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entendre

entendre [ ɑ̃tɑ̃dr ] v. tr. <conjug. : 41>
• 1080; lat. intendere « tendre vers », d'où « porter son attention vers »
I
1 V. tr. ind. Se prêter (à qqch.). acquiescer; accepter, approuver, consentir. « Les uns disent que j'ai bien fait d'entendre à un arrangement » (P.-L. Courier).
2 V. tr. dir. (v. 1121) Mod. ENTENDRE QUE (et subj.), ENTENDRE (et inf.) :avoir l'intention, le dessein de. ⇒ 1. vouloir. J'entends qu'on m'obéisse, j'entends être obéi. exiger. « Il n'entendait pas changer l'ordre social » (Chardonne). prétendre. Faites comme vous l'entendez. désirer, préférer. « Ma maladie aura toujours eu l'avantage qu'on me laisse m'occuper comme je l'entends » (Flaubert).
II V. tr. dir.
1(XIe) Littér. Percevoir, saisir par l'intelligence. comprendre, concevoir, saisir; entendement. J'entends bien que vous n'en êtes pas responsable. admettre, reconnaître. Comment entendez-vous cette phrase ? interpréter. REM. Cet emploi est vieux quand il y a ambiguïté avec le sens III.Vieilli Ne pas entendre malice à qqch. : faire ou dire qqch. sans mauvaise intention, sans arrière-pensée. « que trouvez-vous là de sale ? [...] Pour moi je n'y entends point de mal » (Molière). voir.
Mod. J'entends bien ce que vous voulez dire, et absolt J'entends, j'entends bien : je comprends. — Entends-tu ? ou fam. Tu entends ? (s'emploie pour appuyer un ordre, une menace). Ne reviens plus ici, tu entends ? « Tu comprends que j'en ai assez; je veux savoir, tu entends... Veux-tu parler ? » (Green). REM. Cet emploi peut être compris au sens III, 1o.Ne pas l'entendre ainsi (cf. III, 1o Ne pas l'entendre de cette oreille).Laisser entendre, donner à entendre : laisser deviner. ⇒ insinuer. On m'a laissé entendre qu'il partait... (cf. Je me suis laissé dire). Se faire entendre : faire en sorte que ce que l'on dit soit compris; par ext. avoir une certaine autorité. Elle ne sait pas se faire entendre.
2Vx Connaître à fond; être habile dans. connaître. Entendre l'algèbre, la politique. « Elle entend la cuisine et l'office » (Rousseau). Mod. (en emploi négatif) Je n'y entends rien : je n'y connais rien.
3Vouloir dire (sujet personne). Qu'entendez-vous par ce mot ? quel sens lui donnez-vous ? J'entends par là que...
J'entends : je veux dire (s'emploie pour apporter une précision). « Il y a huit ans, j'étais comme vous un jeune élève du conservatoire de Naples, j'entends j'avais votre âge » (Stendhal).
III(XIe) Mod. et cour.
1Percevoir par le sens de l'ouïe. ouïr; 1. écoute. Bruit que l'on peut entendre ( audible) . Entendre qqch. nettement, clairement. Entendre tout ce qui se passe chez les voisins. On entend tout ! Avez-vous entendu ce qu'il a dit ? Voilà ce que j'ai entendu de mes propres oreilles. Entendre qqn, entendre le bruit qu'il fait. On n'entend que lui : il n'y a que lui qui parle. — (Avec une relative) « Il me semble que j'entends un chien qui aboie » (Molière). Avez-vous entendu ce qu'il a dit ? (Avec une complétive, et l'indic.) « L'essentiel est qu'on n'entende pas que nous parlons » (Romains). (Avec l'inf.) J'ai entendu bouger. « Entendez-vous dans les campagnes Mugir ces féroces soldats » (La Marseillaise). (Avec un discours direct) Soudain on entendit : « bravo ! »
Loc. fam. Ce qu'il faut entendre ! ou ce qu'il ne faut pas entendre ! (pour marquer l'indignation). — Ne pas l'entendre de cette oreille : ne pas être d'accord, refuser une proposition, une suggestion. — Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd : c'est une chose absurde. — Raconter, dire qqch. à qui veut l'entendre, à tout le monde.
♢ ENTENDRE PARLER DE (QQCH.), l'apprendre, en être informé. Je n'ai jamais entendu parler de cela. Je n'ai plus entendu parler de lui depuis longtemps, je n'en ai plus de nouvelles. — Ne pas vouloir entendre parler d'une chose, la rejeter sans même vouloir y accorder quelque attention. Il ne veut pas entendre parler d'un chien à la maison; il ne veut pas en entendre parler (cf. Il n'en est pas question). « M. Bontemps ne voulait pas entendre parler de paix avant que l'Allemagne eût été réduite au même morcellement qu'au moyen âge » (Proust).
♢ ENTENDRE DIRE : apprendre par la parole, par ce qui se dit. J'ai entendu dire qu'ils s'étaient mariés. Entendre dire qqch. à qqn : entendre qqn qui dit qqch. ou entendre ce qui est dit à qqn. Je lui ai entendu dire qu'il avait bien travaillé (ambigu).Je ne suis pas venu ici pour m'entendre dire des choses désagréables, entendre qu'on me dise... — Je les ai entendus dire des gros mots : j'ai entendu qu'ils disaient des gros mots.
Faire entendre (un son, une parole). émettre, énoncer; 1. dire, exprimer. L'eau « ne faisait entendre qu'un clapotis confus » (Martin du Gard). Se faire entendre. bruire, résonner. « Soudain, deux notes plaintives se firent entendre » (Cocteau).
2Absolt Percevoir (plus ou moins bien) par l'ouïe. S'assurer qu'un enfant entend bien. Il n'entend pas, il est sourd ( malentendant) . N'entendre que d'une oreille. « Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre » ( BIBLE ). Il entend mais n'écoute pas. Loc. prov. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
3Littér. Prêter l'oreille à, écouter avec attention. écouter. Il faut d'abord entendre ses explications, ses désirs. « ce n'est pas alors sur un mot que vous m'eussiez condamnée sans m'entendre » (Musset). Dr. Entendre un témoin : recueillir ses dépositions. La cause est entendue. Relig. Entendre qqn en confession.
Cour. Ne rien vouloir entendre : refuser obstinément une proposition (cf. fam. Ne rien vouloir savoir). — Cour. ENTENDRE RAISON : accepter de se ranger à la raison, de suivre des conseils raisonnables. « J'aimerais mieux avoir affaire à des filles de chœur d'opéra qu'à des philosophes; elles entendraient mieux raison » (Voltaire). « allez donc faire entendre raison à des gens affolés » (Maupassant). Il ne veut pas entendre raison. Je vais lui faire entendre raison, le convaincre.
4Écouter en tant qu'auditeur volontaire. Aller entendre un concert, une conférence. Il se fait entendre à l'Opéra, au Théâtre-Français, il y chante, il y joue. Poét. Écouter. « Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche » (Baudelaire).
Loc. À L'ENTENDRE : si on l'en croit, si on l'écoute. À l'entendre, l'affaire serait sérieuse.
Par ext. Écouter favorablement (une prière, une demande). Que le ciel vous entende !
IV ♦ S'ENTENDRE v. pron.
1(Pass.) Littér. Être compris. Ce mot peut s'entendre de diverses manières. — CELA S'ENTEND, et ellipt S'ENTEND : c'est évident, cela va de soi. ⇒ évidemment, naturellement (cf. Bien entendu, bien sûr).
Cour. Être entendu, ouï. Sa voix ne s'entend pas à plus de trois mètres. 1. porter. Ce mot, cette tournure ne s'entend plus, s'entend encore. se dire, s'employer.
2(XIIIe) (Réfl.) Être habile (dans une chose), être compétent (en qqch.). Vx Le Français « ne s'entend pas plus en statues qu'en tableaux » (Gautier). Mod. S'Y ENTENDRE. Elle s'y entend, pour cuisiner !
Entendre sa propre voix. Tu ne t'entends pas ! tu ne te rends pas compte de ce que tu dis. On ne s'entend plus ici : il y a tellement de bruit qu'on n'entend plus sa propre voix ou ce que disent les autres (cf. ci-dessous, 3o).
3(Récipr.) Entendre réciproquement les paroles d'autrui. Ils ne peuvent pas s'entendre, ils sont trop loin.
Se comprendre l'un l'autre. S'entendre à demi-mot.
Par ext. Se mettre d'accord. s'arranger, s'associer, se concerter. Entendons-nous sur l'heure du rendez-vous. convenir. Entendons-nous bien ! mettons-nous bien d'accord. « Les orateurs, unis pour détruire, ne s'entendaient ni sur les chefs à choisir, ni sur les moyens à employer » (Chateaubriand). s'accorder. Il faudrait s'entendre ! se mettre d'accord (s'emploie pour souligner une contradiction). — S'entendre comme larrons en foire. — S'ENTENDRE (AVEC QQN) : avoir de bons rapports (avec qqn). ⇒ s'accorder, fraterniser, sympathiser. Ils s'entendent très bien, à merveille. Il ne s'entend pas bien avec elle; ils ne s'entendent pas. S'entendre comme chien et chat.

entendre verbe transitif (latin intendere, diriger son attention) Percevoir par l'ouïe : Je n'entends pas les sons très graves. Percevoir par l'ouïe les bruits, les sons produits par quelque chose ou quelqu'un, les paroles, la musique, le chant, produits par quelqu'un : On entendait le vent souffler. J'entends pleurer dans la pièce à côté. Se rendre compte de quelque chose en le percevant par l'ouïe : Tu n'entends pas que ça siffle ? Écouter volontairement quelqu'un, quelque chose : J'aimerais bien entendre encore une fois ce disque. Écouter ce que quelqu'un a à dire, y prêter attention, et, en particulier, recevoir, recueillir un témoignage, une déposition : Il n'a pas voulu entendre mes explications. En parlant de la police, de la justice, recevoir un témoignage, une déposition. Comprendre le souhait de quelqu'un, accéder à sa demande : Que le ciel t'entende. Donner telle ou telle interprétation de quelque chose, le comprendre d'une certaine manière : C'est ainsi que j'entends la vie. Comprendre, saisir le sens des paroles, des écrits de quelqu'un : Si j'entends bien votre lettre, vous refusez ma proposition. Vouloir quelque chose, avoir l'intention bien arrêtée de : J'entends qu'on m'obéisse.entendre verbe intransitif Jouir de l'usage de l'ouïe : Parle plus fort, j'entends mal.entendre (citations) verbe intransitif René Char L'Isle-sur-la-Sorgue, Vaucluse, 1907-Paris 1988 Écoute, mais n'entends pas. La Parole en archipel Gallimard Joseph Arthur, comte de Gobineau Ville-d'Avray 1816-Turin 1882 Les aveugles entendent mieux que personne ; les sourds voient plus loin. Mademoiselle Irnois Bible Que celui qui a des oreilles entende ! Évangile selon saint Matthieu, XIII, 9 entendre (citations) verbe transitif (latin intendere, diriger son attention) Pierre Augustin Caron de Beaumarchais Paris 1732-Paris 1799 ROSINE — Savez-vous que c'est fort mal d'écouter ? FIGARO — C'est pourtant tout ce qu'il y a de mieux pour bien entendre. Le Barbier de Séville, II, 10 Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Ô Lucindes d'amour ! ô douces Isabelles ! Eh bien ! sur votre compte on en entend de belles. Ruy Blas, I, 2, Don César Pierre Klossowski Paris 1905 Chacun n'entend jamais qu'une seule chose, dût-il parler d'autre chose. Les Lois de l'hospitalité Gallimard Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Quand on se fait entendre, on parle toujours bien. Les Femmes savantes, II, 6, Martine Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 J'entendrai des regards que vous croirez muets. Britannicus, II, 3, Néron Bible Écoutez donc ceci, peuple stupide et irréfléchi : avec leurs yeux, ils ne voient rien, avec leurs oreilles, ils n'entendent rien ! Ancien Testament, Jérémie V, 21 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Anonyme Qui parle des choses qui ne le regardent point entend ce qui ne lui plaît pas. Les Mille et Une Nuits, Histoire des trois Kalenders entendre (difficultés) verbe transitif (latin intendere, diriger son attention) Conjugaison Comme tendre. Accord La femme que j'ai entendue chanter / la chanson que j'ai entendu chanter. Lorsque le verbe entendre, employé à un temps composé, est suivi d'un infinitif, le participe passé ne s'accorde avec le complément d'objet que si celui-ci est également sujet de l'infinitif : la femme que j'ai entendue chanter (= la femme chante, j'ai entendu la femme). Mais : la chanson que j'ai entendu chanter (= on chantait la chanson, j'ai entendu chanter). Construction 1. Entendre que (+ subjonctif) = vouloir que. J'entends qu'on m'obéisse. Registre soutenu. 2. Je l'ai entendu dire que / je lui ai entendu dire que. Avec entendre suivi d'un infinitif complément, on peut employer indifféremment le ou lui, les ou leur : je l'ai entendue dire (ou : je lui ai entendu dire) qu'elle partait demain ; je les ai souvent entendus citer (ou : je leur ai souvent entendu citer) ce proverbe. ● entendre (expressions) verbe transitif (latin intendere, diriger son attention) Entendre (dire) que, en prendre connaissance : J'ai entendu dire que Paul a quitté sa femme. Entendre par là, par un mot, vouloir dire, vouloir signifier quelque chose : Qu'entendez-vous exactement par ce mot ? Entendre quelque chose à quelque chose, ne pas entendre grand-chose, ne rien entendre, n'entendre pas un mot à quelque chose, comprendre, connaître un peu quelque chose, en avoir quelque connaissance ou pratique, en avoir peu ou n'en avoir pas du tout. Agir comme on l'entend, agir à son idée, comme on préfère. À l'entendre, si on l'écoute, si on le croit. Donner à entendre, laisser (à) entendre, insinuer, faire supposer ou soupçonner. Entendez-moi bien, écoutez et comprenez ce que j'ai à dire. Entendez-vous ?, s'emploie à la fin d'une phrase pour appuyer une recommandation, un ordre ou une menace. Entendre quelqu'un en confession, recevoir sa confession. Entendre la messe, assister à sa célébration. Entendre parler de quelque chose, en être plus ou moins informé. J'entends, je veux dire : Il n'y avait personne, j'entends personne de ma connaissance. J'entends bien, j'ai bien compris. Ne pas l'entendre de cette oreille-là, ne pas être d'accord avec un fait, une proposition et s'y opposer. Ne rien vouloir entendre, se refuser obstinément à accéder à une demande, à accepter une proposition, à suivre un conseil. On en entendra parler, cela fera du bruit. Se faire entendre, se faire comprendre, se faire écouter, être écouté ; être entendu, en parlant d'un bruit. ● entendre (synonymes) verbe transitif (latin intendere, diriger son attention) Écouter volontairement quelqu'un, quelque chose
Synonymes :
- écouter
- ouïr
Donner telle ou telle interprétation de quelque chose, le comprendre d'une...
