Akademik

INSECTES
INSECTES

Le terme «Insecte» a longtemps désigné tous les Arthropodes à six pattes, mais cette définition a évolué au cours des années 1980. Le terme Insecte au sens large a été remplacé par celui d’Hexapode et les Insectes ne désignent plus qu’une classe au sein de la superclasse des Hexapodes qui regroupe, à côté des Insectes, les Protoures, les Collemboles et les Diploures (fig. 1). Cette nouvelle subdivision repose à l’origine sur la morphologie des pièces buccales: les Protoures, les Collemboles et les Diploures ont été réunis sous l’appellation d’Entognathes (pièces buccales non apparentes) et se distinguent ainsi des Ectognathes (pièces buccales bien visibles), qui sont les Insectes. Ces appellations d’Entognathes et d’Ectognathes procèdent de considérations anatomiques; on ne leur attribue pas aujourd’hui de valeur cladistique, la convergence évolutive des groupes qui constituent ces ensembles étant loin d’être établie. Nous n’aborderons ici que les Insectes stricto sensu , qui regroupent les Hexapodes ailés (infraclasse des Ptérygotes) et un groupe informel constitué par les Zygentoma et les Archæognathes.

Il est impossible de dire avec précision à quel moment les premiers Hexapodes sont apparus. Cependant, les fossiles constituent les preuves incontestables de l’ancienneté de leur origine. Le plus ancien Hexapode connu est un Collembole (Rhyniella praecursor ) âgé de 380 millions d’années (Dévonien inférieur). Le premier Insecte fossile est un Archæognathe, donc un Insecte sans ailes, qui vivait aussi au début du Dévonien. Le plus ancien fossile d’Insecte Ptérygote (Delitzschala bitterfeldensis ) date du Carbonifère, il y a environ 325 millions d’années. Il est le représentant d’un groupe aujourd’hui disparu, les Paléodictyoptéroïdes.

Une des premières caractéristiques des Insectes qui est manifeste pour tout observateur, même non spécialiste, est leur diversité. Avec près d’un million d’espèces répertoriées, cette classe est la plus vaste du règne animal. Et les entomologistes estiment que le nombre réel d’espèces d’insectes se situerait entre 5 et 80 millions. Cette grande diversité a été attribuée à plusieurs facteurs. Tout d’abord, la petite taille de ces animaux, qui est imposée par leur système respiratoire trachéen, peut être considérée comme une des raisons de cette multiplicité d’espèces. Il existe, en effet, dans un environnement donné, beaucoup plus de niches (habitats) pour des animaux de petite taille que pour des organismes de taille plus importante. Mais ce seul paramètre est insuffisant pour permettre l’exploitation d’un environnement hétérogène qui nécessite, de la part de l’animal, une capacité de reconnaissance et de réaction face à des modifications des conditions extérieures. Pour répondre à ces contraintes, les Insectes ont développé des systèmes sensoriels et neuromoteurs plus performants que ceux de la plupart des autres Invertébrés. Ces systèmes sont indispensables pour pouvoir réagir aux variations du milieu. Face aux perturbations écologiques (par exemple l’application d’insecticides sur une plante hôte), les Insectes ont aussi mis en œuvre une stratégie fondée sur une plasticité génétique (présence d’éléments mobiles dans le génome), qui favorise la multiplication des espèces sous la pression de la sélection. Cette particularité se révèle également précieuse au niveau des interactions avec les autres organismes (tels que les plantes pour les insectes herbivores ou les hôtes pour les espèces parasites), en générant des diversifications génétiques aussi bien chez le consommateur que chez le consommé. La nature réciproque de telles interactions tend à accélérer les changements évolutifs chez l’un ou l’ensemble des partenaires, pouvant conduire ainsi à des divergences majeures au sein de groupes particuliers.

Bien qu’ils soient essentiellement des animaux terrestres et qu’ils aient colonisé tous les types de niches écologiques, les Insectes ont aussi colonisé les habitats aquatiques et ne sont absents que des zones marines subtidales.

Le facteur principal pouvant expliquer une telle aire de répartition est l’acquisition du vol qui a offert aux Insectes un avantage considérable vis-à-vis des autres Invertébrés terrestres. La dispersion, la fuite devant les prédateurs, la recherche de nourriture ou d’un environnement favorable ont été ainsi grandement facilitées. L’aile est un élément caractéristique des Insectes, mais ils n’en possèdent pas tous. Il existe quelques ordres qui n’ont jamais eu d’ailes et qui sont considérés comme des groupes primitifs. C’est le cas des Zygentoma et des Archæognathes. Certains parasites (comme la puce) ont définitivement perdu leurs ailes au cours de leur évolution. Chez certaines espèces d’Insectes vivant en société, telles que les fourmis et les termites, seuls les reproducteurs sont ailés, mais seulement à certaines périodes de leur vie.

L’aile est donc une particularité d’une importance capitale dans l’étude de la phylogénie des Insectes (fig. 2): elle est représentative, de par sa morphologie, du degré d’évolution de l’espèce (mobilité de l’aile et réduction de la nervation). Les espèces primitives sont assez proches des espèces fossiles, c’est-à-dire qu’elles possèdent des ailes avec une nervation très développée et une mobilité articulaire restreinte, rendant impossible leur reploiement vers l’arrière. Ces Insectes Ptérygotes archaïques, dont font partie les libellules et les éphémères, sont rangés dans la sous-classe des Paléoptères pour les différencier des Insectes apparus plus récemment ou Néoptères, chez lesquels le reploiement des ailes vers l’arrière est possible. Mais l’évolution ne s’est pas arrêtée là; une fois cette disposition acquise, les ailes antérieures ont eu tendance à se durcir et à servir de protection aux ailes postérieures, qui demeuraient membraneuses. Enfin, au dernier stade de l’évolution, on trouve les Diptères, qui ne possèdent qu’une seule paire d’ailes, leurs ailes postérieures étant transformées en balanciers.

Un autre facteur à ne pas négliger pour expliquer une occupation aussi exhaustive des niches par les Insectes les plus répandus (Coléoptères, Hyménoptères, Diptères et Lépidoptères) est le passage par un état larvaire. Les larves ont souvent un mode de vie et un régime alimentaire différents de ceux de l’adulte ou imago: les larves des libellules sont aquatiques, les chenilles des papillons sont phytophages, les larves d’Hyménoptères sont souvent parasites, etc.

Les différents types de développement postembryonnaire permettent, au même titre que les ailes, de reconstituer les grandes étapes de l’évolution. Il en existe trois types principaux (fig. 3):

– Le type amétabole , qui désigne le type ancestral aptérygote, sans stade larvaire défini.

– Le type hémimétabole , qui caractérise l’Insecte Ptérygote dont les juvéniles ressemblent plus ou moins à l’adulte, avec un développement progressif vers un stade imago unique, ailé et sexuellement mûr. On distingue deux catégories selon que les juvéniles ont un milieu de vie identique à celui de l’adulte (sauterelles, criquets, punaises), ou différent, par exemple aquatique (naïades d’Odonates ou d’Éphémèroptères).

– Le type holométabole , qui désigne le type de développement postembryonnaire le plus évolué. Les formes larvaires sont très différentes de l’adulte et la transformation en imago s’effectue de manière brusque, via une phase d’immobilité appelée «stade nymphal». C’est au cours de ce stade que se réalise la métamorphose qui donnera l’adulte généralement ailé.

Certains auteurs distinguent également le type prométabole qui caractérise le cas des éphémères, et peut-être aussi celui d’espèces ptérygotes fossiles. Il présente plusieurs stades «postmétamorphiques» ailés.

Chez les Insectes hémimétaboles et prométaboles, les ailes se forment progressivement à partir d’ébauches alaires externes visibles dès le stade juvénile (Exoptérygotes). Chez les Insectes holométaboles, les ailes sont édifiées à partir de disques imaginaux internes (Endoptérygotes).

La phase larvaire a une durée largement supérieure à celle de la phase imaginale, qui se réduit essentiellement à la fonction reproductrice et où, à l’extrême, l’adulte n’a même plus l’opportunité de se nourrir, faute de pièces buccales (éphémères).

