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grandeur

grandeur [ grɑ̃dɶr ] n. f.
• mil. XIIe; de grand
I(Sens absolu)
1Vx Caractère de ce qui est de grande taille, de grande dimension.
Mod. Loc. Regarder qqn du haut de sa grandeur, de haut en bas, avec un air de supériorité, de dédain.
2(XIIe) Caractère de ce qui est grand, important. ampleur, étendue, immensité, importance. La grandeur de la faute. énormité, gravité. Il est saisi « par la grandeur et l'imminence des dangers » (Romains).
3Importance sociale, politique (d'une personne). gloire, 2. pouvoir, puissance. Air de grandeur. majesté. Du temps de sa grandeur. fortune, prospérité, splendeur. Grandeur d'un État. « Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence », œuvre de Montesquieu (1734). « La vraie grandeur ignore les offenses des petits » (F. Mauriac).
Titre honorifique employé autrefois pour tous les grands seigneurs, et récemment encore pour les évêques. Votre Grandeur.
Littér. Les grandeurs. dignité, distinction, honneur. L'éclat des grandeurs. Avoir le goût, l'amour des grandeurs. Cour. Il a la folie des grandeurs.
4 ♦ ⇒ élévation, noblesse. Grandeur et misère de l'homme selon Pascal.
GRANDEUR D'ÂME. générosité, magnanimité.
II(Sens relatif)
1Qualité de ce qui est plus ou moins grand, de ce qui peut devenir plus grand et plus petit. dimension, étendue, taille. De la grandeur d'une main. Choses d'égale grandeur. format. Un certain ordre de grandeur, une valeur approximative. Dans un autre ordre de grandeur. Grandeur d'un phénomène. amplitude.
2Loc. adj. GRANDEUR NATURE : aux dimensions réelles; qui est représenté ni plus grand ni plus petit que nature. Portrait, statue grandeur nature. « un cœur grandeur nature avec une flèche » (Giraudoux).
Loc. adv. EN VRAIE GRANDEUR : dans des circonstances réelles, et non provoquées. Réaliser une expérience en vraie grandeur.
3(XVIIe) Astron. Unité de mesure de l'éclat des étoiles. magnitude. Étoile de première grandeur, la plus brillante.
III(v. 1650) Sc. Ce qui est susceptible de variation et peut être calculé, évalué ou mesuré. variable; quantité. Grandeur repérable, mesurable. valeur. Définition, mesure d'une grandeur. Échelle des grandeurs. ⊗ CONTR. Exiguïté, petitesse. Faiblesse, médiocrité. Décadence, misère. Bassesse, mesquinerie.

Grandeur propriété physique à laquelle on peut faire correspondre une valeur numérique.

grandeur
n. f.
d1./d Caractère de ce qui est grand dans les diverses dimensions. La grandeur d'un palais.
Loc. fig. Regarder qqn du haut de sa grandeur, avec dédain.
|| (Québec) Taille, hauteur (d'une personne). Elle est à peu près de ma grandeur.
Pointure, dimensions normalisées d'un vêtement, d'une chaussure. Robe, grandeur 14 ans.
Loc. à la grandeur de: sur toute la surface de. Artiste connue à la grandeur du Canada.
d2./d Importance. Grandeur d'un forfait.
d3./d Importance dans la société, puissance.
|| Loc. La folie des grandeurs: une ambition démesurée.
|| (Acadie) Parler à la grandeur, en grandeur, avec des mots recherchés.
d4./d Dignité, noblesse morale, élévation. Grandeur d'âme.
"Servitude et grandeur militaires", d'Alfred de Vigny (1835).
d5./d Loc. Grandeur nature: aux dimensions réelles. Un portrait grandeur nature.
d6./d MATH Tout ce à quoi on peut affecter une valeur, dans un système d'unités de mesure.
|| Grandeur scalaire.
|| Grandeur vectorielle.
d7./d PHYS Grandeur périodique, dont la valeur ne change pas si l'on ajoute à la valeur de la variable celle de la période.
d8./d ASTRO étoile de première grandeur, très brillante (de magnitude inférieure à 1,3).

⇒GRANDEUR, subst. fém.
