NOM
L’analyse grammaticale distinguait les noms communs et les noms propres. Les premiers correspondent, selon l’analyse logique classique, aux termes généraux qui se disent de plusieurs, et les seconds aux termes singuliers qui ne se disent que d’un seul. Si la problématique des noms communs se résorbe aujourd’hui pour nous dans celle des prédicats (encore que, pour Kripke, les noms communs d’espèces naturelles soient plutôt proches des noms propres), l’appellation et la problématique des noms propres ont survécu. Cette survivance est philosophiquement significative. On pourrait croire que le concept de nom est facile à définir, ou que nommer est une activité simple. Mais nous savons, au moins depuis Wittgenstein, qu’un langage n’est pas moins complexe qu’un organisme et que la belle simplicité première se révèle extrêmement intriquée à l’analyse.
On donnera pourtant une première définition: le nom propre est cette partie du discours qui sert à désigner un individu, à l’interpeller, à faire référence à lui, à l’identifier, bref à le «nommer». Il est considéré comme le corrélat singulier d’une entité individuelle.
Le concept de nom propre entre dans une problématique philosophique: comment assure-t-on une référence singulière dans une problématique anthropologique? C’est la question des noms de personnes, règles de nomination et croyances entretenues quant aux rapports entre la personne et le nom. Dans une problématique logico-linguistique, c’est la question controversée du caractère signifiant ou non signifiant du nom propre. Enfin, si le Nom divin a une telle importance dans le langage religieux, c’est qu’il est, plus fortement que pour tout autre être, le représentant de son porteur. D’où le caractère particulier de la problématique théologique.
1. Les trois axes de la nomination: allocution, délocution, classification
Le nom et ses usages
Qu’est-ce que nommer ? Transitivement, c’est l’acte de conférer un nom, de «baptiser», qu’il s’agisse d’un être humain, d’un animal, d’un navire, ou d’une variété de roses. Cet acte, qui est de portée performative, s’effectue selon des règles. Il n’est réussi ou acquis que si les conventions sont respectées: qui a autorité pour donner le nom, quel type de nom est conforme à la coutume? Ultérieurement, nommer sera informer quelqu’un du nom d’une personne ou d’une chose en réponse à l’une ou à l’autre de ces deux questions interchangeables: qui est ce monsieur? Quel est le nom de ce monsieur? Nommer revient encore à désigner sélectivement dans un groupe tels individus répondant à une description: «les meilleurs élèves de la classe»; la nomination a alors une valeur déictique.
De nommer se distingue faire usage d’un nom. On peut faire usage d’un nom allocutivement ou délocutivement. Allocutivement , c’est-à-dire comme terme d’adresse, soit pour appeler (pour faire venir quelqu’un ou pour l’avertir qu’on va lui adresser la parole: c’est l’adombration). Soit pour invoquer, soit pour saluer. Soit pour intimer (convoquer un être à l’essentiel de sa vocation et de son intimité, afin de lui ordonner quelque chose ou de le lui interdire), pour saluer, pour exprimer l’affection ou l’amour: nomination incantatoire. Délocutivement , c’est-à-dire comme terme de référence, pour parler de quelqu’un à quelqu’un, pour «assurer la référence entre deux interlocuteurs comme une coréférence» (F. Jacques).
Le nom et l’identification
Les distinctions précédentes permettent de préciser ce que l’on veut dire quand on dit que le nom a fonction d’identification. Il y a une première forme d’identification, celle que l’individu reconnaît que le nom exerce à son propre égard dans l’interpellation: est «propre» le nom qui fait sursauter son porteur lorsqu’il est proféré en sa présence et suscite une réponse telle que: «Me voici», ou cette réponse intériorisée: «C’est de moi qu’il s’agit.» Le nom est alors propre par intimation. Une deuxième forme d’identification est celle qui opère dans le discours référentiel de la communication ordinaire, où deux interlocuteurs réussissent à coréférer sur un individu unique. L’ambiguïté se trouve réduite pragmatiquement. On peut dire que le nom y est propre par contextualisation. Enfin, une troisième forme d’identification – c’est celle qui est privilégiée en général par les anthropologues – concerne l’individu comme occupant une place singularisée dans le système parental et social, dans l’état civil. Le nom est alors propre, paradoxalement, par la vertu de la classification.
On peut donc proposer, pour conclure, de considérer le nom propre:
– comme terme d’adresse dans la communication allocutive (le vocatif y revêt alors son double sens d’allocutif et de destinal);
– comme terme de référence dans la communication délocutive;
– comme terme de classification dans le discours social.
Ces fonctions une fois distinguées, il doit paraître moins étrange qu’un individu puisse posséder plusieurs noms, l’un d’usage courant, un autre d’usage officiel, un autre encore plus vrai, plus sacré, plus caché, etc. En tous les cas, le nom apparaît comme le garant intersubjectif de la reconnaissance de l’être, de l’unicité, de l’essentialité et de la position de chaque sujet par tous les autres. La nomination est l’acte d’insertion et de promotion par où l’individu réel entre dans l’ordre symbolique, dont l’emprise paraît parfois telle que l’on est tenté de dire que ce n’est pas l’individu qui porte le nom, mais le nom qui porte l’individu. Perspective que recoupe la logique de la référence: «Aucun objet n’est en lui-même un individu, il le devient ou non en fonction du langage dans lequel on parle de lui [...] selon qu’il fait ou non l’objet d’une procédure d’individualisation» (J.-C. Pariente).
Si être, à la manière humaine, c’est être nommé, on comprend qu’inversement l’«anonymisation» soit une technique de déshumanisation. Le matricule, lorsqu’il est seul utilisé, dans les bagnes et les camps de concentration, assure bien la référence unique dans la délocution, mais il rompt le lien d’identification généalogique et social. La dépersonnalisation est compensée, entre les porteurs de matricule, par l’usage tantôt des noms personnels, tantôt de surnoms qui attestent le pouvoir vivant de nomination créatrice.
Si être un objet dans un monde humain, c’est avoir un nom, le «sans-nom» ou l’innommable est aussi l’informe, le non-identifiable, le vertigineux, l’angoissant, le sans visage. Le nom est l’équivalent langagier du visage, comme le visage est l’équivalent perceptible du nom.
2. Le sens, la référence et le nom propre
Logiciens et anthropologues ont diversement traité la question du nom propre dans son rapport au sens et à la référence, les linguistes s’en trouvant détournés par la clôture saussurienne sur la relation, immanente au signe lui-même, du signifiant au signifié.
Le nom propre des logiciens ne coïncide sans doute que partiellement avec le nom propre de la langue naturelle et avec l’anthroponymie et la toponymie des anthropologues. Leur éclairage, on le verra, est pourtant pertinent. Dans le mouvement de la philosophie analytique, la considération du nom propre fait partie d’une longue réflexion collective sur la référence et sur l’aptitude à assurer la référence dont font preuve tant les termes singuliers (vrais d’un seul) que les termes généraux (vrais de plusieurs). Ce que les logiciens mettent en évidence, par leurs constructions, c’est, de Russell à Quine, le caractère dispensable des noms propres pour assurer la référence singulière. L’entreprise d’élimination, par analyse, des descriptions chez Russell (On Denoting , 1905) reste partielle dans la mesure où sa théorie des «noms logiquement propres» reste conforme à la vue traditionnelle (unum nomen , unum nominatum ), combinée avec une nonsense theory héritée de Mill et une sémantique empiriste de sense-data (The Philosophy of Logical Atomism , 1918). L’entreprise d’élimination se fait radicale chez Quine (Word and Object , 1960); elle touche, en effet, tous les termes singuliers, y compris les noms propres. La référence est portée par la variable dans l’appareil de quantification. L’opérateur d’individualisation se trouve alors associé à un terme général. Mais le cadre de l’analyse devait évoluer.
Le principe était explicite chez Frege et chez Wittgenstein – et il était en œuvre chez Russell – de ne considérer un nom comme ayant une signification que dans le contexte d’une proposition , et non à l’état isolé. Strawson souligna ensuite l’importance de l’usage : ce ne sont pas les expressions qui ont une référence, mais les locuteurs qui se réfèrent au moyen des expressions. Enfin, le Wittgenstein des Investigations et Francis Jacques dans ses Dialogiques ont mis en évidence, le premier, que le nom n’acquiert sa valeur référentielle que dans un jeu de langage , et, le second, qu’il n’obtient sa valeur co-référentielle, que dans un interacte de communication.
Ce que les philosophes dits du langage ordinaire (qui ne renoncent pas tous pour autant à l’appareil logique) ont souligné à l’encontre de Russell et de Quine, c’est l’irremplaçabilité du nom propre pour assurer, dans le discours échangé, la singularité tant de l’adresse que de la référence. La seconde moitié du XXe siècle voit donc le renversement de la tendance éliminatoire. S. Kripke et H. Putnam rendent aux noms propres comme «désignateurs rigides» leur place dans le discours scientifique.
Pour les anthropologues, il n’est certes pas question de se passer de noms! Pour la bonne raison qu’«aucune société n’omet de dénommer ses membres» (F. Zonabend). Non seulement le nom propre est indispensable, mais encore il n’est jamais dépourvu de sens. On peut en énumérer brièvement les raisons.
– Toutes les sociétés reconnaissent leurs membres comme des individus et, en conséquence, leur allouent des noms. Les individus font vraiment partie de leur société à partir de la nomination qui les fait entrer dans l’ordre symbolique et social.
– Le nom fait partie d’un capital symbolique. C’est un bien gratuit dont la consommation est obligatoire, bien symbolique dont l’allocation et la transmission, pour une part, sont soumis à des règles rigides, pour une autre part, relèvent de coutumes assez souples pour faire place à l’inventivité personnelle. Lévi-Strauss note que les Iroquois ont des «gardiens» à la mémoire desquels ils confient le répertoire des noms claniques, et qui connaissent à tout moment l’état des noms disponibles. Certaines sociétés prennent soin des noms, et d’autres les gaspillent... (La Pensée sauvage ). Les méthodes de nomination sont diverses (prénom + prénom du père + prénom du grand-père; ou bien gentilice, patronyme et prénom; ou encore patronyme + prénom + surnom; les Dogons lient aussi le nom à l’ordre de naissance; dans certaines sociétés, un individu peut avoir jusqu’à trente noms). Mais ces méthodes sont toujours liées aux autres systèmes de classification propres à la société: clanique, généalogique, territorial, etc. Elles révèlent la place de chacun, de la femme, de l’enfant.
– La nomination est l’enjeu d’un pouvoir et d’une maîtrise. La gestion des noms est analogue à celle d’un patrimoine. On a la maîtrise de ce qu’on nomme, un pouvoir symbolique sur la vie. On note, par exemple, la volonté provençale d’effacer le nom de la lignée de la mère (A. Collomp) ou, dans la période post-tridentine, une rivalité entre l’Église et les vieilles solidarités familiales pour le choix des prénoms (A. Burguière).
– Le rapport entre le nom et l’individu qu’il dénomme fait l’objet de croyances assez universelles et profondément ancrées dans un registre d’assentiment peu touché par la rationalité ordinaire: on croit au lien du nom avec la destinée; on change de nom selon les étapes de la vie, selon les modifications de la vocation, parfois pour échapper à une maladie grave par le subterfuge d’une renaissance nominale; on ne prononce pas le nom d’un défunt, de peur d’assurer par là son retour. On garde le secret sur le nom d’un enfant avant sa naissance ou avant sa nomination rituelle. On garde secrets les noms par méfiance envers l’étranger, car, savoir le nom, c’est avoir prise sur la personne. «Refaire un défunt» répond à l’idée que, par la réattribution de son nom, un ancêtre, un parent proche va se trouver réincarné dans un nouveau-né (C. Klapisch-Zuber). L’étude des croyances liées à la nomination suggère une certaine image de soi sous-jacente à un peuple ou une société traditionnels : un stock fini de noms et d’âmes (c’est la même chose) à incarnation intermittente et émiettée. Au regard de la stabilité symbolique, emblématique et mémorielle des noms, l’individu n’est qu’un humble et transitoire onomaphore. L’humanité tiendrait en un Vermeer: «La porteuse de noms.»
– La nomination remplit une fonction d’identification répartie sur l’adresse et sur la référence. Le nom est un marqueur généalogique et territorial. L’identification d’adresse, celle qui est en cours dans la communauté parlante, peut marquer un écart avec l’identification de référence, par exemple celle de l’état civil. C’est au niveau du prénom et du surnom que se marque généralement la primauté du communicationnel sur le systémique et l’officiel.
– Le nom assure à la fois pour l’individu l’identité personnelle et la conscience d’appartenance, tant à une lignée qu’à une communauté. Plutôt que d’adopter une conception cumulative de l’identité personnelle comme celle que soutient F. Zonabend («l’identité de la personne est faite de la somme de tous ses noms»), on peut suggérer que l’identité personnelle relève d’une compétence substitutive : aptitude à se reconnaître le même, non seulement dans les trois positions de la communication: je/tu/il (E. Ortigues, F. Jacques), mais aussi dans tous les contextes de communication – à répondre de tous ses noms. Mais il est, pour tout sujet, un nom initial qui produit la capacité identificatoire par un «effet de nomination». Pour qu’il y ait identité, est nécessaire et suffisant un nom reçu , par lequel on a été appelé , et dans lequel on s’est reconnu. Le reste vient par surcroît, affaire de registre ou de jeu.
C’est pour toutes ces raisons qu’un nom ne peut jamais être dépourvu de sens pour les anthropologues. Le nom est un message. «Les anthroponymes ne sont jamais des termes conventionnels, interchangeables ou vides de sens» (F. Zonabend).
La controverse contemporaine sur le statut des noms propres
À vrai dire, deux conceptions du nom propre peuvent entrer en compétition. Pour la première, les noms ont d’abord essentiellement une référence, mais pas de sens. Les noms propres dénotent mais ne connotent pas. Les noms propres permettent de désigner un individu sans rien dire de lui et sans le décrire. Cette conception, qui est soutenue par J. S. Mill, B. Russell, L. Wittgenstein, A. Gardiner et en partie par J. Vuillemin, et qui est appuyée par l’analyse en sujet/prédicat, exige en métaphysique des objets ultimes de référence: les substances, les sense-data , les Gegenstände du Tractatus. Dans la seconde conception, les noms propres ont d’abord essentiellement un sens, et seulement de manière contingente une référence. Ils ont une référence à la coneition qu’un seul et unique objet satisfasse leur sens. On trouve cette thèse chez Frege (le sens est le mode de donation de la référence), Moore (pas de dénotation sans connotation), Searle (pas de noms sans présupposition descriptive). C’est aussi la thèse des anthropologues. L’exposé le plus circonstancié en a été donné par Lévi-Strauss: «nommer, c’est toujours classer» (La Pensée sauvage ).
