comprendre [ kɔ̃prɑ̃dr ] v. tr. <conjug. : 58> I ♦ Embrasser dans un ensemble.
1 ♦ Contenir en soi. ⇒ comporter, compter, englober; embrasser, impliquer, inclure, renfermer. La péninsule Ibérique comprend l'Espagne et le Portugal. Le concours comprendra trois épreuves. Le jeu comprend un filet, des balles et des raquettes. ⇒ se composer (de).
2 ♦ Faire entrer dans un tout, une catégorie. ⇒ compter, englober, inclure, incorporer, intégrer; compris. Le recensement a été fait sans comprendre les étrangers.
II ♦ (v. 1200) Appréhender par la connaissance; être capable de faire correspondre à (qqch.) une idée claire. « Par l'espace, l'univers me comprend [sens I] et m'engloutit; par la pensée, je le comprends » ( Pascal). Comprendre le fonctionnement d'une machine, comment fonctionne une machine. Chose facile, difficile à comprendre (⇒ compréhensible) . Chercher à comprendre qqch. Éclair d'intelligence, idée lumineuse qui font comprendre subitement. Tout comprendre. Ne rien comprendre. Loc. Il ne comprend rien à rien.
1 ♦ Percevoir le sens de (un message, un système de signes). ⇒ déchiffrer, décoder, entendre, interpréter, saisir, traduire; fam. 1. baiser, biter, 2. entraver, 2. piger. Faire comprendre (⇒ apprendre, montrer; démontrer, prouver) . Comprendre de travers. Comprendre l'énoncé d'un problème. Comprendre un discours, un texte. Lire et comprendre (⇒ lecture) . Comprendre une explication (⇒ suivre) , un mode d'emploi. Comprendre une allusion (cf. Je vous reçois cinq sur cinq), un jeu de mots. Comprendre à demi-mot (⇒ demi-mot) . Comprendre quelque chose à... : comprendre un peu; en partie. Il n'y comprend rien. Fam. Il n'a rien compris au film. — Comprendre un mot, connaître son sens. Comprendre un mot de telle façon, l'interpréter. Comprendre une langue étrangère. « Je ne puis rien comprendre à ce baragouin » (Molière). — Comprendre un code, un schéma, une carte, savoir les lire, les déchiffrer.
♢ (Arts) Savoir apprécier. Comprendre la musique moderne, la peinture abstraite.
♢ Percevoir nettement un message parlé pour accéder au sens. Il prononce mal, il y a du bruit, je ne comprends rien.
2 ♦ Se faire une idée claire des causes, des motifs de l'enchaînement logique de (qqch.). ⇒ apercevoir, pénétrer, saisir, sentir, voir. Comprendre la rancune d'une personne; comprendre une attitude, l'admettre, l'approuver. Comprendre, savoir de quoi il retourne (cf. J'entends bien). Comprendre pourquoi, comment. Comprendre que (et subj.). Je comprends qu'il soit mécontent. Je ne comprends pas qu'il puisse s'ennuyer. ⇒ concevoir. Emphat. Je ne comprends pas comment il a pu..., c'est inimaginable, révoltant. (Au condit.) Si on l'avait contraint à..., je comprendrais, j'accepterais son attitude.
♢ (Avec une valeur d'incitation à faire ou ne pas faire) C'est dangereux, tu comprends ? Jamais plus, c'est compris ? Elle a fini par comprendre, par céder.
♢ COMPRENDRE QQN. Je le comprends : je comprends son attitude, ses réactions, etc. Allus. hist. « Je vous ai compris » (de Gaulle).
3 ♦ Se rendre compte de (qqch.). ⇒ s'apercevoir, sentir, voir. Comprendre la portée d'un acte; je comprends quelles difficultés il a pu rencontrer. Ah ! Je comprends ! (cf. J'y suis, je vois !). Comprendre pourquoi, comment (et l'indic.). Comprendre que (et l'indic.). Je compris qu'il s'ennuyait en ma présence. « Je n'approuve pas, mais je comprends du moins » (Caillois). — Fam. J'ai compris ma douleur.
4 ♦ (Sens fort) Avoir une connaissance intuitive, une compréhension de (qqch. ou qqn). ⇒ accepter, connaître. Comprendre la nature, l'art. Comprendre la plaisanterie, l'admettre sans se vexer. Comprendre le caractère de qqn. Il ne comprend pas les enfants. Personne ne me comprend (⇒ incompris) . Absolt « Comprendre c'est déjà aimer » (Bernanos).
5 ♦ Pronom. Se comprendre. — (Réfl.) Je me comprends : je sais ce que je veux dire. — (Pass.) Cela (ça) se comprend : c'est évident. — (Récipr.) Ils sont faits pour se comprendre. ⇒ s'accorder, s'entendre. Ils ne se sont jamais compris.
⊗ CONTR. Excepter, exclure, omettre. — Échapper, ignorer, méconnaître.
⊗ HOM. Comprîmes :comprime (comprimer).