Les Insectes jouent un rôle essentiel dans l’équilibre des écosystèmes dont ils sont partie intégrante: dégradation des déchets végétaux et renouvellement des sols, pollinisation des plantes et parfois dispersion des graines, maillon de la chaîne trophique de nombreux animaux insectivores. Chaque espèce d’Insecte fait partie d’une large communauté et son éventuelle disparition affecte l’équilibre auquel elle participe aux dépens des autres formes de vie, l’homme compris. Mais il ne faut pas oublier que la classe des Insectes constitue aussi la classe d’Invertébrés la plus nuisible pour l’homme. Outre leur impact sur l’agriculture ou l’horticulture, les Insectes sont les auteurs d’agressions directes telles que les morsures, les piqûres douloureuses, voire les maladies. Les insectes piqueurs sont en effet les vecteurs de fléaux tels que la peste bubonique, le paludisme, la fièvre jaune, le typhus ou la maladie du sommeil.

L’impact des Insectes sur l’économie est donc très important et justifie les investissements réalisés dans la recherche pour améliorer les performances de nos fournisseurs directs (vers à soie, abeilles), ou pour éliminer nos concurrents et combattre nos assaillants. Certains Insectes, même s’ils ne présentent a priori aucun intérêt économique ou écologique, se révèlent être des modèles précieux pour la compréhension de problèmes biologiques fondamentaux qui mettent en jeu des mécanismes et des molécules bien conservés au cours de l’évolution. Par exemple, la mouche du vinaigre, Drosophila melanogaster , a gagné ses lettres de noblesse face aux modèles Vertébrés classiquement utilisés dans les laboratoires de biologie. En effet, des générations de courte durée, avec un taux de fécondité élevé, une grande facilité d’élevage et de manipulation en ont fait un matériel idéal pour la recherche en génétique et en biologie cellulaire.

Enfin, il ne faut pas oublier que les Insectes, de par la variété de leurs formes et de leurs couleurs, constituent et constitueront toujours une source de surprise et d’émerveillement pour tout observateur attentif – une passion qui peut parfois se révéler fatale pour les espèces les mieux parées lorsqu’elle s’ajoute à celle des collections. L’avidité de certains entomologistes fanatiques parachève alors l’œuvre dévastatrice des insecticides.

1. Grandes lignes de la morphologie

Les Insectes, à l’instar des autres Arthropodes, sont caractérisés par un corps segmenté et la présence d’un exosquelette articulé. Mais ils se distinguent des autres groupes par des modifications de cet exosquelette et des appendices (fig. 4). Les Insectes adultes possèdent tous un nombre d’appendices locomoteurs articulés réduit à six et un corps constitué en trois parties (tête, thorax, abdomen). Ces régions, ou tagmes, sont elles-mêmes formées d’un nombre constant de segments, ou somites (tabl. 1). En dehors de ces constantes, les déclinaisons possibles des données anatomiques sont aussi variées que le nombre d’espèces existantes.

Tégument

La cuticule

La cuticule est un élément clé pour les Insectes. Elle fournit un exosquelette rigide au corps et aux pattes. Des replis internes, ou apodèmes, pouvant s’invaginer profondément, servent de support aux muscles. La cuticule est aussi le matériel constitutif des ailes des Ptérygotes. Elle joue également le rôle d’isolant entre les tissus vivants et le milieu externe. Une des fonctions les plus importantes de la cuticule consiste à éviter les déperditions d’eau, incompatibles avec un mode de vie aérien.

Bien que la cuticule soit fine, sa structure n’en est pas moins complexe (fig. 5). Une unique couche de cellules épidermiques sécrète la cuticule, qui est constituée d’une procuticule (10 猪m à 0,5 mm d’épaisseur) recouverte par une épicuticule (0,1 猪m à 3 猪m). L’épicuticule ne contient pas de chitine; elle est imperméable à l’eau grâce à une couche superficielle de cires. La procuticule est constituée d’un grand nombre de fibres de chitine complexées avec des protéines lui procurant dureté et flexibilité. Elle est elle-même composée d’une endocuticule souple et recouverte par une exocuticule tannée et rigide.

L’exosquelette

L’exosquelette de l’Insecte se compose de pièces rigides (les sclérites) articulées entre elles par des membranes souples (fig. 6). Un somite est typiquement constitué des sclérites suivants: le tergite (ou tergum) dorsal, le sternite (ou sternum) ventral et deux pleurites (ou pleures) latéraux. Les pattes s’insèrent entre le sternite et le pleurite, les ailes entre le tergite et le pleurite. Les pleurites de l’abdomen sont souvent séparés des tergites et des sternites par des parties membraneuses bien développées, alors qu’au niveau du thorax les sclérites sont soudés et constituent ainsi une boîte qui contient les insertions des muscles des pattes et des ailes. Au niveau de la tête, tous les sclérites sont soudés en une capsule rigide.

Constitution générale du corps (tagmes)

La tête

La tête de la plupart des Insectes est organisée de façon que les pièces buccales soient orientées de haut en bas (position hypognathe), mais on trouve également des orientations plus spécialisées, vers l’avant (prognathe) ou vers l’arrière (opisthognathe) comme chez les Homoptères (pucerons, cigales). La tête des Insectes se présente comme une capsule rigide où sont concentrés les appendices consacrés à la nutrition (pièces buccales) et les principaux organes sensoriels tels que les yeux, les ocelles (yeux simples) et les antennes (fig. 7a et fig. 7b) . La partie antérieure de la tête est divisée en régions par des lignes de suture plus ou moins visibles. Les yeux composés sont disposés plus ou moins latéralement (entre le vertex et la géna). Les antennes sont positionnées plus en avant. Chez de nombreux Insectes, trois ocelles se situent sur la partie antérieure du vertex et sur le front.

Les pièces buccales

Les pièces buccales s’articulent sur la partie inférieure, membraneuse, de la surface de la tête et comprennent le labre, les mandibules, les maxilles, le labium et l’hypopharynx. Seuls les mandibules, les maxilles et le labium sont considérés comme des appendices de somites céphaliques (tabl. 1).

Le labre, ou lèvre supérieure (avec une surface ventrale appelée épipharynx), est un sclérite céphalique qui forme le toit de la cavité préorale et de la bouche et recouvre la base des mandibules. Ces dernières constituent, avec les maxilles, les palpes labiaux et, chez certaines espèces, l’hypopharynx, les pièces mobiles de la bouche. Les mandibules coupent, broient la nourriture et sont utilisées pour la défense ou l’attaque. Elles peuvent être extrêmement dures et permettre ainsi aux termites ou aux hannetons de forer, sans difficultés particulières, des passages dans des feuilles de métal (cuivre, zinc ou plomb). Les maxilles se situent en arrière des mandibules et en avant du labium. Elles sont constituées d’une partie basale (cardo et stipes) sur laquelle sont fixées, sur la partie interne, la lacinia et la galea, et, sur la face externe, un palpe maxillaire segmenté. La lacinia, souvent dentée, seconde la mandibule, alors que le palpe (1 à 7 segments) a principalement un rôle d’organe sensoriel. Le labium est formé de la soudure des secondes maxilles et joue le rôle de lèvre inférieure. Enfin l’hypopharynx est structuralement assimilable à la langue, avec notamment, à sa base, l’arrivée des conduits salivaires.

L’organisation des pièces buccales décrite ci-dessus correspond à celle d’insectes omnivores tels que les Orthoptères (criquets, grillons, sauterelles), c’est-à-dire de type coupeur-broyeur primitif existant chez les Ptérygotes ancestraux. Des modifications très importantes de cette disposition de base sont intervenues avec la spécialisation du régime alimentaire au cours de l’évolution, chez les Lépidoptères (appareil suceur des papillons), les Diptères (type aspirant de la mouche ou piqueur-suceur du moustique), les Hyménoptères (type lécheur de l’abeille) ou les Hémiptères (type piqueur-suceur des punaises). En fait, les pièces buccales sont représentatives, aussi bien du régime alimentaire, que de la consistance de l’aliment lui-même. Ainsi, des insectes piqueurs (punaises) pourront avoir des pièces buccales comparables, qu’ils se nourrissent de sève ou de sang.

Le thorax

Le thorax, qui forme la partie médiane de l’Insecte, est composé de trois segments: le prothorax, le mésothorax et le métathorax (fig. 4). Une paire de pattes s’articule avec les pleures au niveau de chaque segment. Les tergites thoraciques dorsaux sont appelés nota (ou plaques notales). À l’origine, ces trois segments étaient, et sont encore chez les espèces aptères et les insectes immatures, de taille similaire. Cependant, chez les Ptérygotes, les méso- et méta-thorax se sont relativement élargis afin de supporter les ailes et la puissante musculature associée. Les ailes s’attachent au voisinage de la région pleurale et s’articulent au bord des plaques notales.