Synonymes :
- goûter
Comprendre, saisir le sens des paroles, des écrits de quelqu'un
Synonymes :
- interpréter
- pénétrer
Vouloir quelque chose, avoir l'intention bien arrêtée de
Synonymes :
- prétendre

entendre
v. tr.
rI./r
d1./d Litt. Percevoir le sens de, saisir par l'intelligence, comprendre. Il n'entendra pas ces subtilités.
Ne pas entendre malice, moquerie à qqch: ne pas y mettre (ou ne pas y voir) de malice, de moquerie.
|| Cour. Que faut-il entendre par...?
Faire, laisser, donner à entendre que: insinuer que.
d2./d (Personnes) Vouloir dire. Qu'entendez-vous par là?
d3./d Avoir l'intention, la volonté de. J'entends qu'on me respecte, ou être respecté.
Que chacun fasse comme il l'entend, selon sa manière, sa conviction ou sa convenance.
rII./r
d1./d Percevoir (un, des sons), saisir par l'ouïe. Entendre un bruit.
(S. comp.) Il n'entend pas de l'oreille droite.
|| Entendre dire une chose, en entendre parler, l'apprendre, en être informé par qqn ou par la rumeur publique.
Ne pas vouloir entendre parler d'une chose: se refuser à la connaître.
On n'entend plus parler de lui: on n'a plus de ses nouvelles.
|| Faire entendre: produire, émettre (un bruit, un son). Une voix se fit entendre.
|| Loc. fig. Ne pas l'entendre de cette oreille(-là): être d'un avis différent ou contraire.
d2./d Prêter l'oreille, prêter attention à. Entendez-moi, ensuite vous jugerez.
|| écouter. Aller entendre un conférencier.
|| à l'entendre: à le croire.
rIII/r v. Pron.
d1./d (Passif) être compris. Cette phrase ne peut s'entendre que dans un sens.
(Cela) s'entend: bien entendu, cela va de soi.
d2./d (Récipr.) Se comprendre l'un l'autre. S'entendre à demi-mot.
|| être en bonne intelligence. Nous nous entendons parfaitement. S'entendre avec qqn.
Se mettre d'accord. Ils se sont entendus sur la marche à suivre.
d3./d (Réfl.) S'entendre à: être compétent dans, habile à. Il s'entend à la peinture.
Litt. S'entendre en: être versé dans.
Cour. Il s'y entend: il s'y connaît.
d4./d (Passif) être entendu, perçu par l'ouïe. Sa voix s'entendait parmi toutes les autres.
(Récipr.) On ne s'entend plus dans ce vacarme.
(Réfl.) Vous ne vous entendez donc pas?

⇒ENTENDRE, verbe trans.
I.— Domaine de l'audition
A.— [Le suj. a une attitude passive, son oreille est frappée par un son ou un bruit perceptible dans son aspect purement physique ou dont on ne retient que l'aspect physique] Percevoir par l'oreille.
1. [Le compl. d'obj. est un subst.]
a) [L'objet de la perception est un bruit dont on identifie plus ou moins bien l'orig., la nature]
) [L'obj. désigne le bruit directement, souvent en le spécifiant] Entendre un cri; entendre un bruit (de), n'entendre aucun bruit. Le tiers-point et la lime sonnent, et on entend aussi le cliquetis des anneaux bruts d'aluminium (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 191). Bientôt je commençai à entendre sa respiration égale (PROUST, Prisonn., 1922, p. 360). Sans doute, en entendant des pas, l'homme suivant mon conseil s'était réfugié dans les granges (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 238).
) [L'obj. désigne le bruit indirectement par la source de ce bruit (personne, animal, élément naturel, instrument, arme, machine, etc.)] Entendre le rossignol, les grillons, le tonnerre, le cor, la cloche. J'entendais les grives dans le lierre du peuplier carolin (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 19). Elle n'était descendue qu'en entendant la voiture (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 28).
SYNT. Entendre les battements de son cœur, un râle, une toux; entendre des aboiements, un bourdonnement, des clameurs, des sanglots, des craquements, un grincement, un piétinement, un sifflement, le ronron (d'une voix), le tic-tac (d'une montre); pénible à entendre; empêcher d'entendre; entendre à peine, confusément, faiblement, vaguement, clairement, distinctement, nettement, parfaitement.
Emploi pronom. à sens passif :
1. Ainsi secoué par elle, le vieil instrument, dont les cordes frisaient, s'entendait jusqu'au bout du village si la fenêtre était ouverte, ...
FLAUBERT, Madame Bovary, t. 1, 1857, p. 46.
Se faire entendre. (Quasi-)synon. de être entendu (mais plus expressif, avec insistance sur l'effort ou sur l'événement qui se produit). Enfin, un mouvement de pas se fit entendre en dehors du cachot (HUGO, Han d'Isl., 1823, p. 546). Mais vient un moment où un chant trop uniforme ne se fait plus entendre et où il faut un cri pour attirer l'attention (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 732).
Expressions
Faire entendre un son (un cri, un rire). Faire en sorte qu'on l'entende. (Quasi-)synon. émettre. Augustin fit entendre ce léger hum! nasal qui ressemble à un petit rire triste (MALÈGUE, Augustin, t 2, 1933, p. 254).
Entendre qqc. de ses (propres) oreilles (pour souligner l'authenticité d'un témoignage). Je ne fais que raconter en témoin ce que j'ai vu de mes yeux et entendu de mes oreilles (TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Henry Reeve], 1851, p. 122) :
2. En ce moment-là, ô prodige! j'ai entendu, mais entendu de mes propres oreilles, ce qui s'appelle entendu, un vague frémissement métallique, le son faible et à peine distinct d'une cloche, ...
HUGO, Le Rhin, 1842, p. 131.
Proverbe. Qui n'entend qu'une cloche n'entend (ou n'a) qu'un son. Une opinion qui ne se fonde que sur une seule version des faits est sujette à caution :
3. Il paraît que ce grabuge a été causé précisément par votre bonhomme de musicien, qui a voulu déshonorer, par vengeance, la famille du président. Qui n'entend qu'une cloche n'a qu'un son... Votre malade se dit innocent, mais le monde le regarde comme un monstre...
BALZAC, Le Cousin Pons, 1847, p. 183.
b) [L'objet de la perception est la parole hum.]
) [L'obj. désigne une pers.] Mais entrez donc, on nous entend de tout l'escalier (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, L. Leclercq, 1886, p. 151). — Oui, docteur... Allo, docteur, je ne vous entends pas bien (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 164).
Emploi pronom. réfl. :
4. Il est rare que l'on reconnaisse sa propre voix, voyez-vous, lorsqu'on l'entend pour la première fois.
— Le phono déforme?
— Ce n'est pas cela, car chacun reconnaît sans peine la voix des autres. Mais on n'a pas l'habitude, voyez-vous, de s'entendre soi-même...
MALRAUX, La Condition humaine, 1933, p. 190.
Expression
♦ [Avec une idée d'agacement]
On ne s'entend pas/plus. ,,Le bruit empêche ceux qui veulent converser d'entendre mutuellement leurs paroles`` (Ac. 1835-1932). — Avec le vacarme de la rue, on ne s'entend plus (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1060).
On n'entend que (qqn). C'est toujours la même personne (dans un groupe) qui parle. À jeun, je parle. À jeun on n'entend que moi (GIRAUDOUX, Électre, 1937, I, 4, p. 78).
Il faut l'entendre :
5. ... à présent, elle tremblait, car son affaire était claire, si on la pinçait encore. Il fallait l'entendre. Les agents, pour avoir des gratifications, arrêtaient le plus de femmes possible; ...
ZOLA, Nana, 1880, p. 1314.
♦ [Avec une idée de réprobation, parfois iron.] Si (qqn) vous entendait. — Voulez-vous vous taire? Si ma femme vous entendait! (PROUST, Sodome, 1922, p. 922).
) [L'obj. désigne ce qui est dit] Entendre une conversation, un mot, une question, une réponse; n'avoir jamais rien entendu de pareil, d'aussi drôle. Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l'on entend à peine leurs paroles (VERLAINE, Œuvres compl., t. 1, Fêtes gal., 1869, p. 97). « Assassin!... Assassin! » qu'elle m'a appelé (...). La fille en entendant ça elle avait comme peur que je la bute sur place sa mère (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 560).
Expressions
♦ [Avec une idée d'authenticité] Entendre qqc. de la bouche de qqn. Beaucoup de gens allèrent se faire inscrire chez Mme de Villefort afin d'avoir le droit de renouveler leur visite en temps utile et d'entendre alors de sa bouche tous les détails de cette pittoresque aventure (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 702).
♦ [Avec une idée de divulgation large, mais indéterminée] Dire à qui veut l'entendre. Je disais aussi, à qui voulait l'entendre, mon regret qu'il ne fût plus possible d'opérer comme un propriétaire russe dont j'admirais le caractère (CAMUS, Chute, 1956, p. 1520).
[Dans des énoncés de la lang. parlée, souvent fam.]
En entendre. Essuyer des reproches. Il eût fait beau voir qu'un camarade invoquât l'amour pour s'excuser d'un retard dans le service, il en eût entendu (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 242).
En entendre de vertes et de pas mûres, en entendre de raides (p. ell. de histoires). Les quatre messieurs avaient fini par verser du vin fin à une demi-douzaine de ménages, rêvant de les griser, pour en entendre de raides (ZOLA, Nana, 1880, p. 1303).
En entendre (bien) d'autres (p. ell. de choses). Parlez-moi comme on parle à un mur (...). D'ailleurs, j'en ai entendu bien d'autres! (BERNANOS, Joie, 1929, p. 641).
Ce qu'il faut entendre! Qu'est-ce qu'il faut pas entendre! Cf. QUENEAU, Zazie, 1959, p. 117.
Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd! (p. iron. pour marquer son désaccord avec ce qui vient d'être dit). Et le gaullisme peut être un régime anticapitaliste si des hommes de gauche en prennent les commandes. — Il faut mieux entendre ça que d'être sourd, dit Henri; mais c'est tout juste! (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 459).
