Akademik

gagner

gagner [ gaɲe ] v. tr. <conjug. : 1>
gaaignier 1160; frq. °waidanjan « se procurer de la nourriture, du butin »; d'où « paître, brouter », vénerie
IS'assurer (un profit matériel).
1(Par un travail, par une activité). Gagner de l'argent. On a autant de peine « à se passer d'argent qu'à en gagner » (Renard). Gagner tant par mois, de l'heure. 1. toucher. Gagner gros : faire de gros bénéfices. Il a gagné tant sur la vente. encaisser. Gagner son pain à la sueur de son front. Gagner de quoi vivre. Gagner sa vie, (fam.) sa croûte, son bifteck. travailler. Il « ne fit pas fortune, mais il gagna sa vie, et largement » (A. Daudet). Gagner des mille et des cents. Pop. Il gagne bien. Tenez, voilà mille francs, vous les avez bien gagnés, mérités. — Manque à gagner. Par antiphr. J'ai gagné ma journée, se dit quand on perd le bénéfice de sa journée, de ses efforts par une action, un fait malheureux.
2(Par le jeu, par un hasard favorable). empocher, encaisser, rafler, ramasser. Gagner le gros lot. Gagner le tiercé. 1. toucher. Gagner au loto. Se retirer du jeu après avoir gagné (cf. Faire charlemagne). Gagner sur tous les tableaux. À tous les coups l'on gagne ! Par ext. Le numéro tant gagne un lot de vingt mille francs. La carte qui gagne, qui fait la levée. ⇒ gagnant.
II
1Acquérir, obtenir (un avantage). Il y a gagné une certaine notoriété, beaucoup d'assurance. Gagner ses galons. acquérir, conquérir, moissonner, recueillir. Vous avez bien gagné vos vacances. mériter. C'est toujours ça de gagné. P. p. adj. Repos bien gagné. Gagner deux kilos, dix centimètres. prendre. Gagner du temps : obtenir l'avantage de disposer d'un temps plus long, en différant une échéance ( 2. différer, retarder, temporiser) . Faire une économie de temps. Prenez ce raccourci, vous gagnerez un bon quart d'heure. économiser. Gagner de la place. (Avec un compl. indéterminé) Ne vous embarquez pas dans cette affaire, vous n'y gagnerez rien, rien de bon. retirer, tirer. Avoir tout à gagner et rien à perdre. « On hasarde de perdre en voulant trop gagner » (La Fontaine).
Absolt Gagner au change. bénéficier.
♢ GAGNER EN, sous le rapport de. « la passion y gagne en profondeur ce qu'elle paraît perdre en vivacité » (Balzac). Absolt Il a gagné en aisance : il a fait des progrès sous le rapport de l'aisance. Son style a gagné en force, en précision. s'améliorer, progresser.
♢ GAGNER SUR qqch.,en obtenir davantage. En jouant sur l'épaisseur, on peut gagner sur la quantité.
Intrans. GAGNER À (et inf.) :retirer un avantage, avoir une meilleure position. C'est un homme qui gagne, qui ne gagne pas à être connu. Ce vin gagnerait à vieillir. Achetez le lot, vous y gagnerez. — GAGNER DE (et inf.) :obtenir l'avantage de, arriver à ce résultat que. Vous y gagnerez d'être enfin tranquille.
2Iron. attraper, 1. contracter, prendre. Je n'y ai gagné que des ennuis. récolter, retirer.
3Obtenir (les dispositions favorables d'autrui). s'attirer, capter, conquérir. Gagner la faveur, l'amitié, l'estime de qqn. plaire. « je ne sais quoi qui gagne le cœur » (Chateaubriand). séduire, subjuguer.
Littér. Se rendre favorable (qqn). amadouer, s'attacher, se concilier, séduire. « Pour gagner un homme, la première chose à savoir est : “Qu'aime-t-il ?” » (Sainte-Beuve). Se laisser gagner par les prières de qqn. convaincre, persuader. Gagner de nouveaux partisans, des fidèles. convertir, rallier.
III(Dans une compétition, une rivalité).
1Obtenir, remporter (l'enjeu). Gagner le prix. Gagner la coupe. enlever.
2Être vainqueur dans (la compétition). Gagner la bataille, la guerre. Gagner les élections. Gagner un combat. Gagner un procès. Gagner un pari, la partie. P. p. adj. Avoir cause gagnée. Absolt Gagner haut la main. Vous avez gagné, félicitations. réussir . Jouer à qui perd gagne.
Gagner une épreuve, une course. Absolt emporter (l'emporter). Boxeur qui gagne aux points, par K.-O. On a gagné !
3L'emporter sur (l'adversaire). battre, vaincre; fam. 1. avoir. Il m'a gagné à la course. Fam. gratter. « Jean-Jacques Rousseau, qui me gagnait toujours aux échecs » (Diderot). Gagner qqn de vitesse, arriver avant lui en allant plus vite. ⇒ dépasser, devancer. Fig. prévenir. Gagner de vitesse un concurrent (cf. Prendre de vitesse).
4 ♦ GAGNER DU TERRAIN sur qqn,s'en rapprocher (si on le poursuit), s'en éloigner (si on est poursuivi). L'ennemi a gagné du terrain. avancer, progresser. Fig. L'incendie gagne du terrain. s'étendre. Idées qui gagnent du terrain.
5Intrans. S'étendre au détriment de qqn, qqch. empiéter. L'incendie gagne. se propager.
IVAtteindre (une position) en parcourant la distance qui en sépare.
1Atteindre en se déplaçant. Le navire a gagné le large, le port ( aborder, 1. toucher) . Gagner la porte, la sortie.
2Atteindre en s'étendant. progresser, se propager, se répandre. L'inondation gagne les bas quartiers. La grève gagne tous les secteurs. atteindre, 1. toucher. Le cancer a gagné le foie.
Fig. en parlant d'une contagion d'ordre moral se communiquer. « sa surprise me gagnait » (France). Être gagné par le doute.
3Agir sur (qqn) par une impression. Le froid, le sommeil, la faim, la fatigue commençaient à le gagner. s'emparer (de), envahir. « Idriss percevait l'angoisse et l'impatience qui gagnaient son compagnon » (Tournier).
⊗ CONTR. Perdre. Échouer, reculer. — Abandonner, éloigner (s'), quitter.

gagner verbe transitif (francique waidanjan, faire du butin) Toucher, percevoir de l'argent pour une opération : Gagner 100 euros sur la vente d'un meuble. Percevoir de l'argent comme rémunération d'un travail : Gagner un salaire convenable. Économiser quelque chose (quantité, temps, espace, etc.), ne pas le dépenser : Passez par l'autoroute, vous gagnerez bien une heure. Obtenir un lot, un prix comme récompense à l'issue d'une compétition, d'un jeu : Gagner le 1er prix d'un concours littéraire. Remporter la victoire dans un jeu, une compétition, une lutte : Gagner les élections. Gagner la guerre. Retirer un avantage (ou ironiquement un inconvénient) de quelque chose : Il y a tout à gagner de cette réforme. Augmenter en quantité, en valeur, croître : Indice qui a gagné 5 points. Rendre quelqu'un favorable à quelque chose, l'y rallier : Gagner de nouveaux partisans. Se concilier la sympathie de quelqu'un : Gagner l'estime de ses adversaires. En parlant d'une sensation, d'un sentiment, envahir quelqu'un, s'emparer de lui : Je sentais l'angoisse me gagner. S'étendre, se propager jusqu'à tel endroit, tel secteur : Le feu a gagné la maison voisine. Atteindre un lieu en se déplaçant : Gagner un refuge.gagner (citations) verbe transitif (francique waidanjan, faire du butin) Édouard Bourdet Saint-Germain-en-Laye 1887-Paris 1945 Il faut choisir dans la vie entre gagner de l'argent et le dépenser : on n'a pas le temps de faire les deux. Les Temps difficiles Stockgagner (difficultés) verbe transitif (francique waidanjan, faire du butin) Emploi On dit : gagner une bataille, un combat, un concours, un procès, mais : remporter une victoire, un succès. ● gagner (expressions) verbe transitif (francique waidanjan, faire du butin) Familier et ironique. Avoir gagné sa journée, sa matinée, avoir eu un ennui tel qu'il fait perdre le bénéfice de toute une journée, de toute une matinée. Avoir bien gagné quelque chose, le mériter : Vous avez bien gagné quelques jours de repos. Gagner un ami, se faire un nouvel ami. Gagner le large, voguer vers la haute mer, ou, familièrement, décamper. Gagner un navire, se rapprocher de lui quand on le poursuit. Gagner du temps, atermoyer, différer quelque chose parce qu'on n'est pas prêt à réagir. Gagner sa vie, son pain, son bifteck (familier), sa croûte (populaire), gagner de quoi assurer sa subsistance. ● gagner (synonymes) verbe transitif (francique waidanjan, faire du butin) Toucher, percevoir de l'argent pour une opération
Synonymes :
- ramasser (familier)
Contraires :
Économiser quelque chose (quantité, temps, espace, etc.), ne pas le dépenser
Synonymes :
Obtenir un lot, un prix comme récompense à l'issue d'une...
Synonymes :
- décrocher (familier)
Remporter la victoire dans un jeu, une compétition, une lutte
Contraires :
Rendre quelqu'un favorable à quelque chose, l'y rallier
Synonymes :
- conquérir
- séduire
Contraires :
- détourner
- écarter
- éloigner
Se concilier la sympathie de quelqu'un
Synonymes :
Contraires :
- s'aliéner
En parlant d'une sensation, d'un sentiment, envahir quelqu'un, s'emparer de...
