travailler [ travaje ] v. <conjug. : 1>
• 1080; lat. pop. °tripaliare « torturer avec le tripalium » → 2. travail
I ♦ V. tr.
A ♦
1 ♦ Vx (sauf dans quelques emplois) Faire souffrir, tourmenter, torturer. Littér. (douleur, gêne physique) « La goutte me travaille les membres » (France).
♢ Mod. Inquiéter en obsédant. « Il se reconnut travaillé et tourmenté d'irrésistibles envies de contradiction » (Goncourt).
2 ♦ Fam. Préoccuper. Ça le travaille, cette histoire.
3 ♦ Littér. Agiter, troubler. « Cette très jolie jeune femme qui, travaillée par eux, était toute disposée à nous accueillir favorablement » (Mirbeau). Travailler les esprits, les pousser au mécontentement, à la révolte. ⇒ exciter. Ils « travaillaient le peuple par leurs brochures, par leurs agents » (Michelet).
4 ♦ Pop. Battre, malmener. « Au premier flic qui me travaille, je me dégonfle » (Céline). — Boxeur qui travaille son adversaire au corps. « Au troisième round ils travaillent au corps tous les deux » (Queneau). Fig. Travailler qqn au corps, le harceler pour le persuader.
B ♦ (v. 1200) Mod. Modifier par le travail (II).
1 ♦ Soumettre à une action suivie, pour donner forme (ou changer de forme), rendre plus utile ou utilisable. ⇒ élaborer. Travailler une matière première. ⇒ façonner. Le maréchal-ferrant « regardait [...] le morceau de fer qu'il avait travaillé » (Alain-Fournier). Le boulanger travaille la pâte. ⇒ pétrir. — Travailler la terre. ⇒ cultiver.
2 ♦ (1599 au p. p.) Soumettre à un travail intellectuel, pour améliorer. Travailler son style. ⇒ ciseler, fignoler, peigner. Elle « regardait pendant de longues soirées son mari travailler des phrases. Elle haussait les épaules à la vue de ses hésitations » (Huysmans).
3 ♦ (1875) Chercher à acquérir ou à perfectionner, par l'exercice, l'étude, la connaissance ou la pratique de (une science, un art). Travailler la philosophie, les sciences. ⇒Fam. 2. bûcher, chiader, piocher, potasser. — Travailler un morceau de piano. Par ext. Travailler son piano. — Sport Travailler son revers, le passage du témoin...
4 ♦ (à l'origine, au sens 1) Soumettre à un exercice, à un entraînement. Travailler un cheval. — Travailler le taureau, lui faire accomplir les mouvements requis par les règles de la corrida.
5 ♦ Tennis Travailler une balle, la couper, pour que le rebond surprenne l'adversaire.
6 ♦ Tr. ind. (XIIIe) TRAVAILLER À (suivi d'un compl. ou de l'inf.) :faire tous ses efforts pour obtenir (un résultat); apporter ses soins à. « Travaillons à ce que nous croyons utile et bon » (France). Travailler à la perte de qqn. « Travaillons donc à bien penser » (Pascal). ⇒ s'efforcer, tâcher, 1. tendre. Il travaille à sa réélection. ⇒ préparer. Travailler à l'œuvre commune. ⇒ collaborer.
II ♦ V. intr.
A ♦
1 ♦ (v. 1200) Agir d'une manière suivie, avec plus ou moins d'effort, pour obtenir un résultat utile. ⇒ besogner, œuvrer; fam. 2. bosser , boulonner, 2. bûcher, gratter, 1. marner, trimer, 1. turbiner. « Travaillez, prenez de la peine » (La Fontaine). « Travailler est moins ennuyeux que s'amuser » (Baudelaire). Travailler dur, d'arrache-pied. ⇒fam. cravacher (cf. Mettre du cœur à l'ouvrage, en mettre un coup). Travailler comme un esclave, un forçat, un nègre, un bœuf, une bête de somme : travailler à des ouvrages pénibles, en se fatiguant beaucoup. ⇒fam. se crever, galérer, 1. ramer . Travailler mollement, sans se presser. ⇒ travailloter. Il ne travaille pas (cf. Il n'en fiche pas une rame, une secousse).
♢ (Travail intellectuel) « Je travaille savamment, longuement, avec des attentes infinies des moments les plus précieux; avec des choix jamais achevés » (Valéry). Fam. Faire travailler sa matière grise, son cerveau : réfléchir. — Faire des exercices intellectuels (au cours des études). ⇒ apprendre, étudier. Cesse de jouer et va travailler !
2 ♦ (1534) Exercer une activité professionnelle, un métier. « Quand on naît pauvre, il faut travailler; [...] mais quand on a des rentes, sacristi ! il faudrait être jobard pour s'esquinter le tempérament » (Maupassant). Il travaille depuis l'âge de seize ans (cf. Il gagne sa vie). Faire travailler des ouvriers, du personnel. ⇒ employer. Travailler pour un patron, à son compte. Travailler en usine, à l'atelier; aux champs; dans un bureau. Il « n'eût pas considéré comme une élévation de travailler à heures fixes [...] , même au prix d'un traitement princier » (Duhamel). Travailler aux pièces. — Spécialt (1623) Voler. Pratiquer la prostitution.
3 ♦ (1859) S'exercer; effectuer un exercice. Acrobates qui travaillent sans filet. Le boxeur « travaillait avec régularité. Il portait ces coups durs, appuyés [...] des poids lourds » (Morand).
4 ♦ (XVIIe) Agir. Travailler pour qqn (⇒ servir) , contre qqn, contre ses intérêts (⇒ 2. desservir) . « La rapidité du temps, qui travaille autant contre nous que pour nous » (Mme de Sévigné). — Travailler pour le roi de Prusse.
5 ♦ (1675) Produire un revenu. Faire travailler l'argent. ⇒ produire, rendre.
6 ♦ (1723) Fonctionner pour la production. Industrie qui travaille pour une clientèle. Travailler à perte.
B ♦ (Choses) Subir une force, une action.
1 ♦ (1690) Subir une ou plusieurs forces (pression, traction, poussée) qui déforme. Cordage, poutre qui travaille. Panneau de bois qui travaille. ⇒ gondoler. Maçonnerie qui travaille, s'affaisse, se tasse.
♢ Fermenter, subir une action interne. Le vin travaille. La pâte travaille, lève.
2 ♦ Fig. (1721 ) Être agité. Son imagination, son esprit travaille.
♢ Fam. (Personnes) Travailler du chapeau : être fou. « Un homme comme lui, qui travaillait tellement de la tête, sans parler du chapeau » (Guilloux).
⊗ CONTR. Amuser (s'), chômer, flâner, 1. reposer (se).
