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nécessité

nécessité [ nesesite ] n. f.
XIIe; lat. necessitas
1Caractère nécessaire (d'une chose, d'une action). obligation. « la nécessité d'un oui ou d'un non devenait absolue » (Zola). Il « ne voyait guère la nécessité de baptiser la petite » (Zola). besoin. Log. Un des quatre modes de la logique modale.
2Chose, événement inéluctable qui exerce une contrainte sur l'homme. C'est une nécessité absolue (cf. Il faut en passer par là). La nécessité de mourir. Par nécessité : en étant obligé, forcé. ⇒ nécessairement. J'ai accepté par nécessité plus que par choix. Il est sévère sans nécessité ( gratuitement, inutilement) .
3Philos., log. Enchaînement nécessaire des causes et des effets, des principes et des conséquences. Doctrine de la nécessité. déterminisme. Nécessité et liberté. « Le Hasard et la Nécessité », œuvre de J. Monod.
4(Souvent au plur.) Chose, condition ou moyen nécessaire. exigence.
Besoin impérieux. besoin. Les nécessités de la vie : les besoins que l'on doit satisfaire pour mener une vie normale. Objets, dépenses de première nécessité, qui correspondent à des besoins essentiels. ⇒ indispensable.
Spécialt Vx Besoins naturels. Faire ses nécessités. besoin. Chalet de nécessité.
5État d'une personne qui se trouve obligée (par un besoin, une contrainte extérieure) de faire qqch. Être, se trouver dans la nécessité d'accepter. La nécessité où ils sont de partir. Ne me contraignez pas à cette pénible nécessité.
6Absolt État où l'on est contraint de faire telle ou telle chose. Loc. prov. Nécessité fait loi : certains actes se justifient par leur caractère inévitable. Faire de nécessité vertu : accomplir de bonne grâce un devoir pénible. Il songeait « à faire, non de nécessité vertu, mais de nécessité plaisir » (Musset).
Dr. État de nécessité : état d'une personne contrainte de commettre un acte délictueux pour échapper ou faire échapper un tiers à un danger et dont la responsabilité pénale est exclue. — Dr. constit. Théorie impliquant la dispense de répartition des compétences constitutionnelles en cas de péril national.
7Vx Privation des biens nécessaires. dénuement, indigence, pauvreté. Être dans la nécessité, une cruelle nécessité. nécessiteux.
⊗ CONTR. Éventualité, possibilité. Contingence. Luxe.

nécessité nom féminin (latin necessitas, -atis) Caractère de ce qui est nécessaire, de ce dont on ne peut se passer : La nécessité de gagner sa vie. Caractère de ce qui est inévitable, inéluctable : La nécessité de la mort. Besoin impérieux, chose nécessaire : La liberté de la presse est une nécessité. Littéraire. Dénuement, pauvreté, privation des biens indispensables : Être dans la nécessité.nécessité (citations) nom féminin (latin necessitas, -atis) Henri Frédéric Amiel Genève 1821-Genève 1881 Le devoir est la nécessité volontaire. Journal intime, 5 mai 1848 Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 En faisant des œuvres de surabondance, gardez-vous bien d'oublier celles qui sont de nécessité. Sermon sur la Conception de la Sainte Vierge François Villon Paris 1431-après 1463 Nécessité fait gens mesprendre Et faim saillir le loup du bois. Testament, XXI commettre une faute Mao Zedong, Mao Tsö-tong ou Mao Tsé-toung Shaoshan, Hunan, 1893-Pékin 1976 L'histoire de l'humanité est un mouvement constant du règne de la nécessité vers le règne de la liberté. Citations du président Mao Tsé-Toung, XXII William Pitt, dit le Second Pitt Hayes, Kent, 1759-Putney, près de Londres, 1806 La nécessité, telle est la raison que l'on invoque pour toute atteinte à la liberté humaine. C'est l'argument des tyrans ; c'est le credo des esclaves. Necessity is the plea for every infringement of human freedom. It is the argument of tyrants ; it is the creed of slaves. Discours à la Chambre des communes, 18 novembre 1783nécessité (expressions) nom féminin (latin necessitas, -atis) De première nécessité, indispensable à la vie humaine. De toute nécessité, nécessairement, obligatoirement. Littéraire. Faire de nécessité vertu, faire de bonne grâce ce qu'on trouve déplaisant, mais qui est nécessaire. Mettre quelqu'un dans la nécessité de, le contraindre à agir ainsi. État de nécessité, situation de quelqu'un qui ne peut sauvegarder un droit ou éviter un péril qu'en commettant un acte délictueux proportionnel à la gravité de la menace et, de ce fait, non susceptible de faire l'objet de poursuites (exemple : pompier fracturant une porte lors d'un incendie). Monnaie de nécessité, monnaie de qualité médiocre frappée sous la contrainte d'une situation de crise (monnaie obsidionale, par exemple). État de nécessité, situation, prévue par certaines constitutions, qui débouche sur un bouleversement du jeu normal des compétences. (Ainsi, en France, l'article 16 de la Constitution de 1958 autorise le chef de l'État à prendre dans certaines circonstances et sous certaines conditions toutes les mesures nécessaires, qu'elles soient législatives ou réglementaires.) ● nécessité (synonymes) nom féminin (latin necessitas, -atis) Caractère de ce qui est nécessaire, de ce dont on...
