détourner [ deturne ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1080 fig.; de dé- et tourner
I ♦
1 ♦ (XIVe) Changer la direction de (qqch.). Détourner un cours d'eau. ⇒ 1. dériver. Détourner un convoi de son itinéraire. ⇒ dérouter, dévier. Par anal. Les pirates de l'air ont détourné un airbus (⇒ détournement) . — Pronom. Rivière qui se détourne de son cours. Fig. « Il y a des moments où notre destinée [...] se détourne soudain de sa ligne première » (Chateaubriand).
2 ♦ Changer le cours de. « il eut l'air de ne pas comprendre et détourna la conversation » (Flaubert). Détourner l'attention de qqn. ⇒ distraire. Détourner les soupçons. ⇒ 1. écarter, éloigner. — Spécialt Détourner le sens d'un texte, en donner une interprétation qui s'écarte du sens véritable. ⇒ altérer, dénaturer. Ce goût de confusion « qui les porte à détourner chaque objet de son usage » (Aragon).
3 ♦ Écarter (qqn) du chemin à suivre. Détourner qqn de sa route. ⇒ dérouter. Pronom. Se détourner de sa route par erreur. ⇒ dévier, s'égarer, se fourvoyer.
♢ Fig. Détourner qqn d'une occupation, de son travail. ⇒ arracher (à), déranger, distraire, 1. écarter, éloigner; fam. débaucher. Rien ne le détourne de son travail. Détourner qqn du droit chemin, du devoir. ⇒ corrompre, pervertir. Détourner qqn d'un projet, d'une résolution, l'y faire renoncer. ⇒ dissuader. M. Thiers « ne se laisse point détourner du but » (Sainte-Beuve).
II ♦ (1538) Tourner d'un autre côté pour éviter de voir ou d'être vu. Détourner les yeux, ses regards, son visage. « Quand je les regardais, elles détournaient la tête » (France).
♢ V. pron. SE DÉTOURNER. Se détourner pour pleurer. « elle se détourna, et d'un air indifférent et dédaigneux, se plaça de côté » (Proust).
III ♦ (1380) Dr. Se mettre sciemment dans l'impossibilité de restituer à son propriétaire (un objet confié par lui); en faire un usage ou un emploi différent de celui auquel il était destiné. ⇒ détournement (2o). Détourner des fonds. ⇒ distraire, soustraire, 2. voler.
⊗ CONTR. (du II) Encourager, inciter, pousser.
● détourner verbe transitif (de tourner) Changer le tracé initial d'une voie, d'un cours d'eau ; dévier : Pour construire le barrage il fallut détourner la rivière. Écarter quelqu'un, un véhicule du chemin qu'il suit, l'obliger à adopter une autre direction : Détourner un convoi. Contraindre par la menace, la force et illégalement le pilote d'un avion, le commandant d'un navire, à changer de destination. Faire quitter son orientation, son objectif premier à quelque chose : N'essayez pas de détourner la conversation. Donner à quelque chose (texte littéraire, slogan publicitaire, film, etc.) un autre sens que son sens original par divers procédés de masquage ou de surcharge. Faire en sorte que quelqu'un s'occupe d'autre chose, l'amener à se détacher de quelqu'un, à renoncer à quelque chose : Rien ne le détournera de poursuivre ses recherches. Soustraire illégalement des marchandises, de l'argent, etc., à leur destination normale : Détourner des titres, des valeurs. ● détourner (expressions) verbe transitif (de tourner) Détourner les yeux, la tête, etc., les tourner d'un autre côté, pour éviter de voir ou d'être vu. Détourner les soupçons sur quelqu'un, les faire porter sur lui. ● détourner (synonymes) verbe transitif (de tourner) Changer le tracé initial d'une voie, d'un cours d'eau ; dévier
Synonymes :
- dériver
- dévier
Faire en sorte que quelqu'un s'occupe d'autre chose, l'amener à...
Synonymes :
Soustraire illégalement des marchandises, de l'argent, etc., à leur destination...
Synonymes :
- filouter
- voler
détourner
v. tr.
d1./d écarter du chemin suivi ou à suivre; changer la direction, l'itinéraire de. Détourner un train.
— Contraindre (un avion) à changer de destination.
— Fig. Détourner qqn de son devoir.
|| Détourner la conversation, l'orienter vers un autre sujet. Détourner l'attention de qqn.
d2./d Tourner dans une autre direction. Détourner la tête.
d3./d Soustraire frauduleusement. Détourner une grosse somme.