● travailler verbe intransitif (latin populaire trepaliare, torturer, du bas latin trepalium, instrument de torture) Faire un effort soutenu pour obtenir un résultat : Travailler jour et nuit. Réaliser une production, produire : Entreprise qui travaille à perte. Avoir une profession, exercer un métier : Travailler dans les assurances. Étudier : Arrête de jouer, va travailler dans ta chambre. Servir, desservir quelqu'un, quelque chose : Le temps travaille pour nous. Effectuer un exercice : L'acrobate travaille sans filet. Fonctionner activement : Dans ce sport, tous les muscles travaillent. Déployer une grande activité : Son imagination travaille sur ce projet. Se déformer sous l'action de l'humidité, de la chaleur, du temps : Meuble qui a travaillé. En parlant d'une maçonnerie ou d'une charpente, se déformer sous l'effet des charges, poussées ou tractions subies. Subir l'effet de la fermentation : Vin qui travaille. Produire un revenu : Faire travailler son argent. ● travailler (citations) verbe intransitif (latin populaire trepaliare, torturer, du bas latin trepalium, instrument de torture) Marcel Achard Sainte-Foy-lès-Lyon 1899-Paris 1974 Académie française, 1959 J'ai trop d'énergie pour travailler. Domino, I, 9, Domino Gallimard Arthur Adamov Kislovodsk 1908-Paris 1970 Je n'aime pas travailler, mais j'admets que les autres travaillent. Le Ping-pong Gallimard Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 Il faut travailler, sinon par goût, au moins par désespoir, puisque, tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que s'amuser. Mon cœur mis à nu André Breton Tinchebray, Orne, 1896-Paris 1966 Rien ne sert d'être vivant, s'il faut que l'on travaille. Nadja Gallimard Henri Calet Paris 1903-Vence 1956 Pour que je travaille, il me faut m'enfermer à double tour dans l'ennui. Acteur et témoin Mercure de France Charles de Gaulle Lille 1890-Colombey-les-Deux-Églises 1970 La vie n'est pas le travail : travailler sans cesse rend fou. Propos recueillis par André Malraux dans Les Chênes qu'on abat Gallimard Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Travaillez, prenez de la peine : C'est le fonds qui manque le moins. Fables, le Laboureur et ses Enfants François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Travaillons sans raisonner, dit Martin, c'est le seul moyen de rendre la vie supportable. Candide Bible Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus. Saint Paul, Épître aux Thessaloniciens, IIe, III, 10 ● travailler (expressions) verbe intransitif (latin populaire trepaliare, torturer, du bas latin trepalium, instrument de torture) Travailler comme un cheval, comme un forçat, travailler beaucoup, durement. ● travailler (homonymes) verbe intransitif (latin populaire trepaliare, torturer, du bas latin trepalium, instrument de torture) ● travailler (synonymes) verbe intransitif (latin populaire trepaliare, torturer, du bas latin trepalium, instrument de torture) Avoir une profession, exercer un métier
Synonymes :
- bosser (populaire)
- boulonner (populaire)
Étudier
Synonymes :
- bûcher (familier)
- potasser (familier)
● travailler
verbe transitif
Soumettre quelque chose à une action, le façonner : Travailler le bois.
Chercher à donner à son style, à un texte des qualités esthétiques.
Populaire. Malmener quelqu'un, le battre : Boxeur qui travaille au corps son adversaire.
Chercher à approfondir la connaissance ou la maîtrise d'une discipline par l'étude, l'exercice : Cet enfant devra travailler les mathématiques.
Soumettre un geste, une aptitude à un entraînement afin de les développer : Joueur de tennis qui travaille son revers.
S'efforcer d'influencer quelqu'un, de l'amener à agir comme on le désire : Travailler les délégués afin de les convaincre.
Préoccuper ou faire souffrir quelqu'un : Ce problème me travaille depuis longtemps.
● travailler
verbe transitif indirect
Consacrer son activité, ses soins à quelque chose : Travailler à moderniser une entreprise.
Faire tous ses efforts pour obtenir quelque chose : Travailler à la perte de quelqu'un.
● travailler (expressions)
verbe transitif
Travailler un appareil, une sauce, y incorporer les substances qui doivent les composer, jusqu'à ce qu'elles soient bien amalgamées.
Travailler un cheval, l'exercer afin de le dresser ou de l'entraîner.
Travailler un poisson, le fatiguer quand il est au bout de la ligne.
Travailler une balle, lui donner beaucoup d'effet.
● travailler (homonymes)
verbe transitif
● travailler (synonymes)
verbe transitif
Soumettre quelque chose à une action, le façonner
Synonymes :
- façonner
Chercher à donner à son style, à un texte des...
Synonymes :
- fignoler
- lécher (familier)
- polir
- soigner
Chercher à approfondir la connaissance ou la maîtrise d'une discipline...
Synonymes :
- étudier
S'efforcer d'influencer quelqu'un, de l'amener à agir comme on le...
Synonymes :
- agiter
- exciter
Préoccuper ou faire souffrir quelqu'un
Synonymes :
- hanter
- obséder
- occuper
- préoccuper
- troubler
● travailler (citations)
verbe transitif indirect
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière
Paris 1622-Paris 1673
On voit qu'il se travaille à dire de bons mots.
Le Misanthrope, II, 4, Célimène
Blaise Pascal
Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662
Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.
Pensées, 347
Commentaire
Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée.
● travailler (homonymes)
verbe transitif indirect
● travailler (synonymes)
verbe transitif indirect
Faire tous ses efforts pour obtenir quelque chose
Synonymes :
- oeuvrer
- préparer
- tâcher
travailler
v.
rI./r v. intr. Faire un ouvrage; faire des efforts de manière suivie en vue d'obtenir un résultat.
d1./d Avoir une activité professionnelle, une occupation rémunérée. Il travaille tout en poursuivant ses études.
d2./d Avoir de l'occupation, se consacrer à une tâche. Ménagère qui travaille du matin au soir.
|| Faire des efforts pour se perfectionner, s'exercer.
d3./d (Choses) Fonctionner, produire. Usine qui travaille pour l'exportation.
— Faire travailler son imagination.
|| Faire travailler son argent, le placer de telle manière qu'il produise un revenu.
d4./d Travailler pour, contre (qqn, qqch): se donner de la peine pour faire réussir, faire échouer.
— Le temps travaille pour nous: plus le temps passe et mieux cela vaut pour nous.
— Fam. Travailler pour des prunes ou (Réunion) pour des brèdes: travailler pour rien, pour une bouchée de pain.
d5./d (Choses) être soumis à un travail (sens I, 3). Bois qui a travaillé.
d6./d (Abstrait) être agité. Depuis sa disparition, les esprits travaillent.
rII./r v. tr.
d1./d Façonner, soumettre à un travail (sens III, 2). Travailler le bois, la pâte.
d2./d Soigner, perfectionner. Travailler son style.
|| Chercher à acquérir la maîtrise de, consacrer ses efforts à. Travailler le piano. Travailler sa thèse.
d3./d Préoccuper. Ce problème le travaille.
d4./d Litt. Agiter, exciter à la révolte.
|| Soumettre à des pressions de manière à influencer. Travailler les esprits, l'opinion.
d5./d SPORT (En boxe.) Travailler l'adversaire au corps, l'user par des coups au corps.
rIII/r v. tr. indir. Travailler à (qqch): se donner de la peine pour (un ouvrage, un résultat). Travailler à un nouveau livre, à redresser la situation.
⇒TRAVAILLER, verbe
A. — Empl. intrans.
1. Qqn travaille
a) Exercer un effort continu en vue de produire ou de modifier quelque chose. Synon. pop., fam. bosser1, bûcher2, gratter, trimer, turbiner. Travailler vite, lentement, sans effort, d'arrache-pied, dur. V. acharnement ex. 6.
— [Dans le cadre d'une activité physique] La Louisiane est peut-être la colonie qui pourrait le plus se passer d'esclaves, puisque son climat permet davantage aux Européens de travailler eux-mêmes. Mais la traite est favorable aux Africains (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 109). C'était des morceaux de steppe glacée, des marais, des baraquements pourris où des hommes et des femmes travaillaient quatorze heures par jour pour six cents grammes de pain (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 297).
— [Dans le cadre d'une activité intellectuelle] Le tracas des publications, épreuves à corriger, lettres innombrables auxquelles il faut répondre, etc., etc. J'ai besoin pour travailler de solitude et de concentration sur une seule idée (HUGO, Corresp., 1863, p. 441). Montmartre fut la patrie des cafés dits célèbres (...). On travaillait, on rimait, on composait au café (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 44).