I. — [Correspond à grand I]
A. — Caractère de ce qui est grand par ses dimensions, de ce qui dépasse la norme ou la mesure ordinaire. La grandeur de Goliath (DG). Ce sobriquet de Carlone était caractéristique (...). On sait que la terminaison en one exprime la grandeur et la grosseur (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 194) :
1. ... la solidité et on dirait presque la sincérité des monuments éclate encore mieux par leur grandeur et par leur masse; c'est pourquoi on peut aller jusqu'à dire que la beauté architecturale dépend beaucoup de la masse dressée. C'est presque la seule beauté des pyramides, et l'on dit que ce n'est pas peu...
ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 175.
Loc. adv. Du haut de sa grandeur. D'une façon hautaine, avec un air de supériorité. Regarder qqn du haut de sa grandeur. Le beau Mistral, fier comme le roi David, lui disait [à la vieille] du haut de sa grandeur : « Laissez, laissez, la mère... les poètes, tout leur est permis... » (A. DAUDET, Trente ans Paris, 1888, p. 175).
B. — 1. Caractère de ce qui est susceptible de varier en taille ou en importance et qui, de ce fait, se prête aux mesures. Synon. taille, proportions, importance. La grandeur d'un logis, d'un bois, d'un étang, d'un parc (Ac.). La distance diminue la grandeur des objets : les esprits inférieurs n'ont jamais été frappés par les hommes de génie (STAËL, Lettres jeun., 1786, p. 94). Des expériences de Köhler ont montré que dans la perception des grandeurs, l'interprétation de la distance est une fonction très primitive (RUYER, Conscience, 1937, p. 76).
Ordre de grandeur. La vie est microscopique, et tous les processus qui la caractérisent se déroulent dans un monde dont l'ordre de grandeur est le millième de millimètre (J. ROSTAND, La Vie et ses probl., 1939, p. 17).
Loc. Grandeur nature. ,,Se dit en art de toute imitation, d'un être ou d'un objet reproduit dans ses dimensions réelles`` (ADELINE, Lex. termes art, 1884). Il ne lui restait pour toute fortune que le portrait en pied, grandeur nature, de la belle Esther, grand'mère d'Alexis, peint par son mari (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 100). Grandeur naturelle. Même sens. La statue est en bois, de grandeur naturelle (VERLAINE, Œuvres compl., t. 2, Amour, 1888, p. 25). Grandeur d'exécution. ,,Se dit des modèles de sculpture, plans et dessins d'architecture ou de mécanique représentant des objets dans la vraie dimension où ils doivent être exécutés`` (ADELINE, Lex. termes art, 1884). Le dessinateur chromiste travaille toujours d'après une maquette grandeur d'exécution du modèle à reproduire (CHELET, Lithogr., 1933, p. 67).
2. En partic.
a) Aspect mesurable de quelque chose. La longueur, le volume sont des grandeurs; grandeur variable; grandeur scalaire, vectorielle. Les grandeurs géométriques (TAINE, Intellig., t. 2, 1870, p. 344). On peut faire tourner une droite jusqu'à ce qu'elle revienne à sa première position; ce demi-tour est une grandeur de rotation toujours égale à elle-même (ALAIN, Propos, 1922, p. 355) :
2. ... une grandeur continue quelconque comporte une expression numérique aussi approchée qu'on le veut, puisqu'elle tombe nécessairement entre deux grandeurs susceptibles d'une expression numérique exacte, et dont la différence peut être rendue aussi petite qu'on le veut.
COURNOT, Fond. connais., 1851, p. 287.
b) Quantité qui mesure (l'intensité d'un phénomène). MM. Renaux et Bonpain ont imaginé un appareil (...) qui transmet en vraie grandeur les variations du niveau [d'eau de la chaudière] (SER, Phys. industr., 1890, p. 154). La vitesse avec laquelle il [le papier filtre] rosit, fournit une indication de la grandeur d'émission d'eau (PLANTEFOL, Bot. et biol. végét., t. 1, 1931, p. 233).
ASTRON. Éclat relatif des étoiles. Synon. magnitude. Étoile de première, de deuxième grandeur; échelle des grandeurs. Les plus faibles étoiles visibles à l'œil nu sont de sixième grandeur (MULLER 1966).
P. métaph., loc. adj. De première grandeur. De première, de haute importance. C'est assez dire que je ne considère pas tes démêlés avec ta femme comme des événements de première grandeur et que tes variations d'humeur ne dérangeront pas le cours de ma vie (AYMÉ, Quatre vérités, 1954, p. 130).