2. [Le compl. d'obj. est une forme verbale ou un syntagme verbal]
a) [Le suj., agent du procès (différent de celui d'entendre), n'est pas exprimé] En m'entendant annoncer, elle se leva par un mouvement brusque (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 424). J'ai entendu remuer dans les broussailles, et il m'a semblé que c'était un pas de biche (MUSSET, On ne badine pas, 1834, II, 5, p. 37).
Entendre dire qqc. Tout à l'heure j'ai entendu dire que les pêcheurs venaient de ramasser dans l'eau une jeune fille (CLAUDEL, Soulier, 1929, 4e journée, 11, p. 927). Ce qu'il faut entendre dire! et par une jeune personne qui dit au premier venu qu'il est beau! (GIRAUDOUX, Apollon, 1942, 5, p. 58).
Entendre parler de qqn, de qqc. Avoir des nouvelles de quelqu'un, être informé de quelque chose. Je serais venu sûrement, si j'avais entendu parler d'un crime dans le quartier (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 134). Vous n'entendriez plus parler de moi, si vous le désiriez (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 1001).
Ne pas vouloir en entendre parler. Rejeter quelque chose sans même l'examiner. Cette visite m'effraye (...). Tu m'as dit que ta mère ne voulait pas en entendre parler. Une minute après, elle se décide (COCTEAU, Par. terr., 1938, II, 1, p. 236).
b) [Le suj., agent du procès, est exprimé]
) [Dans une prop. rel.] Je l'entendis qui parlait longuement à son cheval (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 168) :
6. On n'entend aucun ruisseau, aucune chute; on n'entend que le vent qui souffle là rude et violent, ...
PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1925, p. 178.
) [Dans une constr. part.] Rare. Ne t'ai-je pas entendu causant avec Lisbeth du baron Montès (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 361).
) [Dans une constr. inf.]
[Le suj. précède l'inf.] On n'entendait que la pluie tomber sur le pavé (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 233). Quand il entendait son fils chanter dans la maison, il lui semblait que la maison volait par les airs (MONTHERL., J. Filles, 1936, p. 989).
Expressions
Ne pas entendre Dieu tonner (pour souligner que quelqu'un est sourd ou que le bruit environnant est assourdissant). Faisant un vacarme à ne pas entendre Dieu tonner (MÉRIMÉE, Carmen, 1847, p. 32).
Entendre qqn venir avec ses gros sabots. Au fig. (pour souligner que les intentions de quelqu'un sont trop claires) :
7. Dès lors Mathilde avait été en alerte : Félicité n'avait jamais su cacher son jeu, et sa belle-fille se flattait de « l'entendre toujours venir de loin avec ses gros sabots. »
MAURIAC, Génitrix, 1923, p. 367.
[Le subst. suit l'inf.] Je me mis au travail, sans répondre; et bientôt on entendit craquer la paille, et grincer le rouleau sur son essieu de fer (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 163).
Expr. Entendre voler une mouche (au cond., pour souligner le silence régnant dans un lieu). Si profond était le recueillement de la foule immobile sur les gradins, qu'on eût entendu voler une mouche dans l'enceinte (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 136).
Rem. 1. Quand l'inf. qui suit entendre est un verbe d'affirmation l'agent du procès qu'il exprime peut être construit soit directement entendre qqn dire qqc., l'entendre dire qqc., soit indirectement entendre dire à qqn qqc., lui entendre dire qqc., la constr. indir. présentant un caractère plus recherché. J'ai entendu dire la même chose au roi, il y a seize ans (VIGNY, Journ. poète, 1846, p. 1243). Cf. aussi dire ex. 1. 2. Comme le souligne LITTRÉ, la constr. j'ai entendu dire à qqn, je lui ai entendu dire est amphibologique, car elle peut signifier aussi bien j'ai entendu qu'il disait que j'ai entendu qu'on lui disait. Ainsi dans l'ex. de Vigny (supra) seul le cont. permet de déterminer qu'il s'agit d'une phrase prononcée par le roi et l'ambiguïté de la phrase : je m'entendis répondre : — oui ... (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 364) n'est levée qu'à l'aide du cont. qui fait apparaître que le suj. de répondre est le même que celui d'entendis.
) [Dans une prop. complétive (+ ind. ou cond.)]
[L'obj. de la perception est un bruit] Le silence de la seule voix qui importât pour eux, les détournait d'entendre que le reste du monde les acclamait (MAURIAC, Journal 1, 1934, p. 6).
[Le compl. d'obj. désigne ce qu'on apprend par ouï-dire] Ayant entendu des médecins qu'un air salubre exercerait une action bienfaisante sur sa santé (D'ESPARBÈS, Chevauchée Gd S., 1937, p. 11).
) [Le compl. d'obj. désigne ce qu'on apprend par ouï-dire : Par un énoncé en discours dir. (p. ell. de ces mots ou du verbe dire)]. De temps en temps, on entendait :« passez-moi le sel. » (RENARD, Journal, 1895, p. 259) :
8. Et tout à coup je faisais silence, je m'arrêtais, attentif, quand dans le lointain j'entendais : — gâteaux, gâteaux, mes bons gâteaux tout chauds!
LOTI, Le Roman d'un enfant, 1890, p. 102.
3. Emploi abs. Percevoir les sons produits par les ondes sonores qui frappent le tympan :
9. L'audition est l'impression produite par les mouvements oscillatoires sur les organes de l'ouïe; (...) s'ils arrivent jusqu'à notre oreille nous en percevons une image exacte et fidèle en un mot, nous entendons; ...
KASTNER, Gramm. mus., 1837, p. 1837.
a) [En réponse à la question implicite : son ouïe fonctionne-t-elle normalement? Fait habituel (ant. et post. à la situation présente) qui concerne le fonctionnement normal du sens de l'ouïe] Jouir (plus ou moins bien) du sens de l'ouïe.
Entendre exactement, juste. Synon. de avoir l'oreille musicale. Oui, il faut entendre d'abord, entendre bien exactement et juste, pour pouvoir reproduire (MELCHISSÉDEC, Pour chanter, 1913, p. 121).
Entendre mal (usuel), entendre dur (vx). Être un peu sourd. Les étourdissements surtout m'inquiètent, la vue baisse, j'entends mal (BERNANOS, Imposture, 1927, p. 489).
Rem. Le part. prés., empl. subst. s'écrit en 1 mot un malentendant.
Ne pas entendre. Être sourd. Mais moi, je suis sourde et je n'entends pas! (CLAUDEL, Annonce, 1912, III, 3, p. 77).
Au fig., vieilli. Ne pas entendre de cette oreille. Feindre d'ignorer une demande, agir à l'encontre de ce qui est souhaité. Il était le gendre rêvé. Malheureusement, Gaspard ne paraissait pas entendre de cette oreille (SANDEAU, Sacs, 1851, p. 11).
Loc. Avoir des oreilles pour ne pas entendre, p. allus. à la Bible (notamment Ézéchiel XII 2, Marc VIII 18). Se refuser par obstination au témoignage de l'évidence :
10. Eveline (...) sortit de cette épreuve méconnaissant la grâce de Dieu et plus entêtée qu'auparavant, pareille à ceux que signale l'Écriture, qui ont des yeux pour ne point voir, des oreilles pour ne pas entendre...
GIDE, Robert, 1930, p. 1340.
Proverbe. (Il n'y a ou il n'est) point de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre :
11. « L'Empereur sait — mieux que personne — l'innocence de Dreyfus; et (...) il cherche à le crier aussi souvent et aussi haut qu'il le peut. « Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre... »
MARTIN DU GARD, Jean Barois, 1913, p. 423.
b) [En réponse à la question implicite : perçoit-il ce qui est dit au moment du discours? Fait relatif à la situation actuelle, le compl. est suggéré par le cont. ant. et concerne en gén. des paroles] Ne pas avoir bien entendu, avoir entendu de travers. J'ai du coton dans les oreilles, j'ai peut-être mal entendu, répète ce que tu as dit (HUGO, Travaill. mer, 1866, p. 420). Otto attendit une réflexion de Christophe; mais celui-ci semblait n'avoir pas entendu (ROLLAND, J.-Chr., Matin, 1904, p. 164). San Antonio entend très mal à cause des parasites. J'entends mal aussi (SAINT-EXUP., Vol nuit, 1931, p. 114).
En partic. [En prop. incise sous forme interr. ou exclam., avec ou sans inversion du suj., pour attirer l'attention de l'interlocuteur sur un mot, un propos, pour appuyer un avertissement] Vous entendez? Entendez-vous? Vous entendez (bien)! Tu n'as rien d'elle, rien de rien, entends-tu? ni la couleur des cheveux, ni le grain de la peau, ni l'odeur, ni un geste, ni une inflexion de voix (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, p. 194). Qu'est-ce qu'il dit, qu'on va rentrer chez nous, bien sûr qu'on va rentrer chez nous, merde, Julien, t'entends, on rentre chez nous (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 202) :
12. « Julie, dit-il, je ne te permets point de parler ainsi de ta maîtresse. Tu entends, n'est-ce pas? ne l'oublie plus à l'avenir. »
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, M. Parent, 1886, p. 590.
Rem. Dans cet emploi, à l'idée de la perception du propos, s'ajoute celle de sa compréhension (on pourrait parfois remplacer la formule par le synon. fam. compris?).
4. P. ext.
a) [L'obj. de la perception par le suj. n'est pas contrôlable par autrui] Je ne dois pas mourir sans avoir fait rugir quelque part un style comme je l'entends dans ma tête (FLAUB., Corresp., 1852, p. 440). Vous développerez votre faculté d'entendre dans le silence les sonorités simultanées que font les accords (KOECHLIN, Harm., t. 1, 1927, p. 2).
Entendre des cloches. Avoir la tête qui bourdonne (souvent après un coup). De prêter comme ça l'oreille lui faisait entendre des cloches (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 170).
Entendre des voix. Elle était immobile, l'œil fixe, comme si elle avait entendu des voix (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 344).
b) [L'obj. de la perception est un fait de mémoire ou d'anticipation]
(Croire) entendre encore, toujours; il me semble entendre encore. Mais le bon chevalier (...) me fit un signe de la tête Et me cria (j'entends encore cette voix) :« Du moins, prudence! Car c'est bon pour une fois. » (VERLAINE, Œuvres compl., t. 1, Sagesse, 1881, p. 182).
Entendre d'avance, d'ici, déjà. J'entends d'avance l'objection (FLAUB., Corresp., 1859, p. 363). J'entends le lecteur qui se récrie (THIBAUDET, Réflex. litt., 1936, p. 258) :
13. J'entends d'ici Mme Louise : « Votre neveu s'est toqué de Mme Alfieri... »
BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, p. 878.
c) P. anal. Percevoir une chose par une voie autre que celle de l'oreille. L'œil qui entend (POURTALÈS, Vie Liszt, 1925, p. 88). Vous avez devant vous des spectateurs-auditeurs qui entendent aussi bien par les yeux que par les oreilles (WICART, Orateur, 1936, p. 382).
En partic. Percevoir une chose dont l'appréhension ne relève pas du sens de l'ouïe (inanimé concret, pensées, désirs). Entendre pousser l'herbe, entendre son âme. Il [l'ouvrier] marche sous l'averse, sans la sentir, n'entendant que sa faim (ZOLA, Contes Ninon, 1864, p. 113). C'est aux repas qu'il [le « Monsieur-seul »] me gêne le plus, parce que je l'entends penser à moi pendant qu'il mange (COLETTE, Entrave, 1913, p. 12). Il y a tout d'un coup tellement de silence qu'on entend marcher la fumée (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 248).
B.— [Le suj., tout en percevant par l'oreille des sons, a une attitude active en prêtant attention au contenu de ce qu'il perçoit]
1. Prendre connaissance de quelque chose.
a) [L'obj. désigne soit un propos, un message, un rapport destiné au suj., soit la pers. qui le lui adresse] Ce sont là de ces choses qu'il ne faut pas entendre (SAINTE-BEUVE, Poisons, 1869, p. 24). Chaque compagnie était convoquée immédiatement à l'effet d'entendre son capitaine (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, L. Leclercq, 1886, p. 132) :
14. Jean Valjean l'écoutait sans l'entendre. Il entendait la musique de sa voix plutôt que le sens de ses paroles; ...
HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 729.
Spécialement
ADMIN. Le Conseil (des Ministres/d'État) entendu, après consultation du Conseil. Le Président de la République française, sur le rapport du Ministre des Travaux publics; vu la loi du (...); le Conseil d'État entendu, décrète (Code pêche fluv., 1875, p. 53).