Synonymes :
- besoin
- obligation
Caractère de ce qui est inévitable, inéluctable
Synonymes :
- destin
- fatalité
Besoin impérieux, chose nécessaire
Synonymes :
- impératif

nécessité
n. f.
d1./d Caractère de ce qui est nécessaire; chose nécessaire; obligation. La nécessité de manger pour vivre.
Nécessité vitale, absolue.
d2./d Besoin impérieux; ce qui est indispensable dans une situation donnée.
Les nécessités de la vie.
|| Objets de première nécessité, ceux qui sont vraiment indispensables pour vivre.
d3./d Loc. Nécessité fait loi: certains actes se justifient d'eux-mêmes par leur caractère inévitable.
Faire de nécessité vertu: s'acquitter, en y cherchant une occasion de mérite, d'une chose nécessaire.
d4./d PHILO, LOG Caractère nécessaire d'un enchaînement de causes et d'effets.

⇒NÉCESSITÉ, subst. fém.
I. La nécessité de qqc.; une, des nécessités
A. —[Correspond à nécessaire I A]
1. Caractère nécessaire, indispensable de quelque chose; action, fait, état, condition qui doivent obligatoirement être réalisés (pour atteindre une fin, répondre à un besoin, à une situation). Nécessité absolue, indispensable; nécessité pratique, morale; faire qqc. par nécessité, sans nécessité; en cas de nécessité.
Constructions
a) [Suivi d'un compl.]
♦[Le compl. introduit par de est un subst.] La nécessité du travail, de l'effort, d'un choix, d'un changement. Le rocailleux Mélis releva des négligences de style, et disserta, en assez mauvais français, sur les avantages et la nécessité de la correction (JOUY, Hermite, t.3, 1813, p.47). Mais lui, si l'émotion de la voir bonne et aimante rendait plus atroce la nécessité du départ, comprenait que cette nécessité s'imposait davantage chaque jour (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p.255). Cette nécessité absolue d'un tissu vivant [pour la reproduction du virus] explique la progression plus lente de nos connaissances sur les maladies virales (QUILLET Méd. 1965, p.189).
♦[Le compl. introduit par de est un inf.] Je lui montrais la double nécessité impérieuse de recompléter toutes les divisions britanniques et d'exclure toute distinction définitive entre elles (FOCH, Mém., t.2, 1929, p.77). La première nécessité qu'imposait cet impératif était de trouver à remplacer le sucre de canne (P.ROUSSEAU, Hist. techn. et invent., 1967, p.213).
♦[Le compl. est une prop. au subj. introduite par que] À présent elle voyait moins que jadis la nécessité que Gilbert travaillât (ARLAND, Ordre, 1929, p.330). Il y a nécessité qu'il retourne chez lui pour que ses parents n'aillent pas penser qu'il est mort (CAMUS, Chev. Olmedo, 1957, 3e journée, 6, p.790).
b) [En fonction d'attribut] Il nous apparaît (...) que lire Claudel fut pour M. Lasserre une nécessité, et une nécessité ingrate (MASSIS, Jugements, 1924, p.259). De nos jours, le travail n'est plus un passe-temps agréable pour les oisifs; il est devenu une nécessité (ANOUILH, Sauv., 1938, III, p.227).
c) Dans des loc. adj. (Chose, action) de nécessité, de toute nécessité, de nécessité absolue. Qui est (absolument) nécessaire, indispensable. Richard III réunit à ces vices, qui sont de nécessité dans son rôle, beaucoup de choses qui ne peuvent appartenir qu'à lui seul (CONSTANT, Wallstein, 1809, p.XL). Un seul imbécile leur suffit, mais l'imbécile est de toute nécessité (GONCOURT, Journal, 1888, p.807). Pour les loc. adv. v. infra II B 1.
De première nécessité. Qui est indispensable, de la plus grande importance. Artiste, denrée, objet de première nécessité. De seconde nécessité. Qui est utile mais dont on pourrait éventuellement se passer. Les mémoires des fournisseurs ne portent que ces dépenses banales que le mari appelle «de première nécessité»; ces choses là se paient au grand jour; mais à certaines époques convenues, certains autres mémoires secrets font mention de quelques bagatelles que la femme appelle à son tour «de seconde nécessité», qui est la vraie, et que les esprits mal faits pourraient nommer du superflu (MUSSET, Chandelier, 1840, I, 2, p.38).
THÉOL. Nécessité de moyen. Caractère de ce dont la pratique est indispensable pour le salut. Nécessité de précepte. Caractère de ce dont la pratique est nécessaire pour le salut dans la mesure où le commandement peut être observé. La nécessité de précepte est celle qui provient uniquement d'une obligation morale imposée par le législateur (...). La nécessité de précepte ne peut donc s'appliquer qu'à ceux qui sont capables d'obligation morale, c'est-à-dire aux adultes de raison. De plus toute excuse sérieuse (...) supprime l'obligation et par conséquent la nécessité de précepte. La nécessité de moyen est celle qui provient de la connexion intime entre le moyen à employer et la fin à obtenir (...). En matière de salut, une telle nécessité s'impose à tous, adultes ou enfants, et l'ignorance, même non coupable, n'en excuse pas (Théol. cath. 14, 1 1938, p.634).