C. — P. ext. Caractère de ce qui est important par la quantité, le nombre, la portée. Le roi [Louis XVI] entrait alors dans la royauté comme dans un temple, avec tremblement, avec une sorte d'horreur sacrée devant la grandeur de ses devoirs (GONCOURT, Journal, 1864, p. 63). C'est dans la grandeur croissante des armements que je me flatte de découvrir un lointain présage de paix universelle (A. FRANCE, Opinions J. Coignard, 1893, p. 180) :
3. ... il demeure bien constant que les sommes absorbées par les dépenses de l'État sont une cause continuelle d'appauvrissement, et que par conséquent la grandeur des revenus nécessaires pour faire face à ces dépenses, est un mal sous le rapport économique. Mais s'il est visible que la grandeur de ces revenus est nuisible à la richesse nationale, il n'est pas moins manifeste qu'elle est encore plus funeste à la liberté politique, parce qu'elle met dans les mains des gouvernants de grands moyens de corruption et d'oppression.
DESTUTT DE TR., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 244.
II. — [Correspond à grand II]
A. — 1. Éclat prestigieux qui résulte de la puissance, l'autorité, la gloire. Grandeur d'un État, d'un règne, d'un roi; la grandeur de Dieu. Il me paraissait beau (...) d'être l'officier d'Alfred de Vigny (...). J'avais lu passionnément Servitude et Grandeur militaires (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 436). Assurer la pleine et entière restauration de l'indépendance et de la grandeur de la France (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 194) :
4. ... la Philosophie de l'Histoire est peut-être le livre allemand écrit avec le plus de charme. On n'y trouve pas la même profondeur d'observations politiques que dans l'ouvrage de Montesquieu, sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains; mais comme Herder s'attachoit à pénétrer le génie des temps les plus reculés, peut-être que la qualité qu'il possédoit au suprême degré, l'imagination, servoit mieux que toute autre à les faire connoître.
STAËL, Allemagne, t. 3, 1810, p. 311.
2. Le plus souvent au plur. Pouvoir, dignités, honneurs qui appartiennent à ceux qui occupent un rang éminent dans la société. Méraut lui donnait des nouvelles de sa nièce, de sa vie à Saint-Mandé, lui apportait le reflet de ses grandeurs (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 202) :
5. La princesse de Silistrie jeta partout les hauts cris, se répandit sur les grandeurs de Saint-Loup, et clama que si Saint-Loup épousait la fille d'Odette et d'un juif, il n'y avait plus de faubourg Saint-Germain.
PROUST, Albertine disparue, 1922, p. 164.
P. méton. M. Viennet n'est pas de ceux qui se plaisent à attaquer les faibles et les grandeurs qui semblent en péril (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 12, 1866, p. 441).
PATHOL. Délire de grandeur. ,,Conviction délirante qu'un sujet se fait de sa propre importance, en croyant par exemple qu'il est extrêmement riche, puissant, d'origine royale, etc.`` (Méd. Biol. t. 2 1971) :
6. ... il [Nerval] écrit à Mme Alexandre Dumas qu'il s'est flatté d'être l'un des prophètes et voyants prédits par l'Apocalypse! Mais peut-être devrait-on rattacher le délire de grandeur à la déformation du précoce et tout normal désir de gloire.
DURRY, Nerval, 1956, p. 48.
Folie des grandeurs. ,,Synon. de mégalomanie`` (Méd. Biol. t. 2 1971). Une même folie des grandeurs déchaîne d'énormes caravansérails et des maisons bourgeoises, encombrées de sculptures économiques et tapageuses (BARRÈS, C. Baudoche, 1909, p. 8).
3. Titre honorifique donné autrefois à certains hauts personnages, en particulier aux évêques. Vous voilà monsignor, et de la Grandeur à l'Éminence il n'y a qu'un pas, et entre l'Éminence et la Sainteté il n'y a que la fumée d'un scrutin (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 67). La lettre de Sa Grandeur Monseigneur l'évêque de Tourcoing avait été rendue publique le 14 janvier (A. FRANCE, Anneau améth., 1899, p. 419).
