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DÉTERMINISME
DÉTERMINISME

C’est le XIXe siècle, dans la mesure où il a fait de la mécanique l’archétype des sciences expérimentales, sources de toute action technique efficace, qui a pratiquement identifié «science» et «déterminisme». Lorsque, dans un contexte idéologique bien différent, celui des années 1920-1940, les premières découvertes de la physique quantique ont ébranlé la représentation du réel héritée de l’ontologie classique, la «crise du déterminisme» a dû apparaître (ou a pu être donnée) comme le symptôme d’une crise plus radicale: celle de la science et de la raison. Enfin, dans la décennie 1970-1980, avec l’extension des explications probabilistes, la constitution d’une thermodynamique généralisée et l’application de modèles cybernétiques aux systèmes mécaniques, vivants, voire socio-économiques, c’est le dépassement du déterminisme qui est devenu le mot d’ordre d’une épistémologie pour qui devrait s’effacer l’antithèse de la matière et de l’organisation, voire celle de la causalité et de la finalité.

Mais cette périodisation sommaire recouvre plus qu’elle ne les dissipe les ambiguïtés permanentes qui marquent l’usage du mot déterminisme (et plus encore du couple déterminisme/indéterminisme), et qu’une définition même très technique ne suffit pas à lever. Par un étonnant renversement de sens, l’identification du mécanisme universel et du déterminisme s’est autorisée d’un terme qui avait initialement acquis sa portée scientifique par une limitation critique des prétentions du mécanisme. Par un renversement non moins surprenant, l’indéterminisme contemporain a repris à son compte le projet d’une philosophie de la nature autrefois développée à l’enseigne du déterminisme. C’est donc à comprendre les raisons de ces ambiguïtés – nullement gratuites, car elles reflètent l’historicité de la pratique scientifique – que l’enquête épistémologique devrait s’attacher, avant de chercher à proposer un «bon usage».

Qu’entend-on généralement par déterminisme, en effet? Soit l’idée que tout ce qui se produit (phénomène, événement, état) est l’effet de causes déterminées, soit l’idée qu’on peut prévoir exactement les effets produits dans des conditions elles-mêmes déterminées. À ce niveau, déjà, il y a ambivalence: puisque le terme désigne à la fois la possibilité de prévoir et ce qui dans la réalité la fonde ou la garantit.

Cette ambivalence s’étend, en fait, à toute la chaîne des catégories philosophiques corrélatives: la plus immédiate est celle de prévision . Prévision n’est pas prédiction, prévoyance ou prophétie. Pourtant, tous ces mots, étymologiquement et idéologiquement, sont des variations d’un même thème: celui de l’anticipation . Confrontée au critère de la prévision, même corrigé par une estimation de probabilité, la réalité apparaît selon la dimension essentielle d’un temps dans lequel l’avenir est comme réduit, circonscrit par le présent. C’est dire qu’implicitement on pense ici la position d’un sujet (pas nécessairement humain: ce peut être Dieu, ou l’univers subjectivisé), soit qu’il maîtrise ce temps, dont la thèse déterministe lui garantit la vision ou la description complète, soit que ce temps, au contraire, le maîtrise lui-même et l’incorpore à un ordre absolu.

Même ambivalence quant à l’apparence et à la réalité , à l’ordre et au désordre , au hasard et à la nécessité . Le déterminisme, ce peut être d’abord la régularité qui est postulée dans la réalité – comme sa loi –, donc ce qui est caché avant d’apparaître. Ce peut être aussi ce qui apparaît avant d’être justifié, s’il se peut, par la découverte d’une explication; «c’est dans la profondeur des cieux, notait Gaston Bachelard, que se dessine l’objectif pur qui correspond à un visuel pur. C’est sur le mouvement régulier des astres que se règle le destin [...]. Il y a donc une philosophie du ciel étoilé. Elle enseigne à l’homme la loi physique dans ses caractères d’objectivité et de déterminisme absolus». Ce peut être encore l’ordre essentiel obnubilé par la multiplication des effets, apparemment aléatoires, d’un système complexe. Mais ce peut être aussi, à l’inverse, la régularité globale, macroscopique, résultant d’une loi de probabilité à laquelle sont soumis un grand nombre d’événements indépendants: on parlera alors de «déterminisme statistique».

Enfin, le rapport aux catégories de cause et d’effet n’a pas acquis la netteté philosophique que l’on pourrait souhaiter: le déterminisme est-il le doublet de la causalité, voire l’explication de son mécanisme? Est-il au contraire le concept (positif, scientifique) qui doit lui être substitué pour donner définitivement congé aux représentations métaphysiques, et théologiques, de la cause comme production ou création, et limiter l’explication scientifique au seul problème objectif des corrélations entre phénomènes mesurables? Mais comment comprendre, dans ces conditions, qu’un Louis de Broglie, lorsqu’il se risque pour la première fois à parler d’indéterminisme pour décrire les expériences de diffraction d’électrons par un cristal, en vienne à écrire que «en physique quantique il n’y a plus de déterminisme, mais il y a encore causalité [...], une causalité sans déterminisme, où la prévisibilité exacte ne réapparaît que dans des cas exceptionnels «purs»? [...] Supposer qu’il existe un déterminisme fondamental des phénomènes qui nous resterait caché est une hypothèse métaphysique, un acte de foi, et ce déterminisme ne serait pas celui que le physicien a seul le droit d’envisager et que nous avons défini par la prévisibilité rigoureuse» («Réflexions sur l’indéterminisme en physique quantique», in Continu et discontinu en physique moderne , 1941). N’est-ce pas que la valeur de positivité des deux catégories en est alors venue à s’inverser à nouveau?

Suggérons que ces fluctuations ne sont ni l’effet d’un langage insuffisamment rigoureux (dont une bonne formalisation pourrait chercher à arrêter la dérive), ni même celui du trouble apporté par de successives révolutions scientifiques dans la correspondance entre les formes de notre connaissance des objets et les conditions d’existence des objets connus. Elles sont d’abord le résultat d’une indétermination permanente de la notion même de déterminisme, dans la mesure où le déterminisme se définit par son contraire, qu’il exclut, et où ce contraire n’a cessé d’osciller lui-même (quant il ne les confondait pas purement et simplement) entre deux pôles: celui du hasard (l’ 見羽精礼猪見精礼益 des Anciens) et celui de la spontanéité , elle-même enjeu d’un conflit entre la chance ( 精羽﨑兀) et la liberté. Elles sont aussi l’effet d’une surdétermination inévitable du discours épistémologique interne de chaque science par d’autres discours (qui ne sont pas tous scientifiques), donc aussi par d’autres pratiques qui sont les conditions historiques de la pratique scientifique elle-même. On pourra voir, en particulier, dans l’histoire de la notion de déterminisme, une permanente action en retour du problème de la «science de l’homme» sur la philosophie des sciences de la nature. En cherchant à définir leur propre déterminisme ou indéterminisme, physiciens ou biologistes n’ont sans doute pas cessé, consciemment ou non, de chercher aussi des solutions anticipées ou transposées aux antinomies de la pratique sociale.

1. Liberté humaine et nécessité naturelle

Selon Bloch et Wartburg (Dictionnaire étymologique de la langue française ), le mot déterminisme n’apparaît en français qu’en 1836. Mais il est plus ancien en allemand, où il appartient au vocabulaire de la théologie et de la philosophie morale (Determinismus ).

