force [ fɔrs ] n. f.
• 1080; bas lat. fortia, plur. neutre substantivé de fortis → 1. fort; forcer
I ♦ La force de qqn.
1 ♦ Puissance d'action physique (d'un être, d'un organe). Force physique; force musculaire. ⇒ résistance, robustesse, vigueur. Force herculéenne. Avoir de la force (⇒ 1. fort) . Avoir de la force dans les bras. Ne pas sentir sa force : frapper, pousser, etc., trop fort sans s'en rendre compte. Lutter à forces égales, à égalité de forces. « elle serrait la rampe avec tant de force que le bois grinçait » (Green). « Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage » (La Fontaine). Être à bout de forces, sans force. Ne plus avoir la force de marcher, de parler.
♢ Au plur. Ensemble, concours d'énergies. ⇒ énergie. Ménager ses forces. Ce travail est au-dessus de ses forces. Ses forces l'ont trahi. Reprendre des forces. Aliment qui redonne des forces, qui fortifie, réconforte. ⇒ énergétique, fortifiant. De toutes ses forces : en rassemblant et en utilisant toutes ses forces; par ext. le plus fort possible. Crier, taper de toutes ses forces.
♢ (Opposé à adresse, souplesse) EN FORCE,opposé à en souplesse. Courir, nager en force. — DE FORCE : qui exige de la force. Tour de force. Épreuve de force (⇒aussi ci-dessous III, 1o) . Travailleur de force : personne dont le métier exige une grande dépense de force physique. Travail, exercice de force. Bracelet, poignet de force : bracelet de cuir destiné à protéger le poignet des travailleurs de force, des lutteurs. — À LA FORCE DE. Se hisser à la force des bras. Fig. À la force du poignet.
♢ Mar. Vieilli Faire force (de rames, de voiles) : ramer, naviguer le plus vite possible.
♢ Loc. Être dans la force de l'âge, au moment où l'on atteint la plénitude de ses moyens, la maturité. ⇒ fleur.
2 ♦ Capacité de l'esprit; possibilités intellectuelles et morales. La science des géomètres qui « exerce la force de l'esprit » (Suarès). « Et consultez longtemps votre esprit et vos forces » (Boileau).
♢ Dans l'ordre moral. ⇒ constance, courage, cran, détermination, énergie, fermeté, volonté . Force morale; force de caractère. La force d'âme des héros cornéliens. « Elle avait la force devant qui les autres plient : le calme » (R. Rolland). « elle me résistait avec une force de volonté qui voulait maîtriser la mienne » (Loti). S'opposer avec force. Cette épreuve dépasse, est au-dessus de mes forces. Loc. La force tranquille, devise du Parti socialiste au pouvoir. « Il est vrai que la force tranquille fit merveille » (Le Nouvel Observateur, 1981).
3 ♦ DE (telle ou telle) FORCE. Ils sont de la même force (physique, morale).— Spécialt (sur le plan intellectuel ou de l'habileté) Ce joueur n'est pas de force. Il n'est pas de force contre elle. ⇒ taille. Ils sont de la même force au tennis, aux échecs, en mathématiques. ⇒ niveau.
4 ♦ Faire la force de qqn, constituer sa supériorité. « Moi, ce qui fait ma force, c'est que je fais tout moi-même » (Romains).
II ♦ La force d'un groupe, de qqch.
1 ♦ Pouvoir, puissance, influence (d'un groupe). PROV. L'union fait la force. La force de l'Église, d'un parti. Force militaire d'un pays. Par ext. La force publique : ensemble des agents armés du gouvernement, chargé de maintenir l'ordre et de veiller à l'exécution des lois et des décisions de justice. ⇒ armée, gendarmerie, 1. police. La force armée : les troupes. Force d'intervention, d'interposition. Force multinationale. — (1959) Force de frappe : ensemble des moyens militaires modernes (fusées, armes atomiques) destinés à écraser rapidement l'ennemi. (1961) Fig. Autorité, force, puissance. — Force de dissuasion. — Comm. Force de vente : personnel commercial (d'une entreprise) en contact avec la clientèle.
♢ EN FORCE. Être en force; arriver, attaquer en force, en nombre, avec des effectifs considérables.
2 ♦ (XIIe) Plur. Ensemble des armées. ⇒ armée, troupe. Les forces armées françaises. Forces navales, aériennes (1939). Forces françaises de l'intérieur (F. F. I.), pendant la Deuxième Guerre mondiale. Forces de défense antiaérienne. Regrouper, concentrer ses forces. Admin. Les forces de police, les forces de l'ordre : police et gendarmerie intervenant en cas d'émeute. — Par ext. Forces politiques, syndicales. « rallier les forces d'opposition » (Martin du Gard).
3 ♦ Techn. Résistance d'un objet. ⇒ résistance, robustesse, solidité. Force d'un mur, d'une barre. Spécialt Jambe de force, ou force : pièce de charpente qui sert à soulager la portée des longues poutres.
4 ♦ Intensité ou pouvoir d'action (d'une chose); caractère de ce qui est fort (III). La force du vent. Vent de force 5 sur l'échelle de Beaufort. Retour en force de l'hiver. Force d'un coup, d'un choc. Diminuer la force d'un son. La force d'un acide. Force d'un médicament. ⇒ activité, efficacité.
♢ (Choses abstraites) La force d'un sentiment, d'un désir, son intensité. ⇒ violence. « Un muscle perd sa vigueur, un désir sa force » (Colette). — Force d'un argument, d'une idée. Ici, « le mensonge a autant de force que la vérité » (Green). — Loc. Dans toute la force du mot, du terme : dans l'acception la plus signifiante. — Force du style. ⇒ couleur, vie, vigueur. S'exprimer avec force. ⇒ éloquence, 1. feu, véhémence.
5 ♦ Typogr. Force de corps d'un caractère, mesurée en points. Un corps de force 6 (ellipt du 6).
III ♦ (XII e) Au sing. Pouvoir de contrainte.
1 ♦ En parlant d'une personne, d'un groupe. ⇒ contrainte, oppression, violence. Employer alternativement la force et la douceur. Imposer qqch. par la force. Céder, obéir à la force. — La force et le droit. La force prime le droit, mot attribué à Bismarck. Le gouvernement menace de recourir à la force (en employant des forces de police, la force publique; cf. ci-dessus, II). ⇒ répression. Loc. Montrer sa force pour n'avoir pas à s'en servir (cf. Force de dissuasion).
♢ DE FORCE. Coup de force. Rapports de force. Être en position de force, en mesure d'imposer ses vues dans une négociation, un conflit. — Pouvoir de contraindre donné par la supériorité militaire. Situation de force. Épreuve de force, tout espoir de conciliation étant écarté (cf. Bras de fer). — Vieilli Maison de force : prison d'État où sont les condamnés aux travaux forcés et à la réclusion. ⇒ forçat. — Camisole de force.
2 ♦ La force de (qqch.),son caractère irrésistible. La force de l'évidence, devant laquelle on s'incline. Faire qqch. par la force de l'habitude, automatiquement, machinalement. — La force des choses : la nécessité qui résulte d'une situation. ⇒ nécessité, obligation. « C'est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l'égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir » (Rousseau). Par la force des choses : obligatoirement, inévitablement.
♢ Dr. Force d'une loi, son caractère obligatoire. ⇒ autorité. Avoir force de loi : être assimilable à une loi, en avoir le caractère obligatoire. Décret qui a force de loi. — Force majeure : événement imprévisible, inévitable et irrésistible qui libère le débiteur de son obligation. Cour. C'est un cas de force majeure.
♢ Loc. Force est de (et l'inf.) :il faut, on ne peut que. Force est de constater que... « Force lui fut de reconnaître qu' [...] il avait opté pour le plus facile » (Martin du Gard).
3 ♦ Loc. adv. DE FORCE : en faisant effort pour surmonter une résistance. Faire entrer de force une chose dans une autre. Prendre, enlever de force qqch. à qqn. ⇒ arracher, extorquer. De gré ou de force. — PAR FORCE : en recourant à la force; en cédant à la force. Prendre, obtenir qqch. par force. Il n'a pas accepté de son plein gré, mais par force, parce que les événements l'y contraignaient. — À TOUTE FORCE : en dépit de tous les obstacles, de toutes les résistances. ⇒ absolument (cf. À tout prix, coûte que coûte, par tous les moyens). Il voulait à toute force que nous l'accompagnions.
IV ♦ Principe d'action physique ou morale.
1 ♦ Phys. Cause physique d'une accélération ou d'une déformation. La mécanique, science de l'équilibre des forces et des mouvements qu'elles produisent. ⇒ cinématique, dynamique, statique. Direction, sens, point d'application, intensité d'une force. ⇒ vecteur. Résultante de deux forces. Moment d'une force par rapport à un point, un axe. Force d'inertie. Forces centrifuge et centripète dans un mouvement circulaire. Force de contact, entre deux corps ayant une surface commune. Forces de frottement. Forces électrostatiques, électromagnétiques. Forces gravitationnelles, nucléaires, forces qui s'exercent entre particules fondamentales. ⇒ interaction. — Techn. Unité de mesure des forces. ⇒ newton. Force électromotrice.
♢ Cour. Courant électrique triphasé. Prise de force. Brancher sur la force.
2 ♦ Principe d'action, cause quelconque de mouvement, de changement. « notre volonté est une force qui commande à toutes les autres forces » (Buffon). — Idées-force. ⇒ idée.
♢ Les forces aveugles, mystérieuses, occultes de l'univers, du destin. — Fig. C'est une force de la nature, se dit d'une personne dotée d'une vitalité irrésistible.
V ♦ Adv. de quantité Vx ou littér. FORCE (qqch.) :beaucoup de. « J'ai dévoré force moutons » (La Fontaine). « Nous nous séparâmes à la porte avec force poignées de main » (A. Daudet).
♢ Loc. adv. Vx À FORCE. ⇒ beaucoup, extrêmement. « Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force » (Ronsard).
♢ Loc. prép. Mod. À FORCE DE : par beaucoup de, grâce à beaucoup de. À force de patience, il finira par réussir. ⇒ avec. « À force de plaisir notre bonheur s'abîme » (Cocteau). — Suivi d'un v., exprime la répétition, l'intensité « Quels cheveux sans couleur, à force d'être blonds ! » (Stendhal). « À force de penser à Marthe, j'y pensai de moins en moins » (Radiguet). — Ellipt Loc. adv. Fam. À FORCE : à la longue. À force, il a fini par y arriver.
⊗ CONTR. Affaiblissement, asthénie, débilité , faiblesse, fatigue. Apathie, inertie, mollesse. Impuissance. Inefficacité . Douceur, persuasion.
⊗ HOM. Forces.
