XIXe siècle.
PERROUX, Écon. XXes., 1964, p.461.
3. Au plur. Gratifications en argent ou en nature accordées aux domestiques. J'ai été bien saisi en tirant de là [d'un grand sac] des becs de pie, des têtes de vipères (...) des queues d'écureuils (...) des queues de mulots. Ce sont les petits profits des gardes forestières; on leur donne tant par tête ou par queue de bête malfaisante (A. DAUDET, R. Helmont, 1874, p.92).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) 1re moit. XIIes. prufit «avantage» (Psautier Cambridge, 29, 10 ds T.-L.); XIIIes. «avantage d'ordre intellectuel ou moral» (Isopet de Lyon, 2, ibid.); b) 1316 au profit de (RUNK.); c) av. 1492 à prouffit «utilement» (JEAN MOLINET, Chroniques, éd. G. Doutrepont et O. Jodogne, t.1, p.448); d) 1509-10 de tout faut faire son prouffit (GRINGORE, La Chasse du cerf des cerfs, éd. C. d'Héricault et A. de Montaiglon, I, p.163); 1678 faire son profit de «disposer librement de» (LA FONTAINE, Fables, VIII, 7, 24); e) 1606 tourner à son profit (NICOT); f) 1640 mettre tout à profit (OUDIN, Curiositez, 457); g) 1690 faire du profit et profit du défaut (FUR.); 2. a) 1160-74 profiet «revenu, avantage pécuniaire» (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 4255); 1617 subst. masc. plur. «petites gratifications données aux domestiques» (CRESPIN); b) 1694 profit aventureux (CORNEILLE); c) 1832 profits et pertes (RAYMOND); 1933 profit net (MARTIN DU G., loc. cit.); 1936 profit brut (CAP.); 3. 1926 écon. pol. (PERROUX, Le Problème du profit ds ROMEUF 1958). Du lat. profectus «avancement, progrès», «succès, profit», «amélioration», on trouvait en a. fr. la forme pourfit (v. GDF., T.-L.) refaite en proufit, profit d'apr. le lat. Fréq. abs. littér.:3321. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 5671, b) 3175; XXes.: a) 3675, b) 5373. Bbg. GOHIN 1903, p.346. —WIND 1928, p.40.

profit [pʀɔfi] n. m.
ÉTYM. V. 1155; prufit, 1120; var. proufit, pourfit (XIIe-XIIIe); du lat. profectus, de proficere « progresser ».
1 Augmentation de l'avoir, des biens, ou amélioration d'état, de situation… qui résulte ou peut résulter d'une chose, d'une activité. Acquêt, avantage, bénéfice, 2. bien, 1. fruit, gain. || Profit matériel; intellectuel, moral. Enrichissement. || Profit pécuniaire (→ Conscience, cit. 19; et aussi ci-dessous 2.). || Profit ou dommage (→ Blâme, cit. 5); profit ou préjudice. || Part d'un profit. Parti (→ aussi Une part du gâteau; pied, taf [argot]). || Profit obtenu aux dépens de qqn, extorqué à qqn.Recherche du profit. Lucre. || C'est un homme intéressé, il ne cherche que son profit. || Faire qqch. pour le profit, pour son profit et non pour le plaisir (→ Hobereau, cit. 2). || Se donner du mal pour le profit d'autrui (→ Tirer les marrons du feu).Source de profit (→ fig. et fam. Vache à lait). — ☑ Loc. prov. Plus de profit et moins d'honneur.
1 (…) les hommes n'ayant guère à choisir qu'entre la sottise et la folie, où je ne vois point de profit je veux au moins du plaisir (…)
Beaumarchais, le Barbier de Séville, II, 5.
2 (…) il ne peut y avoir que profit dans une entente, que préjudice dans un conflit.
Gide, Journal, 1918, Feuillets, II.
Il y a du profit, profit à (telle chose, faire telle chose). → Dissemblance, cit. 2. || C'est tout profit.Avoir le profit de (qqch.). → Nez, cit. 20. || Il en a tout le profit.
3 Ah ! ce n'est pas toujours profit que d'être un mauvais sujet !
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Rideau cramoisi », p. 29.
Loc. (XVIe). Faire (son) profit de… (qqch.). Utiliser, employer à son avantage. → Lopin, cit. 1. || Faire profit de… : tirer un bénéfice.(Au sens moral). || Faire profit d'une leçon (cit. 2), faire son profit d'une conversation, d'un exemple (→ Expérience, cit. 28), d'une nouvelle (→ Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd). || Faites-en votre profit : tirez-en les conséquences pour vous-même.
4 (…) François comprit enfin tout le malheur de son état, et, cette fois, il fit son profit de ce qu'il entendait avec plus de raison qu'on ne lui en eût jamais supposé.
G. Sand, François le Champi, III.
Tirer profit de (qqch.), en faire résulter qqch. de bon, d'avantageux pour soi. Exploiter, profiter, utiliser; parti (tirer), valoir (faire). → Escient, cit. 1; hôpital, cit. 1; pauvre, cit. 14; pègre, cit. 2 (→ Faire ses choux gras de…, trouver son compte à…). || Tirer profit de sa beauté (→ Faire métier de…) || Tirer double profit d'une affaire (→ Tirer d'un sac deux moutures, faire d'une pierre deux coups). || Tirer profit de la ruine de qqn ( Opime : dépouilles opimes), du malheur d'autrui ( Spéculer [sur]), du désordre (→ Pêcher en eau trouble). || Abandonner qqn après avoir tiré profit de son travail (→ Presser l'orange et jeter l'écorce).(Sens moral). || Tirer profit d'une lecture, de ses études (en faisant des progrès).