DR. Recueillir les dépositions d'un témoin, d'un accusé dans une des phases de la procédure de jugement. Citoyens, je demande que la citoyenne Tison soit entendue; je demande qu'elle parle (DUMAS père, Chev. Maison-Rouge, 1847, II, 3, p. 86). — Non, non, il convient d'entendre d'abord la fille de vaisselle. Nous allons savoir par elle (GIRAUDOUX, Ondine, 1939, III, 4, p. 208).
Une cause est entendue. Une cause est jugée (après audition des témoins, du procureur, des avocats et des juges). Cf. cause I B 1 et, pour le sens p. ext., entendu II C 2.
RELIG. [En parlant d'un prêtre] Entendre qqn (en confession); entendre la confession de qqn. Elle l'entraîna dans la chapelle, où fra Cattaneo l'entendit en confession (FRANCE, Puits ste Claire, 1895, p. 252). Je n'ai pas besoin de confidences qui vous font souffrir et je ne suis pas un prêtre pour entendre votre confession (BLOY, Femme pauvre, 1897, p. 201).
b) [Le suj. assiste comme auditeur à une représentation, qui ne lui est pas particulièrement destinée] Entendre une conférence, un concert, un opéra. Et cette merveille du grand rire, « Les Héritiers de Rabourdin, » quatre actes de Zola, qu'il faut entendre (MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p. 790).
Entendre la messe. Assister à sa célébration. Petite pièce terrible où ils entendaient la messe avant de se mettre en route [pour l'échafaud] (GREEN, Journal, 1935, p. 31).
[P. méton. de l'obj.; le compl. désigne un acteur, un conférencier, un musicien] Entendre qqn jouer, parler. Quand j'ai entendu Talma, j'attends que le feuilleton me dise qu'il a bien joué (JOUY, Hermite, t. 1, 1811, p. 65). On m'a dit que vous étiez musicien, et j'ai eu envie de vous entendre... Voulez-vous vous mettre au piano? (FEUILLET, Scènes et prov., 1851, p. 157).
2. Accueillir avec sympathie les propos de quelqu'un et agir en conséquence.
a) [Entendre + compl. d'obj. dir.]
) De manière à comprendre quelqu'un, à donner son adhésion à ce qu'il dit. Quelqu'un m'avait entendu, compris. Nous nous étions rejoints (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 286).
À l'entendre. Si on l'en croit. La semaine ne pouvait, à l'entendre, se passer sans que nous allions à Doncières (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 867).
) De manière à satisfaire une demande.
[Le compl. désigne une pers.] :
15. — Oh! encore, dit Rodolphe. Ne partons pas! restez! (...) — J'ai tort, j'ai tort, disait-elle [Emma]. Je suis folle de vous entendre.
FLAUBERT, Madame Bovary, t. 1, 1857, p. 183.
[Le compl. désigne une chose]
Ne vouloir rien entendre. Mais je suis un infirme aussi, de ces mauvais qui ont leur idée et qui ne veulent rien entendre (CLAUDEL, Otage, 1911, II, 1, p. 252).
Entendre la voix de la raison, entendre raison. Prêter attention à des conseils judicieux, avoir un comportement dicté par la raison. — Puisque tu ne veux entendre raison, je saurai bien te soustraire à cette influence (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p. 145) :
16. C'est le malheur des temps où toutes les passions sont follement déchaînées qu'on ne veut pas entendre la voix de la raison, qu'on s'injurie, qu'on s'accuse.
CLEMENCEAU, L'Iniquité, 1899, p. 208.
♦ ,,N'entendre ni rime, ni raison. Refuser par humeur, par entêtement, etc. de se rendre aux propositions les plus raisonnables`` (Ac. 1798-1878).
) [En parlant de la puissance divine] De manière à exaucer quelqu'un, une prière. Dieu vous entende! Que le ciel vous entende! Oh! que le ciel et l'enfer m'entendent, et qu'ils soient tous maudits (HUGO, Han d'Isl., 1823, p. 446). Dans un jour de prospérité qui ne tardera pas à se lever pour toi, si Dieu daigne entendre les prières que je lui adresserai journellement (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 335).
b) [Entendre + compl. d'obj. indir.] Vieilli
Ne savoir auquel entendre. ,,Avoir affaire à plusieurs personnes à la fois et éprouver quelque embarras à les satisfaire`` (Ac. 1835-1932). Synon. ne savoir à qui entendre (Ac. 1932). Et son idée lui réussissait, car il ne savait plus auquel entendre. En effet, les villageois, qui avaient chaud, se disputaient ces sièges (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 159).
Ne vouloir entendre à rien. Et elle dit tout ce qu'elle put imaginer pour le consoler. Il ne voulait entendre à rien (SAND, Pte Fad., 1849, p. 36).
II.— Domaine de l'intellection, en gén. dans la lang. soutenue
A.— Comprendre, indépendamment de la perception physique.
1. [Le compl. désigne une chose] Saisir intellectuellement la signification, la portée de quelque chose.
a) [Le compl. est un subst.] Daubenton le représente [Buffon] comme n'ayant pas bien entendu la méthode de Linné (E. PERRIER, Philos. zool. av. Darwin, 1884, p. 56) :
17. Ces hommes qui passent leur temps à établir des textes, l'idée ne leur viendra jamais de servir un texte, d'entendre un texte...
PÉGUY, Clio, 1914, p. 199.
Emploi pronom. à sens passif. Être compris. Il se gardera pourtant de la frapper [sa femme] et de la maltraiter (...) car elle a deux vengeances toutes prêtes. L'une s'entend assez; l'autre est le poison (FRANCE, Rabelais, 1924, p. 15).
b) [Le compl. est une prop. interr.] Il fut besoin d'un peu de temps pour que Madeleine entendît ce que son mari voulait dire (SAND, F. le Champi, 1850, p. 77).
P. ext. Comprendre quelque chose par intuition. Qui l'obligeoit à se battre, ce vieux roi aveugle? L'honneur : toute l'armée entendra ceci (CHATEAUBR., Mél. pol., 1816-24, p. 126).
Expressions
Entendre (qqc.) au premier mot. Comprendre dès la première explication. À six ans, M. le curé lui enseigna lui-même à lire [à Méniquette] (...) je la menais garder la chèvre dans les champs, lui montrant à coudre, à tricoter, à filer (...) Elle entendait toutes choses au premier mot, cette petite tête (FABRE, J. Savignac, 1863, p. 167).
Entendre la plaisanterie, entendre raillerie. Savoir accepter une plaisanterie, une raillerie quand on en est l'objet. Bon! bon! Riez à votre aise; j'entends raillerie (PONSARD, Honn. et argent, 1853, II, 7, p. 46). On le blaguait. Il entendait la plaisanterie (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 102).
P. ext. Ne pas entendre raillerie sur qqc. Ne pas admettre que l'on prenne quelque chose à la légère. Cf. assassiner ex. 6.
Entendre (ou n'entendre pas) la devise (vx). ,,Se laisser (ou non) conter fleurette`` (RAT, Vieilles loc., mais qui vivent toujours ds Déf. Lang. fr., 1965, n° 27, p. 10).
Faire entendre, donner à entendre, laisser entendre (qqc. à qqn). Induire plus ou moins explicitement quelqu'un à comprendre quelque chose. Il ne veut même point dire, ni laisser entendre que le miracle lui fera plaisir (ALAIN, Propos, 1923, p. 467). Il m'a fait entendre quelque chose de ce genre une fois, à sa manière étrange et détournée (CLAUDEL, Soulier, 1929, 1re journée, 5, p. 670). Quelques mots brefs, presque durs, m'ont aussi donné à entendre qu'elle regrettait ses confidences de l'autre nuit (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 44).
Rem. 1. Au lieu de laisser entendre, on dit aussi, plus rarement, laisser à entendre, p. anal. avec donner à entendre. Je laisse donc à entendre dans mon article que... (MUSSET, Lettres Dupuis Cotonet, 1837, p. 751). 2. On rencontre ds la docum. un emploi subst. de l'inf. laisser entendre. Il n'y a cependant rien d'officiel, tout est en demi-mots; même moins que cela : en laisser entendre (STENDHAL, Journal, 1805, p. 197).
Loc. fam. Entendre ce que parler veut dire. Comprendre la signification d'une chose dite à mots couverts. Synon. plus cour. savoir ce que parler veut dire. Il me faut du poussier (...) ou si tu aimes mieux, je t'enverrai des chalands de la préfecture... Tu entends ce que parler veut dire (VIDOCQ, Mém., t. 2, 1828-29, p. 227).
2. [Le compl. désigne une pers.]
a) Par un acte d'attention particulier, réussir à comprendre la pensée de quelqu'un, les mobiles de ses actes. Mais vous ne m'entendez guère, si vous vous imaginez que je crois à l'effondrement final, parce que je montre les plaies et les lézardes (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 98) :
18. ... il m'a, sans doute, mal entendu, quoique je pense m'être expliqué très-clairement; ce mot de Brutus, isolé de ce que j'ai dit, pourroit présenter une équivoque qui n'étoit ni dans mes pensées, ni dans mes paroles...
ROBESPIERRE, Discours, Sur la guerre, t. 8, 1792, p. 146.
Se faire entendre. Faire en sorte qu'on soit compris. Mais que ce terrain est brûlant! Qu'il est difficile de se faire entendre entièrement! (BARRÈS, Cahiers, t. 10, 1913, p. 31).
Je vous entends (bien). Je comprends ce que vous voulez dire (sans avoir besoin d'un discours plus explicite). Lieutenant, ma patience est plus courte que mon épée. — Je vous entends, mon brave damoisel (HUGO, Han d'Isl., 1823, p. 60). Oh! vous m'entendez bien! Oh! vous savez comme on y vient (LAFORGUE, Poés., 1887, p. 141).
Entendre (qqn) à demi-mot. Comprendre ce que quelqu'un veut dire sans qu'il se soit entièrement expliqué. Gaspard n'avait parlé que de soupçons sur le bossu, mais elle l'avait entendu à demi-mot (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 215).
P. ext. (pour d'autres moyens d'expression que la parole). Plus Mozart est pur et parfait et moins il supporte l'enflure. Il faut savoir l'entendre à demi-mot (GHÉON, Prom. Mozart, 1932, p. 154).
Emploi pronom. à valeur réciproque. Se comprendre mutuellement. Tous retranchés dans leur façon de s'entendre à demi-mot, de se référer à des rites connus d'eux seuls (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 1061).
Emploi pronom. à valeur réfl. Saisir sa propre pensée. À force de vouloir s'écarter des opinions reçues (...) on finit par ne plus s'entendre soi-même (FONTANES, Œuvres, t. 2, Litt. et crit., 1821, p. 192).
Je m'entends (pour indiquer que l'on refuse de s'expliquer plus clairement ou que l'on en est incapable). Synon. je sais ce que je veux dire. — Pour vivre! interrompit Marius. Vous n'avez pas besoin de ce nom pour vivre? — Ah! je m'entends, répondit Jean Valjean (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 667) :
19. « (...) Les femmes honnêtes... c'est-à-dire nos femmes... sont... ne sont pas... manquent de... enfin ne connaissent pas assez leur métier de femme. Voilà... Je m'entends. »
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, La Porte, 1887, p. 1077.
En partic. Avoir une pleine compréhension de l'œuvre d'un artiste et de sa personnalité. À Venise, on penche pour Véronèse; en Flandre, on entend mieux Rubens (FROMENTIN, Maîtres autrefois, 1876, p. 11).
b) Emploi pronom. réciproque. [La compréhension va au-delà de l'acte d'intellection et vise l'action; l'accent est mis sur l'idée d'accord]
) Se mettre d'accord avec quelqu'un
par la discussion, à propos de l'emploi ou du sens d'un mot, en vue de prévenir un malentendu. Mais, si le fer est « prescrit », — non « proscrit », entendons-nous bien (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p. 125). Enten-dons-nous d'ailleurs. Je n'appelle pas beyliste quiconque écrit sur Stendhal (THIBAUDET, Réflex. litt., 1936, p. 256).
Fam. Il faut, il faudrait s'entendre! (pour souligner la contradiction entre les affirmations de deux antagonistes) :
20. — Alors, qu'il dit comme ça Gabriel, alors comme ça vous êtes flic?
— Jamais de la vie, s'écria l'autre d'un ton cordial, je ne suis qu'un pauvre marchand forain.
— Le crois pas, dit Zazie, c'est un pauvre flic.
— Faudrait s'entendre, dit Gabriel mollement.