Lévi-Strauss s’oppose directement à Gardiner. Pour ce dernier, «un nom propre est un mot ou un groupe de mots dont on reconnaît qu’ils ont l’identification pour but spécifique, et qui atteignent, ou tendent à atteindre ce but au seul moyen de leurs sonorités distinctives, sans tenir compte du sens qui a pu être possédé primitivement par ces sonorités, on a pu être acquis par elles du fait de leur association avec l’objet ou les objets identifiés» (The Theory of Proper Names ). Pour Lévi-Strauss, la nomination n’est que la limite inférieure d’un système de classification. Quelles que soient les méthodes de nomination, que le nom «confirme par application d’une règle l’appartenance de l’individu qu’on nomme à une classe préordonnée» ou que le nom soit «une libre création de l’individu qui nomme et exprime au moyen de celui qu’il nomme un état transitoire de sa propre subjectivité», on ne nomme jamais à proprement parler; on classe, on exprime, on signifie. «On signifie toujours, que ce soit l’autre ou soi-même.»
Une raison de méthode oblige, en outre, Lévi-Strauss à soutenir cette thèse, une raison qui relève des principes structuralistes. Les noms propres, note Lévi-Strauss, font partie intégrante de systèmes «traités par nous comme des codes»: traitement qui serait impossible si les noms étaient dépourvus de signification. Il lui paraît enfin qu’on ne peut admettre que le concret recèle «un résidu d’inintelligibilité», qui serait par essence «rebelle à la signification». Aussi en vient-il à la conclusion que «dans chaque système les noms propres représentent des quanta de signification au-dessous desquels on ne fait plus rien que montrer».
J.-C. Pariente a proposé un arbitrage de la controverse entre Gardiner et Lévi-Strauss. Il estime, d’une part, que la théorie du premier ne dit pas que les noms propres sont dépourvus de tout contenu informatif, mais que, lorsque le nom propre fonctionne comme nom propre , il le fait par ses sonorités distinctives et non par ses qualités de classificateur. Pariente pense, d’autre part, que la théorie de Gardiner est susceptible d’accueillir les faits relevés par Lévi-Strauss. Il distingue le système et l’emploi. L’emploi du nom propre comme «opérateur d’individualisation» ne dépend pas de la connaissance du nom propre comme «indicatif de classe». L’efficace, la capacité différenciatrice du nom propre, appartient bien au signifiant en tant que tel. Autrement dit, assigner un nom propre à quelqu’un, ce n’est pas dire en quoi il est différent, c’est dire seulement qu ’il est différent.
J.-C. Pariente élabore à son tour une solution originale: le nom propre individualise l’objet auquel il s’applique, simplement en lui associant une séquence elle-même individuelle de phonèmes. Cette solution satisfait en premier lieu à Gardiner; elle se précise ensuite d’une manière qui devrait apaiser les scrupules de Lévi-Strauss sur le code: «La nomination établit une homologie entre le système des différences entre les individus qui sont membres d’un groupe donné et celui des différences entre les signifiants qui sont reçus comme noms propres à l’intérieur de ce groupe.»
La place des noms propres parmi les expressions à référence singulière. Les indicateurs et les descriptions définies
Les indicateurs sont les expressions comme «ici», «là-bas», «ceci», «cela», «je», «tu», démonstratifs et pronoms personnels qui, dans le contexte d’interlocution, assurent la référence singulière hic et nunc de manière essentiellement variable, c’est-à-dire directement liée à l’énonciation. Les noms propres se rapprochent, par leur fonction, des indicateurs; ils s’en distinguent sur deux points majeurs: ils ne constituent pas des embrayeurs et leur référence est fixe. Quant aux descriptions définies (comme «le tel et tel»), elles désignent sans montrer. Elles font usage du système conceptuel intégré par une logique du premier ordre avec l’identité. Si le nom propre acquiert la détermination de sa désignation unique par des conventions pragmatiques, la description définie se fonde uniquement sur une classification conceptuelle et sur la logique de la quantification et de l’identité, pour faire référence à un individu unique. La différence est donc grande entre ces deux «désignateurs» que sont les noms propres et les descriptions définies.
C’est justement à leur assimilation, attribuée globalement à Frege, à Russell et, avec quelques modifications, à Strawson et à Searle, que s’oppose Kripke. La théorie descriptiviste de la nomination, qu’il critique, se subdivise en une théorie du sens – selon laquelle le sens d’un nom est livré par une description unique ou par un faisceau de descriptions: le nom propre est alors le substitut de la ou des descriptions dont il est synonyme – et une théorie de la référence: si la description ne livre pas le sens du nom, du moins détermine-t-elle sa référence. On peut interpréter ainsi la critique de Kripke: la conception d’ensemble qui sous-tend la théorie descriptiviste de la référence est incorrecte, notamment en ce qu’elle méconnaît la dimension pragmatique de la nomination. Pour Kripke, voici quelle serait l’esquisse d’une théorie tenant compte de cette dimension: «Un baptême initial a lieu, l’objet est nommé par ostension; sinon, la référence est fixée par description. Lorsque le nom est «passé de maillon en maillon», celui à qui le nom est transmis doit, au moment où il en prend connaissance, avoir l’intention de s’en servir avec la même référence que l’homme dont il l’a appris .»
Bref, c’est du point de vue de la communication et de l’usage pour une société que les noms propres se révèlent irréductibles à tout autre élément de la langue ou du discours.
On peut tirer ici deux conclusions. La première est que le nom propre a un aspect irréductiblement non signifiant. Cette situation dans l’en deçà du sens, cet ancrage dans la matière sonore du langage, lui confère une dimension poétique. L’oscillation structurelle de la poésie se trouve exemplairement condensée dans le nom propre: un signifiant semble livrer une essence singulière sans cesser de s’imposer dans sa matérialité immotivée. Lorsque à cette irrépressible insistance du signifiant dans le nom propre se joignent certaines qualités sensibles du matériau sonore et certaines connotations allusives et émotives, des jeux de langage tels que les litanies de noms propres acquièrent une remarquable force incantatoire. C’est la poésie des nomenclatures, des comptines, des rosaires, la poésie du Bottin sous l’œil d’un Prévert, celle d’un catalogue feuilleté par Borges, le charme des indicateurs Chaix et des annonces sur les quais des gares. Proust intitule «Noms de pays: le nom» la troisième partie de son Du côté de chez Swann : «Le nom de Parme m’apparaissait compact, lisse, mauve et doux.» Pour un fervent de Giono, des noms tels que Manosque et Valensole, Sisteron et Forcalquier ont une résonance où l’ineffable l’emporte sur le géographique. Pour les rêveurs d’étoiles, Cassiopée, Aldebaran, la constellation de la Lyre, Bételgeuse, le Baudrier d’Orion forment dans leur simple suite un hymne à la Nuit. À moins que l’on ne préfère, avec André Verdet, forger des noms pour les étoiles:
DIR
\
Je leur invente des noms
Hyperboliques de fruitsCes noms craquent sous mes dents
Comme les grains d’une grenade
Géante(Le Ciel et son Fantôme )/DIR
À cette dimension poétique répond aussi une dimension sacrée. La langue sacrée, note Lévi-Strauss, est «partiellement affranchie de la fonction signifiante, sans que d’autre part la signification soit jamais entièrement perdue». On peut imaginer que la langue sacrée rejoint la parole poétique comme la caractérise Octave Mannoni: «Elle rappelle un moment de l’enfance où la parole entendue était encore pure littéralité [...], elle nous promet un sens, sans jamais tout à fait le donner» (Un commencement qui n’en finit pas , 1980). Or répondre au nom est l’une des toutes premières entrées dans le langage. Tout nom propre en garde quelque chose.
La seconde conclusion s’exprimera dans la possibilité d’une tension entre le communicationnel (adresse et référence dans la communauté parlante) et le systémique (dans chacun des types de classes pertinents pour une société, appartenance à telle classe et position dans la classe). Lévi-Strauss cite le cas d’enfants qui peuvent «rester six ou sept ans sans nom» parce qu’aucun des noms de la tribu ne s’est trouvé disponible avant ce laps de temps. Et pourtant, ces enfants, il a bien fallu que leurs mères les appellent à la soupe! De même que le saussurisme privilégie la différence plutôt que la référence, le structuralisme est un cadre peu approprié à une réflexion sur la référence : cette dernière s’y trouve peu ou prou assimilée à un repérage , et la dimension déictique y est volontiers occultée (cf. le rejet de la conception Russell-Peirce par Lévi-Strauss, op. cit. , p. 285). C’est en cela que la réflexion des philosophes du mouvement analytique éclaire le fonctionnement du nom propre, ainsi que de tous les termes singuliers, dans leur aptitude à assurer la référence effective aux réels individualisés. Leur point de vue vient compléter celui des anthropologues, davantage centré sur les fonctions qu’exerce le nom dans les sociétés.
3. Nom propre et invocation
Il est facile de se divertir avec Montaigne sur le peu de propriété et le peu d’unicité dont nous gratifie la possession de notre nom. Ou de faire le perplexe, avec Moore, sur le peu d’unité et le peu d’identité à soi que nous concéderait la prolifération plurielle de nos noms:
DIR
\
Mon nom est « George Edward Moore », mais on m’appelle rarement par ce nom. Je puis dire aussi que mon nom est «G. E. Moore», et aussi que c’est «Moore»; on m’appelle assez souvent par l’un ou par l’autre, mais beaucoup plus souvent par le second. On m’appelait autrefois «Jumbo». Également «Tommy». Et «Georgie». Mes frères et sœurs m’appellent encore «George». Dorothy et quelques autres m’appellent «Bill», mais ce n’est vraiment pas mon nom, ce n’est même pas un nom à moi, à la différence de «George» (Common Place Book , 1942, p. 248). /DIR
Y aurait-il pour chacun un vrai nom? Plutôt que «le nom avec lequel on s’en va dans l’autre monde» (P. H. Stahl), le nom spirituel est-il le nom sous lequel vous désignent vos «proches» (C. Lévi-Strauss) ou celui par lequel vous êtes invoqué dans le secret des cœurs? Quête mythique: le vrai nom est sans doute introuvable. Mais il y a de vraies invocations.
L’effet de la nomination sur la subjectivité
Pour situer l’apport de la psychanalyse à notre compréhension de ce qu’est un nom, on pourrait procéder en deux temps: décrire, d’abord, ce que, faute d’une meilleure expression, on se contentera d’appeler une «logique de l’inconscient», à l’œuvre dans les croyances invincibles et dont nul n’est tout à fait exempt, ces croyances étant parfois rapportées en des versions plus discursives par les ethnologues; décrire, en un second temps, le surgissement de la subjectivité sous ce que certains ont appelé un «effet de nomination».
La réception passive du nom redouble la réception passive de l’être et de la vie. Elle est la marque conjointe du désir parental (prénom principal) et des règles de la filiation et de la transmission du nom dans une société donnée. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner de la croyance réputée archaïque selon laquelle le nom est assorti d’une destinée ou exprime une vocation, et selon laquelle il est déchiffré comme tel par des êtres inquiets de ce qui leur a été transmis en fait d’identité. On connaît l’adage nomen omen : le nom est oracle et présage. Des anagrammes tels que ceux-ci:
DIR
\
Aliénor Roma Henry de Valois
La roine Amor Roi est de nul hay/DIR
sont usités comme d’irréfutables arguments. Dans la vision du monde littéraliste qui préside à leur formation, il n’y a pas d’arbitraire du nom. L’apparence d’arbitraire du nom se dissipe dès qu’on dévoile par l’anagramme l’essence cachée, la vérité du nom. La vertu probatoire de l’anagramme repose sur une conviction à la fois excessive et universellement partagée quant aux liens qui unissent un être et son nom. C’est ce qu’atteste l’équivalence habituelle entre les deux questions: «Qui es-tu?» et «Comment t’appelles-tu?». Au point que l’humour biblique estima que: «Je suis» pouvait compter comme une bonne réponse à la question: «Quel est ton Nom?».
Si le nom n’est pas identique au sujet, il en est le plus proche représentant. Notamment sous l’aspect de la signature , qui authentifie un texte par rapport à son auteur, ou un acte juridique par rapport à son contractant, comme mémorial d’un assentiment. Le nom propre maintient la présence des sujets dans le monde des paroles. La maxime talmudique «Celui qui cite un propos au nom de son auteur apporte la délivrance au monde» (Pirke Avot , VI, 6) vise moins à protéger la propriété littéraire qu’à délivrer de l’anonymat et de l’irresponsabilité qui seraient le fait de messages désemparés, désubjectivés. Chaque propos doit donc être adossé à son auteur comme au «monde» où il a portée et densité. L’univers lui-même doit être «cité» au Nom de son Auteur. Ni les mots ni les choses ne sont des absolus: c’est de cette illusion que la référence aux sujets nous délivre. Peut-être E. Levinas songeait-il à quelque chose d’analogue lorsqu’il intitulait Noms propres un recueil d’études et se demandait avec espoir: «Les noms de personnes ne résistent-ils pas à la dissolution du sens et ne nous aident-ils pas à parler?»
L’effet de nomination tel que le décrivent certains psychanalystes est un effet d’interpellation – très précisément, d’interruption de la contemplation de son image propre par le jeune enfant dans le miroir. L’appel nominal arrache l’enfant au réel de l’image qui l’accapare; il fait une brèche dans la fascination. L’enfant est rendu sensible à la présence de l’autre par le signifiant de son appel, qui a le poids d’une demande. L’image s’en trouve frappée d’interdit et refoulée. La nomination a valeur «d’intimation que fait l’Autre par son discours au sujet» (Lacan, cité par Rosine et Robert Lefort, in La Naissance de l’Autre , Paris, 1981). L’Autre n’est pas dans l’image, mais là d’où il parle. De même, le sujet n’est pas dans l’image, mais dans la convocation qui lui est adressée d’avoir à aller vers soi-même.
L’expression lacanienne de «Nom du Père », qui répond à l’expression freudienne de «Père primitif», est destinée à désigner le signifiant qui, préexistant à tous les autres, rend possible toute mutation du réel en signifiant. Il est le support de la fonction symbolique et équivaut au nom de la Loi. Ce que E. Ortigues exprime en des termes voisins, mais qui insistent sur l’aspect de transmission. «La place du père, écrit-il, est marquée dans la vie par ce qui est d’un autre ordre que la vie, à savoir des gages de reconnaissance, par des noms. Ces noms supposent une tradition, un chemin qui, par des circuits plus ou moins compliqués, va des morts aux vivants. L’autorité gardienne de la coutume et des noms subsiste dans la mort comme dans la vie...» (Œdipe africain , coll. 10/18, p. 390).
Rachi atteste, dans un commentaire hardi d’un texte des Nombres (XXVI, 5), l’étroitesse du lien entre paternité et nomination; le nom auquel il fait allusion n’est autre que le Nom divin ; ce dernier, par certaines de ses consonnes, se trouve «attaché aux noms des familles des tribus pour témoigner qu’ils sont bien les fils de leur père», et non les fils de leurs maîtres égyptiens. Le Nom divin est littéralement dans les noms des fils pour garantir la paternité des pères.
L’invocation du Nom divin
C’est sans doute dans les textes bibliques et dans les textes juifs que la nomination revêt, à l’égard de la divinité, une importance capitale. Ces textes ont valeur paradigmatique pour une étude de la place du Nom dans le langage religieux.