Synonymes :
- se répandre
- s'emparer de
Contraires :
- déserter
- s'éloigner
S'étendre, se propager jusqu'à tel endroit, tel secteur
Synonymes :
- s'étendre
Contraires :
- éviter
Atteindre un lieu en se déplaçant
Synonymes :
- accéder
Contraires :
- partir de
Avoir bien gagné quelque chose
Synonymes :
- mériter
gagner verbe intransitif Être le vainqueur, remporter la victoire : Gagner à la loterie. L'emporter sur quelqu'un d'autre et, en particulier, remporter la décision dans une discussion : Eh bien ! tu as gagné, nous ferons comme tu as dit. Tirer un avantage de quelque chose : Ce garçon gagne à être connu. Vin qui gagne à vieillir. Recouvrir peu à peu une partie d'une étendue, en parlant de quelque chose, de quelqu'un : La mer gagne chaque année sur la côte.gagner (citations) verbe intransitif Rémi Belleau Nogent-le-Rotrou 1528-Paris 1577 Qui veut gagner, il faut dépendre. La Reconnue, comédie, IV, 2 dépenser François de Salignac de La Mothe-Fénelon château de Fénelon, Périgord, 1651-Cambrai 1715 Le vrai moyen de gagner beaucoup est de ne vouloir jamais trop gagner et de savoir perdre à propos. Les Aventures de Télémaque François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Tricher au jeu sans gagner est d'un sot. Satires, Éloge de l'hypocrisie gagner (expressions) verbe intransitif Gagner en, acquérir plus de telle qualité : Gagner en sagesse. Jouer à qui perd gagne, convenir que celui qui aura perdu selon les règles ordinaires du jeu aura, au contraire, gagné. ● gagner (synonymes) verbe intransitif L'emporter sur quelqu'un d'autre et, en particulier, remporter la décision...
Synonymes :
Contraires :
Tirer un avantage de quelque chose
Synonymes :
- mériter

gagner
v.
aA./a v. tr.
rI./r Gagner qqch.
d1./d Acquérir par son travail ou ses activités (un bien matériel, un avantage quelconque). Gagner de l'argent. Gagner sa vie, son pain. Gagner le gros lot à la loterie. Candidat qui cherche à gagner des voix.
Gagner l'amitié, la confiance de qqn.
Iron. Il n'y a que des ennuis à gagner dans cette affaire.
|| Bien gagner: mériter d'obtenir. J'ai bien gagné un peu de repos.
Iron. Il l'a bien gagné: il n'a que ce qu'il mérite (déconvenue).
d2./d Voir se terminer à son avantage (une compétition, un conflit, une lutte). Gagner une partie de cartes, un procès, la guerre.
d3./d Se diriger vers, rejoindre (un lieu). Gagner la frontière.
|| Gagner du terrain: prendre de l'avance ou diminuer son retard, dans une poursuite; fig. progresser.
d4./d Gagner du temps: passer moins de temps à accomplir telle ou telle tâche, économiser du temps. Procédé de montage qui permet de gagner du temps.
Atermoyer, temporiser, différer l'accomplissement de qqch. En ne répondant pas immédiatement, je gagne du temps.
d5./d Occuper progressivement; se propager dans, s'étendre à. L'incendie avait gagné la maison voisine.
Par anal. Le sommeil commençait à me gagner.
rII./r Gagner qqn.
d1./d Se rendre favorable, séduire. Il avait gagné son geôlier.
|| Gagner qqn à..., le rendre favorable à... Gagner qqn à une idée, à sa cause.
d2./d Gagner qqn de vitesse, le devancer.
d3./d (Afr. subsah.) Vaincre (au jeu, etc.). Ils nous ont gagnés!
aB./a v. intr.
rI./r
d1./d Gagner à être (+ adj.): apparaître sous un jour plus favorable en étant... Il gagne à être connu.
d2./d Gagner en: s'améliorer du point de vue de. Gagner en sagesse.
rII./r MAR Gagner au vent: remonter dans le vent, avancer contre le vent. (V. louvoyer.)

⇒GAGNER, verbe
I. — Acquérir (quelque chose).
A. — [Le suj. désigne une pers.] Acquérir (un profit matériel, particulièrement de l'argent).
1. [Par son travail ou une quelconque activité]
a) Emploi trans. Gagner de l'argent, une fortune, un salaire; gagner x... francs par an à la Bourse; gagner tant par mois, par jour, par (de l') heure. Mon père gagne deux cent mille francs par an dans les soieries (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p. 162) :
1. ... je suis si dégoûté de tout cela, que je ne veux plus imprimer, quelque besoin que j'aie d'argent. Ce que je peux gagner avec ma plume étant une dérision...
FLAUB., Corresp., 1872, p. 39.
P. ell. Gagner à la Bourse. Nous ne savons pas mettre de côté le pain de notre vieillesse, gagner à la Bourse et remplir des tirelires (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 170).
Locutions
Gagner des mille et des cents. Gagner beaucoup d'argent. Peste! maître Léon est généreux! On voit bien que le gaillard gagne des mille et des cents (AUGIER, Lionnes, 1858, p. 53).
Gagner de quoi vivre. On lui offrait des places de débutant et où il pouvait gagner de quoi vivre (COCTEAU, Par. terr., 1938, 1, 2, p. 198).
[P. méton. de l'objet]
Gagner son pain; fam. gagner sa croûte, son bifteck; gagner sa vie (honorablement, largement); gagner sa vie à faire (en faisant) qqc. Quand j'avais passé cinq minutes avec une glaneuse, comme je ne me gênais pas pour prendre à deux mains dans nos gerbes, elle avait gagné sa journée (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 31). Elle gagnait bien sa vie et n'était pas à la charge de son amant (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 68) :
2. Nous sommes pauvres, je suis une fille sans dot, et il faudra que je gagne mon pain. Gouvernante ou sous-maîtresse, voilà mon lot...
THEURIET, Mar. Gérard, 1875, p. 51.
Bien gagner une chose. Mériter ce qu'elle rapporte. Bien gagner son déplacement, sa soirée. Le roi (...) remet l'écrit à un officier, en lui disant : « Que le chevalier soit libre (...) ». Et je suis sorti en me disant : « Antoine, (...) je crois que tu as bien gagné ta journée » (DUMAS père, L. Bernard, 1843, V, 11, p. 292).
[Bien est sous-entendu] Il me semble que je ne gagne pas mon traitement... Il me semble que je prends des vacances (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 63).
b) Emploi abs. Une petite somme n'auroit rien gâté; cela m'auroit donné les moyens d'augmenter mon commerce, dans lequel il y a à gagner (FIÉVÉE, Dot Suzette, 1798, p. 67).
Un manque à gagner.
Gagner + adv. Gagner bien, gros; gagner davantage (plus, moins) que. Il grondait bien contre les patrons, les traitait de sale clique, se disant socialiste (...) et pourtant, il avait de l'estime pour Darras, qui gagnait gros (ZOLA, Vérité, 1902, p. 65).
c) Emploi pronom. à valeur passive :
3. Cette bâfrerie continuelle ne lui paraît pas très éloignée de ce qu'il détestait le plus chez les bourgeois d'avant-guerre. Et même, comme il est juste, il lui arrive de penser qu'elle est un peu plus répugnante par la coïncidence qu'elle offre avec certains événements, et par la façon dont se gagne l'argent qui la procure.
ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 246.
2. [Par le jeu, un hasard favorable]
a) Emploi trans. Gagner de l'argent à un jeu, aux courses, à la roulette; gagner un lot (le gros lot); gagner x... francs à la loterie. Il relevait sa manche pour lancer la boule (...). Il gagnait généralement les consommations au bar (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 212).
[P. méton, le suj. désigne l'instrument qui permet le gain] Le billet qui gagne le gros lot. Si la série gagne le gros lot, on se retrouvera ici, à midi, le lendemain du tirage! (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 51).
b) P. ell. Gagner à la roulette. Ce n'est pas plus étrange qu'une série à la roulette, que de gagner à la loterie (COCTEAU, Par. terr., 1938, I, 8, p. 218).
B. — Acquérir (un avantage en général).
1. [La nature de l'avantage est exprimée par le compl.]
a) Acquérir (un avantage en quantité).
) Emploi trans. [Le suj. désigne une pers.] Gagner de l'appétit; enfant qui gagne x... centimètres; gagner des voix aux élections. Il lui attribuait aussi le mérite des deux kilos qu'il avait gagnés depuis le mariage de son fils (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 173). En Afrique du Nord la France combattante et, par elle, la France tout court ont, depuis, gagné des points (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 103) :
4. Pendant toute la période électorale, il [Disraëli] écrivit chaque jour à Lady Bradford. Bientôt, il put lui annoncer que son parti avait gagné dix sièges, puis vingt, puis quarante, puis que la déroute de Gladstone était complète.
MAUROIS, Disraëli, 1927, p. 260.
Gagner de la place, de l'espace. Faire une économie de place, d'espace. Sur les autres feuilles, on avait disposé le texte en deux colonnes pour gagner de la place (SARTRE, Nausée, 1938, p. 185).
Gagner du temps :
Économiser du temps, réaliser quelque chose en moins de temps. J'aurais besoin d'une bicyclette... Ça me ferait gagner du temps... Je pourrais circuler même pendant les alertes... (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 186).
Temporiser, différer une échéance. Le temps presse, et pourtant il semble qu'on veuille gagner du temps en parlant de sujets absolument étrangers à celui qui nous préoccupe (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 354).
) Emploi trans. indir. [Le suj. désigne un animé ou un inanimé concr.]
Gagner de + subst. (vx). Nous vendrons notre ferme! elle a depuis sept ans gagné de valeur (BALZAC, Employés, 1837, p. 258).
Gagner en + subst. Peu à peu, l'effort de la végétation qui s'était porté sur la racine s'attache à la tige. Celle-ci monte, émet son bourgeon terminal pour gagner en hauteur, ses bourgeons axillaires pour gagner en largeur (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 16) :
5. Si je passe la nuit à corriger les épreuves, je ne puis travailler le matin, et ce que vous gagnez en rapidité du côté de l'impression, vous le perdez du côté du manuscrit.
HUGO, Corresp., 1862, p. 373.
b) Domaine des valeurs humaines
) Acquérir (un avantage non matériel).