● force nom féminin (bas latin fortia, du latin classique fortis, courageux) Vigueur physique d'un être animé, de son corps ; capacité qu'il a de fournir un effort physique ; énergie : Elle n'a pas la force de déplacer l'armoire. Moyens violents, contrainte exercés pour obtenir un résultat : Avoir recours à la force. Énergie morale, capacité de résister aux épreuves, d'imposer son point de vue, sa volonté : Avoir une grande force de caractère. Savoir, habileté, ensemble des connaissances dans un domaine : Deux élèves de même force en mathématiques. Poids, assurance, vigueur, ensemble des caractères de quelque chose qui fait qu'il s'impose à l'esprit : La force d'un argument. Intensité de l'action d'un agent ou d'un phénomène physique, son degré de puissance ou de violence : La force du vent. Gradation dans l'intensité d'un agent physique (par exemple le vent, un séisme) ou dans la difficulté, la complexité d'une action intellectuelle, manuelle, etc. : Vent force 3. Mots croisés de force moyenne. Pouvoir, puissance, ascendant, supériorité de quelqu'un, d'un groupe : La force d'un parti politique, d'un secteur économique. Puissance en effectifs, en matériel, etc., d'un groupe, d'un pays : La force navale d'un pays. Toute chose qui, par son influence, sa puissance, est capable d'agir sur les autres choses, de s'imposer : L'équilibre des forces dans une situation économique. Littéraire. Toute-puissance : Les forces du destin. Boulangerie Aptitude d'une farine à l'hydratation et à donner une pâte conservant un bon comportement mécanique depuis la fermentation jusqu'à la cuisson. Industrie du papier Synonyme impropre de grammage. Physique Concept traduisant quantitativement les interactions entre objets et permettant d'expliquer leurs déformations ou les modifications de leurs mouvements. ● force (citations) nom féminin (bas latin fortia, du latin classique fortis, courageux) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Nous n'avons pas toujours assez de force pour supporter les maux d'autrui. Propos sur le bonheur Gallimard Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 […] Comme tous les êtres réellement forts, il avait l'humeur égale. Les Paysans Jean-François Casimir Delavigne Le Havre 1793-Lyon 1843 Académie française, 1825 Tant qu'on est redoutable on n'est point innocent. Les Vêpres siciliennes Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Si vous avez la force, il nous reste le droit. Cromwell, IV, 8, le docteur Jenkins Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 […] Je suis une force qui va ! Hernani, III, 4, Hernani Jean Jaurès Castres 1859-Paris 1914 Donner la liberté au monde par la force est une étrange entreprise pleine de chances mauvaises. L'Armée nouvelle Rouff Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage. Fables, le Lion et le Rat François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui. Maximes Commentaire L'antithèse est chez Alain dans Propos sur le bonheur. Paul Léautaud Paris 1872-Robinson 1956 C'est une force que n'admirer rien. Journal littéraire Mercure de France Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 Rien de plus impérieux que la faiblesse qui se sent étayée de la force ; voyez les femmes. Cité par Las Cases dans le Mémorial de Sainte-Hélène Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 Je sais, quand il le faut, quitter la peau du lion pour prendre celle du renard. Cité par Talleyrand dans Mémoires, I Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval Paris 1808-Paris 1855 Dans le caractère de notre nation, il y a toujours une tendance à exercer la force, quand on la possède, ou les prétentions du pouvoir, quand on le tient en main. Les Filles du feu, Angélique Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants ; la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste. Pensées, 298 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Jean Paulhan Nîmes 1884-Neuilly-sur-Seine 1968 Académie française, 1963 La force a les droits de la force. Elle se dégrade et s'humilie — et nous humilie tous — dès qu'elle ment, et couvre d'un manteau légal ses assassinats. Lettre aux directeurs de la Résistance Éditions de Minuit Ernest Renan Tréguier 1823-Paris 1892 La vérité sera un jour la force. « Savoir, c'est pouvoir » est le plus beau mot qu'on ait dit. Dialogues et fragments philosophiques, III, Rêves Lévy Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz Montmirail 1613-Paris 1679 Ce qui fait croire à la force l'augmente. Mémoires Henri Beyle, dit Stendhal Grenoble 1783-Paris 1842 J'aime la force, et de la force que j'aime, une fourmi peut en montrer autant qu'un éléphant. Rome, Naples et Florence Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Ceux qui redoutent la Blague n'ont pas grande confiance dans leur force. Ce sont des Hercules qui craignent les chatouilles. Autres Rhumbs Gallimard Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 La faiblesse de la force est de ne croire qu'à la force. Mauvaises Pensées et autres Gallimard Horace, en latin Quintus Horatius Flaccus Venusia, Apulie, 65-Rome ? 8 avant J.-C. La force sans l'intelligence s'effondre sous sa propre masse. Vis consilii expers mole ruit sua. Odes, III, IV, 65 Homère IXe s. avant J.-C. C'est l'idée qui fait le bon bûcheron, ce n'est pas la force. L'Iliade, XXIII, 315 (traduction P. Mazon) Isocrate Athènes 436-Athènes 338 avant J.-C. Un esprit solide dans un corps humain, c'est la plus grande force dans la plus grande faiblesse. À Démonicos, 40 (traduction Mathieu et Brémond) Plutarque Chéronée, en Béotie, vers 50 après J.-C.-Chéronée, en Béotie, vers 125 La patience a beaucoup plus de pouvoir que la force. Vies parallèles, Vie de Sertorius, XVI (traduction D. Ricard) Xénophane né à Colophon, en Ionie, VIe-Ve s. avant J.-C. Il n'est pas juste de mettre la force au-dessus de la saine sagesse. Élégies, II, 13-14 (traduction E. Bergougnan) Bible Mais ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre la force. Saint Paul, Épître aux Corinthiens, Ire, I, 27 Bible C'est un devoir pour nous, les forts, de porter les faiblesses de ceux qui n'ont pas cette force et de ne point rechercher ce qui nous plaît. Saint Paul, Épître aux Romains, XV, 1 Otto, prince von Bismarck ou, plus précisément, von Bismarck-Schönhausen Schönhausen 1815-Friedrichsruh 1898 La force prime le droit. Macht geht vor Recht. Commentaire Bismarck s'est toujours défendu d'être l'auteur de cette maxime. Le comte Schwerin, qui la lui avait reprochée au cours de la séance de la chambre prussienne du 13 mars 1863, déclara ensuite qu'il n'était pas certain de l'avoir entendue. Guido Piovene Vicence 1907-Londres 1974 La force morale consiste à transformer en vertu le vice qui lui correspond. La forza morale consiste nel trasformare in virtù il vizio che le corrisponde. La Gazzetta nera ● force (difficultés) nom féminin (bas latin fortia, du latin classique fortis, courageux) Orthographe Au singulier : par force, à force, à toute force, en force. Emploi Force (+ substantif) = beaucoup de (emploi adverbial). Boire force vin. « Nous passions [...] la plupart de nos soirées à rédiger force lettres »(G. Duhamel). Dans cet emploi, littéraire et un peu archaïque, force reste invariable. ● force (expressions) nom féminin (bas latin fortia, du latin classique fortis, courageux) À force, à la longue, par des efforts répétés. À force de, par le fait répété ou intensif de : À force de chercher, il finira bien par trouver. À la force du poignet, du bras, en utilisant toute la puissance physique du bras. Arriver à la force du poignet, sans aide extérieure, grâce à de grands efforts personnels. À toute force, malgré toutes les résistances, à tout prix. Avec force + nom, beaucoup : Avec force exemples. Avoir, faire force de loi, être imposé, appliqué, respecté à l'égal d'une loi, en parlant d'une mesure. Cas de force majeure, nécessité contraignante, événement auquel on doit se soumettre. Coup de force, action violente contraire au droit, à la justice. Dans la force de l'âge, au moment du plein épanouissement physique. Dans toute la force du terme, en prenant le terme dans son sens plein. De force, en mettant en jeu la force physique, ou la contrainte pour surmonter une résistance : Épreuve de force ; qui exige une force physique, psychologique ou une habileté exceptionnelle : Travail de force. De vive force, avec violence. En force, en utilisant au maximum sa puissance physique : Travailler en force ; en groupe nombreux et puissant : Arriver en force. Être de force à, être capable de réussir une action. Être de première force, avoir de grandes capacités, être parmi les meilleurs dans un domaine. Faire la force de quelqu'un, constituer sa supériorité. Force de l'habitude, pouvoir contraignant de l'habitude. Force de la nature, personne d'une puissance, d'une résistance peu communes. Force est restée à la loi, la loi a fini par triompher, l'autorité chargée d'appliquer la loi a eu le dessus. Littéraire. Force m'est de, je suis contraint de. La force des choses, une sorte de nécessité qui résulte de faits indépendants de la volonté ; fatalité. Lignes de force d'une œuvre, d'un récit, etc., les idées principales. Par force, par nécessité, faute de pouvoir faire autrement ; obligatoirement. Force des acides, pour un acide HA, dissocié en solution suivant HA ⇄ H+ + A−, grandeur proportionnelle à , les crochets indiquant les concentrations. Force d'un électrolyte, mesure de son énergie de dissociation. (Les électrolytes forts [sels métalliques, acides halogénés] sont presque entièrement dissociés en solution ; les électrolytes faibles [acides et bases organiques] sont peu dissociés.) Force de dissuasion ou force de frappe, force militaire rassemblant, aux ordres directs de la plus haute instance politique d'un État, l'ensemble de ses armements nucléaires stratégiques. (Appelée, en France, force nucléaire stratégique, elle comprend depuis 1972 la force océanique stratégique [F.O.S.T.] et les forces aériennes stratégiques [F.A.S.].) Force de projection, force interarmées destinée à remplir une mission d'action extérieure. (Cas de) force majeure, événement d'origine externe, imprévisible, et qui met le débiteur dans l'impossibilité absolue d'exécuter (le cas de force majeure libère le débiteur et l'exonère de toute responsabilité) ; fait inattendu qui, aux termes d'une charte-partie, dégage le transporteur de sa responsabilité, s'il était imprévisible et insurmontable Force publique, ensemble des formations de la police, de la gendarmerie et des armées, qui sont à la disposition du gouvernement pour assurer le respect de la loi et le maintien de l'ordre. Maison de force, prison d'État où étaient enfermés les condamnés aux travaux forcés et à la réclusion. Force de corps, valeur représentée par l'écartement vertical minimal occupé par un caractère ou une ligne de caractères placés entre deux autres. Faire force, agir ou forcer sur quelque chose. Faire force de voiles, mettre au vent tout ce qu'on peut de toile. À force, se dit d'un montage ou d'un emmanchement effectué à la masse, à la presse, etc. Force de travail, pour les marxistes, ensemble des facultés physiques et intellectuelles de l'homme, à l'aide desquelles il produit des choses utiles. (C'est une marchandise qui est la source des valeurs échangeables, qui donne de la valeur.) Forces productives, pour les marxistes, ensemble des moyens de production (instruments de production, matières premières ainsi que les travailleurs qui les utilisent). Forces sociales, pour les marxistes, classes, fractions de classes, groupes sociaux qui jouent le rôle principal dans la lutte des classes. Ligne de force, ligne de champ, quand le champ est un champ de forces. Force politique, parti politique, syndicat, association, groupe de pression, mouvement de pensée, etc., qui joue ou prétend jouer un rôle dans la vie politique. Troisième force, dans les pays ou la vie politique est dominée par deux grands partis ou deux grandes tendances, toute tentative médiane de coalition. Force théorique d'une substance explosive, produit (f = n RT) du nombre n de moles de gaz que fournit l'unité de masse d'un explosif par la constante des gaz parfaits R et par la température d'explosion. ● force (homonymes) nom féminin (bas latin fortia, du latin classique fortis, courageux) force forme conjuguée du verbe forcer forcent forme conjuguée du verbe forcer forces forme conjuguée du verbe forcer forces nom féminin pluriel ● force (synonymes) nom féminin (bas latin fortia, du latin classique fortis, courageux) Vigueur physique d'un être animé, de son corps ; capacité qu'il...
Synonymes :
- résistance
- vitalité
Contraires :
- asthénie
- débilité
- décrépitude
Moyens violents, contrainte exercés pour obtenir un résultat
Synonymes :
- pression
Contraires :
- douceur
Énergie morale, capacité de résister aux épreuves, d'imposer son point...
Synonymes :
- cran (familier)
- fermeté
- volonté
Contraires :
- apathie
- inertie
- mollesse
Savoir, habileté, ensemble des connaissances dans un domaine
Synonymes :
- faculté
- moyen
- niveau
- possibilité
Poids, assurance, vigueur, ensemble des caractères de quelque chose qui fait...
Synonymes :
- pouvoir
- vertu
Contraires :
Intensité de l'action d'un agent ou d'un phénomène physique, son...
Synonymes :
- violence
- vitesse
Pouvoir, puissance, ascendant, supériorité de quelqu'un, d'un groupe
Synonymes :
- suprématie
Contraires :
- infériorité
Droit. (Cas de) force majeure
Synonymes :
Synonymes :
- Industrie du papier. grammage
force
n. f. et adv.
rI./r
d1./d PHYS Cause capable de modifier le mouvement d'un corps ou de provoquer sa déformation. Force d'attraction. Force d'inertie. Force centrifuge, centripète. (V. encycl. ci-après.)
d2./d Fig. Toute cause provoquant un mouvement, un effet. Forces occultes.
rII./r Puissance d'action.
d1./d Puissance physique. Un homme d'une force herculéenne.
|| être dans la force de l'âge, à l'âge où un adulte est en pleine possession de ses moyens physiques et intellectuels.
|| Travailleur de force, qui doit fournir de gros efforts physiques.
— Tour de force: V. tour 1, sens II, 1.
d2./d Puissance des facultés intellectuelles ou morales. Une grande force de travail. Force d'âme. Force de caractère.
|| Par ext. Habileté, talent. Ces deux joueurs sont de force égale. être de force, n'être pas de force à: être, n'être pas capable de.
d3./d Pouvoir, intensité d'action d'une chose. Force d'un poison. Vent de force 5.
— (Abstrait) La force d'un sentiment. Style qui manque de force.