● comprendre verbe transitif (latin comprehendere, saisir) Faire entrer, compter quelqu'un, quelque chose dans un ensemble, un total ou, en parlant de cet ensemble, les contenir, les englober, les inclure : Le total ne comprend pas la T.V.A. Être partiellement ou complètement composé, constitué de choses, de personnes : L'appartement comprend trois chambres. Équipe qui comprend onze joueurs. Saisir par l'esprit, l'intelligence ou le raisonnement quelque chose, le sens des paroles, des actes de quelqu'un : Comprendre l'anglais. Je lui ai fait comprendre qu'il me gênait. Saisir par l'esprit l'action, le comportement de quelqu'un, en entrant dans ses raisons, ses mobiles, participer à sa manière de voir, de réagir : Il ne comprend pas votre refus. Se rendre compte de (l'importance de) quelque chose ; réaliser : Elle comprit d'un coup la gravité de sa maladie. Appréhender d'emblée et par la sensibilité la nature profonde de quelqu'un, d'un art, s'en tenir proche, en avoir une connaissance intuitive : Comprendre la musique de Bach. Se représenter quelqu'un, quelque chose d'une certaine manière, s'en faire une certaine idée : Voilà comment il comprend la vie, les choses. ● comprendre (citations) verbe transitif (latin comprehendere, saisir) Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre. Antigone, Antigone La Table Ronde Gaston Bachelard Bar-sur-Aube 1884-Paris 1962 Nous comprenons la Nature en lui résistant. La Formation de l'esprit scientifique Vrin Commentaire Rappel de la formule de Francis Bacon : « On ne triomphe de la nature qu'en lui obéissant. » Jules Amédée Barbey d'Aurevilly Saint-Sauveur-le-Vicomte 1808-Paris 1889 C'est surtout ce qu'on ne comprend pas qu'on explique. L'Ensorcelée Georges Bernanos Paris 1888-Neuilly-sur-Seine 1948 Nous ne sommes pas responsables de la manière dont nous sommes compris, mais de celle dont nous sommes aimés. Nous autres Français Gallimard Louis Ferdinand Destouches, dit Louis-Ferdinand Céline Courbevoie 1894-Meudon 1961 Il y a trop de choses à comprendre en même temps. Voyage au bout de la nuit Gallimard Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 Il ne faut pas comprendre […] Il faut perdre connaissance. Partage de midi, I, Ysé Gallimard Pierre Daninos Paris 1913 Le privilège de l'Anglais est de ne comprendre aucune autre langue que la sienne. Et même s'il comprend, il ne doit en aucun cas s'abaisser à le laisser croire. Les Carnets du major W. Marmaduke Thompson Hachette Eugène Grindel, dit Paul Eluard Saint-Denis 1895-Charenton-le-Pont 1952 Ce qui a été compris n'existe plus. Capitale de la douleur, le Miroir d'un moment Gallimard Lucien Febvre Nancy 1878-Saint-Amour, Jura, 1956 Comprendre c'est compliquer. C'est enrichir en profondeur. C'est élargir de proche en proche. C'est mêler à la vie. Combats pour l'histoire Armand Colin Anatole François Thibault, dit Anatole France Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924 Académie française, 1896 La jeunesse a cela de beau qu'elle peut admirer sans comprendre. La Vie littéraire Calmann-Lévy André Gide Paris 1869-Paris 1951 Quand les gens intelligents se piquent de ne pas comprendre, il est constant qu'ils y réussissent mieux que les sots. Journal Gallimard Pierre Lecomte du Noüy Paris 1883-New York 1947 Le but de la science est de prévoir et non, comme on l'a dit souvent, de comprendre. L'Homme et sa destinée La Colombe Maurice Maeterlinck Gand 1862-Nice 1949 On n'a que le bonheur qu'on peut comprendre. La Sagesse et la destinée Fasquelle Louis Massignon Nogent-sur-Marne 1883-Paris 1962 Pour comprendre l'autre, il ne faut pas se l'annexer mais devenir son hôte. Opera minora Centre de documentation scolaire Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Pour entendre le sens d'un auteur, il faut accorder tous les passages contraires. Pensées, 684 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Charles Péguy Orléans 1873-Villeroy, Seine-et-Marne, 1914 C'est embêtant, dit Dieu. Quand il n'y aura plus ces Français, Il y a des choses que je fais, il n'y aura plus personne pour les comprendre. Le Mystère des saints Innocents Gallimard Georges Poulet Chênée 1902-Bruxelles 1991 Comprendre, c'est presque l'inverse d'exister. La Distance intérieure, Balzac Plon Charles-Ferdinand Ramuz Lausanne 1878-Pully, près de Lausanne, 1947 Je sens que je progresse à ceci que je recommence à ne rien comprendre à rien. Journal, 10 septembre 1917 Mermod Henri de Régnier Honfleur 1864-Paris 1936 Académie française, 1911 Juger est quelquefois un plaisir, comprendre en est toujours un. « Donc… » Kra Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz Montmirail 1613-Paris 1679 […] Rien ne persuade tant les gens qui ont peu de sens, que ce qu'ils n'entendent pas. Mémoires Jean-Paul Sartre Paris 1905-Paris 1980 Il faut affirmer si nous voulons comprendre, et nous donner si nous voulons sentir. Situations II Gallimard Anne Louise Germaine Necker, baronne de Staël-Holstein, dite Mme de Staël Paris 1766-Paris 1817 Tout comprendre rend très indulgent. Corinne ou l'Italie Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Un état bien dangereux : croire comprendre. Choses tues Gallimard Auguste, comte de Villiers de L'Isle-Adam Saint-Brieuc 1838-Paris 1889 Comprendre, c'est le reflet de créer. Axel, III, 1, Maître Janus Anonyme À qui sait comprendre, peu de mots suffisent. Intelligenti pauca. Commentaire Dans le Rouge et le Noir de Stendhal, Julien Sorel cite cet adage au supérieur du séminaire de Besançon. saint Anselme Aoste 1033-Canterbury 1109 Je ne cherche pas à comprendre pour croire, mais je crois pour comprendre. Neque enim quaero intelligere, ut credam ; sed credo, ut intelligam. Proslogion, I saint Augustin Tagaste, aujourd'hui Souq Ahras, 354-Hippone 430 Crois et tu comprendras ; la foi précède, l'intelligence suit. Si non potes intelligere, crede ut intelligas. Praecedit fides, sequitur intellectus. Sermons, 118, 1 Sextus Empiricus IIe-IIIe s. Tout échappe à la compréhension. Hypotyposes pyrrhoniennes, I, 200 (traduction J.P. Dumont) Commentaire Une des « formules sceptiques ». ● comprendre (difficultés) verbe transitif (latin comprehendere, saisir) Conjugaison Comme prendre. Construction 1. Comprendre que (+ indicatif) = saisir, se rendre compte que. Je comprends que tu es obligé de partir (= tu es obligé de partir, c'est un fait que je saisis). 2. Comprendre que (+ subjonctif) = admettre. Je comprends que tu sois obligé de partir (= les raisons qui t'obligent à partir te sont personnelles et je les admets, je les approuve). ● comprendre (expressions) verbe transitif (latin comprehendere, saisir) C'est à n'y rien comprendre, c'est inexplicable, très étonnant. Comprendre les choses, avoir l'esprit large, être tolérant, indulgent. Comprendre la plaisanterie, ne pas s'en irriter, accepter qu'on plaisante sur soi. Comprendre quelque chose, avoir quelques notions, une petite idée de quelque chose. Je comprends !, bien sûr ! ● comprendre (homonymes) verbe transitif (latin comprehendere, saisir) ● comprendre (synonymes) verbe transitif (latin comprehendere, saisir) Faire entrer, compter quelqu'un, quelque chose dans un ensemble, un total...
Synonymes :
- compter
- englober
- inclure
Contraires :
- excepter
- exclure
- omettre
Être partiellement ou complètement composé, constitué de choses, de personnes
Synonymes :
- compter
- inclure
- intégrer
Saisir par l'esprit, l'intelligence ou le raisonnement quelque chose, le sens...
Synonymes :
Saisir par l'esprit l'action, le comportement de quelqu'un, en entrant...
Synonymes :
- entendre
Se rendre compte de (l'importance de) quelque chose ; réaliser
Synonymes :
- réaliser
Appréhender d'emblée et par la sensibilité la nature profonde de...
Synonymes :
- pénétrer
Se représenter quelqu'un, quelque chose d'une certaine manière, s'en faire une...