B. — Domaine moral et intellectuel. Haut degré d'élévation, de noblesse. Grandeur morale, spirituelle; grandeur d'une idée, d'un idéal, d'une cause; caractère plein de grandeur. Ce qui fait la grandeur de l'homme, c'est qu'il préfère la vérité à lui-même (COUSIN, Hist. philos. mod., t. 2, 1847, p. 10). Il avait rendu sa grandeur à l'amour (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 275).
Grandeur d'âme. Magnanimité. Il surmonta par grandeur d'âme sa propre douleur pour soulager celle de ses amis (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 11).
C. — Domaine de l'art. Caractère noble, élevé, puissant (du style, de l'inspiration, etc.). Le beau et mâle tableau, cette Justice divine poursuivant le crime! quelle grandeur simple de composition! quelle sérénité pathétique (GONCOURT, Art XVIIIe s., t. 2, 1880, p. 416). À peine Michel-Ange et Raphaël sont-ils morts que déjà (...) la grandeur se mue en emphase, la tendresse en mièvrerie, (...) l'abondance en redondance (MAUCLAIR, De Watteau à Whistler, 1905, p. 120) :
7. Sa messe en si mineur [de J.S. Bach], ses oratorios de la passion selon Saint Mathieu et celle selon Saint Jean (...) sont des monuments musicaux d'une solidité inébranlable dans lesquels la grandeur du style, l'abondance de l'invention (...) seront toujours des modèles de pure beauté...
ROUGNON 1935, p. 312.
Prononc. et orth. : []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. a) 1155 « caractère de ce qui a des dimensions supérieures à la moyenne » (WACE, Brut, 1071 ds T.-L.); b) 1re moitié XIIe s. « puissance, splendeur (ici de Dieu) » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, 144, 5). B. ca 1165 « étendue, dimensions » (B. DE STE-MAURE, Troie, 2997 ds T.-L.). C. a) 1559 plur. « actions d'éclat » (AMYOT, Vies, Alex. le grand ds GDF. Compl.); b) 1640 « honneurs » (CORNEILLE, Cinna, IV, 3, v. 1261). Dér. de grand; suff. -eur1. Fréq. abs. littér. : 5 463. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 9 478, b) 6 787; XXe s. : a) 6 375, b) 7 674.

grandeur [gʀɑ̃dœʀ] n. f.
ÉTYM. 1155, var. grandor, grandur; de grand.
———
I (Sens absolu).
A (Concret; correspond à grand I.).
1 Vieilli. Caractère de ce qui est grand; grande taille, grande dimension (on emploie plutôt longueur, largeur, grosseur, etc.). || Animal ayant en partage la grandeur et la force (→ Aigle, cit. 1). || Sanglier d'une énorme (cit. 8) grandeur. || La grandeur d'une branche (cit. 4). Dimension.
1 (…) il faut lui accorder (à l'éléphant) au moins l'intelligence du castor, l'adresse du singe, le sentiment du chien, et y ajouter ensuite les avantages particuliers, uniques, de la force, de la grandeur et la longue durée de la vie (…)
Buffon, Hist. nat. des animaux, L'éléphant.
Loc. mod. Regarder qqn du haut de sa grandeur, de haut en bas, avec un air de supériorité, de dédain.
2 Vx. Longueur (temporelle).
2 (…) La Mousse est un peu effrayé de la grandeur du voyage (…)
Mme de Sévigné, 297, 11 juil. 1672.
B Caractère de ce qui est grand, important (correspond à grand, II.).
1 Importance. Ampleur, étendue. || La grandeur d'une entreprise (→ Entraînement, cit. 1), d'un projet. || La grandeur du crime. Énormité, gravité (→ Estimer, cit. 4). || Grandeur d'un sacrifice, d'un péril. || Grandeur des désirs. Intensité (→ Étendue, cit. 20).
3 (…) et le sien (son cœur) voit si peu
Dans ce profond respect la grandeur de mon feu !
Molière, le Dépit amoureux, IV, 2.
4 À mesure qu'il en parle, il est saisi, plus qu'il ne l'a été jamais, par la grandeur et l'imminence des dangers.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XXIII, p. 255.