Dans le réseau contradictoire des échanges de significations et de problèmes, qui vont de l’idéologie à l’activité scientifique et qui retournent de celle-ci à celle-là, en passant par les usages philosophiques, l’histoire même du mot est un fil conducteur essentiel. Émile Littré, positiviste de stricte obédience, ne l’inclut pas dans son Dictionnaire de la médecine (écrit en collaboration avec C. Robin). Dans le Dictionnaire de la langue française (1872), déterminisme est borné à son sens métaphysique («négation de la liberté des actes de l’homme»). Mais dans le supplément de 1878, Littré mentionne le «déterminisme physiologique», après avoir écrit, dans un article nécrologique où il tentait de mettre en valeur les points d’accord entre les philosophies biologiques de Comte et de Bernard: «Déterminisme, mot de l’ancienne métaphysique que Claude Bernard a introduit en physiologie.» Cette migration théorique va de la philosophie classique allemande (plus précisément du leibnizianisme) à la physiologie française.

Pour Leibniz, dans le cadre d’une harmonie préétablie qui combine le point de vue «local» (le dynamisme spontané des substances individuelles) et le point de vue «global» (création et conservation du «meilleur des mondes possibles»), on peut affirmer rigoureusement que «le présent est gros de l’avenir», avec la même nécessité logique que le sujet implique ses prédicats. Le cours des choses est régi par la combinaison optimale du principe logique d’identité (ou de contradiction) et du principe de causalité (ou de raison suffisante). Notons que ce point de vue, préformationniste et dynamiste, s’affirme contre le spinozisme, qui est taxé de fatalisme. Leibniz peut ainsi «sauver» simultanément la puissance divine et la liberté humaine, dans une économie du Tout qui justifie l’existence du mal par son inclusion dans un bilan final «globalement positif».

Spinoza, lui, pour qui le mal n’a aucune existence réelle, et pour qui «il doit y avoir nécessairement une cause positive pour laquelle existe (et agit) toute chose existante», écrivait cependant: «En aucune façon je ne soumets Dieu au destin: mais je pense que tout découle de la nature de Dieu avec une inévitable nécessité.» Mais, ailleurs, il note: «Dieu est par essence absolument indéterminé et tout-puissant.» Paradoxalement l’indétermination de la nature divine signifie que la nécessité des enchaînements de cause à effet ne comporte aucune limitation. C’est le rigoureux immanentisme de la métaphysique spinoziste, refusant toute transcendance, identifiant Dieu à la Nature conçue comme une totalité dynamique et une hiérarchie infinie de formes d’individualité, qui explique cette double affirmation. Pour Spinoza, comme plus tard pour Hegel ou Marx, la liberté n’est ni la négation de la nécessité, ni même sa simple conscience (comme dans le stoïcisme), mais sa connaissance active, elle-même partie de l’enchaînement des causes naturelles. Notons que, au XXe siècle, c’est vers Spinoza que se retournera Einstein pour expliciter sa conception du monde physique.

Un passage de Kant, dans la Religion dans les limites de la raison (1793), montre que déterminisme a toujours alors le sens de «prédétermination», sinon de prédestination: il s’agit de savoir si la volonté est libre, c’est-à-dire si l’acte, au moment de l’action, est au pouvoir du sujet, ou s’il a ses raisons nécessaires dans le temps précédent, selon le schème de la causalité. Affirmer le déterminisme, ce serait affirmer que le cours de l’action humaine est fixé d’avance, et constitue un enchaînement causal naturel. Tout choix apparemment libre, vécu comme tel, serait une simple prise de conscience de cet enchaînement, une perception empirique interne. En quel sens l’autonomie morale du sujet est-elle donc conciliable avec l’universalité de la relation de cause à effet dans le domaine des phénomènes? La thèse de Kant est qu’on doit distinguer un sujet empirique, comme tel strictement soumis à la loi d’une causalité naturelle, et un sujet suprasensible , à la fois législateur et sujet, donc libre, se déterminant lui-même dans le domaine de la raison pratique (morale). C’est pourquoi le terme de déterminisme, selon Kant, est plutôt un obstacle «dialectique», engendrant une contradiction illusoire, qu’un concept légitime de la réflexion: il sert à recouvrir confusément la liberté pratique sous la domination de la nécessité naturelle, alors qu’il faut délimiter la juridiction de chacune.

Le même Kant, cependant, sans parler ici de déterminisme, posait dans la Critique de la raison pure (1781) le problème d’une action réciproque des phénomènes, qu’il faut penser comme une somme instantanée d’actions et de réactions linéaires, distincte de la simple causalité (c’est-à-dire, pour Kant, de l’irréversibilité dans le temps). Et, dans la Critique de la faculté de juger (1790), il définissait une «idée régulatrice» de la finalité naturelle comme l’efficacité causale de la représentation du résultat d’une action. Deux domaines d’application de cette idée lui paraissaient envisageables hypothétiquement: celui des organismes vivants, en tant qu’ils forment des totalités, et celui du progrès historique, soumis au double effet des conflits sociaux, dans lesquels s’affrontent l’égoïsme des individus, et de leur tendance inverse à la sociabilité, qui prépare les voies de la moralité. Au même moment, Lavoisier esquissait l’idée de régulation («On voit que la machine animale est principalement gouvernée par trois régulateurs principaux...» – Mémoire sur la régulation des animaux , 1790), que Malthus n’allait pas tarder à transposer dans le domaine de l’histoire avec sa loi de population présentée comme le résultat d’un équilibre concurrentiel naturel entre production et consommation, donc reproduction.

Au début du XIXe siècle, le postkantisme se scinde entre les tentatives d’une philosophie de la Nature – inspirées par une lecture panthéiste du spinozisme – et les strictes applications du primat de la liberté morale, transcendante aux phénomènes. Confondant volontairement, dans une même réfutation, l’organicisme des philosophies de la nature et le mécanisme (ou le matérialisme), Fichte peut écrire (dans sa Staatslehre de 1813): «Pour ouvrir la voie à notre doctrine de la liberté, il faut la distinguer rigoureusement du système philosophique qu’on appelle Déterminisme , pour qui n’existe qu’un système de choses données, à savoir la nature, incluant les Moi (ou sujets: die Iche ), qui sont eux-mêmes des choses. Tout être est fermé sur soi et déterminé selon une loi stricte. Les choses corporelles, entre lesquelles existe d’emblée une action réciproque conforme à cette loi, sont à leur tour selon la même loi causes absolues des représentations internes aux Moi, et ces représentations deviennent les causes de leurs actions de la même façon strictement nécessaire. Par ce biais, le monde matériel peut agir en retour sur lui-même. Mais une force soumise à une telle loi doit agir dans le Tout comme elle l’a toujours fait. Ce qui la caractérise fondamentalement, c’est un Être donné , indéfiniment semblable à lui-même, qui est , mais ne devient jamais.» En d’autres termes, aussi longtemps que le problème de l’action réciproque reste soumis au point de vue (moral et théologique) que circonscrit l’antithèse de la causalité et de la finalité, les domaines de l’objectivité naturelle (ou des processus matériels) et de la pratique restent absolument exclusifs l’un de l’autre.