Synonymes :
- imaginer
- se représenter
- voir
comprendre
v.
aA./a v. tr.
rI./r
d1./d (Choses) Contenir, renfermer en soi. Une université comprend plusieurs facultés. Tableau qui comprend toutes les données. Syn. comporter.
d2./d Faire entrer dans un tout, une catégorie. Comprendre les frais de déplacement dans une facture. Syn. inclure.
rII./r
d1./d Pénétrer, saisir le sens de. Comprendre une question. Comprendre le roumain.
|| Ne rien comprendre aux mathématiques, au sport, etc., n'avoir aucune connaissance dans ces domaines.
|| (S. comp.) Malgré ses efforts, il n'a pas compris.
— As-tu compris?
d2./d Se représenter, se faire une idée de. Il comprend la souffrance comme une punition de Dieu.
d3./d Se rendre compte de, que. Comprendre l'ampleur de la catastrophe. Comprendre que tout est fini.
rIII/r
d1./d Faire preuve de compréhension (sens 3) envers.
|| Comprendre la plaisanterie.
d2./d Percevoir, pénétrer par l'intuition plus que par la raison. Elle comprend très bien les enfants.
|| v. Pron. (Récipr.) (Personnes) Bien se connaître et bien s'entendre.
aB./a v. Pron. Pouvoir être compris. Ce texte se comprend facilement.
|| Loc. Fam. ça se comprend: c'est normal, ça se justifie.
⇒COMPRENDRE, verbe trans.
I.— [L'idée dominante est celle d'un rapport quantitatif de contenant à contenu; le suj. désigne une chose ou une pers.] Emploi trans. Inclure dans sa nature propre ou dans un système telle et telle choses ou personnes.
A.— [Le suj. désigne une chose] Avoir en soi tel et tel éléments constitutifs. Comprendre telles choses, telles personnes :
• 1. ... dans tous nos jugemens quelconques, l'extension des deux idées comparées étant la même, parce qu'elle est toujours égale à celle du sujet, l'opération intellectuelle consiste à sentir que le sujet comprend l'attribut; (...) nos raisonnemens sont des séries de jugemens successifs par lesquels on voit que ce premier attribut en comprend un second, le second un troisième, et ainsi de suite, en sorte que le premier sujet renferme le dernier attribut.
DESTUTT DE TRACY, Élémens d'idéologie, Logique, 1805, p. 165.
• 2. L'œil se compose de parties distinctes, (...). Pour ne parler que de la rétine, on sait qu'elle comprend trois couches superposées d'éléments nerveux, — cellules multipolaires, cellules bipolaires, cellules visuelles, — dont chacune a son individualité et constitue sans doute un organisme fort complexe : encore n'est-ce là qu'un schéma simplifié de la fine structure de cette membrane.
BERGSON, L'Évolution créatrice, 1907, p. 89.
SYNT. Comprendre + adv. : comprendre environ, essentiellement, généralement, notamment, uniquement; comprendre + subst. : comprendre un (certain/grand) nombre de, comprendre l'ensemble/la totalité de, comprendre (tant de) dépenses/divisions/éléments/espèces/grades/membres/opérations/parties/périodes/phases/représentants/sections/séries/sortes; subst. + comprendre : appareil, catégorie, équipe, groupe, liste, programme, traitement (qui comprend...). PARAD. a) (Quasi-)synon. comporter, compter, contenir, embrasser, enclore, impliquer. b) (Quasi-)anton. exclure.
— En partic. emploi pronom. passif. [Le contenant est un mot, une expression; le contenu est une chose abstr.] Être inclus dans tel mot, telle expression, etc. Mille difficultés qui se comprenaient toutes dans ce mot terrible : — et de l'argent? (BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, p. 154).
Rem. Un tel emploi sert de transition entre les emplois I et II; cf. en outre : Il dit [Saint Jean] : « la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise » (...) Or le verbe grec, de même que le verbe français comprendre, signifie renfermer, tenir en soi, de même que, entendre, avoir connaissance (MÉRIMÉE, Lettres à Madame de la Rochejacquelein, 1870, p. 123).
B.— [Le suj. désigne une pers.] Faire entrer dans une catégorie, dans un ensemble d'éléments nombrables. Comprendre qqn/qqc. dans/sous qqc. :
• 3. ... l'homme, qu'ils [des savants trop accrédités] rangent parmi les animaux, n'est lui-même qu'une matière organisée, soumise aux simples lois de la physique, (...). Quant aux puissances élémentaires, ils ont omis de les comprendre dans leur système; de sorte que le temple qu'ils ont prétendu élever à la nature manque à la fois de comble et de fondements. Où placeront-ils donc les lois de la morale, qui doivent régir les sociétés humaines, s'ils n'aperçoivent dans l'univers que quelques lois physiques?
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 260.
SYNT. Comprendre sous (tel) terme (tant de sens). PARAD. a) (Quasi-)synon. englober, envelopper, inclure, incorporer, intégrer, mêler. b) (Quasi-)anton. excepter, omettre.
Rem. Comprendre est parfois employé en ce sens avec un compl. de lieu désignant un ensemble considéré dans son extension. Enfermé dans l'art et dans l'amour (...) j'ai peine à monter, à étendre l'amour, à élargir mon cœur pour y comprendre l'amour universel (MICHELET, Journal, 1850, p. 128).
II.— [L'idée dominante est celle d'un rapport qualitatif d'intellection entre une fonction mentale et les objets sur lesquels elle s'exerce]
A.— Emploi trans. [Le suj. désigne une pers.] Avoir, élaborer, recevoir dans son esprit la représentation nette d'une chose, d'une pers.
1. [Par réflexe acquis, par actualisation d'une connaissance mémorisée antérieurement] Saisir intellectuellement le rapport de signification qui existe entre tel signe et la chose signifiée, notamment au niveau du discours. Comprendre qqc.; p. ell. comprendre qqn (comprendre ce que dit qqn) :
• 4. ... il [un moderne, en entendant prononcer le mot arbre] logera ce signe en sa tête, dans une case étiquetée et distincte; c'est là ce qu'aujourd'hui nous appelons comprendre.
H. TAINE, Philos. de l'art, t. 1, 1865, p. 152.
• 5. Comprendre consiste dans la substitution plus ou moins rapide d'un système de sonorités, de durées et de signes par tout autre chose, qui est en somme une modification ou une réorganisation intérieure de la personne à qui l'on parle. Et voici la contre-épreuve de cette proposition : c'est que la personne qui n'a pas compris répète, ou se fait répéter les mots. Par conséquence, la perfection d'un discours dont l'unique objet est la compréhension consiste évidemment dans la facilité avec laquelle la parole qui le constitue se transforme en tout autre chose, ...
VALÉRY, Variété V, 1944, p. 143.