Les pattes possèdent six segments, qui sont, du plus proximal au plus distal, la coxa (hanche), le trochanter, le fémur, le tibia, le tarse et le prétarse qui porte les griffes (fig. 8). Le tarse est subdivisé en plusieurs parties, trois ou davantage, donnant une impression de segmentation, mais du fait de la présence d’un unique muscle il s’agit plutôt de pseudosegments nommés tarsomères. Cette multiplicité d’éléments a pour effet d’allonger la patte et de lui procurer une surface pédieuse. La face inférieure des tarsomères peut également porter des coussinets (pulvilles ou pelotes) qui améliorent la capacité d’adhésion aux surfaces. À l’extrémité de la patte, le prétarse porte une paire de griffes latérales cernant souvent un lobe central (arolium).

Les ailes n’apparaissent complètement développées que chez l’adulte (ou chez le pré-imago des Éphéméroptères). Deux hypothèses s’opposent quant à leur origine évolutive. La première soutient que les ailes seraient des extensions de la paroi du corps, sans lien avec un quelconque appendice pré-existant, alors que la seconde avance qu’elles seraient des modifications d’appendices apparentés à des branchies, déjà présents chez les ancêtres aquatiques des Crustacés et des Insectes. Des résultats récents (Averof et Cohen, 1997), qui mettent en évidence l’expression de gènes apparentés dans l’aile des Insectes et les branchies des Crustacés, plaident en faveur de cette dernière hypothèse.

Les ailes sont composées de deux feuillets de cuticule étroitement accolés l’un à l’autre et soutenus par une armature de nervures. Les nervures principales restent ouvertes sur le corps et contiennent de l’hémolymphe, des trachées et des fibres nerveuses. Lorsque l’imago émerge lors de sa mue imaginale, ses ailes, molles et froissées, vont rapidement se déployer grâce à l’arrivée de l’hémolymphe sous pression dans les nervures, avant que la cuticule ne durcisse. Si la répartition des nervures semble conservée au sein des ordres ou des familles, elle varie souvent entre les groupes et fournit ainsi des critères systématiques importants. La forme, la répartition des couleurs, les soies et les écailles des ailes sont également autant de caractéristiques pouvant aider à la détermination.

Les Insectes primitifs possèdent deux paires d’ailes membraneuses et transparentes. Par la suite, un certain nombre de variations concernent notamment les tailles relatives et les degrés de sclérotinisation (rigidification) des deux paires. Ainsi, des ailes antérieures épaissies et sclérifiées (élytres) sont caractéristiques des Blattoptères, des Dermaptères et des Orthoptères, et sont particulièrement visibles chez les Coléoptères, où elles protègent les ailes postérieures mais ne participent plus au vol. Les hémi-élytres des Hémiptères ne sont durcies que sur la partie basale, l’autre partie demeurant membraneuse. Chez les Diptères, les ailes postérieures sont transformées en stabilisateurs (balanciers) qui fonctionnent comme des gyroscopes et améliorent la stabilité du vol. Les thrips (Thysanoptères), qui sont des insectes de quelques millimètres, sont dotés d’ailes étroites munies de franges pour en augmenter la surface et qui ne sont pas sans rappeler les appendices natatoires des Crustacés; leur faible masse leur permet presque de «nager» dans l’air.

L’abdomen

L’abdomen est composé primitivement de onze segments, mais ce chiffre peut varier. Le premier segment peut être réduit ou incorporé au thorax comme chez certains Hyménoptères, ou, bien souvent, les segments terminaux peuvent être modifiés ou réduits. L’exosquelette des somites abdominaux se compose d’un tergite et d’un sternite reliés par une région pleurale membraneuse portant dans certains cas de petites plaques sclérifiées (fig. 6). En général, seuls les sept ou huit premiers segments de l’adulte sont construits sur le même modèle invariable, caractérisé généralement par l’absence d’appendices. Les chenilles portent des fausses-pattes abdominales qui ne sont pas de vrais appendices, mais un certain nombre de larves aquatiques possèdent des appendices branchiaux latéraux (trachéobranchies) sur la plupart de leurs somites abdominaux. Les seuls appendices abdominaux existant chez l’adulte sont une paire de cerques, localisés sur le onzième segment, qui constituent des organes tactiles. Sur les derniers somites se trouvent les pièces génitales ou genitalia . La reproduction a lieu par accouplement et ponte de la femelle (fig. 9). La forme des genitalia est très variable et d’une grande valeur systématique, en particulier si les espèces apparaissent peu différenciables sous les autres aspects.

Chez la femelle, le gonopore s’ouvre sur le huitième segment. Les genitalia forment un ovipositeur (structure impliquée dans le dépôt des œufs). Chez certaines espèces d’insectes, cette structure est transformée en un organe de forage ou tarière. L’ovipositeur peut être constitué par des appendices portés par les segments 8 et 9 (type appendiculaire). En l’absence de ces appendices, c’est l’abdomen lui-même qui joue le rôle de tarière de ponte. Les segments terminaux peuvent s’étirer jusqu’à former des tubes minces (Lépidoptères, Coléoptères, Diptères). Le type appendiculaire représente la structure primitive et se retrouve chez les Archæognathes, les Zygentoma, de nombreux Odonates et Orthoptères, certains Hémiptères et Thysanoptères et chez les Hyménoptères. Chez ces derniers, la tarière est modifiée et forme, par exemple, l’aiguillon des abeilles, les œufs étant alors éjectés à sa base.

Les genitalia des Insectes mâles présentent une variabilité encore plus importante, justifiant ainsi l’intérêt que leur portent les taxonomistes, mais aussi la difficulté à dresser un schéma général applicable à tous les groupes. Cependant, Snodgrass (1935) a distingué deux types d’organes génitaux externes mâles: les organes phalliques (pénis et structures associées), attribués au neuvième segment ou d’autres segments, ayant surtout comme fonction de maintenir la femelle lors de l’accouplement (ex. les claspers). Ces derniers ne sont pas toujours présents, aussi certains insectes, tel un papillon, l’apollon, ont développé une autre stratégie, en produisant un cément qui maintient le mâle et la femelle collés le temps de l’accouplement, soit parfois pendant plusieurs heures.

Des stigmates sont généralement présents sur les segments 1 à 8. Il existe cependant des cas de réduction de ce nombre en relation avec la modification du système trachéen (notamment chez certains insectes immatures), ou avec des spécialisations des somites terminaux chez les adultes.

2. Anatomie et physiologie (fig. 10a et fig. 10b)

La locomotion

Les pattes et la marche

La structure des pattes chez les Insectes est fort variable et adaptée au type de déplacement de chacun. Par exemple, le type coureur a des fémurs et des tibias bien développés sur l’ensemble des pattes, alors que le type sauteur présente un allongement disproportionné allié à une musculature puissante des seules pattes postérieures. Certains prédateurs tels que la mante religieuse ont des pattes antérieures ravisseuses se terminant par des griffes ou des épines. Certaines punaises (notonecte) ou Coléoptères aquatiques (dytique) ont une ou deux paires de pattes adaptées à la nage et caractérisées par leur forme aplatie.

Les ailes et le vol

À l’instar des oiseaux, les Insectes volent en battant des ailes et en créant des courants d’air qui leur permettent de gagner de l’altitude. L’analyse de ce vol a longtemps été impossible du fait de sa fréquence inaccessible pour l’œil humain (5 battements par seconde pour un papillon, 180 pour une abeille). Mais, depuis l’avènement des caméras ultra-rapides, le mouvement a pu être figé et étudié.

Un battement est par définition d’abord un mouvement vertical de bas en haut. Mais ce simple déplacement vertical s’avère insuffisant pour permettre le vol. Il doit être complété simultanément par un mouvement d’avant en arrière. Lors d’un battement complet, l’extrémité de l’aile décrit une ellipse (chez la sauterelle) ou un huit (chez l’abeille ou la mouche), le plan des ailes tournant afin de fournir à la fois la poussée verticale et horizontale.

La grande diversité des ailes peut aussi représenter des modifications liées aux caractéristiques du vol de chaque groupe d’Insectes. Ainsi, primitivement, comme chez les termites, les deux paires d’ailes battent indépendamment l’une de l’autre, contraignant l’aile postérieure à s’accommoder des turbulences créées par l’aile antérieure. Chez de nombreux insectes, les deux ailes de chaque coté sont liées par des structures d’accrochage ou bien se chevauchent, permettant un mouvement synchronisé des deux ailes.