Il est dit dans la prière juive quotidienne: «Tu es Saint et Ton Nom est Saint...» et dans la liturgie du jour de l’An: «Ton Nom est accordé à Toi, et Toi à Ton Nom, que notre nom soit associé au Tien à jamais.» Le troisième commandement (Exode, XX, 7) porte sur le respect dû au Nom: qu’il ne soit pas invoqué «à l’appui du mensonge». Des dix principes fondamentaux formulés par Maimonide, quatre concernent le nom: le sanctifier, ne pas le profaner, ne détruire aucun objet où il est inscrit, écouter le prophète qui parle en ce nom. Enfin, lorsque le pardon est demandé à Dieu, il l’est «en faveur de Son Nom».
Ces quelques citations suffisent à indiquer la place singulière que tient l’invocation du Nom divin dans la liturgie et la théologie du judaïsme. Elles rendent sensible aussi la difficulté qu’il y aurait à définir conceptuellement ce qu’est le nom: c’est trop peu de dire que le nom est le véhicule de l’adresse, la médiation de la référence, le support de l’allusion, un tenant-lieu, une partie, un double ou un reflet. Il est autre chose et davantage, mais quoi? La difficulté s’augmente de la pluralité des noms. Tel est le paradoxe du monothéisme que le lecteur de la Genèse est confronté très tôt aux deux appellations dont la première est rapportée traditionnellement au Dieu de justice et la seconde, le Tétragramme, au Dieu de miséricorde et à une plus essentielle proximité. El Chaddaï est le nom de plusieurs révélations aux patriarches et connoterait plutôt la puissance qui limite toutes les autres puissances, tandis que la révélation faite à Moïse au Buisson ardent (Exode, III, 15: «Ceci est mon Nom pour l’Éternité») lui fait davantage approcher l’essence. Les treize attributs de la miséricorde divine (Exode, XXXIV, 6 -7) sont aussi des noms: par eux est possible l’invocation efficace. La confiance dans l’invocation est un trait constant: «Je lèverai la coupe du salut et j’invoquerai le Nom du Seigneur.» Au psalmiste fait écho le propos de Simone Weil: «Si seulement le Nom du Seigneur avait la propriété de rendre le mensonge à soi impossible [...] il l’a sûrement si on le prononce bien» (Cahiers , III).
La pluralité des noms se redouble de la pluralité des jeux de langage où les noms apparaissent: narration, prescription, liturgie. Il y a un aspect fortement allocutif dans la prière – mais la prière elle-même est diverse (louange, bénédiction, demande) – et un aspect méditatif dans l’étude. La prophétie se fait «au nom de». D’une certaine manière, le référent lui-même est comme multiplié dans cette double pluralité. Il est le point de fuite de tous ces modes d’approche. Ceux qui font référence ont leur part de responsabilité: la référence est réussie si la communauté parlante est unie; elle est manquée si la communauté est déchirée.
Le Nom doit à la fois être publié (glorifié) et tenu secret. Le Nom véritable est ineffable. Fondateur est le fait qu’il soit ineffable. Les autres noms sont expressifs d’attributs (Unité, Sainteté, Puissance), de rapports de Dieu aux hommes (Justice, Miséricorde), d’images humaines (Père, Roi, Juge, Berger).
Chaque nom est partiellement adéquat et partiellement inadéquat. Dans la tradition chrétienne, s’est élaborée une théologie négative avec le Traité des Noms divins de Denys l’Aréopagite. De la divinité suprasubstantielle et cachée, écrit-il, nous ne pouvons dire ni penser quoi que ce soit, «excepté dans les termes mêmes des saintes Écritures qui nous présentent le mystère de Dieu, non pour être scruté, mais seulement pour être loué». Comme il est impénétrable, tous les noms lui conviennent, mais aucun ne lui est adéquat, et la négation de toute chose particulière est une louange qui lui est appropriée. À l’inverse, Juda Hallévi, dans le courant de la mystique juive qui s’attache aux lettres du Tétragramme, affirme que la signification du Nom ineffable est certes éminemment secrète, mais que la qualité de ses lettres est éloquente (Khouzari , IV, 3). Les quatre lettres du Tétragramme, associées à toutes les consonnes, «constituent l’âme qui anime le corps de l’alphabet à l’image du Nom de Dieu, qui communique la force vitale à toutes les sphères cosmiques». Le rôle de la lettre se transpose pour les noms humains. Selon la Kabbale, «l’âme d’un homme figure sur les lettres de son nom».
On ne peut guère douter que l’attachement et la pudeur révérentielle manifestés dans la tradition juive devant le Nom divin ne révèlent une forte équivalence entre le Nom et l’Être. Comme si, en cette unique occasion, coïncidaient terme de référence et objet de référence. Tout comme l’argument de l’essence à l’existence ne valait, dans l’argumentation d’Anselme, qu’en cette unique occasion.
Cette quasi-identité entre l’être et le nom se manifeste au plus haut point dans la notion spécifiquement juive de la Sanctification du Nom: le Kiddoush ha Chem. Cette expression, de fait, est difficilement traduisible. Elle vise à peu près tout acte par lequel l’homme se porte en quelque sorte garant de l’Unité divine, lui rend témoignage jusqu’au martyre, atteste qu’elle est préférable à toute chose. La notion contraire de profanation du Nom ne recouvre pas seulement le sacrilège ou la désobéissance, mais tout acte ou tout propos qui accrédite le caractère irrémédiable de l’aspect conflictuel de l’existence. Ces notions ont leurs répondants concrets dans les préceptes concernant le traitement matériel de l’écriture des Noms divins et de ses supports.
Au-delà du nom
On a vu que la nomination est quelque chose de premier pour le sujet et que ce n’est pas quelque chose de simple. Il reste à dire maintenant que la nomination n’est pas, il s’en faut, le tout du langage. Nommer n’est pas encore parler. Le nom isolé n’est rien; c’est dans son emploi et dans la communication qu’il prend sa portée. À qui serait tenté de majorer son importance, Wittgenstein rappelle dans les Investigations que dénommer quelque chose n’est pas davantage qu’«attacher l’étiquette d’un nom à une chose». Ce n’est là que la «préparation à l’usage d’un mot». Le fait de dénommer ne constitue pas encore un mouvement dans un jeu de langage. Quant à la dénomination, ce n’est pas on ne sait quel processus occulte et mystérieux. Ce n’est que par une fiction de philosophe qu’elle devient «quelque singulier acte de l’âme, sa manière de baptiser un objet».
On ne peut que donner raison à Wittgenstein pour ce qui est de l’usage courant, c’est-à-dire «poursuivant sa course», du langage. Mais qu’en est-il de l’élan initial? La place inentamable que tient le nom dans nos croyances, la place exorbitante qu’il a tenue dans certaines philosophies du langage s’expliquent aisément par le lien étroit du nom propre tant avec le sujet qu’avec le système de règles d’une société et son besoin de communiquer. L’importance du nom est sans doute moins linguistique et logique que subjective, sociale, communicationnelle. Wittgenstein a raison de se gausser du «baptiser» lorsque ce dernier est mimé dans la conscience philosophique. Pourtant, il ne faut pas oublier qu’inauguralement ce baptiser entre dans un processus de symbolisation qui coïncide avec l’humanisation Ce processus est resté suffisamment inaccompli – «en souffrance» – chez l’écrivain pour que la tâche de le poursuivre lui paraisse toujours actuelle et urgente, lui qui ne cesse de travailler à transmuter en noms, phrases et métaphores, le réel de rencontre.
nom [ nɔ̃ ] n. m. I ♦ (Nom propre) Mot ou groupe de mots servant à désigner un individu et à le distinguer des êtres de la même espèce. Étude des noms. ⇒ onomastique.
1 ♦ Vocable servant à nommer une personne, un groupe. Noms de personnes (⇒ anthroponymie) . Avoir, porter tel nom. ⇒ se nommer; s'appeler; arg. blase. Deux personnes qui portent le même nom. ⇒ homonyme. Il, elle a nom X. Porter le nom de..., répondre au nom de... Appeler, désigner qqn par son nom. ⇒ nommer. Loc. Ne pas pouvoir mettre un nom sur un visage. Connaître qqn de nom, ne le connaître que de réputation. Ce nom me dit qqch. Franciser son nom. Cacher son nom (⇒ anonyme) . Mettre son nom au bas d'une lettre. ⇒ signature; signer. Nom célèbre, fameux. Le héros qui donnait son nom à la tribu. ⇒ éponyme. Les grands noms de la peinture. ⇒ célébrité. — Fam. Un nom à coucher dehors.
♢ Le nom sous lequel une personne fait qqch. (qui engage sa responsabilité). Prêter son nom à qqn (⇒ prête-nom) . Agir au nom de qqn, en son nom.
♢ (Éléments du nom) Nom individuel. Nom de baptême ou petit nom : nom individuel conféré au baptême, dans les civilisations chrétiennes. ⇒ prénom. Nom de famille, nom patronymique. ⇒ patronyme. — Se cacher sous un faux nom. Prendre un nom, un nom d'emprunt. ⇒ sobriquet, surnom. Nom de guerre; nom de théâtre. ⇒ pseudonyme.
2 ♦ Spécialt Nom de baptême, prénom. Noms de garçons, noms de filles. Chercher un nom pour un bébé. — Louis, treizième du nom : le treizième roi de France à porter le nom de Louis.
3 ♦ Nom de famille. Nom, prénom et domicile. Nom de jeune fille d'une femme mariée. Être le dernier de son nom, du nom, de sa famille. Nom noble, à particule; fam. nom à rallonges, à charnière. Nom d'usage : nom de celui des parents qui n'a pas transmis le sien, pouvant être mentionné entre parenthèses sur les documents administratifs.
4 ♦ Nom commercial : appellation sous laquelle une entreprise, un commerçant exerce son activité. Le nom commercial est un élément incorporel du fonds de commerce. ⇒ raison (sociale). Société en nom collectif.
5 ♦ (Dans quelques expr.) ⇒ célébrité , gloire, renommée. Se faire un nom. Laisser un nom.
6 ♦ Vx Noblesse. Son nom et sa naissance. « un état, une famille, un nom, un rang » (Beaumarchais).
7 ♦ Le nom de Dieu : le nom employé pour désigner Dieu, et qu'il est généralement interdit de profaner. — Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, formule du signe de croix. Au nom du ciel, du Christ. ⇒ pour. — (Dans les jurons) Nom de Dieu ! — (Par euphém.) Cré nom de nom ! (⇒ 1. sacré) . Nom d'une pipe ! Nom d'un chien ! Nom d'un petit bonhomme !
8 ♦ Désignation individuelle d'un animal, d'un lieu, d'un objet. Donner à son chien le nom de Médor. Noms de lieux (⇒ toponymie) , d'habitants (⇒ gentilé) . Quel est le nom de ce fleuve ? Noms de rues. Nom de livre. ⇒ titre. Nom d'un bateau, écrit sur la poupe. Nom de monument. — (Appliqué à des objets produits en série) Noms de produits, de marques. Nom déposé, qui désigne un produit déposé.
II ♦ (v. 1165) (nom commun)
1 ♦ Mot servant à désigner les êtres, les choses qui appartiennent à une même catégorie logique, et spécialt à une même espèce. ⇒ appellation, dénomination, désignation. Donner un nom à un nouveau corps chimique. ⇒ nommer. Appeler les choses par leur nom. « De quel nom te nommer, heure trouble où nous sommes ? » (Hugo). La liberté, ce nom terrible. « Un je ne sais quoi qui n'a plus de nom dans aucune langue » (Bossuet). Une épouvante sans nom, si intense qu'on ne peut la qualifier. ⇒ innommable, inqualifiable. Un libéralisme qui n'ose pas dire son nom, honteux. Comme son nom l'indique... — Littér. Le beau nom de Sage (⇒ qualification, titre) . « Ce grand nom d'homme » (Vigny). Être digne, indigne du nom d'homme. — Loc. Traiter qqn de tous les noms, donner des noms d'oiseaux à qqn, l'accabler d'injures.
♢ Spécialt Nom d'espèce, spécifique (dans une nomenclature scientifique). ⇒ taxinomie, terminologie. Nom de genre, nom générique.
2 ♦ Le Nom, opposé à la chose nommée. ⇒ mot, signe. Le nom et la chose. Le nom ne fait rien à la chose. La santé n'est qu'un nom, qu'une apparence. Directeur, il ne l'est que de nom. — Philos. Croire à l'existence des noms (⇒ nominalisme) et pas à celle des concepts (conceptualisme), ou des choses (réalisme).
3 ♦ AU NOM DE : en considération de, en invoquant. Au nom de la loi : en vertu de la loi, des pouvoirs qu'elle confère. ⇒ ordre. Au nom de notre amitié, viens-moi en aide. — Allus. hist. Liberté, que de crimes on commet en ton nom !
III ♦ (dans le lang.; nom substantif XIVe)
1 ♦ Cour. Une des parties du discours (⇒ catégorie), mot lexical qui désigne un individu, une classe. ⇒ substantif. Noms propres. — Noms communs. Genre et nombre des noms. Nom composé. Nom abrégé. ⇒ abréviation, acronyme , sigle. Nom sujet, attribut, complément. Nom en apposition. Mot remplaçant le nom. ⇒ pronom. Transformer en nom. ⇒ nominaliser, substantiver. Nom autonyme.
2 ♦ Ling. Catégorie utilisée par les grammairiens latins et classiques et reprise par certains grammairiens modernes, comprenant le nom au sens 1 (nom substantif), l'adjectif et le pronom (nom adjectif) et parfois certaines formes verbales (noms verbaux :infinitifs, participes).
⊗ HOM. Non.