SYNT. Comprendre + loc. adv. : comprendre à demi-mot. Il avait l'esprit prompt et comprenait à demi-mot (R. ROLLAND, Jean-Christophe, L'Adolescent, 1905, p. 353), comprendre de travers; comprendre + subst. : comprendre un document, une explication, les finesses de la langue, une idée, le langage de, une langue, le latin, un mot (ne pas comprendre un mot de), les paroles de, une pensée, une question, un raisonnement, le sens de, un signe, la signification de; verbe + comprendre : affecter de (ne pas) comprendre, (n')avoir (pas) l'air de comprendre, avouer (ne pas) comprendre, croire comprendre (je crois comprendre), faire semblant de (ne pas) comprendre, feindre de (ne pas) comprendre, paraître (ne pas) comprendre, se faire comprendre (s'exprimer clairement); comprendre + prop. a) comprendre + prop. compl. : comprendre ce que dit (telle pers.), ce que signifie (telle chose), comprendre ce que parler veut dire; b) comprendre + prop. suj. : comprenne qui pourra (formule utilisée à propos d'une matière délicate, quand on ne veut s'expliquer davantage, cf. J. BOUSQUET, Traduit du silence, 1935-36, p. 76 et GIDE, Journal, 1946, p. 290, avec la var. comprenne qui peut ou qui veut).
PARAD. (Quasi-)synon. déchiffrer, entendre, interpréter, traduire; pop. entraver, piger.
— En interj. (dans un dialogue fam.). Je comprends! Tu comprends! Vous comprenez! (Marque ou appelle l'approbation). Citoyens nous avons soupé de (...) Je comprends! y dit un. Oui, oui, y crient les autres tous (MUSETTE, Cagayous partout, 1905, p. 21).
2. [Par effort de réflexion]
a) Se faire une idée claire des causes, des conséquences, etc., qui se rattachent à telle chose et qui l'expliquent. Comprendre qqc. (à qqc.). L'intelligence (...) cette faculté de comprendre les relations des choses (CARREL, L'Homme, cet inconnu, 1935, p. 141) :
• 6. Les expériences scientifiques sont faites d'après une idée préconçue qu'il s'agit de vérifier ou de contrôler afin de comprendre le phénomène et de saisir dans toutes les circonstances qui accompagnent la production du phénomène celle qui constitue réellement son déterminisme et qui doit être appelée sa cause prochaine.
C. BERNARD, Principes de méd. exp., 1878, p. 4.
• 7. ... il est vain d'espérer « comprendre » le fonctionnement du système nerveux, c'est-à-dire de prétendre déduire ce fonctionnement de la seule structure « visible » (actuellement ou virtuellement), et de notre habitude des liaisons mécaniques et physiques.
RUYER, La Conscience et le corps, 1937, p. 37.
SYNT. Comprendre + adv. : comprendre admirablement, aisément, bien (fort bien), clairement, difficilement, facilement, mal (fort mal), parfaitement, pleinement, vaguement; comprendre + loc. : comprendre à peine, à merveille, à moitié, sans peine, ne pas comprendre grand chose à, ne rien comprendre à rien, n'y comprendre goutte; comprendre + subst. : comprendre la cause, le fonctionnement, la genèse, le lien, le mécanisme, l'origine, la raison, le rapport, le rôle (de telle chose); subst. + de + comprendre : difficulté, faculté de comprendre; verbe + comprendre : vouloir comprendre; verbe + à + comprendre : aider, arriver, avoir peine, chercher, parvenir à comprendre; verbe + de + comprendre : s'efforcer, essayer, permettre, tâcher de comprendre; prop. + comprendre : il est aisé/difficileacile/impossible de comprendre, vous êtes assez intelligent pour comprendre/trop intelligent pour ne pas comprendre. (Il ne) faut pas chercher à comprendre ou essayer de comprendre (cf. ESN. Poilu 1919, p. 575 et BERNANOS, Journal d'un curé de campagne, 1936, p. 1033), il n'y a rien à comprendre. PARAD. a) (Quasi-) synon. appréhender, pénétrer. b) (Quasi-)anton. embrouiller, enchevêtrer.
— En partic. [D'un point de vue métaphysique] Comprendre le passé, les phénomènes, la vie, etc. Comprendre leur principe, leur finalité :
• 8. La vie, je la comprends de moins en moins, et je l'aime de plus en plus. (...) on ne vieillit pas. Pour le cœur, c'est entendu : on le savait, du moins en amour. Eh bien, pour l'esprit, c'est la même chose. Il reste toujours jeune. On ne comprend pas plus la vie à quarante ans qu'à vingt, mais on le sait, et on l'avoue. C'est ça, de la jeunesse.
RENARD, Journal, 1907, p. 1106.
♦ Absol. Comprendre = comprendre le sens caché de tout ce qui est. Comprendre est le tout de l'homme (AMIEL, Journal intime, 1866, p. 207) :
• 9. J'ai reconnu que j'étais peu de chose : raison, sentiment, instinct réunis, cela fait encore un être si fini et une action si bornée, qu'il faut en revenir à l'humilité chrétienne jusqu'à ce point de dire : « Je sens vivement, je comprends fort peu et j'aime beaucoup ». Mais il faut quitter l'orthodoxie catholique quand elle dit : je prétends sentir et aimer sans rien comprendre.
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 4, 1855, p. 306.
b) Se faire une conception personnelle idéale de telle chose. Comprendre qqc. de telle façon, manière de comprendre (telle chose), voilà comme je comprends telle chose :
• 10. On demande quelle est cette plénitude de bonheur céleste, promise à la vertu par le christianisme; on se plaint de sa trop grande mysticité : « Du moins, dans le système mythologique, dit-on, on pouvoit se former une image des plaisirs des ombres heureuses; mais comment comprendre la félicité des élus? » Fénelon l'a cependant devinée cette félicité, lorsqu'il fait descendre Télémaque au séjour des mânes : son Élysée est visiblement un paradis chrétien.
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, t. 1, 1803, p. 270.
SYNT. Comprendre l'amour, le bonheur, la vie (de telle façon).
PARAD. Imaginer, se figurer, interpréter, se représenter (telle chose ou telle façon).
— En partic., domaine des arts. Concevoir un sujet et l'exprimer de telle façon. La Madone telle que le peintre d'Urbin la comprenait dans les derniers temps de sa vie, au sommet de sa troisième manière (T. GAUTIER, Guide de l'amateur au Musée du Louvre, 1872, p. 33). Comprendre les statues comme l'expression fixée d'une certaine sensibilité (BARRÈS, Le Voyage de Sparte, 1906, p. 66).