⇒DÉTOURNER, verbe trans.
A.— Écarter de la voie suivie ou à suivre.
1. [L'obj. désigne une chose]
a) Détourner un fleuve, un chemin. Changer son tracé initial. Synon. dériver, dévier. Bruges osa vouloir détourner la Lys et l'empêcher de couler vers Gand (MICHELET, Journal, 1840, p. 336) :
• 1. Les forêts servent d'abord de remparts contre les vents dont elles détournent quelquefois le cours.
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 81.
— Emploi pronom. à sens passif. Un violent cours d'eau qui, rencontrant un obstacle infranchissable, renonce à son cours direct et se détourne (RENAN, Souv. enfance, 1883, p. 36).
b) P. anal. Détourner un avion. Contraindre le pilote d'un avion de ligne à changer la destination de son appareil :
• 2. ... un avion venant de Zurich, transportant cent quarante-trois passagers, était à son tour détourné au-dessus de la France. Il devait atterrir par la suite en Jordanie.
Le Monde, 8 sept. 1970, ds GILB. 1971.
c) Détourner qqc. sur/contre qqn ou qqc. Le diriger vers un autre objectif. Tallien (...) détourna le poignard contre l'accusateur même (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 102).
— Par brachylogie. Détourner un coup. Empêcher un coup d'atteindre son but. Un de ces sauvages allait m'enfiler avec sa lance, Renard le voit, pousse son cheval entre nous deux pour détourner le coup (BALZAC, Méd. camp., 1833, p. 248).
— Au fig. Diriger quelque chose vers un autre centre d'intérêt. Détourner l'attention, la conversation, les soupçons. Hâtez-vous de détourner les effets de la colère céleste, en punissant les ennemis des dieux (CHATEAUBR., Martyrs, t. 2, 1810, p. 146). Aussi je détournais la conversation par discrétion. Par scrupule aussi (PROUST, Swann, 1913, p. 144) :
• 3. Imaginez que Larsan, qui a, lors de ses trois tentatives, tout mis en train pour détourner les soupçons sur M. Darzac, ait fixé, justement, ces trois fois-là, des rendez-vous à M. Darzac dans un endroit compromettant...
G. LEROUX, Le Mystère de la chambre jaune, 1907, p. 148.
d) Au fig., péj. Détourner un texte, le sens d'un texte, d'un mot, etc. Lui donner une signification qui s'écarte du sens véritable. Les mots s'usent par la circulation, les acceptions se détournent, les traces de l'étymologie se perdent et la langue se dénature (COURNOT, Fondem. connaiss., 1851, p. 436).
2. [L'obj. désigne une pers.]
a) Détourner qqn (de sa route). Écarter, éloigner quelqu'un de sa route directe. Il est près de midi, n'est-ce pas? Si on ne me l'a pas détourné en route, ton frère doit être à moins d'une lieue d'ici (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 205).
— Emploi pronom. réfl. Faire un détour. Au crépuscule, je me détournai de la route pour demander asile chez des paysans (TŒPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 125) :
• 4. ... je passerai certainement par Vittoria; mais il n'est pas impossible que je me détourne pour aller à Pampelune, et, à cause de vous, je crois que je ferais volontiers ce détour.
MÉRIMÉE, Carmen, 1847, p. 28.
b) Au fig., souvent péj. Détourner qqn d'une occupation, d'un travail, d'un projet, d'une pensée, etc. Le faire renoncer à poursuivre une tâche entreprise, l'éloigner de ses préoccupations. Synon. éloigner, distraire, dissuader. Ainsi, sans en parler, elle détournait l'idée d'un mariage (MICHELET, Journal, 1849-60, p. 590). Et l'activité joyeuse de la place Clichy, à midi, ne me détourne pas d'un souvenir agaçant, tout frais, tout vif (COLETTE, Vagab., 1910, p. 153) :
• 5. ... le trop vif intérêt que je prends aux événements qui se préparent, et en particulier à la situation de la Russie, me détourne l'esprit des préoccupations littéraires.
GIDE, Journal, 1932, p. 1100.
— Emploi pronom. Se détourner de son devoir, de son travail, de qqn. Si occupé et si absorbé que je sois, je me détournerais un moment de mon travail, s'il y avait là un devoir à remplir (HUGO, Corresp., 1862, p. 369). Ces Gaulois (...) n'admettent pas le temple (...); ils se détournent des idoles (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1906-07, p. 273).