— En partic. Exercer une activité intellectuelle en vue d'apprendre, d'étudier. Te rappelles-tu comme j'ai travaillé l'année du concours de l'École? (NIZAN, Conspir., 1938, p. 226).
b) Exercer une activité, une compétence, un métier dans le but de gagner de l'argent. Travailler pour vivre, pour manger; travailler dans de bonnes, de mauvaises conditions. Semer le blé, cuire le pain, presser le vin, faire des enfants, les élever, travailler pour nourrir sa famille, voilà qui n'est pas du jeu (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 157):
• 1. ... je te prie de présenter mes baise-mains à ton épouse, quand tu la retrouveras. Va travailler, mon cher Michel, continua-t-il; va travailler, car nous avons besoin de travailler pour rétablir nos affaires; et ne travaille pas cependant jusqu'à te faire du mal.
NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 166.
♦ Travailler de ses mains. V. main 1re Section I B 1 a. Travailler comme un nègre. Travailler comme un cheval. Travailler comme un forçat.
— En partic. Exercer un métier, avoir une activité professionnelle. Travailler à l'année, à la journée, à temps complet, à temps plein, à mi-temps, à temps partiel, à domicile, en usine. Des Belges qui venaient travailler comme manœuvres du chemin de fer (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 206). Il reste des métiers d'homme. Mais si vous ne voulez rien ignorer de ceux réservés aux femmes, penchez-vous sur ce volume (...). Vous y apprendrez entre autres choses que (...) les sociologues arrivent à travailler à tiers temps après leur mariage (Le Point, 31 janv. 1977, p. 24, col. 3). Travailler en chambre.
♦ Travailler de son état de (vieilli). Exercer le métier de. Chacun travaillait de son état: les maçons aux murs, les terrassiers aux glacis, etc. (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 6). Travailler à/pour son compte. Exercer son métier en étant son propre patron. Je vais au premier jour le presser de me donner un état, et lui représenter que je suis en âge de travailler pour mon compte (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 57). Travailler à façon, à la chaîne, en linge, aux pièces (v. pièce).
— Arg. Exercer une activité lucrative répréhensible; en partic., voler ou se livrer à la prostitution. Les mêmes femmes que j'avais vues, l'après-midi, traîner en négligé, se pressaient maintenant, très parées, pour gagner les boulevards et les lieux où l'on « travaille » (LÉAUTAUD, Pt ami, 1903, p. 95). Cependant qu'une autre bande est mise hors d'état de nuire qui « travaillait » dans les draps de lit, les tissus de coton, la laine à tricoter, le cuir (L'Œuvre, 28 mai 1941).
c) ) Effectuer un exercice physique qui demande un effort. Travailler à la barre. Quel trapéziste travaillant actuellement dans le secret nous étonnera demain par quelque trouvaille imprévue (...)? (Arts et litt., 1935, p. 44-9).
♦ CIRQUE. Travailler sans filet. V. filet3.
— [Le suj. désigne une partie du corps] Les bras travaillent souples malgré la grande amplitude de leur mouvement (R. VUILLEMIN, Éduc. phys., 1941, p. 130).
) Travailler de. [Le compl. désigne une partie du corps] Se servir de, mettre en mouvement. Narcisse Belleau travaillant de la langue, des bras et des oreilles s'empara de deux brouettes (HAMP, Marée, 1908, p. 38). Raboliot ne se demande rien: il marche à travers bois, arrache les fils de laiton noirs à l'écheveau qui s'amincit, plie le genou, travaille des doigts (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 100). Au fig. Travailler du chapeau.
d) Développer une réflexion, faire des investigations. Travailler en collaboration, avec, sous la direction de, en commun. Pour des raisons pratiques il n'est pas toujours possible à l'historien de travailler directement sur les documents originaux (MARROU, Connaiss. hist., 1954, p. 120). Inversement, le fait que le folkloriste travaille dans le présent, et à l'intérieur de l'aire de la civilisation mécanique, ne saurait l'isoler de l'ethnologue (LÉVI-STRAUSS, Anthropol. struct., 1958, p. 113).
♦ [P. méton. du suj.] Mon imagination travaillant, je pensais à la jolie nouvelle qu'on pourrait faire avec la mort de cette jeune fille (GONCOURT, Journal, 1894, p. 657). Ainsi la linguistique travaille sans cesse sur des concepts forgés par les grammairiens (SAUSS. 1916, p. 153).
— En partic. Travailler pour/contre (qqn ou qqc.). Agir pour/contre l'intérêt de (quelqu'un ou quelque chose). Travailler pour l'ennemi, la France, la résistance. Je voulais agir seul, sans le secours d'aucun homme. Je travaillais pour l'humanité (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, III, 3, p. 185). Défendre Dreyfus c'était affirmer la bourgeoisie, défendre Sacco, défendre Tao, au nom de la justice, c'est travailler contre soi, c'est vouloir se détruire (NIZAN, Chiens garde, 1932, p. 231). Au fig. Le temps travaille pour/contre nous. Le temps qui passe nous est favorable/défavorable. Les capitaux dépendent en partie de notre effort, mais le temps travaille contre nous, en ce sens qu'il permet à d'autres pays de prendre une avance (PINEAU, S.N.C.F. et transp., 1950, p. 126).
♦ Travailler pour le roi de Prusse (fam.). V. roi I A 4 d.
e) [Qqn désigne un coll.]
) Avoir une activité de production de biens, de revenus. Travailler pour l'exportation. Actuellement deux sociétés françaises travaillent sous licence américaine (Industr. fr. caoutch., 1965, p. 42).
) Agir, s'activer. Selon Radcliffe-Brown, tout système social a une « unité fonctionnelle » qui peut être définie de la manière suivante: « la condition grâce à laquelle toutes les parties du système social travaillent ensemble avec un degré suffisant d'harmonie ou de cohésion — sans produire des conflits durables qui ne puissent être résolus ou contenus » (Traité sociol., 1967, p. 106).
2. Qqc. travaille.
a) [En parlant de capitaux] Produire des revenus. Je ne force personne, fait observer affablement un préteur à cent cinquante pour cent, mais j'ai des risques et il faut que l'argent travaille (BLOY, Lieux communs, 1902, p. 31).
b) Subir une modification, une déformation sous l'effet de facteurs naturels ou artificiels. On choisit ces plateaux bien exempts de fentes, de défauts, aussi secs que possible (...). Les ouvriers prétendent que dans ce cas le bois travaille moins (NOSBAN, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 39).
— En partic. [Qqc. désigne un aliment] Fermenter. Laissez faire le vin nouveau; Il travaille encore et fermente (NADAUD, Chansons, 1870, p. 284). [Qqc. désigne des couleurs] S'altérer avec le temps. (Dict. XIXe et XXe s.).
c) Supporter une charge, un poids, une traction. Des structures autoportantes analogues à celles que l'on peut réaliser avec le béton — systèmes travaillant à la manière des dalles (CAMPREDON, Bois, 1948, p. 123). On s'aperçoit bien vite que celle-ci [la roue] repose sur l'arbre: donc l'arbre travaille à la flexion en même temps qu'il est moteur; en cas de rupture, on risque de perdre la roue (CHAPELAIN, Techn. automob., 1956, p. 194).
d) [En parlant d'un mécanisme d'un moteur] Être en mouvement, fonctionner. Il pointa sa trique vers le haut de la côte où travaillait un moulin à six ailes (HAMP, Champagne, 1909, p. 113). Nous avons montré (...) l'évolution relativement lente de la technique du tissage et avons souligné que le métier à tisser travaillait encore actuellement suivant ces principes (THIÉBAUT, Fabric. tissus, 1961, p. 169).