Le système respiratoire

Les Insectes possèdent un système respiratoire très particulier, constitué par des trachées s’ouvrant à l’extérieur par des stigmates qui contrôlent les échanges entre l’animal et le milieu où il vit (fig. 11a). Les stigmates sont généralement présents sur les deux derniers segments thoraciques et les huit premiers segments abdominaux. Il existe cependant des cas de réduction de ce nombre en relation avec la modification du système trachéen, notamment chez certains insectes immatures, ou avec la spécialisation des somites terminaux chez les adultes. Les trachées sont formées par des cellules d’origine épidermique, qui sécrètent la cuticule tapissant l’intérieur des conduits. Cette cuticule possède des épaississements circulaires ou spiralés (les ténidies) qui maintiennent les trachées ouvertes (fig. 11b). Les troncs trachéens principaux se ramifient pour donner des trachées de plus en plus étroites, qui se ramifient encore pour se terminer par des trachéoles en forme de «doigts de gant» très fins (1 猪m) au cœur des cellules trachéolaires, qui assurent un apport direct de l’oxygène aux tissus. L’extrémité des trachéoles est remplie de liquide trachéolaire, dans lequel les gaz respiratoires se dissolvent (ce qui est nécessaire pour leur diffusion transmembranaire) et dont le niveau varie selon l’activité métabolique des cellules (fig. 11c). Certaines espèces, en particulier les bons voiliers (Hyménoptères), possèdent des trachées élargies en «sacs aériens».

La ventilation (renouvellement de l’air) met en jeu des contractions de l’abdomen et/ou des muscles thoraciques (lors du vol), qui provoquent l’expiration par compression de l’appareil trachéen (sacs aériens compris). Ces mouvements sont coordonnés avec l’ouverture ou la fermeture des stigmates. L’inspiration est passive et correspond au retour spontané à la forme initiale des trachées.

Le système trachéen est fondamentalement prévu pour fonctionner dans l’air, mais chez diverses espèces il a été modifié de diverses manières pour pouvoir fonctionner dans l’eau. Certains Insectes, bien qu’ils soient immergés, possèdent un siphon respiratoire créant un contact permanent avec la surface de l’eau (larve d’éristale); d’autres peuvent emmagasiner une bulle d’air sous leurs élytres lorsqu’ils plongent (dytique); d’autres possèdent un système respiratoire clos combiné avec des expansions tégumentaires au niveau des stigmates qui fonctionnent comme des branchies (trachéobranchies); chez certaines espèces enfin, la cuticule produite par le tégument, autour des stigmates et sur une partie plus ou moins importante du corps, peut présenter une structure poreuse et former ce que l’on appelle un plastron aérifère, qui représente une surface d’échange entre l’eau et l’animal.

Circulation

Les Insectes possèdent un système circulatoire ouvert rempli par de l’hémolymphe (fig. 10b), dont le volume est très variable selon les espèces et peut atteindre 30 p. 100 du poids du corps (chenilles des Lépidoptères). L’hémolymphe ne joue pas de rôle respiratoire, mais elle transporte les éléments minéraux et organiques entre les différentes parties du corps. Elle est mise en mouvement grâce aux battements d’un vaisseau dorsal contractile (cœur) qui la pousse vers l’avant. Il existe également des parties contractiles à la base des ailes qui sont impliquées dans le déploiement de ces dernières lors de l’émergence des adultes.

Nutrition

Nous avons vu que l’aire de répartition des Insectes était particulièrement large et diversifiée. Cette variété n’aurait pu être obtenue sans une multiplication des niches écologiques et donc des régimes alimentaires. Ces régimes peuvent être souples (espèces omnivores: fourmis, criquets, blattes, guêpes) ou stricts (monophages). Ils sont également liés à l’anatomie des pièces buccales et bien sûr aux enzymes digestives dont peut disposer l’insecte. Ces régimes peuvent être composés de débris organiques (Insectes saprophages), de végétaux (Insectes phytophages) ou d’organismes animaux (Insectes carnivores ou parasites), chacun d’entre eux pouvant être encore subdivisé selon le degré de spécialisation de l’animal (par exemple, parmi les Insectes phytophages, certains consommeront des fruits, d’autres des feuilles, de la sève ou encore du bois).

Le tube digestif

Le tube digestif (fig. 10a) est composé de trois régions principales séparées par des sphincters contrôlant les accès: l’intestin antérieur ou stomodeum, l’intestin moyen ou mésentéron et la portion terminale ou proctodeum. Les parties antérieure et postérieure, d’origine ecdodermique, sont tapissées de cuticule. L’intestin moyen, endodermique, est dépourvu de cuticule; il est protégé par du mucus ou par une membrane péritrophique chitino-protéique sécrétée par une structure en anneau à la jonction avec l’intestin antérieur. Les sphincters stomodéal et proctodéal contrôlent l’entrée et la sortie du mésentéron. C’est au niveau du sphincter proctodéal que débouchent les tubes de Malpighi. Le stomodeum est le lieu de réception de la nourriture, de son accumulation et de son broyage, si nécessaire, à l’aide de surfaces cuticulaires épaissies. C’est au niveau du mésentéron que commence la digestion proprement dite grâce à la sécrétion d’enzymes digestives. L’intestin moyen est tapissé de cellules munies sur leur surface interne d’une bordure en brosse qui augmente la surface d’absorption des nutriments. Les résidus de la digestion quittent la lumière du mésentéron et sont déversés, avec l’urine en provenance des tubes de Malpighi, dans le proctodeum. C’est à ce niveau que se fait l’absorption de l’eau et des sels avant l’élimination des fèces par l’anus.

La morphologie et la physiologie du tube digestif sont bien sûr en relation avec les différents régimes alimentaires. Les Insectes qui consomment des aliments solides ont un tube digestif large, droit et court, avec une musculature puissante et une protection contre l’abrasion, spécialement dans les zones sans couverture cuticulaire. En revanche, les Insectes se nourrissant de sang, de sève ou de nectar ont généralement un tube digestif très allongé, présentant de nombreuses circonvolutions afin de permettre un contact maximum avec le liquide et de favoriser la concentration des nutriments avant la digestion. La structure de ce tube digestif détermine également la fréquence des repas. Ainsi, un phytophage, qui a en permanence de la nourriture à sa disposition, ne possédera pas une capacité de stockage importante et aura un transit rapide avec un tube digestif court. Mais un prédateur qui, par définition, est tributaire de la réussite de sa chasse possédera un tube digestif avec une forte capacité de stockage.

Les enzymes intestinales des Insectes sont évidemment très variées et adaptées à leur régime alimentaire. Lorsque l’Insecte ne possède pas les enzymes nécessaires, il peut utiliser celles qui sont produites par des micro-organismes présents dans son intestin. C’est le cas notamment des termites ou des blattes xylophages, qui abritent dans un diverticule du proctodeum des Flagellés produisant une cellulase indispensable à la digestion de la cellulose du bois.

Le corps gras

Ce dérivé mésodermique occupe une partie souvent importante de la cavité générale (ou hémocèle). Il est formé de masses irrégulières dont la distribution est variable selon les espèces mais assez reproductible à l’intérieur d’une espèce donnée. Sa fonction s’apparente à celle du foie chez les Vertébrés: c’est un organe de stockage de triglycérides (d’où son nom), mais également de glucides, sous forme de glycogène, qui fournira aux tissus, en fonction de leurs besoins, des acides gras ou du tréhalose (un diholoside qui joue un rôle analogue à celui du glucose chez les Vertébrés); c’est également un organe dans lequel s’effectue un métabolisme intense des acides aminés, qui produit la majorité des protéines circulant dans l’hémolymphe, qu’il pourra également réabsorber et stocker en fin de vie larvaire. Le corps gras est donc chargé de fournir les substrats énergétiques et les matériaux de construction lors de la métamorphose et lors de la reproduction (surtout chez la femelle). Il contribue également au catabolisme azoté, dont le produit terminal essentiel est l’acide urique.

L’excrétion

Le système excréteur des Insectes est constitué par un ensemble d’organes tubulaires (les tubes de Malpighi) qui baignent dans l’hémolymphe et qui débouchent sur l’intestin (fig. 12). Ces tubes (de 4 à 200) ont une structure qui s’apparente à celle des néphrons (unités de base des reins) des Vertébrés: il s’agit d’un épithélium transporteur dont les cellules polarisées présentent des invaginations de leur membrane basale et de nombreuses mitochondries qui fournissent l’énergie nécessaire aux mécanismes de transport actif (fig. 12).