Emploi trans. [Le suj. désigne une pers.] Gagner de la gloire, de belles manières, de la notoriété. Malgré l'assurance qu'il avait gagnée dans son existence parisienne (...) Duroy se sentait un peu intimidé (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 121). Nous y avons perdu quelques recettes, mais gagné notre tranquillité. Et la tranquillité ne se paye jamais assez cher (CAMUS, Malentendu, 1944, I, 5, p. 133).
Spéc. Acquérir (quelque chose) par son mérite.
Domaine social. Gagner ses galons sur le champ de bataille. Il est tout à fait inadmissible qu'un vaillant soldat... un officier intrépide qui a gagné tous ses grades sur les champs de bataille, s'amuse à lancer des pierres et de vieux chapeaux dans votre propriété, comme un gamin (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 214). Ce n'est pas avec quatre cents hommes qu'on fait la grande guerre, et par conséquent qu'on gagne un avancement mérité (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 137).
Domaine religieux. Gagner des indulgences, l'intercession de la Vierge, son salut. Les chrétiens d'Abyssinie voyaient dans la peste un moyen efficace, d'origine divine, de gagner l'éternité (CAMUS, Peste, 1947, p. 1297) :
6. ... il faut appeler grâce, mais vraie grâce et surnaturelle, tous les secours que Dieu donne à l'homme, chrétien ou non, pour l'aider à faire le bien, à gagner le ciel.
BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 434.
Emploi trans. indir.
Gagner de + inf. Gagner d'être tranquille, respecté. Il ne protesta pas contre cet oubli. Il allait y gagner de pouvoir confronter ce qu'elle lui dirait avec ce qu'elle lui avait déjà dit (A. DAUDET, Jack, t. 2, 1876, p. 168) :
7. ... ce n'est que pour les tièdes que les grands artistes perdent parfois à être vus de près; mais cette épreuve ne saurait les entamer aux yeux de celui qui est véritablement épris. Et ils y gagnent d'être mieux connus sans être moins aimés.
LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 195.
Gagner en + subst.
[Le suj. désigne une pers.] Personne qui gagne en aisance, en rigueur. Elle lui semblait s'être développée, avoir gagné en beauté et en force (ZOLA, Joie de vivre, 1884, p. 1051).
[Le suj. désigne un inanimé abstr.] Style qui gagne en concision. La littérature disent-ils [les critiques allemands], dans les siècles appelés classiques, perd en originalité ce qu'elle gagne en correction (STAËL, Allemagne, t. 3, 1810, p. 346) :
8. ... ce que je lisais de conforme à mes préoccupations se gravait dans ma mémoire et faisait gagner en précision les formes de mon univers.
GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 32.
) Obtenir (les dispositions favorables d'une personne ou d'un groupe de personnes). Synon. s'attirer, se concilier. Gagner l'amitié, l'estime, la sympathie de qqn; gagner les cœurs, les esprits. Il revient chez son père; et ne pouvant en être reconnu, il veut d'abord lui cacher son nom, pour gagner son affection avant de se dire son fils (STAËL, Allemagne, t. 3, 1810p. 156). Il était d'abord très nécessaire de gagner la confiance de Mama Doloré. Et pour cela, il fallait qu'il devînt l'ami et le protecteur de son neveu (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p. 71) :
9. Une minorité qui laissera aux autres partis la responsabilité des mesures impopulaires et qui gagnera la popularité en faisant de l'opposition à l'intérieur du gouvernement.
SARTRE, Mains sales, 1948, 5e tabl., 3, p. 205.
Emploi pronom. réfl. Un jeune homme plus souple, plus habile, plus préoccupé de se gagner la bonne opinion de son milieu social, aurait sans doute pu réagir, et montrer, ou suggérer, combien le portrait qu'on avait fait de lui était peu ressemblant (LARBAUD, Journal, 1935, p. 359).
P. ext. Se concilier (la personne elle-même). Gagner des fidèles, de nouveaux partisans. Mme de Luxembourg les gagne, les séduit tous, comme elle a fait avec Rousseau, met à l'aise un chacun (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 4, 1862, p. 18). Pour gagner son enfant, il crut politique de trahir verbalement Esther. Armand mesura cette lâcheté : le docteur, au premier coup de dés, avait perdu le cœur qui se jouait. Son fils le méprisa définitivement (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 243).
Gagner qqn à qqn. Barrès ignorait les mesquineries de la brigue, la haineuse compétition. Ce qui le gagnait à moi et aux miens, c'était sa grandeur d'âme (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 5).
Gagner qqn à qqc. Gagner qqn à sa cause, à ses idées. Avec quelle gentillesse elle arrive à ses fins, et quelles bonnes raisons trouve cette petite tête pour gagner à ses vues les autorités (AMIEL, Journal, 1866, p. 267) :
10. ... il y avait, sous ce projet, l'idée d'exploiter la grève, de gagner à l'Internationale les mineurs, qui, jusque-là, s'étaient montrés méfiants.
ZOLA, Germinal, 1885, p. 1329.
Gagner qqn par. Gagner qqn par la ruse, par de beaux discours; se laisser gagner par les prières de qqn. Le jeune enfant, gagné par les caresses de Vénus, et séduit par les promesses qu'elle lui fait, laisse son jeu (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 263). Elle espérait seulement les gagner par la douceur, la patience, comme on apprivoise un animal farouche et blessé (BERNANOS, Joie, 1929, p. 603).
Emploi pronom. réfl. indir. Ces groupes se gagnent des disciples que satisfont leurs petits décalogues au rabais (J.-R. BLOCH, Destin S., 1931, p. 243).
Péj. Obtenir par des moyens malhonnêtes la complicité de quelqu'un. Synon. circonvenir, suborner. Personne qui se laisse gagner par des promesses fallacieuses. Je gagnai l'homme qui me servait; je lui prodiguai l'or et les promesses (CONSTANT, Adolphe, 1816, p. 55).
c) Iron. Acquérir, éprouver (quelque chose de fâcheux). Synon. attraper. Vous passerez pour un sot, c'est tout ce que vous aurez gagné (ROB.). J'ai gagné à la bataille du 29 janvier, livrée entre l'autorité législative et la prérogative présidentielle, trois ans de prison (PROUDHON, Confess. révol., 1849, p. 288). L'hiver a été le plus rude qu'on ait vu depuis quarante ans. J'y ai gagné la sciatique (HUGO, Corresp., 1870, p. 240).
Ne gagner que + subst. Il n'y a que les femmes riches qui puissent faire l'orgie. Les petites joueuses de flûte n'y gagnent que des larmes (, Aphrodite, 1896, p. 191).
Emploi pronom. à valeur passive. Mais il paraît que ça se gagne [la maladie] et je ne veux plus que vous m'approchiez (VERLAINE, Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 145).
2. [L'avantage est indéterminé]
a) Obtenir (ce que l'on désire). L'avarice qui perd tout en voulant tout gagner (BLONDEL, Action, 1893, p. 280). Quelques minutes encore elle répandit des paroles ardentes et mouillées de larmes. Puis il fallut bien qu'elle s'en allât; elle n'avait rien gagné (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 383).
Locutions
Avoir tout à gagner. Pouvoir obtenir le plus grand avantage. Ma conclusion c'était que les Allemands pouvaient arriver ici, (...) et que moi, je n'avais cependant vraiment rien à perdre, rien, et tout à gagner (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 67).
Avoir tout à gagner à + subst. Ainsi des Lettres : si l'originalité n'y doit être que la révélation d'une personne, elle a tout à gagner à l'adoption de sujets, et d'idées admises (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 163).
Avoir tout à gagner à + inf. Des toiles de Fantin-Latour et de Dagnan-Bouveret, qui dataient de ce temps où les peintres avaient tout à gagner à adopter de doubles noms qui leur conféraient une noblesse roturière (NIZAN, Conspir., 1938, p. 17).
Gagner sur tous les tableaux.
b) Avoir avantage, intérêt à.
Gagner à + subst. compl. de cause
♦ [Le suj. désigne une pers. ou un groupe de pers.] La noblesse ne gagna pas à cette addition de nobles roturiers (MICHELET, Tabl. Fr., 1833, p. 71). Quoiqu'on ne doive rien gagner à la victoire, on supporte de mourir pour une cause qui sera victorieuse, non pour une cause qui sera vaincue (WEILL, Judaïsme, 1931, p. 26).
Locutions
Ne pouvoir que gagner à (qqc.). Dans le commencement les malheureux ont besoin de se presser les uns contre les autres, ils ne s'entr'aident que mieux, et la population ne peut qu'y gagner (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 262).
Gagner au change.
Gagner à + inf.
♦ [Le suj. désigne une pers. ou un groupe de pers.] Il était clair que je ne pouvais que beaucoup gagner à vivre dans un pareil milieu (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 54). Il gagne du tout au tout à être connu (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 231).
♦ [Le suj. désigne un inanimé concr. ou abstr.] Tableau qui gagne à être mis en valeur; livre qui gagne à être relu. L'âge semble ajouter aux charmes de son esprit et de son imagination. En serait-il des grands talens comme des bons vins, qui gagnent à vieillir? (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 130). La psychologie des profondeurs ne gagne rien à se complaire dans la nuit (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 51).
Gagner à ce que. On parle toujours comme si l'un gagnait à ce que les autres perdent (CONSTANT, Princ. pol., 1815, p. 44).
c) [Le suj. désigne une pers. ou ce qui lui appartient en propre] S'améliorer. Bien gagner. On trouvait et on se répétait avec sensibilité dans l'arrondissement qu'il avait l'air moins mélancolique qu'autrefois, que sa physionomie avait beaucoup gagné (FEUILLET, Camors, 1867, p. 194). C'est extraordinaire à quel point ses idées sont devenues saines et comme maintenant il frappe juste. Oh! il a beaucoup gagné (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 78).
II. — [Le suj. désigne une pers., un animal ou un moyen de transp.] Prendre l'avantage dans une compétition, une lutte, un jeu.
A. — [Le compl. désigne l'avantage obtenu] Gagner une coupe, une prime, un titre. [Il] gagna le premier prix, une cafetière en fer battu (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1266) :
11. Les deux joueurs tiennent chacun une baguette, de la grosseur d'une canne ordinaire, et de cinq pieds de long; ils cherchent à faire passer cette baguette dans le cercle pendant qu'il est en mouvement : s'ils y réussissent, ils gagnent deux points...
Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 273.
Gagner qqc. à qqn
Prendre sur lui l'avantage en quelque chose. Mercure joua aux échecs avec la Lune, et lui gagna la soixante-douzième partie du jour (HUGO, Han d'Isl., 1823, p. 519).
♦ Lui valoir un avantage. Les fameuses demi-brigades de la République sont celles qui nous ont gagné tant de bonnes provinces, que les régiments de l'Empire ont malheureusement perdues (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 102).
B. — [Le compl. désigne la compétition ou la lutte elle-même] Synon. de être vainqueur de.
1. Domaine de la compétition sportive ou des jeux
a) Emploi trans. Gagner un championnat, un concours, une épreuve, un match, un tournoi; équipe qui gagne la Coupe de France; boxeur qui gagne un combat; cheval qui gagne le Grand Prix; gagner la 1re manche, la belle, la revanche. Clotilde, ramassant les cartes : Je fais la dernière levée. — Aïescha : Hombre! Vous gagnez la partie (H.-R. LENORMAND, Simoun, 1921, 9e tabl., p. 85). Stern, jockey français, gagnait le derby d'Epsom avec Sunstar (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 87).
Gagner un pari. Je pariai avec moi-même qu'il devait être foncièrement méchant. Je fis prendre des renseignements, et mon instinct eut le plaisir de gagner ce pari psychologique (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 329).
Loc. (au propre et au fig.)
Avoir course, partie gagnée. Pouvoir être considéré comme vainqueur avant la fin d'une compétition.
Au fig. Gagner la partie. Sortir vainqueur d'une situation difficile :
12. ... les Alliés acceptaient l'idée de confier à l'Angleterre le mandat palestinien. La France était décidément écartée des Lieux-Saints. Les Anglais avaient gagné cette partie difficile. Les Juifs pouvaient s'imaginer qu'ils l'avaient gagnée, eux aussi.
THARAUD, An prochain, 1924, p. 117.
Gagner une partie à qqn. Gagner en jouant contre quelqu'un. — Du Halga, je perds toujours, disait le gentilhomme. — Vous écartez mal, répondait la baronne de Rouville. — Voilà trois mois que je n'ai pu vous gagner une seule partie, reprit-il (BALZAC, Bourse, 1832, p. 412).
b) Emploi abs. Gagner en trichant, en bluffant; gagner avec x... points d'avance. Et zut! Quest-ce que ça nous fiche! clama La Faloise en agitant les bras. C'est Spirit qui va gagner... Enfoncée la France! Bravo l'Angleterre! (ZOLA, Nana, 1880, p. 1398).
Loc. Jouer à qui perd gagne. ,,Jouer à un jeu où l'on convient que celui qui perdra selon les règles ordinaires gagnera la partie`` (Ac. 1932).
Au fig. :
13. Je me demande parfois si je ne joue pas à qui perd gagne et ne m'applique à piétiner mes espoirs d'autrefois pour que tout me soit rendu au centuple.
SARTRE, Mots, 1964, p. 212.
Fam. Gagner les doigts dans le nez.
Gagner de (+ indication de distance). Concurrent qui gagne d'une longueur, d'une tête.
Au fig. Ici, cette phrase : « Moi, oh! je ne vote pas ». Là, cette autre : « Mais on dit qu'il a gagné de vingt longueurs... » (GONCOURT, Journal, 1881, p. 125).
BOXE. Gagner aux points (après décompte des points attribués à chaque adversaire); gagner par knock-out, par arrêt de l'arbitre.
Au fig. Et, si j'entraîne mes frères avec moi, dans ce match où ni l'un ni l'autre n'avons pu gagner par knock-out, j'aurai tout de même gagné aux points (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 262).
2. Domaine judiciaire. Obtenir (un jugement favorable). Anton. perdre. Gagner une cause, un procès; avoir cause gagnée. Hier encore, vous avez plaidé pour Mademoiselle de Miremont, qui tient à la nouvelle noblesse, la noblesse de l'Empire, et vous avez gagné un procès contre une des plus anciennes familles de France! (SCRIBE, Camaraderie, 1837, I, 6, p. 254) :
14. M. Dudoux vint demander à Maître Henri Robert, en 1913, de lui enseigner l'éloquence. Il fut entendu que les cours seraient à forfait : le prix était de dix mille francs, que l'élève paierait s'il gagnait sa première cause.
PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 213.
Au fig. Il y a des moments où je me venge de l'amour, où il me révolte. Il y en a d'autres où l'amour me remue de fond en comble et gagne sa cause (COCTEAU, Par. terr., 1938, II, 12, p. 266).
Emploi pronom. à valeur passive. Tout procès peut se perdre ou se gagner, et il n'y a pas plus à parier pour que contre (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 26).
3. Domaine militaire. Gagner la/une bataille. En cette fin d'année de 1914, les Allemands, dont le plan reposait sur une mise hors de cause foudroyante des armées fançaises, venaient de perdre tout espoir de gagner la guerre (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 481).
Emploi pronom. à valeur passive. Un général charme les multitudes parce qu'elles pensent que les batailles se gagnent à coups de sabre (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 217).
Rem. Gagner des victoires (vieilli, rare). Cet ignorant splendide qui (...) se ruait sur l'Europe coalisée, et gagnait absurdement des victoires dans l'impossible? (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 418). Synon. usuel remporter une victoire.
Loc. fig. Avoir ville gagnée. Le Boussagnol en était donc à se frotter les mains de satisfaction, en jugeant qu'il avait ville gagnée (FABRE, Courbezon, 1862, p. 20).
P. anal. Foch, Poincaré, Clemenceau, Barrès ont gagné la guerre. Ils vont gagner la paix. Ils vont nous gagner l'Europe (THIBAUDET, Princes lorr., 1924, p. 197).
4. Au fig., vx. Gagner (qqc.) sur soi. Obtenir quelque chose en triomphant sur soi-même. J'avais gagné beaucoup sur mon propre caractère, (...) et je me figurais que tout le monde pouvait s'éclairer, se corriger (SAND, Corresp., 1871, p. 162).
C. — [Le compl. désigne l'adversaire sur lequel on prend l'avantage]
1. Gagner qqn à une partie de cartes, en longueur, au saut. Synon. de battre, vaincre. On lisait, sans plus d'indication de dates ni de lieux : Pour avoir gagné Protos aux échecs — I punta (GIDE, Caves, 1914, p. 717).
2. Gagner qqn ou qqc. de vitesse. Aller plus vite que quelqu'un ou quelque chose. Synon. dépasser, devancer. Ce nuage qui montait, il fallait le gagner de vitesse (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, II, 9, p. 213). V. amour-propre ex. 82.
Au fig. Gagner qqn de vitesse. Accomplir une démarche avant lui :
15. À Paris, le régime du bavardage a tous les moyens d'entraver et d'annihiler l'activité. Le cabinet dut se laisser gagner de vitesse. L'opposition antimilitaire se sentait aussi bien approvisionnée et armée que le gouvernement était démuni par l'égoïsme et la fatuité des individus.
MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. LXXV.
P. ell. La marée, la nuit, l'orage, la tempête nous gagne. Il nous gagne. Il est sur le point de nous dépasser. Le temps nous gagne. Il dépasse le rythme de notre activité. D'abord la Baleine garda l'avantage; mais, lorsque le Zéphir eut pris son élan, on le vit qui la gagnait peu à peu (ZOLA, Cap. Burle, 1883, p. 261) :
16. Il s'élança à la poursuite. Il entendit danser derrière lui les quatre sabots du cerf puis la foulée de la bête qui le gagnait, puis le petit galop facile à côté de lui. Le cerf avait rejeté la tête en arrière, retroussé ses babines; il riait et le vent sifflait entre ses dents vertes.
GIONO, Que ma joie demeure, 1935, p. 133.
Loc. Gagner à force sur. C'était une journée où il aurait fallu partir plus tôt, marcher, grimper vite, et, le sommet atteint, redescendre rapidement, gagner à force sur la menace du gros temps (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 221).
Spéc. ÉQUIT. [Le suj. désigne un cheval] Précipiter l'allure à laquelle le cavalier voudrait maintenir le cheval. Au fig. Marius n'exagérait pas, et au contraire. Presque aussitôt attelée, si on peut dire, Jacqueline lui avait gagné à la main : et de moins en moins, elle sentait le mors (TOULET, Demois. La Mortagne, 1920, p. 91).
3. Gagner du terrain (ou un autre espace) (sur qqn ou qqc.). Avancer, progresser (au cours d'une compétition, d'une lutte) au détriment de quelqu'un ou quelque chose.
a) [Le suj. désigne une pers. ou p. méton. le moyen utilisé pour progresser] Le peloton gagne du terrain sur le coureur de tête. Dans la cour intérieure d'une caserne de Verdun, autour du vaste lavoir, c'est une ruée de chasseurs bleu sombre et de biffins bleu clair (...) et qui semblent prêts à en venir aux mains pour gagner un rang et se rapprocher de la belle eau courante (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 90). Le combat se poursuivait sans que l'ennemi réussît à gagner du terrain (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 417).
P. ell. Gagner sur qqn ou sur qqc. Gagner sur la propriété de son voisin. Une grosse frégate anglaise (...) prit chasse sur nous (...). Nous fîmes force de voiles pour lui échapper, mais sa marche était supérieure; elle gagnait sur nous à chaque instant (MÉRIMÉE, Mosaïque, 1833, p. 136).
Au passif. Nos prairies de la ville qui ont été gagnées sur la mer (LOTI, Rom. enf., 1890, p. 146).
b) P. ext. [Le suj. désigne un élément naturel ou un phénomène accidentel] Incendie, inondation qui gagne du terrain; mer qui gagne du terrain sur la côte; terres cultivées qui gagnent du terrain sur la forêt :
17. ... à la faveur des changements économiques qui suivirent la conquête romaine, (...) le blé, la vigne et d'autres cultures du sud acquirent une expansion nouvelle qui les porta jusqu'à leurs extrêmes limites au nord. Le christianisme, à son tour, contribua à les reculer; la vigne gagna encore vers le nord du terrain qu'elle n'a pu conserver.
VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 142.
c) Au fig. Doctrine, hérésie, idée qui gagne du terrain. Le bruit se répand (...) que je suis le fils de l'escamoteur (...). Cette version gagne du terrain, heureusement on me connaît (...) ces bruits tombent d'eux-mêmes (VALLÈS, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 48) :
18. Le catholicisme a repris, au cours du XIXe siècle, une vigueur extraordinaire, parce qu'il n'a rien voulu abandonner; il a renforcé même ses mystères, et, chose curieuse, il gagne du terrain dans les milieux cultivés, qui se moquent du rationalisme jadis à la mode dans l'Université.
SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 209.
III. — Se diriger vers.
A. — [Le suj. désigne un animé ou un objet en mouvement; le compl. désigne le lieu vers lequel se dirige le suj.] Atteindre (un lieu) en parcourant la distance qui sépare de ce lieu.
1. Emploi trans. Personne qui gagne la campagne, la frontière, la lisière de la forêt, la rive, la pièce voisine, la sortie; navire qui gagne le large. Dans la tribune du président, une femme se levait, quittait sa banquette, gagnait la porte (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 370). L'air sombre et abattu, Carlos gagne un siège au premier plan et s'y laisse tomber sans répondre (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p. 469). Un premier lièvre, classiquement jailli du talus, déboula, cherchant à gagner l'abri d'une rangée de choux (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 65).
2. Emploi abs., vx. Gagner au large, au pied. S'enfuir. Lorsque le Tyran et Scapin, au bruit du pistolet, étaient descendus malgré lui, il avait piqué des deux et, franchissant le fossé, gagné au large pour rejoindre ses complices (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 369). Heureusement le valet de Khlestakof est un garçon prudent qui détermine son maître à gagner au pied avant que la vérité se découvre (MÉRIMÉE, Ét. litt. russe, t. 2, 1870, p. 45).
B. — Atteindre progressivement.
1. [Le suj. désigne un phénomène physique naturel ou accidentel]
a) [Le compl. désigne un animé ou un groupe d'animés, le lieu où ils vivent ou bien une partie du corps] Épidémie qui gagne tout un pensionnat; cancer, gangrène qui gagne tout un organe. La même grimace contractait sa bouche et semblait gagner le visage entier, dont l'expression devint peu à peu effrayante (BERNANOS, Crime, 1935, p. 865).
b) [Le compl. désigne un inanimé concr.] Inondation qui gagne les quartiers les plus éloignés du fleuve. On a vu des paralitiques marcher à l'approche du feu d'un incendie qui gagnait leur habitation (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1568). Je regarde le soir qui gagne les platanes (NOAILLES, Éblouiss., 1907, p. 151).
Emploi abs. Synon. se propager, se répandre. Les gens sortaient de leur maison à mesure que le feu gagnait (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 121). Cependant, la lumière gagnait, et lorsque Jos-Mari et Kate, un peu plus haut, eurent atteint la ruine de l'Alte Hütte (...) Jos-Mari put souffler sa lanterne (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 218).
2. Au fig. [Le suj. désigne un phénomène intellectuel, moral ou soc.] Synon. se communiquer à. Grève qui gagne tous les ateliers d'une usine; instruction qui gagne tous les milieux. L'erreur s'insinue, elle menace de gagner les couches profondes où se forme la vraie prière (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 301). Il fallait, coûte que coûte, réprimer impitoyablement l'insurrection des troupes avant qu'elle ne gagne toute l'armée! Question de vie ou de mort pour le pays (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 811).
Emploi abs. Le génie se développe, l'exemple gagne (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 68). La notion des droits de l'homme, les idées d'améliorations sociales gagnaient de toutes parts (RENAN, Apôtres, 1866, p. 366). Une clameur profonde s'échappait des poitrines, gagnait de proche en proche, avec un bruit de mer qui déferle (ZOLA, Nana, 1880, p. 1403).
C. — S'emparer de quelqu'un avec de plus en plus d'intensité.
1. [Le suj. désigne une sensation physique] Faim, fatigue, froid, sommeil qui gagne qqn. Une tiédeur douce (...) gagna ses jambes, pénétra sa chair; c'était la chaleur du petit être qui dormait (MAUPASS., Une vie, 1883, p. 264) :
19. Calmelet et son compagnon, dont la tête était lourde et que l'engourdissement gagnait, s'étaient liés aux branches avec des courroies, pour éviter une chute au cas où l'assoupissement les eût pris.
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 245.
2. [Le suj. désigne un sentiment ou sa manifestation] Agitation, colère, émotion, peur, pitié, rire, tristesse qui gagne qqn. À mesure que le récit de cet homme prouvait à Julien que la blessure de Mme de Rênal n'était pas mortelle, il se sentait gagné par les larmes (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 455) :
20. L'animal couché et paisible entend un bruit insolite, c'est l'événement. Il dresse l'oreille, puis le cou; l'inquiétude le gagne; la puissance de transformation s'étend à l'étendue de son corps, le dresse sur ses pattes; son oreille l'oriente et il fuit.
VALÉRY, Variété III, 1936, p. 212.
REM. Gagnable, adj. [Correspond à gagner II B] Qui peut être gagné. — Mon procès est-il gagnable? — Sur tous les chefs, répondit Derville (BALZAC, Chabert, 1832, p. 75).
Prononc. et Orth. : [] et [], (il) gagne [] et []. Timbre [] confirmé ds FOUCHÉ Prononc. 1959, p. 58, GRAMMONT Prononc. 1958, p. 30, Ds Ac. 1694. FÉR. Crit. t. 2, 1787, écrit gâgner. Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1135 gaaignier [ici intrans.] « s'assurer (un profit matériel) par un travail, par une activité » (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 1248); b) ca 1135 [ici trans.] « s'emparer de, conquérir par la force » (ibid., 1146); c) 1re moitié du XIIIe s. « s'assurer (un profit matériel) par le jeu, par un hasard favorable » (De S. Piere et du jougleur, 140 ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 5, p. 69); 2. 1269-78 gaaignier un ami (J. DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 12396); 3. a) ca 1525 gaigner pays « avancer, faire du chemin » ([J. DE MAILLES], Hist. de Bayart, ch. 35 ds HUG.); b) 1646 gagner du terrain (N. PERROT D'ABLANCOURT, trad. d'ARRIAN, Les Guerres d'Alexandre, p. 37). B. 1. Ca 1135 « être vainqueur dans (une bataille, etc.) » (Couronnement Louis, réd. AB, 1170); 2. ca 1223 gaaignier le giu « l'emporter au jeu » (G. DE COINCI, Miracles de Notre-Dame, éd. V.F. Kœnig, I Mir. 10, 1510); 3. 1283 gaaigner sa querele « l'emporter dans un procès » (PH. DE BEAUMANOIR, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1153). C. 1. a) Ca 1256 « agir sur quelqu'un, en parlant du sommeil, etc. » (A. DE SIENNE, Régime du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, p. 21), attest. isolée; de nouv. 1587 (MALHERBE, Poésies, III, 334 ds Œuvres complètes, éd. L. Lalanne, t. 1, p. 16); b) 1606 [éd.] gagner qqn « atteindre en s'étendant » (PH. DESPORTES, Œuvres, p. 457 ds LA CURNE); 2. a) 1548 gaigner le hault « s'enfuir » (N. DU FAIL, Propos rustiques, Au lecteur ds HUG.); 1571 gagner (une position) (LA BOÉTIE, trad. de la Mesnagerie de Xénophon, ch. 14, ibid.); b) 1559 intrans. « s'étendre » (AMYOT, Cor. 19 ds LITTRÉ). De l'a. b. frq. , de la même famille que l'all. Weide « pâturage », et qui a dû signifier à l'orig. « faire paître (le bétail) » (cf. encore les sens de gagnage, ainsi que l'a. h. all. weida subst. « pâturage; nourriture »), d'où, en fr., « cultiver », prob. en raison du système de l'assolement triennal, dans lequel les champs, après avoir servi de pâturages, étaient labourés. Le sens de « cultiver » est attesté en a. fr. et en m. fr. (1155 ds T.-L.; GDF.) et s'est maintenu dans les patois de l'Est, v. FEW t. 17, p. 461. Le verbe a pris ensuite celui de « s'assurer (un profit matériel) par un travail (en général) ». Fréq. abs. littér. Gagner : 8 908. Gagné : 2 761. Fréq. rel. littér. Gagner : XIXe s. : a) 10 843, b) 13 297; XXe s. : a) 13 485, b) 13 396. Gagné : XIXe s. : a) 3 837, b) 4 453; XXe s. : a) 4 057, b) 3 641. Bbg. ARICKX (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, n° 3, p. 131. - LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, pp. 266-267. - QUEM. DDL t. 5, 6, 10.

gagner [gaɲe] v. tr.
ÉTYM. 1160, guaaignier; du francique waidanjan « se procurer de la nourriture, du butin »; cf. all. weiden « paître »; d'où l'emploi de gagner au sens de « paître, brouter », longtemps conservé en vénerie, et au sens de « cultiver », dans les parlers du Sud-Est. → Regain.
———
I S'assurer (un profit matériel).
1 S'assurer (un profit) par un travail, par une activité. Gain (1., b. et 2.). || Gagner de l'argent (→ Afficher, cit. 2; assez, cit. 47; émigrant, cit. 1). || Gagner tant par heure, par jour, par semaine, par mois, par an (cit. 6). Toucher; fam. affurer, palper. || Gagner plus, davantage, moins… (→ Coût, cit. 3; fatiguer, cit. 13; fileur, cit. 2).Gagner gros : faire de gros bénéfices. || Il a gagné tant sur la vente. Encaisser; rapporter (cette vente lui a rapporté tant). || Gagner une fortune. || Gagner de petites sommes. Grappiller, gratter. || Dépenser, consommer ce que l'on gagne (→ Épargne, cit. 9). || Gagner de quoi vivre.Par métonymie.Gagner son pain à la sueur de son front.Avoir besoin de gagner son pain, sa vie, et (fam.), sa croûte, son bifteck, son bœuf. Travailler; → Besoin, cit. 26 et 41. || Gagner honorablement sa vie (→ 2. Air, cit. 3). || Il gagne bien, elle gagne largement sa vie. || Il arrive à gagner sa vie en faisant des heures supplémentaires. || Gagner sa vie à faire qqch., en faisant qqch.Absolt. || Il ne songe qu'à gagner, toujours gagner. Enrichir (s'), cit. 13; faire (de l'argent). || Gagner sur un marché, gagner à la Bourse.