— Fig. Pouvoir sur l'esprit. La force d'un argument.
|| CHIM Force d'un acide, d'une base, d'un sel, leur aptitude à se dissocier en solution.
d4./d Autorité. La force de la chose jugée. Usage qui fait force de loi, qui a le même pouvoir de contraindre qu'une loi.
d5./d Solidité, résistance. Force d'une digue.
|| TECH Jambes de force: poutres, perches, etc., inclinées servant à soutenir un appareil, une construction.
rIII/r Puissance d'un groupe, d'un état, etc.; ce qui contribue à cette puissance. La force publique.
|| Force de frappe ou de dissuasion: ensemble des moyens (arme nucléaire, notam.) permettant de porter une attaque rapide et puissante contre un adversaire éventuel.
|| (Plur.) Ensemble des troupes d'un état. Forces aériennes, navales, terrestres.
|| La force armée: la troupe, en tant qu'on la requiert pour faire exécuter la loi.
— En force: en nombre.
rIV./r Contrainte et pouvoir de contraindre.
— Cas de force majeure: contrainte à laquelle on ne peut résister, due à un événement indépendant de la volonté.
|| Force m'est de: je suis obligé de.
|| Loc. à toute force: à tout prix. Vouloir à toute force faire qqch.
|| De gré ou de force: volontairement ou par contrainte.
rV./r adv.
d1./d Vx Beaucoup. Manger force moutons.
d2./d Loc. Prép. à force de: grâce à, à cause de beaucoup de. Il réussit à force de travail.
Encycl. Phys. - En mécanique newtonienne (et relativiste), on considère les forces comme des grandeurs vectorielles. Lorsque plusieurs forces ayant un même point d'application (sur un corps) se composent, la force qui en résulte, nommée résultante, est donnée par le calcul vectoriel. Lorsque le point d'application d'une force se déplace, il en résulte un travail. Dans le système international (SI), une force s'exprime en newtons (symbole N).
⇒FORCE, subst. fém.
I.— [La force comme propriété des êtres ou des choses]
A.— [Comme propriété des êtres vivants] Énergie, pouvoir d'agir.
1. Énergie musculaire qui permet à un être vivant de réagir face à d'autres êtres, d'agir sur son environnement. Synon. robustesse, vigueur.
a) Au sing. Avoir, ne pas avoir de force, avoir une force herculéenne; être, rester sans force; abuser de sa force. — Tu as été malade, Marguerite? — Non, fit-elle, non, je suis pleine de force et de santé (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 142). Mais il avait jeté de volée, avec toute sa force, en cherchant à toucher et à faire mal (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 386). Franchir [les rapides] en hissant la barque à force de bras (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 189).
♦ À la force du/des poignet(s). En utilisant principalement les poignets pour fournir un effort physique intense. Il a soulevé le kader à la force du poignet : ça indique du nerf (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 362). D'autres, raccrochés par les mains à des cordages, un instant balancés dans le vide, remontaient maintenant, à la force des poignets (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 134). Au fig. Sans aide, par ses seuls moyens. Rateau, qui réussissait, mais à la force du poignet, dans tout ce qu'il entreprenait (CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 1627).
♦ Être taillé, être bâti en force. Être musclé, râblé. Elle était taillée en force, superbe de corps (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 534). Tout petit, mais solide, bâti en force (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 215).
♦ Être, n'être pas de force. Avoir, n'avoir pas la force suffisante. Le mousse et moi n'étions pas de force pour hisser le canot au palan (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 174).
♦ Ne pas sentir sa force. Faire mal sans s'en rendre compte.
♦ Camisole de force.
♦ Collier de force (lutte). Ceinturage au moyen des jambes. Abattage en douceur et collier de force, opposition de buste et même crocs-en-jambe, il usa de tout (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 334). V. aussi collier.
— Loc. adv.
♦ De force. [Le petit comte] tentait d'arracher de force, en même temps, les doigts dont sa compagne se couvrait les yeux (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 57).
♦ En force (exécuter un mouvement, travailler, etc.). En y mettant une grande force physique, p. oppos. à en souplesse.
b) Au plur. Perdre, retrouver, ménager, rassembler, refaire ses forces; reprendre des forces; être à bout de forces; crier, taper de toutes ses forces; ses forces l'abandonnent, le trahissent, reviennent. Nous avons mangé une partie de nos provisions et pris des forces pour l'escalade du pic (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 202). L'ordre clair que la force des trains lance aux forces des hommes (ROMAINS, Vie unan., 1908, p. 60) :
• 1. Instinctivement, de ses dernières forces, il suivait, sentant que quand il ne pourrait plus, ce serait la fin, et le grand frou-frou des vautours chauves.
BENOIT, Atlant., 1919, p. 64.
Rem. Le plur. est habituel dans la loc. être à bout de forces; le sing. est cependant possible : Ta grand'mère qui est à bout de force et de patience (FLAUB., Corresp., 1871, p. 197).
2. Ensemble des ressources physiques, morales ou intellectuelles qui permettent à une personne de s'imposer ou de réagir.
a) Au sing. Force de l'esprit, de caractère. Mais, à demi-morte, épuisée par ses propres désirs, sans force pour résister, elle s'abandonna à Stephen (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 184). La tête carrée, sous laquelle on sent une prodigieuse force nerveuse, la race hardie, jamais malade, conquérante (GONCOURT, Journal, 1865, p. 173) :
• 2. Mais l'extraordinaire présence de son esprit lui était si agréable, lui donnait une telle impression de force, de ressource, qu'il en venait à se dire : « je vais essayer ce système maintenant. »
ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 66.
♦ Force d'âme. Courage moral :
• 3. Que voulez-vous! J'ai sucé le lait de la Révolution, je n'ai pas l'esprit du baron d'Holbach, mais j'ai sa force d'âme.
BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 401.
♦ Force de l'âge (être dans). À l'âge où l'on a la plénitude de ses moyens.
♦ Être, ne pas être de force. Avoir, n'avoir pas la même compétence, le niveau requis. Je ne suis pas de force, mais c'est égal, j'essayerai de vous battre tout de même (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 154).
— Force de travail. L'activité humaine en tant que facteur de production. [Les achats de services] se décomposent en forces de travail et matières ou machines (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 180).
♦ Force-travail. L'intuition profonde que Marx a eue des conditions d'hétéronomie ou d'aliénation faites dans le monde capitaliste à la force-travail (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 55).
b) Au plur. Toutes mes forces concentrées se portaient sur une pensée, et plus je la remuais dans ma tête, moins j'y pouvais voir nettement (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 291). Aujourd'hui, il fait contre nous l'épreuve de ses forces d'amour et de haine (THARAUD, Dingley, 1906, p. 89).
♦ Être au-dessus des forces de (qqn). [D'un acte que l'on n'a pas le courage moral d'accomplir]. — Eh bien? fit-il d'une voix émue. — Eh bien, mon père, je ne puis rien vous promettre, dis-je enfin; ce que vous me demandez est au-dessus de mes forces (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 217).
3. Puissance, capacité d'action d'un groupe. L'union fait la force; la force d'une nation. Une majorité (...) avertie de sa propre force par les chiffres authentiques du scrutin (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 95).
4. P. méton. Groupe social, classe, institution exerçant une influence dans la vie sociale. Les forces d'opposition. Voir aussi infra I C 2 :
• 4. Toutes les forces du passé se groupent derrière elle, et les oppositions officielles, par lâche cœur, ne servent qu'à rehausser sa puissance.
CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 155.
• 5. ... et, moins confiant que lui dans la durée d'une race qui ne se défendait point, il eût voulu faire appel aux forces saines de la nation, à une levée en masse de tous les honnêtes gens de la France tout entière.
ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1909, p. 987.
— Forces productives. Ensemble des moyens, humains ou non, dont dispose la société pour produire (d'apr. BOUV.-IBARR. 1975) :
• 6. ... le bon sens de cette paysanne le faisait songer à l'opulence qu'apporteraient dans un pays tant de bras inoccupés et par conséquent ruineux, tant de forces qu'on entretient improductives, si on les employait aux grands travaux industriels qu'il faudra des siècles pour achever.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Boule de suif, 1880, p. 134.
— Force de vente. Ensemble des personnes qui dans une entreprise sont chargées de la vente (d'apr. CIDA 1973).
B.— [Comme propriété des choses]
1. DYNAMIQUE. Ce qui modifie l'état de mouvement ou de repos d'un corps. Parallélogramme de forces; résultante de deux forces; force centrifuge, centripète. Synon. énergie (potentielle ou cinétique).
♦ Force acquise. Énergie qui se maintient une fois l'impulsion donnée.
Au fig. Aucun moyen de reculer, toute la colonne n'était plus qu'un projectile, la force acquise pour écraser les Anglais écrasa les Français (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 397) :
• 7. Mais en le regardant vivre sous ses yeux le commissaire croyait voir un homme qu'on aurait vidé de toute substance, écorché intérieurement. Il allait et venait, buvait, parlait comme un homme ordinaire, mais il n'y avait plus rien à l'intérieur, rien que l'intelligence qui continuait à fonctionner par la force acquise.
SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 182.
♦ Force vive. Synon. de énergie cinétique ou actuelle (ainsi dénommée par Leibniz). Ils disent d'abord que le frottement des marées produisant de la chaleur doit détruire de la force vive. Ils invoquent donc le principe des forces vives ou de la conservation de l'énergie (POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 43) :
• 8. On sait quelle fut la destinée changeante de cette idée de constance : on peut dire qu'on n'a fait, depuis Descartes, que de changer de ce qui ne change pas : conservation de la quantité de mouvement, conservation de la force vive, conservation de la masse et celle de l'énergie...
VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 224.
♦ Force de pesanteur (ou poids). Attraction que la terre exerce sur les corps.
♦ Force d'inertie. Résistance que les corps opposent au mouvement. Au fig. Tout le temps de notre séjour à Plymouth, Napoléon demeura concentré et purement passif, n'opposant que la force d'inertie (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 439) :
• 9. ... j'entrevoyais déjà ces difficultés élastiques où se heurtent les plus rudes volontés et où elles s'émoussent; je craignais cette force d'inertie qui dépouille aujourd'hui la vie sociale des dénouements que recherchent les âmes passionnées.
BALZAC, Lys, 1836, p. 46.
— ÉLECTR. Force électromotrice (f.e.m.), v. électromoteur. Spéc. Courant triphasé. Avoir, mettre la force dans une maison.
— MAGNÉTISME. Champ, flux, ligne de force.
— P. méton. Capacité de résistance à une traction, une pression. La force d'un câble, d'un mur.
♦ Au fig. Force de résistance :
• 10. Les liens qui résultent de la cohabitation n'ont pas dans le cœur de l'homme une source aussi profonde que ceux qui viennent de la consanguinité. Aussi ont-ils une bien moindre force de résistance.
DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 162.
2. Énergie qui est dans quelque chose.
— [En parlant d'une chose concr.] La force de l'eau, du courant. La force du vent, les accidents de terrain avaient empêché Michel d'entendre (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 19) :
• 11. Alors, suivant la force du souffle on se rapproche plus ou moins du bord droit, si l'on sème à gauche, et du gauche, si l'on sème à droite, afin de limiter cette course, ce vol insolite du grain...
PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 3.
Vent de force n.
— P. anal. :
• 12. L'or est une force : il représente toutes les facultés de l'homme, puisqu'il lui ouvre toutes les voies, puisqu'il lui donne droit à toutes les jouissances...
SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 142.
3. Cause qui agit dans. Synon. agent.
a) Ce qui meut, anime la nature, l'univers. Il est vrai que la plupart de ces sages se perdirent dans de vaines recherches sur les causes premières, sur les forces actives de la nature (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 10). Il y a dans la nature ou une grande force cachée, ou un nombre de forces inconnues qui suivent des lois inaccessibles aux démonstrations des sciences humaines (SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 2). Sur le plan cosmique (...) [le] déchaînement de certaines forces aveugles, qui actionnent ce qu'elles doivent actionner et broient et brûlent au passage ce qu'elles doivent broyer et brûler (ARTAUD, Théâtre et double, 1938, p. 138) :
• 13. Là où les hommes de nos jours ne voient que des choses inertes, les Anciens reconnaissaient des énergies vivantes, et ce sont ces puissances cachées qu'ils ont appelées les dieux. La force active et vivifiante qui se révèle au printemps parmi les éclairs de l'orage, qui bouillonne dans la sève de la vigne et s'épanouit à l'automne en grappes dorées, nous la nommons Dionysos...
MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p. 72.
• 14. Pouvez-vous arrêter le vent, pouvez-vous entraver les forces de la nature? Non. Les sens aussi sont des forces de la nature, invincibles comme la mer et le vent. Ils soulèvent et entraînent l'homme et le jettent à la volupté sans qu'il puisse résister à la véhémence de son désir.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Enf., 1883, p. 395.
b) Ce qui est à l'origine des phénomènes biologiques. Ces médecins admettent généralement l'intervention de forces spéciales pour la production des maladies; ils croient à ce qu'ils appellent des entités, des êtres morbides, à des entités thérapeutiques (C. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 191).
♦ Force vitale, organique :
• 15. ... à l'imitation de Newton, les géomètres, les physiciens, les chimistes employaient tous, sous diverses formes, l'idée de force ou d'action à distance; les physiologistes proclamaient la nécessité d'admettre des forces vitales et organiques pour l'explication des phénomènes que présentent les êtres organisés et vivants...
COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 198.
• 16. La perfection des êtres, leurs propriétés, leur génération exigent un principe inconnu, un X placé hors de toute connaissance (...). À la fin du XVIIIe siècle (...) il deviendra la « force vitale ». Ce n'est plus alors un pouvoir central, un pouvoir qui, installé au cœur de l'organisme, en régit les activités; c'est une qualité particulière de la matière constituant les êtres vivants, un principe qui se répand dans tout le corps, se loge dans chaque organe, chaque muscle, chaque nerf pour leur conférer ses propriétés.
F. JACOB, La Logique du vivant, Paris, Gallimard, 1970, pp. 48-49.
— Capacité de, aptitude à. La force de reproduction des organes détruits, dans les espèces inférieures où une telle reproduction s'observe, s'affaiblit et s'épuise par son action (COURNOT, Fond. connaiss., 1851 p. 201).
c) Ce qui est à l'origine du comportement instinctif de l'être vivant, du comportement inconscient de la personne, par opposition à la conscience, la volonté, la raison, etc. Ces premiers jours de printemps fiévreux, où les forces d'amour gonflent l'être et le baignent, comme un ruisseau caché qui bruit sous le sol, l'enveloppent, l'inondent (ROLLAND, J.-Chr., Antoinette, 1908, p. 873) :
• 17. La raison décisive d'un acte ne nous paraît donc jamais résider en aucune des tendances partielles qui ont contribué à le rendre possible; elle est, à nos yeux, dans ce pouvoir qu'aucune des déterminations particulières ne saurait épuiser, et qui, absorbant toutes les raisons de détail, semble naturellement capable de dominer l'ensemble des forces définies, énergies physiques, appétits, tendances, motifs, déterminisme de la nature et de l'esprit.
BLONDEL, Action, 1893, p. 119.
• 18. La vérité, c'était aussi qu'un instinct sourd et puissant l'avait poussée et qu'elle avait obéi aux forces obscures de son être. Mais cela n'était point d'elle; ce qui était d'elle et de sa conscience, c'est d'avoir cru, consenti, voulu un sentiment vrai.
FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 27.
• 19. Enfin je suis détaché. Je ne sais quoi, je ne sais qui m'a détaché, Isa, des amarres sont rompues; je dérive. Quelle force m'entraîne? Une force aveugle? Un amour? Peut-être un amour...
MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 166.
— Force vive. L'instinct est une force vive, mais de courte portée et de fécondité étroite (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 134).
♦ [En parlant d'un groupe hum.] Quand des races s'atrophient, l'humanité a des réserves de forces vives pour suppléer à ces défaillances (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 74).
d) Idées-forces. Idées, convictions largement répandues dans l'opinion publique et qui déterminent son comportement :
• 20. Il faudra que nous ayons une politique de Syrie, que nous donnions aux gens de Syrie des idées qui leur plaisent, des idées-forces qui entrent par leur propre vertu dans les esprits.
BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1914-17, p. 76.
♦ Images-forces. Il y a des images-forces, comme il y a des idées-forces. Nous réalisons par la pensée l'acte dont la ligne est le témoignage inscrit; nous l'ébauchons en puissance dans nos propres muscles (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 167).
e) [Désignant une pers. considérée comme un agent inanimé] Je suis une force qui va! Agent aveugle et sourd de mystères funèbres! (HUGO, Hernani, 1830, III, 4, p. 1227). Je ne suis qu'une force, aussi petite que l'on voudra, qui voudrait se dresser contre la coalition des mauvaises forces (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, pp. 9-10).
♦ Être une force de la nature. Être très fort. Il se sentait seul au monde, seul et fort. Il était une force de la nature (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 86).
4. [En parlant d'une chose abstr.] Caractère nécessaire, contraignant. La force de l'habitude. Waldemar cessa de lutter contre la force de l'évidence et, rallumant la bougie, il approcha avec force la lumière du visage blanc pur de Dorothée (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 123).
♦ La force des choses. Ainsi contraint par la force des choses à ne pas être aussi radical dans sa politique pratique qu'il en aurait l'intention (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1850, p. 110) :
• 21. Il en sera de nous et de la France ce qu'il plaira à la providence, c'est-à-dire ce qui est déterminé par l'invincible force des choses, par cet enchaînement universel sur lequel l'homme, avec toute sa force et sa sagesse, n'a aucun empire...
MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 148.
♦ (Cas de) force majeure. Événement imprévisible et insurmontable ayant une cause extérieure et rendant impossible l'exécution de l'obligation (d'apr. BARR. 1974).
♦ (Avoir) force de loi, force légale. Avoir un caractère impératif comparable à celui d'une loi. Les synagogues (...) votaient des résolutions ayant force de loi pour la communauté (RENAN, Vie Jésus, 1863, p. 142).
♦ (Avoir) force de chose jugée. Il [l'Auditeur papal] casse ou réforme les jugements qui ont force de chose jugée (STENDHAL, Rome, Naples et Flor., t. 2, 1817, p. 365).
5. Loc. (exprimant l'idée de nécessité)
— Par force (loc. adv.). En y étant contraint. Synon. par nécessité. Et, comme on ne me laisse boire ici que de la tisane, j'économise par force (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 309). Un navire est un lieu honnête par force, à la manière des petites villes (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 266).
— À toute force (loc. adv.). D'une manière impérative. Synon. absolument. Il fallait en sortir à tout prix, et je n'avais pas de dénoûment. Je résolus d'en trouver un à toute force (JANIN, Âne mort, 1829, p. 78).
— Force est (était) de (loc. verb. impers.). Il est (était) nécessaire de. Il fallut bien se soumettre, car ce roi les eût envoyés en prison. Force était d'obéir avec docilité (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 352). Force nous avait été de la former, cette junte; elle parlait aux Espagnols au nom de leur roi; elle amenait les généraux des Cortès à traiter avec une autorité de la patrie (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 197).
♦ Il est force de (rare). Ces prédications gasconnes sont utiles dans l'ordre civilisé, où il est force d'abuser le peuple sur son malheureux sort (FOURIER, Nouv. monde industr., 1830, p. 24).
C.— Contrainte ou pouvoir de contrainte. Synon. coercition, violence.
1. Toujours au sing. [Sans déterm. ou avec l'art. de la généralité] La force prime le droit; préférer la ruse à la force. Il pouvait prêter force à la justice, s'il le fallait, mais jamais se venger par sa seule puissance (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 280). Les privilèges de naissance et de dignité, créations illégitimes de l'ignorance et de la force brutale (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 184). L'abus de la force sous le manteau de la justice (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 48).
♦ Coup de force. Intervention militaire ou de police. Synon. raid, descente. Certaines [filles] restaient paralysées sur la porte des cafés, dans le coup de force qui balayait l'avenue (ZOLA, Nana, 1880, p. 1315). Réaliser un coup de vive force contre nos positions avancées (cf. JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 213) :
• 22. Quelques jours après le 1er mai, Rosenthal, qui tremblait de colère en pensant aux quatre mille cinq cents arrestations préventives que le préfet de police avait organisées cette année-là, écrivit un pneu à Simon pour le prier de venir le voir, comme s'il avait été pressé de riposter aux coups de force de la police.
NIZAN, Conspir., 1938, p. 87.
Mesure de violence, en violation du droit ou de la loi. [Le peuple] attendrait en vain, pour un coup de force et de dictature de classe, l'occasion d'une révolution bourgeoise (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. XXXI).
♦ Épreuve de force. Conflit dans lequel chacun des adversaires ou l'un d'eux veut triompher de l'autre. En septembre 1938, raconte Marat, la CGT donna l'ordre d'une grève générale de 24 heures que les patrons et le gouvernement décidèrent de briser : ce fut une épreuve de force (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 173).
♦ Maison de force.
2. P. méton., souvent au plur. Ensemble des moyens humains et techniques permettant d'exercer la coercition. Les forces armées; les forces de police, de l'ordre; la force d'intervention coloniale. La Convention, pour accroître ses forces, donna des armes à quinze cents individus dits les patriotes de 89 (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 338). Les Anglais rassemblèrent toutes leurs forces de mer (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 104).
♦ Force de défense :
• 23. Et puis la foule qui a le sentiment très juste qu'il faut préserver nos forces de défense, prête à suivre qui lui montrera que le meilleur moyen de fortifier l'armée c'est d'en faire l'armée de la nation, non d'une caste en décadence au service de l'église romaine...
CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 231.
♦ Force publique. Ensemble des forces chargées de maintenir l'ordre public (cf. BARR. 1974).
♦ Force de frappe ou, plus rarement, force de dissuasion. Force offensive mettant en œuvre l'arme atomique :
• 24. Il faut que nous sachions nous pourvoir, au cours des prochaines années, de ce qu'on est convenu d'appeler une « force [it. ds le texte] de frappe » susceptible de se déployer à tout moment et n'importe où. Il va de soi qu'à la base de cette force sera un armement atomique.
DE GAULLE, 3 nov. 1959 ds GILB. 1971.
♦ F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur).
3. Loc. adv.
— Par force. En ayant recours à la force; en se soumettant à la force. Nous nous disions que le gouvernement ne reposait que dans une poignée de gens, qu'il ne durait que par force, qu'il était en horreur à la nation (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 449). Tout son argent s'en allait pour elle. Et quand il n'en avait plus, il tentait de la garder par force (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 172).
— De (vive) force. En ayant recours à la force. Il fallait enlever la barricade, entrer de vive force (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 266).
♦ De gré ou de force. Volontairement ou non. Tu entends bien, je n'ai plus le sou, et, de gré ou de force, par contrainte ou par amour, il faut que mon frère ouvre sa bourse! (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 95).
— En force. En nombre, de manière à dominer. Je conçois que tous les honnêtes gens, que tous les intrigans de la République, pourront bien se réunir en force, dans les assemblées primaires, abandonnées par la majorité de la nation (ROBESP., Discours, Guerre, t. 8, 1792, p. 189). — Vive le roi! crièrent les convives, parmi lesquels les ministériels étaient en force (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 677). Avec des moyens militaires suffisants, sinon supérieurs. L'ennemi n'était pas encore en force pour commencer le siège; il nous tenait seulement étroitement bloqués (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 107). Au fig. Le tumulte des pulsions systématise un retour en force de l'instinct que d'autres événements manifestent (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 11). Synon. de de force, par force. Il ne nous reste plus à envisager que l'intervention en force (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 232).
— À force ouverte (vx). Des circonstances telles que le chef du pouvoir exécutif ne puisse pas soutenir, à force ouverte, ses volontés arbitraires (SIEYÈS, Tiers état, 1789, p. 63). Les adeptes de J.-J. Rousseau, tranchans comme leur maître, attaquèrent à force ouverte les principes de l'ordre social (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 92).
II.— [La force comme degré d'intensité de qqc., ou exprimant une grandeur, une quantité]
A.— Intensité.
1. [En parlant d'un acte accompli par un être vivant] La force d'un coup, d'une ruade.
— Avec force. Frapper avec force sur l'épaule de qqn. Il aspire et respire avec force, le souffle raclant entre les mâchoires rapprochées (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 43).
2. [En parlant d'un comportement hum., d'un sentiment] La force de son penchant, de ses sentiments. La malade n'avait pas encore consenti à en prendre [d'un médicament], mais sa résistance diminuait de force à chaque fois (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 204).
— [En parlant d'un acte de pensée, de création esthétique] La force d'un raisonnement, la force du style.