♦ Travailler en continu. Fonctionner sans arrêt. L'automatisme par commandes réactionnelles n'est pas une caractéristique des machines travaillant en continu (COUFFIGNAL, Mach. penser, 1964, p. 61).
B. — Empl. trans.
1. Qqc. travaille qqn
a) Vx. Torturer. (Dict. XIXe et XXe s.).
b) Soumettre à une souffrance physique. Le marquis se faisait vieux; la goutte le travaillait sourdement (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 231).
c) Soumettre à une souffrance morale. Tous hommes d'honneur et de ferme caractère, de passions fortes, et cependant d'apparence simple, froide et réservée. L'ambition, l'amour, le jeu, la haine, la jalousie, les travaillaient sourdement; mais ils ne parlaient qu'à peine, et détournaient tout propos trop direct et prêt à toucher le point saignant de leur cœur (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 135).
d) Causer des troubles, du souci; tourmenter. Une transformation profonde travaille aujourd'hui les peuples allemands (QUINET, All. et Ital., 1836, p. 87). Madeleine, tu ensorcellerais n'importe qui. Il n'y a qu'un point qui m'inquiète, qui me travaille (COCTEAU, Parents, 1938, II, 1, p. 233).
— [P. méton. du compl. d'obj. dir.] Cette boisson douce et traîtresse travaillait la cervelle affaiblie de tous ces gens (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 233).
2. Qqn1 travaille qqn2
a) Battre. Ceux qui [à Épidaphné] travaillent la populace à coups de bâton, — sont les principaux courtisans du palais (BAUDEL., Nouv. Hist. extr., 1857, p. 279). P. méton. Travailler les côtes (à qqn). Si tu t'avisais d'endommager Baptiste en quelque façon, c'est moi qui te travaillerais les côtes (FABRE, Barnabé, 1875, p. 114).
— BOXE. Travailler qqn au corps.
b) Soumettre à des influences, des pressions pour convaincre. Bah! reprit Trouche, ce ne serait pas facile de les faire déguerpir (...). J'ai envie de travailler la propriétaire; je lui conterai des histoires, pour les faire flanquer à la porte (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 1196). Travaillez-les, rendez-les fous de rage, mettez le trouble partout (SARTRE, Diable et Bon Dieu, 1951, II, 4, p. 129).
— Empl. pronom. réfl. Vous partez d'un franc éclat de rire, à l'idée de ce Mathiez se travaillant pour ne nuire que le moins possible à cette brave classe dominante (L. FEBVRE, Contre les juges Josaphat, [1948] ds Combats, 1953, p. 110).
— [P. méton. du compl. d'obj. dir.] Ce travail préparatoire dura plus d'un an; il fallait attendre de nouvelles élections. Enfin, le jour critique arriva. Depuis deux mois, Malvina travaillait les esprits du voisinage (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 163). Son frère aîné, qui travaillait l'opinion dans un département du Midi, s'était fait blackbouler (GIDE, Si le grain, 1924, p. 470).
— En partic. [Qqn2 désigne un coll.] Convaincre pour inciter à la rébellion, à la révolte. Ils s'agitaient beaucoup, lançaient des manifestes, des pamphlets, des biographies; celle de Fumichon par Hussonnet fut un chef-d'œuvre. Nonancourt s'occupait de la propagande dans les campagnes, M. de Grémonville travaillait le clergé, Martinon ralliait de jeunes bourgeois (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 206).
3. Qqn travaille qqc.
a) [Qqc. désigne un inanimé concr.; corresp. à travail II C 3] Soumettre à une série d'actions, à un travail pour obtenir le résultat souhaité. Travailler le bois, la pierre; travailler (un métal) à chaud, à froid. Lorilleux (...) était très vaniteux de travailler l'or, il en voyait comme un reflet sur ses doigts et sur toute sa personne (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 453).
— Empl. pronom. passif. Le verre Pyrex exige le chalumeau alimenté par l'oxygène pour pouvoir se travailler avec souplesse (Cl. DUVAL, Verre, 1966, p. 111).
— [P. méton. du suj.] [Les] arts qui travaillent le bois, la pierre, ou les os d'animaux, qui préparent les peaux, et qui forment des tissus (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 37).
— Travailler la terre. Lui faire subir une suite d'opérations afin de la rendre fertile. Ceux qui vont de grand matin pêcher, travailler la terre, ou ramasser des broussailles sur les montagnes voisines (DUSAULX, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 190).
— Travailler la vigne. S'occuper de la vigne pour la rendre productive. Les prisonniers travaillaient la vigne pour le compte d'une grande entreprise, sous une surveillance militaire (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 256).
— CUIS. Travailler une pâte, une sauce. Remuer pour incorporer les ingrédients. Travaillez cette pâte quelques minutes, en la battant avec le plat de la main, ensuite vous y mêlez le levain qui sera levé à point; vous la travaillez ensuite quelques minutes, afin de la rendre élastique et veloutée (Gdes heures cuis. fr., Carême, 1833, p. 150).
b) [Qqc. appartient au domaine intellectuel, artist.]
) Chercher à acquérir la connaissance ou la maîtrise de quelque chose par l'étude, l'exercice. Synon. fam. bosser1, bûcher2, chiader, potasser. Travailler ses maths, son anglais. Il faut avoir un carnet pour aller au Louvre et travailler l'histoire de la peinture plus sérieusement que je ne l'ai fait jusqu'alors (GIDE, Journal, 1893, p. 35). J'emploie cette carte pour t'écrire un petit mot. Travaille ton oral sans inquiétude. J'ai rêvé que tu passerais. Je veux que tu passes (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 145).
— [P. méton. du compl. d'obj. dir.] Travailler un instrument. Sais-tu si Léo a un peu de temps pour travailler son piano? Il ne doit pas négliger un don qui est extraordinaire (COLETTE, Sido, 1929, p. 142).
) Consacrer des efforts à améliorer, perfectionner. Travailler sa démarche, sa voix. [Loïs Masson] enfle son style et le travaille pour retrouver le ton de Bernanos (MAURIAC, Journal 4, 1950, p. 188):
• 2. « Tiens-toi droit! » ou « Mets tes mains sur la table ». Il lui répondait quelque grossièreté, ce qui ne l'empêchait pas de travailler son profil devant la glace. L'année précédente, elle imagina de dormir, une pince à linge sur le nez, pour obtenir un profil grec.
COCTEAU, Enfants, 1929, p. 68.
c) [Qqc. appartient au domaine sportif] Faire régulièrement des exercices pour devenir meilleur. On ne sait pas ce qui peut arriver (...) Je travaille tous les jours la boxe et le bâton (A. FRANCE, Bergeret, 1901, p. 337). Vous avez jamais travaillé les haltères, vous. On se figure que les poids, c'est brutal, c'est inerte (ARNOUX, Paris, 1939, p. 214).
— TENNIS, PING-PONG. Travailler la balle. ,,La frapper en lui imprimant un effet de rebond qui déroute l'adversaire`` (PETIOT 1982).
d) [Qqc. désigne un animal] Soumettre à certains exercices pour dresser, entraîner. Travailler des chevaux de course sur des pistes d'entraînement.. En partic. Travailler le taureau. Le soumettre aux exercices nécessaires à la pratique de la corrida. Dans dix ans, Alban reviendra ici travailler encore les taureaux, ayant à son côté une compagne (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 509).
4. Qqc. travaille qqc. Modifier, faire évoluer. Ainsi, le système actuel de la propriété foncière est travaillé par des causes profondes de révolution (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 11).