2 (Av. 1150; d'abord en parlant de la puissance divine). Importance sociale et politique, pouvoir. Élévation, force, gloire, pouvoir, puissance. || La grandeur d'un roi (→ Apogée, cit. 2; appliquer, cit. 18; éclipser, cit. 1), d'un conquérant (→ Étendue, cit. 12). || La grandeur de Louis XIV (→ Animer, cit. 10; grand, cit. 37). || Heures de grandeur (→ Empire, cit. 14). || Grandeur de Bonaparte (→ Grand, cit. 53, Chateaubriand). || La fausse et la véritable grandeur (→ Badiner, cit. 6; courber, cit. 23, La Bruyère). || Être enivré (cit. 29) de sa grandeur. || « Ni l'or, ni la grandeur ne nous rendent heureux » (→ Divinité, cit. 6, La Fontaine). || « La grandeur est un songe » (Bossuet). || Air de grandeur. Majesté. || Rester simple au sein de la grandeur. || Faire la grandeur de qqn. Fortune, prospérité (→ Favori, cit. 9). || Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, roman de Balzac.Grandeur d'un État (cit. 142), d'une nation (→ Britannique, cit. 1), d'une cité (→ Épargner, cit. 6). || La grandeur romaine (→ Aspect, cit. 1). || Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, œuvre de Montesquieu (1734). || Vestiges de grandeur.Grandeur de Dieu.
5 Mais parce qu'en châtiant les hommes vous ne cherchez point précisément à faire éclater votre grandeur toute-puissante, et qu'il vous suffit de leur faire sentir les effets de votre grandeur souveraine (…)
Bourdaloue, Carême, Sur la paix chrétienne, II.
6 Voici, en un mot, l'histoire des Romains : ils vainquirent tous les peuples par leurs maximes; mais, lorsqu'ils y furent parvenus, leur république ne put subsister; il fallut changer de gouvernement, et des maximes contraires aux premières, employées dans ce gouvernement nouveau, firent tomber leur grandeur.
Montesquieu, Grandeur et décadence des Romains, XVIII.
7 (Le précepteur) amortit beaucoup mon admiration pour la grandeur, en me prouvant que ceux qui dominaient les autres n'étaient ni plus sages ni plus heureux qu'eux.
Rousseau, les Confessions, III.
8 Ainsi tout s'occupait de Rancé depuis le génie jusqu'à la grandeur, depuis Leibni(t)z jusqu'à madame de Maintenon.
Chateaubriand, Vie de Rancé, III, p. 197.
9 (…) la vraie grandeur des nations consiste dans leur travail, dans leur prospérité, dans le progrès régulier de leurs institutions libres; dans le développement de leur esprit, dans l'équilibre de leur conscience (…)
Fustel de Coulanges, Questions contemporaines, p. 58.
10 (…) il avait le sens de la grandeur et de la beauté (…)
Louis Bertrand, Louis XIV, II, IV.
11 (…) une poésie qui porta plus loin et plus haut que les étendards de ces princes la grandeur française, et fit naître dans l'Italie de Virgile et d'Ovide une gloire, une grandeur nouvelles, qui se réclament de la France.
Aragon, les Yeux d'Elsa, p. 88.
12 Carthage n'est plus que le nom de sa grandeur rayée du monde.
Malraux, les Voix du silence, p. 624.
12.1 La grandeur (…) Les adversaires du général de Gaulle en ont fait des gorges chaudes. Ils auraient dû être attentifs à ce que de Gaulle recouvre de ce mot : non des gestes ni des réactions de vanité ou d'amour-propre blessé, comme celles de quelques confrères devant la moindre impertinence de Bourguiba. La vraie grandeur ignore les offenses des petits. Elle ne s'écarte jamais d'une certaine idée de la France qui doit demeurer vivante parmi les peuples, mais considère qu'aucun calcul ne lui demeure interdit, pourvu qu'il ne soit ni bas dans son inspiration, ni criminel dans ses conséquences.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 246.
Emphatique ou iron. || Ma grandeur, sa grandeur… : le grand personnage que je suis, qu'il est…Par ext. Titre honorifique employé autrefois pour tous les grands seigneurs, et récemment encore pour les évêques (→ Authenticité, cit. 2). || Votre grandeur.
13 Jupiter dit un jour : « Que tout ce qui respire
S'en vienne comparaître au pied de ma grandeur. »
La Fontaine, Fables, I, 7.
14 Monseigneur, j'ai reçu avec une soumission aveugle les ordres qu'il a plu à Votre Grandeur (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 7.