B.— Tourner dans une autre direction pour éviter quelqu'un ou quelque chose. Détourner les yeux, la tête, la vue (de qqn ou de qqc. vers qqc.). Elle détourne les yeux chaque fois que ceux de Mathilde tentent de l'interroger (COTTIN, Mathilde, t. 2, 1805, p. 258). Ne détourne point ton visage mutin (NOAILLES, Cœur innombr., 1901, p. 112) :
• 6. Madame Bovary détourna la tête, pour qu'il ne vît pas sur ses lèvres l'irrésistible sourire qu'elle y sentait monter.
FLAUBERT, Madame Bovary, t. 2, 1857, p. 78.
— Emploi pronom. Le quaker, s'asseyant, se détourne pour essuyer une larme (VIGNY, Chatterton, 1835, III, 3, p. 316). Oh! je devrais repousser Sénac du pied, me détourner de lui avec horreur (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 115) :
• 7. Je crus que mon apparition subite embarrassait beaucoup cette pauvre femme et je me détournai, moins par pudeur que par humanité.
MICHELET, Journal, 1820, p. 115.
C.— DR., péj. Écarter une chose ou une personne de sa destination légale.
1. [L'obj. désigne qqc. dont on est détenteur à titre précaire] Orienter pour son profit personnel, s'approprier frauduleusement. Détourner des fonds, des papiers, des titres :
• 8. Depuis trois mois, il détournait de petites sommes, espérant les remettre, dissimulant le déficit par de fausses pièces; et cette fraude réussissait toujours, grâce aux négligences du conseil d'administration.
ZOLA, Nana, 1880, p. 1437.
2. [L'obj. désigne une pers.] Détourner un(e) mineur(e). Soustraire une personne mineure à ceux qui en ont la tutelle légale pour la soumettre à sa propre tutelle. Synon. usuel enlever :
• 9. La dame de Port-Sauveur a déjà fait de ces mauvais coups; elle a détourné cette enfant comme celle aux Damour, celle aux Gelinot, « en y donnant de la boisson, bédame! »
A. DAUDET, L'Évangéliste, 1883, p. 198.
Rem. Les dict. signalent en outre le sens anc. du mot en vén. Faire le tour de l'enceinte où un animal s'est réfugié pour s'assurer qu'il n'en est pas sorti, avant de le chasser. Détourner un cerf, un sanglier (Ac.). Cf. GENEVOIX, Dern. harde, 1938, p. 176.
Prononc. et Orth. :[], (je) détourne []. Ds Ac. 1694 et 1718, s.v. destourner; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 desturner « écarter quelqu'un de quelque chose, d'une direction donnée; empêcher » (Roland, éd. J. Bédier, 440 et 3577); 2. ca 1160 au fig. « dissuader, détourner quelqu'un de quelque chose » (Eneas, éd. J. Salverda de Grave, 3354); 3. ca 1165 « écarter, mettre de côté » (BENOIT DE SAINTE-MAURE, Le Roman de Troie, 15413 ds T.-L.); 1383 [à son profit] (Mem. et notes d'A. le Prevost p. servir à l'hist. du dep. de l'Eure, III, 181 a, L. Delisle et L. Passy ds GDF. Compl.). Dér. de tourner; préf. dé-. Fréq. abs. littér. : 3 780. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 369, b) 3 595; XXe s. : a) 5 370, b) 7 188. Bbg. GOHIN 1903, p. 304. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 8. — LINDSTRÖM (A.). Dispensare-distornare. In :[Mél. Wahlund (K.)]. Mâcon, 1896, pp. 286-288.
détourner [detuʀne] v. tr.
ÉTYM. 1080, fig.; de 1. dé-, et tourner.
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1 (XIVe). Changer la direction de (qqch.). || Détourner un cours d'eau, changer son tracé initial. ⇒ Dériver. || Détourner un convoi de son itinéraire. ⇒ Dérouter. — Détourner un coup, l'empêcher d'atteindre son but. ⇒ Dévier, esquiver, éviter, parer (→ Atteinte, cit. 6).
1 Tel qu'un ruisseau docile
Obéit à la main qui détourne son cours (…)
Racine, Esther, II, 8.
2 Mais un caprice du vent détourna le son des instruments à résonance aiguë (…)
Colette, la Chatte, p. 161.