La formation d’une urine primaire au niveau de l’extrémité distale aveugle des tubules repose sur un transport actif d’ions potassium (K+), qui provoque un flux osmotique d’eau, puis la diffusion des composés de l’hémolymphe vers la lumière du tubule. Au cours de son trajet dans le tubule, cette urine primaire est modifiée du fait des mécanismes de la sécrétion (et de la réabsorption). Elle rejoint ensuite l’intestin, et les modifications ultérieures seront le fait du rectum. Chez certaines espèces vivant dans des milieux très déshydratés (ver de farine), l’apex des tubes de Malpighi est accolé au rectum pour former un système dit cryptonéphridien, encore plus efficace pour réabsorber l’eau au niveau du rectum; ce système représente une adaptation pour une meilleure économie de l’eau.

Les Insectes éliminent leurs déchets azotés essentiellement sous forme d’acide urique. Ce composé très peu soluble est généralement éliminé sous forme de cristaux, et son rejet ne nécessite donc pas d’eau. C’est là une adaptation au milieu aérien que l’on retrouve chez de nombreux groupes animaux. À côté d’une excrétion par les tubes de Malpighi qui rejettent les déchets en dehors de l’organisme, les Insectes pratiquent également un mode d’excrétion par accumulation, en particulier pour certains déchets azotés et les pigments qui peuvent être en partie stockés dans l’épiderme ainsi que dans certaines cellules spécialisées du corps gras (cf. EXCRÉTION-Physiologie comparée).

Système nerveux et organes des sens

Le système nerveux

Le système nerveux est constitué de deux composantes complémentaires: le système nerveux central et le système nerveux sympathique.

Au cours du développement embryonnaire, le système nerveux central se forme à partir d’un cordon nerveux ventral double, qui se développe de manière métamérisée, formant dans chaque segment une paire de ganglions nerveux (susceptibles de fusionner en une seule masse) rattachés par des connectifs nerveux. Il subira par la suite une condensation plus ou moins importante selon les ordres (fig. 13a), mais qui est toujours effective au niveau de la tête: les trois premiers ganglions donneront le cerveau, où l’on reconnaît le protocerebron (connecté aux yeux et aux ocelles), le deutocerebron (connecté aux antennes) et le tritocerebron (innervant le labre), et les trois suivants (ganglions gnathaux, c’est-à-dire ganglions mandibulaire, maxillaire et labial) forment le ganglion sous-œsophagien qui innerve les pièces buccales et les glandes salivaires. Les ganglions de la chaîne nerveuse ventrale comprennent typiquement trois ganglions thoraciques et huit ganglions abdominaux au maximum. De chacun des ganglions de cette chaîne nerveuse partent des nerfs correspondant à l’innervation sensori-motrice du segment.

Le système nerveux sympathique ou viscéral est formé du système stomatogastrique et du système sympathique ventral (fig. 13b). Le système stomatogastrique comporte un ganglion frontal, connecté au cerveau et qui innerve l’intestin antérieur et moyen, et un ganglion hypocérébral, qui innerve les corps cardiaques. Le système sympathique ventral est composé d’une paire de nerfs transversaux associés à chaque ganglion de la chaîne nerveuse ventrale qui innervent en particulier les stigmates respiratoires, l’intestin postérieur et les gonades.

Les organes des sens

Les Insectes sont recouverts d’une cuticule rigide qui les isole de l’environnement, et cela pose le problème de leur perception sensorielle, même tactile. La solution repose sur le développement de nombreuses modifications cuticulaires qui permettent la détection de stimuli externes. Ces organes sensoriels (sensilles) émergent de la cuticule sous forme de soies, courtes ou longues, ou sont inclus dans la cuticule, ou situés juste en dessous. Des cellules spécialisées détectent les stimuli (mécaniques, chimiques, thermiques et visuels) et les transmettent au système nerveux central où ils seront intégrés.

Les mécanorécepteurs perçoivent des déformations du corps; ils peuvent prendre la forme de soies (sensilles trichoïdes), de petits dômes (sensilles campaniformes) [fig. 14], ou d’organes subcuticulaires non apparents (scolopidies, regroupées éventuellement en organes chordotonaux). Les soies sont sensibles au contact, et certaines peuvent également percevoir des vibrations sonores. Certains Insectes sont dotés de véritables tympans auditifs, situés par exemple sur le tibia de la première paire de pattes (grillons et sauterelles) ou sur le premier segment abdominal (criquets), bien développés chez les insectes qui utilisent les sons comme signal d’appel, notamment pour le rapprochement des sexes lors de la reproduction. D’autres sensilles trichoïdes renseignent l’animal sur l’orientation de son corps dans l’espace (propriorécepteurs). L’organe de Johnston est un organe chordotonal situé dans le deuxième segment antennaire, qui renseigne l’animal sur sa vitesse de déplacement par rapport à l’air (pendant le vol) et qui permet secondairement, chez certaines espèces, de percevoir les sons (c’est-à-dire des variations locales de la pression de l’air).

La chimioréception (olfaction et gustation) est réalisée par des soies sensorielles modifiées (fig. 14), concentrées au niveau des antennes, des pièces buccales et de la tarière de ponte. La chimioréception (au même titre que l’émission) est une fonction importante de la communication intraspécifique via des médiateurs chimiques (phéromones). Ces molécules furent découvertes dans les années 1950 chez le ver à soie, et leur définition d’alors est toujours valable aujourd’hui: «Les phéromones sont des substances émises à l’extérieur par un individu et reçues par un second individu de la même espèce chez qui elles suscitent une réaction spécifique, comportementale ou physiologique.» Elles sont le plus souvent volatiles et sont produites par des glandes exocrines dérivées des cellules épidermiques. De nombreux insectes sont dépendants de ces molécules qui provoquent des comportements spécifiques ou des modifications physiologiques irréversibles. Ainsi, un papillon mâle nocturne ou crépusculaire sera attiré par la phéromone sexuelle émise par une femelle, et, de la même façon, une phéromone d’agrégation déclenchera chez les criquets pèlerins des transformations morphologiques et surtout comportementales conduisant aux vols migrateurs d’essaims destructeurs. Les phéromones peuvent avoir, outre des fonctions sexuelles et de rassemblement, un rôle de répulsif, pour limiter le nombre d’individus sur un même site nourricier, d’alarme, surtout chez les Insectes sociaux, et elles peuvent enfin servir à marquer une piste.

La vision

Les photorécepteurs sont concentrés dans les yeux, les ocelles et les stemmates, certains insectes possédant également des organes internes sensibles à la lumière. L’œil composé est formé par la répétition d’unités individuelles appelées ommatidies (fig. 15). Chaque ommatidie est elle-même composée d’une facette cuticulaire transparente qui joue le rôle de cornée et recouvre une lentille cristalline conique soutenue par des cellules génératrices. Au-dessous se trouve la rétinule, qui se compose de cellules nerveuses ou rétiniennes groupées (6 à 10). Chaque cellule projette vers le centre des microvillosités (rhabdomères) dont l’ensemble constitue le rhabdome, structure centrale contenant les pigments photorécepteurs. L’ensemble est entouré de cellules pigmentaires. Chaque ommatidie est potentiellement capable de fournir une image correcte d’une portion du champ visuel.

Il existe principalement deux types d’yeux composés, qui diffèrent par leur structure et leur fonctionnement. Dans la vision par apposition, commune chez les espèces diurnes, chaque ommatidie ne reçoit que la lumière pénétrant selon son axe, et l’image est formée par la juxtaposition des points de lumière obtenus par toutes les ommatidies. Dans la vision par superposition, système propre aux espèces nocturnes ou crépusculaires, l’ommatidie n’est pas entièrement gainée d’un écran de pigments et bénéficie non seulement de la lumière pénétrant par sa propre facette, mais aussi des rayons obliques provenant des ommatidies voisines. Un tel système augmente la quantité de lumière parvenant aux cellules visuelles et donc la sensibilité. À la lumière, les pigments migrent dans les cellules pigmentaires, isolant chaque ommatidie, et le système fonctionne alors par apposition.

Malgré le haut degré d’organisation de leurs yeux composés, l’acuité visuelle des Insectes est faible: de l’ordre de 1/100 (abeille) à 1/1000 (drosophile) de celle de l’homme. En revanche, ils peuvent percevoir jusqu’à trois cents images par seconde contre vingt-quatre pour l’homme (nos ampoules électriques leur apparaissent donc comme autant de clignotants). De plus, s’ils ne voient pas le rouge, ils sont sensibles à l’ultraviolet; ils perçoivent aussi la lumière polarisée qu’ils utilisent pour leur navigation.

Les stemmates constituent le seul organe visuel des larves d’Holométaboles. Situés sur la tête, ces organes ne permettent qu’une vision générale des formes. Leur nombre est variable (jusqu’à six paires). Les ocelles sont inaptes à former une image, mais ils jouent un rôle dans la perception des variations cycliques de l’intensité lumineuse (lumière – obscurité) en relation avec les rythmes comportementaux.