15 Madame Magloire l'appelait volontiers Votre Grandeur. Un jour, il se leva de son fauteuil et alla à sa bibliothèque chercher un livre. Ce livre était sur un des rayons d'en haut. Comme l'évêque était d'assez petite taille, il ne put y atteindre. — Madame Magloire, dit-il, apportez-moi une chaise. Ma Grandeur ne va pas jusqu'à cette planche.
Hugo, les Misérables, I, I, IV.
3 (1640, Corneille; « action d'éclat », 1559). Plur. (Littér.). || Les grandeurs. Dignité, distinction, gloire, honneur, 1. pompe. || Avoir le goût, l'amour (cit. 46) des grandeurs. || Être esclave (cit. 19) des grandeurs. || Les soucis que donnent les grandeurs. || Naître au sein des grandeurs. || Tout l'éclat des grandeurs. || Mépriser les grandeurs de ce monde.
16 (…) le mépris du bien et des grandeurs frivoles
Ne doit point éclater dans vos seules paroles.
Molière, les Femmes savantes, V, 1.
17 Il avait toujours dit aux gens de Provins qu'ils servaient de marchepied aux grandeurs de la rusée madame Tiphaine.
Balzac, Pierrette, Pl., t. III, p. 772.
18 (…) aussi connaît-il parfaitement la politique et n'est-il presque jamais, comme Jaurès, ému des grandeurs qu'elle paraît conférer (…)
Ch. Péguy, la République…, p. 115.
Loc. cour. La folie des grandeurs. Mégalomanie.
4 Qualité, distinction particulière, dans l'ordre intellectuel, moral, spirituel.
19 Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit. La grandeur des gens d'esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces gens de chair. La grandeur de la sagesse, qui n'est nulle sinon de Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d'esprit. Ce sont trois ordres différents de genre (…) Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de Jésus-Christ, comme si cette bassesse était du même ordre, duquel est la grandeur qu'il venait faire paraître. Qu'on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa Passion, dans son obscurité, dans sa mort (…) on la verra si grande, qu'on n'aura pas sujet de se scandaliser d'une bassesse qui n'y est pas. Mais il y en a qui ne peuvent admirer que les grandeurs charnelles, comme s'il n'y en avait pas de spirituelles; et d'autres qui n'admirent que les spirituelles, comme s'il n'y en avait pas d'infiniment plus hautes dans la sagesse.
Pascal, Pensées, XII, 793.
Élévation, noblesse. || Grandeur et misère de l'homme selon Pascal (→ Argument, cit. 2; avantageux, cit. 2; bassesse, cit. 3; besogne, cit. 3; connaître, cit. 36; enseigner, cit. 15; faiblesse, cit. 15). || Être sensible, ouvert à la grandeur (→ Enflure, cit. 3; enivrer, cit. 10). || Vraie grandeur de l'homme (→ État, cit. 82; étioler, cit. 9). Mérite, valeur.
20 Pensée fait la grandeur de l'homme.
Pascal, Pensées, VI, 346.
21 « Tout l'univers apprend à l'homme ou qu'il est corrompu ou qu'il est racheté. Tout lui apprend sa grandeur ou sa misère. » Ces articles me semblent de grands sophismes. Pourquoi imaginer toujours que Dieu, en faisant l'homme, s'est appliqué à exprimer grandeur et misère ? quelle pitié !
Voltaire, Dernières remarques sur les Pensées de Pascal, LXXII.
22 (…) sa nature, toute composée de piété et d'humanité, tendait perpétuellement au sacrifice, et de faiblesse en faiblesse il ne devait plus retrouver de grandeur qu'en devenant un martyr.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 14 juil. 1851, t. IV, p. 339.
23 Tout cela était prononcé d'un accent humble, fier, désespéré et convaincu, qui donnait je ne sais quelle grandeur bizarre à cet étrange honnête homme.
Hugo, les Misérables, I, VI, II.
24 Quelle tentation, pour celui qui est grand dans un ordre, que d'estimer, que d'admirer, peut-être que d'aimer entre tous celui qui est le plus grand dans un autre ordre et le plus de tous peut-être celui qui est le plus grand dans l'ordre contraire. Polyeucte admire Sévère en homme qui s'y connaît; car sa grandeur chrétienne est fondée sur le dépassement et non sur l'ignorance de la grandeur païenne et de la sévérité antique.