5. Empl. trans. ind. Qqn/qqc. travaille à/pour
a) Travailler à + subst.
) Consacrer des efforts, du temps, à la réalisation de. Travailler à un article, une broderie, un ouvrage; travailler aux barricades, aux fortifications. Pendant l'après-midi elle dut travailler au maillot de laine qu'elle voulait offrir à son père pour le jour de l'an (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 123):
• 3. On sent facilement que cette vie avait dû me déranger un peu, et que souvent je n'étais pas très exact à venir travailler au dictionnaire. Rivarol, un matin, me le fit sentir avec une aigreur marquée. De mon côté, je répondis avec humeur, cependant, je me remis au travail, mais le travail fut silencieux, les communications sèches et froides.
CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1822, p. 120.
) Agir en faveur de. Si le devoir du mari est de travailler au bonheur de la société, le devoir de la femme consiste à ne s'occuper que du bonheur de sa famille (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 335). Ainsi la loi travaille doublement à la dispersion, au morcellement de la fortune du père (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 208).
b) Travailler à + inf. Développer une activité continue en vue de. Chaque nouveau système d'organes acquis, se conserve toujours dans les organisations subséquentes; mais la nature travaille ensuite à le perfectionner de plus en plus (LAMARCK, Philos. zool., t. 2, 1809, p. 158). Les archivistes, parce qu'ils sont eux-mêmes des historiens, entendent travailler à développer dans le public le « sens historique » (Hist. et ses méth., 1961, p. 1161).
c) Travailler pour que + subj. Agir pour. Notre union est le seul moyen d'en finir avec [le régime de pouvoir personnel] (...) Inlassablement et sans la moindre équivoque, nous travaillons pour qu'elle se fasse (L'Humanité, 13 mars 1967).
REM. Travaillant, -ante, part. prés., adj. et subst. masc. a) Adj. Qui travaille. Les pièces travaillantes [des houes] sont des dents cintrées lorsqu'il s'agit simplement d'ameublir le sol et de détruire les racines des plantes adventices (BRUNET, Matér. vitic., 1909, p. 145). Surfaces travaillantes. Surface supérieure et surface inférieure des meules qui écrasent les matières à moudre. (Ds LITTRÉ, Lar. Lang. fr., ROB. 1985). b) Subst. masc., rare, région. (Québec). Personne qui travaille. C'était un bon garçon, un travaillant, et je l'aimais bien (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 144). Angélina lui demanda:— De quoi c'est que t'as à te plaindre de lui s'il est si bon travaillant? (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 38).
Prononc. et Orth.:[], (il) travaille [-vaj]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Trans. A. 1. « tourmenter, faire souffrir moralement » a) ca 1100 d'une personne (Roland, éd. J. Bédier, 380); b) ca 1176 d'un inanimé abstr. (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 4527: Ensi travaille Amors Fenice, Mes cist travauz li est delice, Qu'ele ne puet estre lassee); 2. ca 1176 « soumettre physiquement à une action pénible, fatiguer » (ID., ibid., 3323: Molt fu la poisons bien confite Qui si le travaille et demainne); 3. ca 1180 traveillier « torturer, martyriser » (Hist. Joseph, 1007 ds T.-L.); 4. 1397 travaillier « dresser, exercer » ici, un chien (GACE DE LA BUIGNE, Deduis, éd. Å. Blomqvist, 6735); 5. 1792 arg. travailler le casaquin « rouer de coups » ici, p. métaph. ([Le Père Duchêne de la rue Pavée] Billet doux du Père Duchêne, p. 1 ds QUEM. DDL t. 32, s.v. pisse-froid); 1793 travailler les côtelettes « id. » au propre (LOMBARD DE LANGRES ds LARCH. 1872, s.v. casaquin). B. Ca 1165 pronom. réfl. « se donner de la peine, s'efforcer » (Grant mal fist Adam, éd. W. Suchier, 87, 5). C. 1. Ca 1200 « soumettre une matière, une chose, à une action destinée à en modifier la forme ou les propriétés » (Poème moral, éd. A. Bayot, 1246: Bien savoit Ke lo lin, dont home vult cansil faire, Covient mut travilhier, batre, trieleir et traire); 2. 1599 « soumettre à un travail de remaniement, de correction, pour améliorer ou atteindre l'effet souhaité » ici, au part. passé (AMYOT, Vies des hommes illustres, Timoléon, 47 ds LITTRÉ [t. 1, p. 561 ds l'éd. G. Walter]: La poésie d'Antimachus et la peinture de Dyonisius sont bien pleines de nerfs et de vigueur; mais on voit incontinent, que ce sont choses travaillées et faittes avec peine et labeur); 3. 1847 « soumettre à l'exercice (une partie du corps) pour améliorer son efficacité » (BALZAC, Splend. et mis., p. 235: Le chanteur travaille son larynx); 4. 1875 « essayer d'acquérir une connaissance par l'étude » (ZOLA, Faute Abbé Mouret, p. 1302). D. Trans. indir. 1. XIIIe s. travaillier à + inf. « s'efforcer de » (VILLEHARDOUIN, Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, 90, var. mss CD); 2. 1384-85 travailler à qqc. « pratiquer son métier sur quelque chose » (DEHAISNES, Doc. [...] concernant l'hist. de l'art dans la Flandre, t. 2, p. 604 ds GEMMINGEN Arbeit, p. 112). II. Intrans. 1. 1re moit. XIIe s. « être en peine, s'épuiser » (Psautier Cambridge, 6, 6 ds T.-L.); 2. ca 1165 « être dans les douleurs de l'enfantement » (Guillaume d'Angleterre, éd. A. J. Holden, 454); 3. ca 1200 « exercer une activité qui demande un effort » (Poème moral, 235); XIIIe s. travailler en une vigne (Sermons poit., 42 ds T.-L.); 1534 « exercer une activité assurant la subsistance » (doc. ds H. HAUSER, Ouvriers du temps passé, XVe-XVIe s., p. 63 ds GEMMINGEN Arbeit, p. 115); 1581 faire travailler « embaucher, employer » (doc. ds R. DE LESPINASSE, Les métiers et corporations de la ville de Paris, t. 3, p. 377, ibid., p. 114); 4. 1675 « produire des revenus » (de l'argent) (Mme DE SÉVIGNÉ, lettre 13 nov. ds Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 159); 5. 1690 « subir une force, une action » (d'un objet, d'une matière, d'une substance) (FUR.); 6. 1721 au fig. « être en effervescence » (MONTESQUIEU, Lettres persanes, p. 98: Mon esprit travaille depuis deux jours). D'un lat. vulg. tripaliare « torturer », dér. de tripalium (travail2). Contrairement à l'évol. de travail1, le passage de « se donner de la peine » à « exercer une activité utile, en partic. un métier » s'est fait très progressivement, sans rupture et a été facilité par l'homon. partielle d'ouvrer avec ouvrir, ce qui a entraîné à partir du XVIIe s. la disparition d'ouvrer dans ce sens au profit de travailler. FEW t. 13, 2, p. 291; GEMMINGEN Arbeit, pp. 112-119. Fréq. abs. littér.:12 361. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 13 106, b) 20 163; XXe s.: a) 19 486, b) 18 863.
DÉR. Travailloter, verbe intrans., fam. Travailler mollement, sans mettre beaucoup d'énergie à la tâche qu'on exécute. Travailloté jusqu'au dîner. Après dîner, lu à Em. les quelques premières pages de La Porte Étroite (GIDE, Journal, 1906, p. 213). — [], (il) travaillote [-]. — 1re attest. 1865 (LABICHE et DELACOUR, L'homme qui manque le coche, Paris, Dentu, p. 6); de travailler, suff. -oter.