Les composantes des régulations hormonales

Le système neuroendocrine

Les différentes parties du système nerveux (fig. 16) contiennent des cellules neurosécrétrices dont les produits, de nature peptidique, sont libérés soit dans des aires neurohémales spécialisées (ex. corps cardiaques pour les neurones cérébraux, organes périsympathiques pour les neurones de la chaîne nerveuse ventrale), soit dans des aires neurohémales périphériques situées à courte distance des organes-cibles, soit directement au contact des organes-cibles grâce à des jonctions neuroeffectrices apparentées à des synapses. Les cellules neurosécrétrices produisent souvent à la fois des neuropeptides et des neurotransmetteurs classiques. De très nombreux neuropeptides ont été isolés et, grâce aux progrès spectaculaires des méthodes analytiques, le nombre des molécules identifiées augmente très rapidement. L’utilisation des techniques immunocytochimiques (utilisation d’anticorps pour localiser une substance dans une cellule donnée) a permis de réaliser une cartographie précise des neurones neurosécréteurs et des voies nerveuses qui leur sont associées.

Le système endocrine

Les Insectes, Invertébrés supérieurs, possèdent de véritables glandes endocrines. Les mieux connues sont celles qui sécrètent les hormones impliquées dans le contrôle du développement, à savoir les corps allates qui produisent les hormones juvéniles et les glandes de mue qui sécrètent des hormones stéroïdes appelées ecdystéroïdes [cf. HORMONES]. La localisation des glandes de mue varie selon les ordres, d’où des appellations variables: elles sont céphaliques chez les Orthoptères (glandes ventrales) ou prothoraciques chez les Lépidoptères (glandes prothoraciques); chez les Diptères supérieurs, elles sont regroupées avec les corps allates et diverses structures nerveuses pour former un complexe appelé «anneau de Weismann». Les glandes de mue, d’origine ectodermique, dégénèrent à la fin du développement et au plus tard chez le jeune adulte.

Pendant la phase de reproduction, les gonades deviennent temporairement des organes endocrines: les cellules folliculaires des ovaires, ou les cellules interstitielles des testicules, produisent en effet des ecdystéroïdes impliqués à plusieurs niveaux dans les contrôles de la fonction reproductrice.

On a enfin identifié des structures endocrines métamérisées situées à proximité des stigmates respiratoires, formant des glandes épitrachéennes qui sécrètent une hormone impliquée dans les processus d’exuviation lors des mues. Leur découverte ne date que de 1994, ce qui laisse penser que la liste des hormones des Insectes n’est pas close.

3. Reproduction

Les Insectes sont des animaux à sexes séparés (animaux gonochoriques), à de très rares exceptions près. Ils peuvent se reproduire par fécondation (c’est le cas le plus courant), mais aussi sans fécondation chez les espèces parthénogénétiques (phasmes, pucerons). Les modalités de la reproduction sont très variables d’une espèce à l’autre, en relation avec la durée de la vie imaginale. Ainsi, selon les cas, on aura une seule phase de reproduction, chez les espèces à vie imaginale brève (papillons), des cycles réguliers (criquets), ou une ponte continue (reines d’abeilles ou de termites).

L’appareil génital femelle

L’appareil génital femelle comprend une paire d’ovaires, débouchant chacun sur un oviducte latéral d’origine mésodermique, formant ensuite un oviducte commun puis un utérus d’origine ectodermique (fig. 17). Il s’y ajoute un réceptacle séminal, ou spermathèque, et diverses glandes accessoires. Les ovaires sont formés de plusieurs ovarioles, chacun étant constitué par un tube mésodermique épithélial où les ovocytes sont placés selon une succession linéaire. On distingue dans chaque ovariole deux régions, le germarium et le vitellarium (fig. 18). Le germarium est le siège de la multiplication des ovogonies qui donneront les ovocytes ainsi qu’éventuellement des cellules nourricières ou trophocytes (ces cellules sont donc elles aussi issues de la lignée germinale). On y trouve également des cellules d’origine mésodermique qui donneront les cellules folliculaires. Le vitellarium contient des ovocytes entourés par une assise de cellules folliculaires, l’ensemble formant des follicules. Dans le vitellarium, les ovocytes accumulent des réserves (vitellus) et acquièrent une enveloppe protectrice appelée chorion, sécrétée par les cellules folliculaires. La présence ou non de trophocytes fait distinguer deux grands types d’ovarioles:

– Les ovarioles panoïstiques, dépourvus de trophocytes, qui correspondent à un type primitif caractéristique des Hémimétaboles (fig. 18a).

– Les ovarioles méroïstiques, contenant des trophocytes, qui participent à l’accumulation des réserves dans les ovocytes. Ce type d’ovarioles regroupe les ovarioles télotrophiques et les ovarioles polytrophiques. Dans le premier cas (fig. 18b), les trophocytes forment un tissu trophique à caractère syncytial (tissu trophique non cloisonné ou syncytium) et restent dans le germarium; ils sont reliés à chaque ovocyte par un cordon trophique (Hémiptères, certains Coléoptères). Dans les ovarioles polytrophiques (fig. 18c), chaque ovogonie forme à la suite de n (2 à 4) mitoses successives un ensemble de 2n cellules reliées par des ponts cytoplasmiques, associant un ovocyte avec (2n —1) trophocytes. Ce cas est général chez les Insectes holométaboles et se rencontre chez certains Hémimétaboles (Dermaptères).

Les différentes réserves de l’œuf (vitellus) et leur origine

L’ovocyte des Insectes contient un vitellus abondant (réserves de l’œuf) entourant un noyau central. On parle d’œuf centrolécithe. Ces réserves correspondent en particulier à des protéines et à des molécules d’ARN. L’ovocyte accumule un grand nombre de ribosomes et des ARN messagers qui seront traduits (pour donner des protéines) après la fécondation jusqu’à ce que le génome de l’œuf lui-même commence à être utilisé. Les protéines sont nombreuses et variées. On distingue:

– Les vitellines, qui proviennent des vitellogénines présentes dans l’hémolymphe et produites par le corps gras. Ces vitellogénines sont captées par les ovocytes grâce à des récepteurs spécifiques présents sur leur membrane.

– Des protéines circulantes, qui sont captées de façon non spécifique.

– Les paravitellines, parfois majoritaires, qui sont des protéines sécrétées par les cellules folliculaires.

– Des protéines produites par les ovocytes et/ou les trophocytes (vitellogenèse endogène au sens strict).

L’appareil génital mâle

Il comporte une paire de testicules dont les produits migrent, via un canal déférent, vers les vésicules séminales, puis vers le pénis par l’intermédiaire d’un canal éjaculateur unique (fig. 19). Des glandes accessoires s’y ajoutent; leurs sécrétions ont un rôle trophique ou contribuent à l’empaquetage des spermatozoïdes dans des structures appelées spermatophores.

Chaque testicule est formé par un ensemble de tubes séminifères (follicules testiculaires) à paroi mésodermique où la différenciation s’effectue de façon longitudinale (fig. 20), comme dans les ovarioles. On distingue, en partant de l’apex, une zone de prolifération des spermatogonies, le germarium, une zone où se réalise la méiose et une zone de différenciation. Le germarium contient une cellule particulière, la cellule apicale, qui joue un rôle trophique. Les spermatogonies, en entrant dans la zone de maturation, sont entourées par une couche de cellules mésodermiques, et l’ensemble forme un cyste. À l’intérieur de son cyste, chaque spermatogonie va subir une série de 6 à 8 mitoses au cours desquelles les 26 à 28 cellules formées (spermatocytes I) resteront accrochées par des ponts cytoplasmiques et auront de ce fait un développement synchrone. Ces cellules subiront ensuite la méiose et chacune d’elles donnera 4 spermatozoïdes. Un cyste pourra donc contenir jusqu’à 210 (1 024) cellules synchrones (spermatides) qui donneront autant de spermatozoïdes.

Accouplement et ponte

La rencontre des sexes peut avoir des causes très différentes. Elle peut être due au hasard, lorsque la densité de la population est suffisante et que la mobilité des individus est limitée. Les individus des deux sexes peuvent également se rencontrer lorsqu’ils se rendent en un même endroit (une source de nourriture, comme par exemple une bouse de vache ou un fruit en décomposition). La rencontre peut enfin être due à une attraction directe liée à des signaux chimiques (phéromones sexuelles), acoustiques (le chant du mâle attire les femelles chez les sauterelles) ou visuels (la lumière émise par la femelle du ver luisant). À courte distance, les partenaires se reconnaissent par des signaux tactiles et chimiques (substances aphrodisiaques).