● nom nom masculin (latin nomen, -inis) Mot, groupe de mots servant à désigner, à nommer une catégorie d'êtres ou de choses, à la distinguer d'autres catégories, ou bien à désigner, à nommer un individu, un élément de cette catégorie, à le distinguer des autres : Ce type d'arbre porte le nom de peuplier. Mot considéré comme titre d'une qualité, comme qualificatif : Être digne du nom d'ami. Mot, groupe de mots par lequel on désigne une ville, un pays, un organisme, une institution, un lieu, etc., et qui permet de les reconnaître comme tels, de les distinguer des autres : Quel est le nom de ce village ? Mot par lequel on appelle un animal : Un chien qui répond à son nom. Mot qui dénomme une famille et qui constitue l'élément principal de l'identité de chacun de ses membres (par opposition au prénom) [on dit aussi nom de famille] : Duval est un nom assez fréquent. Prénom ou ensemble formé par le nom de famille et le prénom. Dénomination ou appellation choisie délibérément dans certains contextes : Nom de scène. Nom d'emprunt. Personnage ou famille célèbre dans un domaine : C'est un grand nom de la littérature. Droit Appellation servant à désigner une personne physique ou morale dans la vie sociale et juridique. Linguistique Catégorie grammaticale regroupant les mots qui désignent soit une espèce ou un représentant de l'espèce (noms communs), soit un individu particulier (noms propres), et qui assurent, dans la proposition, des fonctions syntaxiques spécifiques (sujet, complément d'objet, etc.). ● nom (citations) nom masculin (latin nomen, -inis) Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Le nom grandit quand l'homme tombe. Les Châtiments, l'Expiation, V, 13 Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz Montmirail 1613-Paris 1679 Les grands noms sont toujours de grandes raisons aux petits génies. Mémoires Marie-René Alexis Saint-Leger Leger, dit, en diplomatie, Alexis Leger, et, en littérature Saint-John Perse Pointe-à-Pitre 1887-Giens, Var, 1975 « J'habiterai mon nom » fut ta réponse aux questionnaires du port. Exil Gallimard Confucius, en chinois Kongzi ou Kongfuzi [maître Kong] 551-479 avant J.-C. Un prince sage donne aux choses les noms qui leur conviennent, et chaque chose doit être traitée d'après la signification du nom qu'il lui donne. Entretiens, VII, 13 (traduction S. Couvreur) John Keats Londres 1795-Rome 1821 Ci-gît un homme dont le nom fut écrit sur l'onde. Here lies one whose name was writ in water. Épitaphe, par lui-même Octavio Paz Mexico 1914-Mexico 1998 Dès l'aube ce qui naît cherche son nom. Al alba busca su nombre lo naciente. Libertad bajo palabra, I, Condición de nube William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Qu'y a-t-il en un nom ? Ce que nous nommons rose, sous un autre nom, sentirait aussi bon. What's in a name ? that which we call a rose By any other name would smell as sweet. Roméo et Juliette, II, 2, Juliette ● nom (difficultés) nom masculin (latin nomen, -inis) Orthographe Des noms de. On écrit, avec le complément toujours au singulier : des noms de baptême, des noms de famille, des noms de guerre, des noms de plume, des noms d'emprunt, etc. On dit et on écrit, conformément au sens : un nom d'animal, des noms d'animaux ; un nom de bateau, des noms de bateaux ; un nom de personne, des noms de personnes. Lorsqu'un adjectif qualificatif se rapporte au complément, le pluriel peut être ambigu : des noms de personnes germaniques signifie-t-il « des noms germaniques portés par plusieurs personnes » ou « des noms (quelle que soit leur origine) portés par des personnes appartenant à un peuple germanique » ? Pour éviter l'ambiguïté, on peut mettre le complément au singulier : des noms de personne germaniques (= des noms germaniques portés par une ou plusieurs personnes), des noms de village gaulois, etc. On peut aussi tourner la phrase autrement : des noms germaniques désignant des personnes, des noms gaulois désignant des villages. ● nom (expressions) nom masculin (latin nomen, -inis) Appeler, nommer les choses par leur nom, parler un langage clair, direct ; ne pas avoir peur des mots. Au nom de, en lieu et place de quelque chose, quelqu'un : Parler au nom du président ; en considération de quelque chose, en l'invoquant : Au nom de notre amitié. Au nom de la loi, en vertu des dispositions que la loi contient. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, paroles qu'on prononce en faisant le signe de la Croix. Du nom, après un numéral ordinal, désigne le numéro d'ordre des rois, princes, papes, etc. : Louis, onzième du nom. Faire un nom à quelqu'un, travailler à le rendre célèbre. Se faire un nom, devenir célèbre. Faux nom, nom d'emprunt. Grand nom, nom noble, de la haute noblesse. Laisser un nom, rester connu après sa mort. Littéraire. N'être qu'un nom, n'être qu'une apparence, n'avoir pas de réalité. Ne pas avoir de nom, (être) sans nom, être inqualifiable par son caractère horrible, énorme, indigne : Un crime sans nom. Ne pas dire son nom, cacher sa réalité profonde sous des apparences trompeuses. Nom à particule ou, familièrement, à rallonges, à tiroirs, nom de famille noble comportant plusieurs éléments réunis par des particules. Nom de baptême, prénom donné à celui qui est baptisé et qui le place sous la protection d'un saint. Nom de Dieu, nom de nom, nom d'un chien, nom d'un petit bonhomme, nom d'une pipe !, etc., jurons exprimant l'indignation, la surprise. Familier. Petit nom, prénom. Traiter quelqu'un de tous les noms, le couvrir d'épithètes injurieuses. Droit au nom, ensemble des prérogatives que possède un individu sur son nom. Nom commercial, désignation d'un établissement commercial constituant un élément du fonds de commerce. Complément de (ou du) nom, nom, pronom, infinitif ou adverbe, directement subordonnés à un nom par une préposition et exprimant des valeurs diverses (possession : le livre de mon frère ; origine : un poème de Hugo ; trait descriptif : un ami de toujours ; matière : une statue en bronze ; but : une vie pour travailler ; lieu : son passage par Paris ; etc.). ● nom (homonymes) nom masculin (latin nomen, -inis) non adverbe non nom masculin invariable ● nom (synonymes) nom masculin (latin nomen, -inis) Mot considéré comme titre d'une qualité, comme qualificatif
Synonymes :
- dénomination
- titre
Linguistique. Catégorie grammaticale regroupant les mots qui désignent soit une espèce...
Synonymes :
nom
n. m.
rI./r
d1./d Mot qui sert à désigner un être vivant, une chose (abstraite ou concrète), un groupe. Syn. substantif.
|| Nom propre, qui désigne un être singulier, unique (ex. Socrate, Kigali).
— Nom commun, donné à toutes les choses, à tous les êtres conçus comme appartenant à une même catégorie (ex. homme, arbre, cheval).
|| Appeler les choses par leur nom: donner sans ménagement aux personnes ou aux choses les noms qu'elles méritent, parfois au mépris de la bienséance.
|| Une chose sans nom, qui n'a pas de nom, inqualifiable ou indicible. Une horreur sans nom.
d2./d Appellation qui fonde l'identité de l'individu qu'elle désigne, qui permet de le distinguer d'un autre dans le langage. Afficher les noms des candidats reçus.
|| (Par oppos. à prénom.) Nom de famille ou, absol., nom: nom commun aux personnes d'une même famille; patronyme. Déclinez vos nom, prénom, qualités.
|| Prénom, nom de baptême, nom individuel. Jean, Gilles, Mamadou sont des noms courants.
— Fam. Petit nom.
|| (Afr. subsah.) Nom de plaisanterie: terme d'affection à l'adresse d'un proche parent. Nom de réincarnation, donné à un enfant né peu après la mort d'un de ses ascendants. Nom du jour de naissance, donné suivant le jour de la semaine où naît l'enfant.
|| Se faire un nom: devenir célèbre.
d3./d Le mot opposé à la chose; l'apparence. La gloire n'est qu'un vain nom.
rII./r Loc. Interj. (dans des jurons). Nom d'un chien! Nom de nom!
rIII/r Loc. Prép. Au nom de.
d1./d De la part de. Emprunter de l'argent au nom d'un ami.
d2./d En vertu de, en considération de. Au nom de la loi, ouvrez!
⇒NOM, subst. masc.
I. —Mot ou groupe de mots qui sert à désigner une réalité concrète ou abstraite. Noms de personnes, de lieux, de villes; noms d'animaux, d'arbres, de plantes; noms de couleurs, de jeux, de notes de musique; noms d'organes. Nous imaginons que la louange accordée à un de nos actes justifie tout notre être: c'est pourquoi nous nous soucions d'être nommés; le nom, c'est ma présence totale rassemblée magiquement dans l'objet (BEAUVOIR, Pyrrhus, 1944, p.98):
• 1. ... le mot porte le sens, et, en l'imposant à l'objet, j'ai conscience d'atteindre l'objet. Comme on l'a souvent dit, pour l'enfant l'objet n'est connu que lorsqu'il est nommé, le nom est l'essence de l'objet et réside en lui au même titre que sa couleur et que sa forme.
MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.207.
— Nom + adj. Nom allemand, anglais, français, grec, hébreu, latin; nom actuel, ancien, moderne, nouveau; nom caractéristisque, défini, distinctif, général, impropre, original, particulier, spécial, vague; nom expressif, gracieux, imagé, mélodieux, pittoresque, ravissant, splendide; nom barbare, bizarre, curieux, idiot, impossible, imprononçable, pompeux, rébarbatif, ridicule, sinistre.
♦Nom à coucher dehors. V. coucher1 III A 2.
♦[Avec une majuscule] Le Nom ineffable. V. ineffable A.
— Verbe + nom. Trouver, donner un nom; porter, prendre, recevoir un nom, le nom de (...); réserver un nom, le nom de (...) à qqc.; devoir son nom à (...); tirer son nom de (...); ignorer, prononcer, rappeler, retenir, retrouver, savoir, taire un nom; répondre au nom de (...); changer de nom; baptiser qqn, qqc. du nom de (...); désigner qqc. du, par le, sous le nom de (...); connaître qqn, qqc. sous le nom de (...); décrire qqc. sous le nom de (...), sous des noms divers. V. appeler ex. 38.
A. —[La réalité désignée est considérée en tant que telle, indépendamment de la catégorie logique à laquelle elle appartient; la manière dont on la désigne (nom propre) permet de la distinguer des autres réalités appartenant à celle-ci]:
• 2. Les noms géographiques et les noms donnés aux personnes ou aux divinités païennes, étaient, à leur origine, des mots tirés du langage courant. Devenus des noms propres par l'usage, ils ont perdu assez rapidement leur signification. Qui songe, aujourd'hui, aux moulins qui ont valu son nom au chef-lieu du département de l'Allier ou au poste de douane fluviale qui est à l'origine du nom de la rue de la Douane à Strasbourg?
L'Hist. et ses méth., 1961, p.713.
1. a) [La réalité désignée est une pers. ou un groupe de pers.] Nom aristocratique, bourgeois, féodal, historique, noble, royal, seigneurial; nom officiel, supposé; faux nom; nom d'emprunt. Ce personnage était, disait-on, un rentier dont personne ne savait au juste le nom (HUGO, Misér., t.1, 1862, p.565). Il ne fut bientôt question, dans les palais de Venise, que du goût dont la comtesse de Sulmerre s'était prise pour moi. Nos noms étaient sur toutes les bouches (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p.63). V. appellation ex. 5, appeler ex. 37 et 48:
• 3. ... l'expression générique de nom comprend des éléments très divers et d'importance inégale: nom de baptême, nom de guerre, nom de terre, nom patronymique, prénom, pseudonyme, surnom.
CAP. 1936.
— Nom + verbe. Un jeune homme dont le nom m'échappe (AMIEL, Journal, 1866, p.196). Conrad, voici M. Symphorien Franier, publiciste du premier mérite, dont le nom ne t'est certainement pas inconnu (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.93):
• 4. ... vous allez voir arriver Dom Martora. Son nom ne vous dit rien? Rappelez-vous ce petit juif romain que sa bonne avait baptisé et que Pie IX fit enlever à ses parents pour le confier à notre ordre.
BILLY, Introïbo, 1939, p.54.
— Verbe + nom. Dire, écrire, épeler, graver, indiquer, inscrire, signer son nom; décliner ses noms et qualités; donner son nom et son adresse; cacher son nom sous un pseudonyme; vivre sous un nouveau nom; voyager sous son nom; connaître qqn de nom; mettre un nom sur un visage; Mon nom?... Dites mes noms; j'en ai deux: un de naissance (...); un de guerre (DUMAS père, Tour Nesle, 1832, I, 2, p.8). Le bon prêtre recueillit l'enfant, lui donna le nom du saint inscrit au calendrier ce jour-là (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.57). Le célèbre Boule n'a pas inventé le genre auquel il a donné son nom (NOSBAN, Manuel menuisier, t.2, 1857, p.248).
♦Loc. fig., vieilli. Dire à qqn plus haut que son nom. V. haut1 II C 1 b.
— Loc. adj. Au nom (de qqn). Qui porte le nom de. Je me rendis rue Jean-Jacques-Rousseau. Il y avait deux lettres au nom de Duval, je les pris et je revins (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p.52).
— En partic.
♦Nom patronymique ou nom de famille (dr. civil). ,,Élément du nom qui, attribué en raison de la filiation, est porté par les membres d'une même famille`` (Jur. 1974). Avant 1789 (...) on ne dénommait l'enfant que sous le nom patronymique, le nom seigneurial n'étant donné qu'au père (GONCOURT, Journal, 1861, p.906):
• 5. SIEGFRIED: Puis-je vous demander votre nom? GENEVIÈVE: Prat... Mon nom de famille est Prat. SIEGFRIED: Votre prénom? GENEVIÈVE: Geneviève.
GIRAUDOUX, Siegfried, 1928, II, 2, p.71.
♦Nom propre (vx ou littér.). Prénom, nom de baptême. Il soupçonnait madame de Gromance d'éviter les noms propres en amour, de peur de les brouiller (A. FRANCE, Anneau améth., 1899, p.297).
♦Nom de baptême (relig.). On dit aussi nom chrétien. V. baptême ex. 4.
♦Nom de code. V. code B 2 a ex. de Goldschmidt.
♦Nom de guerre. V. guerre A 4.
♦Nom de plume, de théâtre. Pseudonyme (d'apr. GITEAU 1970, SCHUWER Éd. 1977).
♦Nom de religion. Nom que l'on prend en entrant au couvent (d'apr. Lar. encyclop.).
♦Nom de terre (dr. civil). ,,Appellation individuelle ou familiale tirée de la possession d'un domaine foncier, par adjonction du nom de ce domaine, à l'aide d'une particule, au nom du propriétaire`` (CAP. 1936). Beaucoup de familles nobles abandonnent leur patronyme pour ne porter que le nom de terre, le fief étant par définition le signe de la possession féodale (L'Hist. et ses méth., 1961, p.737).
♦Nom seigneurial. V. supra nom patronymique ex. de Goncourt.
♦Petit nom (fam.). Synon. de prénom. Elle est si jolie!... Mais comment s'appelle-t-elle de son petit nom? (BOURGET, Tapin, Fille-mère, 1927, p.172). La directrice m'avait demandé très aimablement si je voulais bien qu'on m'appelât de mon petit nom, tout court, Rose (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p.30).
— Absol. [Sans déterm. indiquant de quel élément du nom il est question]
♦[Nom recouvre l'ensemble du nom de famille et du, des prénom(s)] Nous causons de Chicard, qui s'appelait de son vrai nom Alexandre Lévêque (GONCOURT, Journal, 1860, p.699). Marat (...) n'était connu dans ce milieu que sous son nom légal, François Lamballe (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.201). V. aussi supra ex. 5.
♦[Nom est synon. de nom de famille] —Vous ignorez son nom? —Son nom et son prénom (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.61):
• 6. ... la fille adoptive qu'il faisait élever en Suisse (...) avait très mal tourné; on avait obtenu d'elle, moyennant pension, qu'elle reprît le nom de sa mère pour aller exercer son état de chanteuse légère le plus loin possible, à Pesth, à Bucarest.
VOGÜÉ, Morts, 1899, p.311.
Celle qui porte mon nom. Mon épouse. Dans quel camp, madame, dois-je ranger celle qui porte mon nom (...)? (DUMAS père, Reine Margot, 1847, I, 4, p.30).
Pop. Nom à charnière, à rallonge, à tiroir. Nom qui se dévisse. Synon. nom à particule (d'apr. CAR. Argot 1977).