QUENEAU, Zazie dans le métro, 1959, p. 79.
en nouant une entente momentanée avec quelqu'un. S'entendre à l'amiable. C'est « avant » qu'on risque de compromettre une femme (...) Après, on s'entend, on se concerte, on s'avertit (FRANCE, Pt bonh., 1898, p. 12) :
21. Un jour, lorsqu'il aurait monté au Matterhorn une charge suffisante de clients, il aurait peut-être assez d'argent pour s'entendre avec son beau-frère, et exhausser le chalet. On s'arrangeait ainsi, dans les familles.
PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 38.
Péj. Être de complicité avec quelqu'un. S'entendre avec les ennemis. Seuls les faux coupables qui s'entendent répondent par les mêmes mots (GIRAUDOUX, Ondine, 1939, III, 4, p. 203).
Loc. S'entendre comme larrons en foire (pour faire qqc., gén. pour des actions plus ou moins malhonnêtes) :
22. Albrecht et lui étaient bons camarades, s'entendaient comme larrons en foire pour piller les produits de la ferme.
VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 23.
) Avoir des affinités de caractère l'un avec l'autre, vivre en bonne intelligence. Notre différence d'âge s'effaçait d'année en année. On s'entendait à merveille (MARTIN DU G., Confid. afric., 1931, p. 1116).
Loc. fam. S'entendre comme chien et chat. Ne pas vivre en bonne intelligence (cf. chat II A 4).
B.— Comprendre quelque chose dans un sens donné.
1. Interpréter d'une certaine manière (un mot, une phrase). Ce que nous entendons en France par type espagnol n'existe pas en Espagne, ou du moins je ne l'ai pas encore rencontré (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p. 92). Si l'on entend ce mot selon l'usage, l'imagination n'est pas seulement (...) un pouvoir contemplatif de l'esprit, mais surtout l'erreur et le désordre (ALAIN, Beaux-Arts, 1920, p. 15).
Entendre (par là) que. Si le seigneur vivait mieux que le paysan, il faut surtout entendre par là qu'il était nourri plus abondamment (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 318).
Emploi pronom. à sens passif. (Devoir) être interprété d'une certaine manière. Cette dernière expression [puissance de la pauvreté] peut surprendre, mais pas longtemps. Pauvreté s'entend dans un sens relatif (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 585). Ces prix (...) s'entendent retouches éventuelles en sus (Jours de France, n° 1240, 22 sept. 1978, p. 115).
(Cela) s'entend. Que cela soit bien entendu, cela va de soi. Et vous, monsieur l'abbé, il ne vous déplaira pas sans doute de traduire du grec : moyennant salaire, s'entend (FRANCE, Rôtisserie, 1893, p. 60).
Expr. Ne pas entendre finesse/malice à qqc. Faire ou dire quelque chose sans mauvaise intention, ne pas voir de mal dans quelque chose qui est dit ou fait par autrui. Bon, sans défiance, je n'y entendais pas finesse (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 180). Il se souvint d'une parole que Solange avait dite à sa mère, et que celle-ci avait répétée sans y entendre malice (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1418).
2. En partic. Se faire de quelque chose une certaine conception qui retentit sur le comportement. Entendre la vie d'une certaine façon. Est-ce comme cela que vous entendez la justice? (CHATEAUBR., Lib. presse, 1818, p. 155). Parbleu, pour un début, voici qui n'est pas mal, et vous entendez vos futures fonctions comme il faut (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1040) :
23. Ceux-ci et Désaugiers le dernier, dans leur manière d'entendre le vin, c'est-à-dire de le boire et de le chanter, tenaient un peu plus directement (...) des façons du bon Homère et de celles du bon Rabelais.
SAINTE-BEUVE, Portraits contemporains, t. 5, 1846-69, p. 45.
3. Donner une interprétation précise à un terme, à une phrase lorsqu'on s'exprime et vouloir la faire partager par ses auditeurs (pour éviter un malentendu). Par « sentiment national », M. Boulenger entend le sentiment du pays, le sentiment de la terre natale (THIBAUDET, Réflex. litt., 1936, p. 226) :
24. CÉLIMARE. — Je dis que madame Bocardin est une femme un peu légère.
EMMA. — Qu'est-ce que tu entends par là?
CÉLIMARE. — Elle a des intrigues...
LABICHE, Célimare le bien-aimé, 1863, III, 7, p. 114.
J'entends (par là). Synon. je veux dire, comprenez. Cet effort suprême, pour la victoire, la liberté et le renouveau, exige l'union de tous les Français. J'entends l'union sincère et fraternelle (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 421) :
25. ... un artiste consommé dans le bel art de faire des vers à l'état pur. Je dis : Faire des vers à l'état pur, et j'entends par là qu'il n'y a de lui dans l'œuvre dont je parle, exactement que la façon de la forme.
VALÉRY, Variété V, 1944, p. 178.
C.— Bien comprendre une technique ou une activité, être compétent dans un domaine donné.
1. [Entendre + compl. d'obj. dir. (désignant un art, une science)] Entendre l'architecture, entendre les affaires. Ah! la duchesse entendait à merveille son métier de femme (BALZAC, Langeais, 1834, p. 255). Personne n'entend, comme Boucher, l'art de la lumière et des ombres (NOLHAC, Boucher, 1907, p. 168) :
26. Don Juan me donne à l'esprit le fin et délicat plaisir que doit donner, je suppose, à ceux qui entendent la musique, la musique de Rossini.
GONCOURT, Journal, 1859, p. 523.
Rem. On rencontre ds la docum. un emploi de entendre avec un compl. désignant des pers. — Ce bon docteur! Voilà un homme qui entend les malades! (ZOLA, Hérit. Rabourdin, 1874, I, 1, p. 139).
2. [Entendre + compl. d'obj. indir.] Entendre qqc. à, ne rien entendre à. Le XVIIIe siècle n'a rien entendu à la poésie, rien entendu au cœur humain (FLAUB., Souv., 1841, p. 52). Comment! Vous avez entendu quelque chose à toute cette science, madame? (PAILLERON, Monde où l'on s'ennuie, 1869, II, 1, p. 81).
Rem. On rencontre chez Fabre l'emploi région. adj. du part. prés. entendant à, synon. de entendu (cf. ce mot II A 1 b) : entendant aux bêtes (Chevrier, 1867, p. 223); entendant à la terre (ibid., p. 241).
3. Emploi pronom. à valeur subjective
[Le compl. est un subst.] S'entendre à, en. S'entendre aux affaires. Il ne s'entendait guère plus en culture qu'en indienne (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 5). « Vous entendez-vous aux vers? (...) Feriez-vous rimer trône et couronne? » (FRANCE, Servien, 1882, p. 162) :
27. Et comment se mêler de peindre la femme, si l'on ne s'entend un peu aux paniers, aux rubans et aux mouches : MM. de Goncourt s'y entendent beaucoup.
SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, t. 4, 1863-69, p. 5.
[Le compl. est un syntagme verbal] S'(y) entendre à. Elle s'y entendait déjà, l'Évangéliste, à détacher les âmes de leurs affections naturelles (A. DAUDET, Évangéliste, 1883, p. 82).
4. En partic. [L'obj. désigne une langue] Connaître, après avoir étudié :
28. Il ne suffit pas d'entendre l'anglais pour comprendre ce grand homme, il faut entendre le Shakespeare, qui est une langue aussi. Le cœur de Shakespeare est une langue à part.
VIGNY, Le Journal d'un poète, 1838, p. 1098.
N'entendre un (traître) mot de/à qqc. Ne pas comprendre un mot de/à quelque chose (en raison de l'ignorance d'une langue ou de la difficulté d'une science). Que je sois pendu, dit-il, si j'entends un mot de ce patois infernal! (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 130). Les personnes qui ont introduit sa gloire [celle de Sidney Webb] en France n'entendaient pas un mot au socialisme (SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 175). Tu lisais avidement, sans y entendre un traître mot, les privilèges hollandais des in-folio de Diafoirus (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 134).
III.— Domaine de la volition, dans la lang. soutenue. Avoir une certaine conception de quelque chose et vouloir faire partager son point de vue à autrui.
A.— [Dans des loc. figées]
Faire, agir comme on l'entend. Faire, agir comme on le juge à propos, comme il vous plaît. Chacun fait comme il l'entend (Ac. 1798-1932) :
29. Enfin, Grandet, vous ferez comme vous l'entendrez. Nous sommes de vieux amis : il n'y a pas, dans tout Saumur, un homme qui prenne plus que moi d'intérêt à ce qui vous concerne; j'ai donc dû vous dire cela. Maintenant, arrive qui plante, vous êtes majeur, vous savez vous conduire, ...
BALZAC, Eugénie Grandet, 1834, p. 209.
Ne pas l'entendre ainsi. Avoir sur un point donné une volonté différente de celle d'autrui. D'Athis (...) voulut prendre la chose en riant et ramener tout de suite ses deux fugitifs avec lui. Mais Irma ne l'entendit pas ainsi (A. DAUDET, Femmes d'artistes, 1874, p. 218).
Rem. On rencontre aussi, par croisement entre ne pas l'entendre ainsi et ne pas entendre de cette oreille (cf. entendre I A 3 a), l'expr. ne pas l'entendre de cette oreille-là « refuser de faire ce qui est demandé, en raison d'une volonté contraire » :
30. Isabelle (...) fixait sur lui ses yeux bleus pleins de caresses et de supplications muettes pour arracher le serment désiré; mais le baron ne l'entendait pas de cette oreille-là, ...
GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 253.
B.— [Le compl. est un inf.] Avoir la ferme intention, la volonté arrêtée de faire une chose. Il [Fred] sait qu'à sa majorité il sera duc de Nevers, et il entend porter haut ce titre et ce nom (GYP, M. Fred, 1891, p. 7) :
31. Et Françoise, en bonne et honnête servante qui entend faire respecter son maître comme elle le respecte elle-même, s'était drapée de cette majesté qui ennoblit les entremetteuses dans les tableaux des vieux maîtres, ...
PROUST, La Prisonnière, 1922, p. 141.
C.— [Le compl. est une prop. complétive dont le verbe est au subj.] Avoir la volonté arrêtée qu'une chose se réalise. La France qui combat entend que la victoire soit le bénéfice de tous ses enfants (DE GAULLE, Mém., 1954, p. 677).
[En tournure négative] Ne pas admettre, refuser absolument qu'une chose se fasse. Or la grande Mademoiselle n'entendait pas qu'on la plaisantât de la sorte (...) son premier soin fut de chasser impitoyablement Lully (GRILLET, Ancêtres violon, t. 2, 1901, p. 51).
Rem. Entendre dénote gén. une volonté plus nettement affirmée que vouloir, exiger, impliquant le refus de toute objection, de toute discussion.
Prononc. et Orth. :[], (j')entends []. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1050 « percevoir par l'ouïe » (Alexis, éd. C. Storey, 422); 2. a) ca 1100 « prêter attention, obéir à » (Roland, éd. J. Bédier, 3782); b) 1636 jur. (MONET); c) 1668 « exaucer » (LA FONTAINE, Fables, V, 1 ds Œuvres, éd. F. Gohin, t. 1, p. 172). B. 1. a) ca 1100 « comprendre » (Roland, éd. cit., 2098); b) 1549 pronom. « se comprendre, se mettre d'accord » (EST.); 2. 1225-50 pronom. soi entendre de (Venus, 180c ds T.-L.); 3. 1370 « vouloir dire » (ORESME, Ethiques, 1. III, chap. 14, note 6, éd. A. D. Menut, p. 205). C. Ca 1121 « avoir l'intention de » (Voyage de Saint Brendan, éd. E. G. R. Waters, 160). Du lat. class. intendere « étendre, tendre (quelque chose) vers », fig. « tendre, diriger (regard, esprit, attention, etc.) vers »; intrans. « se tourner vers, se diriger vers; viser à »; lat. chrét. « faire attention à, comprendre; vouloir, décider; écouter, entendre ». Fréq. abs. littér. Entendre : 42 421. Entendant : 1 340. Fréq. rel. littér. Entendre : XIXe s. : a) 54 478, b) 62 698; XXe s. : a) 64 121, b) 61 768. Entendant : XIXe s. : a) 2 212, b) 2 349; XXe s. : a) 1 964, b) 1 369. Bbg. DARM. Vie 1932, p. 53, 136. — GOTTSCHALK (F.). Lat. audire im Französischen. Giessen, 1921. — GOUGENHEIM (G.). Chang. lex... J. de psychol. normale et pathol. 1966, t. 63, pp. 309-315. — JOHANSSON (A.). Ét. syntaxique sur le verbe faire en fr. mod. In : [Mél. Wahlund (K.)]. Mâcon, 1896, pp. 102-103. — LABORIAT (J.). Un Arrêté mal compris. Déf. Lang. fr. 1973, n° 67, pp. 16-18. — MARGERIE (C. de), MOIRAND (S.), PORQUIER (R.). Les Constr. verbales avec faire, laisser voir, etc. Fr. Monde. 1973, n° 98, pp. 33-41. — RAT (M.). Vieilles loc., mais qui vivent toujours. Déf. Lang. fr. 1965, n° 27, pp. 9-10. — RIVIÈRE (P.). Fantaisie sur le part. passé. Déf. Lang. fr. 1972, n° 65, pp. 10-11. — STEFENELLI (A.). Der Synonymenreichtum der altfranzösischen Dichtersprache. Wien. 1967.