♦ Dans toute la force du terme, du mot. Au sens non affaibli du mot. Il était, dans toute la force du terme, ce qu'en vénerie on appelle un chien sage (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 570). [Rembrandt] un génie romantique dans toute la force du mot, un alchimiste de la couleur, un magicien de la lumière (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 55).
— Avec force. Mon soupçon revint avec force (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 214) :
• 25. L'orateur développait ce thème avec force, sans acrimonie, avec un ascendant de parole qui ne s'était jamais manifesté plus victorieusement.
VOGÜÉ, Mort, 1899, p. 367.
3. [En parlant d'un rayonnement, d'une vibration, etc.] La force du soleil, de la lumière. Le gaz (...) éclairait de toutes ses forces les murs aveuglants de blancheur (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 121). Titien lui-même n'a pas cette force profonde de couleur et cette intensité de lumière [qu'a Rembrandt] (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 58).
B.— [Exprime une grandeur, une quantité]
♦ Force d'un cuir, d'une peausserie. ,,Son épaisseur, mesurée en mm ou en fractions de mm`` (RAMA 1973).
♦ Force d'une toile, d'un carton, d'un papier. ,,La quantité de matière qui y est incluse, mesurée généralement en grammes par mètre carré`` (RAMA 1973).
♦ Force de corps (typogr.). Hauteur d'un caractère indiquée en points typographiques.
♦ Force d'un acide, d'un vin. Degré de concentration d'une solution, d'un mélange (indiqué en degrés alcooliques pour le vin et le vinaigre).
C.— Loc. (exprimant l'idée de quantité ou d'intensité).
1. À force de (loc. prép.), à force (loc. adv.).
a) À force de. À cause de la quantité, de l'intensité de.
— À force de + subst. [Julien] arriva séduit, admirant, et presque timide à force d'émotion (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 282). Cet air lourd et parfumé, à force de jonquilles et de roses dont l'appartement était plein (BOURGES, Crépusc. dieux, 1844, p. 218). Dans un paysage lunaire à force de dévastation (BENOIT, Atlant., 1919, p. 106). La femme eût voulu l'arrêter à force de tendresse (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 510). J'en sortis enfin, à force d'insistance (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 353).
— À force de + inf. Synon. tant, tellement (+ prop.) Ma langue saigne à force de répéter depuis six ans ce mot effroyable : merci (MONTHERL., Malatesta, 1946, IV, 4, p. 516).
b) À force. Synon. de à la longue. De plus, en menaçant toujours sans frapper jamais, à force, on aura fait le jeu de l'Allemagne (JAURÈS, Guêpier marocain, 1914, p. 95).
2. Force + subst. au plur., vieilli, adj. indéf. Synon. de beaucoup de. Ainsi on ne verrait plus ni Saint-Barthelemy, ni frondes, ni dragonnades, ni révolution, ni contre-révolutions, qui, après force coups et grand massacre de gens, tournent toutes au profit de la susdite valetaille (COURIER, Pamphlets pol., Aux âmes dév. Véretz, 1821, p. 89). Ce spectacle a paru satisfaire beaucoup la société de chez Doyen, qui a jeté force sous aux musiciens et aux bateleurs (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 438). Pèlerinage de sainte Anne; force boutiques autour (MICHELET, Journal, 1831, p. 95). [Il] se vanta d'avoir, après force démarches, fini par découvrir un certain Langlois (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 122).
— [Suivi d'un subst. sing. non nombrable] [Ils] sablaient force champagne (BÉRANGER, Chans., t. 3, 1829, p. 139). Puis force joli papier pour lui écrire une lettre par quinzaine (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 52). Donne force pâture à ta grande fournaise (BARBIER, Iambes, 1840, p. 38).
3. Faire force de (vx). Naviguer le plus rapidement possible. Faire force de rames :
• 26. Nous fîmes force de nos mauvaises voiles et de nos plus mauvaises rames et, pendant que nous nous démenions, la paisible frégate continuait à prendre son bain de mer et à décrire mille contours agréables autour de nous, faisant le manège...
VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 171.
4. À force. En redoublant d'effort. [Il] fit travailler à force à la mettre [une ville] en état de défense (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 354). On fouille à force à Pompeï, et on publie les nouvelles découvertes dans de magnifiques livraisons (TAINE, Voy. Ital., t. 1, 1866, p. 92). Il ne bougeait plus. Il ne respirait plus. Il était comme de la terre. On entendait seulement ce bruit d'étoffe que faisait le sang en coulant à force, de lui (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 105) :
• 27. C'était une journée où il aurait fallu partir plus tôt, marcher, grimper vite, et, le sommet atteint, redescendre rapidement, gagner à force sur la menace du gros temps.
PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 221.
Rentrer à force. Rentrer en pressant, en bourrant.
Prononc. et Orth. :[]. Enq. : //. Homon. forces (cisailles); formes de forcer. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 « (d'une personne) énergie, vigueur physique » ma force e ma baldur (Roland, éd. J. Bédier, 2902); b) ca 1135 « faculté morale, pouvoir capable de produire tel effet » (Couronnement Louis, 146 ds T.-L.); ca 1200 « énergie, courage » Force et pooir (CHASTELAIN DE COUCI, Chansons, éd. A. Lerond, III, 22); ca 1200 « degré d'intensité d'un sentiment » (G. BRULÉ, Chansons, éd. H. P. Dyggve, LVI, 44 : force d'Amour); c) 1669-73 « capacité intellectuelle » (BOIL., Art poét., 1, 166 ds LITTRÉ); d) 1690 vers, tableau d'une grande force (FUR.); 2. a) ca 1100 « emploi de moyens violents pour contraindre la volonté des autres » par force e par vigur (Roland, 3683); 1176-81 « violence » (CHR. DE TROYES, Chevalier Lyon, éd. M. Roques, 1214); b) 1176 « ensemble de personnes armées » (ID., Cligès, éd. A. Micha, 3395); c) 1566 « pouvoir qu'exercent certaines notions abstraites » (BODIN, Rep., I, XI ds GDF. Compl.); d) 1690 la force du sang de la parenté (FUR.); 3. a) ca 1200 « importance numérique, quantité » (Chevalier cygne, 221 ds T.-L.); mil. XIIIe s. force de + subst. « beaucoup de » (J. DE THUIN, Jules César, 113, 7, ibid.); b) 1784 impr. force de corps (Encyclop. méthod. Mécan. t. 3); 4. a) ca 1208 « degré de puissance, d'intensité d'un agent physique » a force de rimes [rames] (VILLEHARDOUIN, Conquête Constantinople, éd. E. Faral, § 467); b) 1690 « capacité de résistance, de solidité d'une chose » (FUR.); c) 1690 « degré de rendement, d'efficacité » (ibid. : la rheubarbe est une racine qui a la force de purger); 5. 1580 « principe de mouvement et d'action » force attractive (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, livre I, chap. 21, p. 133); 1783-88 les forces [de l'univers] (BUFF., Min., t. IX, p. 5 ds Pougens ds LITTRÉ). Du lat. imp. fortia, neutre plur., pris pour subst. fém. sing., de l'adj. fortis, v. fort. Fréq. abs. littér. :34 566 (force-travail : 4). Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 51 946, b) 41 018; XXe s. : a) 46 578, b) 52 685. Bbg. FLUTRE (L. F.). A. fr. a force faite. Romania. 1956, t. 77, pp. 514-515. — GOHIN 1903, p. 354. — LAUNAY (M.). Le Vocab. pol. de J.-J. Rousseau. Genève-Paris, 1977, pp. 107-108. — QUEM. DDL t. 11. — TILANDER (G.). Die Wissenschaft kann der Papierflut nicht mehr Herr werden. In : [Mél. Rheinfelder (H.)]. Münich, 1963, pp. 339-344. — VILDÉ-LOT (I.). Fr. mod. 1965, t. 33, pp. 309-310.
force [fɔʀs] n. f.
ÉTYM. 1080, Chanson de Roland; du bas lat. fortia, plur. neutre substantivé de fortis. → 1. Fort; forcer.
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I (La force de qqn).
1 Puissance d'action physique (d'un être, d'un organe, etc.) variant d'un individu à l'autre (constitution), et chez un même individu (âge, santé, effort fourni…). || Force physique; la force musculaire, la force nerveuse d'une personne. ⇒ Résistance, robustesse, vigueur (→ Cesser, cit. 6; aigle, cit. 1). || La force du lion. || La force, principal attribut d'Hercule; force herculéenne. || Force de colosse, d'athlète. || Exercices de force. || Force jointe à l'agilité, à l'adresse (cit. 3). || Avoir de la force (⇒ Fort); ne pas avoir beaucoup de force. || Être plein de force et de santé. || Avoir de la force dans les jambes, dans les mains (⇒ Poigne). || Ne plus avoir la force de marcher, de parler. ☑ Ne pas sentir sa force : ne pas se rendre compte de la puissance de sa force.
1 Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
La Fontaine, Fables, II, 11.
2 Réparez promptement votre force abattue.
Racine, Phèdre, I, 3.
3 Je ne me soutiens plus : ma force m'abandonne.
Racine, Phèdre, I, 3.
4 (…) au dessert il n'avait déjà plus la force de tenir son verre (…) Enfin il tomba sous la table dans une ivresse telle, qu'elle doit au moins durer huit jours.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre XLVII.
4.1 Rodin était un homme de quarante ans, brun, le sourcil épais, l'œil vif, l'air de la force et de la santé, mais en même temps du libertinage.
Sade, Justine…, Presses du livre français, p. 103 (1791).
5 Et celui qui joindrait à la beauté suprême la force suprême, qui, sous la peau d'Antinoüs, aurait les muscles d'Hercule, que pourrait-il désirer de plus ?
Th. Gautier, Mlle de Maupin, V.
6 Sa force, qui était prodigieuse, on le sait, et fort peu diminuée par l'âge, grâce à sa vie chaste et sobre, commençait pourtant à fléchir.
Hugo, les Misérables, V, III, IV.
7 La dureté de la barbe s'allie à l'idée de force.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, V, p. 70.
♦ La force de la jeunesse, de l'âge mûr : la force propre aux individus jeunes, etc.
♦ (Employé avec des prépositions; → aussi, en emploi fig., I., 3. et III., 1. et 3.). || En force : en employant la force physique. || Courir, nager en force (opposé à en souplesse). — ☑ Être bâti, taillé en force : être fort physiquement, râblé, musclé. — (Dans un autre sens, → ci-dessous, infra cit. 29).
7.1 (…) un bras maigre, à peu près de la grosseur d'un membre d'enfant, et qui leur échappa, et non pas se glissant, s'esquivant, mais en force : d'une seule secousse, sèche, dure, se détendant comme un ressort (…)
Claude Simon, le Vent, p. 176.
♦ ☑ De force (à et l'inf.) : assez fort (pour). || Être, ne pas être de force à soulever ce meuble. — Fig. Capable de. || Il n'est pas de force à lui tenir tête. — (Sans compl.). || Il n'est pas de force contre lui.
7.2 Il s'est mis à rire, il nous a dit que vous n'étiez pas de force en ce moment contre monseigneur Rochart.
Zola, Son Excellence Eugène Rougon, t. II, p. 16.
♦ ☑ De… force de… || Crier de toute la force de ses poumons (→ À tue-tête). — Au plur. || Hurler de toutes ses forces. — Vx. || « S'étant mis à nier de toute sa force » (Molière, la Princesse d'Élide, Intermède, 1, 2; jeu de scène).
♦ À la force de… || Se hisser à la force des bras, en s'aidant des bras. — ☑ Fig. À la force du poignet : par sa seule énergie. || Il a réussi à la force du poignet.
♦ Au plur. ☑ À forces égales, à égalité de forces : en étant de la même force. || Être à forces égales. || Lutter à égalité de forces.
♦ Sing. ou plur. ☑ À bout de force(s) : épuisé.
♦ Par… force. || Se hisser au sommet par la force des bras (→ ci-dessus, À la force de). — Au plur. ☑ Par ses propres, ses seules forces : tout seul, en ne comptant que sur lui-même. || Réussir par ses seules forces.
♦ ☑ Avec (…) force. || Jeter, pousser, tenir un objet avec force. || Avec une force incroyable. || Elle le lança avec tant de force qu'il se brisa net.
8 (…) Carlotta s'était levée, l'écartant avec une force peu commune chez une femme (…)
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 431.