♦[Nom est synon. de prénom] Nom de femme, de fille, de garçon. En ce temps venait travailler chez ma mère une petite couturière (...). Elle avait nom Constance (GIDE, Si le grain, 1924, p.388). Elle s'appelait, autant qu'il m'en souvient, d'un nom démodé comme elle: «Coralie» (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.191). Il me dit: «Esther? C'est un nom juif, comment se fait-il que la grand'mère de votre mari ait un nom juif?...» (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.144). V. joli ex. 10.
[En parlant d'un souverain, «du nom» précédé d'un adj. numéral indiquant le rang dans la série des souverains porteurs du même prénom] Le 25 juin 1866, jour anniversaire de sa naissance, Charles d'Este, premier du nom, duc régnant de Blankenbourg, donna une fête de nuit dans sa résidence de Wendessen (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.1). Je suis le roi. Je suis Parfait, dix-septième du nom, roi d'Occident, de Burgondie et des Vascons (AUDIBERTI, Mal court, 1947, I, p.138).
♦[Nom est synon. de surnom]:
• 7. Les traditionnalistes et Confucius (...) font [de l'empereur] le médiateur entre le ciel et le peuple, le «fils du ciel». Ce nom désigne l'empereur et sa fonction.
DOEBLIN, Pages imm. Confucius, 1947, p.35.
— Spécialement
) DR. COMM.
♦(Société en) nom collectif. Article 20. «La société en nom collectif est celle que contractent deux personnes ou un plus grand nombre, et qui a pour objet de faire le commerce sous une raison sociale» (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p.250).
♦Nom commercial. Nom sous lequel une personne physique ou morale exerce un commerce. L'utilisation du nom commercial d'un tiers constitue un acte de concurrence déloyale (CIDA 1973). Le nom commercial est un des éléments incorporels du fonds de commerce (Jur. 1974).
Loc., vieilli. Être en nom, se mettre en nom dans une affaire, dans une maison de commerce. Diriger une affaire, une entreprise commerciale sous son propre nom. L'avocat Savaron ne commit pas la faute de se mettre en nom, il laissa la direction financière [de la revue] à son premier client, monsieur Boucher, allié par sa femme à l'un des plus forts éditeurs de grands ouvrages ecclésiastiques (BALZAC, A. Savarus, 1842, p.33).
♦Prête-nom.
♦Mettre un bien, une entreprise au nom de qqn. Faire de quelqu'un le propriétaire apparent ou réel d'un bien ou d'une entreprise. Ce bandit de Paganetti, en prévision d'un accident, avait tout mis au nom de sa femme (A. DAUDET, Nabab, 1877, p.206).
) IMPR. Nom d'imprimeur. ,,Mention obligatoire sur tout imprimé rendu public, sauf les bilboquets; figurant au bas d'un imprimé ou à la fin d'un volume, elle comprend le nom et l'adresse de l'imprimeur et souvent, d'autres signes de référence`` (COMTE-PERN. 1974). On dit aussi nom d'ours.
) BEAUX-ARTS. Nom de Jésus. ,,Petite peinture ou chiffre où ce nom est en abrégé`` (LITTRÉ).
b) ) [Le nom en tant que représentant celui qui le porte] Sortir un nom d'une urne; prendre, relever, livrer un nom; traîner un nom devant les tribunaux. Les présentations pour les trois premières catégories de membres nommés par le Préfet donnent lieu, pour chaque membre, à l'établissement d'une liste de trois noms soumise au choix du Préfet (Réforme hospit., 1959, p.17).
) [Le nom en tant que support de la réputation]
— [d'un individu] Il ne m'appartient pas peut-être de disputer sur les suites du système; mais quant à ses défenseurs, il me semble, mon cher ami, qu'il est possible de citer des noms respectables à côté de ces autres noms qui vous déchirent la bouche (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersbourg, t.1, 1821, p.148). Adieu. Après-demain, vous serez fixés, ou j'y perdrai mon nom (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.427). Monseigneur!... Cette rigueur!... Attacher mon nom à une mesure aussi cruelle!... Moi!... (...) J'aimerais mieux donner ma démission!... (SARDOU, Rabagas, 1872, V, 6, p.238).
SYNT. Nom connu, distingué, fameux, glorieux, honorable, illustre, inattaquable, respecté, révéré, vénérable, vénéré; nom obscur, redoutable, redouté; nom tombé dans l'oubli; nom qui fait autorité, qui répand la terreur; déshonorer un nom.
♦En partic. (support d'une réputation flatteuse). L'orgueil (...) et l'envie de se survivre et de laisser un nom étaient de sûrs garants que la foule allait se précipiter dans une route de l'immortalité si facile et si large (DESMOULINS ds Vx Cordelier, 1793-94, p.280). Parlez aux hommes de leurs affaires, et de l'affaire du moment, et soyez entendu de tous, si vous voulez avoir un nom (COURIER, Pamphlets pol., Pamphlet des pamphlets, 1824, p.216):
• 8. Professeur à la Faculté de médecine de Paris, membre de l'Académie de médecine, Paul Broca (1824-1880) avait d'abord consacré toute son activité à des recherches de médecine et de chirurgie, qu'il poursuivit d'ailleurs jusqu'à la fin de sa vie et qui suffiraient à elles seules à lui faire un grand nom dans la science.
Hist. de la sc., 1957, p.1377.
Loc. adj., vieilli. En nom. En renom. Un air de docteur en nom (POULOT, Sublime, 1872, p.164).
— [d'une famille] Deux frères, les seuls que j'avois, tués en combattant pour la liberté, l'un au siège du Maëstricht et l'autre dans la Vendée, et ce dernier coupé en morceaux, par la haine que les royalistes et les prêtres portent à mon nom (DESMOULINS ds Vx Cordelier, 1793-94, p.52). Une illustre famille prête à s'éteindre faute d'héritiers, mais dont le nom ne mourra jamais (DELILLE, Homme des champs, 1800, p.XX). Bien qu'elle fût libre et veuve, elle avait encore à répondre du nom qu'elle portait (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p.294). V. supra syntagmes.
— [d'une collectivité] Il a la charge d'imposer la France partout où il passe. À chaque jour de sa vie, il engage le nom français (PSICHARI, Voy. Centur., 1914, p.167):
• 9. Notre république vaut bien celle de Rome, et nos actions ont depuis long-temps surpassé ses hauts faits. (...), et le monde, rempli du nom français, oubliera bientôt le nom des Romains.
BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p.68.
) [Le nom en tant que titre de noblesse] Un ancien, un vieux nom; hériter d'un nom. Dès ce jour il se mit à tourmenter Claudine, il avait dans la plus profonde horreur une bourgeoise, une femme sans nom; il lui fallait absolument une femme titrée (BALZAC, Prince Bohême, 1840, p.380). Unique héritier d'un nom destiné à finir avec lui, le dernier marquis de La Seiglière vivait royalement dans ses terres, chassant, menant grand train (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p.4).
♦Homme de nom. Noble. Si (...), ce pauvre État de France N'était si chancelant, qu'il faille autour de lui Tous les hommes de nom pour lui servir d'appui (DUMAS père, Charles VII, 1831, II, 3, p.256).
c) P. méton. Celui, ceux qui porte(nt) ce nom.
) Personne, personnage. Il y a en ce moment une demoiselle à marier avec quelques millions dans la poche et une cinquantaine d'autres après (...) moyennant les millions, les plus beaux noms de France, d'Allemagne et d'Italie sont prêts à toutes les platitudes (MÉRIMÉE, Lettres à une inconnue, t.2, 1865, p.278). Les plus grands noms de France ne dédaignaient pas de se rencontrer aux samedis de la baronne Hemerlingue (A. DAUDET, Nabab, 1877, p.342). Il y avait là des gens en blouse et en manches retroussées qui disaient des choses vraies et vives sur le théâtre, sur l'art, sur les poëtes. Ils cherchaient et trouvaient dans la foule les noms célèbres (HUGO, Choses vues, 1885, p.133).
) Vieilli. Le nom chrétien; le nom français; le nom romain. L'ensemble des Chrétiens, des Français, des Romains. Ce sultan fut un redoutable ennemi du nom chrétien (Ac. 1935).
) En partic. Le nom de Dieu. Dieu. Je répandrai mon ame au seuil du sanctuaire, Seigneur, dans ton nom seul je mettrai mon espoir (LAMART., Médit., 1820, p.201). Seigneur, c'est aujourd'hui le jour de votre Nom, J'ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion, Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles Qui pleurent dans le livre, doucement monotones (CENDRARS, Du monde entier, Les Pâques à New York, 1912, p.25):
• 10. Dès que je reparus au couvent des Dominicains, un des pères (...) m'accueillit les bras ouverts, en s'écriant: —Loué soit le nom de Dieu! Soyez le bien-venu, mon cher ami. Nous vous croyions tous mort...
MÉRIMÉE, Carmen, 1847, p.26.
♦Jurer le nom de Dieu. V. jurer I A 3 a ex. de Renard.
— [Le nom de Dieu utilisé comme juron] Lâcher des nom de Dieu. Mais qu'est-ce qu'il y a, sacré nom de Dieu! Expliquez-vous donc! Écrivez-moi! (FLAUB., Corresp., 1863, p.335). V. jurer II A ex. de Zola.
♦Emploi subst., vulg. Individu peu recommandable (d'apr. BRUANT 1901, p.264). Et je reste seul [veuf] avec six nom de Dieu de propre-à-rien sur les bras (RICHEPIN, Truandailles, 1891, p.52).
P. anal. À leur approche (...) des chiens de garde (...) donnèrent bruyamment l'alerte. —Cré tonnerre! dit la Guillaumette stoppant sur place (...). Pourvu que ces nom de Dieu là soient à l'attache! y sont foutus de nous dévorer (COURTELINE, Train 8h47, 1888, 2e part., III, p.121).
— P. euphém. [Pour éviter l'aspect blasphématoire des jurons supra] Nom de ça; nom de deux; nom de nom; nom d'une pipe. —(...) elle a pour père un maréchal de France (...) —Un maréchal de France! s'écria Crevel (...) Mon Dieu! saperlotte! cré nom! nom d'un petit bonhomme!... (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p.113). Venez donc, sacrebleu! tirez-vous un peu de ce saladier de cuistres. Vous trouverez là-bas des amis, de bons garçons, triple nom! de nobles coeurs, et vous quitterez vite avec eux ces manières de femmelette qui vous font tort (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p.112). Quand on marche là-dedans, nom d'un chien, on a de l'herbe jusqu'aux genoux... jusqu'au ventre! Voyez-vous ce que je veux dire? (LENORMAND, Simoun, 1921, 3e tabl., p.28).
) Loc. prép. Au nom de + subst.
— [Le subst. désigne une pers., une collectivité, une institution] En tant que représentant de quelqu'un ou quelque chose. Parler, remercier au nom de qqn; exercer des pouvoirs au nom de l'État. Le constable: (...) monsieur Kean le devoir avant tout, et, au nom du roi et des deux Chambres (...), je vous arrête (DUMAS père, Kean, 1836, V, 8, p.206). En entrant en Syrie avec les forces de la France Libre, le général Catroux adressera aux populations une proclamation. Cette proclamation, dont j'ai approuvé l'esprit et les termes, sera faite en mon nom et au nom de la France Libre, c'est-à-dire de la France (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.416):
• 11. ... le tuteur, lorsqu'il gère les affaires de son pupille, pourvu qu'il agisse dans la limite de ses pouvoirs, fait des actes qui produisent effet sur la tête de son pupille. De même, le mandataire qui agit au nom de son mandant, le gérant qui agit au nom de la société.
VEDEL, Dr. constit., 1949, p.134.
— [Le subst. désigne la Divinité] En l'invoquant. Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ (...), je vous adjure de ne rien négliger pour faire parvenir au dernier descendant de David Ewart la somme... (A. FRANCE, Jocaste, 1879, p.66). Non, non, mon enfant! Au nom du ciel! Pas de coup de tête! vous le regretteriez (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, III, 9, p.63):
• 12. Vais-je devoir croire pour ne pas désespérer de moi-même que le capitalisme est un ordre éternel, capable de sanctifier comme un Dieu toutes les trahisons qu'on commet en son nom?
NIZAN, Conspir., 1938, p.242.
♦[P. allus. à la phrase rituelle Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit] Faire au nom du père. Se signer. Tout le monde y se le touche [cet enfant miraculé] en faisant au nom du père (MUSETTE, Cagayous partout, 1905, p.111).
— [Le subst. désigne une entité abstr.] En considération de quelque chose. Agir au nom de la morale. Je vous en conjure au nom de l'amitié et de ma fidélité politique, profitez de l'occasion qui se présente pour consolider votre ouvrage (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.173). Au nom des serments de tendresse, Dont rien ne peut nous délier (...) J'implorai d'elle un rendez-vous (BAUDEL., Fl. du Mal, 1857, p.187):
• 13. En matière économique, l'employeur est (...) maître. S'il y a conflit, il est juge et partie (...). Non que le syndicat ne puisse intervenir. Mais il le fera au nom d'autres impératifs, —justice sociale, équité —...
REYNAUD, Syndic. en Fr., 1963, p.206.
♦Au nom de la loi, d'un règlement. En vertu de la loi, d'un règlement. «Au nom de la loi, ouvrez!» dit une voix (VALLÈS, Réfract., 1865, p.123). [L'économe] refusa, au nom du règlement, de céder une autre commode (MAUPASS., Une Vie, 1883, p.210).
2. [La réalité désignée est un animal] Navaros: c'était le nom de ce chien espagnol, d'assez bon naturel, quoique trop dédaigneux (DUSAULX, Voy. Barège, t.1, 1796, p.202). Tedmor (c'est le nom arabe de Palmyre, que j'ai donné au cheval de l'aga) (LAMART., Voy. Orient, t.2, 1835, p.237).
3. [La réalité désignée est une chose] Nom d'un château, d'une péniche. [Il souffrait] toujours d'entendre prononcer le nom de patrimoines morcelés, passés en d'autres mains, comme un exilé tressaille au nom douloureux de la patrie (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p.182).
— En partic.
a) [un lieu] Nom d'un pays, d'un fleuve, d'une montagne; nom d'un village, d'une place, d'une rue. Les noms fameux d'Arles, d'Avignon, de Saint-Rémy, de Saint-Gilles, d'Aix-en-Provence personnifient à nos yeux les formes composites les plus attrayantes de la beauté (BARRÈS, Cahiers, t.5, 1907, p.288). Là-bas, au loin, vous apercevez les collines forestières qui portent toutes des noms charmants: la forêt du Lys, la forêt de Carnelle et la forêt de l'Isle-Adam (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.157):
• 14. Jaurès venait d'arriver par cette porte d'Allemagne, cette avenue d'Allemagne qui devaient, quelques années plus tard, par une dérision de grandeur, perdre leur nom, pour prendre le sien à la faveur de la guerre qu'il avait voulu prévenir.
ARAGON, Beaux quart., 1936, p.340.
b) [une oeuvre d'art] La Belle Jardinière, c'est le nom qu'on donne à cette charmante composition qui réunit la Vierge, saint Jean et l'enfant Jésus dans un petit cadre cintré par le haut (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p.33). Cette symphonie héroïque, de nom et de fait (PROD'HOMME, Symph. Beethoven, 1921, p.124).
c) [un produit manufacturé] [Il] donna à son oncle le nom d'un détacheur bien supérieur à tout ce qu'on fait en ce genre, nom dont M. Octave prit note, par politesse, se faisant même préciser l'orthographe, encore qu'il eut l'intention bien arrêtée de n'acheter jamais ce produit (MONTHERL., Célibataire, 1934, p.809).