C’est effectivement Claude Bernard qui confère au déterminisme un sens nouveau, en l’important de la philosophie morale dans la philosophie scientifique pour y marquer une révolution théorique et expérimentale. Cependant cette importation a un caractère contradictoire et polémique. De Leibniz on reprend l’idée que le principe d’une connaissance de la nature est celui de «raison suffisante» (tout événement a une cause, ou mieux, rien n’est sans cause), et que la raison suffisante se réalise dans la série des causes. Mais l’idée d’un développement préformé est remplacée par l’affirmation d’un rapport, la relation nécessaire qui lie un fait à ses conditions d’apparition; il n’y a pas de «fait» isolé: l’isolement équivaut à l’indépendance, donc à la spontanéité, donc à l’indétermination. L’affirmation simultanée d’une nécessité et d’une complexité conduit ainsi à l’analyse théorique des conditions corrélatives du fait et à leur production expérimentale.

2. Le déterminisme expérimental

Dans les textes de philosophie scientifique du XIXe siècle – notamment chez Claude Bernard, qui exprime la vérité d’un siècle et plus – on peut séparer deux langages et deux problèmes bien différents.

Axiome épistémologique

Premier problème, premier langage: il s’agit de définir la méthode expérimentale universelle de la connaissance scientifique, qui concerne également les corps «bruts» et les corps «vivants». Unité de l’objet entraîne universalité de la méthode. En seconde approximation seulement, il peut être question de la spécificité d’un domaine. Aussi n’apparaît-elle que comme perturbation, et la théorie spéciale de l’expérimentation en physiologie, par exemple, n’est-elle que la série des addenda, complications et restrictions qu’il faut apporter à la méthode expérimentale en physicochimie. L’objet physiologique n’est qu’un cas particulier. Plus tard il en sera de même pour l’objet psychophysiologique. De là une première fonction du déterminisme: il est le concept de cette unité, voire de cette réduction .

«Il faut admettre comme un axiome expérimental, écrit Claude Bernard, que chez les êtres vivants aussi bien que dans les corps bruts les conditions d’existence de tout phénomène sont déterminées d’une manière absolue [...] Tous les phénomènes de quelque ordre qu’ils soient existent virtuellement dans les lois immuables de la nature, et ils ne se manifestent que lorsque leurs conditions d’existence sont réalisées.» Ce qui veut dire en d’autres termes que la condition d’un phénomène une fois connue et remplie, le phénomène doit se produire toujours et nécessairement à la volonté de l’expérimentateur. La négation de cette proposition ne serait rien autre chose que la négation de la science même. Clairement, «axiome expérimental» ne signifie pas tant ici vérité tirée de quelque manière de l’expérience ou délimitée par elle, qu’axiome la commandant. À la limite, la science est le pléonasme du déterminisme. Thèse proprement rationaliste , mais fort peu dialectique.

L’épreuve de l’expérimentation

Cependant, cette formulation, qui tout à la fois résume un «esprit scientifique» et lui fournit son langage, en recouvre d’autres, plus décisives pour l’histoire des sciences. Citons de nouveau Claude Bernard: «Il y a dans tous les phénomènes des conditions du milieu qui règlent leurs manifestations phénoménales [...] mais les êtres organisés renferment en eux les conditions particulières de leurs manifestations vitales, et à mesure que l’organisme se perfectionne, [il] crée les conditions spéciales d’un milieu organique qui s’isole de plus en plus du milieu cosmique [...] c’est seulement dans les conditions physicochimiques du milieu intérieur que nous trouverons le déterminisme des phénomènes extérieurs à la vie [...] Cela nous amènera à considérer dans l’organisme des réactions réciproques et simultanées du milieu intérieur sur les organes, et des organes sur le milieu intérieur.»

Nous trouvons ici, non plus un discours général de la méthode, mais les protocoles d’une véritable pratique du déterminisme, pratique de la détermination et de la vérification. Il ne s’agit plus de «garantir» des lois mais de les produire effectivement, dans leur contenu de connaissance que rien n’anticipe véritablement. Aussi est-il ici impossible de dissocier la position du déterminisme et l’introduction dans la connaissance d’un concept spécifié, qui lui donne son efficacité réelle.

Il s’agit, chez Claude Bernard, du concept de «milieu intérieur», par où se fonde réellement la physiologie comme science. Il désigne en effet un domaine nouveau d’expérimentation: celui des sécrétions internes et de leurs régulations, définies par des constantes mesurables (l’exemple princeps est celui de la fonction glycogénique du foie et de la constance du taux de sucre dans le sang). À son tour l’expérimentation est techniquement et conceptuellement organisée (distinguée de la pure et simple observation) par l’application des connaissances logiquement préalables de la physique et de la chimie. On dispose ainsi d’un objet spécifique de la physiologie, l’unité objective de l’organisme (différente d’un mécanisme sans être pour autant une finalité), qui se distingue comme tel de l’étendue indéterminée du «milieu cosmique», et qui peut alors être pensé comme le niveau propre de certains effets. On dispose en même temps d’une détermination générale, qui peut être indéfiniment précisée par l’analyse chimique des tissus et la mesure du «milieu», c’est-à-dire du champ expérimental. C’est cette simultanéité, paradoxale au regard du conflit traditionnel du mécanisme et du vitalisme, qui est seule véritablement opératoire.

L’identification des «effets»

Ainsi l’efficacité scientifique de la catégorie de déterminisme est-elle soumise à des conditions précises qui caractérisent un certain état historique de la science. Soulignons-en les deux aspects remarquables:

– On ne peut pas parler de déterminisme sans se donner par des concepts une topologie (voire une simple topographie) convenable, qui permette la séparation des «effets», l’identification des «mêmes» effets, ou des effets «semblables». Elle est plus ou moins fine. Ici, c’est l’organisme pensé comme milieu intérieur (doué de régulation ou d’homéostasie) sur la base d’une anatomie tissulaire et cellulaire. Ailleurs, comme le dit Bachelard à propos de la description mécanique du choc des corps solides, une «phénoménologie séparée en deux aspects: la chose et le mouvement». Ailleurs encore (autre domaine privilégié), une scansion temporelle du déroulement des réactions chimiques, de leurs «conditions initiales» à leur résultat «final: donc une science des corps purs, liée à une technique de décomposition ordonnée de la matière.

– Mais ce qui investit la notion d’un sens scientifique, c’est de désigner en fait une maîtrise pratique de l’expérimentation. Les «conditions déterminées» sont des conditions sur lesquelles on a prise, dont on peut commander la variation, parce qu’elles sont des conditions techniquement réalisées; «prévoir» des effets n’est ici finalement qu’une autre façon de dire qu’on les produit. Reprenons l’exemple de la physiologie bernardienne: cette maîtrise déterminée (et non pas arbitraire, comme le suggérerait à tort le langage de la «volonté») y est l’effet de la même reconnaissance du «milieu intérieur», donc de l’objet spécifique de la physiologie scientifique; l’intervention expérimentale ne serait qu’un aspect, aléatoire comme les autres, du milieu extérieur et de son évolution, si l’organisme n’était défini par sa régulation interne: les effets produits par le vivant ne peuvent être quelconques, mais sont nécessairement des variations repérables ou mesurables de ses constantes propres. La pratique fait davantage que vérifier l’idée régulatrice du déterminisme: elle la délimite exactement, en lui fournissant matériellement le principe d’identité qu’il requiert.