♦ Pron. || Rivière qui se détourne de son cours. — Figuré :
3 Il y a des moments où notre destinée (…) se détourne soudain de sa ligne première, telle qu'un fleuve qui change son cours par une subite inflexion.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 107.
♦ (V. 1970). Par anal. || Détourner un avion : obliger le pilote d'un avion de ligne à modifier la destination de l'appareil. ⇒ Détournement.
2 Fig. Changer le cours de. || Détourner la conversation (→ Rompre les chiens). || Détourner une question pour se dispenser d'y répondre. ⇒ Éluder, esquiver. || Détourner l'attention de qqn. ⇒ Distraire. — Détourner la colère de qqn. || Détourner sa colère sur qqn. || Détourner les soupçons. ⇒ Éloigner; dérouter. || Détourner une malédiction. ⇒ Conjurer. || Détourner un malheur. ⇒ Prévenir.
4 (…) un fâcheux embarras que vous essayez en vain d'éluder en détournant la question (…)
Pascal, les Provinciales, lettre XII.
5 (…) dévorez vos chagrins; il faut céder à l'orage qu'on ne peut détourner.
A. R. Lesage, Gil Blas, XII, X.
6 Rendre un jeune homme amoureux de soi, uniquement pour détourner sur lui les soupçons tombés sur un autre (…)
A. de Musset, Comédies et proverbes, « le Chandelier », III, 2.
7 (…) il eut l'air de ne pas comprendre et détourna la conversation.
Flaubert, Mme Bovary, II, XII, p. 121.
♦ Spécialt. || Détourner un texte, détourner le sens d'un texte, lui donner une signification éloignée du sens véritable. ⇒ Dénaturer.
8 C'est ainsi qu'il détournait l'Écriture sainte.
Bossuet, Disc. sur l'hist. universelle, II, 23.
♦ Détourner un objet de son usage. → Pervertir, cit. 5.
3 Écarter (qqn du chemin à suivre). || Détourner qqn de sa route. ⇒ Dérouter.
♦ Pron. || Se détourner de sa route par erreur. ⇒ Dévier, égarer (s'), fourvoyer (se). || Se détourner de son chemin pour aller quelque part. ⇒ Crochet (faire un crochet), rabattre (se).
9 Il se détourna de son chemin pour aller voir sur le mail un orme qu'il aimait entre tous.
France, l'Anneau d'améthyste, Œ., t. XII, p. 268.
♦ Fig. || Détourner quelqu'un d'une occupation, de son travail. ⇒ Arracher (à), déranger, distraire, divertir, écarter, éloigner. || Rien ne le détourne de son travail; il arrive à s'abstraire complètement (→ Assiduité, cit. 3). || Détourner qqn de ses soucis, de sa tristesse. ⇒ Distraire. || Détourner qqn du droit chemin, du devoir. ⇒ Corrompre, débaucher, dévoyer. || Détourner qqn d'une inclination, d'un goût. ⇒ Dégoûter. || Détourner qqn d'un projet, d'un dessein, d'un but, d'une résolution…, l'y faire renoncer. ⇒ Déconseiller, dissuader, empêcher (de faire quelque chose).
10 Je lui tins bien d'autres discours encore pour la détourner de son dessein; mais je la haranguai fort inutilement; elle avait pris son parti.
A. R. Lesage, Gil Blas, V, I.
11 M. Thiers, dans la plénitude de son talent d'écrivain, ne se laisse point détourner du but, et trouve moyen de poursuivre régulièrement son œuvre.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 3 déc. 1849, t. I, p. 158.
12 La vraie philosophie détourne des religions et pousse à la religion.
Hugo, Post-scriptum de ma vie, « Rêveries sur Dieu ».
13 Le monde sert à cela surtout : il nous surveille : nous oblige à nous tenir sur nos gardes. Il nous détourne de nous-mêmes, nous divertit.
F. Mauriac, la Province, p. 29.
♦ Pron. || Se détourner de son travail, de son devoir. ⇒ Négliger. || Se détourner d'un sentiment, d'une opinion. ⇒ Abandonner, renoncer (à). || Se détourner de Dieu (→ Apostat, cit. 1). || Elle s'est détournée de ses anciennes amies.
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II
1 (1538). Tourner d'un autre côté (la tête, les regards…) pour éviter qqch. || Détourner les yeux, la tête, ses regards, son visage pour ne pas voir (ce qui est répugnant, gênant, effrayant, horrifique…), pour ne pas être vu (par pudeur, pour cacher son émotion; pour éviter qqn…). — Pron. || Son visage, ses yeux se détournaient avec horreur de ce spectacle. — (Sujet n. de personne). || Se détourner de qqn, de qqch., cesser de regarder, de voir. → Champ, cit. 10.