BBG. — CHAUTARD Vie étrange Argot 1931, p. 299. — GOUG. Mots. t. 1. 1962, pp. 201-203. — GRAY (L. H.). Six romance etymologies... Rom. R. 1942, t. 33, p. 163. — OSTRÁ (R.). Struct. du signe ling. et chang. sém. Beitr. rom. Philol. 1972, t. 11, n° 1, p. 127. — QUEM. DDL t. 1, 16, 27, 28, 32.
travailler [tʀavaje] v.
ÉTYM. 1080, v. tr., « faire souffrir »; nombreux emplois dér. de ce sens en anc. franç. « battre, blesser, molester, tourmenter » (qqn), « endommager, dévaster » (qqch.); aussi intrans. « souffrir, accoucher » (→ 1. Travail); du lat. pop. tripaliare « torturer, tourmenter avec le tripalium ». → 2. Travail; p.-ê. croisé avec un roman trabaculare, de trabicula « petite poutre », de trabes « poutre » (P. Guiraud).
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I V. tr.
1 Vx (sauf dans quelques emplois). Faire souffrir, tourmenter, torturer. ⇒ Gêner. — Vx. || Les persécutions (cit. 1) qui travaillent l'Église.
1 Jésus-Christ n'a point eu où se reposer sur la terre qu'au sépulcre. Ses ennemis n'ont cessé de le travailler qu'au sépulcre.
Pascal, Pensées, VII, 552.
♦ Littér. (Sujet n. de chose). Causer une souffrance, une gêne physique à qqn. || La maladie, la fièvre le travaille. — Une sourde inquiétude la travaille (→ Apurer, cit. 2). — Cour. Causer du souci à, inquiéter en obsédant. ⇒ Tracasser. || Être travaillé d'un désir (→ Moscovite, cit. 2), par un désir, une envie… (→ aussi Joueur, cit. 6). || Son cœur était travaillé par le désespoir (→ Envie, cit. 35).
2 (…) notre malade (…) est (…) attaqué, affecté, possédé, travaillé de cette sorte de folie (…)
Molière, Pourceaugnac, I, 8.
3 (…) Fouan ne put rester au lit, tellement ce qu'il avait vu lui travaillait le crâne.
Zola, la Terre, IV, IV.
4 Vieux squelettes gelés travaillés par le ver (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Tableaux parisiens », C.
5 Il se reconnut travaillé et tourmenté d'irrésistibles envies de contradiction et de méchantes paroles, d'irritabilités hargneuses et de mauvaise foi (…)
Ed. et J. de Goncourt, Sœur Philomène, XLIV.
6 La goutte me travaille les membres. C'est là encore une des malices du temps.
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, V, p. 427.
♦ Par ext. Sans idée de peine, de douleur. ⇒ Occuper, préoccuper, troubler. — Vx. || « Et de tous les pensers qui travaillent son âme » (Malherbe, in Littré). || Travailler l'esprit. ⇒ Agiter. — Mod. Fam. || Ça le travaille, cette histoire.
7 Cette pensée le travaillait encore, le soir, quand il se trouva à table avec toute sa famille (…)
R. Rolland, Jean-Christophe, L'aube, II, p. 53.
2 (1798). Littér. Rendre troublé, agité. ⇒ Agiter, exciter. || Travailler les esprits, les pousser au mécontentement, à la révolte (→ ci-dessous, B., 5.).
8 La minorité de la Noblesse, hommes d'ambition et de bruit, les Lameth et les Duport, travaillaient le peuple par leurs brochures, par leurs agents.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., I, V.
3 (1931). Fam. Battre, malmener. || Travailler les côtes à quelqu'un (Littré). || Si un flic (cit. 3) me travaille, je me dégonfle. — ☑ (1931, in Petiot). Boxe. Travailler son adversaire au corps. Fig. Il a fallu le travailler au corps pour qu'il accepte, le solliciter de manière pressante en insistant longuement.
8.1 « Est-il exact, lui demande son avocat, qu'on vous ait “travaillé” votre jambe cassée ? » Oui, il assure que les gendarmes lui donnaient de petits coups de pied dans le talon de la jambe blessée.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 157.
♦ Absolument :
8.2 Au troisième round ils travaillent au corps tous les deux.
R. Queneau, Loin de Rueil, p. 59.
B (XVIe, Amyot, « choses travaillées et faites avec peine et labeur »). Mod. (Compl. n. de chose). Modifier par le travail (II.).
1 Soumettre à une action suivie, pour donner forme (ou changer de forme), rendre plus utile ou utilisable. || Travailler la matière, une matière première. ⇒ Élaborer (→ Artisan, cit. 4). || Travailler le marbre au ciseau. ⇒ Ciseler. || Travailler un morceau de fer (→ Maréchal, cit. 1). ⇒ Façonner. || Travailler les métaux, à chaud, à froid… (1767, in D. D. L.). || Le boulanger travaille la farine, la pâte, pour faire le pain. ⇒ Fatiguer, remuer, touiller. — Travailler la terre. ⇒ Cultiver; → Argile, cit. 4. — Par anal. (et avec infl. du sens A « tourmenter »). || « Le chalutier (cit.) travaille la mer ».
9 (Il) travaille une poutre : Il est charpentier (…)
La Bruyère, les Caractères, XII, 20.
10 Ils disaient plus simplement : J'va travailler la vigne. Tout ce qu'on faisait à la vigne s'appelait travailler.
Ch. Péguy, Victor-Marie, comte Hugo, p. 25.
2 (1636). Soumettre à un travail intellectuel pour améliorer. || Travailler son style (⇒ Aiguiser, ciseler, fouiller, peigner), ses phrases. || Travailler son ouvrage (cit. 15).
11 Quelque soin que j'ai pris pour travailler cette tragédie (…)
Racine, Britannicus, Première préface.
12 Ursus, on s'en souvient, avait fait de Gwynplaine son élève. Des inconnus avaient travaillé le visage. Il avait lui, travaillé l'intelligence, et derrière ce masque si bien réussi il avait mis le plus qu'il avait pu de pensée.
Hugo, l'Homme qui rit, II, II, VIII.
13 (Elle) regardait pendant de longues soirées son mari travailler des phrases. Elle haussait les épaules à la vue de ses hésitations, de sa manière furieuse de mâcher son porte-plume, de ses ratures de lignes entières, de ses surcharges encore biffées, de ses renvois barrés de lignes d'encre (…)
Huysmans, En ménage, IV.
3 (1893). Chercher à acquérir par l'exercice, l'étude, la connaissance ou la pratique de (une science, une technique). || Travailler la philosophie (→ Licence, cit. 5), les sciences. ⇒ Bûcher, piocher, potasser. || Travailler un sujet, une technique, une discipline. (⇒ Cultiver). — Travailler un morceau de piano, une étude (cit. 47) de Chopin. Par ext. || Travailler son piano. — Sports. || Coureurs de relais (2. Relais, cit. 3) qui travaillent les reprises. || Travailler son revers (au tennis), son battement de jambes (à la nage).
13.1 Grimpé sur les ruines du premier étage, il travaille donc son allemand. Il apprend par cœur une liste de mots, mais sa mémoire est peu vaillante; il peine et se voit obligé de répéter cent cinq et des fois un même substantif avant de se l'incruster dans le souvenir. Encore l'a-t-il oublié le lendemain.