— P. anal. L'avenir a plusieurs noms. Pour les faibles, il se nomme l'impossible; pour les timides, il se nomme l'inconnu; pour les vaillants, il se nomme l'idéal (HUGO, Actes et par. 2, 1875, p.142).
B. —[La réalité désignée est considérée dans la catégorie à laquelle elle appartient; la manière dont on la désigne (nom commun —v. ce mot A 2 gramm.) convient à toutes les réalités appartenant à celle-ci] L'homme et la femme isolés ne sont que deux moitiés de l'homme de la nature: le même nom désigne l'un et l'autre dans toutes les langues (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p.331). Cette espèce d'instrument dont le nom ne me revient pas (BOREL, Champavert, 1833, p.107). Comme l'indique son nom, (...) [l'antisepsie] forme la base de la lutte contre les microbes (GARCIN, Guide vétér., 1944, p.11):
• 15. ... on a donné le nom de presse à l'ensemble des produits de l'impression. C'est ainsi que la locution fameuse: liberté de la presse, concerne encore tous les produits de l'impression, le livre comme le journal.
Civilis. écr., 1939, p.32-3.
— [Nom p. oppos. à la chose nommée (v. chose1 I B 2 b ex. de La Martelière)] Delaunay: À notre fille, Teresa... Que ce mot ne t'effraye pas: en te voyant, l'on saura bien que tu n'es sa mère que de nom (DUMAS père, Teresa, 1832, II, 1, p.157). On me dira que l'inquisition n'est plus qu'un nom; mais c'est un nom horrible et je m'en défie, car à l'ombre d'un mauvais nom il ne peut y avoir que de mauvaises choses! (HUGO, Actes et par. 1, 1875, p.299):
• 16. Le terme de cybernétique a été adopté par M. Wiener au cours de l'été 1947 et c'est en 1948 que cet auteur a publié l'ouvrage qui devait faire connaître le nom et la chose.
DAVID, Cybern., 1965, p.32.
♦Locutions
Le nom ne fait rien à la chose. V. chose1 ex. 15.
— En partic. [Dans une nomenclature sc. ou pour des équivalents usuels] Nom savant; nom populaire; nom spécifique (d'une espèce donnée); nom vernaculaire. La pierre calcaire ou (pour employer le nom scientifique) le carbonate de chaux (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.176). Doucette: nom vulgaire donné à la mâche (Gdes heures cuis. fr., Éluard-Valette, 1964, p.233):
• 17. ... l'alcool est devenu le type d'une classe entière de composés. Tous ces composés sont aujourd'hui désignés sous le nom générique d'alcools:alcool ordinaire ou éthylique, alcool méthylique (esprit-de-bois)...
BERTHELOT, Synthèse chim., 1876, p.141.
II. —[Toujours avec un déterm.] Mot ou groupe de mots qui sert à qualifier une réalité concrète ou abstraite ou à la situer dans une catégorie particulière. Synon. épithète (v. ce mot A 2), qualificatif, titre.
A. —[La réalité concernée est une pers.]
1. [Le déterm. indique la nature du nom donné] Donner à qqn des noms affectueux, des noms d'amitié, de jolis noms, des noms injurieux, odieux. Un vieux cuisinier malheureux (...) qualifia [le grand patron] de noms infâmes, redit les vilaines histoires sur l'origine de sa fortune (HAMP, Marée, 1908, p.63):
• 18. Aristote est nommé par (...) [Dante] des noms les plus beaux: le docteur de la raison, le sage pour qui la nature eut le moins de secrets, le maître de ceux qui savent.
OZANAM, Philos. Dante, 1838, p.217.
— Loc. Traiter qqn de tous les noms; donner à qqn des noms d'oiseaux. Le couvrir d'injures. Je la regardais attentivement, Lola, pendant qu'elle me traitait de tous les noms et j'éprouvais quelque fierté à constater par contraste que mon indifférence allait croissant, que dis-je, ma joie, à mesure qu'elle m'injuriait davantage (CÉLINE, Voyage, 1932, p.276).
2. [Le déterm. désigne la catégorie à laquelle appartient la pers.] Un homme digne de ce nom; abdiquer le nom d'homme; être indigne, se réclamer du nom (de) chrétien; appeler qqn du nom d'ami. Delaunay: Pourquoi ne pas dire maman?... Ce nom te coûte donc bien à prononcer? (DUMAS père, Teresa, 1832, II, 5, p.164). Il faut réunir sous le nom collectif d'impressionnistes un ensemble d'hommes qui, liés d'amitié, firent à la même heure un effort vers l'originalité, à peu près dans le même sens (MAUCLAIR, Maîtres impressionn., 1923, pp.41-42):
• 19. ... vous n'avez jamais regretté votre nom de Français? Est-ce qu'il ne vous reste rien là pour la vieille patrie? Nous ne vous avons jamais fait de mal, nous; c'est le roi seul, conseillé par les évêques, qui vous a bannis...
ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.58.
B. —[La réalité concernée est une entité concr. ou abstr.] Il est commode, dit Fichte, de couvrir du nom ronflant de scepticisme le manque d'intelligence (RENAN, Avenir sc., 1890, p.435). Même si dans votre bouche votre passion se pare du nom de patrie; il est quelque chose de plus grand que la patrie: c'est la conscience humaine (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1452):
• 20. Présentées comme lois de circonstances, votées dans le silence des principes et soutenues par quelques déclarations contradictoires, les nationalisations consacrent une révolution qui n'a pas osé dire son nom.
CHENOT, Entr. national., 1956, p.21.
— [Nom dans une loc. négative à valeur d'adj.] Qui n'a pas de nom, sans nom. Que l'on ne peut, que l'on ne veut pas qualifier. Synon. innommable, inqualifiable. Épouvante, peur, terreur sans nom; embêtements sans nom. Je vous en supplie! C'est d'une impolitesse sans nom, ce que je fais là, mais il le faut (BERNSTEIN, Secret, 1913, I, 8, p.12). Le jour finissait et c'était l'heure dont je ne veux pas parler, l'heure sans nom, où les bruits du soir montaient de tous les étages de la prison dans un cortège de silence (CAMUS, Étranger, 1942, p.1181):
• 21. Quand il s'était assis —écroulé —à cette table, une fatigue sans nom le terrassait, une de ces fatigues qui vous tournent sur le coeur, vous donnent envie de vomir.
MONTHERL., Célibataires, 1934, p.852.
III. —GRAMM. Partie du discours susceptible de prendre les marques de genre et de nombre, de remplir des fonctions grammaticales telles que sujet, attribut, complément et qui sert à désigner un être, une chose en particulier (nom propre) ou un individu en tant qu'il appartient à un ensemble d'individus semblables (nom commun). Synon. substantif. Tout mot du langage peut devenir nom dès que l'on considère ontologiquement, en la faisant passer sur le plan de l'«être», la notion qu'il exprime (GREV. 1969, p.172). V. adjectif ex. 5, appeler ex. 39, complément ex. 4, déclinaison3 ex. de Destutt de Tracy, détermination ex. 2, genre A 2 d ex. de Destutt de Tracy.
— Nom + déterm. Nom appellatif (v. ce mot ex.); nom masculin (v. ce mot B 1), féminin (v. ce mot III A 2); nom simple, composé (v. ce mot II A 2 e); nom abstrait (v. ce mot II A 5 c), concret (v. ce mot II A 2 a rem.); nom individuel (v. ce mot A 3), collectif (v. ce mot I B 1 ling.); nom d'action (v. ce mot ex. 34, 36, 37), d'agent (v. ce mot I A 2 a), d'état (v. ce mot I A 4 rem. 2), d'instrument (v. ce mot II A 4); nom pris adjectivement; nom verbal.
♦Noms de nombre. Synon. adjectifs numéraux cardinaux (v. ce mot II C 1 a).
— Spécialement
♦GRAMM. TRADITIONNELLE. ,,Terme générique (...) [désignant] à la fois le nom substantif ou substantif proprement dit, et le nom adjectif (adjectif et pronom). Les linguistes modernes acceptent parfois ce groupement, qui constitue ce qu'ils appellent aussi les formes nominales; ils y adjoignent même les noms verbaux (...) ou formes nominales de la conjugaison`` (MAR. Lex. 1951).
♦GRAMM. DISTRIBUTIONNELLE. ,,Tout morphème qui peut être précédé d'un morphème appartenant à la classe des déterminants, pour former avec lui un syntagme nominal, constituant immédiat de la phrase de base`` (Ling. 1972).
♦GRAMM. GÉNÉRATIVE. ,,Tout morphème susceptible d'être inséré à la place d'un symbole postiche H, dominé par le symbole catégoriel N`` (Ling. 1972).
Prononc. et Orth.:[]. Homon. non. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Subst. A. 1. ca 880 le nom christiien «le christianisme» (Eulalie, 44 ds HENRY Chrestomathie, p.3); 2e moitié Xes. «dénomination désignant individuellement une personne» (St Léger, éd. J. Linskill, 22: nom a Vadart); XIIIe s. nom de bautesme (Fierabras, éd. Kroeber et Servois, 6009); 1538 nom de famille (EST.); 1660 nom de guerre (OUDIN Esp.-Fr.); 2. 1555 «prénom» Henry second du nom (RONSARD, Hymne de la justice, 376 ds OEuvres, éd. P. Laumonier, VII, 65); 3. a) ca 1100 «dénomination s'appliquant à un objet» (Roland, éd. J. Bédier, 2508); b) 1121-34 «dénomination s'appliquant à un animal» (PH. DE THAON, Bestiaire, 395 ds T.-L.); c) apr. 1170 «mot ou expression désignant une collectivité, une entité nationale, une réalité géographique» (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 15); d) 1919, 18 mars nom commercial (Bulletin des lois; [1673 nom social d'apr. SAVARY 1723]); 4. 1145 le nom de Dieu terme par lequel Dieu est désigné El nom Dé (WACE, Conception N. D., 1 ds T.-L.); d'où 1805 juron nom de Dieu! (COURIER, Lettres Fr. et Ital., p.699); 5. a) 1176-81 «réputation, renom» (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier Lyon, éd. M. Roques, 5330); 1674 laisser un nom (RACINE, Iphigénie, I, 2); 1687 se faire un nom (BOSS[UET], Louis de Bourbon ds LITTRÉ); b) ca 1223 «la famille, la lignée à laquelle on appartient» (GAUTIER DE COINCI, Mir. Vierge, éd. F. Koenig, I Mir. 22, 8); c) 1276-77 «noblesse» dame de nom (ADAM DE LA HALLE, Chansons, éd. J. H. Marshall, XXI, 46); 6. 1673 «personne dont les actions ont fait connaître le nom» entre les noms fameux (RACINE, Mithridate, V, 5). B. 1155 propre nuns (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 79); 1550 gramm. noms ... comuns (MEIGRET, Le Tretté de la gramm. fr., éd. W. Foerster, p.29); 1550 nom de nombre (ID., op. cit., p.56). C. 1. 1170 «terme qui désigne un être animé ou inanimé en tant qu'il fait partie d'une espèce» (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. F. Lecoy, 222); fin XIIe s. début XIIIe s. joie sanz non (Chansons attribuées au Chastellain de Couci, éd. A. Lerond, X, 13); 2. ca 1170 «qualité, titre d'une personne» (BÉROUL, Tristan, éd. A. Ewert, 2205); 3. début XVIe s. le nom gaulois (FOSSETIER, Cron. Marg., ms. Brux., 10512, X, V, 13 ds GDF.); 1538 «mot par opposition à ce qu'il désigne» (EST.). II. Loc. prép. 1. a) ca 1100 el num [de] «en l'honneur de» (Alexis, éd. Chr. de Storey, 89); b) 1337 el nom de «de la part de, comme représentant de» (cité ds RUNK., p.103); 1690 au nom de «avec le concours, l'appui de» (FUR.); 2. ca 1145 «en invoquant» El nom Dé (WACE, Conception N. D., 1 ds T.-L.); 1216 al non del maufé (G. LE CLERC, Fergus, 122, 29); 1306 en non du Pere et du Filz et du Saint Espérit (JOINVILLE, Vie St Louis, éd. N. L. Corbett, p.194, §532); 1690 au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (FUR.); 3. 1667 «en considération de» (RACINE, Andromaque, III, 7). Du lat. class. «nom, dénomination; titre; renom, célébrité; nom d'un peuple; le nom opposé à réalité». Fréq. abs. littér.:33979. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 61704, b) 50060; XXe s.: a) 44691, b) 38152. Bbg. BAR. (F.). La Reprise du nom au détriment de l'emploi du pron. Fr. mod. 1949, t.17, pp.191-196. —BUYSSENS (É.). Du Nom propre et du nom commun. Neophilol. 1937, t.23, pp.111-121; Les Noms singuliers. Cah. F. Sauss. 1973, n°28, pp.25-34. —CLARINVAL (B.). Essai sur le statut ling. du nom propre. Cah. Lexicol. 1967, n°11, pp.29-44. —KRIPKE (S.). La Logique des noms propres (Naming and Necessity). Paris, 1982, 175 p. — Langages. Paris, 1982, n°66 (Le Nom propre), 124 p. —MANCZAK (W.). Le Nom propre et le nom commun. R. intern. Onom. 1968, t.20, pp.205-218. —REY-DEBOVE (J.). Le Métalangage. Paris, 1978, p.137. —RONAT (M.). Une Contrainte sur l'effacement du nom. In: Lang. Théorie générative étendue. Paris, 1977, pp.153-169. —RUWET (N.). Les Noms de qualité. In: Colloque franco-all. de Ling. Théor. 1975. Stuttgart. Tübingen, 1977, pp.1-65. —TOGEBY (K.). Contribution à la descr. synt. des noms propres. In: TOGEBY (K.). Choix d'art.: 1943-1974. Copenhague, 1978, pp.37-49.
nom [nɔ̃] n. m.
ÉTYM. Xe; du lat. nomen.
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I Signe du langage (mot ou groupe de mots) servant à désigner un individu ou une classe d'individus et à les distinguer des êtres de la même espèce.
1 Mot, groupe de mots servant à désigner une personne, un groupe de personnes (tribu, famille, clan…). || Noms de personnes (⇒ Onomastique). || De nos jours, « le nom est la désignation officielle d'une personne dans la société. Il se compose de plusieurs vocables accolés dont l'un est essentiel : nom de famille ou nom patronymique, et dont les autres sont des adjonctions à ce nom : le ou les prénoms, le surnom, le pseudonyme, le titre nobiliaire » (Dalloz, Petit dict. de droit, art. Nom). ⇒ État (civil).
1 Les noms, qui donnent aux hommes l'idée d'une chose qui semble ne devoir pas périr, sont très propres à inspirer à chaque famille le désir d'étendre sa durée. Il y a des peuples chez lesquels les noms distinguent les familles; il y en a où ils ne distinguent que les personnes : ce qui n'est pas si bien.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XXIII, IV.