1 Les pensées des hommes sont devenues un objet important de commerce. Les libraires hollandais gagnent un million par an, parce que les Français ont eu de l'esprit.
Voltaire, Lettre à un 1er commis, 20 juin 1733.
2 Il n'y a dans le monde, à vrai dire, que deux sortes d'hommes, ceux qui ont et ceux qui gagnent.
A. de Vigny, Journal d'un poète, p. 236.
3 À ce métier singulier, Pierrotte ne fit pas fortune, mais il gagna sa vie et largement.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, VI.
4 On a autant de peine et de mérite à se passer d'argent qu'à en gagner.
J. Renard, Journal, 14 nov. 1898.
5 (…) le mieux, à mon avis, ça serait que tu repartes gagner ta croûte pendant un temps au moins à l'étranger.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 421.
6 Au point où, suivant la remarque de G. K. Chesterton, le dix-neuvième siècle avait placé le gentleman, le seizième le prince, le douzième le prêtre, nous avons placé l'homme-qui-gagne-beaucoup-d'argent.
Daniel-Rops, le Monde sans âme, p. 130.
Loc. Manque à gagner (→ 2. Manque, cit. 13).
Bien gagner, gagner bien (qqch.) : mériter de gagner. || Voici dix mille francs, ne me remerciez pas : vous les avez bien gagnés (→ Vous ne les avez pas volés). || Il gagne bien l'argent qu'on lui donne. || Vous me reprochez ma fortune, mais je l'ai gagnée et bien gagnée.(Bien étant sous-entendu). || Vous ne gagnez pas l'argent que l'État vous alloue (cit.).
2 (Par le jeu, par un hasard favorable). || Gagner mille francs à un jeu de cartes, à un jeu de hasard, au jeu, au poker. Empocher, encaisser, rafler, ramasser. || Gagner toute la cave d'un joueur. Décaver. || Gagner les consommations à la belote. || Période de chance où un joueur gagne beaucoup d'argent aux courses, à la roulette. || Gagner cent mille francs à la loterie. || Il espère gagner le gros lot.Par ext. (Sujet n. de chose). || Le numéro tant gagne un lot de vingt mille francs. || La carte qui gagne, qui fait la levée, qui permet de ramasser l'enjeu.Absolt. || Méthodes, martingales pour gagner aux courses, à la boule. || Le billet qui gagne. Gagnant.Gagner sur tous les tableaux, à tous les coups.À tous les coups l'on gagne !
7 (…) tout joueur hasarde avec certitude pour gagner avec incertitude (…)
Pascal, Pensées, III, 233.
8 Il n'avait pas de quoi jouer longtemps, et il joua; son malheur voulut qu'il commençât par gagner, et sur son gain, il eut de quoi perdre.
A. de Musset, Nouvelles, « Frédéric et Bernerette », IV.
9 Je l'engageai fréquemment à jouer, et m'appliquai, avec la ruse habituelle du joueur, à lui laisser gagner des sommes considérables, pour l'enlacer plus efficacement dans mes filets.
Baudelaire, Trad. E. Poe, Histoires extraordinaires, W. Wilson.
10 La morale de l'honneur, ou seulement des convenances, a été faite pour donner un double exactement contraire à la morale naturelle, et nous permettre ainsi de gagner à tout coup, tantôt sur l'un tantôt sur l'autre tableau.
Montherlant, les Jeunes Filles, p. 218.
———
II
1 Acquérir, obtenir (un avantage). || Il y a gagné une certaine réputation, un peu de tranquillité. — ☑ Loc. (au p. p.). Voilà un grand point de gagné.Les lauriers qu'il a gagnés dans sa carrière. Acquérir, conquérir, moissonner, recueillir. || Vous avez bien gagné vos vacances. Mériter. (En parlant d'un avantage quantifiable). || L'enfant a gagné plusieurs centimètres, plusieurs kilos. Prendre. || Cette valeur a gagné plusieurs points en Bourse. || Notre parti a gagné près de dix mille voix dans le département par rapport aux précédentes élections. — ☑ Gagner du temps : obtenir l'avantage de disposer d'un temps plus long, en différant une échéance ( Différer, retarder). || Recourir aux chicanes, à la procédure pour gagner quelques mois ( Dilatoire).Gagner du temps : faire une économie de temps. Économiser.(Le compl. désigne une durée). || Prenez ce raccourci, vous gagnerez un bon quart d'heure.Gagner de la place. || Une meilleure disposition de votre mobilier vous permettrait de gagner un peu de place. || Mise en page, corrections qui font gagner plusieurs lignes, une page.
11 (…) gagner du temps est un grand art quand on n'est pas prêt.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 63.
12 Le tonnelier sortit de ce combat bizarre, ayant conclu le seul marché dont il ait eu à se plaindre pendant le cours de sa vie commerciale. Mais s'il y perdit, pécuniairement parlant, il y gagna moralement une bonne leçon et, plus tard, il en recueillit les fruits.
Balzac, Eugénie Grandet, Pl., t. III, p. 562.
13 Certes, il y a une chose que l'on gagne à Paris, c'est le toupet; mais l'on y perd un peu de sa crinière.
Flaubert, Correspondance, 327, 26 juin 1852.
(Avec un compl. indéterminé). || Ne vous embarquez pas dans cette affaire, vous n'y gagnerez rien, rien de bon. Retirer, tirer (avantage, profit). || Relations d'amitié (cit. 6) où l'on pense avoir quelque chose à gagner.Avoir tout à perdre et rien à gagner dans une aventure. || Tout perdre en voulant tout gagner.
14 On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
La Fontaine, Fables, VII, 5.
15 Ainsi des Lettres : si l'originalité n'y doit être que la révélation d'une personne, elle a tout à gagner à l'adoption de sujets, et d'idées admises.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 163.
Absolt. || Vous y gagnerez, vous vous en trouverez bien, vous y trouverez un avantage. — ☑ Loc. Gagner au change. Bénéficier.
16 (…) l'auteur (Gautier, dans Mlle de Maupin) a commencé d'écrire sans se faire un plan très précis, et ne s'est même vraiment soucié d'aborder son sujet qu'au milieu de son manuscrit. Le roman, certainement, y perd; mais l'histoire des mœurs et de la psychologie romantiques y a gagné (…)
Émile Henriot, les Romantiques, p. 209.
Gagner en…, sous le rapport de… || Il a gagné en expérience ce qu'il a perdu en vivacité. || L'œuvre gagne en expression (cit. 29) ce qu'elle perd en beauté.Absolt. || Il a changé à son avantage, il a gagné en gentillesse : il fait des progrès sous le rapport de la gentillesse. || Sa voix a gagné en étendue (→ Fioriture, cit. 2). || Encolure qui gagne en largeur. Augmenter, croître. || Son style a gagné en force, en précision. Améliorer (s').Ellipt. || Le vin gagne en vieillissant. Vx. || Gagner de… → ci-dessous, cit. 19.
17 Cette liberté esclave avait quelques avantages : ce qu'on perdait en franchises dans l'intérieur, on le gagnait au dehors en dominations : le Français était enchaîné, la France libre.
Chateaubriand, Vie de Rancé, II, p. 92.
18 (…) la passion y gagne en profondeur ce qu'elle paraît perdre en vivacité.
Balzac, la Femme de trente ans, Pl., t. II, p. 721.
19 Ses dessins originaux, faits à la plume, sont exquis de finesse, de verve et de bien rendu, et gagneront de valeur, d'année en année.
Th. Gautier, Portraits contemporains, Grandville.
20 La langue, pendant ces longs travaux, n'a cessé de gagner en vigueur et en élégance.
G. Duhamel, les Refuges de la lecture, VIII, p. 257.
Absolt ou intrans.Gagner à (suivi d'un inf.) : retirer un avantage, avoir une meilleure position. || Nous gagnons rarement à mentir (→ Échec, cit. 9).C'est un homme qui gagne, qui ne gagne pas, qui gagne beaucoup, peu, à être connu (→ 1. Cingler, cit. 2; fécondité, cit. 7). || Le tableau gagne à être vu d'un peu loin. || Ce livre gagne à être relu. || Ce vin gagne à être chambré. || Gagner quelque chose, ne rien gagner à faire…, à être…Littér. || Gagner à ce que…
21 Le genre humain gagnerait beaucoup à ce que la vertu fût moins laborieuse.
É. de Senancour, De l'amour, Dernières réflexions.
22 Cependant elles ne gagnent pas, les mousmés (ni les vieilles dames) à se produire dans cette tenue.
Loti, Mme Chrysanthème, XXXVIII.
23 La plus belle poésie littéraire du monde ne gagne rien à être mise en musique et n'appelle pas nécessairement l'expression musicale.
Henri Lichtenberger, Wagner, p. 130.
Gagner de (suivi d'un inf.) : obtenir l'avantage de…, arriver à ce résultat que… || Vous y gagnerez d'être enfin tranquille. || Par sa dignité, il a gagné d'être respecté jusque dans ses échecs.
24 Et ce sont de ces gens qui (…)
Ont gagné dans la cour de parler hautement.
Molière, le Misanthrope, II, 2.
25 J'y gagnai, de plus, de considérer à loisir cette charmante figure, embellie encore par l'attrait puissant des larmes.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre XXIII.