2. État qui rend quelque chose nécessaire.
a) [Suivi d'un compl. à l'inf.] État d'une personne contrainte de faire quelque chose en vertu d'un impératif d'ordre pratique ou moral. Étre dans la nécessité de faire qqc.; mettre qqn dans la nécessité, le réduire à la nécessité de faire qqc. Ce commandant se crut dans la triste nécessité de déguiser sur tous les points la vérité (Voy. La Pérouse, t.2, 1797, p.26). Il se lamentait seulement, par des propos allusifs, sur la nécessité fâcheuse où peuvent se trouver parfois les serviteurs de l'intelligence d'avoir à gagner leur vie comme les autres mortels (DUHAMEL, Cécile, 1938, p.127).
b) DR. État de nécessité. ,,État d'une personne qui, pour sauvegarder ses intérêts ou ceux d'autrui, en est réduite à commettre un acte incriminé par la loi pénale et pour lequel, vu les circonstances, lui est accordé le bénéfice de l'impunité`` (CAP. 1936). L'état de nécessité, qui n'apparaît que si le danger est imminent, inévitable et si les intérêts en conflit sont justifiés, est un cas particulier de la contrainte morale et a pour effet d'écarter toute responsabilité de l'auteur de l'acte délictueux (QUILLET 1965).
c) Vieilli ou région. État de privation, de manque des biens nécessaires. Extrême nécessité; être réduit à la dernière nécessité. Il est tombé dans la nécessité (Ac. 1798-1935). Jamais Mercédès n'avait véritablement connu la misère; elle avait souvent, dans sa jeunesse, parlé elle-même de pauvreté; mais ce n'est point la même chose: besoin et nécessité sont deux synonymes entre lesquels il y a tout un monde d'intervalle (DUMAS père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.632). Il ne pouvait l'entendre ainsi lui parler encore de loyer, de misère, de nécessité (ROY, Bonheur occas., 1945, p.288).
3. Souvent au plur. Ce que requiert une situation, un état; besoin(s), exigence(s), impératif(s). Nécessités essentielles, impérieuses; nécessités matérielles, pratiques, techniques, vitales; pourvoir, répondre, satisfaire, subvenir à des nécessités. Le bananier aurait pu suffire seul à toutes les nécessités du premier homme (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p.51). Cette phrase triviale et prophétique n'était point née parmi nous d'un sursaut d'orgueil national ou de quelque désir de revanche cocardière. Elle répondait à une nécessité intérieure si pressante que nous ne la raisonnions pas (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.137).
♦[Suivi d'un compl. ou d'un adj. déterminatif indiquant la chose ou le domaine intéressé(e)] Les principaux chefs de l'armée (...) plus ou moins sincères dans leur premier élan, mais bientôt dominés et conduits par des vues personnelles et les nécessités de leur situation (GUIZOT, Hist. civilis., leçon 13,1828, p.21). J'ajoute, qu'à mon avis, le vers qui seul convient au théâtre, est un vers souple, fondé sur le rythme, le sujet, le souffle et pouvant s'adapter à toutes les nécessités théâtrales (APOLL., Tirésias, 1918, p.869):
1. ... elles étaient toutes remplies, exubérantes de cette jeunesse qu'on a si grand besoin de dépenser que, même quand on est triste ou souffrant, obéissant plus aux nécessités de l'âge qu'à l'humeur de la journée, on ne laisse jamais passer une occasion de saut ou de glissade sans s'y livrer consciencieusement...
PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.791.
SYNT. Les nécessités de la cause; les nécessités du service, du travail, de la tâche; les nécessités de l'organisme, des sens; les nécessités de la production; les nécessités de l'armée, de la défense, de la guerre; les nécessités de l'État; nécessités économiques, commerciales, financières, publiques.
♦[Suivi d'un compl. ou d'un adj. déterminatif indiquant l'objet de la nécessité] Des nécessités d'argent. Ce n'était chez lui ni désir de contredire, ni penchant au paradoxe; c'était une nécessité impérieuse de justice et de bon sens (ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1909, p.1009).
En partic. Les besoins de la vie corporelle ou matérielle. Les nécessités de l'existence, de la vie, de la nature; nécessités naturelles. Si je l'avais vue manger seulement, si je l'avais vue soumise aux mêmes besoins et aux mêmes nécessités que les autres femmes, mon amour eût été froissé (KARR, Sous tilleuls, 1832, p.263).
Vx. Besoin(s) naturel(s). Aller à ses nécessités. Un moutard (...) qui voudrait m'empêcher d'aller aux cabinets et de faire mes nécessités! (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 2e tabl., II, p.66).
Chalet de nécessité. V. chalet A.