R. Queneau, le Chiendent, p. 350.
4 (1373). Soumettre à un exercice, à un entraînement. || Travailler un cheval. ⇒ Manier. — Travailler le taureau, lui faire accomplir les mouvements requis par les règles de la corrida.
13.2 Aussi ne fut-il pas trop surpris par ce spadassin (le taureau), et il le travailla prudemment, lui donnant la sortie très large et ne faisant que le nécessaire pour fixer ses premiers ébats brouillons (…)
Montherlant, les Bestiaires, p. 104.
5 (1798). Soumettre à des influences concertées, de manière à faire agir de telle ou telle façon. || Travailler l'opinion (→ Blackbouler, cit. 1).
6 (Tennis, ping-pong). || Travailler une balle, la couper, la lifter, etc., pour que le rebond surprenne l'adversaire.
7 Trans. ind. (V. 1207, suivi d'un inf.). || Travailler à… (suivi d'un compl. ou de l'inf.) : faire tous ses efforts pour obtenir (un résultat), en vue de. || Travailler à son renom (cit. 3), au renversement (cit. 4) de la monarchie (→ aussi Contribuer, cit. 1; espoir, cit. 3), à la perte de quelqu'un. (Suivi de l'inf.) ⇒ Efforcer (s'), tâcher, tendre (à). → Affaiblir, cit. 8; façonner, cit. 17; iniquité, cit. 7. || « Notre mauvais génie travaillait à nous perdre » (→ Glaive, cit. 3).
14 Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.
Pascal, Pensées, VI, 347.
15 Les vrais grands ministres sont ceux qui travaillent aux événements de leur siècle en hommes qui sauraient au besoin travailler à ses idées.
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, Tas de pierres, V.
♦ Consacrer son activité, apporter ses soins à (un ouvrage). || Il travaille à un exposé qu'il doit faire le mois prochain. ⇒ Préparer. || Travailler à l'œuvre commune. ⇒ Collaborer. — Travailler à des additions (→ Attendre, cit. 88), à la réédition d'un ouvrage.
———
II V. intr. (« souffrir », XIIe, et, spécialt, « être dans les douleurs de l'accouchement », emplois correspondant au sens I de travail, et de travailler, complètement disparus en franç. mod., en parlant des personnes).
1 (1538; remplace ouvrer). Agir d'une manière suivie, avec plus ou moins d'effort, pour obtenir un résultat utile. ⇒ Besogner (vx), labourer (vx), ouvrer (vx), tâcher (littér.); fam. bosser, boulonner, bûcher, buriner (vx), chiader, gratter, marner, trimer, turbiner (→ Fatiguer, cit. 23; imaginaire, cit. 1; inégalité, cit. 6; 1. reposer, cit. 13). || « Travaillez, prenez de la peine » (→ Fonds, cit. 5). || Travailler est un devoir (→ Fripon, cit. 3). || « Travailler est moins ennuyeux que s'amuser » (cit. 13). || Se mettre à, s'arrêter de, recommencer à travailler. ⇒ Retravailler. || Travailler avec acharnement (cit. 3), d'arrache-pied, avec cœur, courage (→ Labourer, cit. 3), opiniâtreté (→ Avoir du cœur à l'ouvrage, et aussi ne pas bouder l'ouvrage, en mettre un coup, prendre de la peine). ⇒ Abattre (de la besogne). ☑ Travailler comme un esclave, un forçat, un galérien, un mercenaire, un nègre (→ Férule, cit. 2); travailler comme un bœuf, un cheval, une bête de somme, comme une bête : travailler à des ouvrages pénibles, en se fatiguant beaucoup. ⇒ Crever (se crever de travail), fatiguer (se), suer. || Travailler dur (→ Fainéant, cit. 3). || Travailler lentement (⇒ Chipoter), mal (⇒ Bousiller, gâcher…). || Vous travaillez dans la perfection (→ Perler, cit. 4), à la perfection. || Travailler doucement, mollement, sans se presser. ⇒ Travailloter. || Travailler sans goût, par devoir. || Ne pas travailler, refuser de travailler (→ Ne pas en ficher un coup, une rame, une secousse). ⇒ Faire, ficher, et aussi (fam.) glander.
♦ Travailler de ses mains (cit. 78), manuellement, à un travail manuel (→ aussi Mettre la main à la pâte). || Travailler intellectuellement. || Travailler pour amasser (cit. 4 et 5), pour gagner de l'argent, pour vivre (→ Paresseux, cit. 1, et ci-dessous, 2., les emplois spéciaux). || Travailler à un ouvrage (⇒ Exécuter, faire), à sarcler (cit. 4) des pois. — Faire travailler qqn. || Il le fait travailler dur. || Faire travailler qqn en l'exploitant. → (fam.) Faire suer le burnous. — ☑ Allus. bibl. Les lis (1. Lis, cit. 1) des champs ne filent ni ne travaillent.
16 Se charger du soin d'un ménage, de la salubrité et de la propreté d'une maison, de la confection des aliments communs, de l'entretien d'un jardin ou d'une écurie, c'est travailler, fonctionner, ce n'est pas servir.
G. Sand, Histoire de ma vie, III, VI.
17 Travailler, c'est imposer aux matériaux et aux êtres donnés par la nature des transformations ou déplacements qui les rendent plus utiles ou plus beaux; c'est aussi étudier les lois de ces transformations, les préparer ou les diriger.
A. Maurois, Un art de vivre, III, Avant-propos.
♦ (Animaux). || Les castors travaillent en groupes. || Insectes (cit. 2) qui travaillent dans l'obscurité.
♦ Spécialt. (En parlant d'un travail intellectuel). ⇒ Écrire (cit. 30), œuvrer (→ Difficulté, cit. 11; élimination, cit. 1; 1. muse, cit. 9; nuit, cit. 43; œuvre, cit. 15). || Travailler lentement (→ Expéditif, cit. 4), vite, facilement, sans effort… || « Travaillez à loisir… » (cit. 6, Boileau). || Travailler dans un genre (→ Épopée, cit. 1).
18 Pour acquérir un nom maintenant, il faut travailler vite, beaucoup et sans relâche, et très bien car le public devient de plus en plus exigeant et difficile.
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre…, Gavarni, I.
19 Je travaille savamment, longuement, avec des attentes infinies des moments les plus précieux; avec des choix jamais achevés; avec mon oreille, avec ma vision, avec ma mémoire, avec mon ardeur, avec ma langueur; je travaille mon travail, je passe par le désert, par l'abondance, par Sinaï, par Chanaan, par Capoue, je connais le temps du trop, et le temps de l'épuration, pour faire de mon mieux quelque chose dont je sais que ce sera rien, sujet d'ennui, d'oubli, d'incompréhension (…)
Valéry, Rhumbs, p. 277.
♦ Faire des exercices intellectuels (au cours des études). ⇒ Apprendre, étudier (→ Étude, cit. 6; examen, cit. 15; passe-temps, cit. 4). || Finis de jouer et va travailler ! || Enfant surmené, qui travaille trop. || Il travaille bien en classe; il ne travaille pas. ⇒ Ficher, foutre.
20 François travaille à préparer son examen… Fieschi, tiens, en voilà un qui ne travaille pas en ce moment ! Pascal non plus n'aurait pas eu besoin de réviser. En ce moment, même Lévêque boulonne, Darseval bosse, Vigerie gratte, Mollard chiade, Cayrolle rupine — chacun son mot familier.
G. Cesbron, Notre prison est un royaume, XI, p. 307-308.
♦ Par ext. || Esprit qui travaille en surface (cit. 2). || Pensée qui travaille à tâtons (cit. 2). || Faire travailler sa matière (cit. 9) grise.