Ch. Péguy, Note conjointe, p. 182.
25 La grandeur de l'homme fut toujours, est encore et sera jusqu'à la fin de notre temps de s'attaquer à des œuvres difficiles, à des œuvres sans espoir, de porter des fardeaux sans aucune récompense, de soigner des vieillards dont on sait bien qu'ils sont condamnés, de baiser les lépreux au visage, de regarder en face tout ce qui peut nous rappeler au sentiment de l'humilité originelle.
G. Duhamel, Manuel du protestataire, I.
Pensée pleine de grandeur (→ Contraster, cit. 1). Sublimité. || La grandeur d'un idéal, d'un acte, d'une vie… Beauté, héroïsme. || Servitude et Grandeur militaires, œuvre de Vigny (1835).
26 Ce n'est pas sans dessein que j'ai essayé de tourner les regards de l'Armée vers cette grandeur passive, qui repose dans l'abnégation et la résignation. Jamais elle ne peut être comparable en éclat à la Grandeur de l'action où se développent largement d'énergiques facultés (…)
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, III, X.
27 (…) en voyant ce couple si beau, l'homme et l'enfant, accomplir dans des conditions si poétiques, et avec tant de grâce unie à la force, un travail plein de grandeur et de solennité, je sentis une pitié profonde mêlée à un respect involontaire.
G. Sand, la Mare au diable, II.
28 Hélas, on voit encor les astres se lever (…)
Mais la grandeur des cœurs c'est ce qu'on ne voit plus.
Hugo, la Légende des siècles, XX, IV.
29 La défaite momentanée de l'idéal pacifiste ne pouvait en altérer la grandeur, ni en compromettre le triomphe.
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 26.
30 La grandeur d'un métier est peut-être, avant tout, d'unir des hommes. Il n'est qu'un luxe véritable et c'est celui des relations humaines.
A. Maurois, Études littéraires, Saint-Exupéry, I.
Loc. Grandeur d'âme. Générosité, magnanimité (→ Âme, cit. 59; 1. calcul, cit. 6; croire, cit. 43; filet, cit. 10, noirceur, cit. 14).
(Dans l'art). Beauté. || Tragédie, poème plein de grandeur (→ Éclat, cit. 35; fond, cit. 55). || Grandeur de l'inspiration, du style. Sublime. || Grandeur d'une toile de Rembrandt, de la Neuvième Symphonie de Beethoven. || Grandeur affectée, artificielle (→ Boursoufler, cit. 4; 1. faste, cit. 1).
31 À ces mots, je ne vous connais plus, — je vous connais encore, on se récria d'admiration; on n'avait jamais rien vu de si sublime : il n'y a pas dans Longin un seul exemple d'une pareille grandeur; ce sont ces traits qui ont mérité à Corneille le nom de grand (…)
Voltaire, Commentaires sur Corneille, Horace, II, 3.
32 C'est la fin de l'exhalaison lyrique. Le chant qui expire. Mais quelle largeur il a eue ! Donner une telle impression de grandeur par des moyens si simples.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XXII, p. 235.
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II (Sens relatif).
1 (V. 1265). Qualité de ce qui est plus ou moins grand, de ce qui peut devenir plus grand et plus petit. Dimension, étendue, taille. || De la grandeur d'une main. || D'une grandeur faible, infinie. || Choses d'égale grandeur (→ Cube, cit. 1), de la même grandeur (→ Égal, cit. 1). || Grandeur réelle et apparente des objets. || Grandeur qu'on apprécie, évalue. || Grandeur d'un phénomène. Amplitude. || De grandeur inégale (→ 1. Feu, cit. 62). || Des livres de toutes les grandeurs. Format.
REM. Le mot vieillit dans ce sens physique, quoique l'Académie écrive encore la grandeur d'un logis, d'un bois, d'un étang, d'un parc, d'une province. On ne peut plus dire comme le fait Littré « ces deux hommes sont de même grandeur » mais « ces deux hommes sont de la même taille. » → Stature, taille.
33 (…) elle me demande la grandeur de sa maison; je dis qu'elle est fort grande (…)
Mme de Sévigné, 1183, 8 juin 1689.