P.méton. Ce qui répond aux besoins essentiels; objet, denrée de première nécessité. Dans le monde moderne, il [un prince fugitif] trouve du moins d'autres princes qui lui procurent les nécessités de la vie (CHATEAUBR., Essai Révol., t.2, 1797, p.151). C'était, pour tout le monde, un manque de confort qui nous surprend. Riches et pauvres se passaient de superfluités que nous tenons pour des nécessités (BERGSON, Deux sources, 1932, p.318).
B. —[Correspond à nécessaire I B]
1. Au sing.
a) Caractère nécessaire, inévitable, inéluctable de quelque chose. La nécessité de la mort, la nécessité de mourir; la nécessité d'une conséquence. Si le renouvellement de la forme sociale est nécessaire ou inévitable, s'il est dans la raison des choses ou même seulement dans la nécessité des faits, comment ce renouvellement ne peut-il pas s'opérer? (LAMART., Corresp., 1831, p.112). Les capitalistes ont en main tous les outils de l'abondance: ils les utilisent à faire la guerre; parlera-t-on alors de l'inéluctable nécessité de la guerre? (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.171):
2. J'emploie le mot de cruauté dans le sens d'appétit de vie, de rigueur cosmique et de nécessité implacable, dans le sens gnostique de tourbillon de vie qui dévore les ténèbres, dans le sens de cette douleur hors de la nécessité inéluctable de laquelle la vie ne saurait s'exercer...
ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p.122.
b) PHILOS., LOG. Caractère de ce qui ne peut pas ne pas être ou ne peut pas être autrement. La nécessité d'un principe; la nécessité d'un être, de Dieu; la nécessité divine. Le caractère d'un fait nécessaire est de ne pas s'arrêter, d'être aujourd'hui et demain encore, d'être sans cesse et d'être partout. La nécessité d'une idée, d'une loi implique la domination de cette idée, de cette loi dans toute l'étendue de la durée, tant que l'esprit humain subsiste (COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., t.1, 1829, p.242). V. aussi apriorique ex. 1.
♦[P.oppos. à nécessité hypothétique et à nécessité morale] Nécessité absolue, catégorique, logique, métaphysique. Caractère de ce qui est posé par l'esprit comme valable en tout état de cause et dont la contradictoire est reconnue comme impossible en soi. Appliquant à ces hautes recherches les règles des proportions générales ou mathématiques, (...) nous en avons conclu la nécessité métaphysique de cet être ineffable, dont la religion nous enseigne l'existence (BONALD, Législ. primit., t.2, 1802, p.52). La nécessité relative du contingent nous révèle la nécessité absolue du nécessaire (BLONDEL, Action, 1893, p.344). Ce n'est pas une nécessité d'ordre physique, c'est une nécessité logique qui s'attache à la proposition suivante: deux corps ne sauraient occuper en même temps le même lieu. L'affirmation contraire renferme une absurdité qu'aucune expérience concevable ne réussirait à dissiper (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p.76). V. aussi infra ex. de Théol. cath.
Nécessité hypothétique, relative. Nécessité ,,subordonnée à certaines présuppositions qui pourraient elles-mêmes ne pas être faites`` (LAL. 1960, s.v. nécessité). On objecte que, hors de toute expérience, l'esprit juge nécessairement qu'il est impossible que rien n'existe. On répond: l'observation est exacte, si l'on pense en même temps que quelque chose existe maintenant, ou que quelque chose a existé avant, ou existera plus tard; mais dans ce cas on n'a qu'une nécessité hypothétique et non absolue (Théol. cath. t.4, 1 1920, p.905). V. aussi supra ex. de Blondel.
Nécessité morale. Caractère de ce qui est posé par l'esprit en vertu d'un principe de certitude morale. La nécessité morale d'affirmer des principes qui, malgré le nom d'évidents qu'on leur donne, ont plutôt pour caractère le penchant que nous avons universellement à les poser (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p.XL). Le semi-rationalisme (...) n'admettait la nécessité, soit morale, soit absolue, de la révélation que pour remédier à une impuissance accidentelle provenant de la chute originelle (Théol. cath.t.4, 1 1920, p.831).
2. Au sing. et au plur. Fait, événement, phénomène se produisant d'une manière inéluctable et exerçant une action contraignante sur un être, une collectivité, un système. Nécessités biologiques, historiques; une nécessité cruelle, inévitable. Ses instincts [de l'animal] sont le produit des nécessités que lui imposent les milieux où il se développe. De là ses variétés (BALZAC, Lambert, 1832, p.205). Cela me faisait horreur, pitié, je l'acceptais quand même, comme on accepte la maladie, la mort, beaucoup d'autres nécessités répugnantes auxquelles il faut bien se résigner (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p.1136). V. aussi assujettissement ex. 3:
3. Dans une oeuvre d'art, le spécialiste ou l'historien pourra tout expliquer de ses caractères, montrer de quelles influences elle est la conséquence, à quelles nécessités elle a obéi, comment elle a été déterminée. Voilà le mot: ce déterminisme écrasant, dont l'homme est parfois accablé. On ne peut lui échapper que par une évasion et une seule: elle est offerte par la qualité, la perception de la qualité, le jugement de la qualité.
HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.392.
En partic., au plur., vx. Événements malheureux de caractère fatal; vicissitudes. Aussi fermes qu'eux [des sectaires] dans les nécessités, nous leur en voulons de ce manque d'imagination qui les empêche de supposer un cas où ils pourraient ne plus se suffire (BARRÈS, Homme libre, 1889, p.86).
II. (La) nécessité
A. —Ensemble des contraintes s'exerçant sur un être ou sur un système et qui détermine son état, oriente son action. Qu'importe que la loi rende un hommage hypocrite à l'égalité des droits, si la plus impérieuse de toutes les loix, la nécessité, force la partie la plus saine et la plus nombreuse du peuple à y renoncer (ROBESP., Discours, Constit., t.9, 1793, p.506). Elle allait à confesse d'un coeur assez léger et n'avait point de remords d'une action où la nécessité l'avait obligée (AYMÉ, Jument, 1933, p.72):
4. Ces terribles répressions mêmes, ils ne les donnent point comme justes; ils invoquent la nécessité. Ils ne disent pas: «Je n'ai pas pu me tromper»; bien loin de là, ils considèrent l'erreur comme possible; ils invoquent la nécessité, la terrible pression de la guerre, la hâte inévitable, le désordre toujours menaçant, les effets trop connus de la faiblesse ou de l'hésitation.
ALAIN, Propos, 1930, p.935.
En partic.
♦[Essentiellement p.oppos. à liberté et à volonté] Force qui fixe le cours des événements sans intervention possible de la volonté humaine. Synon. fatalité, destin. L'aveugle, l'implacable, l'inflexible, l'invincible, l'irrésistible nécessité. Abandonne une résistance, et si fatigante et si vaine; plus sage et plus heureux, livre-toi doucement à l'irrévocable nécessité. Tes voeux n'arrêteront pas tes destins; laisse donc tes destins entraîner ta volonté paisible (SENANCOUR, Rêveries, 1799, p.19). La grâce a délivré l'homme du destin. Cette nécessité qui pesait sur la nuque des grands anciens, elle l'a vaincue et nous a rendus libres, —mais libres aussi de nous courber à nouveau sous le joug (MAURIAC, Journal 2, 1937, p.142). V. aussi antirationnel ex. 2:
5. En exécutant cet homme, j'ai obéi à la nécessité; mais la nécessité est un monstre du vieux monde; la nécessité s'appelle Fatalité. Or, la loi du progrès, c'est que les monstres disparaissent devant les anges, et que la Fatalité s'évanouisse devant la fraternité.
HUGO, Misér., t.2, 1862, p.347.
MYTHOL. ANTIQUE. Déesse de la Fatalité, fille de la Fortune, représentée avec des mains de bronze tenant des chevilles et des coins de fer. La Nécessité est souvent prise chez les poètes, pour le Destin à qui tout obéit. C'est en ce sens qu'ils font les Parques ses filles (BESCH. 1845-46). Le dieu des anciens dieux fut toujours le Destin ou la Nécessité, ce qui revient à dire le Monde en son inexplicable existence, puissant par là absolument (ALAIN, Propos, 1924, p.576).
PHILOS., LOG. [Essentiellement p.oppos. à hasard ou à contingence] Enchaînement nécessaire des causes et des effets, des principes et des conséquences, déterminisme (v. déterminisme B). Philosophie de la nécessité. La contingence elle-même est donc ramenée au déterminisme et à la nécessité mathématique, sans rien perdre de son caractère (BLONDEL, Action, 1893, p.59). La négation de la nécessité objective, du déterminisme, ferme la voie à la connaissance scientifique, aboutit inévitablement à des représentations erronées selon lesquelles la nature et la société sont le règne du chaos et des contingences (ROS.-IOUD. 1955):
6. Mais une fois inscrit dans la structure de l'ADN, l'accident singulier et comme tel essentiellement imprévisible va être mécaniquement et fidèlement répliqué et traduit, c'est-à-dire à la fois multiplié et transposé à des millions ou des milliards d'exemplaires. Tiré du règne du pur hasard, il entre dans celui de la nécessité, des certitudes les plus implacables.
J. MONOD, Le Hasard et la nécessité, Paris, éd. du Seuil, 1970, p.135.
B. Loc., expr., proverbes
1. De toute nécessité, ou vx, de nécessité, loc. adv. Nécessairement (v. ce mot A et B); obligatoirement, immanquablement. Si l'on convient qu'un grand seigneur peut être un fripon, qu'un royaliste peut être un malhonnête homme, cela ne suffit pas actuellement: un ci-devant gentilhomme est de nécessité un scélérat (CHATEAUBR., Essai Révol., t.2, 1797, p.118). Si je meurs, me voici bien avancé. Je dois vivre. Pour devenir un saint, il me faut, de toute nécessité, vivre (DUHAMEL, Journ. Salav., 1927, p.62).