♦ Avoir, porter tel nom. ⇒ Nommer (se); appeler (s'), nommé. || La loi (cit. 20) impose un nom à l'homme. || Ces deux hommes portent le même nom. ⇒ Homonyme. || Il, elle a nom… X. || Porter le nom de…, répondre au nom de… — Fam. et pop. || Comment c'est; qu'est-ce que c'est, ton nom ? ⇒ Blase. — Dire, articuler (cit. 8), épeler son nom. || Cacher son nom (→ Idée, cit. 52), garder son nom secret (→ Dague, cit. 2). || « Une femme inconnue (cit. 10) qui ne dit point son nom… » || Graver (cit. 1) son nom, un nom dans un arbre (cit. 34), sur l'écorce. || Nom gravé sur la tombe (→ Après, cit. 4). — Appeler (cit. 39), désigner qqn par son nom. ⇒ Nominal (appel), nominativement, nommer. || Qui contient les noms. ⇒ Nominatif. || Avec désignation des noms. ⇒ Nommément. — Oublier le nom de qqn. || Noms qui échappent à la mémoire (→ Fouiller, cit. 29). — ☑ Loc. (1671). Ne pas pouvoir mettre un nom sur une tête (→ Marotte, cit. 5), sur un visage… — Ce nom me dit qqch. — Avoir la mémoire des noms (→ Impératrice, cit. 2). — ☑ Loc. (Fin XIIIe). Connaître qqn de nom, ne le connaître que de réputation. — Un drôle de nom. || Un beau nom. || Euphonie (cit. 1) d'un nom. → Euphonique, cit. 2. — Changer, modifier, corrompre (cit. 7), déformer un nom. || Changement de nom. || Allongement (cit. 3) de nom. || Avoir un nom banal, rare. || Avoir un nom étranger (par rapport au fonds onomastique d'une langue). || Il a un nom italien, polonais, mais il est français, belge. || Franciser (cit. 3) son nom. || Latiniser des noms français (→ Barbarie, cit. 11).
2 (…) je n'ai pas le don de placer si vite les noms sur les visages; au contraire, je fais tous les jours mille sottises là-dessus (…)
Mme de Sévigné, 146, 18 mars 1671.
3 Ces deux dames se connaissaient de nom, et par là savaient les égards qu'elles se devaient l'une à l'autre.
Marivaux, la Vie de Marianne, VII, p. 325.
4 Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire (…)
Hugo, les Rayons et les Ombres, XLII, X.
5 Un nom c'est tout ce qui reste bien souvent pour nous d'un être, non pas même quand il est mort mais de son vivant.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 149.
♦ Mettre son nom au bas d'une lettre. ⇒ Signature, signer. || Mettre son nom et ses titres à la tête d'une œuvre (→ Mandement, cit. 3). || Cacher son nom (⇒ Anonyme). || Publier un ouvrage sous le nom d'un autre (⇒ Allonyme). || Attacher son nom à une œuvre. || « Calomniateurs (cit. 5) anonymes, ajoutez votre nom… ».
6 Voilà de vos arrêts, Messieurs les gens de goût !
L'ouvrage est peu de chose et le seul nom fait tout.
Alexis Piron, la Métromanie, V, 6.
♦ Le nom sous lequel une personne est connue. || Grand nom (→ Abaisser, cit. 12, La Rochefoucauld). || La France, féconde (cit. 6) en grands noms. || Nom célèbre (cit. 5), illustre (cit. 8 à 10), insigne (→ 1. Insigne, cit. 1), glorieux (→ Marquis, cit. 1). || L'éclat (cit. 39) de son nom. || Gloire (cit. 29 et 37), célébrité, illustration d'un nom. || Éterniser (cit. 2) son nom. || Nom inscrit dans les annales (cit. 5 et 6). || Nom honorable (cit. 13), respecté (→ Fort, cit. 28; frasque, cit. 5). || Nom abject (→ Ennoblir, cit. 5), exécrable (cit. 5). || Déshonorer un nom (→ Infect, cit. 2). — Le poids, l'importance d'un nom. || Son nom en impose (cit. 45). || Faire de son nom un titre (→ César, cit. 2). || Apprendre son nom à la postérité (→ Effort, cit. 29). — Donner son nom à une ville (→ Fonder, cit. 4). || Amerigo Vespucci donna son nom à l'Amérique et Christophe Colomb à la Colombie. || Le héros (cit. 6) qui donnait son nom à la tribu. ⇒ Éponyme.
7 C'est un poids bien pesant qu'un nom trop tôt fameux !
Voltaire, la Henriade, III.
8 Le plus beau patrimoine est un nom révéré.
Hugo, Odes et Ballades, II, IV, III.
♦ Noms historiques. || Noms de la mythologie, de la fable (cit. 9). || Noms de personnages de romans (→ Extrêmement, cit. 5; historique, cit. 6). || Les noms dans un poème (→ Barbare, cit. 15).
9 On ne remarque pas assez que le poète de génie seul sait superposer à ses créations des noms qui leur ressemblent et qui les expriment. Un nom doit être une figure. Le poète qui ne sait pas cela ne sait rien.
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, « Grands hommes », IV.
♦ (Dans des loc.). Le nom sous lequel une personne fait qqch. (qui engage sa responsabilité…). ☑ Prêter son nom à qqn (⇒ Prête-nom). — (Après au, en…). ☑ Autoriser à agir en son nom (⇒ Lieu, II., 3. : au lieu et place de…), en faire son mandant. ⇒ Interposition (de personne). || Emprunter de l'argent au nom de qqn, en son nom (→ Achever, cit. 22). ⇒ Représentant, représenter. — Par ext. || La poésie lyrique (cit. 3) s'exprime au nom même de son auteur.
10 (…) tenant à sa place parce qu'à ses énormes bénéfices, Talleyrand prêtait son nom à une politique qu'il disait réprouver.
Louis Madelin, Talleyrand, II, XIV.
2 Spécialt. (En parlant des divers éléments du nom, des diverses façons de nommer les personnes, selon les sociétés, les coutumes, les époques…).
11 Les Romains avaient trois noms, le prénom (prænomen), qui désignait l'individu, le nom (nomen), qui distinguait la gens, et le troisième nom (cognomen), qui marquait la branche, la famille, par exemple : Caïus Julius Cæsar; et quelquefois quatre, le quatrième (agnomen) étant un surnom, par exemple : Publius Cornelius Scipio Africanus.
Littré, Dict.
♦ Nom individuel. — (XIIIe). || Nom de baptême (cit. 13), nom individuel conféré au baptême, dans les civilisations chrétiennes. ⇒ Prénom. — (1862). || Petit nom (même sens). → cit. 17, ci-dessous. || Il s'appelle Pierre, mais son petit nom est Jacques. — Nom de tribu (→ Héros, cit. 6). — (1538). || Nom de famille. — (1611). || Nom patronymique. ⇒ Patronyme. — Nom de terre, d'abord attaché à la possession d'une terre puis à celle d'un titre et souvent transmis par hérédité (→ Fossé, cit. 1, Molière).
12 (…) c'est un vilain usage, et de très mauvaise conséquence en notre France, d'appeler chacun par le nom de sa terre et Seigneurie (…) Un cadet de bonne maison, ayant eu pour son apanage une terre sous le nom de laquelle il a été connu et honoré, ne peut honnêtement l'abandonner; dix ans après sa mort, la terre s'en va à un étranger qui en fait de même : devinez où nous sommes de la connaissance de ces hommes.
Montaigne, Essais, I, XLVI.
13 Ce Valjean s'appelait de son nom de baptême Jean et sa mère se nommait de son nom de famille Mathieu.
Hugo, les Misérables, I, VII, I.
14 Les Circassiens, contrairement aux Turcs, ont un nom patronymique, ou plutôt un nom de tribu.
Loti, les Désenchantées, V, XXXI.
♦ Noms vrais (→ Incognito, cit. 9) et faux noms (→ Escroquer, cit. 4). || Se cacher sous un faux nom. || Prendre un nom d'emprunt. ⇒ Sobriquet, surnom. || Nom de religion (→ 1. Mère, cit. 17). — (1660). || Nom de guerre; nom de théâtre… ⇒ Pseudonyme. || Jean-Baptiste Poquelin prit le nom de Molière; F. Arouet, connu sous le nom de Voltaire. — Désignation d'une personne qui n'est pas un nom propre. || Petit nom d'amour (→ Carotte, cit. 1; mon, cit. 20). || Il était connu sous le nom de « broyeur de lin » (cit. 1). || « Prodiguer à une femme les noms de Soleil, d'Aurore… » (→ Langoureux, cit. 1).
15 Ces noms de roi des rois et de chef de la Grèce,
Chatouillaient de mon cœur l'orgueilleuse faiblesse.
Racine, Iphigénie, I, 1.
16 Le roi fut en ce temps au comble de la grandeur (…) L'hôtel-de-ville de Paris lui déféra (…) le nom de grand avec solennité (1680), et ordonna que dorénavant ce titre seul serait employé dans tous les monuments publics. On avait, dès 1673, frappé quelques médailles chargées de ce surnom (…) Cependant le nom de Louis XIV a prévalu dans le public sur celui de grand.
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, XIII.
16.1 — Je dois vous demander de me préciser votre identité. Vous ne vous appelez pas Liliane de Rosemar ? (…)
— Non, monsieur l'inspecteur, c'est un nom de guerre. J'ai été mannequin. Je m'appelle Simone Chamboisseau. J'ai trente-deux ans. Je suis célibataire.
René Floriot, La vérité tient à un fil, p. 61.
3 (V. 1155). Spécialt. Nom de baptême. ⇒ Prénom. || Noms de garçons, noms de filles. || Il s'appelle Anatole : quel drôle de nom ! || Chercher un nom pour un bébé. — Le nom de la femme aimée (→ Aimer, cit. 21; appeler, cit. 2; entailler, cit. 1). || Il s'appelle Georges, mais il n'aime pas son nom et il se fait appeler Pierre.
17 Il savait comment elle s'appelait, son petit nom du moins, le nom charmant, le vrai nom d'une femme, il savait où elle demeurait; il voulut savoir qui elle était.
Hugo, les Misérables, III, VI, IX.
18 Pendant la convalescence, elle s'occupa beaucoup à chercher un nom pour sa fille. D'abord elle passa en revue tous ceux qui avaient des terminaisons italiennes, tels que Clara, Louisa, Amanda, Atala; elle aimait assez Galsuinde, plus encore Yseult ou Léocadie. Charles désirait qu'on appelât l'enfant comme sa mère; Emma s'y opposait. On parcourut le calendrier d'un bout à l'autre, et l'on consulta les étrangers.
Flaubert, Mme Bovary, II, III.
19 Je n'aimais pas beaucoup ce nom d'Emmanuèle que je lui donnai dans mes écrits, par respect pour sa modestie. Son vrai nom ne me plaisait peut-être que parce que, depuis mon enfance, il évoquait tout ce qu'elle représentait pour moi de grâce, de douceur, d'intelligence et de bonté. Il me paraissait usurpé lorsqu'il était porté par quelque autre; elle seule, me semblait-il, y avait droit.
Gide, Et nunc manet in te, p. 8.
19.1 Si je savais ton nom, le nom à mon père ? le tien ton prénom.
Tony Duvert, Paysage de fantaisie, p. 68.
♦ Spécialt. (En parlant du prénom d'un souverain). || Louis, treizième du nom, le treizième roi de France à porter le nom de Louis (quel que soit le nom de la dynastie).
4 Nom de famille (opposé à prénom). || Nom, prénom et domicile (→ Acte, cit. 12). || Décliner (cit. 2) ses nom, prénoms, titres et qualités. || Transmission du nom. || L'adoptant (cit. 1) confère son nom à l'adopté. ☑ Offrir son nom à une femme, la demander en mariage (→ Éprendre, cit. 16). || Femme qui divorce et reprend son nom (→ 2. Général, cit. 11). || Nom de jeune fille d'une femme mariée : le nom de son père. || « Tout en conservant son nom patronymique, la femme a un droit d'usage sur le nom de son mari » (Dalloz, Nouveau répertoire, art. Nom, no 30). || Il veut avoir des enfants pour que son nom ne s'éteigne pas. ☑ Être le dernier de son nom, de sa famille. || Les grands musiciens du nom de Bach, les astronomes du nom de Cassini (⇒ Dynastie). — Nom d'une maison historique (cit. 8). || Nom roturier. ☑ Nom noble, à particule (fam. nom à rallonges, à courants d'air, à charnière). ⇒ 1. De (supra cit. 10).
20 Or, quand la Parque eut ce frère ravi,
Et que tout seul de mon nom je me vis (…)
Ronsard, le Bocage royal, II, Disc. (Vous, qui passez en tristesse…).
21 Je suis le premier célèbre et le dernier de mon nom. Mon nom, comme le cygne, chante en expirant.
A. de Vigny, Journal inédit, 8 mars 1856.
♦ Par ext. La famille elle-même. || Il est allié aux meilleurs, aux plus grands noms de France.
5 (1919). Dr. comm. || Nom commercial : appellation sous laquelle le commerçant (personne physique ou morale) exerce son commerce. || Le nom commercial « peut être un prénom, un surnom, un pseudonyme. Pour une société, c'est la raison sociale ou… la raison de commerce qu'elle a choisie » (Lacour, Précis dr. comm., §109, Dalloz). || Nom commercial figurant sur une enseigne. — Société en nom collectif.
6 (V. 1175). Dans quelques expressions. Réputation, notoriété. ⇒ Célébrité, gloire, renommée (→ Errer, cit. 11). — ☑ (1687). Se faire un nom (→ Malgré, cit. 1; métier, cit. 22). || Acquérir (cit. 12) un nom. — ☑ (1674). Laisser un nom (→ Flèche, cit. 11). — Vx. || Avoir quelque nom, du nom; gens de nom.
22 Tant que je vécus ignoré du public, je fus aimé de tous ceux qui me connurent, et je n'eus pas un seul ennemi. Mais sitôt que j'eus un nom, je n'eus plus d'amis.
Rousseau, les Confessions, VIII.
7 Vx. || Nom noble, par ext. : noblesse. ⇒ Blason. || Son nom et sa naissance (→ Humble, cit. 22). || Jeunes gens sans nom (→ Attirer, cit. 39).
23 Il faut un état, une famille, un nom, un rang, de la consistance enfin, pour faire sensation dans le monde en calomniant.
Beaumarchais, le Barbier de Séville, II, 9.
8 (Fin XIIe). || Le nom de Dieu : le nom ou l'un des noms employés pour désigner Dieu, et qu'il est généralement interdit de profaner. ⇒ Dieu (→ Blasphémer, cit. 2; célébrer, cit. 7; exaucer, cit. 8). || Noms sacrés (→ Juron, cit. 1). || Le saint nom de Jésus. || Le Nom ineffable (→ Logos, cit. 1). — Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, formule du signe de croix. || « Que votre nom soit sanctifié » (Pater noster). || Au nom du ciel, du Christ… ⇒ Pour (→ Invocation, cit. 3; main, cit. 104). || Au nom du Sacré-Cœur (→ Imploration, cit.).