Le scientisme

En dehors des limites expérimentales définies par ces conditions pratico-théoriques, la rationalité court le risque de se transformer en son contraire. Ce peut être déjà le cas lorsqu’on tente de passer prématurément de la physiologie à la psycho-physiologie, à l’embryologie, à la théorie de l’évolution, à la génétique. Mais cette conclusion vaudrait a fortiori pour l’énorme littérature scientiste du XIXe siècle, dont le meilleur exemple est fourni par l’œuvre formidable de Taine, et qui se prolonge dans le XXe siècle. Ce scientisme culmine avec toutes les variantes de l’idée selon laquelle le milieu crée l’organe, ou la fonction, ou le comportement, qui vont du «déterminisme géographique» à la psychologie behavioriste. Il s’infléchit de façon sinistre avec la longue séquence des théories de la pathologie sociale et du déterminisme biologique de l’hérédité, depuis la criminologie de Lombroso («tel père, tel fils») jusqu’aux spéculations actuelles sur l’«anomalie chromosomique» ou sur les enfants «surdoués».

Cela fait ressortir, par contraste, la prudence d’un sociologue comme Durkheim, bien qu’il soit un défenseur intransigeant de l’idée d’explication causale («traiter les faits sociaux comme des choses»). Ses Règles de la méthode sociologique (1895) empruntent directement à Claude Bernard. Il est vrai que cette prudence peut s’expliquer non seulement par une épistémologie qui se défie de tout réductionnisme, mais aussi par une philosophie organiciste du social qui confère finalement aux «formes de la vie religieuse» une fonction constitutive de toute collectivité humaine: dans ces deux aspects, nous retrouvons l’héritage du positivisme de Comte.

L’enjeu est donc, en dernière analyse, politique. Ici apparaît la complexité du problème posé par le matérialisme historique tel que le formule Engels: si celui-ci tente d’étendre à toute l’interprétation de l’histoire un principe de détermination en dernière instance «par la production et la reproduction des conditions d’existence matérielles», incluant «l’action en retour» des «superstructures idéologiques» sur leur base, il n’en récuse pas moins le principe du déterminisme comme héritage du «matérialisme mécaniste» (et comme transposition naturaliste de la «conception théologique de la nature»), et s’oppose par là à l’interprétation du marxisme comme «déterminisme économique» adoptée même par certains marxistes (Lafargue), qui rend inintelligibles les transformations sociales réelles. À nouveau, nous voyons le critère de la pratique opérer un partage critique entre objectivité scientifique et scientisme.

3. Le modèle mécanique du déterminisme

La pratique des sciences expérimentales au XIXe siècle, dont la physiologie bernardienne a fourni l’exemple, ne peut se fonder pour autant entièrement sur elle-même. Nous avons avancé la thèse qu’elle use à bon droit de la catégorie de déterminisme, dès lors qu’elle délimite théoriquement et techniquement un objet spécifique. Mais nous avons vu qu’elle renvoie aussi à la donnée préalable des «conditions physico-chimiques». Il s’ensuit que toute explication repose aussi sur un «déterminisme» antérieur qui, pour l’ensemble des sciences naturelles, fonctionne comme un fondement et un modèle: le déterminisme mécanique . Il est à la fois, et contradictoirement, l’horizon d’une réduction possible des sciences particulières à une théorie unitaire du mouvement matériel, et source des applications complexes qui déterminent historiquement leur spécificité.

Il faut d’abord rappeler nettement que le déterminisme n’est pas à proprement parler un concept mécanique. La théorie mécanique, même «classique», peut s’exposer sans avoir aucunement besoin de se définir «déterministe». Le déterminisme désigne en fait l’existence même de lois mécaniques, c’est-à-dire de l’objet théorique de la mécanique.

Atomes, forces, univers

Dans sa forme classique, la théorie mécanique comporte la définition de trois concepts: la description de l’état instantané d’un système de points matériels, la loi du mouvement (sous forme intégrale ou sous forme différentielle), et la nature des forces qui s’exercent sur le système.

Pour déterminer l’état mécanique d’un système de points matériels à un instant donné, il faut en caractériser la position géométrique (trois coordonnées spatiales par point si on utilise un repère cartésien), et l’état dynamique (trois coordonnées dynamiques par point, représentant les projections de sa vitesse sur chaque axe du repère). Un système de n points matériels est donc, dans le cas général, entièrement caractérisé à chaque instant par 6 n coordonnées indépendantes, qui sont des nombres réels.

Si on connaît l’état du système à un instant t 1 et les forces qui agissent sur les points matériels qui le constituent (par exemple des forces de Coulomb, de gravitation, etc.), ces seules données permettent de déterminer l’état du système à tout autre instant t 2 (que l’on ait d’ailleurs t 1t 2 ou t 2 t 1).

Cette propriété avait déjà trouvé chez Laplace une formulation célèbre, bien que Laplace, strictement newtonien dans sa philosophie naturelle, n’emploie pas, et pour cause à cette date, le terme de déterminisme: «Nous devons envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome: rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux» (Essai philosophique sur les probabilités , 1814). On voit que cette formulation contient l’affirmation d’un postulat épistémologique: une connaissance plus complète des lois de la nature n’est qu’un progrès indéfini des techniques de l’analyse et une précision indéfiniment croissante de l’observation et des mesures. Surtout, elle implique un postulat métaphysique: l’équivalence ou la réversibilité des deux directions du «cours du temps» (progressive, régressive) qu’exprimerait l’invariance des équations de la mécanique lorsque t est remplacé par son inverse t . Progressivité historique (de la connaissance) et réversibilité naturelle se confirment l’une l’autre.

Le texte de Laplace (qu’on n’a cessé d’invoquer depuis deux siècles) montre éloquemment que cette philosophie de la science est elle-même métaphorisée par une représentation imaginaire de l’objet de connaissance, où le «système du monde» (planétaire), qui est encore un système mécanique selon les critères d’une vérification expérimentale effective, se métamorphose en univers.

Or, l’idée même d’état de l’univers est ici, dans le cadre de la mécanique classique, une idée sans signification scientifique. Elle enveloppe, comme l’avait déjà montré Kant, un usage contradictoire de l’idée de totalité, de même que celle d’atome enveloppe un usage contradictoire de l’idée d’individualité élémentaire. Citons encore Bachelard: «Les philosophes [du déterminisme universel] sont des victimes de l’idée d’espace [...] Le texte [de Laplace] si souvent invoqué nous paraît porter le signe d’un idéalisme intempérant, d’autant plus remarquable qu’on répète souvent, du même Laplace, le mot: «Je n’ai pas besoin de l’hypothèse Dieu pour expliquer l’univers.» On ne prend pas garde que l’hypothèse du mathématicien possesseur d’une formule qui réunirait le passé et l’avenir de tous les mouvements est un substitut de l’«hypothèse Dieu» [...]. En fait, la pensée scientifique ne peut s’intéresser qu’à des phénomènes structurés, qu’à des systèmes définis, qu’à des systèmes qui, par une suite d’approximations bien conduites, peuvent être définis dans un isolement.»