3. [Par intuition, dans une saisie spontanée (gén. après une longue maturation plus ou moins inconsciente de l'observation, du jugement, de l'expérience personnelle)]
a) Se rendre compte de la réalité de telle chose, prendre conscience de son importance. Comprendre qqc. :
• 11. La proposition du prêtre venait de remuer en elle ce coin obscur, où elle évitait de lire; et, à la douleur qu'elle éprouvait, elle comprenait enfin la gravité de son mal, elle avait l'effarement de pudeur d'une femme qui sent glisser son dernier vêtement.
ZOLA, Une Page d'amour, 1878, p. 874.
• 12. ... tout à coup, j'eus le sentiment que le visage de ma mère avait changé. (...) dans la conjugaison de tous ces signes, il me fallait bien distinguer quelque chose de nouveau, de très triste et de très angoissant. (...). Je compris tout cela soudain...
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, p. 36.
SYNT. Comprendre + adv. : comprendre immédiatement, rapidement, sur-le-champ, tout de suite, vite; comprendre + subst. : comprendre son devoir, son erreur, comprendre le danger/l'étendue/la gravité/l'importance/l'intérêt/la nécessité/la portée/le prix/l'utilité/la valeur de; verbe + comprendre : faire comprendre (nettement), ne pas oser comprendre, commencer/ne pas tarder à comprendre, refuser de comprendre, finir par comprendre; comprendre + prop. : comprendre qu'il s'agit de. PARAD. a) (Quasi-)synon. apercevoir, discerner, y être (j'y suis!), réaliser, remarquer, se représenter, saisir, voir. b) (Quasi-)anton. ignorer, laisser échapper, méconnaître.
Rem. gramm. (relative aux emplois II B 1, 2, 3). Comprendre que peut se construire avec l'ind. (s'il s'agit d'un jugement de fait) ou, plus fréquemment dans la lang. littér., le subjonctif (s'il s'agit d'un jugement de valeur). Vous comprenez que je ne suis pas la première venue (BLOY, La Femme pauvre, 1897, p. 116).
b) Appréhender quelqu'un ou quelque chose dans toute la vérité de sa nature profonde, par une communion affective, spirituelle. Comprendre qqn, qqc.
— [Le compl. d'obj. désigne une pers., son tempérament, son comportement, etc.] Percevoir la vraie nature de telle personne par une disposition d'esprit très favorable, voire complice, en allant parfois jusqu'à reconnaître explicitement le bien-fondé de ses motivations particulières et même jusqu'à excuser ses travers avec une extrême indulgence. Comprendre profondément, comprendre l'Homme. Comprendre et approuver ce qu'est une existence vouée à la galanterie (PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 606) :
• 13. Quel mystère que la pensée inconnue d'un être, la pensée cachée et libre, que nous ne pouvons ni connaître, ni conduire, ni dominer, ni vaincre! Et moi, j'ai beau vouloir me donner tout entier, ouvrir toutes les portes de mon âme, je ne parviens point à me livrer. Je garde au fond, tout au fond, ce lieu secret du moi où personne ne pénètre. Personne ne peut le découvrir, y entrer, parce que personne ne me ressemble, parce que personne ne comprend personne.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Solitude, 1884, p. 926.
• 14. ... je n'oublierai plus ce que je pense et ce que je sens, ce à quoi j'adhère, en épousant jusqu'à me perdre complètement le point de vue de chacun de ceux que j'étudie, ce point de vue, je l'épouserai tout autant pour le comprendre, et pour le comprendre sympathiquement; mais ceci fait, je ne m'interdirai plus de dégager dans chaque cas mon équation ou ma différence personnelle : ...
DU BOS, Journal, 1927, p. 243.
♦ Absolument :
• 15. Je suis heureux. Et je vais vous confier le secret de mon bonheur. Il est simple. J'aime autrui. J'aime aimer. Je hais la haine. Je m'efforce de comprendre et d'admettre.
COCTEAU, Poésie critique 2, 1960, p. 16.
SYNT. Comprendre + subst. : comprendre l'attitude, le caractère, l'esprit, les inquiétudes, les intentions, les motifs, la position, les scrupules, les sentiments, la situation de (telle pers.). Un brave homme qui comprendra ma situation et qui me tendra la main (MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Une lettre, 1885, p. 584); comprendre son temps. Opiniâtre attachement au passé, qui le rendait incapable de comprendre son temps (MICHELET, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 221); verbe + comprendre : devoir comprendre (vous devez me comprendre), être apte à comprendre/être capable, incapable de (tout) comprendre, falloir comprendre (il faut me comprendre), pouvoir comprendre (tu ne peux pas comprendre, etc.), savoir comprendre.
PARAD. (Quasi-)synon. a) se mettre à la place de, participer, saisir, sentir; b) disculper, excuser, justifier, pardonner.
— En partic.
♦ [Le compl. d'obj. désigne un artiste, son art] Vibrer de la même sensibilité, partager les mêmes goûts esthétiques, savoir apprécier. Le type tout fait de l'homme riche incapable de comprendre et d'aimer sincèrement les œuvres d'art (LARBAUD, A. O. Barnabooth, 1913, p. 127) :
• 16. Il ne peut être question pour lui [le snob] d'acquérir les talents qu'il convoite; (...). C'est donc, dans la faculté d'apprécier, dans le goût, dans le jugement qu'il fait tenir le sentiment de sa valeur. Avec soin il évite les œuvres. Il a pour devise « comprendre c'est égaler » et tout bas ajoute « c'est surpasser ».
GAULTIER, Le Bovarysme, 1902, p. 87.
SYNT. Comprendre l'art, le charme, le génie, l'harmonie, l'originalité de.
♦ [Le compl. d'obj. désigne une entité plus ou moins personnifiée] Comprendre Dieu, la nature :
• 17. ... quelque chose de la vie des éléments émanant d'eux-mêmes, sans doute à l'attraction de nos regards, arrivait jusqu'à nous, et, s'y assimilant, faisait que nous les comprenions dans un rapport moins éloigné, que nous les sentions plus avant, grâce à cette union plus complexe. À force de nous en pénétrer, d'y entrer, nous devenions nature aussi, nous nous diffusions en elle, elle nous reprenait, nous sentions qu'elle gagnait sur nous et nous en avions une joie démesurée; nous aurions voulu nous y perdre, être pris par elle ou l'emporter en nous.
FLAUBERT, Par les champs et par les grèves, 1848, p. 256.
— P. ext. [Le compl. d'obj. désigne une chose abstr.] Madame Dorval, qui eût très-bien compris et senti les idées générales, mais qui en repoussait vivement l'examen et la préoccupation (G. SAND, Histoire de ma vie, t. 4, 1855, p. 228). Faire immédiatement le point, comprendre vivement des objets nouveaux, situer d'un coup d'œil le cœur des circonstances (MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 627).