5 Le bon maître tire profit des leçons qu'il donne.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, VI, VI.
Mettre… à profit : employer, utiliser de manière à tirer tous les avantages possibles. || Mettre à profit chaque instant, le temps qui reste.REM. Tourner à profit (→ Admettre, cit. 15) est littéraire.
6 Une nuit que chacun s'occupait au sommeil
Et mettait à profit l'absence du soleil (…)
La Fontaine, Fables, VIII, 11.
7 (…) songe que dans ce monde nous n'avons jamais le bonheur parfait et mets à profit ta jeunesse, pour apprendre (…)
Stendhal, Souvenirs d'égotisme, éd. Charpentier, p. 135.
Loc. (1534). Vx. À profit de ménage : d'une manière utile, avantageuse.
(XIIIe). Au profit de (qqn, qqch.) : de sorte que la chose en question profite à… (→ Avantage, cit. 30). || Les biens sont confisqués au profit des juges (→ Inquisition, cit. 1). || Fête donnée au profit d'œuvres, au profit des orphelins… Bénéfice (au), intention (à l'). → Patronage, cit. 2. — Par ext. En agissant, en travaillant pour le bien, l'intérêt de qqn. Faveur (en). || Trahir qqn au profit de… (→ Espionnage, cit. 4). — ☑ Fig. Tourner au profit de…, à l'avantage de… (→ Démocratie, cit. 5).
8 Te voilà noyé dans les quittances, les mémoires et toutes ces vilaines choses qui ne sont bonnes que quand on les fait à son profit.
Sainte-Beuve, Correspondance, 10, 14 sept. 1822.
(1690). Fam. Utilité; services que l'on peut tirer d'une chose (en compl. du v. faire).Faire du profit, beaucoup de profit : être d'un usage économique. Durer, servir.
Dr. || Profit de défaut (supra cit. 14).
2 (V. 1360). Cour. (Au sing. ou au plur.). Gain, avantage pécuniaire que l'on retire d'une chose ou d'une activité. Gain; bénéfice, revenu. || Profits d'un travail, d'un office, d'un emploi… Salaire; casuel, émolument, prébende, traitement || Profits illicites (→ Tour de bâton). aussi Resquille, trafic. || Faire de petits profits. Gratte (fam.), pelote (faire sa). — ☑ Loc. plais. Il n'y a pas de petits profits : les bénéfices même petits ont leur valeur.Profits tirés d'un capital, d'une terre. Intérêt. || Profits usuraires. Usure. || Profit éventuel d'une affaire. Revenant-bon. || Procurer un profit. Produire.
Comptab. Excédent des recettes sur les frais. || Profits et pertes.Loc. Passer qqch. par profits et pertes. || Profit d'exploitation, profit brut, net… Bénéfice.Être à profit : laisser un profit.
9 (…) la comptabilité seule établissait la situation, indiquait ceux des produits qui étaient à profit, ceux qui étaient à perte; en outre, elle donnait le prix de revient et par conséquent de vente.
Zola, la Terre, II, V.
3 a Au sing. || Le profit : ce que rapporte une activité économique, en plus du salaire du travail (rémunération du risque, revenu de l'exploitation, etc.). || Théories, définitions du profit. || Selon Schumpeter, le profit est un excédent sur le coût. || Profit global, social (en économie collectiviste). || La loi du profit, base de l'entreprise privée. || Recherche du profit. || Source, origine du profit : le profit considéré comme le salaire de l'entrepreneur (Adam Smith), la rémunération du travail de direction et l'intérêt du capital (Stuart Mill), une prime de risque… || Le profit, quantité de travail non payé, selon Marx (→ Capitaliste, cit. 3). || Coopérative (cit. 2) qui a pour but d'abolir le profit.
10 Le profit (selon Marx) est alors un revenu d'exploitation, plus précisément de « l'exploitation de l'homme par l'homme », revenu non gagné (…) de caractère institutionnel (…) Parmi les thèses apparentées à celles de l'exploitation, on mentionnera aussi celle du prélèvement de Charles Gide… (pour Knight) le profit rémunère l'incertitude, c'est-à-dire le risque non assurable que représentent les changements inhérents à la vie économique… (pour Schumpeter) le profit découle de la mise en œuvre de nouvelles combinaisons de facteurs de production (…)
P. Dieterlen, in Romeuf, Dict. des sciences économiques, art. Profit.
b (Un, des profits). || Profits individuels d'une entreprise, d'une société. || Réaliser d'importants profits. || Profits de structure, de croissance, de transfert (obtenus au détriment de qqn). || Niveler les profits (→ Égaliser, cit. 2).
4 (1617). Au plur. Vx. Petites gratifications.
CONTR. Désavantage, dommage, perte, préjudice.
DÉR. Profiter, profiterole.
COMP. Surprofit.

Encyclopédie Universelle. 2012.