14 Fais l'aumône de ton bien, et ne détourne point ton visage d'aucun pauvre; car il arrivera ainsi que le visage de Dieu ne se détournera point de toi.
Bible (Crampon) → Aumône, cit. 1.
15 Détourne de moi tes yeux, car ils me troublent.
Bible (Segond), le Cantique des cantiques, VI, 5.
16 (…) pour détourner ses yeux de sa misère (…)
Racine, Britannicus, I, 2.
17 Une femme qui n'a jamais les yeux que sur une même personne, ou qui les en détourne toujours, fait penser d'elle la même chose.
La Bruyère, les Caractères, III, 65.
18 Quand je les regardais, elles détournaient la tête (…)
France (→ Agacerie, cit. 3).
19 (…) elle se détourna, et d'un air indifférent et dédaigneux, se plaça de côté pour épargner à son visage d'être dans leur champ visuel (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. I, p. 192.
20 Je hais l'idéalisme couard, qui détourne les yeux des misères de la vie et des faiblesses de l'âme. Il faut le dire à un peuple trop sensible aux illusions décevantes des paroles sonores : le mensonge héroïque est une lâcheté. Il n'y a qu'un héroïsme au monde : c'est de voir le monde tel qu'il est, — et de l'aimer.
R. Rolland, Vie de Michel-Ange, p. 10.
2 Fig. Cesser, refuser de considérer. || Se détourner des mauvaises pensées, les chasser.
21 (…) quand cette pensée m'effleure, je m'en détourne comme d'une tentation.
G. Duhamel, la Pesée des âmes, III, p. 80.
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III
1 (1383). Dr. Soustraire (qqch.) à son profit. ⇒ Détournement, 2. || Détourner des fonds, des valeurs… ⇒ Dilapider, distraire, piller, soustraire, voler. || Abuser de la confiance d'un supérieur en détournant de l'argent.
21.1 Thérèse, la première vertu de ma maison c'est la probité; si jamais vous détourniez d'ici la dixième partie d'un denier, je vous ferais pendre, voyez-vous, mon enfant.
Sade, Justine…, I, 28.
22 Quiconque aura détourné ou dissipé, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient été remis qu'à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage, ou pour un travail salarié ou non salarié, à la charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire un usage ou emploi déterminé, sera puni des peines portées en l'article 406.
Code pénal, art. 408.
♦ Commerçant, failli qui détourne une partie de son actif (→ Banqueroutier, cit. 2).
2 Détourner un(e) mineur(e) : soustraire une personne mineure à l'autorité de ceux qui en ont la garde. — Cour. Séduire une personne mineure. ⇒ Enlever, séduire.
➪ tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
——————
détourné, ée p. p. adj.
1 Qui n'est pas direct, qui fait un détour. || Sentier, chemin détourné (contr. : raccourci). — Figuré :
23 (…) ceux (…) qui suivent des sentiers détournés, et qui prennent des routes tortueuses (…)
Bible (Segond). → Chemin, cit. 26.
♦ Par ext. || Lieu détourné, à l'écart. ⇒ Écarté, éloigné, perdu, retiré.
24 (…) qu'il (l'homme) se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature; et que de ce petit cachot où il se trouve logé, j'entends l'univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son juste prix.
Pascal, Pensées, II, 72.
25 Ce n'est que par faiblesse et faute de connaître le droit chemin qu'on prend des chemins détournés et qu'on a recours à la ruse (…)
3 (1718). Qui n'est pas exprimé directement. || Expression détournée. ⇒ Contourné. || Reproche détourné, qui ne s'adresse pas directement à qqn, mais qui le concerne. || Allusion détournée. ⇒ Délicat, fin, indirect. || Sens détourné (d'un texte, d'un mot) : sens inhabituel introduit sous le sens littéral.
26 Pauvre ignorant, s'écria Fabrice, tu ne sais pas que tout prosateur qui aspire aujourd'hui à la réputation d'une plume délicate, affecte cette singularité de style, ces expressions détournées qui te choquent.
A. R. Lesage, Gil Blas, VII, 3.
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DÉR. Détour, détourné (n. m.), détournement.
Encyclopédie Universelle. 2012.