entendre [ɑ̃tɑ̃dʀ] v. tr.
ÉTYM. V. 1050; « percevoir par l'ouïe »; du lat. intendere « tendre vers », d'où « porter son attention vers », « comprendre », sens dominant jusqu'au XVIIe, et, par ext., « ouïr »; de in-, et tendere. → Tendre.
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I
1 V. tr. ind. || Entendre à… : (vx) tendre son attention vers, prêter attention à…; être occupé à…
1 (…) les bons avocats (…) tant distraits (…) du (par le) droit d'autrui qu'ils n'ont temps ni loisir d'entendre à leur propre.
Rabelais, le Tiers Livre, XXIX.
Par ext. Vx. Se prêter à (qqch.). Acquiescer; accepter, approuver, consentir. || « Il ne veut entendre à aucun arrangement » (Académie).
2 Achille n'entend à aucune composition.
Racine, Livres annotés, Homère, XXII.
3 Les uns disent que j'ai bien fait d'entendre à un arrangement (…)
P.-L. Courier, Au rédacteur du Courrier franç., 1er févr. 1823.
Loc. Vx. Ne savoir auquel entendre : avoir affaire à plusieurs personnes à la fois et ne pouvoir toutes les satisfaire.
2 (V. 1121). V. tr. dir. Mod. || Entendre que, entendre (et inf.) : avoir l'intention, le dessein de… Vouloir. || J'entends qu'on m'obéisse; j'entends être obéi. Exiger, prétendre. || Faites comme vous l'entendez. Désirer, préférer. || Ici, chacun fait, chacun agit comme il l'entend. → À sa guise. || Je l'entends ainsi. || Je n'entends pas méconnaître ses droits. || Qu'entendez-vous faire maintenant ? Compter. — ☑ Loc. Ne pas l'entendre ainsi, ne pas l'entendre de cette oreille : avoir un autre avis sur la question, et agir pour contrarier les intentions d'autrui.
4 J'entends et veux que tu apprennes les langues parfaitement.
Rabelais, Pantagruel, VIII.
5 (…) je n'entends point que vous ayez d'autres noms que ceux qui vous ont été donnés par vos parrains et marraines (…)
Molière, les Précieuses ridicules, 4.
6 Ma maladie aura toujours eu l'avantage qu'on me laisse m'occuper comme je l'entends, ce qui est un grand point dans la vie (…)
Flaubert, Correspondance, 90, janv. 1845.
7 Elle attendait de l'amant idéal qu'il fût un maître et un dieu, mais le choisissait faible et humain parce qu'elle entendait le dominer.
A. Maurois, Lélia…, III, IV, p. 157.
8 Il n'entendait pas changer l'ordre social. Il voulait que chacun s'améliorât par la pensée.
J. Chardonne, l'Amour du prochain, p. 232.
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II V. tr. dir.
A
1 (V. 1080). Littér. Percevoir, saisir par l'intelligence. Comprendre (II.), concevoir, saisir. || Entendre le français, l'anglais (→ Arabesque, cit. 3). || Entendre un mot (→ Attraction, cit. 2), une expression. || Je ne vous entends pas, expliquez-vous mieux. || J'entends bien que vous n'en êtes pas responsable. Admettre, confesser, reconnaître. || Entendre une plaisanterie. Apprécier, goûter. || Comment entendez-vous cette phrase ? Interpréter. || Je n'entends pas ce que vous dites.REM. Dans ce type d'exemples, ambigus avec le sens B ci-dessous, cette acception est vieillie. — Entendre un mot dans telle ou telle acception (cit.). || Entendre les moindres allusions (→ Savoir ce que parler veut dire). || Entendre qqch. à demi-mot (cit. 2). || Faire entendre beaucoup en peu de mots (→ Dire, cit. 107). || Faire entendre qqch. à qqn; faire entendre à qqn que… ( Expliquer, montrer). || Il se fait bien entendre de ses auditeurs.Ne pas entendre un traître mot de, à : ne rien connaître de, ne rien comprendre à.
9 Que sert, dit Salomon, toutes choses entendre,
Rechercher la nature et la vouloir comprendre,
Vouloir parler de tout, et toutes choses voir (…)
Ronsard, Élégies, XV.
10 Ceux qui n'entendront pas ces trois petits mots latins (…) se les feront expliquer s'il leur plaît.
Scarron, le Roman comique, I, XII.
11 (…) je n'entends point le latin (…) il faut parler chrétien, si vous voulez que je vous entende.
Molière, les Précieuses ridicules, 6.
12 Quand on se fait entendre, on parle toujours bien (…)
Molière, les Femmes savantes, II, 6.
13 (…) il a bien de l'esprit, et entend fort finement tout ce qui est bon.
Mme de Sévigné, 848, 1er sept. 1680.
14 Que dirai-je, Madame, et comment dois-je entendre
Cet ordre, ce discours que je ne puis comprendre ?
Racine, Mithridate, II, 6.
15 Les sots lisent un livre, et ne l'entendent point; les esprits médiocres croient l'entendre parfaitement; les grands esprits ne l'entendent quelquefois pas tout entier (…)
La Bruyère, les Caractères, I, 35.
16 (…) nous sommes d'accord sur deux ou trois points que nous entendons, et nous disputons sur deux ou trois mille que nous n'entendons pas.
Voltaire, Micromégas, VII.
17 (…) feindre d'ignorer ce qu'on sait, de savoir tout ce qu'on ignore; d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne pas ouïr ce qu'on entend (…)
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, III, 5.
18 (…) on se paye de mots que l'on n'entend pas, et l'on se figure être des génies transcendants.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 204.
19 Perrault n'entend pas la poésie. Il ne l'entend pas, et pourtant il jette à ce propos mille pensées fort neuves, fort spirituelles, et que la science critique a depuis plus ou moins exploitées; il a des ouvertures imprévues et heureuses. Il entend donc certaines parties du moins de la poésie; mais ce qui en est le fond et le fin il ne l'entend pas.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 29 déc. 1851, t. V, p. 270.
20 (…) j'entends très bien l'italien, il y a du moins peu de choses qui m'échappent quand on ne le parle pas trop vite (…)
Flaubert, Correspondance, t. II, p. 16.
21 entendre, concevoir, comprendre. Entendre et comprendre signifient saisir le sens; ce qui les distingue de concevoir qui signifie embrasser par l'idée : j'entends ou je comprends cette phrase; et non je la conçois. Au contraire, dans le vers de Boileau : Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, entendre ou comprendre ne conviendraient pas. La nuance est autre, entre comprendre et entendre. Au fond, l'idée d'entendre est de faire attention à, être habile dans, tandis que celle de comprendre est prendre en soi : j'entends l'allemand, je le sais, j'y suis habile; je comprends l'allemand dirait moins.
Littré, Dict., art. Entendre.
Plus cour. (dans des loc.). En réponse. || J'entends bien ce que vous voulez dire, et, absolt, Oui, j'entends, j'entends bien.Entendez-vous ce que je viens de vous dire ?Absolt. || Entendez-vous ? s'emploie pour appuyer un ordre, une menace. || Je vous chasserai, entendez-vous ?REM. Le double sens d'entendre est sensible dans cet emploi absolu : c'est à la fois comprendre et entendre par l'oreille.Vous m'entendez bien : vous savez ce que je veux dire.J'entends : je sais ce que je veux dire.
22 (…) Suffit, vous m'entendez (…)
Molière, les Femmes savantes, III, 4.
23 (…) il ne faut pas qu'on sache cela ? entendez-vous ?
Molière, George Dandin, I, 2.
24 (…) tu comprends que j'en ai assez; je veux savoir, tu entends (…) Veux-tu parler ?
J. Green, Adrienne Mesurat, p. 50.
Laisser entendre, donner à entendre : laisser deviner. Insinuer. || On lui donna à entendre qu'il allait être renvoyé. || On m'a laissé entendre que… → Je me suis laissé dire…
25 (…) ils (les feuilletonistes) donnaient bénignement à entendre que les auteurs étaient des assassins et des vampires.
Th. Gautier, Préface de Mlle de Maupin, éd. critique Matoré, p. 20.
Loc. Ne pas entendre malice, finesse, à une chose, (vx) dans une chose, ne pas y voir de malice. || Il n'y entend pas malice, il faut lui pardonner. || Faire quelque chose sans y entendre malice : sans mauvaise intention ( Innocemment, naïvement).
26 (…) que trouvez-vous là de sale ?… Pour moi, je n'y entends point de mal.
Molière, Critique de l'École des femmes, 3.
Entendre la plaisanterie, ne pas s'en offenser. Prendre (bien prendre). — ☑ Loc. (Vx, langue class. ou littér.). Entendre, ne pas entendre raillerie. || Il n'entend pas plaisanterie, raillerie là-dessus (Académie). — ☑ Entendre la devise : se laisser conter fleurette.
2 Vx. Connaître à fond; être habile dans… || Entendre l'algèbre, la politique. || Entendre son métier.Mod. (en emploi négatif). || Ne rien entendre à… || Il n'y entend rien (→ infra S'entendre à).
27 (…) M. de Reynie, qui entend si bien la police (…)
Mme de Sévigné, 849, 4 sept. 1680.
28 Elle entend la cuisine et l'office.
Rousseau, Émile, V.
3 (Sujet n. de personne). Vouloir dire. || Qu'entendez-vous par ce mot ?, quel sens lui donnez-vous ? || J'entends par là que… (→ C'est-à-dire que…).
29 Je viens de le tuer, de parole, j'entends (…)
Molière, l'Étourdi, II, 1.
30 Par le nom de Dieu, j'entends une substance infinie (…)
Descartes, Méditations métaphysiques, II. (→ Dieu, cit. 2).
31 Il y a huit ans, j'étais comme vous un jeune élève du conservatoire de Naples, j'entends j'avais votre âge; mais je n'avais pas l'honneur d'être le fils de l'illustre maire de la jolie ville de Verrières.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XXIII.
B (V. 1050). Mod. et cour.
1 Percevoir par le sens de l'ouïe (un son). Ouïr; audio-, audi- et comp.; audition, -acousie. || Entendre qqch. avec peine. Discerner, distinguer. || Entendre qqch. clairement, distinctement, nettement. || Bruit que l'on peut entendre ( Audible) que l'on peut à peine entendre, que l'on ne peut pas entendre ( Inaudible). || Entendre un bruit (cit. 5, 18, 19; → aussi Cachot, cit. 2; cadence, cit. 6; castagnette, cit. 1 et 2), un son, une voix (→ Argentin, cit. 3; casser, cit. 16). || Entendre des cris, des clameurs (cit. 3), des plaintes (→ Douleur, cit. 2). || Entendre de la musique, un instrument (→ Chalumeau, cit. 2). || Entendre un battement, un bourdonnement (cit. 8), un charivari (cit. 4), un cliquetis (cit. 1 et 2). || J'ai cru entendre un coup de fusil. || Ne rien entendre, n'entendre aucun bruit (→ Accablement, cit. 8). || Chuchotement, voix qu'on entend à peine. || Avez-vous entendu ce qu'il a dit ? || Non, je n'ai rien entendu (concerne ici la perception des sons, et non la signification, mais celle-ci peut être impliquée). || Il n'entend rien : il n'y a pas de bruit audible, ou, il est sourd. || Il fit entendre un craquement. Émettre. || Un grand bruit se fit entendre.Entendre quelqu'un, un animal, entendre les sons, les bruits qu'il produit. || Attention, on va nous entendre !, nous entendre marcher, agir, parler… || Il me semble que j'entends quelqu'un; non, c'est le chien. || J'ai entendu sa voiture.
(Le compl. désigne une personne, et, par ext., la parole humaine, le sens étant pris en considération). || Parlez plus fort, je vous entends mal. || On n'entend que lui : il parle tout le temps. || Qu'est-ce qui se passe ? || On ne vous entend plus. || Je n'ai pas entendu ce que vous avez dit. || J'ai entendu cela de sa propre bouche. || Et si on t'entendait ?