26 Tarrou avait perdu la partie, comme il disait. Mais lui, Rieux, qu'avait-il gagné ? Il avait seulement gagné d'avoir connu la peste et de s'en souvenir, d'avoir connu l'amitié et de s'en souvenir, de connaître la tendresse et de devoir un jour s'en souvenir.
Camus, la Peste, p. 313.
2 Iron. Recevoir, prendre (qqch. de fâcheux, de désagréable). Attraper, contracter, prendre. || Je me suis promené sans manteau, j'y ai gagné un bon rhume. || Je n'y ai gagné que des coups. Rapporter, récolter. || Gagner un violent mal de tête (→ Charivari, cit. 4).
27 (…) il avait gagné la gale en saisissant un écouvillon des mains d'un soldat contaminé (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, De Brumaire à Marengo, VI.
Vous n'y gagnerez que le ridicule ! || Tu passeras pour un idiot, c'est tout ce que tu auras gagné.
3 Obtenir par le mérite. Mériter. || Gagner le ciel, le paradis, par ses œuvres, par ses vertus. || Gagner le bonheur éternel. || Gagner des indulgences. || Gagner ses galons sur le champ de bataille.
28 Le sujet de son sermon était la charité. Il invita les riches à donner aux indigents, afin d'éviter l'enfer qu'il peignit le plus effroyable qu'il put et de gagner le paradis qu'il fit désirable et charmant.
Hugo, les Misérables, I, I, IV.
29 Les chrétiens ont, les premiers, considéré la vie humaine, et la suite des événements, comme une histoire qui se déroule à partir d'une origine vers une fin, au cours de laquelle l'homme gagne son salut ou mérite son châtiment.
Camus, l'Homme révolté, p. 235.
4 Obtenir, parvenir à avoir (les dispositions favorables d'autrui). Attirer (s'), capter, conquérir. || Gagner la faveur (→ Amant, cit. 2), l'amitié (→ Avance, cit. 25), la confiance (→ Faire, cit. 213), l'estime, la bienveillance, les bonnes grâces… de quelqu'un. Plaire. || Gagner les suffrages, les voix d'électeurs hésitants. || Gagner les cœurs (→ Autorité, cit. 10; coquetterie, cit. 8), les esprits (→ Chatouiller, cit. 5). Assujettir (s'), séduire, subjuguer. || Sa bonté lui a gagné le cœur de tous. || Gagner de l'influence.
30 Quand un Prince en grandeur passerait tous les Dieux, S'il n'est doux et bénin, courtois et gracieux, Humain, facile, honnête, affable et débonnaire, Il ne gagne jamais le cœur du populaire (…)
Ronsard, Pièces retranchées, Sec. liv. des hymmes, Ép. à Charles.
31 N'allait-elle pas gagner tous les cœurs, c'est-à-dire la seule chose qu'ont à gagner ceux à qui la naissance et la fortune semblent tout donner (…)
Bossuet, Oraison funèbre de la duchesse d'Orléans.
32 Il n'y a aucune éloquence dans le Traité des études monastiques opposé aux sentiments de Rancé, mais une raison supérieure, une mansuétude touchante, je ne sais quoi qui gagne le cœur (…)
Chateaubriand, Vie de Rancé, III, p. 187.
33 (…) les jeunes gens de la ville se mettent en dépenses de collations, festins, soupers et autres régals pour traiter les actrices et gagner les bonnes grâces de ces coquettes par friandises, vins fins, dragées, confitures et telles menues délicatesses.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, VIII.
(Compl. n. de personne; style soutenu). Se rendre favorable (une personne). Amadouer, attacher (s'), concilier (se), séduire. || Gagner quelqu'un par de bons procédés, par la franchise. || Il a su gagner le public par sa simplicité, sa gentillesse. || L'art de gagner les hommes (→ Applaudir, cit. 6). || Gagner quelqu'un par ses caresses (cit. 17), ses cajoleries (cit. 3). || Se laisser gagner par les prières de quelqu'un. Céder. || Ces derniers mots achevèrent de me gagner. Convaincre, persuader. || Nous l'avons enfin gagné à notre cause. || Gagner de nouveaux partisans, des fidèles, des prosélytes. Convertir, rallier.
34 Elle avait (…) gagné un maître de Londres, dont le crédit était grand, et plusieurs autres chefs de la faction. Presque tous ceux qui lui parlaient se rendaient à elle (…)
Bossuet, Oraison funèbre de la Reine d'Angleterre.
35 Pour gagner un homme, la première chose à savoir est : « Qu'aime-t-il ? »
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 7 janv. 1850, t. I, p. 248.
36 Quelquefois, Jésus usait d'un artifice innocent, qu'employa plus tard Jeanne d'Arc. Il affectait de savoir sur celui qu'il voulait gagner quelque chose d'intime, ou bien il lui rappelait une circonstance chère à son cœur.
Renan, Vie de Jésus, IX, Œ. compl., t. IV, p. 187.
Passif et p. p. || Être gagné à une cause.
37 Or, ce peut être une tactique profitable que de repousser un voisin dangereux jusqu'à l'extrême opposé, ou tout au contraire le tenir déjà gagné à notre cause (…)
J. Paulhan, Entretien sur des faits divers, IV, p. 139.
Péj. Circonvenir, corrompre. || Témoins suspects de s'être laissé gagner. Séduire, tenter. || Âme faible qui se laisse gagner par le mauvais exemple (cit. 10). || Gagner les naïfs à force de promesses. Appâter.
38 Tu débauches le peuple à force de largesses,
Tu gagnes dans le camp mes soldats par promesses (…)
Cyrano de Bergerac, Mort d'Agrippine, IV, 2.
39 (…) les évêques désignèrent tout prêtre ami de la Révolution à la haine, au mépris du peuple, comme gagné, acheté, corrompu par l'intérêt temporel.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., III, IX.
———
III (Dans une compétition, une rivalité).
1 Obtenir, remporter (l'enjeu). || Gagner le prix, une prime. Remporter. || Gagner la coupe, le titre. Enlever. || Cet athlète a gagné sa sélection après concours.Vx. || Gagner la victoire (Bossuet, Histoire universelle, III, 6). Remporter (mod.).
40 (…) quelqu'un qui n'a pas la prétention (…) de gagner le prix Monthion ou d'être rosière en celui-ci.
Th. Gautier, Préf. de Mlle de Maupin, éd. critique Matoré, p. 15.
41 Finalement ce fut lui qui gagna la soucoupe. Il s'imposa.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 95.
Loc. (Vx). Gagner le dessus, l'emporter. Prendre; → Ascendant, cit. 6.
Vieilli. Gagner sur… || Gagner qqch. sur qqn, obtenir de lui qqch. en triomphant de sa résistance. || Tâchez de gagner cela sur vous, en faisant effort sur vous. || J'ai gagné sur moi de n'y plus penser (Académie).
42 (…) Mais j'ai gagné sur lui qu'il ne me verra plus.
Corneille, Polyeucte, II, 4.
2 Être vainqueur dans (la compétition). Gain (1., a). || Gagner la bataille (→ Fatal, cit. 13), des batailles (→ Combat, cit. 4; empoigner, cit. 4). || Venir prendre part au combat alors qu'il est déjà gagné (→ Arriviste, cit. 2). || Nous avons gagné la guerre, il nous reste à gagner la paix (→ Concorde, cit. 4). || Hannibal gagna des batailles, mais Rome gagna la guerre.
43 On a beaucoup discuté sur la bataille de la Marne. L'histoire dira que Joffre l'a gagnée parce qu'il eût été seul responsable s'il l'avait perdue.
J. Bainville, Hist. de France, XXII.
Gagner un procès, une cause (cit. 48), obtenir un jugement en sa faveur. || Gagner un pari.Gagner la partie, la belle, la revanche. || Gagner une partie d'échecs (cit. 19), un tournoi de bridge.Absolt. || Vous avez gagné, félicitations. Réussir (→ Filer, cit. 11). || Gagner en trichant, en bluffant (cit. 1).Jouer à qui perd gagne. || Il aime gagner.
44 Pour vous autres hommes, les défaites ne sont que des succès de moins. Dans cette partie si inégale, notre fortune est de ne pas perdre, et votre malheur de ne pas gagner.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre LXXXI.
45 Il (Poe) a, dans sa jeunesse, gagné un pari de nageur qui dépasse la mesure ordinaire du possible.
Baudelaire, E. Poe, Sa vie et ses œuvres, III, in E. Poe.
46 Lequel vaut mieux : gagner dans une partie où tous les autres joueurs sont faibles, ou perdre dans une partie où tous les joueurs sont forts; gagner dans une partie faible ou perdre dans une partie forte. Gagner dans un jeu de bassesse ou perdre dans un noble jeu. C'est-à-dire : sommes-nous chargés de gagner quand même, et à n'importe quel prix; ou sommes-nous chargés de maintenir un certain niveau du jeu (…)
Ch. Péguy, Note conjointe, Sur Descartes, p. 162.
47 À son action de grâces, se mêlait une fierté toute humaine, une satisfaction d'avocat qui a gagné le procès.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 139.
Au p. p. → ci-dessous, Gagné.
(Sports). || Gagner une épreuve, un championnat, un concours, un match, une course. Enlever, remporter. || L'équipe qui a gagné la Coupe de France. || Son cheval a gagné le Grand Prix. || Ce boxeur a gagné tous ses combats avant la limite.Absolt. Emporter (l'), triompher, vaincre. || Boxeur qui gagne aux points, par knock-out, par arrêt de l'arbitre. || Il n'a pas encore gagné, la course n'est pas finie ! || Le cheval a gagné d'une longueur, d'une tête. || Coureur qui gagne de justesse, d'une poitrine, d'un souffle.Fam. || Il a gagné tout seul, comme un seul homme, sans trouver de résistance sérieuse. Fam. || Gagner les doigts dans le nez.
3 (Compl. n. de personne). L'emporter sur (un adversaire). Battre, vaincre. || Nous avons fait cinq parties de dames, il n'a pas encore pu me gagner. || Je te gagnerai bien un jour ! || Il m'a gagné sur cent mètres, au saut à la perche.REM. Cet emploi, normal dans la langue classique, est aujourd'hui senti comme familier ou enfantin, sauf en français d'Afrique, où il est normal et usuel (I. F. A.).