9 De sa main libre elle serrait la rampe avec tant de force que le bois grinçait sous sa paume (…)
J. Green, Adrienne Mesurat, III, VI.
2 (Au plur.). Ensemble, concours d'énergies particulières. || Rassembler, ramasser, recueillir ses forces. || Ménager ses forces. || Éprouver ses forces. || Mettre ses forces à l'épreuve. || User ses forces. || Ce travail est au-dessus de ses forces; passe, surpasse, excède ses forces (→ Bête, cit. 12). || Dépense, déperdition de forces (→ Effort, cit. 4). || Perdre ses forces. || Forces qui baissent, déclinent, diminuent, fléchissent. || Climat qui enlève les forces. ⇒ Affaiblir, déprimer, étioler. || Forces languissantes (→ Attachement, cit. 13). || Ses forces l'ont trahi, l'ont abandonné (cit. 13). || Reprendre des forces. ⇒ Cœur (→ Adversité, cit. 3; application, cit. 8). || Aliment qui redonne des forces. ⇒ Fortifier, réconforter, remonter, soutenir, stimuler; confortant, fortifiant, reconstituant. || Soutenir les forces d'un malade. ⇒ Sustenter. || Le grand air lui rendit des forces. ⇒ Vivifier. || Réparer, refaire ses forces (→ Fatiguer, cit. 2). || Retrouver, recouvrer ses forces. ⇒ Revivre. — Forces vitales d'une personne (vieilli), d'un pays. || Les forces vives de la nation.
10 La belle saison ne me rendit pas mes forces, et je passai toute l'année 1758 dans un état de langueur qui me fit croire que je touchais à la fin de ma carrière.
Rousseau, les Confessions, X.
11 Chéri s'assit sur un banc, sans prendre garde que ses forces, mystérieusement délabrées depuis qu'il les dispersait en veilles, depuis qu'il négligeait d'assouplir et d'alimenter son corps, devenaient promptes à le trahir.
Colette, la Fin de Chéri, p. 158.
3 ☑ Loc. Être dans toute sa force, en pleine force, au moment où l'organisme a atteint son plein développement (⇒ Forme). Dans le même sens. || Être dans la force de l'âge (cit. 6). ⇒ Fleur. ☑ Un homme dans la force de l'âge : un adulte, un homme mûr (⇒ Maturité, plénitude; sève). || La Force de l'âge, roman de S. de Beauvoir.
12 J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté (…)
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Tristesse » (→ Fierté, cit. 5).
13 Il est dans la force de l'âge. Il se livre à son humeur violente et sauvage, sans plus se soucier de rien, sans égards au monde, aux conventions, aux jugements des autres. Qu'a-t-il à craindre ou à ménager ? Plus d'amour et plus d'ambition. Sa force, voilà ce qui lui reste, la joie de sa force et le besoin d'en user, presque d'en abuser.
R. Rolland, Vie de Beethoven, p. 37.
♦ De force : qui exige de la force. ☑ Tour de force. ⇒ 3. Tour. — Épreuve de force. || La lutte gréco-romaine, épreuve de force (→ ci-dessous, III., 1.). — Travailleur de force : personne dont le métier exige une grande dépense de force physique. || Travail de force. || Poignet de force. — Mar. || Manœuvre de force, qui demande de grands efforts à l'équipage (mâtage, embarquement de chaloupes, etc.). Par ext. Mar. || Faire force : exercer ou imposer l'effort maximum. ⇒ Forcer. || Faire force de rames : ramer de toutes ses forces pour aller le plus vite possible. || S'enfuir à force de rames. → Éloigner, cit. 11. || Faire force de voiles : « porter plus de voilure que ne le permet le temps pour augmenter la vitesse de route » (Gruss).
14 Nous pûmes enfin, en faisant force de voiles, nous frayer un passage à travers les glaçons plus petits jusqu'à la mer libre.
Baudelaire, Trad. E. Poe, les Aventures d'A. Gordon Pym, XVII.
4 Capacité de l'esprit; possibilités intellectuelles et morales. — Dans l'ordre intellectuel.
a (Au plur.). || Le travail qu'il fait est au-dessus de ses forces. → Au-dessus de ses facultés.
15 Craignez d'un vain plaisir les trompeuses amorces,
Et consultez longtemps votre esprit et vos forces.
Boileau, l'Art poétique, I.
16 (…) talent rare, et qui passe les forces du commun des hommes (…)
La Bruyère, les Caractères, XV, 26.
b (Au sing.). || Il n'est pas de force à affronter X dans cette polémique. || Esprit sans force. ⇒ Consistance, profondeur.
17 La philosophie n'est pas même la science des géomètres, qui, elle du moins, exerce la force de l'esprit, et en fait l'essai, sinon l'emploi.
André Suarès, Trois hommes, « Pascal », II.
♦ Spécialt. (… de … force). Capacité donnée par l'expérience, l'apprentissage de qqch. ⇒ Habileté, mérite, talent. || Être de première force au maniement (cit. 2) de l'arc. || Esthéticien (cit. 1) de première force. || Ces deux joueurs sont de la même force (→ Commenter, cit. 1). Par ext. Caractère remarquable (des ouvrages de l'esprit). ⇒ Qualité. || Dans l'œuvre immense de V. Hugo, tout n'est pas de même force. — REM. Ne pas confondre cet emploi avec le sens II., 2. (supra cit. 38).
18 — (…) je suis enthousiasmée de l'air et des paroles.
— Je n'ai encore rien vu de cette force-là.
Molière, les Précieuses ridicules, 9.
♦ En parlant des écoliers. ⇒ Niveau (intellectuel). || Élèves de même force en sciences. || Ce problème n'est pas de sa force (→ À sa portée). || Être de force à passer en troisième. — Par ext. || Cet élève est de la force de la troisième. || Deux devoirs de même force (⇒ Difficulté).
♦ Dans l'ordre moral. ⇒ Constance, courage, cran, détermination, énergie, fermeté, volonté. || Force morale (→ Ascétique, cit. 2); force de caractère, de volonté (→ Ascèse, cit. 2; caractère, cit. 56). || La force d'âme des héros cornéliens. || Avoir la force de prendre une décision pénible, de persévérer dans une entreprise difficile. || Redonner à qqn la force de lutter (⇒ Affermir, encourager, retremper). || Je n'ai pas eu la force de protester, de refuser. ⇒ Cœur.
19 Si nous résistons à nos passions, c'est plus par leur faiblesse que par notre force.
La Rochefoucauld, Maximes, 122.
20 Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui.
La Rochefoucauld, Maximes, 19.
21 Je n'ai pu de ma main te conduire au supplice;
Je n'en eus pas la force (…)
Voltaire, l'Orphelin de la Chine, II, 1.
22 Ma force à lutter s'use et se prodigue.
Jusqu'à mon repos, tout est un combat;
Et, comme un coursier brisé de fatigue,
Mon courage éteint chancelle et s'abat.
A. de Musset, Derniers vers, in Pièces posthumes, p. 259.
23 — Ah ! Seigneur ! donnez-moi la force et le courage
De contempler mon cœur et mon corps sans dégoût !
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Voyage à Cythère ».
24 (…) elle me résistait avec une force de volonté qui voulait maîtriser la mienne, sans qu'une larme vînt dans ses yeux, ni un tremblement dans sa voix.
Loti, Aziyadé, III, XLIV.
25 « L'énergie des Thibault », songea Antoine (…) « Chez mon père, autorité, goût de domination… Chez Jacques, impétuosité, rébellion… Chez moi, opiniâtreté… Et maintenant ? Cette force, que ce petit a dans le sang, quelle forme va-t-elle prendre ? »
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 86.
♦ Littér. (Au plur.). || Cette épreuve est au-dessus de ses forces (→ Achopper, cit. 4), au-dessus des forces humaines. || Aimer (cit. 1) de toutes ses forces. ⇒ Ardeur (→ De toute son âme).
5 Influence, pouvoir, puissance (d'un groupe, d'un ensemble de personnes). || La force de l'Église, d'un parti. || Les peuples font la force des régimes (→ Faiblesse, cit. 12). || La force de l'État (cit. 113). || Une force politique. → 1. Politique, cit. 11; et aussi émiettement, cit. || Force militaire d'un pays. || Force d'une armée. || La discipline (cit. 11) fait la force principale des armées.
26 Sans doute, ceux qui franchirent ce pas se sentaient une grande force, mais cette force n'était nullement organisée; le peuple n'était pas militaire, comme il l'est devenu plus tard.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., I, III.
27 (…) elle avait la force devant qui les autres plient : le calme.
R. Rolland, le Voyage intérieur, p. 92.
♦ Spécialt. || La force d'une armée, sa force numérique. ⇒ Importance.
♦ ☑ Prov. L'union fait la force.
♦ (Avec une idée de supériorité). || Sa force, c'est sa patience. — Faire la force de : constituer la supériorité de. || L'esprit fait la force de l'homme. ⇒ Valeur. || C'est son calme qui fait sa force. || Ses relations font sa force.
28 Moi, ce qui fait ma force, c'est que je fais tout moi-même : le texte, la musique, y compris l'accompagnement.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXI, p. 167.
29 Une des grandes forces de Lénine (…) était son aptitude à ne jamais se sentir prisonnier de ce qu'il avait prêché la veille comme vérité.
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 60.
♦ ☑ En force (→ au sens propre, ci-dessus, I., 1.). || Être en force, arriver, attaquer en force, en nombre, avec des effectifs considérables. || « L'ennemi se montre en force sur notre flanc gauche » (Littré).
6 (XIIe). Plur. Ensemble des armées. ⇒ Troupe (→ Exposé, cit. 1). || Les forces armées de l'O. T. A. N. || Forces d'outre-mer. || Forces de terre et de mer; forces navales, aériennes. — (1939). || Forces terriennes antiaériennes (F. T. A.). || Regrouper, concentrer ses forces. || Forces massées à la frontière. || Écraser les forces ennemies (→ Acculé, cit. 2).
30 Alexandre, et sous lui, Barclay de Tolly, son ministre de la guerre dirigeait toutes ces forces; elles étaient partagées en trois armées.
Ph. P. Ségur, Hist. de Napoléon, IV, I.
31 Les « régulars » et les forces supplétives devaient se rassembler.
P. Mac Orlan, la Bandera, XIII.
♦ Par ext. || Forces politiques, syndicales. || Forces conservatrices (1797, au sing.), réactionnaires. || Forces progressistes, révolutionnaires.
32 (…) il avait immédiatement aperçu quel parti l'Internationale pouvait tirer de ce trouble, pour rallier les forces d'opposition et faire progresser l'idée révolutionnaire.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 138.
———
II (La force de quelque chose).
1 Résistance (d'un objet). ⇒ Résistance, robustesse, solidité. || Force d'un mur, d'une barre. || Force d'un lien (→ Briser, cit. 18), d'un tissu. || Donner de la force, de la solidité. ⇒ Consolider, renforcer. — Spécialt. || Jambe de force, ou force : pièce de charpente qui sert, dans la ferme d'un comble, à soulager la portée des longues poutres (→ 1. Canon, cit. 3).
2 Intensité ou pouvoir d'action (d'une chose); caractère de ce qui est fort. || La pluie frappe les vitres avec force. || La force du vent. ⇒ Vitesse. || Vent de force 5, de force 6.
32.1 Dehors, nous trouvons un petit force 3 du sud-ouest et Joshua taille de la route au près sur une mer en nette diminution depuis hier (…) je constate (…) que le vent est contraire, qu'il n'est pas trop fort (c'est toujours ça de gagné) et je me console par la foi. En tout cas, tout va bien à bord, malgré ma sainte horreur des traversées qui débutent avec vent debout.
Bernard Moitessier, Cap Horn à la voile, p. 70.
♦ Par ext. || Force d'un coup, d'un choc (→ Abattre, cit. 17; approcher, cit. 15). || La force d'une détonation. || Diminuer la force d'un son. ⇒ Baisser. || La force d'un acide. || Force d'une boisson, sa concentration ou son degré d'alcool. || Donner de la force à un vin. ⇒ Corser. || Atténuer, accentuer la force d'un effet, d'une réaction. || Il s'écria avec force.
♦ (Choses abstraites). || La force d'un sentiment, d'un désir, son intensité. ⇒ Violence. || Égoïsme qui prend de plus en plus de force avec l'âge. || La force des passions. ⇒ Courant (cit. 13), torrent.
33 Hélas ! que votre amour n'avait guère de force
Et de si peu de chose on le peut voir mourir !