Rationalité de la mécanique

Cependant, une autre formulation est équivalente du point de vue scientifique, bien qu’elle soit née d’abord dans un contexte philosophique opposé (leibnizien plutôt que newtonien). Elle énonce que, pour tout système mécanique représentable par une fonction définie des coordonnées spatiales, des vitesses et du temps:

l’intégrale:

est nécessairement minimum entre deux instants quelconques t 1 et t 2 (principe de moindre action, élaboré de Maupertuis à Lagrange et Hamilton). Intuitivement, cette condition est déterministe en ce sens: poser que dans tout mouvement naturel l’intégrale S est minimum, c’est dire que, d’un ensemble de trajectoires «virtuelles» du système entre deux points de l’espace-temps, une seule doit être extraite, qui est déterminée de façon univoque par la condition de minimum. Autrement dit, l’acceptation du principe de moindre action revient à imposer une fois pour toutes un principe de choix, qui permet de résoudre le problème analytique du mouvement (dont on déduira alors les équations différentielles). Si le mouvement n’était pas soumis à un tel déterminisme, il serait quelconque , c’est-à-dire indéterminé. Le déterminisme est la condition d’une détermination. Le choix est entre une connaissance liée à un ordre unique, et une ignorance complète liée à un désordre infiniment multiple et apparaissant comme irrationnel. Le contenu scientifique du déterminisme classique, c’est donc la rationalité des lois de la mécanique classique, telles qu’on peut les retrouver à partir du principe de moindre action par exemple. Peut-on pour autant identifier le concept d’une causalité locale, mais référée à des forces de portée infinie (Newton, Laplace), et celui d’une finalité globale, mais déterminant l’accélération du mouvement dans un voisinage aussi petit que l’on veut (Leibniz, Maupertuis)? Ce qui est sûr, c’est qu’on peut démontrer l’équivalence mathématique des deux formulations. Et ce qui est sûr également, c’est qu’à cette rationalité mathématique correspond aussi une maîtrise technique indéfiniment croissante. C’est pourquoi l’anecdote devenue symbolique, où se recoupent la pratique scientifique et l’image du déterminisme universel au XIXe siècle, c’est le calcul, effectué simultanément par Adams et Le Verrier en 1846, de la place où les astronomes devraient braquer leurs télescopes pour observer la planète «manquante» du système solaire (Neptune), place déduite des perturbations fines que cette planète cause aux trajectoires des autres planètes. Or cet âge est encore le nôtre, puisque ce sont les mêmes procédures intellectuelles, amplifiées par l’usage des ordinateurs, qui permettent de guider nos sondes interplanétaires dans l’exploration pratique du système solaire.

Dans ce contexte, le développement d’une thermodynamique (Carnot, Mayer, Clausius), plus tard fondée à son tour sur une mécanique statistique (Gibbs, Maxwell, Boltzmann), ne pouvait que produire un effet très ambivalent. À court terme, le deuxième principe de la thermodynamique (ou loi de dégradation de l’énergie) renforcera l’image déterministe de la nature. Abusivement appliqué à la totalité (comme si l’univers constituait un système fermé au sens expérimental), il favorisera le retour de représentations fatalistes («mort de l’univers») – et, par contrecoup, du vitalisme dans la biologie évolutionniste. Mais, d’autre part, n’y avait-il pas contradiction entre le fait d’appliquer aux trajectoires individuelles des molécules un modèle strictement «laplacien», impliquant la réversibilité du temps (comme le fait la mécanique statistique), et l’irréversibilité globale exprimée par le deuxième principe? Un pas de plus, et c’est l’application généralisée de raisonnements probabilistes à tout problème de stabilité d’un système ou de déroulement d’un processus physico-chimique qui semblerait remettre en question la catégorie classique du temps sans direction intrinsèque, cadre universel, préalable à l’existence des phénomènes matériels et garantissant l’unité parfaite du monde physique. Enfin, chez les tenants d’une définition «subjective» de la probabilité, c’est le concept même de causalité qui sera dénoncé comme «métaphysique». Mais, au bout du compte, le «théorème H» de Boltzmann devait démontrer qu’un système physique quelconque évolue nécessairement vers sa configuration la plus probable, c’est-à-dire en fait la plus désordonnée (entropie maximale), à moins précisément de recevoir de l’extérieur l’énergie nécessaire à son organisation. Déterminisme et probabilité, loin de se contredire, se renforçaient encore l’un l’autre.

Ainsi s’étayent réciproquement, dans une unité contradictoire, les contenus scientifiques historiquement relatifs du déterminisme et l’imaginaire du déterminisme absolu , qui devient à un certain moment un véritable obstacle épistémologique. Dans l’image du déterminisme mécanique universel, la série complète des conditions est représentée donnée , comme un ordre dans lequel le fait n’est pas déterminé, mais prédéterminé. L’idée de prévision est alors investie de nouveau dans une théorie de la prédiction, elle réintroduit un destin. La totalité des conditions n’en est que la figure scientifique. Elle se donne elle-même hors de toutes conditions, aussi inconditionnée, c’est-à-dire aussi arbitraire et indéterminée que pour Œdipe le destin de la légende. Sous couvert d’une affirmation de la nécessité mécanique, l’idéologie du déterminisme universel réintroduit une théorie de la finalité, une théologie physique.

Nous pouvons comprendre par là pourquoi la transformation la plus profonde à ce jour des concepts scientifiques de la mécanique, représentés dans l’imaginaire comme des concepts absolus et donc éternels, a pris nécessairement l’aspect d’une «crise» idéologique de l’esprit scientifique.

4. Déterminisme et indéterminisme

Cette impression de crise ne pouvait naître de la révolution einsteinienne, malgré sa critique de l’idée de simultanéité absolue: en substituant à la ligne de causalité classique un «cône de causalité», elle laissait inchangée, en effet, la réversibilité locale des enchaînements de cause à effet. La crise a été déclenchée par la formation de la mécanique quantique. Certes, on peut penser qu’une bonne partie des difficultés, un temps apparues insurmontables, qu’elle soulevait n’appartiennent plus aujourd’hui qu’à l’histoire des sciences et des idéologies scientifiques: d’autant que, par rapport à ses formulations initiales, la théorie quantique (qui est aujourd’hui non seulement une mécanique, mais une physique complète) est en passe d’être largement refondue. Ces difficultés n’en sont pas moins instructives par ce qu’elles révèlent des nécessaires contradictions de la pensée scientifique. Plus récemment encore, des expériences comme celles qui ont été menées à Orsay par le physicien A. Aspect (à partir d’une «expérience de pensée» d’Einstein, reformulée par J. S. Bell) ont réfuté l’espérance de prouver l’incomplétude de la théorie quantique pour autant que ses concepts sont essentiellement probabilistes. Mais certains physiciens philosophes (B. d’Espagnat) en ont tiré argument pour suggérer à nouveau de considérer la physique, non comme une science du réel en lui-même, mais comme une science à «objectivité faible», le réel demeurant toujours essentiellement voilé. Il paraît encore prématuré de décider si ces nouveaux débats feront plus, au fond, que répéter ceux qui les ont précédés.

À l’origine, les difficultés se sont concentrées notamment autour de deux points: d’une part, l’observation d’une dualité de comportements, «corpusculaires» et «ondulatoires», dans les phénomènes microphysiques (diffraction des électrons, effet photoélectrique, etc.); d’autre part, l’interprétation des «relations d’incertitude» énoncées en 1927 par Heisenberg. Examinons, schématiquement, ce dernier point.