Loc. Iron. Il fallait l'entendre ! : ce n'était pas très beau ou très agréable à entendre.
(Le compl. désigne l'auteur du bruit, la source sonore et une proposition complément spécifie la nature des sons). a Avec un infinitif. || Entendre une voiture passer, entendre passer une voiture. || Entendre quelqu'un parler, chanter, crier (→ Alarme, cit. 2). || Entendre sonner l'angélus. || Entendre bruire (cit. 6) quelque chose. — ☑ Loc. On entendrait une mouche voler : il n'y a aucun bruit.
b Avec une propos. relative. || Je l'entends qui parle, qui chante, qui remue dans sa chambre. || J'entends le chien qui gratte, qui aboie à la porte.
c Avec un p. prés. || Je l'ai entendu parlant à ma sœur.
32 (…) il me semble que j'entends un chien qui aboie.
Molière, l'Avare, I, 5.
33 Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats ?
Rouget de Lisle, la Marseillaise.
34 Souvent, au bord d'une fosse dans laquelle on descendait une bière avec des cordes, j'ai entendu le râlement de ces cordes; ensuite, j'ai ouï le bruit de la première pelletée de terre tombant sur la bière : à chaque nouvelle pelletée, le bruit creux diminuait; la terre, en comblant la sépulture, faisait peu à peu monter le silence éternel à la surface du cercueil.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 125.
35 Il entendait la parole haute et magistrale du grand-père, les violons, le cliquetis des assiettes et des verres, des éclats de rire, et dans toute cette rumeur gaie il distinguait la douce voix joyeuse de Cosette.
Hugo, les Misérables, V, VI, III.
36 À force de les entendre (les cris, les menaces), on ne les entendait plus.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., I, p. 636.
37 (…) je poussai un cri (…) un cri si déchirant (…) que je l'entendis ! Les entraves de mon oreille se délièrent d'une manière brusque, le tympan craqua sous le choc de cette masse d'air sonore repoussée loin de moi avec énergie, et il se passa un phénomène nouveau dans l'organe condamné par la nature. Je venais d'entendre un son !
Lautréamont, les Chants de Maldoror, II, p. 77.
38 Je n'ai pas besoin d'écouter pour entendre. Même avant d'entendre les voix, je connais déjà les pensées.
Gide, Œdipe, I.
39 Entends ce bruit fin qui est continu, et qui est le silence. Écoute ce qu'on entend lorsque rien ne se fait entendre.
Valéry, Autres rhumbs, L'ouïe, p. 42.
Loc. Raconter, dire qqch. à qui veut l'entendre, à tout le monde. — ☑ Fam. Ce qu'il faut, qu'est-ce qu'il faut entendre ! (exprime l'indignation). || Il a fallu que je vienne ici pour entendre ça, pour entendre des choses pareilles ! — ☑ Loc. prov. Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd : c'est une chose absurde.
39.1 … elle racontait tout ça fort bien… à tous ceux qui voulaient l'entendre… et même aux autres qui y tenaient pas.
Céline, Guignol's band, p. 197.
39.2 Qu'est-ce qu'elles te disent de faire tes voix ? Ses voix ! Enfin ! Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd !
J. Anouilh, l'Alouette, p. 34.
Entendre des voix : avoir des hallucinations auditives.
En entendre : entendre, recevoir (des reproches, des paroles désagréables, incroyables). || Il en a entendu ! || J'en ai vu et entendu d'autres !En entendre des vertes et des pas mûres.
Spécialt. || Entendre un mot, une tournure, une expression, l'entendre employer, l'entendre dire. || On entend souvent…, on entend encore… (→ Amuïr, cit.). || On entend parfois cette locution à la campagne : elle est parfois en usage.
Entendre avec un compl. verbal.Inf. || J'ai entendu bouger, remuer (→ ci-dessus : entendre quelqu'un bouger). || Entendre que… (suivi de l'indicatif). || J'entends qu'on marche dans le jardin. || « J'entends que vous me dites des nouvelles » (Littré).
40 J'entends de tous côtés qu'on menace Pyrrhus (…)
Racine, Andromaque, I, 1.
41 Quelquefois je le peux (vous écrire) l'après-midi, sous prétexte de chanter ou de jouer de la harpe; encore faut-il que j'interrompe à chaque ligne pour qu'on entende que j'étudie.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre LXXXII.
42 L'essentiel est qu'on entende pas que nous parlons.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, IV, p. 38.
Entendre dire (accompagné d'un compl. d'objet dir.). || Je les ai entendus dire des gros mots.Entendre dire qqch. à qqn : entendre qqn qui dit qqch. ou entendre ce qui est dit à qqn. || Je lui ai entendu dire qu'il était content. || Je lui ai entendu dire qu'il avait bien travaillé (ambigu).
43 Je l'ai entendu dire à différentes personnes, est une locution à laquelle il faut prendre garde; car elle est amphibologique. Elle peut signifier : j'ai entendu qu'on le disait à différentes personnes, ou que différentes personnes le disaient. Il faut donc, quand on en use, bien considérer si le sens est suffisamment déterminé par le contexte. Même observation pour la phrase : Je lui ai entendu dire cela
Littré, Dict., art. Entendre.
Il s'est entendu dire que… : il a entendu dire de lui que…
43.1 A la lueur des bougies sa beauté est encore plus évidente. S'est-elle entendu dire qu'on l'aimait ? Elle se tient là, souriante, prête pour une nuit qui n'aura pas lieu.
M. Duras, Dix heures et demie du soir en été, p. 18.
Il s'est entendu dire qqch., que : il a entendu, il a dû entendre qu'on lui disait; on lui a dit. → Se faire dire. || Je ne suis pas venu ici pour m'entendre dire des choses désagréables, que j'aurais dû agir autrement.
Entendre quelqu'un parler de quelque chose. || Entendre parler d'une chose, d'une nouvelle. Apprendre, informer (être informé)… || Je n'ai plus entendu parler de lui depuis longtemps. || Je n'en ai jamais entendu parler. → Je n'en ai pas eu vent. — Ne pas vouloir entendre parler d'une chose, la rejeter sans même vouloir y prêter l'oreille.
44 Il n'en voulut jamais entendre parler (…)
Bossuet, Hist. des Variations, 1.
45 J'étais si surpris de n'avoir point entendu parler de Nunez pendant tout ce temps-là, que je jugeai qu'il devait être à la campagne.
A. R. Lesage, Gil Blas, VIII, I.
46 M. Bontemps ne voulait pas entendre parler de paix avant que l'Allemagne eût été réduite au même morcellement qu'au moyen âge, la déchéance de la maison de Hohenzollern prononcée, Guillaume ayant reçu douze balles dans la peau.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIV, p. 47.
Entendre dire : apprendre par la parole, par ce qui se dit. || J'ai entendu dire que… (→ On dit que…). || Je ne l'ai pas entendu dire.
47 J'entends dire que la tragédie mène à la pitié par la terreur, soit. Mais quelle est cette pitié ?
Rousseau, Lettre à d'Alembert.
(Suivi d'un énoncé en discours direct). || On entendit soudain : tout le monde sur le pont !
Loc. Entendre quelque chose de ses oreilles, de ses propres oreilles. || Le témoin l'a entendu de ses oreilles.
48 Voici ce que j'ai entendu de mes propres oreilles et vu de ma propre vue.
France, le Petit Pierre, XIX, p. 127.
49 Car l'écrivain qui compte est celui qui voit de ses yeux, entend de ses oreilles, touche de sa main, sent de tout son corps, et ne peut enfin que son œuvre ne trahisse ce qu'il est en lui d'unique et d'irremplaçable.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, I, p. 43.
Fig. Il ne l'entend pas de cette oreille : il n'est pas d'accord, il refuse la proposition, la suggestion qu'on lui fait.
(Précédé de faire). || Faire entendre un son, une parole. Émettre, énoncer; dire, exprimer. || Il fit entendre ces mots. → Ces mots sortirent de sa bouche.
50 Dieu (…) fait entendre sa voix, quand il lui plaît, au milieu du bruit du monde.
Bossuet, Oraison funèbre de Mlle de La Vallière.
51 (…) à gauche, l'eau captive dans le bassin du port ne faisait entendre qu'un clapotis confus (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 101.
Se faire entendre. Bruire, résonner, sonner, tinter… || Un cri, une explosion, une voix se fit entendre.
52 La voix de l'avenir semblait se faire entendre.
Hugo, Odes et Ballades, I, II, II.
53 Soudain, deux notes plaintives se firent entendre.
Cocteau, les Enfants terribles, p. 25.
Absolt. || Écouter sans pouvoir entendre. || Il entend, mais il n'écoute pas. || Parlez plus fort, il entend mal. Vx. || Il entend dur (→ Il a l'oreille dure). || Il n'entend pas plus qu'une bûche.Mod. || Il n'entend pas, il est sourd. || N'entendre que d'une oreille. || Refuser d'entendre, se boucher les oreilles pour ne pas entendre. → Faire la sourde oreille. || S'empêcher d'entendre (→ Attention, cit. 14). || Aussi loin qu'on peut entendre (→ À perte d'ouïe).
54 Le son trop aigu n'est plus perceptible à l'oreille; l'émotion trop aiguë n'est plus perceptible à l'intelligence. Il y a une limite pour comprendre comme pour entendre.
Hugo, l'Homme qui rit, II, V, I.
Spécialt. || Entendre juste : avoir l'oreille musicale.
(Par rapport à la compréhension). || Répétez, j'ai mal entendu. || Tu dois partir, tu entends ? (ou : entends-tu ?). Compris ?Fam. || Tire-toi, t'entends ? ( aussi supra cit. 22).
Allus. biblique :
55 Fils de l'homme, vous demeurez au milieu d'un peuple qui ne cesse de m'irriter, au milieu de ceux qui ont des yeux pour voir, et ne voient point; qui ont des oreilles pour entendre, et n'entendent point (…)
Bible (Sacy), Ézéchiel, XII, 2.
56 Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre.
Bible (Sacy), Évangile selon saint Mathieu, XIII, 9. (Cf. aussi Matthieu, XIII, 43; Marc, IV, 9, 23; VII, 16; Luc, VIII, 8; XIV, 35).
57 Ce jour-là, il trouva plus de bonheur auprès de son amie, car il songea moins constamment au rôle à jouer. Il eut des yeux pour voir et des oreilles pour entendre.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XVI.
Prov. Qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son. — ☑ Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
2 Vx. Apprendre par la rumeur publique (→ mod. Entendre dire…; entendre parler de). Mod. || Qu'est-ce que j'entends ?, qu'est-ce que j'apprends ?
58 Avez-vous jamais entendu une victoire plus glorieuse ?
Bossuet, Pentecôte, II, 1.
59 (…) qu'entends-je de certains personnages qui ont des couronnes (…) ils viennent trouver cet homme (le roi Guillaume) dès qu'il a sifflé, ils se découvrent dans son antichambre (…)
La Bruyère, les Caractères, XII, 119.
3 (Le compl. désigne les paroles ou la personne qui s'exprime). Prêter l'oreille à…; écouter avec attention. || Il faut d'abord entendre ses raisons.Spécialt. Écouter (les parties) lors d'un procès. || Entendez-le avant de le juger. || Entendre les parties, les témoins, l'accusé. || Ils l'ont condamné sans l'entendre.La cause est entendue. — ☑ Prov. Qui n'entend qu'une partie n'entend rien.
60 Elle n'entend ni pleurs, ni conseils, ni raison (…)
Racine, Bérénice, IV, 6.
61 — Mais on entend les gens, au moins, sans se fâcher.
— Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre.
Molière, le Misanthrope, I, 1.
62 (…) ce n'est pas alors sur un mot que vous m'eussiez condamnée sans m'entendre.
A. de Musset, le Chandelier, I, 1.
63 C'est l'heure où le Khalyfe, avant la molle sieste (…)
Entend et juge, tue ou pardonne d'un geste,
Ayant l'honneur, la vie et la mort dans sa main.
Leconte de Lisle, Poèmes tragiques, « Apothéose de Mouça-al-Kébir ».
Loc. cour. Entendre raison : acquiescer à ce qui est raisonnable, juste (→ Affoler, cit. 8; chœur, cit. 4). || Il ne veut pas entendre raison, il refuse d'entendre raison, il n'entend aucune (cit. 16) raison, il n'entend ni rime ni raison. || Faire entendre raison à qqn. Convaincre, persuader. || On n'arrive pas à lui faire entendre raison.Ne vouloir rien entendre (même sens). || Il, elle ne veut rien entendre. → Il ne veut rien savoir. || Quel entê; il ne veut rien entendre.