Molière, Amphitryon, II, 6.
34 L'homme qui vit avec force n'a que faire des idées mortes, ce gibier de savant.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », III.
35 (…) effrayée de découvrir qu'un muscle perd sa vigueur, un désir sa force, une douleur la trempe affilée de son tranchant (…)
Colette, la Naissance du jour, p. 6.
36 Nous n'agirions jamais si nos sentiments devaient avoir à nos yeux un commencement et une fin; c'est notre foi en leur éternité qui fait leur force éphémère (…)
Edmond Jaloux, le Dernier Jour de la création, VII.
♦ ☑ Loc. Dans toute la force du mot, du terme : dans l'acception la plus signifiante, la moins affaiblie. || Il est fou dans toute la force du terme.
37 George Allory, qui est, dans toute la force du terme, une vieille noix (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XVIII, p. 248.
♦ Force du style. ⇒ Couleur, vie, vigueur (→ Amplification, cit. 1). || S'exprimer avec force. ⇒ Éloquence, 1. feu, véhémence. || Cela manque de force (⇒ Faible).
38 Je crois que le plus grand caractère du génie est avant tout la force, donc ce que je déteste le plus dans les arts, ce qui me crispe, c'est l'ingénieux, l'esprit.
Flaubert, Correspondance, t. II, p. 278.
♦ Peint. || Force du tracé, du dessin…, se dit de formes tracées nettement, avec décision. ⇒ Vigueur.
39 Frappante figure, dont on ne pouvait oublier l'extrême et significative force de contour.
Colette, l'Étoile Vesper, p. 63.
♦ Efficacité. || Force d'une machine, d'un levier, d'un ressort. ⇒ Puissance, rendement, travail. || La force d'un médicament, d'un remède, son pouvoir agissant. ⇒ Action, activité, effet, efficacité (→ Âpreté, cit. 5). || Force d'un poison.
♦ (Abstrait). || La force d'une idée, d'une théorie, d'un système, leur action, leur influence. ⇒ Importance, influence. || La force de la beauté, de la vérité.
40 Mais le vrai a une grande force quand il est libre; le vrai dure; le faux change sans cesse et tombe.
Renan, Souvenirs d'enfance…, Préface.
41 (…) dans un endroit comme celui-ci, le mensonge a autant de force que la vérité.
J. Green, Adrienne Mesurat, III, VIII.
♦ Force d'un argument, d'une argumentation (cit. 3), d'une preuve, d'une démonstration. || Force probante : pouvoir de persuasion. || Force de l'éloquence.
42 La force d'un raisonnement consiste dans une exposition claire des preuves mises dans tout leur jour, et une conclusion juste (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Force.
♦ Jeux. || La force d'une main, au bridge, sa valeur objective, calculée en points.
———
III (Toujours au sing.). Pouvoir de contrainte.
1 (En parlant d'une personne, d'un groupe, d'une organisation). ⇒ Contrainte, oppression, violence. || Employer la force, user de la force. || Recourir alternativement à la force et à la douceur, à la ruse, à la conciliation. || Faire faire quelque chose par la force (→ Éducation, cit. 1). || Faire force à qqn (vx). ⇒ Forcer. || Avoir la force en main (vx). || Opposer la force à la force. || Résister à la force. || Céder, obéir à la force. || Maître imposé par la force. ⇒ Oppression, tyrannie (→ Exécrer, cit. 5). || « C'est la force qui fait l'opinion » (cit. 26, Pascal).
43 (Je sais) que jamais par la force on n'entra dans un cœur (…)
Molière, le Misanthrope, IV, 3.
44 On accepte la violence parce que tous les grands changements sont basés sur la violence et l'on confère à la force une obscure vertu morale.
Sartre, Situations III, p. 54.
♦ La force et la justice, et le droit (cit. 34). || La force prime le droit (→ 3. Droit, cit. 36), mot attribué à Bismarck, apologie de la force brutale au mépris de la légalité.
45 Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante; la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants; la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste.
Pascal, Pensées, V, 298.
46 (…) en temps de paix armée, il est illusoire d'espérer que des gouvernements, convaincus de la primauté de la force sur le droit, et déjà dressés les uns contre les autres, et lancés à fond dans la course aux armements, puissent jamais s'entendre pour (…) renoncer tous ensemble à leur folle tactique.
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 171.
♦ (Dans des expressions avec de). Pouvoir de contraindre donné par la supériorité militaire. || Coup de force. || Situation de force. || Politique de force, d'intimidation par la force. ⇒ Pression. || Épreuve de force, entre deux antagonistes, deux groupes adverses, tout espoir de conciliation étant écarté.
♦ Maison centrale de force, maison de force : prison d'État où sont les condamnés aux travaux forcés et à la réclusion. ⇒ Forçat, prison.
47 La peine des travaux forcés est subie dans une maison de force, avec obligation au travail et assujettissement à une épreuve d'isolement cellulaire de jour et de nuit.
Décret du 17 juin 1938, art. 1er (loi du 5 janv. 1951).
♦ Par ext. || Force publique : ensemble des agents armés d'un gouvernement, qui assurent par la force l'exécution des actes, et le maintien de l'ordre public. ⇒ Gendarmerie, police (→ Contribution, cit. 1). || Recourir à la force pour disperser un attroupement (cit. 2). || Force armée : tout corps de troupes qui peut être requis pour faire exécuter la loi, maintenir l'ordre. || Faire appel à la force armée en cas de grève (→ Extrême, cit. 13).
48 La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
Déclaration des droits de l'homme, art. 12.
REM. Au plur., forces de l'ordre, forces de police, s'emploient dans le langage gouvernemental pour police et gendarmerie, en période de troubles, d'émeutes. Les forces de l'ordre ont occupé la Sorbonne en mai 1968.
48.1 Et s'il n'existait pas d'aiguillon capable de remettre ce peuple debout ? S'il se soumettait à la force : non aux forces de l'ordre, mais à l'ordre de la Force ?
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 54.
♦ (1959). || Force de frappe : ensemble des moyens militaires modernes (fusées, armes atomiques) destinés à écraser rapidement un ennemi. — (1961). Fig. Autorité, force, puissance.
48.2 Une œuvre de style baroque. On aime ou on n'aime pas. J'aime modérément, tout en devant reconnaître la force de frappe.
♦ Force de dissuasion. ⇒ Dissuasion.
2 La force de (qqch.) : son caractère irrésistible. || La force de l'évidence (cit. 9), devant laquelle on s'incline. || Force de l'exemple, de la raison (→ Autorité, cit. 38). || La force de l'habitude (→ Axe, cit. 2; décousu, cit. 4). || Faire quelque chose par la force de l'habitude, automatiquement, machinalement. — La force des choses : la nécessité qui résulte d'une situation. ⇒ Nécessité, obligation. || Il ne peut différer plus longtemps, il sera amené par la force des choses à prendre une décision. ⇒ Inévitablement, nécessairement, obligatoirement (→ Acculer, cit. 5; briser, cit. 2).
49 C'est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l'égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir.
Rousseau, Du contrat social, II, 11.
50 (…) par la force des choses (…) on enterra pêle-mêle, les uns sur les autres, hommes et femmes, sans souci de la décence.
Camus, la Peste, p. 193.
♦ Dr. || Force majeure : événement qui n'a pu être prévu ni empêché, ni surmonté et qui libère le débiteur de son obligation. — ☑ Loc. cour. Cas de force majeure (→ Censé, cit. 3). || L'incendie provoqué par la foudre, l'inondation, la guerre, cas de force majeure (→ Avarie, cit. 5).
♦ Force exécutoire d'un acte. ⇒ Exécutoire; coercition, contrainte. — Force de chose jugée : qualité appartenant aux jugements quand les voies de recours produisant un effet suspensif sont épuisées ou lorsque le délai pour les former est expiré (→ aussi Autorité, cit. 30). — Force d'une loi, son caractère obligatoire. ⇒ Autorité (→ Abroger, cit. 1). ☑ Loc. Avoir force de loi : être assimilable à une loi, en avoir le caractère obligatoire. || Décret, arrêté qui a force de loi (→ aussi Comice, cit. 1). — Force est demeurée à la loi, se dit lorsque grâce aux autorités chargées de la faire respecter, la loi l'a emporté.
51 (…) il s'introduisit une coutume ayant force de loi (…) de faire grâce de la corde à tout criminel condamné qui savait lire (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Clerc.
3 ☑ Loc. adv. De force : en faisant effort pour surmonter une résistance. || Faire entrer de force une chose dans une autre. || Prendre, enlever de force qqch. à qqn. ⇒ Arracher, extorquer. || Attacher quelqu'un de force. || Prendre une femme de force. ⇒ Violer. — Prendre une ville de vive force. ⇒ Assaut (→ Emblée). — ☑ De gré ou de force : volontairement ou non. || Il obéira de gré ou de force, qu'il le veuille ou non. ⇒ Forcer, violenter.
52 L'Assemblée nationale reçut une pétition de la mère d'une autre religieuse, que l'on retenait de force; la supérieure et le directeur l'empêchaient de transmettre à la municipalité la déclaration qu'elle faisait de quitter son ordre.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., IV, XI.
53 — Je vais aller chercher vos filles, mon bon père Goriot, je vous les ramènerai.
— De force, de force ! Demandez la garde, la ligne, tout !
Balzac, le Père Goriot, Pl. t. II, p. 1072.
♦ ☑ Par force : en recourant à la force; en cédant à la force. || Prendre, obtenir quelque chose par force. || Il n'a pas accepté de son plein gré, mais par force, parce que les événements l'y contraignaient (→ Assuré, cit. 82; bois, cit. 18; faveur, cit. 19). — Contr. : bénévolement, volontairement.
54 Le mariage est une chaîne où l'on ne doit jamais soumettre un cœur par force; et si Monsieur est honnête homme, il ne doit point vouloir accepter une personne qui serait à lui par contrainte.
Molière, le Malade imaginaire, II, 6.
55 À certains moments, on a un peu l'impression d'avoir à faire marcher par force des galériens ou des prisonniers de guerre.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXVII, p. 297.
♦ ☑ À toute force : en dépit de tous les obstacles, de toutes les résistances. ⇒ Absolument; → Malgré tout; à tout prix; par tous les moyens; coûte que coûte. || Il voulait à toute force que nous l'accompagnions en voyage. || Il faut à toute force obtenir ce laissez-passer (→ aussi Approche, cit. 3). — Vieilli. À la rigueur.
56 (…) ceux qui voulaient à toute force qu'on travaillât pour eux.
♦ ☑ Loc. littér. Force est de (et l'inf.). S'emploie pour exprimer la contrainte des événements, de la raison… || Force était de prendre une décision, il fallait la prendre de toute nécessité, sans aucune échappatoire. || Force lui fut de se contenter de ce qu'il avait. ⇒ Nécessité (→ aussi Combat, cit. 12; échappement, cit. 2).
57 (…) ne fallait-il voir là qu'une suite fortuite d'événements, ou chercher entre eux quelque rapport ? Ni Casimir n'aurait su, ni l'abbé voulu m'en instruire. Force était d'attendre avril. Dès mon second jour de liberté, je partis.
Gide, Isabelle, VII.
58 Force lui fut de reconnaître que, ce soir, il avait opté pour le plus facile, et pris le chemin tout tracé.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 215.
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IV Principe d'action (physique ou morale).
1 Énergie, travail (vx, en sciences). || La force mouvante (cit. 4) d'un poids.
59 L'invention de tous ces engins n'est fondée que sur un seul principe, qui est que la même force, qui peut lever un poids, par exemple, de 100 livres à la hauteur de 2 pieds, en peut aussi lever un de 200 livres à la hauteur d'un pied ou de 400 à la hauteur d'un demi-pied, et ainsi des autres, si tant est qu'elle lui soit appliquée.
Descartes, cité par Bouasse, Introd. à l'étude des théories de la mécanique, p. 70.
60 L'air, par exemple, condensé dans un récipient, fait un effort continuel pour se dilater, sans jamais rien perdre de sa force; parce que les parois du récipient, ne pouvant céder, ne font que soutenir sa pression, sans affaiblir l'élasticité de l'air.
J. Bernoulli, cité par Bouasse, Introd. à l'étude des théories de la mécanique, p. 257.
♦ Littéraire :
61 En moins d'un siècle, trois réserves de forces ont été décelées : la vapeur, l'électricité, l'énergie intra-atomique. Le champ des découvertes est loin d'être clos.