2. Nécessité fait loi; nécessité n'a point de loi. V. loi I C 3.
3. Faire de nécessité vertu. Faire de bonne grâce ce que l'on est obligé de faire; endurer avec patience ce à quoi l'on ne peut se soustraire. Pour être calme et heureux, il vaudrait mieux rompre tout à fait avec le monde; mais cette rupture, ma volonté n'est pas assez forte pour l'opérer, il faut que les circonstances et la nécessité m'y obligent... Alors, faisant de cette nécessité une vertu, je serais heureux de me sentir libre et dégagé de mille liens artificiels qui compliquent et embarrassent ma vie (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p.198). J'ai idée que les auteurs de mes jours ne m'attendaient pas. Ils m'eussent volontiers laissé dans l'autre monde. Mais ils firent de nécessité vertu (GUÉHENNO, Journal homme 40 ans, 1934, p.19).
4. Vieilli. Nécessité l'ingénieuse, l'industrieuse; nécessité (est) mère d'industrie. Enfin nécessité, mère de l'industrie, nous suggéra l'idée de retrancher de la chemise tout ce qui refusait de loger dans mon pantalon (COURIER, Lettres Fr. et Ital., 1806, p.722). Pauvreté l'audacieuse, nécessité l'ingénieuse, le dur travail intérieur de la faim et du désir, les stimulent [des insectes] et développent les organes énergiques qui vont leur venir en aide (MICHELET, Insecte, 1857, p.53).
Prononc. et Orth.: [nesesite]. MARTINET-WALTER 1973 [-se-] (15/17). Ac. 1694, 1718: necessité; dep. 1740: né-. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié XIIe s. «misère, pauvreté» (Psautier Oxford, 106, 13 ds T.-L.); 1540 être en necessité (Rec. des anc. cout. de Belgique, VII, 3, 475 ds FEW t.7, p.78a); 1776 de première nécessité (CONDILLAC, Comm. gouv., I, 2 ds LITTRÉ); 2. ca 1155 «caractère de ce dont on ne peut se passer, besoin impérieux» (WACE, Brut, éd. I. Arnold,8027); 1370-72 de necessité «obligatoirement, nécessairement» (ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, p.196, n. 5); 1694 de toute necessité (Ac.); 3. a) 1269-78 «besoins naturels comme manger, dormir, etc.» (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 11307); ca 1300 aller à des nécessités «aller à la chaise percée» (GUILLAUME DE ST-PATHUS, Mir. St Louis, éd. P.B. Fay, XII, 42); b) ca 1333 subst. fém. plur. «besoin d'argent qu'éprouve un gouvernement, une corporation» (Ord., mai, XII, 21 ds GDF. Compl.); 1358 «ensemble de choses nécessaires pour vivre» (Tutelle des enfants de Nicolas de la Foy, 17 oct., A. Tournai, ibid.); 4. a) 1269-78 faire de necessite vertu (JEAN DE MEUN, op. cit., 13985); b) ca 1360 avoir necessite de «être dans l'obligation de» (H. CAPET, /41 ds T.-L.); c) ca 1480 Nécessité n'a point de loy (Myst. du viel Testament, éd. J. de Rothschild, 39647); d) 1740 necessité d'industrie est la mère (GRESSET, Le Lutrin vivant, p.60); 5. ca 1480 «fatalité, événement inéluctable» (Myst. du viel Testament, id., 36225); 6. 1656-57 «état de contrainte qui restreint ou annule le libre choix» (PASCAL, Provinciales, éd. Brunschvicg, XVIII, VII, p.30); id. mettre (qqn) dans la nécessité de (PASCAL, Provinciales, éd. Brunschvicg, XVIII, VII, p.25); 1657-62 log. «enchaînement nécessaire des causes et des effets» (PASCAL, Pensées, II, 19). Empr. au lat. necessitas «nécessité; l'inéluctable, l'inévitable; besoin impérieux, prenant; obligation impérieuse de faire une chose; caractère nécessaire, nécessité (au sens logique)». Fréq. abs. littér.: 6135. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 9368, b) 5445; XXe s.: a)7407, b) 10720. Bbg. GOHIN 1903, p.338.

nécessité [nesesite] n. f.
ÉTYM. XIIe; lat. necessitas, de necesse « inéluctable » → Nécessaire.
1 La nécessité de…, que… : caractère de ce qui est nécessaire, de ce dont on ne peut se passer (pour obtenir un résultat, satisfaire un besoin). Obligation. || Nécessité de l'astuce (cit. 4) en politique. || Croire à la nécessité des châtiments corporels (→ Gifle, cit. 3). || La nécessité d'élever les enfants (→ Exposition, cit. 14), de chercher un expédient (→ Funérailles, cit. 5)… || La nécessité d'un choix, d'une option (→ Élire, cit. 3). || La nécessité que…, suivi du subj. (→ Levier, cit. 3). || La nécessité d'une décision, d'une réponse… devenait absolue (→ Messager, cit. 3).Je ne vois pas la nécessité de faire cela. Besoin. || Il n'y a pas de nécessité à…(Sans compl.). || Sans nécessité : inutilement, gratuitement (→ Entreprendre, cit. 21; éviter, cit. 26).