64 (…) les chameaux étaient exaspérés et ne voulaient plus rien entendre.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 99.
4 Écouter en tant qu'auditeur volontaire. Écouter. || Entendre une histoire, un conteur. || Aller entendre un concert, une conférence, une pièce de théâtre. || Il y avait foule pour l'entendre ( Auditoire). || Ne manquez pas d'aller l'entendre, c'est un virtuose. || Il se fait entendre à l'Opéra, au Théâtre-Français. Chanter, jouer. || Entendre un sermon; entendre la messe ( Assister, cit. 13). || Venir entendre la parole de Dieu (→ Annoncer, cit. 7). || Prêtre qui entend un fidèle en confession.
65 Elle revenait du village. Elle était allée entendre la messe dans l'église de Vergy.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XXI.
Littér. Prêter l'oreille à…, écouter.
66 Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
Baudelaire, les Nouvelles fleurs du mal, « Recueillement ».
67 Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots.
Mallarmé, Poésies, « Brise marine ».
Loc. À l'entendre… : si on l'en croit, si on l'écoute. || À l'entendre, il est innocent. || À vous entendre, il semble que… (→ Baisser, cit. 31). || À l'entendre, l'affaire serait sérieuse.
68 À l'entendre parler, il sait les secrets du Cabinet (…)
Molière, la Comtesse d'Escarbagnas, 1.
69 À entendre mon père, vous auriez juré que cette Révolution de 18.. qui nous avait mis à mal, était spécialement dirigée contre nous.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, I, p. 6.
5 Le sujet désigne une puissance supérieure, Dieu. Écouter favorablement (les demandes, les prières). Exaucer. || Que le ciel l'entende ! || Dieu l'a entendu, a entendu ses prières. || Ses plaintes ne furent jamais entendues.
70 Sa plainte fut de l'Olympe entendue.
La Fontaine, Fables, V, 1.
71 Dieux impuissants, dieux sourds, tous ceux qui vous implorent
Ne seront jamais entendus.
Racine, Esther, II, 8.
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s'entendre v. pron.
1 (Passif). a Vieilli ou littér. Être compris. || Ce mot peut s'entendre de diverses manières ( Signifier). || Comment doit s'entendre son attitude ! Interpréter (s').
Loc. Cela s'entend, et, ellipt., s'entend : c'est évident, cela va sans dire, cela va de soi. Sûr (bien sûr); évidemment, naturellement.
72 Ne connaîtrais-tu point quelque honnête faussaire
Qui servît ses amis, en le payant, s'entend.
Racine, les Plaideurs, I, 5.
73 Je ne regrette rien de cette Babylone impure que vous habitez; s'entend je ne regrette que vous.
P.-L. Courier, Lettres, I, 323.
b Cour. Être entendu, ouï. || Sa voix ne s'entend pas à plus de trois mètres. Porter.Ce mot, cette tournure ne s'entend plus, s'entend encore. Dire (se), employer (s').
74 (…) diffamé, qui dérive de fame, qui ne s'entend plus.
La Bruyère, les Caractères, XIV, 73.
2 (XIIIe). Réfl. a Être habile dans une chose, se connaître à…Vx. || S'entendre en musique, en affaires.Mod. || Il s'entend bien à ce travail, il s'y entend bien. || Il s'entend à réussir les soufflés; elle s'entend à conduire une moto.Loc. fam. (vieilli). Il s'y entend comme à ramer des choux : il n'y entend rien.Iron. || Tu t'y entends !, tu es bien fort, bien malin.
75 Le Français n'est ni poétique, ni plastique; il ne s'entend pas plus en statues qu'en tableaux; il est spirituel dans le sens le plus misérable du mot.
Th. Gautier, les Grotesques, p. 261.
76 M. D…, l'homme rompu aux ficelles de théâtre (…) celui enfin qui a le mieux prouvé s'entendre à « enlever un succès… »
Villiers de L'isle-Adam, Contes cruels, p. 189.
77 Sénac, qui s'entendait assez en femmes, en plaisirs et en sentiments (…)
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 155.
b Entendre sa propre voix. || Tu ne t'entends pas ! || Tu ne t'es donc pas entendu : tu ne te rends pas compte de ce que tu as dit. || S'entendre en disque (→ Enregistrer, cit. 9), à la radio. — ☑ Loc. On ne s'entend pas (plus), ici ! : il y a tellement de bruit qu'on n'entend plus sa propre voix (peut être compris au sens réciproque).
c (Vieilli). || Je m'entends : je me comprends, je sais ce que je veux dire. Comprendre (se).
77.1 Arsène n'a jamais été ce qui s'appelle… enfin je m'entends.
Bernanos, Monsieur Ouine, in Œ. roman., Pl., p. 1504.
3 Récipr. a Entendre réciproquement les paroles d'autrui. || Ils ne peuvent pas s'entendre, ils sont trop loin.
b Se comprendre l'un l'autre. || S'entendre à demi-mot.
78 (On voit)… partout où certains proverbes ou dictons sont de mise (…) les interlocuteurs s'entendre sur le courant d'une expression, et constamment user de clichés sans jamais buter à leur langage.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 142.
Par ext. Plus cour. Se mettre d'accord (cit. 7). Associer (s'), concerter (se). → Être d'intelligence avec. || Ils s'entendent pour lui nuire. || Entendez-vous d'abord avec vos supérieurs. Consulter. || Entendons-nous sur l'heure du rendez-vous. Convenir. || Entendons-nous bien ! : mettons-nous bien d'accord. || Il faut, il faudrait s'entendre, se mettre d'accord (s'emploie pour insister sur la contradiction entre deux affirmations). || Il vaut mieux vous entendre avec lui. Arranger (s'). || S'entendre sur les buts à atteindre (cit. 38).
79 (…) vous croyez bien que je ne veux point m'entendre avec vos ennemis.
Mme de Sévigné, 1148, 11 mars 1689.
80 Les orateurs, unis pour détruire, ne s'entendaient ni sur les chefs à choisir, ni sur les moyens à employer (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 16.
81 Il (l'aigle) laisse les vautours s'entendre sur la terre (…)
Hugo, la Légende des siècles, XXI, « Masferrer », III.
82 Je ne crois pas beaucoup à la survie de ceux sur qui d'abord tout le monde s'entend. Je doute fort que nos petits-enfants, rouvrant ses livres, y trouvent à lire plus et mieux que nous n'y aurons lu.
Gide, Journal, avr. 1906, p. 207.
Loc. fam. Ils s'entendent comme larrons en foire, très bien (pour faire quelque chose).
S'entendre avec quelqu'un, vivre en bonne intelligence avec lui. Accorder (s'), fraterniser, sympathiser.(Sans compl.). || Ils s'entendent très bien, à merveille. || Ils s'entendent mal et se disputent sans cesse.Ils s'entendent comme chien et chat, bien mal.
83 À propos des relations avec sa femme, X disait : « À force de silence nous sommes à peu près parvenus à nous entendre. »
Gide, Journal, 3 août 1934, p. 1214.
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entendu, ue p. p. adj.
1 Littér. Dont le sens est saisi, compris.
84 Mais j'aurais dû sentir que ce langage n'est plus de saison dans notre siècle. Tâchons d'en prendre un qui soit mieux entendu.
Rousseau, Lettre à d'Alembert.
Par ext. Cour. Convenu, décidé. || C'est une affaire entendue. || C'est entendu, c'est bien entendu. → C'est d'accord, c'est dit… || Vous m'écrivez ? || C'est entendu.(1870; entendu et compris). Ellipt. || Entendu ! Accord (d'). || Vous viendrez ? || Entendu !
85 Près de Goncourt, certes, je fus en contact avec certains écrivains de grand talent qui avaient l'esprit satirique, le don de l'ironie, et une bonne humeur narquoise, c'est entendu.
Georges Lecomte, Ma traversée, p. 257.
Loc. adv. (1690, comm.). Bien entendu. Assurément, évidemment, naturellement; sûr (bien sûr, pour sûr). → Bronche, cit. 8; collaboration, cit. 1; concordat, cit. 2. || Vous accepterez ? || Bien entendu ! || Je suis allé le voir et bien entendu il venait de sortir. — ☑ Fam. et pop. Comme de bien entendu (« appartient au langage concierge », écrivait A. Hermant).
86 Il n'y avait personne, comme de bien entendu.
J. Giono, le Hussard sur le toit, p. 288.
86.1 Mais naturellement je dis ça pour faire bien car, comme de bien entendu, tout le monde a son secret.
R. Queneau, le Chiendent, p. 316 (1932).
Loc. conj. (1694). Vx. Bien entendu que… Cependant, pourtant, toutefois. || Voilà la règle, bien entendu qu'il y a des exceptions (Littré).
87 Causons, comme si nous n'avions rien à démêler; bien entendu que nous ne nous en aimerons pas davantage.
Mme de Caylus, Souvenirs in Littré.
2 (Mil. XVIIe). Vx. (Avec un adv., bien, mal…). Compris, conçu. Par ext. Disposé avec ou sans art, fait avec ou sans goût. Arrangé, assorti, composé.
88 Dieu qui avait fait un ouvrage si bien entendu et si capable de satisfaire tout ce qui entend.
Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu, IV, 8.
89 Les jardins étaient bien entendus et ornés de belles statues de marbre (…)
Voltaire, Candide, XXV.
90 (…) un repas propre et bien entendu (…)
Voltaire, Zadig, XX.
Mod. (Abstrait). Compris, mis en œuvre. || Zèle mal entendu. || Sévérité mal entendue. || Dans son intérêt bien entendu.
91 À l'égard des personnes qu'un zèle sincère, quoique mal entendu, pourra indisposer contre moi, j'en respecterai la cause, sans en craindre et sans en approuver l'effet.
d'Alembert, Abus de la critique, Œ., t. IV, p. 285, in Littré.
92 Loin d'être une mauvaise mère, elle a une tendresse très bien entendue pour ses enfants.
Mme de Genlis, Adèle et Théodore, t. I, Lettre XXI, p. 154, in Littré.
3 Vx ou régional. (Personnes). || Entendu à… : qui s'entend bien à (qqch.), qui est habile à… Adroit, capable, compétent, connaisseur, habile, industrieux, ingénieux; courant (au). || Un homme entendu aux affaires, entendu à tout, entendu à conduire les hommes.
93 Un homme entendu à tout, voilà Perrault. De nos jours, il eût construit tour à tour un chemin de fer et un vaudeville. Il aurait donné ses idées pour le palais de cristal de Londres, et aurait perfectionné le daguerréotype.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 29 déc. 1851, t. V, p. 259.
Absolt. Astucieux, fin, intelligent, malin. || Il n'est pas très entendu.
94 S'il y avait moins de dupes, il y aurait moins de ce qu'on appelle des hommes fins ou entendus (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 26.
95 (…) il te regardait vendre tes bêtes et il trouvait que tu t'y prenais bien, que tu étais un garçon de bonne mine, que tu paraissais actif et entendu (…)
G. Sand, la Mare au diable, IV, p. 34.
Mod. || Prendre un air entendu (→ Air, cit. 9). || Faire un clin d'œil, un sourire entendu ( Complice).
96 Je vois ce que c'est, dit le Petit Chose d'un air entendu (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, X, p. 125.
(1651). N. Vieilli, péj. || Faire l'entendu : faire l'important, le capable (→ Faire le malin).
97 (…) il fait l'entendu, comme s'il était sorti de la côte de saint Louis (…)
Scarron, le Roman comique, I, 5.
98 (Ils) ont quelque teinture de cette science suffisante, et font les entendus (…)
Pascal, Pensées, V, 327.
99 (…) l'orgueil, l'éternel orgueil, le besoin de briller et d'étonner le monde par des mérites que l'on n'a pas !… Faire le malin et l'entendu…
Courteline, Boubouroche, Comédie, I, 1.
CONTR. (Du sens I) Désintéresser (se), détourner (se), refuser. — Défendre, interdire. — (Du sens II) Ignorer, méconnaître, mésinterpréter. — V. Sourd (être, rester sourd à…). — Disputer (se); détester (se), haïr (se)… — Incompris, inentendu, inouï; ignare, ignorant, inhabile; incapable, incompétent, maladroit.
DÉR. Entendant, entendement, entendeur, entente.
COMP. Inentendu, malentendu; sous-entendre, sous-entendu. — Mésentente.

Encyclopédie Universelle. 2012.