34 Mille toises ! s'écria le nain : juste ciel ! d'où peut-il savoir ma hauteur ? quoi ! cet atome m'a mesuré ! il est géomètre, il connaît ma grandeur; et moi… je ne connais pas encore la sienne !
Voltaire, Micromégas, VI.
35 On ne saurait apprendre à bien juger de l'étendue et de la grandeur des corps, qu'on n'apprenne à connaître aussi leurs figures et même à les imiter; car au fond cette imitation ne tient absolument qu'aux lois de la perspective (…)
Rousseau, Émile, II.
36 On dit (…) que deux objets sont du même ordre de grandeur s'ils sont mesurés usuellement avec la même unité, ou avec le même multiple ou sous-multiple de l'unité.
A. Lalande, Voc. de la philosophie, art. Grandeur.
Loc. Ordre de grandeur. Ordre.
Loc. adj. (Déb. XXe). Grandeur nature : aux dimensions réelles, en parlant de ce qui est représenté ni plus grand, ni plus petit que nature. « Une figure (cit. 7) est dite de grandeur nature quand elle est exécutée à la grandeur réelle » (Réau). || Portrait, statue grandeur nature. || Écolier dessinant une feuille de platane grandeur nature.
37 Un Américain veuf (…) lui avait offert cinquante dollars pour exécuter, d'après une photo décolorée, de la taille d'une carte de visite, un portrait en pied, grandeur nature, de Mrs Saxton (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 41.
38 (…) là où les tatoueurs s'obstinent à croire qu'est le cœur, juste au milieu du ventre, un cœur grandeur nature avec une flèche.
Giraudoux, Suzanne et le Pacifique, VIII.
2 (XVIIe). Astron. Unité de mesure de l'éclat des étoiles. Magnitude. || Étoiles de première grandeur, les plus brillantes.
39 (…) vous ne voyez pas avec vos petits yeux certaines étoiles de la cinquantième grandeur que j'aperçois très distinctement (…)
Voltaire, Micromégas, IV.
3 (V. 1650). Didact. (sc.). Ce qui est susceptible de variation. Variable; quantité. || Grandeur repérable, mesurable. Valeur. || Définition, mesure d'une grandeur. || Mesure des grandeurs. || L'arithmologie, science, selon Ampère, de la mesure des grandeurs. || Échelle (cit. 23) des grandeurs (→ Corps, cit. 15). || Grandeur variable. || Grandeur aléatoire.
40 (…) Les Mathématiciens définissent ordinairement la grandeur, ce qui est susceptible d'augmentation et de diminution (…) On peut, ce me semble, définir assez bien la grandeur, ce qui est composé de parties (…) La grandeur s'appelle aussi quantité, et sous cette idée on peut dire que la grandeur abstraite répond à la quantité discrète, et la grandeur concrète à la quantité continue.
d'Alembert, Encycl., art. Grandeur.
40.1 (…) autre notion fondamentale, celle de la grandeur mathématique. La trouvons-nous dans la nature, ou est-ce nous qui l'y introduisons ? Et, dans ce dernier cas, ne risquons-nous pas de tout fausser ? Comparant les données brutes de nos sens et ce concept extrêmement complexe et subtil que les mathématiciens appellent grandeur, nous sommes bien forcés de reconnaître une divergence; ce cadre où nous voulons tout faire rentrer, c'est donc nous qui l'avons fait; mais nous ne l'avons pas fait au hasard, nous l'avons fait pour ainsi dire sur mesure et c'est pour cela que nous pouvons y faire rentrer les faits sans dénaturer ce qu'ils ont d'essentiel.
H. Poincaré, la Science et l'Hypothèse, p. 4.
41 (…) le mot grandeur s'appliquera de façon générale à tout ce que l'on peut tenter de mesurer; ce sera une capacité calorifique, la dureté d'une substance, une vitesse, une différence de potentiel, un indice de réfraction, un pouvoir réfléchissant, une température, un intervalle de temps, aussi bien qu'une longueur ou une masse.
A. Pérard, les Mesures physiques, p. 8 (éd. P. U. F.).
CONTR. (Du sens I., B., 1.) Exiguïté, petitesse. — (Du sens I., B., 2. et 3.) Faiblesse, médiocrité, décadence, misère. — (Du sens I., B., 4.) Bassesse, mesquinerie.

Encyclopédie Universelle. 2012.