L’accouplement proprement dit met en jeu un ensemble de comportements stéréotypés. Le transfert des spermatozoïdes s’effectue directement ou met en jeu un spermatophore qui sera, selon les cas, déposé ou non dans les voies génitales femelles. Certaines espèces (punaises) pratiquent une insémination traumatique extragénitale ou insémination hémocélienne. Citons également le cas particulier de la mante religieuse, qui mange son partenaire: la décapitation du mâle stimule le transfert du sperme, et la femelle récupère par ailleurs des nutriments pour sa vitellogenèse. La fécondation est toujours interne; c’est là une conséquence classique des contraintes du milieu aérien.

L’accouplement est souvent le facteur qui déclenche l’ovulation. La survie des spermatozoïdes dans les voies génitales femelles est très variable: dans certains cas (insectes à reproduction cyclique), il y a un accouplement au cours de chaque cycle de ponte; dans d’autres cas, la femelle ne s’accouple qu’une seule fois et la survie des spermatozoïdes dans la spermathèque peut alors être très longue (c’est le cas pour les reines d’abeilles et de termites).

Les mécanismes de contrôle de la reproduction

Les premiers travaux de Wigglesworth (vers 1935) sur la punaise Rhodnius prolixus ont clairement mis en évidence le rôle fondamental des corps allates et donc celui des hormones juvéniles (JH) comme facteurs gonadotropes (qui stimulent les gonades). Il est remarquable que ces hormones interviennent à la fois dans les contrôles du développement et de la reproduction. La production de JH est contrôlée par des facteurs stimulateurs et inhibiteurs sécrétés par le cerveau. D’autres hormones peuvent intervenir: les neurohormones gonadotropes, qui agissent directement sur les ovaires, et les ecdystéroïdes, qui sont produits par les cellules folliculaires des follicules terminaux. Le rôle des ecdystéroïdes varie selon les espèces mais, dans tous les cas, il semble qu’ils soient impliqués dans la réactivation méiotique: durant la vitellogenèse, les ovocytes sont bloqués en prophase de première division méiotique, et les ecdystéroïdes amènent les ovocytes en métaphase I (l’achèvement de la méiose sera provoqué par la fécondation). Chez certaines espèces (blatte), les ecdystéroïdes sont impliqués dans le fonctionnement cyclique des ovaires, tandis que chez d’autres (moustique), ils induisent la synthèse des vitellogénines par le corps gras.

Les contrôles endocrines de la reproduction chez le mâle sont moins bien connus. L’activité testiculaire est stimulée par les ecdystéroïdes, tandis que celle des glandes annexes dépend des hormones juvéniles. Il a été montré que les cellules interstitielles des testicules de certaines espèces produisent des ecdystéroïdes sous un contrôle activateur du cerveau, mais le rôle exact de ces composés reste à établir.

Bien évidemment, dans la mesure où la reproduction (surtout pour la femelle) représente un effort métabolique considérable, des apports nutritionnels appropriés sont indispensables et, si ce n’est pas le cas (déficits quantitatifs et/ou qualitatifs), la reproduction sera perturbée. Chez les Insectes à vie imaginale brève (vers à soie par exemple), la formation des ovocytes (ovogenèse) s’effectue au stade de la chrysalide grâce aux réserves accumulées par la larve, et l’adulte ne se nourrit pas. Dans les autres cas, l’adulte doit trouver dans ses aliments les substrats énergétiques et les molécules essentielles nécessaires (repas sanguin des moustiques femelles alors que les mâles, floricoles, ne piquent pas).

Oviparité ou viviparité ?

Les Insectes, en général, pondent des œufs (oviparité) mais on connaît de nombreux exemples où ils donnent naissance à des larves (viviparité). Dans le cas de la viviparité, qui s’accompagne d’une réduction importante du nombre des ovocytes arrivant à maturité, on distingue:

– Une ovoviviparité, comme chez les blattes, où les œufs se développent à l’intérieur de la femelle à partir de leurs propres réserves. Il n’y a donc pas d’apport trophique en provenance de la mère.

– Une viviparité vraie, qui peut être soit hémocélienne (les larves situées dans la cavité générale se nourrissent aux dépens du corps gras – comme le feraient des parasites – c’est le cas des pucerons), soit adénotrophique, comme chez la glossine (mouche tsé-tsé), où des glandes accessoires modifiées produisent une sécrétion lactée absorbée par voie buccale par la larve unique (qui se développe dans l’utérus jusqu’au stade de la nymphose), soit enfin pseudoplacentaire. Ce dernier cas, rencontré chez certains Dermaptères, est très exceptionnel: les œufs sont presque totalement dépourvus de réserves, et il se forme un pseudo-placenta.

Parthénogenèse

Cette reproduction sexuée sans fécondation existe chez de nombreuses espèces, mais avec des modalités variables: soit elle représente le seul mode de reproduction, chez des espèces où il n’existe pas de mâles (certaines cochenilles, certains phasmes), soit elle alterne avec des phases de reproduction biparentale –on parle alors de parthénogenèse cyclique (pucerons) –, soit les deux modes coexistent, les œufs fécondés donnant des femelles diploïdes et les œufs non fécondés des mâles haploïdes (Hyménoptères). Chez les pucerons, la séquence des modes de reproduction est complexe et il s’y ajoute un polymorphisme (formes aptères et ailées) [cf. HÉMIPTÉROÏDES]; de plus, ces animaux sont vivipares et deviennent aptes à se reproduire alors même que leur croissance n’est pas achevée, ce qui explique leur extraordinaire prolificité, chaque femelle parthénogénétique étant à l’origine de clones de descendants tous génétiquement identiques.

4. Développement des Insectes

Développement embryonnaire

L’œuf est une cellule polarisée. Lors de sa formation, certaines molécules (ARN messagers et/ou protéines) sont déposées de façon localisée; cette distribution sera ainsi à l’origine de l’établissement d’une polarité antéro-postérieure (ARNm et protéine bicoid ) ainsi que d’une polarité dorso-ventrale (ARNm et protéine nanos ).

Dans le cas de la drosophile, le développement embryonnaire est extrêmement rapide (24 heures). Ce modèle est particulièrement bien connu grâce à la possibilité de provoquer de nombreuses mutations qui affectent le développement embryonnaire et d’identifier ensuite les gènes correspondants. Les connaissances acquises ont mis en lumière un ensemble de mécanismes fondamentaux, bien conservés au cours de l’évolution animale et applicables aux Vertébrés.

Dans une première phase, on observe une multiplication du nombre des noyaux qui vont ensuite gagner la périphérie de l’œuf. Ce n’est qu’après la formation de 28 (soit 256 noyaux) que le processus de cellularisation va démarrer dans une zone postérieure de l’œuf qui contient un cytoplasme aux qualités particulières. Ces cellules représenteront les cellules germinales primordiales (celles qui vont donner les cellules reproductrices) et correspondent à une individualisation très précoce de la lignée germinale. La cellularisation gagne ensuite l’ensemble de l’œuf, tandis que la multiplication des noyaux se poursuit, et s’achève lorsque l’œuf compte environ 6 000 noyaux (cellules). Les cellules périphériques, de loin les plus nombreuses, constituent le blastoderme, tandis que quelques cellules centrales forment des vitellophages, cellules chargées de la digestion du vitellus. À ce stade, dit blastula, les cellules sont déjà en partie déterminées et non interchangeables. La destruction de certaines d’entre elles se traduira par l’absence de tel ou tel territoire à un stade ultérieur; il n’y a pas de compensation, et la blastula est donc une mosaïque de territoires déterminés.

Il se forme par la suite, sur la face ventrale (fig. 21), une bandelette germinative (ou embryonnaire) qui représente la première ébauche de l’embryon. Cette bandelette va se creuser d’un sillon médian longitudinal, le sillon gastrulaire, qui se referme ensuite et forme un tube individualisant un endomésoderme. Dans le même temps, les bords du blastoderme se soulèvent autour de l’embryon et forment des replis qui vont se rejoindre, formant une cavité amniotique, milieu liquide dans lequel «baignera» l’embryon. Dans l’ectoderme de l’embryon, des neuroblastes vont apparaître et former deux cordons nerveux longitudinaux à l’origine de la chaîne nerveuse ventrale. L’endoderme se différencie pour former l’intestin. Le mésoderme se développe avec l’apparition d’une métamérisation et la formation de somites qui fusionneront pour former l’hémocèle. Cette métamérisation est progressive: elle apparaît soit au niveau de la tête et s’étend vers l’abdomen, soit au niveau du segment prothoracique et se propage dans les deux sens. Des appendices métamérisés se forment, mais ils ne persisteront que sur une partie des métamères.