21 Les abeilles ne travaillent que dans l'obscurité, la pensée ne travaille que dans le silence, et la vertu dans le secret (…)
Maeterlinck, le Trésor des humbles, I.
2 (1690). Exercer une activité professionnelle, un métier (→ Aumône, cit. 7; métier, cit. 18; perdre, cit. 48). ⇒ Bosser, boulonner. || Le droit de travailler (→ Primordial, cit. 3). || Les jeunes femmes qui travaillent (→ Misogyne, cit.). || Commencer à travailler à seize ans, à vingt ans (→ Gagner sa vie, [fam.] gagner sa croûte, son bifteck, son bœuf, son entrecôte). || Faire travailler des ouvriers, du personnel. ⇒ Embaucher, employer, engager. — Travailler en horlogerie (→ Doigt, cit. 18), en linge (→ Hôtesse, cit. 4). || Travailler dans l'édition, dans l'agro-alimentaire. || Blanchisseuse qui travaille en gros et en fin. || Travailler pour un entrepreneur, un patron (→ Apprentissage, cit. 4), pour son propre compte. ⇒ Profession. || Travailler à la mine (2. Mine, cit. 5), au fond (cit. 13); en usine, à l'atelier (⇒ Ouvrier); || aux champs (⇒ Paysan); || dans un bureau (⇒ Employé). || Travailler en chambre, à domicile. — Travailler de jour, de nuit, à heures fixes (→ Élévation, cit. 6). || Travailler à plein temps, à temps partiel. || Travailler par nécessité. || Travailler aux pièces, à la tâche. || Travailler en continu, par équipes. ⇒ Trois-huit (faire les).
22 Le grain est d'une cherté ! Point de vin ! Encore si l'on trouvait à travailler; mais les riches se retranchent; les pauvres gens ne font rien (…)
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 519.
23 Le plus sage dans la vie c'est de se la couler douce. Nous ne sommes pas des bêtes de peine, mais des hommes. Quand on naît pauvre, il faut travailler; eh bien ! tant pis, on travaille; mais quand on a des rentes, sacristi ! il faudrait être jobard pour s'esquinter le tempérament.
Maupassant, Pierre et Jean, III.
24 Cela le change tellement, il travaille. Entre nous, je n'en suis pas fâchée. Aujourd'hui un jeune homme doit gagner son pain. Édouard qui n'a jamais rien fait de sa vie (…)
Aragon, les Cloches de Bâle, I, III.
♦ (1623). Argot. Exercer une activité profitable tolérée ou interdite par la société. — Spécialt. Voler. Pratiquer la prostitution.
25 Elle s'appelait Julienne, mais il paraît que pour le travail Maridge c'était mieux (…) alors Maridge a commencé à travailler pour moi.
J. Cau, la Pitié de Dieu, p. 46.
3 (1859). S'exercer; effectuer un exercice. || Acrobates qui travaillent sans filet (cit. 14). — Boxeur qui travaille avec un partenaire, au punching-ball (→ Knock-out, cit. 1; poids, cit. 10).
4 (1669). Sujet n. de personne ou de chose. Agir. || Travailler pour qqn, à son profit (⇒ Servir), contre qqn, contre ses intérêts (⇒ Desservir). || Le temps travaille autant contre nous que pour nous (→ Emmener, cit. 1). — ☑ Loc. prov. Travailler pour le roi de Prusse.
5 (1683, Mme de Sévigné; cf. au XVIe, « un fonds qui travaille en blés, en vins », O. de Serres). Sujet n. de chose. Produire un revenu. || Faire travailler l'argent. ⇒ Produire, rendre, (fig.) suer.
6 (Sujet n. de chose). Effectuer un travail (II., C., 2.) utile. || Machine, moteur qui travaille. — Fonctionner :
26 Il y avait là un hangar où la guillotine était toujours dressée. Les étrangers se rangeaient autour et on la faisait travailler. On guillotinait des bottes de foin.
Hugo, Choses vues, I, 1846, Visite à la Conciergerie.
7 (1723). Le sujet désigne une entreprise, une force productive. Fonctionner pour la production. || Les forges (cit. 7, Raynal) qui travaillaient en Angleterre. || Industrie qui travaille pour une clientèle, pour les masses (→ Produit, cit. 6). || Travailler à perte, en dessous du prix de revient.
B (Sujet n. de chose). Subir une force, une action.
1 (1690). Subir une ou plusieurs forces (pression, traction, poussée…) et se déformer sous une telle action. || Cordage, poutre, étai qui travaille. || Panneau de bois qui travaille. ⇒ Déformer (se), gondoler. || Navire qui travaille par grosse mer. ⇒ Fatiguer (v. intrans.).
27 1o En architecture, on dit qu'une maçonnerie travaille quand elle éprouve un tassement présageant sa ruine : c'est le cas d'un mur qui boucle, d'un plancher qui s'affaisse; 2o En menuiserie et en ébénisterie, un panneau, un assemblage, un meuble travaillent quand ils se disjoignent ou gauchissent sous l'influence de la température; 3o Ce mot est également d'usage courant en peinture où l'on dit que les couleurs à l'huile travaillent quand elles changent de ton sous l'action du temps ou des conditions atmosphériques.
Louis Réau, Dict. d'art et d'archéologie, art. Travailler.
♦ Fermenter, subir une action interne. || Le vin travaille. || La pâte travaille, elle lève. — Par métaphore :
28 Au printemps, tu sais, le sang travaille.
Zola, la Faute de l'abbé Mouret, I, VII.
2 (Av. 1709). Abstrait. Être agité. || Son imagination, son esprit travaille (→ Guerre, cit. 35). || Les esprits travaillent. ⇒ Fermenter. — ☑ Loc. fam. Travailler du chapeau : être fou, dérangé.
29 — Faites pas attention, dit Martin. Il travaille de la visière.
M. Aymé, le Vin de Paris, p. 55.
➪ tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
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se travailler v. pron.
A Réfl. (au sens I, A).
2 (Déb. XIIe). S'efforcer. || Il se travaille à dire des bons mots. ⇒ Guinder (se; cit. 9). || La grenouille « Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille » (→ Égaler, cit. 2).
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travaillé, ée p. p. adj.
2 (1559). Mod. (Au sens I, B). Qui est l'objet d'une mise en œuvre, d'une élaboration; qui est fabriqué, façonné, élaboré… ⇒ Ouvré. || Corne (cit. 4) travaillée. || Grilles travaillées et découpées (→ Moucharabieh, cit. 1). || Donjons travaillés (→ Guirlander, cit.). || Pommeau (cit. 4) travaillé au tour. || Objet délicatement travaillé (→ Foyer, cit. 3). ⇒ Soigné. — Exécuté, élaboré avec le plus grand soin. || Prose rythmée (cit.), travaillée. || Style travaillé, trop travaillé. ⇒ Affecté, recherché. — Lumières travaillées (en photogr.). → Retouche, cit. 1. — Contralto travaillé (→ Soprano, cit. 1).
30 Dans les passages travaillés, le travail reste trop visible. Cela sent l'huile.
A. Thibaudet, Gustave Flaubert, p. 208.
3 (1975). Pendant lequel on travaille, on occupe un emploi salarié. || « Le nombre d'heures travaillées en novembre dans le bâtiment a baissé de 8% sur l'an dernier » (l'Express, 20 janv. 1975, in Gilbert).
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CONTR. Amuser (s'), chômer, flâner, reposer (se); et cf. fam. et pop. Cagnarder, flemmarder… — (Du p. p.) Brut, grossier.
DÉR. 1. Travail, travaillant, travailleur, travailloter.
Encyclopédie Universelle. 2012.