Si l’on représente par p la composante de position d’une «particule», et par q la composante correspondante de la quantité de mouvement, si on appelle p et q respectivement les incertitudes portant sur leur détermination à un instant donné, la première relation de Heisenberg s’énonce p . qh , où h est la constante de Planck.

Une telle relation signifie que les incertitudes sur les deux variables «conjuguées» p et q ne sont pas indépendantes. On ne peut pas poursuivre la détermination de l’une d’elles avec une précision croissante sans rendre par là même de plus en plus grande l’erreur portant sur l’autre. À la limite, une précision absolue dans la localisation de la particule correspondrait donc à une quantité de mouvement complètement indéterminée, et réciproquement. Il est donc impossible de définir ici, d’une façon qui ait un sens théorique, l’«état initial» du mouvement d’une particule d’une façon qui permette la prévision selon le schéma déterministe de la mécanique classique.

Celui-ci pouvait encore s’exprimer en représentant l’état du système, à chaque instant, par un point dans un espace abstrait à 6 n dimensions, appelé «espace des phases». La relation de Heisenberg signifie que, en mécanique quantique, au lieu de pouvoir représenter un état par un point et attribuer une valeur et une seule à ses coordonnées, il faut lui assigner un volume . Il n’y a plus de trajectoire linéaire des points représentatifs du système dans le temps.

Les limites de toute expérience possible

La limitation théorique ainsi introduite n’est pas du tout du même type que les limitations dans la précision des mesures rencontrées par la physique classique. Celles-ci peuvent être considérées comme dues à l’imperfection des instruments, et par là même elles apparaissent comme corrélatives d’un progrès indéfini dans la précision des mesures. Loin de contredire une représentation déterministe du mouvement en termes de trajectoires géométriques et de vitesse instantanée, elles sont étayées sur cette représentation et la confirment. Elles peuvent alors être pensées comme des limitations contingentes et subjectives, qui portent sur nos moyens de connaissance de l’objet à l’exclusion des objets réels eux-mêmes.

Or les limitations quantiques portent, non sur les approximations provisoires d’expériences particulières, mais sur toute expérience possible. On ne peut construire aucun dispositif expérimental qui permettrait de tourner la limitation impliquée par les relations d’incertitude. S’il s’agit d’une limitation de nos possibilités de connaissance, elle doit en être considérée comme constitutive. Elle a pour conséquence de faire du déterminisme classique un postulat de validité restreinte, contredit par la nature dans le domaine microphysique, au lieu d’un horizon accessible par approximation progressive.

Mais, il y a là, du point de vue théorique, autre chose et plus qu’une limitation: la quantification de l’action mécanique (longueur x quantité de mouvement, ou temps x énergie), à l’échelle où elle est significative (h = 6,63.10-34 J.s), entraîne l’impossibilité de dissocier les propriétés cinématiques (localisation dans l’espace et dans le temps) des propriétés dynamiques du mouvement d’une particule ou d’un système de particules. Ce qui est ici mis en question n’est plus seulement la face expérimentale du déterminisme (la possibilité de prévision), mais le corps des représentations géométriques des lois de la physique. En effet, énoncées sous forme différentielle, ces lois déterminent les propriétés locales du mouvement, c’est-à-dire ses propriétés géométriques et dynamiques dans un voisinage arbitrairement petit d’un point de l’espace. Du côté de la représentation intuitive, cela signifie que l’espace et le temps sont dans leur structure microscopique indéfiniment identiques à leur structure macroscopique. Ce qu’exprimait l’idée newtonienne de «milieu» spatio-temporel des phénomènes physiques. L’idée même de localisation indéfiniment précise en résultait. Les relations d’incertitude entraînent donc la remise en cause de toutes les représentations intuitives de l’objet, aussi bien en ce qui concerne les «corpuscules» qu’en ce qui concerne les représentations ondulatoires.

Interprétations épistémologiques

Quelle interprétation épistémologique faut-il donner aux propriétés «paradoxales» de la théorie quantique?

Une première attitude, qu’on peut appeler mécaniste, fut celle des physiciens classiques, parmi lesquels ont doit compter ici Planck et de Broglie: la théorie quantique, en tant qu’elle détruit le support scientifique de la représentation classique du déterminisme, leur parut une théorie essentiellement irrationaliste, même s’il est possible, à son échelle, de considérer la mécanique classique comme une excellente approximation de la théorie quantique. De là des tentatives pour découvrir au fondement des explications quantiques, jugées «incomplètes», des explications mécaniques «sous-jacentes». En termes mathématiques, cela revient par exemple à chercher à introduire dans les équations d’onde de la mécanique quantique des «paramètres cachés» dont la détermination aurait permis de distinguer et de prévoir effectivement les trajectoires. Reprises par la suite, ces tentatives n’ont cependant conduit à aucun progrès de la théorie scientifique, et se situent tout à fait en marge de la formation des nouveaux concepts de la mécanique quantique.

La seconde attitude est celle qu’adoptèrent dans leur majorité les premiers fondateurs de la mécanique quantique, autour de Bohr et Heisenberg et de «l’école de Copenhague». Elle peut être dite néo-positiviste, puisqu’elle comporte la définition de la science comme une «langue bien faite» adaptée à la description des phénomènes (ou «observables») tels qu’ils sont donnés dans une expérience de mesure, sans qu’on puisse toujours se prononcer sur ce que sont «en réalité» les propriétés de la matière.

On est conduit par là, cependant, à des conséquences épistémologiques paradoxales. Ainsi l’idée de la science comme langage descriptif conduit, pour des raisons inverses de celles qu’énoncent les physiciens classiques, à privilégier le langage de la physique classique, considéré comme naturellement adéquat à la description des expériences. C’est dans ce langage qu’il faut, en dernière analyse, pouvoir traduire l’expérience. De même, définir la science comme description des données mesurables permet certes d’exclure du champ des connaissances des hypothèses invérifiables (par exemple l’existence de «paramètres cachés»). Mais les néo-positivistes donnent de l’expérimentation une définition restrictive et empiriste: refusant de parler de ce qui n’est pas observable immédiatement, il considèrent par exemple les trajectoires entre des mesures effectives comme indéterminées. De plus, constatant que le processus de mesure lui-même comporte une modification imprévisible du mouvement des particules, ils en concluent que l’expérimentation ne délivre pas des données objectives, mais constitue une intervention subjective (du savant) dans le cours des phénomènes. Ce qui est connu par la science cesserait donc d’être la nature matérielle en elle-même, mais serait la combinaison ou la rencontre de la nature et du sujet connaissant, qui apparaît paradoxalement ici comme une puissance à la fois transcendante et perturbatrice de son objet, intrinsèquement contradictoire.

Enfin les néo-positivistes interprètent de façon restrictive l’intervention dans le formalisme de la mécanique du concept de probabilité. «En théorie quantique, écrit Heisenberg, l’observation d’un électron se traduit dans une fonction de probabilité qui représente la situation expérimentale au moment de la mesure et qui comprend même les erreurs de mesure possible (au minimum les imprécisions provenant des relations d’incertitude). Cette fonction de probabilité représente un mélange : elle est en partie un fait et en partie notre connaissance d’un fait, le fait que nous avons une connaissance incomplète de cet électron.» Il est frappant de trouver ici la «définition» philosophique même de la probabilité qu’énonçait Laplace («La probabilité est relative en partie à notre ignorance, en partie à nos connaissances») et qu’il fondait sur l’affirmation d’un déterminisme mécanique absolu des phénomènes, depuis «le mouvement des plus grands corps de l’univers» jusqu’à celui «du plus léger atome: donc sur l’impossibilité d’une signification objective de la probabilité.