24 Âme de l'univers, Dieu, père, créateur,
Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur (…)
Lamartine, Premières méditations, XIX.
♦ (Employé dans des jurons). || Nom de Dieu ! || Sacré nom (de Dieu) ! — (Par euphém.). || Nom de Zeus ! (Jupiter). || Nom de nom ! — (1848). || Nom d'une pipe ! — (1869). || Nom d'un chien ! — (1847). || Nom d'un petit bonhomme ! || Nom d'un tonnerre !
25 Nom d'une pipe, êtes-vous comédien ? (…) je vous prenais pour un jobard !
Balzac, l'Initié, Pl., t. VII, p. 371.
26 (…) la sonnerie électrique la fit sursauter. Nom d'un chien ! est-ce qu'on ne la laisserait pas boire tranquillement ?
Zola, Nana, II.
27 (…) la voilà, la voilà (…) Nom de Dieu, quel bateau ! Nom de Dieu ! regardez donc ! (…)
Maupassant, Pierre et Jean, IX.
➪ tableau Principales interjections.
9 (Fin XIIe). Désignation individuelle d'un animal, d'un lieu, d'un objet. || Donner à son chien le nom de Médor. || Le nom des chevaux engagés dans une course. || Jacquot est un nom de perroquet. — Noms de lieux (⇒ Toponymie). || Noms de villes, de villages, de lieux-dits (→ Image, cit. 63), des montagnes… || Nom d'un pays; le nom de la patrie (→ Antre, cit. 1; arroser, cit. 3.1). || Nom d'une gare (→ 1. Gare, cit. 4). || Noms de rues (→ Ancien, cit. 2; matricule, cit. 2).
28 Â l'âge où les Noms, nous offrant l'image de l'inconnaissable que nous avons versé en eux, dans le même moment où ils désignent aussi pour nous un lieu réel, nous forcent par là à identifier l'un à l'autre au point que nous partons chercher dans une cité une âme qu'elle ne peut contenir mais que nous n'avons plus le pouvoir d'expulser de son nom, ce n'est pas seulement aux villes et aux fleuves qu'ils donnent une individualité (…) ce n'est pas seulement l'univers physique qu'ils diaprent de différences, qu'ils peuplent de merveilleux, c'est aussi l'univers social : alors chaque château, chaque hôtel ou palais fameux a sa dame, ou sa fée (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VI, p. 11.
29 (…) Bricquebec (…) venant de (…) brice, pont, qui est le même que bruck en allemand (Innsbruck) et qu'en anglais bridge qui termine tant de noms de lieux (Cambridge, etc.). Vous avez encore en Normandie bien d'autres bec : Caudebec, Bolbec (…) C'est la forme normande du germain Bach (…) Quant à Dal (…) c'est une forme de thal, vallée (…) La rivière qui a donné son nom à Dalbec est d'ailleurs charmante.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. X, p. 96.
♦ (1080). || Noms d'objets. || Nom d'un bateau, écrit sur la marque de poupe. || Donner un nom à un camion. — Dr. comm. et cour. || Noms de produits, de marques. || Nom déposé : nom de marque commerciale déposée et protégée en tant que propriété d'une firme.
———
II (V. 1165).
1 Mot servant à désigner les êtres, les choses qui appartiennent à une même catégorie logique, et, spécialt, à une même espèce. ⇒ Appellation (II., 1.), dénomination, désignation; mot, terme, vocable. || Donner un nom à un nouvel objet technique. ⇒ Dénommer, nommer. || Qui n'a pas de nom (⇒ Innommé), ne peut pas avoir (⇒ Innommable) de nom. — ☑ (1640). Loc. Appeler les choses par leur nom : parler avec franchise, précision, et, spécialt, d'une manière crue. ⇒ Crudité (→ Ne pas avoir peur des mots; trancher le mot). || « La peste, puisqu'il faut l'appeler (cit. 42) par son nom » (La Fontaine). — Beau, joli, doux nom (→ Adultère, cit. 8; affût, cit. 2). || Noms barbares, compliqués (→ Machine, cit. 14). || Nom flatteur (cit. 13). || Le vain nom de faiblesse (cit. 44). || Le nom d'art (cit. 57), de justice (→ Étayer, cit. 5). || « La liberté (cit. 27), ce nom terrible ». — Ne pas connaître le nom d'un outil (→ Figure, cit. 3). || « Un je ne sais quoi qui n'a plus de nom dans aucune langue » (→ Cadavre, cit. 2, Bossuet). || Ça n'a pas de nom (→ Épouvanter, cit. 7). — ☑ Loc. Sans nom : indicible. || Une épouvante (cit. 6) sans nom, si intense qu'on ne peut la qualifier. || Une odeur sans nom dans la langue. ⇒ Innommable (→ Moisi, cit. 6). — ☑ Un libéralisme (cit. 3) qui n'ose pas dire son nom, honteux. || Une architecture (cit. 3) à peine digne de ce nom. || Chose qui justifie son nom (→ Folie, cit. 27). || Comme son nom l'indique… (→ Lord, cit.). || Nom trompeur.
30 De là (nous avons dès l'enfance contracté une si grande habitude de sentir et d'imaginer) vient que nous ne pensons jamais ou presque jamais à quelque objet que ce soit, que le nom dont nous l'appelons ne nous revienne; ce qui marque la liaison des choses qui frappent nos sens, tels que sont les noms, avec nos opérations intellectuelles.
Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu…, III, XIV.
31 Persécuté, proscrit, chassé de son asile,
Pour avoir appelé les choses par leur nom,
Un pauvre philosophe errait de ville en ville (…)
Florian, Fables, IV, 15.
32 De quel nom te nommer, heure trouble où nous sommes ?
Hugo, les Chants du crépuscule, Prélude.
33 Je nommai le cochon par son nom; pourquoi pas ?
Hugo, les Contemplations, I, VII.
♦ (En parlant des personnes). Littér. || Le beau nom de Sage; le doux nom de père (⇒ Qualification, titre; → Fille, cit. 6; instruire, cit. 26). || Le nom d'amoureux (cit. 15), de frère (cit. 2), d'arrogant (cit. 7). || Le nom d'athée (cit. 13), d'infidèle (cit. 4). || Le nom d'apôtre (cit. 1), de cardinal (cit. 4). || Homme digne du nom d'artiste (→ Industrie, cit. 11). || Ce grand nom d'homme (cit. 28, Vigny). || Être digne, indigne du nom d'homme (→ Métier, cit. 16). — Ce nom d'assassin (cit. 5). || Accabler qqn de noms détestés (cit. 13).
34 Et que Rome, effaçant tant de titres d'honneur,
Me laisse pour tous noms celui d'empoisonneur ?
Racine, Britannicus, IV, 4.
35 Et n'allez point quitter, de quoi que l'on vous somme,
Le nom que dans la cour vous avez d'honnête homme,
Pour prendre, de la main d'un avide imprimeur,
Celui de ridicule et misérable auteur.
Molière, le Misanthrope, I, 2.
36 Si le nom d'épouse est plus saint (dit Héloïse à Abélard), je trouvais plus doux celui de ta maîtresse, celui (ne te fâche pas) de ta concubine (…)
Michelet, Hist. de France, IV, IV.
♦ ☑ Loc. (XXe). Traiter qqn de tous les noms, l'accabler d'injures. — ☑ Iron. Donner à qqn des noms d'oiseaux.
37 Je la regardais attentivement (…) pendant qu'elle me traitait de tous les noms, et j'éprouvais quelque fierté à constater par contraste que mon indifférence allait croissant, que dis-je, ma joie, à mesure qu'elle m'injuriait davantage.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 203.
♦ Spécialt. (Dans une nomenclature scientifique). || Nom d'espèce, spécifique. ⇒ Épicène. || Nom de genre (cit. 11), nom générique (→ Gerboise, cit.; microbe, cit. 1). || Demander le nom d'une plante, d'une herbe (→ Mélisse, cit. 1). || Donner un nom à un animal (→ Engoulevent, cit.). || Plante connue dans telle région sous le nom de…
♦ Log. || Définition de nom (→ Imposition, cit. 2, Pascal).
2 Le nom, opposé à la chose nommée. ⇒ Mot, signifiant. || Le nom et la chose (cit. 4; → Grenouille, cit. 2). || Une raison qui n'a rien que le nom, qui n'en est pas une (→ Main, cit. 1). — De nom. || « Reine de nom, mais en effet captive » (→ Malheur, cit. 12). || Grâce suffisante de nom et insuffisante (cit. 1) en effet. — Le nom n'y fait rien (→ Inclination, cit. 14), ne fait rien à la chose… || La santé n'est qu'un nom, qu'une apparence (→ Amusement, cit. 5).
38 (…) un Roi paresseux et fainéant qui n'a rien en lui de magnanime ni de Prince, que le nom.
Ronsard, Élégies, « À la Reine d'Angleterre ».
39 Saint Chrysostome a bien compris cette vérité, quand il a dit : « Gloire, richesses, noblesse, puissance, pour les hommes du monde ne sont que des noms; pour nous, si nous servons Dieu, ce sont des choses. Au contraire la pauvreté, la honte, la mort sont des choses trop effectives et trop réelles pour eux; pour nous, ce sont seulement des noms (…) »
Bossuet, Oraison funèbre de la Duch. d'Orléans.
40 Toujours humble, toujours le timide Néron,
N'ose-t-il être Auguste et César que de nom ?
Racine, Britannicus, I, 2.
41 (…) elle se défend du nom, mais non pas de la chose (…)
Molière, la Critique de l'École des femmes, 2.
42 Un Brutus qui, mourant pour la vertu qu'il aime,
Doute au dernier moment de cette vertu même,
Et dit : Tu n'es qu'un nom ! (…)
Lamartine, Premières méditations, VII.
♦ Philos. Signe matériel servant à nommer, à désigner les classes d'être (opposé à concept, notion et à chose). || Croire à l'existence des noms (⇒ Nominalisme) et pas à celle des concepts (conceptualisme), ou des choses (réalisme).
43 Qu'est-ce au fond que la réalité qu'une idée générale et abstraite a dans notre esprit ? Ce n'est qu'un nom, ou, si elle est autre chose, elle cesse nécessairement d'être abstraite et générale.
3 (Déb. XVIe). Collectivt. Vx ou littér. Tous ceux qui portent un même nom (de peuple). || Le nom français, la nation française, le peuple français (→ Humanité, cit. 9).
44 C'est là qu'en arrivant, plus qu'en tout le chemin,
Vous trouverez partout l'horreur du nom romain (…)
Racine, Mithridate, III, 1.
4 Au nom de… En considération de…, en invoquant… (→ Atelier, cit. 8; brave, cit. 11; emmailloter, cit. 5). || Au nom des mœurs (cit. 11), de la morale (cit. 13). — Spécialt. || Au nom de la loi, en vertu de la loi, des pouvoirs qu'elle confère. ⇒ Ordre (→ Mariage, cit. 4).
45 Après avoir repoussé la littérature des Allemands au nom du bon goût, on croit pouvoir aussi se débarrasser de leur philosophie au nom de la raison.
Mme de Staël, De l'Allemagne, Obs. génér.
46 Au matin, ils sont venus à quatre. Ils ont fait ouvrir la porte au nom de la loi.
G. Duhamel, Salavin, V, XVIII.
♦ ☑ Allus. hist. Liberté (supra cit. 18), que de crimes on commet en ton nom !
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III (Dans le langage; nom substantif, XIVe).
1 Élément du langage, mot ou groupe de mots (syntagme) fonctionnant comme substantif. || Noms concrets, abstraits. || Noms d'agent, d'action, d'état, d'instrument.
47 Les noms d'action et les noms d'agent (…) constituent, au milieu de la catégorie générale du nom, deux catégories spéciales nettement tranchées. On peut y rattacher les noms d'instrument et les noms qui expriment le résultat de l'action.
J. Vendryes, le Langage, p. 151.
♦ Nom propre : nom désignant un individu et ne correspondant pas à un concept, à une notion (→ ci-dessus, I.). || Dictionnaire de noms propres. || Nom propre logique, expression du langage ayant la fonction de nom propre, qu'elle comporte ou non un nom propre (ex. : « le vainqueur d'Austerlitz »; « l'organisateur de la victoire »).
♦ Vx. || Nom appellatif : nom commun. — Nom commun : nom correspondant à une classe d'objets (en extension) et à un concept ou notion (en compréhension).
♦ Gramm. || Nom simple, composé. — Genre des noms. ⇒ Genre (cit. 25 à 28 et supra); masculin, féminin (et aussi neutre). || Nombre des noms. ⇒ Nombre; singulier, pluriel. — Nom collectif. — Fonctions, emplois du nom. || Nom sujet, attribut, complément (⇒ Régime). || Nom en apposition. || Complément de nom. || Nom employé adjectivement. || Mot remplaçant le nom. ⇒ Pronom. || Accord du nom. — Le nom et l'article (cit. 20), et l'adjectif.
REM. 1. Pour l'emploi ou l'omission de l'article devant les noms. → 1. Le (I.); 2. De. Spécialt. Devant les noms propres. → 1. Le (I., 1., 3. et 7.); devant les noms de bateaux. → 1. Le (supra cit. 21). — Pour l'emploi du possessif et de l'article devant les noms désignant des parties du corps. → Mon (supra cit. 5).
2. Pour la formation et l'accord des noms composés, se rapporter à chacun d'eux; → par ex. les comp. de bas (bas-fond, bas-côté, basse-cour), de garde (4. Garde), de haut, etc.
2 Ling. Catégorie utilisée par les grammairiens latins et classiques (Du Marsais, l'abbé d'Olivet…) et reprise par certains grammairiens modernes, comprenant le nom au sens 1 (nom substantif), l'adjectif et le pronom (nom adjectif) et parfois certaines formes verbales (noms verbaux : infinitifs [cit. 4], participes). || Noms de nombres : deux, deuxième…
48 Cette appellation (nom) appartient à la grammaire traditionnelle, qui en fait généralement le synonyme pur et simple de celle de « substantif ». Mais (…) les grammairiens ont longtemps formé une seule espèce du substantif et de l'adjectif qualificatif, groupés sous la désignation commune de « noms ». Cette vue (…) a commencé (dès le XVIIIe siècle) à tomber en défaveur. Cependant plusieurs grammairiens de cette époque (…) soutiennent encore l'ancienne opinion (…) Restaut dit : « Tout ce que notre âme peut concevoir et se représenter par une simple vue, et sans en porter aucun jugement, est exprimé dans le discours par un nom… » (…) c'est peut-être là la meilleure définition que l'on pourrait donner du nom : une simple vue de l'esprit sur une perception ou une conception. Le nom serait le mode d'expression des représentations en tant qu'elles ne sont que cela.
J. Damourette et É. Pichon, Essai de grammaire de la langue franç., §78.
3 Didact. (au sens de l'angl. name). Tout signe capable de désigner, de nommer (incluant des verbes, etc.). || Tous les termes sont des noms. ⇒ Terme, terminologie.
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COMP. Prête-nom, surnom. (V. aussi Nominal, nommer, prénom… et les comp. du grec onoma : -onyme, onoma-).
HOM. Non, n'ont (ils n'ont).
Encyclopédie Universelle. 2012.