SYNT. Comprendre les choses (= avoir l'esprit large, se montrer tolérant). Demeure ouvert à toutes les raisons qu'on lui donne (...) comprend les choses (MAURIAC, Journal du temps de l'occupation, 1944, p. 322); comprendre la plaisanterie (= l'accepter sans se formaliser et même la pratiquer volontiers). Tel qui ne comprend pas la plaisanterie a pris au tragique une expression jetée en passant (JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, p. 160).
B.— Emplois pronom.
1. Emploi pronom. passif
a) Être appréhendé par l'intelligence dans toute sa signification. Pour m'expliquer n'importe quoi... tout ce qui peut se comprendre et se résoudre, et s'assimiler (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 424).
b) Être saisi par l'intuition dans toute la vérité de sa nature; être approuvé dans le bien-fondé de ses motivations particulières. Cela se comprend. Cet acte se comprend (LAUTRÉAMONT, Les Chants de Maldoror, 1869, p. 151).
2. Emploi pronom. réfléchi
a) Se représenter nettement la signification de ses propres paroles (même si elle reste obscure pour autrui). Fam. Je me comprends (COLETTE, Claudine à Paris, 1901, p. 225).
b) Se saisir intuitivement dans toute la vérité de sa nature profonde :
• 18. Je vais essayer de tracer à la hâte quelques lignes moins incohérentes que celles que tu viens de lire, je voudrais que tu me comprisses et je ne me comprends pas moi-même. Va, mon Adèle, je suis bien malheureux. Au milieu du tumulte de mes sentiments, je ne puis distinguer qu'une chose, c'est une passion insurmontable.
HUGO, Lettres à la fiancée, 1820, p. 13.
Rem. On rencontre parfois la construction se comprendre + adj. qualificatif, employée pour comprendre que l'on est caractérisé par telle qualité. Elle se comprenait bien coupable (KARR, Sous les tilleuls, 1832, p. 300). Elle se comprit belle (SAINTE-BEUVE, Portraits de femmes, 1844, p. 503).
3. Emploi pronom. réciproque
a) Se représenter nettement le sens de ce que l'on se dit l'un à l'autre. Ils ne se comprenaient qu'assez difficilement les uns les autres, parce qu'ils ne parlaient pas tout à fait le même patois (RAMUZ, Derborence, 1934, p. 105).
b) Se saisir intuitivement l'un l'autre jusqu'au fin fond de l'être, s'approuver mutuellement avec une indulgente sympathie. Deux cœurs faits pour se comprendre. Nous nous sommes de suite entendues et comprises et aimées (E. DE GUÉRIN, Lettres, 1839, p. 339). Quand on vit ensemble, il faut s'aider, se comprendre (...) se faire des concessions mutuelles et savoir fermer les yeux (G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, p. 220).
PARAD. a) (Quasi-)synon. s'accorder, s'harmoniser, sympathiser. b) (Quasi-)anton. se heurter, s'opposer.
Prononc. et Orth. :[], (je) comprends []. Enq. :// (il) comprend. Ds Ac. 1694-1932. Cf. prendre. Étymol. et Hist. 1. Ca 1120 « saisir, prendre » (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, 58, 13 : e seient cumpris en la lur superbe [et comprehendantur in superbia sua]) — 1604 ds GDF.; 2. fin XIIe-début XIIIe s. « concevoir, saisir par l'intelligence » (S. GREGOIRE, Sermo de Sapientia, éd. Foerster, 286, 3), rare av. le XVe s. (ca 1450 Mistère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, t. 1, p. 210); 3. fin XIIe s. « inclure, contenir en soi, englober » (CLEMENCE BARKING, Vie Ste Catherine, 1164 ds T.-L.). Empr. au lat. class. compre(he)ndere (composé de cum « avec » et prehendere « prendre, saisir ») littéralement « saisir ensemble, embrasser quelque chose, entourer quelque chose » d'où « saisir par l'intelligence, embrasser par la pensée ». Fréq. abs. littér. :29 948. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 25 445, b) 40 041; XXe s. : a) 48 196, b) 55 191.
DÉR. Compreneur, subst., rare. Personne qui comprend, qui est capable de comprendre. Mon livret politique (...) n'aura ni ne doit avoir de lecteurs et de compreneurs à présent (LAMARTINE, Correspondance, 1831, p. 216). — 1res attest. 1495 « celui qui comprend » (Miroir hist., Maz. 557, f° 22a ds GDF.), attest. isolée; à nouv. 1831 (LAMARTINE, loc. cit.); du rad. de comprendre, suff. -eur2. — Fréq. abs. littér. : 1.
BBG. — DARM. Vie 1932, p. 53, 136.
comprendre [kɔ̃pʀɑ̃dʀ] v. tr. [CONJUG. prendre.]
ÉTYM. V. 1120; du lat. pop. comprendere, du lat. class. comprehendere, proprt « saisir » (→ Compréhension); les deux sens du mot existent dès Cicéron.
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I Embrasser dans un ensemble.
1 (Sujet n. de chose). Contenir en soi en tant qu'élément constitutif. ⇒ Comporter, compter, englober; embrasser, impliquer, inclure, renfermer. || La péninsule Ibérique comprend l'Espagne et le Portugal. || Le concours comprendra trois épreuves. || Le programme comprend une loterie.
1 — Roseau pensant… par l'espace, l'univers me comprend (sens I) et m'engloutit comme un point; par la pensée, je le comprends (sens II).
Pascal, Pensées, VI, 348.
2 La vente ou cession d'une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque.
Code civil, art. 1692.
3 L'étage comprenait quatre pièces en enfilade, desservies par un couloir obscur.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 50.
4 Avec l'Empire (ou plutôt le Commonwealth, comme on l'appelle désormais de préférence) le territoire relevant de l'influence britannique dans le monde comprend plus du quart de l'ensemble mondial.
André Siegfried, l'Âme des peuples, IV, p. 79.
2 (Sujet n. de personne). Faire entrer dans un tout, une catégorie. ⇒ Compter; compte (faire entrer en ligne de compte), englober, inclure, incorporer, intégrer. || Comprendre le voyage dans les frais généraux. || Je le comprends dans mon équipe. || Le recensement a été fait sans comprendre les étrangers, étrangers non compris (→ ci-dessous, compris). || Comprendre dans un tout des éléments hétéroclites. ⇒ Mélanger, mêler.
5 Qu'ils ne soient point compris en l'exil de leur mère (…)
Corneille, Médée, I, 3.
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II (V. 1200, rare avant le XVe; sujet n. de personne). Appréhender par la connaissance; être capable de faire correspondre à (qqch.) une idée claire. || Chose facile, difficile à comprendre. ⇒ Compréhensible. || Chercher à comprendre qqch. || Éclair d'intelligence, trait de lumière, idée lumineuse qui font comprendre subitement quelque chose.