La «limitation» comme extension

Remarquons cependant, pour conclure, que l’une et l’autre des deux attitudes reposent sur l’absolutisation des concepts classiques de la mécanique, considérés comme indépassables: soit à titre de connaissance de la matière elle-même, soit à titre de description de l’expérimentation. Or les progrès de la physique (auxquels les physiciens néo-positivistes ont contribué les premiers par leur œuvre scientifique) consistent en création ininterrompue de nouveaux concepts, qui permettent justement de prévoir le comportement des objets quantiques convenablement définis.

Ces objets, qu’on peut appeler en général des «quantons» suivant la suggestion de Bunge, sont devenus en pratique de plus en plus familiers au physicien (et au chimiste théoricien). Ils ne peuvent plus être désignés par ces abstractions (ou ces idéalisations de certains caractères simples de l’expérience courante) que sont en fait les «particules» et les «ondes», mais seulement par un formalisme théorique défini, qui guide en retour la formation d’un nouveau sens physique, ou si l’on veut d’intuitions pratiques adéquates. Ce formalisme attribue pour chaque quanton aux grandeurs «position» et «quantité de mouvement» (ou «durée» et «énergie»), non une valeur unique d’une fonction numérique, mais un spectre défini de valeurs propres d’un opérateur. Les relations de Heisenberg établissent une corrélation entre les largeurs p et q de ces spectres: en ce sens elles n’ont rien à voir avec une «incertitude».

Dès la fin des années trente, Langevin notait, contre les interprétations indéterministes et les objections mécanistes à la fois: «Pourquoi ne pas admettre plutôt que notre conception corpusculaire est inadéquate, qu’il n’est pas possible de représenter le monde infra-atomique en extrapolant jusqu’à l’extrême limite notre conception macroscopique, mécaniste du mobile? [...] Souvent on interprète la constante h de Planck comme fixant les limites du domaine dans lequel règne l’indétermination, le «hasard pur». Mais cette limite de l’indétermination est singulièrement déterminée par cette constante connue à un millième près.» C’était substituer au conflit d’un dogmatisme et d’un scepticisme l’un et l’autre prisonniers d’une conception fixiste de l’objectivité l’idée d’une histoire de la rationalité elle-même, liée aux extensions et aux refontes de la théorie physique. Et cette perspective était aussi celle que dessinaient au même moment, malgré leurs considérables différences, des épistémologies rationalistes comme celle de Popper (récusant toute définition «subjective» de la probabilité, et concluant: «Il n’existe aucun argument spécifique qu’on puisse tirer de la mécanique quantique contre le déterminisme»), ou surtout celle de Bachelard, montrant la radicale nouveauté de la «synthèse» théorique opérée par Louis de Broglie entre concepts corpusculaires et concepts ondulatoires, continu et discontinu, «champ» et «matière», et s’attaquant ainsi à la vieille idée philosophique qui identifie par principe le «fondamental» au simple ou à l’élémentaire.

Les quantons, dont le comportement déterminé rend compte aujourd’hui de la structure de la matière, ne sont en fait ni «ondes» ni «corpuscules». Mais, alors que les représentations de la théorie classique n’ont qu’une validité limitée, dans des conditions particulières, la théorie quantique a – jusqu’à nouvel ordre – une validité explicative universelle.

Situées à leur place dans le développement de la théorie physique, les «relations d’incertitude» diffèrent essentiellement d’une «limitation» de la connaissance, et sont même profondément éloignées du concept classique d’erreur. Ce n’est pas en fait une moindre connaissance, c’est une connaissance positive. La perturbation des trajectoires par la mesure expérimentale n’est pas davantage l’effet d’une subjectivisation de la connaissance physique. Elle oblige certes à renoncer à l’idée que les instruments de mesure sont des intermédiaires neutres entre les phénomènes et un sujet extérieur à la nature qu’il connaît: elle exige une théorie scientifique (non anthropomorphique) de la mesure expérimentale elle-même, en particulier une étude des systèmes complexes que constituent les instruments, sur la base de la théorie quantique.

Enfin, le statut philosophique du concept de probabilité doit également changer, en même temps que son usage scientifique. En physique moderne, la probabilité n’est pas une notion dérivée, introduite pour étudier des phénomènes qui ne peuvent être exactement déterminés et comportent ainsi, dans leur rapport à l’expérience, une part de hasard. Le concept de probabilité doit se couper de toute allusion au hasard, et de même perdre toute relation à l’idée de connaissance imparfaite ou incomplète, de «mélange» ou de moyen terme entre la connaissance et l’ignorance. Il devient le concept mathématique d’une réalité objective: le comportement des objets physiques se définit positivement en termes d’amplitude de probabilité. Le physicien américain R. Feynman a montré (dès 1942) que le principe de moindre action, qui détermine la trajectoire réelle d’un corps en mécanique classique peut être démontré par les raisonnements probabilitaires qui sont propres à la mécanique quantique. Ce résultat achève de nous prouver que la mécanique quantique, loin de limiter ou de détruire l’exigence d’objectivité contenue dans la catégorie classique de «déterminisme», fonde réellement sa permanence sur la transformation de ses réalisations conceptuelles et intuitives particulières. Il semble ouvrir la voie – malgré les risques de confusion que comportent certaines tentatives d’unification du temps physique («newtonien») et du temps vécu («bergsonien») – à de fécondes réflexions sur l’interdépendance des concepts de temps et de probabilité , attestée dans leurs domaines respectifs par la théorie quantique, la thermodynamique des processus irréversibles (Prigogine) et la biologie de l’évolution.

déterminisme [ detɛrminism ] n. m.
• 1827; all. Determinismus (fin XVIIIe)
1Principe scientifique suivant lequel les conditions d'existence d'un phénomène sont déterminées, fixées absolument de telle façon que, ces conditions étant posées, le phénomène ne peut pas ne pas se produire. causalité. « il y a un déterminisme absolu dans toutes les sciences » (Cl. Bernard). Déterminisme psychologique. Déterminisme historique.
2Doctrine philosophique suivant laquelle tous les événements, et en particulier les actions humaines, sont liés et déterminés par la chaîne des événements antérieurs.
⊗ CONTR. Indéterminisme, hasard. Liberté.

déterminisme nom masculin (allemand Determinismus) Théorie philosophique selon laquelle les phénomènes naturels et les faits humains sont causés par leurs antécédents. Enchaînement de cause à effet entre deux ou plusieurs phénomènes. ● déterminisme (citations) nom masculin (allemand Determinismus) Baruch Spinoza Amsterdam 1632-La Haye 1677 Les hommes se trompent en ce qu'ils pensent être libres et cette opinion consiste en cela seul qu'ils sont conscients de leurs actions, et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés. Nempe falluntur homines, quod se liberos esse putant ; quae opinio in hoc solo consistit, quod suarum actionum sint conscii, et ignari causarum, a quibus determinantur. L'Éthique, Livre IIdéterminisme (expressions) nom masculin (allemand Determinismus) Déterminisme laplacien ou universel, hypothèse suivant laquelle la connaissance des lois de l'évolution de l'univers et de son état actuel permet de prévoir ses états futurs. ● déterminisme (synonymes) nom masculin (allemand Determinismus) Théorie philosophique selon laquelle les phénomènes naturels et les faits...
Contraires :
- indéterminisme
- liberté

déterminisme
n. m. PHILO
d1./d Caractère d'un ordre nécessaire de faits répondant au principe de causalité.
d2./d Système philosophique selon lequel tout dans la nature obéit à des lois rigoureuses, y compris les conduites humaines.
Encycl. Le principe du déterminisme consiste à admettre que tout phénomène dépend d'un ensemble de conditions antérieures ou simultanées ("les mêmes causes produisent les mêmes effets").