La génétique moléculaire a permis d’identifier les gènes impliqués dans les étapes majeures de l’embryogenèse: des gènes définissant la polarité antéro-postérieure et dorso-ventrale, des gènes mis en jeu dans la segmentation (métamérisation) du corps (engrailed ), dont l’expression localisée définira le nombre initial de segments (6 pour la tête, par exemple), et enfin des gènes définissant l’identité, c’est-à-dire le devenir de chacun de ces segments le long de l’axe antéro-postérieur. Ces gènes, dits homéotiques, ont été identifiés à partir de mutations provoquant la transformation d’une partie du corps en une structure située dans un autre segment (mutants développant des ailes à la place des yeux ou des pattes à la place des antennes, par exemple). Les gènes homéotiques forment un complexe aligné sur un même chromosome dans une séquence qui reproduit leur expression spatiale selon l’axe antéro-postérieur de l’embryon (fig. 22). Ils sont remarquablement conservés chez les Invertébrés et les Vertébrés.

Déterminisme du sexe

Le déterminisme du sexe est purement chromosomique. Les hormones spécifiques d’un sexe n’interviennent pas; la formation d’un mâle ou d’une femelle dépend donc de la garniture chromosomique des cellules de l’animal. Cela ne signifie pas pour autant que ce mécanisme soit unique. Bien au contraire, le déterminisme chromosomique du sexe obéit à plusieurs modalités différentes selon les espèces (tabl. 2). Selon les cas, le sexe hétérogamétique (deux chromosomes sexuels différents) correspondra au mâle (comme chez les Mammifères) ou à la femelle (comme chez les Oiseaux). À côté de ces modalités «classiques», le sexe mâle peut être lié à la perte d’un chromosome X (pucerons) ou à une haploïdie, due à une absence de fécondation de l’œuf (Hyménoptères).

Formes larvaires et formes adultes

Croissance discontinue par mues

L’exosquelette cuticulaire qui protège l’Insecte est une enveloppe rigide qui limite sa croissance corporelle. Celle-ci est rendue possible par un remplacement périodique de la cuticule, lors des mues. Une mue comporte une série d’étapes (fig. 23): dans la première, l’apolyse, la cuticule se décolle de l’épiderme sous-jacent, puis une nouvelle cuticule est sécrétée par les cellules épidermiques; à la dernière étape, appelée ecdysis ou exuviation, l’ancienne cuticule est rejetée. Au moment de l’ecdysis, la nouvelle cuticule est souple, et cela permet l’accroissement de la taille de l’animal, qui se gonfle d’air (ou d’eau chez les espèces aquatiques). Rapidement, cette cuticule subit un processus de tannage par des composés quinoniques dérivés de la tyrosine, ce qui a pour effet de la rendre rigide et résistante, sauf au niveau des articulations des membres ou entre les segments. L’ensemble de ces processus est contrôlé par les hormones de mue (ecdystéroïdes), qui déclenchent le cycle d’activité sécrétoire des cellules épidermiques, tandis que le tannage est contrôlé par une neurohormone, la bursicon.

Le développement des Insectes passe donc par une série de stades successifs ponctués par des mues. Le nombre de ces stades est faible et constant (3 à 5) chez certaines espèces, plus élevé et variable (15 à 30) chez d’autres. La conséquence de ces mues est que (en dehors des espèces à cuticule souple, comme les chenilles des Lépidoptères, par exemple) la croissance linéaire des Insectes a un caractère discontinu. La croissance pondérale, qui est directement liée à l’alimentation de l’animal, est en revanche progressive.

La métamorphose

La métamorphose des Insectes holométaboles correspond à la formation d’un nouvel individu. Elle résulte d’une combinaison de mécanismes d’histogenèse (développement des tissus imaginaux), d’histolyse (destruction des tissus larvaires non conservés) et de remaniement (modifications plus ou moins profondes des structures maintenues). Elle atteint un degré maximal chez les Diptères.

Chez ces derniers, les processus d’histogenèse sont liés à la croissance et à la différenciation de cellules embryonnaires présentes chez la larve sous la forme de disques imaginaux ou d’îlots d’histoblastes (fig. 24). Les cellules qui les composent sont dites déterminées, c’est-à-dire que leur spécialisation (œil, patte, aile...) est fixée précocement. Ces cellules se multiplient lentement durant la vie larvaire. Lors de la métamorphose, le changement du contexte hormonal provoque la croissance rapide puis la différenciation de ces cellules, qui donneront les diverses structures de l’imago. Les processus d’histolyse concernent des organes strictement larvaires (certains muscles ou certains neurones, par exemple). Les cellules qui les constituent subissent un processus d’autolyse (suicide cellulaire ou apoptose) puis sont détruites par phagocytose. Les remaniements impliquent une dédifférenciation cellulaire préalable: ils s’appliquent, par exemple, à certains muscles.

En dehors des Diptères, la métamorphose a un caractère plus limité, ce qui signifie que la part des remaniements est plus importante: l’épiderme adulte est formé en grande partie à partir de l’épiderme larvaire, et les mêmes cellules seront donc amenées à produire successivement des cuticules larvaire, nymphale puis imaginale. Les disques imaginaux sont moins nombreux et/ou ont une mise en place tardive à partir de structures larvaires. Ainsi, chez les Lépidoptères, les disques imaginaux alaires sont identifiables dès la fin de la vie embryonnaire, tandis que les disques imaginaux des pattes ne se forment à partir de l’épiderme larvaire qu’au cours du dernier stade larvaire.

Plus les ordres sont primitifs, moins les processus de métamorphose sont importants. Chez les espèces à métamorphose incomplète, comme les criquets (Orthoptères) ou les punaises (Hémiptères), celle-ci se déroule lors d’une seule mue (la mue imaginale), et les modifications concernent essentiellement le développement et la fonctionnalisation des ailes ainsi que la maturation de l’appareil génital. Elles peuvent aussi inclure un changement du mode de vie (c’est le cas, par exemple, des libellules, qui appartiennent aux Odonates, dont la larve est aquatique et l’adulte aérien) et/ou d’alimentation.

Régulation hormonale du développement

Les contrôles hormonaux de la mue et de la métamorphose

Toute mue est déclenchée par une élévation du taux des ecdystéroïdes circulants. Celle-ci résulte de l’activation des glandes de mue par l’hormone prothoracicotrope sécrétée par le cerveau. La qualité de la mue est contrôlée par les hormones juvéniles produites par les corps allates, dont l’activité est contrôlée par des neurohormones cérébrales et par voie nerveuse. C’est la présence où l’absence d’hormones juvéniles à certaines phases critiques du cycle de mue qui sera responsable du maintien des caractères larvaires ou du déclenchement de la métamorphose (fig. 25). C’est au cours de ces phases critiques que, dans un contexte hormonal approprié, les cellules sont susceptibles de subir une reprogrammation qui conduira à une modification de leur activité ou éventuellement à leur mort.

Les taux circulants des ecdystéroïdes et des hormones juvéniles font l’objet de régulations précises qui affectent à la fois la synthèse et la dégradation de ces hormones. Dans le cas des hormones juvéniles, la régulation concerne également la synthèse des protéines de transport (CJHBP).

Les arrêts de développement ou diapauses

La diapause est un état de vie ralentie survenant à un stade donné du développement d’un insecte (embryon, larve, nymphe ou adulte). Elle se caractérise par un métabolisme extrêmement réduit qui permet à l’insecte de survivre sur ses réserves dans un environnement défavorable, en général pendant la saison hivernale dans les zones au climat tempéré ou froid. Les animaux stockent des molécules dont les propriétés antigel sont liées à leurs très fortes concentrations (glycérol – jusqu’à 5 moles/litres –, sorbitol). On distingue: la diapause embryonnaire, liée à la présence dans l’œuf d’une hormone de diapause d’origine maternelle (ver à soie), la diapause larvaire et la diapause nymphale, liées toutes deux à un arrêt de sécrétion de l’hormone prothoracicotrope, et la diapause imaginale (ou diapause de reproduction) liée à la non-production d’hormones juvéniles.

On distingue des espèces à diapause obligatoire, qui n’auront qu’une génération par an au maximum, et des espèces à diapause facultative, où l’entrée en diapause sera liée à une perception de la photopériode (alternance jour-nuit et durée de chacune des phases) [cf. RYTHMES BIOLOGIQUES].

Encyclopédie Universelle. 2012.