♦ Absolt. || Il comprend, il ne comprend pas. — Tout comprendre. || Ne rien comprendre. ☑ Il ne comprend rien à rien (cf. fam. N'y voir que du feu, n'y entraver, n'y piger que couic, que dalle).
1 Donner à (qqch.) un sens clair. ⇒ Déchiffrer, interpréter, piger (fam.), saisir, traduire. || Comprendre l'énoncé d'un problème. || Comprendre un discours, une explication (⇒ Suivre), une allusion (⇒ Entendre). || Comprendre qqch. à… : comprendre un peu, en partie. || Il n'y comprend rien; il ne comprend pas un mot à ce texte. — Comprendre qqch. à demi-mot. ⇒ Mot. || Faire comprendre qqch. à qqn, par qqn. ⇒ Apprendre, montrer; démontrer, prouver. — Comprendre un mot, connaître son sens. || Comprendre un mot de telle façon, l'interpréter. || Comprendre une langue étrangère. ⇒ aussi Lire.
♦ (Compl. n. de personne). || Comprendre qqn, ce qu'il dit, écrit. || Il prononce mal, on le comprend à peine. || Se faire comprendre : être clair. — Comprendre un code, un schéma, une carte : savoir lire, déchiffrer. — Absolt. (→ ci-dessous, cit. 6, 11 et 12). — ☑ Iron. Il comprend vite, mais il faut lui expliquer longtemps ! : il met longtemps à comprendre.
6 (…) cette lenteur à comprendre (…) est la marque d'un bon jugement…
Molière, le Malade imaginaire, II, 4.
7 (…) je ne puis rien comprendre à ce baragouin.
Molière, les Précieuses ridicules, 4.
8 Le grimoire d'un sorcier semble facile à comprendre en comparaison de plusieurs articles de nos codes et de nos coutumiers.
France, les Opinions de J. Coignard, Œ., t. VIII, XXI, p. 504.
9 S'il continuait à s'instruire, dévorant tout, le manque de méthode rendait l'assimilation très lente, une telle confusion se produisait, qu'il finissait par savoir des choses qu'il n'avait pas comprises.
Zola, Germinal, t. II, p. 21.
10 (…) il (Yves) apprenait à comprendre les cartes marines (…)
Loti, Mon frère Yves, XCIII, p. 226.
11 Qui se hâte a compris; il ne faut point s'appesantir : on trouverait que les plus clairs discours sont tissus de termes obscurs.
Valéry, Monsieur Teste, p. 89.
12 Ce n'est pas du tout qu'elle soit incapable de comprendre; mais elle veut trop vite avoir compris.
Gide, Journal, 14 janv. 1912.
13 Sammécaud fit semblant de comprendre les plaisanteries des sketches.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXVI, p. 263.
♦ Passif. || Être compris.
14 (…) pour être compris, et aussi pour éviter toute fatigue inutile à l'interlocuteur, il faut se donner la peine de parler distinctement.
A. Dauzat, le Génie de la langue franç., p. 12.
2 Se faire une idée claire des motifs, des causes de (qqch.). ⇒ Apercevoir, pénétrer, saisir, sentir, voir. || Comprendre la rancune d'une personne; comprendre une attitude. ⇒ Admettre, approuver. || Il comprendra votre attitude s'il est vraiment compréhensif. || Comprendre les causes, les motifs, les raisons… || Faire comprendre à l'aide d'arguments, d'exemples. ⇒ Démontrer, prouver. || Comprendre, savoir de quoi il retourne. || Comprendre pourquoi, comment, de quelle manière… — Comprendre que… (suivi du subjonctif). || Je ne comprends pas qu'il puisse s'ennuyer. || Je comprends qu'il soit mécontent. ⇒ Concevoir.
15 Ô toi qui sais aimer, réponds, amant d'Elvire,
Comprends-tu que l'on parte et qu'on se dise adieu ?
A. de Musset, Lettre à Lamartine.
16 (…) il me paraît impossible de comprendre les actes des hommes sans se représenter leurs motifs.
Ch. Seignobos, Hist. sincère de la nation franç., Introd., p. 9.
17 (…) certaines phrases de la sonate (…) apparaissaient comme tellement banales qu'on ne pouvait pas comprendre comment elles avaient pu exciter tant d'admiration.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XII, p. 76.
18 Du désespoir de ce lévite, à peine sorti d'une adolescence attardée, elle n'avait jamais très bien compris les raisons secrètes.
F. Mauriac, le Sagouin, I, p. 29.
19 On comprend que des affinités électives aient uni Proust à Ruskin.
A. Maurois, À la recherche de Marcel Proust, IV, 2, p. 108.
20 Son renoncement, cet écrasement du cœur que j'ai eu sous les yeux, son désespoir dont j'ai souffert, ma pitié, ma révolte… tout cela je le comprends mieux aujourd'hui.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, Pauline, p. 230.
♦ (Compl. n. de personne). || Comprendre qqn. || Je le comprends : je comprends son attitude, ses réactions, etc. — Absolt. || Il tâche de comprendre afin de pardonner (cit. 10).
♦ Faire comprendre qqch. à, par qqn. || Ce qui fait comprendre une chose obscure, difficile : explication, éclaircissement. ⇒ aussi Clef (du mystère…), fil, mot (de l'énigme).
3 Se rendre compte de (qqch.). ⇒ Apercevoir (s'), sentir, voir. || Comprendre la portée d'un acte; je comprends quelles difficultés il a pu rencontrer. || Comprendre pourquoi, comment… (suivi de l'indicatif). || Comprendre que… (suivi de l'indicatif). || Je compris qu'il s'ennuyait en ma présence.
21 Mais quand vous avez fait ce charmant « quoi qu'on die »,
Avez-vous compris, vous, toute son énergie ?
Molière, les Femmes savantes, III, 2.
22 S'il se vante, je l'abaisse; s'il s'abaisse, je le vante et le contredis toujours, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompréhensible.
Pascal, Pensées, VI, 420.
23 J'ai mis, à comprendre que mon âpreté était un mensonge, autant de temps qu'à devenir vieille.
Colette, l'Étoile Vesper, p. 92.
24 Il commençait à comprendre (…) qu'il ne s'agit pas de se mesurer, mais de s'assassiner.
Malraux, l'Espoir, p. 47 (→ Approcher, cit. 35).
25 (…) j'eus le sentiment que le visage de ma mère avait changé (…) il me fallait bien distinguer quelque chose de nouveau, de très triste et de très angoissant (…)
Je compris tout cela soudain.
Duhamel, les Pasquier, Le jardin des bêtes sauvages, p. 36.
♦ Absolt. || Ah ! je comprends !; enfin j'ai compris ! ⇒ Être (j'y suis). || Tu comprends ? (→ Tu vois ?).