⇒DÉTERMINISME, subst. masc.
A.— Ensemble des causes ou conditions nécessaires à la détermination d'un phénomène :
1. Les Caméléons sont célèbres pour cette faculté, [adaptation de leur couleur aux objets] dont le déterminisme a été rigoureusement établi.
E. PERRIER, Traité de zool., t. 4, 1928-32, p. 2974.
B.— P. ext., vocab. sc. et philos. [D'un point de vue théorique] Principe scientifique d'après lequel tout phénomène est régi par une (ou plusieurs) loi(s) nécessaire(s) telle(s) que les mêmes causes entraînent dans les mêmes conditions ou circonstances, les mêmes effets. Déterminisme objectif de la science :
2. L'abandon du déterminisme et du mécanisme classiques n'a pas marqué la fin de la science, mais bien la fin d'une métaphysique qui admettait le déterminisme laplacien et le mécanisme classique comme fondements de la science : ...
DAVID, La Cybernétique et l'humain, 1965, p. 20
Spéc., PHILOS. Doctrine d'après laquelle les actions des hommes sont, comme les phénomènes de la nature, soumises à un ensemble de causes extérieures. La notion de mérite et de responsabilité sont des erreurs certaines, liées à la croyance erronée à une liberté absolue que nie le déterminisme universel (LE DANTEC, Savoir! 1920, p. 81).
P. ext. Déterminisme historique, moral, psychologique. La gratuité, la liberté du jeu, chez l'adulte, qui échappe pour un moment aux déterminismes sociaux, évoque parfois un retour à l'enfance (Jeux et sp., 1968, p. 1168).
SCOLAST. Doctrine qui subordonne la volonté humaine à la Providence divine et nie donc le libre arbitre (cf. prédestination) :
3. Adeptes du péché originel ou de l'innocence native, partisans du libre arbitre ou du déterminisme, affirmateurs de l'anéantissement total de la créature, ou de la survie et de la résurrection, allèguent les uns et les autres des passages décisifs à leurs yeux en faveur de leur opinion.
WEILL, Le Judaïsme, 1931, p. 105.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1878 et 1932. Étymol. et Hist. 1836 (Ac. Suppl.). Empr. à l'all. Determinismus (1790, Forster ds GRIMM2), dér. de determinieren, lui-même empr. au lat. determinare. Fréq. abs. littér. :562. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) néant, b) 492; XXe s. : a) 1 908, b) 978.

déterminisme [detɛʀminism] n. m.
ÉTYM. 1827, in D. D. L.; de déterminer, pour traduire l'all. determinismus, formé à la fin du XVIIIe.
Didactique (philosophie).
1 Ordre des faits suivant lequel les conditions d'existence d'un phénomène sont déterminées, fixées absolument de telle façon que ces conditions étant posées, le phénomène ne peut pas ne pas se produire. || Le déterminisme des phénomènes. || Principe du déterminisme. || Croire au déterminisme des phénomènes et être convaincu que la nature obéit à des lois. || Le déterminisme, fondement de l'induction.
1 (…) il y a un déterminisme absolu dans toutes les sciences, parce que, chaque phénomène étant enchaîné d'une manière nécessaire à des conditions physico-chimiques, le savant peut les modifier pour maîtriser le phénomène, c'est-à-dire pour empêcher ou favoriser sa manifestation.
Cl. Bernard, Introd. à l'étude de la médecine expérimentale, II, I, 1.
2 (…) l'induction suppose un double principe : 1o L'ordre de la nature est constant, et les lois ne souffrent pas d'exception. En effet, dès qu'une hypothèse rencontre une seule exception, nous jugeons aussitôt qu'elle n'est pas une loi.
2o L'ordre de la nature est universel, et il n'y a pas de faits ni de détails des faits qui ne soient réglés par des lois (…)
Ce double principe, c'est le déterminisme. Toute induction repose sur la confiance que nous avons dans le déterminisme. Il n'y a donc dans la nature ni contingence, ni caprice, ni miracle, ni libre-arbitre.
Edmond Goblot, Traité de logique, p. 313.
REM. Déterminisme s'oppose à fatalisme en ce sens que suivant le déterminisme, un phénomène ne se produit nécessairement que si ses antécédents sont donnés, alors que suivant le fatalisme, l'événement est toujours nécessaire, quels que soient ses antécédents.
Déterminisme psychologique, suivant lequel l'homme est déterminé par un certain nombre de relations causales.Déterminisme historique, suivant lequel il est possible de systématiser, d'ordonner le passé. || Déterminisme sociologique, suivant lequel il est possible d'induire des lois sociologiques de la répétition des faits sociaux.
3 En somme, je voudrais montrer que liberté et déterminisme sont vrais en même temps, ne sont pas contradictoires. Tu comprends ?
A. Maurois, Bernard Quesnay, IX, p. 61.
4 L'homme est la proie du déterminisme (…) lorsque son comportement retombe à l'automatisme (…) lorsque la maladie l'empêche d'être pleinement lui-même (…) L'homme normal, s'il est capable de se déterminer lui-même est en même temps déterminé (…) Si la liberté a une signification autre que métaphysique, et si elle peut être attestée par la psychologie, ce n'est pas en récusant ces relations causales, c'est en montrant qu'à l'action de ces causes l'homme peut opposer sa propre causalité (…)
Mouy, Logique, p. 166-167.
4.1 Supposer que Versailles succède à Notre-Dame de Chartres, satisfait les déterminismes — et leur permet d'oublier que du XIIIe au XVIIIe siècle, le chrétien a subi une mutation totale, son lien avec l'imaginaire ayant totalement changé.
Malraux, l'Homme précaire et la Littérature, p. 23.
2 « Doctrine philosophique suivant laquelle tous les événements de l'univers, et en particulier les actions humaines, sont liés d'une façon telle que les choses étant ce qu'elles sont à un moment quelconque du temps, il n'y ait pour chacun des moments antérieurs ou ultérieurs, qu'un état et un seul qui soit compatible avec le premier » (Lalande).
5 (…) selon le canon du matérialisme intégral, l'accomplissement de l'homme tient dans sa soumission aussi complète que possible aux déterminismes (…) la personne trouve sa fin dans ce qui la détruit (…) le monde lui-même n'est régi que par un déterminisme aveugle.
Daniel-Rops, Ce qui meurt…, p. 84.
CONTR. Indéterminisme; caprice, fatalité, hasard. — Liberté.
DÉR. et COMP. Indéterminisme. V. Déterministe.

Encyclopédie Universelle. 2012.