1 Coupeau ne voyait guère la nécessité de baptiser la petite (…) Mais maman Coupeau le traitait de païen.
Zola, l'Assommoir, t. I, IV, p. 130.
(1370). || De nécessité. Nécessaire (I.). || Règle de nécessité ou de bienséance (→ Fabuliste, cit.). || Il est de toute nécessité que… : il est absolument nécessaire, urgent que… 1. Devoir, falloir. || Deux choses d'une égale nécessité.
2 La nécessité de…; une, des nécessités. Chose, événement inéluctable, inévitable, qui exerce une contrainte sur l'homme; caractère de ce qui est inéluctable, et contraignant; la contrainte. Nécessaire (I., 4.). || C'est une nécessité absolue, inéluctable (cit. 3). → Il faut en passer par là. || La nécessité de mourir (→ Agonie, cit. 1), l'horrible nécessité d'être anéanti (cit. 1). || Nécessité intérieure, subjective, profonde (→ Indéfini, cit. 12).
2 (…) la contrainte est-elle autre chose qu'une nécessité dont on s'aperçoit ? Et la nécessité n'est-elle pas une contrainte dont on ne s'aperçoit point ?
Voltaire, cité par Lafaye, Suppl., p. 161.
2.1 (…) elle lui montrait ses propres fautes comme une sorte de nécessité, non plus nécessité inhérente à la faible nature humaine, nécessité lamentable et contre laquelle la lutte est difficile, mais nécessité inhérente à la nature des hommes supérieurs, nécessité intéressante pour l'esprit, charme souriant d'une élite et à laquelle il convient au contraire de se conformer.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 588.
3 (…) cette nécessité subjective que les artistes réclament volontiers pour leurs œuvres, lorsqu'ils disent : « Je ne pouvais pas ne pas l'écrire, il fallait que je m'en délivre. »
Sartre, Situations I, p. 106.
Par nécessité : en étant obligé, forcé. Forcément, nécessairement. || Hardi par nécessité (→ Besoin, cit. 10). || Par nécessité plutôt que par choix (→ Esthétique, cit. 9). || Conseils suivis par nécessité ou par réflexion (→ Humeur, cit. 20). || Par convenance ou par nécessité (→ Juxtaposer, cit. 3).
3 Absolt. || La nécessité, souvent personnifiée : la force qui contraint l'homme à agir, à se comporter de telle ou telle façon. Destin. || Poussé, contraint par la nécessité. || Fatalité et nécessité (→ Libre, cit. 27). || L'aiguillon, le joug de la nécessité (→ Fléchir, cit. 21). || La nécessité, maîtresse des hommes et des dieux (→ Justifier, cit. 6).
4 Nous sommes attachés, comme dit Horace, avec les gros clous de la nécessité.
Voltaire, Lettre à M, 4 mai 1772.
5 La nécessité peut rendre innocente une action douteuse; mais elle ne saurait la rendre louable.
Joseph Joubert, Pensées, IX, XX.
6 Un homme ne parvient que pressé par la main de fer de la nécessité.
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 824.
(XVIIe). Didact. (Philos., log.). Enchaînement nécessaire des causes et des effets, des principes et des conséquences.
7 Quand nous voyons un effet arriver toujours de même, nous en concluons une nécessité naturelle, comme qu'il sera demain jour, etc. Mais souvent la nature nous dément, et ne s'assujettit pas à ses propres règles.
Pascal, Pensées, II, 91.
8 (…) celui qui a un peu compris la Nécessité, celui-là ne demande plus de compte à l'Univers. Il ne dit pas : pourquoi cette pluie ? pourquoi cette peste ? pourquoi cette mort Car il sait qu'il n'y a point de réponse à ces questions. C'est ainsi, voilà ce que l'on peut dire. Et ce n'est pas peu dire. Exister, c'est quelque chose; cela écrase toutes les raisons.
Alain, Propos, 1er avr. 1908, Aimer ce qui existe.
9 Au total, donc, laissant de côté la nécessité purement empirique, nous n'avons à envisager que deux types de nécessité rationnelle (…) d'une part celle qui a trait aux existences, et qui est la nécessité physique, c'est-à-dire causale; d'autre part, celle qui a trait aux essences, et qui est la nécessité idéale, c'est-à-dire logico-mathématique.
J. Laporte, l'Idée de nécessité, Introd.
Doctrine de la nécessité. Nécessitarisme; déterminisme. || Nécessité et liberté. || La liberté, connaissance de la nécessité, selon Spinoza.Nécessité morale, par oppos. à nécessité absolue, métaphysique.
10 Cette nécessité de faire toujours le meilleur ne peut jamais être qu'une nécessité morale; or, une nécessité morale n'est pas une nécessité absolue.
Voltaire, Lettre au Roi de Prusse, oct. 1737.
4 (Une, des nécessités). Souvent au pluriel. Chose, condition ou moyen nécessaire. Exigence (→ Gouvernement, cit. 23; libre, cit. 24; milieu, cit. 26). || Les nécessités naturelles (→ Effet, cit. 3), géographiques (→ Canadien, cit. 1), historiques (→ Croisade, cit. 1). || Nécessités militaires (→ Mitraillade, cit.), financières (→ Fermer, cit. 10). || Les nécessités de la concurrence (→ Magasin, cit. 8).