4 (Sens fort). Avoir une connaissance intuitive, une compréhension de (qqch. ou qqn). ⇒ Connaître, savoir, sentir. || Comprendre la nature, l'art. || Comprendre la plaisanterie, l'admettre sans se vexer. || Comprendre le caractère de qqn. — (Compl. n. de personne). || Je ne comprends pas votre ami. || Personne ne me comprend. ⇒ Incompris. || Se comprendre (récipr.). ⇒ Accorder (s'), entendre (s'). || Ils ne se sont jamais compris. — Se comprendre soi-même.
26 Critiques et louanges m'abîment et me louent sans comprendre un mot de mon talent.
Th. Gautier, cité par Ed. et J. de Goncourt, Journal, t. I, p. 182.
27 Il est clair qu'en ce moment on découvre la nature; les écailles tombent des yeux; on vient de comprendre, presque tout d'un coup, tout le dehors sensible, ses proportions, sa structure, sa couleur.
Taine, Philosophie de l'art, t. II, III, I, p. 18.
28 Jusque-là les hommes n'avaient compris l'autorité que comme un appendice du sacerdoce.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, IV, VIII, p. 348.
29 Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue (…)
Et qui n'est chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Verlaine, Poèmes saturniens, VI, « Mon rêve familier ».
30 L'infini est notre premier sens intellectuel; nous ne comprenons quelque chose que parce que nous comprenons Dieu (…)
Émile Faguet, Études littéraires, XVIIe s., p. 84.
31 Les expériences scientifiques sont faites d'après une idée préconçue qu'il s'agit de vérifier ou de contrôler afin de comprendre le phénomène et de saisir (… la circonstance) qui constitue réellement son déterminisme (du phénomène).
Cl. Bernard, Principes de médecine expérimentale, p. 37.
32 Ce qui permet la suffisance de certains insuffisants auteurs d'aujourd'hui, c'est leur incapacité de comprendre ce qui les dépasse, de jauger à leur juste valeur les grands écrivains du passé.
Gide, Pages de journal, p. 27.
33 C'est sous cet angle qu'il faut envisager les États-Unis d'aujourd'hui si l'on se soucie de les comprendre.
André Siegfried, l'Âme des peuples, VII, III, p. 171.
33.1 (…) elle disait qu'elle « n'était pas comprise » : c'est ce que disent toutes les femmes en qui il n'y a rien à comprendre.
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 74.
34 Je ne dédaigne pas les autres. Bien loin de les dédaigner, je souhaiterais mieux les comprendre, car comprendre c'est déjà aimer.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, III, p. 78.
35 Comprendre le monde pour un homme, c'est le réduire à l'humain, le marquer de son sceau.
Camus, le Mythe de Sisyphe, p. 32.
♦ Allus. historique :
35.1 À partir du « je vous ai compris ! », lancé aux Algériens, il ne fut pas toujours aisé de le suivre (de Gaulle) dans tous ses cheminements.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 296.
♦ Comprendre qqch. de telle ou telle manière. || Comment comprenez-vous cette notion ? || Comprendre la société comme un rapport de forces (→ ci-dessus, cit. 28).
——————
se comprendre v. pron.
♦ (Récipr.; au sens 4). || Ils n'arrivent pas à se comprendre. || Ils sont fait pour se comprendre (→ Bagarre, cit. 3).
——————
compris, ise p. p. adj.
1 Contenu dans qqch. || Je vous cède mes terres, la ferme comprise (ou la ferme y comprise). || Il s'est fâché avec toute sa famille, y compris sa sœur. — REM. Y est facultatif lorsque compris suit le nom; il est obligatoire lorsque compris précède le nom; dans ce cas, compris est invariable. || Cela fait 500 francs, pourboire non compris. || Tout compris. ⇒ Net. || Ma voiture me coûte tant par mois, tout compris. || Compris entre : dans l'intervalle (→ Assimilable, cit. 1). ⇒ Situé. || L'espace compris entre le bassin et la grille du jardin. || Jours compris entre deux dates. — Géom. || Angle compris entre deux côtés égaux.
36 (…) je trouve que la portion du cercle comprise entre les deux côtés de l'angle est la sixième partie du cercle.
Rousseau, Émile, II.
37 (…) je connus tout, y compris une douleur inattendue (…)
E. Fromentin, Dominique, VII, p. 117.
38 Les statues des empereurs divinisés avaient constitué des lieux d'asile dans l'État païen; la même faveur fut reconnue aux temples chrétiens, leurs dépendances y comprises.
A. Esmein, Cours élémentaire d'hist. du droit franç., p. 149.
39 La religion totale — foi comprise — a toujours été pour moi toxique; dès l'enfance (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, VII, p. 57.
39.1 Cette ignorance ne l'empêcha pas de venir à bout de tout le repas, jusques et y compris la peau du saucisson et la croûte du gruyère.
R. Queneau, le Dimanche de la vie, p. 85.
2 Dont le sens, les raisons, les idées sont saisis. ⇒ Assimilé, enregistré, interprété, saisi. || Une leçon comprise. || Un texte mal compris, et, par ext., un auteur mal compris. — Ellipt. || Compris ? ⇒ Vu (fam.).
40 Si je siffle, tout le monde se rabat sur Barca. Compris ? — Compris.
Malraux, l'Espoir, p. 471.
40.1 Cent cinquante garçons bourdonnent dans la vaste salle à manger. J'ai tout de suite été avisé par le Père « qu'il n'y avait pas de micro ». Compris. Me voilà délivré de la petite angoisse que c'eût été de parler « d'abondance du cœur » à cette jeunesse dont je ne sais rien.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 22.
♦ (En parlant d'un signe, d'un mot, d'une langue, d'un style). Dont le signifié est connu. || « Cuider » n'est plus compris de nos jours. || L'anglais est la langue la plus largement comprise en Asie du Sud-Est. || Ce geste n'est pas compris de la même façon en Europe et en Chine.
41 Parle droit ! Parle sans fard et sans apprêt ! Parle pour être compris ! Compris, non pas d'un groupe de délicats, mais par les milliers, par les plus simples, par les plus humbles !
R. Rolland, Jean-Christophe, Introduction, XVII.
♦ Bien compris ?, formule employée dans les communications militaires, après un message, pour s'assurer de sa réception.
41.2 Dans les automitrailleuses, après les embuscades, nous entendions : « Allô Panthère, ou Primevère, ou Dieu sait quoi ! vous entendez ? Le capitaine est mort. Bien compris ? » Pas de réponse (…) Puis, nous entendions un grincement de scie, d'où sortait : « Bien compris. Ici, Panthère » et ainsi de suite.
Malraux, Antimémoires, Folio, p. 440.
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CONTR. Excepter, exclure, omettre. — Échapper, ignorer, méconnaître.
DÉR. Comprenette, comprenoire.
COMP. Incompris.
Encyclopédie Universelle. 2012.