48 Jean-Jacques Rousseau, qui me gagnait toujours aux échecs, me refusait un avantage qui rendît la partie égale.
Diderot, Salon de 1767.
Loc. Gagner (qqn) de vitesse, arriver avant lui en allant plus vite. Dépasser, devancer. || Gagner de vitesse les ennemis et leur barrer le chemin de la retraite. || Son cheval a été gagné de vitesse, il a été surpris par la soudaine pointe de son adversaire.
Fig. Prévenir. || Déjouer les plans d'un rival en le gagnant de vitesse, par quelque démarche que l'on fait avant lui.
Gagner : gagner de vitesse. || La nuit, l'orage, la marée nous gagne. Approcher. || Le temps nous gagne, il dépasse le rythme de notre activité, il sera écoulé avant que nous n'ayons fini.
49 Mais le temps me gagne, les espions m'obsèdent; je suis forcé de faire à la hâte et mal un travail qui demanderait le loisir et la tranquillité qui me manquent.
Rousseau, les Confessions, VII.
50 — Et je ne sais pas pourquoi il ne nous a jamais rejoints, reprit le vieux militaire, car il est meilleur voilier que votre damné Saint-Ferdinand. — Il aura eu des avaries, une voie d'eau. — Il nous gagne, s'écria le Français.
Balzac, la Femme de trente ans, t. II, p. 814.
51 En chemin de fer, combien y en a-t-il qui sentent que se presser sur le quai pour gagner les autres de vitesse et s'assurer de la meilleure place est une suprême grossièreté ?
Renan, Souvenirs d'enfance…, VI, IV.
4 Gagner du terrain sur (qqn) : diminuer ou augmenter l'intervalle qui nous sépare de lui, selon que nous le poursuivons ou que nous sommes poursuivis par lui. || L'ennemi a gagné du terrain. Avancer, progresser.Fig. Faire des progrès. || L'incendie gagne du terrain. Étendre (s'). || Hérésie, doctrine, idées qui gagnent du terrain.
52 De cinq minutes en cinq minutes, un volontaire en habit noir se dresse au milieu de la salle et publie les résultats connus de l'élection présidentielle (…) Des fusées de clabauderie annoncent, de temps en temps, que le héros de l'abstinence est en train de gagner du terrain.
G. Duhamel, Scènes de la vie future, IX, p. 145-152.
5 Intrans. S'étendre au détriment de (qqn, qqch.). || Laboureur qui cherche à gagner sur la propriété de son voisin. Empiéter. || La mer gagne sur la côte. || L'incendie gagne (→ Feu, cit. 35). Propager (se). → ci-dessous IV., 2., transitif. || Le jour gagne de proche en proche. Grandir. || Le calvinisme (cit. 1) commençait à gagner.
53 En dépit des traitements, le mal continuait de gagner (…)
G. Duhamel, le Temps de la recherche, VIII.
53.1 Il ne manquait plus que le feu. Gina s'approcha. L'homme s'était rassis près de Diana et regardait lui aussi la montagne.
— Ça ne gagne pas vite, dit Gina, c'est loin, il ne faut pas s'inquiéter.
— Ça gagne vite, dit Diana. En fixant bien, on peut même le voir avancer.
M. Duras, les Petits Chevaux de Tarquinia, p. 86.
Manège. || Cheval qui gagne à la main, dont on n'est plus maître.
———
IV Atteindre (une position) en parcourant la distance qui en sépare.
1 Atteindre en se déplaçant. || Le navire a gagné le large (→ Amener, cit. 15; filet, cit. 6).Fig. Gagner le large : partir; fuirGagner un lieu, la gare (→ Convoi, cit. 3), le métro (→ Atteinte, cit. 2), sa demeure (→ Courber, cit. 25), les quartiers éloignés (→ Coudoyer, cit. 2). || Gagner la rive, le rivage, les côtes. Aborder, 1. toucher; → Démonter, cit. 12; favorable, cit. 7. || Gagner la porte (→ Doucement, cit. 4), la sortie. Aller (s'en), partir, sortir. — ☑ Loc. (Vx). Gagner les champs; gagner le taillis. Échapper (s'), enfuir (s'). → Armer, cit. 19. — Gagner à nouveau sa place. Regagner, rejoindre.
54 Le père épouvanté gagne aussitôt la porte (…)
Corneille, le Menteur, II, 5.
55 J'étais si troublée, que (…) je n'eus que le temps de gagner un fauteuil, et je me trouvai mal au point que je perdis connaissance.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre LXI.
56 S'était-il servi des échelles et des échafaudages des couvreurs pour gagner de toit en toit, de clôture en clôture, de compartiment en compartiment, les bâtiments de la cour Charlemagne (…)
Hugo, les Misérables, IV, VI, III.
57 Vers Midi, Parker déclara qu'il voyait la terre du côté de bâbord, et j'eus toutes les peines du monde à l'empêcher de se jeter à la mer pour gagner la côte à la nage.
Baudelaire, Trad. E. Poe, Histoires extraordinaires, « Aventures d'A. Gordon Pym ».
58 (…) les trois petites Turques avaient réussi, par des chemins détournés, à gagner sans encombre une des échelles de la Corne-d'Or et à prendre un caïque.
Loti, les Désenchantées, XI.
59 Les débris de l'armée romaine gagnèrent Canusium à la faveur de la nuit (…)
France, le Livre de mon ami, Livre de Pierre, IX.
60 (…) Edmée gagnait par son boudoir la chambre à coucher ouverte sur le jardin, au revers de l'hôtel.
Colette, la Fin de Chéri, p. 6.
61 Dans un grand fracas de chaises déplacées, les quelque dix ou douze personnes qui étaient entrées se mettaient à table. Toutes, à en juger par la promptitude avec laquelle elles gagnaient leurs places, étaient des habitués du restaurant (…)
J. Green, Léviathan, I, III.
62 (…) de ces trains rapides qui gagnent Paris en une heure.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, XV.
Intrans. || Gagner au vent, contre le vent (d'un voilier).
62.1 On n'était plus qu'à un demi-mille de la côte, et il avait fallu louvoyer pour gagner contre le vent.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. II, p. 481.
2 (Sujet n. de chose). Atteindre en s'étendant. Propager (se), répandre (se). → ci-dessus III., 5., intrans. || Le feu, l'incendie a déjà gagné la maison voisine. || L'inondation gagne les quartiers les plus éloignés du fleuve. || Peste, épidémie qui gagne toutes les provinces. || Gangrène, cancer qui gagne un membre, un organe tout entier.L'instruction gagne toutes les couches de la population. Toucher.
63 (…) l'ouragan qui gagne La campagne
A. de Musset, Premières poésies, « Stances ».
64 Minute à minute, heure par heure, les bruits de la rue décrurent, le silence gagna de proche en proche le monde engourdi.
G. Duhamel, Salavin, VI, XV.
65 L'acclamation, qui s'allume à son contact, gagne en deux secondes toute la masse du public, atteint les parois du long préau (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XXIII, p. 252.
(Le sujet désigne une contagion d'ordre moral). Se répandre parmi (des personnes), influencer, toucher (qqn). → Épidémie, cit. 5. Communiquer (se). || Ces idées ont gagné certains milieux (→ Filtrer, cit. 9). || Sa tristesse, sa confiance me gagnait. || Un esprit, un ton particulier qui gagne le lecteur (→ Facile, cit. 13).Passif et p. p. || Être, se sentir gagné par… || Je me sentais gagné par son optimisme, par cette gaieté communicative.
66 J'avoue que sa surprise me gagnait (…)
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, p. 434.
67 Il la secouait si fort qu'elle faillit tomber. Elle vit l'effroi sur le visage de sa sœur et s'en sentit gagnée par une sorte de panique.
J. Green, Adrienne Mesurat, I, V.
3 (Le sujet désigne une sensation, un sentiment). Agir sur (qqn). Envahir. || Le froid, le sommeil, la faim, la fatigue (→ Épuisement, cit. 4) commençaient à le gagner. || Il se sentait gagné par un étrange malaise. || Agitation (cit. 15), émotion (→ Auditoire, cit. 8), impression (→ Envelopper, cit. 27), peur, pitié qui gagnent qqn. Emparer (s').
68 L'âpre engourdissement a gagné les cigales (…)
Verlaine, Jadis et Naguère, Allégorie.
69 Les larmes le gagnaient; il avait hâte de sortir.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, XIII.
70 Il y eut un silence. Adrienne se raidit contre la terrible émotion qui la gagnait et, traversant le palier, elle vint s'appuyer sur la rampe mais ne put regarder en bas.
J. Green, Adrienne Mesurat, I, XVI.
——————
se gagner v. pron. (passif).
Être gagné, pouvoir être gagné. || Si vous croyez qu'une fortune se gagne comme ça ! (→ Abondance, cit. 6). || Toute juste cause se gagne (→ Clémence, cit. 7).C'est une maladie qui se gagne facilement.
(Réfl.). || Il s'était gagné de bons amis.
——————
gagné, ée p. p. adj.
|| Argent gagné. || C'est de l'argent honnêtement gagné.Une récompense bien gagnée, méritée.Sommes gagnées au jeu.
(Correspond au sens II. de l'actif). || Un repos bien gagné.Personne gagnée à une cause (→ ci-dessus, cit. 37).
(Au sens III., 2.). || Avoir partie gagnée. || Avoir cause (cit. 46) gagnée. — ☑ Loc. Je vous accorde partie gagnée, je vous donne gagné : j'abandonne (votre victoire étant certaine).Sports. || Il avait course gagnée, mais il a été victime d'un claquage.
CONTR. Perdre. — Échouer, reculer. — Abandonner, éloigner (s'), quitter.
DÉR. Gagnable, gagnage, gagnant, gagne, gagneur, gain.
COMP. Gagne-denier, gagne-pain, gagne-petit. — Regagner. — V. aussi Regain.

Encyclopédie Universelle. 2012.