Philos. Cause nécessaire.
5 (Une, des nécessités). Besoin impérieux. || Les nécessités de la vie : les besoins que l'on doit satisfaire pour mener une vie normale. || Les nécessités de la nature : les besoins du corps. || Urgente, impérieuse nécessité.REM. Cette acception était courante au XVIIe s. dans de nombreux emplois. || « Cette place a souffert pendant le siège une grande nécessité de vivres » (Furetière).
(1538). Vieilli. (Au plur.). Besoins naturels. || Aller à ses nécessités (Académie), faire ses nécessités (→ Cabinet, cit. 2). — ☑ Loc. Chalet de nécessité.
11 Quoi, je t'aurais aimé, chétif Égout de concupiscence, Vase de nécessité, Pot de chambre du sexe masculin ?
Cyrano de Bergerac, le Pédant joué, III, 1.
Locutions :
a Vx. En nécessité : dans le besoin.
b De première nécessité. || Instruments, objets (→ Façonner, cit. 7), dépenses (→ Impôt, cit. 15) de première nécessité, qui correspondent à des besoins essentiels. Indispensable.
6 La nécessité de… : l'état d'une personne qui se trouve obligée (par un besoin, une contrainte extérieure…) de (faire qqch.). || Être, se trouver dans la nécessité de… (→ Grève, cit. 10; inculper, cit. 1). || La nécessité où ils sont de… (→ Mariage, cit. 17). || Mettre qqn dans la nécessité de… (→ Cacher, cit. 35; erreur, cit. 12).(Sans compl.). || Ne me contraignez pas à cette pénible nécessité.
12 (…) rien ne peut justifier un homme de mettre une fille dans la nécessité de l'épouser ou de vivre déshonorée (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, LVII.
7 (Emplois absolus, souvent sans déterminant, dans des loc.). État où l'on est contraint de faire telle ou telle chose.
Prov. Nécessité n'a pas de loi (→ Loi, cit. 35).Nécessité fait loi : certains actes se justifient par leur caractère inévitable.La nécessité contraint la loi (→ Métier, cit. 9).
Loc. prov. (où nécessité est pris aussi dans les sens 2, 4 et 5). Faire de nécessité vertu. À l'origine (cf. Littré, Hist., citant Roman de la Rose et Girart de Roussillon), faire d'une situation misérable, d'une chose imposée et pénible une occasion de mérite et de vertu, en acceptant l'épreuve avec humilité, et mod., faire courageusement ou de bonne grâce une chose désagréable dont on ne peut se dispenser.
13 (…) faisant comme on dit de nécessité vertu, nous ne désirons pas davantage d'être sains étant malades, ou d'être libres étant en prison, que nous faisons maintenant d'avoir (…) des ailes pour voler comme les oiseaux (…) je crois que c'est principalement en ceci que consistait le secret de ces philosophes qui ont pu autrefois se soustraire à l'empire de la fortune, et malgré les douleurs et la pauvreté, disputer de la félicité avec leurs dieux.
Descartes, Disc. de la méthode, III.
14 Regrettant son imprévoyance, aussi triste qu'on peut l'être à vingt-cinq ans, il songeait à passer l'été, et à faire, non de nécessité vertu, mais de nécessité plaisir, s'il se pouvait.
A. de Musset, Nouvelles, « Deux maîtresses », II.
Nécessité est mère d'industrie. || « Nécessité l'ingénieuse ». Ingéniosité (→ Invention, cit. 12).
15 (…) nous vîmes l'instant fatal où l'eau nous allait manquer, et nous nous désolions dans l'attente de voir notre arbre périr de sécheresse. Enfin la nécessité, mère de l'industrie, nous suggéra une invention pour garantir l'arbre (…)
Rousseau, les Confessions, I.
16 (…) le chien dont l'instinct, comme celui du pauvre, du bohémien et de l'histrion, est merveilleusement aiguillonné par la nécessité, cette si bonne mère, cette vraie patronne des intelligences !
Baudelaire, Spleen de Paris, I.
8 Dr. pén. État d'une personne contrainte de « commettre un acte incriminé par la loi pénale et pour lequel, vu les circonstances, lui est accordé le bénéfice de l'impunité » (Capitant).
Dr. constit. || Théorie de la nécessité, impliquant la dispense de répartition des compétences constitutionnelles en cas de péril national.
9 Littér. Privation des biens nécessaires. Besoin, dénuement, détresse, indigence, pauvreté… et aussi faim (cit. 9). || Être dans la nécessité (→ Aise, cit. 16; avare, cit. 20), dans une cruelle nécessité. Nécessiteux. || La nécessité rend les pauvres subtils (→ Friche, cit. 7).
17 La nécessité donne de l'industrie, et souvent les inventions les plus utiles ont été dues aux hommes les plus misérables.
Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, p. 33.
CONTR. Éventualité, possibilité. — Contingence, fantaisie, luxe.
DÉR. Nécessiteux.

Encyclopédie Universelle. 2012.