Daniel-Rops, le Monde sans âme, p. 70.
2 Mod. a Cause capable de déformer un corps, ou d'en modifier le mouvement, la direction, la vitesse. || La mécanique, science de l'équilibre des forces (⇒ Statique) et des mouvements qu'elles engendrent (⇒ Dynamique).
♦ Force créant une déformation dans un corps. || Représentation vectorielle d'une force (direction, sens, point d'application, intensité). || Bras de levier d'une force. || Force d'adhésion (cit. 1), de pression, force cohésive. || Théorème du parallélogramme (cit.) des forces. || Décomposition d'une force en ses composantes. || Résultante de deux forces. || Forces parallèles de sens différent et de même intensité. ⇒ Couple (→ Isodynamique). || Équilibre des forces. || Force d'inertie : résistance qu'oppose un mobile à ce qui peut le mettre en mouvement. || Moment d'une force par rapport à un point : produit de la force par la distance du point à la force.
b Dans l'équation fondamentale de la dynamique, Produit de la masse d'un corps par l'accélération que ce corps subit (F = mγ). || Force vive d'un corps : produit de la masse d'un corps par le carré de sa vitesse. — REM. Cette expression est parfois abusivement employée à la place de celle d'énergie cinétique. || Force attractive (⇒ Attraction), répulsive. || Force centrifuge, centripète (cit.). || Force de la pesanteur. ⇒ Poids. || Force ascensionnelle d'un ballon. || Le newton, unité de force dans le système M. K. S. A. || Forces de contact, opposé à forces de champs, à distance. || Lignes de force d'un champ électrique, magnétique. ⇒ Flux (flux magnétique). || Forces de gravitation électromagnétiques nucléaires. — Force électromotrice (→ f. é. m.).
62 Un jour, en l'année 1666, Newton, retiré à la campagne, et voyant tomber des fruits d'un arbre, à ce que m'a conté sa nièce (madame Conduit), se laissa aller à une méditation profonde sur la cause qui entraîne ainsi tous les corps dans une ligne qui, si elle était prolongée, passerait à peu près par le centre de la terre. Quelle est, se demandait-il à lui-même, cette force qui ne peut venir de tous ces tourbillons imaginaires démontrés si faux ? Elle agit sur tous les corps à proportion de leurs masses, et non de leurs surfaces; elle agirait sur le fruit qui vient de tomber de cet arbre, fût-il élevé de 3 000 toises, fût-il élevé de 10 000. Si cela est, cette force doit agir de l'endroit où est le globe de la lune jusqu'au centre de la terre; s'il est ainsi, ce pouvoir, quel qu'il soit, peut donc être le même que celui qui fait tendre les planètes vers le soleil, et que celui qui fait graviter les satellites de Jupiter sur Jupiter.
Voltaire, Éléments de philosophie de Newton, III, III.
63 C'est évidemment la force musculaire de l'homme et des animaux qui est à l'origine de la notion de force; c'est à cette force musculaire que se rapportent les mots qui, dans les langues les plus anciennes, correspondent au mot « force » et à ses dérivés. Si deux hommes tiennent dans leurs mains les deux extrémités d'une corde et tirent chacun de son côté, c'est le plus fort qui l'emporte (…) De nombreuses expériences suggèrent l'idée plus ou moins vague de l'addition des forces : si deux hommes tirent sur la même corde, ils l'emportent aisément sur un seul homme qui tire seul à l'autre extrémité (…) En l'absence de toute force, le mouvement d'un corps continue, toujours dans la même direction et avec la même vitesse, c'est-à-dire rectiligne et uniforme (…) Cette concordance (des calculs et des expériences) a certainement beaucoup contribué à créer chez les mécaniciens (spécialistes des problèmes de mécanique rationnelle) la croyance en la réalité des forces, bien que ce soient, à certains égards, de pures abstractions dont on observe seulement les effets.
Émile Borel, Évolution de la mécanique, p. 13, 66, 85.
63.1 Quand on dit que la force est la cause d'un mouvement, on fait de la métaphysique, et cette définition, si on devait s'en contenter, serait absolument stérile. Pour qu'une définition puisse servir à quelque chose, il faut qu'elle nous apprenne à mesurer la force; cela suffit d'ailleurs, il n'est nullement nécessaire qu'elle nous apprenne ce que c'est que la force en soi, ni si elle est la cause ou l'effet du mouvement.
Henri Poincaré, la Science et l'Hypothèse, p. 120.
♦ Spécialt. Cour. Courant électrique. ⇒ Électricité. — Courant électrique triphasé. || Faire installer la force. || Cet appareil utilise la force, (appos.) le courant force.
c Fig. || Équilibre, jeu de forces contraires dans la société (→ Carnage, cit. 5). || Être écartelé (cit. 5) entre des forces contraires (→ Contrepoids, cit. 3).
♦ (1950). Polit. || Troisième force : force politique qui tente de garder une position intermédiaire entre des tendances déterminées (droite, gauche, etc.).
♦ Lignes de force d'une œuvre graphique, d'un tableau : les axes qui ont servi à leur composition.
♦ Force d'inertie d'une personne.
♦ Forces vives. ⇒ Vif.
64 (…) notre volonté est une force qui commande à toutes les autres forces lorsque nous la dirigeons avec intelligence.
Buffon, Introd. à l'hist. nat. des minéraux, Des éléments, II, in Œ., t. IX, p. 66.
REM. Lalande (Dict. philosophique) conseille d'éviter le mot force dans ce sens, comme étant « un des mots les plus vagues et les plus obscurs de la philosophie ».
♦ Idées-forces : opinions ou idées capables d'influencer l'évolution d'un individu, ou d'une nation, d'une époque. || Le principe des nationalités, l'une des idées-forces du XIXe siècle.
b Cour. (souvent au plur.). Principe d'action. || Les forces aveugles, mystérieuses, occultes de l'univers, de la nature (→ Bienveillant, cit. 5; culture, cit. 21). || Les forces implacables du destin (→ Fatalisme, cit. 3). || Les forces du mal, des ténèbres. || Forces obscures, irrésistibles, fatales, qui poussent, entraînent quelqu'un. ⇒ Impulsion (→ Agitation, cit. 17; bouillonnement, cit. 2; étudier, cit. 4). || Être mû par une force (→ Façon, cit. 29). || Forces émanant des êtres, des choses. ⇒ Fluide (cit. 9). || Aucune force au monde ne peut l'arrêter (→ Accomplir, cit. 8). || La force du sang, sorte d'attirance, de lien que crée la consanguinité des êtres. ⇒ Parenté.
65 (…) Je suis une force qui va !
Agent aveugle et sourd de mystères funèbres !
Une âme de malheur faite avec des ténèbres !
Où vais-je ? Je ne sais. Mais je me sens poussé
D'un souffle impétueux, d'un destin insensé.
Hugo, Hernani, III, 4.
66 Il y a je ne sais quelle force cachée, a dit Lucrèce (ce que d'autres avec Bossuet nommeront Providence), qui semble se plaire à briser les choses humaines, à faire manquer d'un coup l'appareil établi de la puissance, et à déjouer la pièce juste au moment où elle promettait de mieux aller.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 6 mai 1850.
67 Il y a dans la prière une opération magique. La prière est une des grandes forces de la dynamique intellectuelle.
Baudelaire, Journaux intimes, « Fusées », XI.
68 (…) je ne pus m'empêcher d'admirer la vigueur magnifique de la nature et l'irrésistible force qui pousse tout germe à se développer dans la vie.
France, le Crime de S. Bonnard, in Œ., t. II, p. 348.
69 Chez nous, les idées sont des forces actives et dangereuses qu'il faut manier avec prudence.
A. Maurois, les Discours du Dr O'Grady, XIII.
70 Il était dans le juste et dans le vrai. Il avait pour lui la raison, les forces obscures de l'avenir.
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 26.
71 Le mouvement syndicaliste est la plus grande force d'aujourd'hui et de demain. C'est une force que je puis capter.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, p. 236.
72 Elle avait la certitude que si elle ouvrait sa porte les forces hostiles déferleraient chez elle, s'empareraient d'elle et que ça serait fini une fois pour toutes.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 232.
♦ ☑ Fig. C'est une force de la nature, se dit d'une personne dotée d'une vitalité irrésistible qui évoque les éléments de la nature. ⇒ Phénomène.
73 Monsieur, je vous aime et je vous admire, parce que vous êtes une des forces de la nature.
Michelet, Lettre à Alexandre Dumas père.
———
74 Force dans le sens de beaucoup, que Buffler trouvait vieilli, a peut-être été sauvé par le vers de La Fontaine : j'ai dévoré force moutons. Cette expression n'est cependant pas d'un grand usage. On dit une quantité, un grand nombre, une foule.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 114.
♦ Manger force soupe (→ Aboyer, cit. 3). || Salle arrangée (cit. 9) avec force tapisseries.
75 (…) la renommée n'en dit pas force bien (…)
Molière, Dom Juan, III, 3.
76 (…) une (…) fontaine monumentale qui forme épaulement, dédiée à l'empereur Charles-Quint, avec force devises, blasons, victoires, aigles impériales, médaillons mythologiques (…)
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 164.
77 Les enfants sont toujours portés à aimer les soldats. Nous nous séparâmes à la porte avec force poignées de main (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, V.
77.1 Dans la salle, une foule considérable est rassemblée : des hommes, debout, pour la plupart en costumes civils, qui parlent par petits groupes en faisant beaucoup de gestes. Le soldat essaie de s'y frayer un passage. Il parvient enfin à une zone plus dégagée où les gens, assis à des tables, boivent du vin en discutant, toujours avec force mouvements de mains et exclamations.
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 170.
b ☑ Loc. adv. Vx. À force. ⇒ Beaucoup, extrêmement, fort.
78 Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force
Des Nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?
Ronsard, Élégies, XXIV.
c ☑ Loc. prép. Mod. À force de. — (Suivi d'un nom). Par beaucoup de…, grâce à beaucoup de… || À force de patience, il finira par réussir. ⇒ Avec. || À force de repos et de soins il recouvra la santé. || Il se l'attacha à force de bontés, de bienfaits. || Se laisser corrompre à force de présents (→ Apaiser, cit. 6). || Assassiner (cit. 7) les gens à force de nourriture. || Économiser (cit. 1) de l'argent à force de privations (→ aussi Arriver, cit. 39; art, cit. 52; atermoiement, cit. 2).
79 À force de façons, il assomme le monde (…)
Molière, le Misanthrope, II, 4.
80 À force de plaisirs notre bonheur s'abîme.
Cocteau, Poèmes choisis, « Dos d'ange ».
♦ (Suivi d'un verbe, exprime la répétition, l'intensité de l'action ou de l'état). || Il s'est cassé la voix à force de crier. || À force de mentir, il perdra la confiance de tout le monde. || À force de parler d'amour, on devient amoureux (cit. 3). || À force de tirer sur la corde, elle casse. || Vous êtes faible à force d'être bon.
81 Il a trouvé à force de chercher.
Clément Marot, Chants divers, XIII.
82 Quels cheveux sans couleur, à force d'être blonds ! On dirait que le jour passe à travers.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, VIII.
83 À force de prier Dieu, il lui vint un fils.
Flaubert, la Légende de saint Julien l'Hospitalier, I.
84 À force de penser à Marthe, j'y pensai de moins en moins. Mon esprit agissait, comme nos yeux agissent avec le papier des murs de notre chambre. À force de le voir, ils ne le voient plus.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 51.
85 Devant eux, des champs gorgés de trèfles sombres à force d'être verts, les pommiers innombrables dénonçant à la pourpre de leurs pommes la maturité de leur force, le long des haies, l'une enjambant l'autre, les légères aubépines ayant à peine changé leur parure blanche du printemps pour la parure plus soutenue et les petites baies rouges de l'été (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 460-461.
♦ ☑ Loc. adv. Ellipt. (fam.). À force. || À force, il a fini par y arriver. || Moi, à force, j'en ai assez (→ À la longue, à la fin).
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CONTR. Adynamie, affaiblissement, alanguissement, asthénie, débilité, délicatesse, faiblesse, fatigue, fragilité, langueur. — Apathie, inertie, lâcheté, mollesse, pusillanimité. — Impuissance, infériorité; inefficacité. — Douceur, persuasion.
COMP. Antiforces.
HOM. Forces; formes du v. forcer.
Encyclopédie Universelle. 2012.