fatalité [ fatalite ] n. f.
• XVe; lat. fatalitas
1 ♦ Caractère de ce qui est fatal (1o , 4o). Fatalité de la mort. « Tout ne commence vraiment à être irrémédiable qu'à partir du moment où [...] les meilleurs renoncent, et s'inclinent devant ce mythe : la fatalité des événements » (Martin du Gard).
2 ♦ Force surnaturelle par laquelle tout ce qui arrive (surtout ce qui est désagréable) est déterminé d'avance d'une manière inévitable. ⇒ destin, destinée, fatum. La croyance en la fatalité. ⇒ fatalisme. Fatalité et prédestination. La fatalité dans la tragédie grecque. Accuser la fatalité (cf. fam. C'est la faute à pas de chance). « La fatalité jouit d'une certaine élasticité qui s'appelle liberté humaine » (Baudelaire). « La fatalité, c'est l'excuse des âmes sans volonté » (R. Rolland).
3 ♦ Par ext. Nécessité, détermination. La fatalité historique. Fatalité intérieure qui pousse un être à agir selon sa nature.
4 ♦ Suite de coïncidences fâcheuses, inexpliquées qui semblent manifester une finalité supérieure et inconnue; sort contraire. ⇒ adversité, malédiction. Par quelle fatalité en est-il arrivé là ? C'est une fatalité qu'il ait justement pris l'avion qui a explosé. « Je ne sais, mon cher maître, par quelle fatalité je n'ai reçu que depuis deux jours votre lettre du 19 octobre » (d'Alembert).
● fatalité nom féminin (bas latin fatalitas, -atis) Destin, force occulte qui déterminerait les événements : Accuser la fatalité. Caractère de ce qui est fatal, de ce qui est inévitable : La fatalité de la mort. Sorte de nécessité, de détermination qui échappe à la volonté : Une fatalité intérieure le poussait vers un acte insensé. Concours de circonstances fâcheuses, imprévues et inévitables ; adversité inexplicable ; malédiction : Une sorte de fatalité accompagnait ses entreprises. ● fatalité (citations) nom féminin (bas latin fatalitas, -atis) Simone de Beauvoir Paris 1908-Paris 1986 […] La fatalité triomphe dès qu'on croit en elle. L'Amérique au jour le jour Gallimard Roger Caillois Reims 1913-Paris 1978 Académie française, 1971 La liberté n'existe que là où l'intelligence et le courage parviennent à mordre sur la fatalité. L'Incertitude qui vient des rêves Gallimard Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 C'est la faute de la fatalité ! Madame Bovary Jean Giraudoux Bellac 1882-Paris 1944 Toutes les fois que la fatalité se prépare à crever sur un point de la terre, elle l'encombre d'uniformes. C'est sa façon d'être congestionnée. Siegfried, III, 2, Zelten Grasset Louis Poirier, dit Julien Gracq Saint-Florent-le-Vieil, Maine-et-Loire, 1910 Que j'aimerais […] qu'on serve les fatalités de sa nature avec intelligence : il n'y a pas d'autre génie. Un beau ténébreux José Corti André Malraux Paris 1901-Créteil 1976 Le coup d'état du christianisme, c'est d'avoir installé la fatalité dans l'homme. De l'avoir fondée sur notre nature. Les Noyers de l'Altenburg Gallimard Romain Rolland Clamecy 1866-Vézelay 1944 La fatalité, c'est ce que nous voulons. Au-dessus de la mêlée Albin Michel Françoise Quoirez, dite Françoise Sagan Cajarc, Lot, 1935 C'est drôle comme la fatalité se plaît à choisir pour la représenter des visages indignes ou médiocres. Bonjour tristesse Julliard ● fatalité (synonymes) nom féminin (bas latin fatalitas, -atis) Destin, force occulte qui déterminerait les événements
Synonymes :
- destin
- malédiction
- sort
fatalité
n. f.
d1./d Destin, destinée. La soumission à la fatalité.
d2./d Détermination toute-puissante. La fatalité de l'hérédité.
d3./d Enchaînement fâcheux des événements, coïncidence malencontreuse. Accident dû à la fatalité.
⇒FATALITÉ, subst. fém.
A.— Puissance occulte qui, selon certaines doctrines, déterminerait le cours des événements d'une façon irrévocable. Le point d'honneur jouait dans les comédies espagnoles le rôle de la fatalité dans les tragédies grecques (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p. 289). Nous sommes dans la main des dieux. La fatalité est la poésie du monde (CHARDONNE, Claire, 1931, p. 19) :
• 1. L'ascèse nietzschéenne, partie de la reconnaissance de la fatalité, aboutit à une divinisation de la fatalité. Le destin devient d'autant plus adorable qu'il est plus implacable.
CAMUS, Homme rév., 1951, p. 97.
— Toute espèce de nécessités, de déterminations, de contraintes irrémédiables. La fatalité de la république est à la fois de provoquer l'anarchie et de la réprimer très durement (RENAN, Réf. intellect., 1871, p. 69) :
• 2. Telles ont été les fatalités de notre politique, dont le fruit, dans l'immédiat, est l'immobilité et le « pourrissement ».
MAURIAC, Bloc-Notes, 1958, p. 56.
B.— Ce qui est fatal; ce qui ne peut manquer d'arriver. Pour comble de maux je ne pourrai vous voir encore aujourd'hui, mais à quelque chose malheur est bon, et cela me fera rompre la fatalité du dimanche (CHATEAUBR., Corresp., t. 4, 1823, p. 392) :
• 3. Jeté hors de son ordre et, l'on peut dire, hors de la loi, séparé de toute société, sauf de quelques pauvres gens qui se serrent contre lui, François est retourné à cette sorte de fatalité qui pèse sur un paysan ignorant...
BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 251.
C.— ,,Suite de coïncidences inexpliquées, qui semblent manifester une finalité supérieure et inconnue; et plus spécialement, série persistante de malheurs`` (LAL. t. 1 1932). Une sorte de fatalité semble s'être attachée à poursuivre les grandes œuvres de Léonard (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 217). Il y a d'étranges fatalités dans la vie des femmes... (AUGIER, Mme Caverlet, 1876, VI, p. 518) :
• 4. Dites à Gilberte qu'il ne faut pas trop me juger sur l'enveloppe, et que ce n'est pas ma faute, après tout, si, par une fatalité malheureuse, ceux qui aiment le mieux sont presque toujours ceux qui savent le moins bien parler d'amour.
MEILHAC, HALÉVY, Froufrou, 1869, I, 11, p. 31.
Prononc. et Orth. :[fatalite]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. XVe s. (PIERRE DE LANOY, Legende de St Antoine, 40, Guigne ds DELB. Notes). Empr. au b. lat. fatalitas « nécessité du destin; fatalité ». Fréq. abs. littér. :1 418. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 2 127, b) 2 484; XXe s. : a) 1 611, b) 1 914. Bbg. SHORT (J.-P.). The Concept of fate in the tragedies of Racine. In :[Mél. Lawton (H.W.)]. Manchester, 1968, pp. 315-329.
fatalité [fatalite] n. f.
ÉTYM. XVe; lat. fatalitas « fatalité »; de fatalis. → Fatal.
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1 Caractère de ce qui est fatal (1., 2.). || La fatalité d'un événement. || Présenter un caractère de fatalité. || La fatalité d'une loi naturelle. || Fatalité de la mort.
1 Tout ne commence vraiment à être irrémédiable qu'à partir du moment où, à leur tour, les meilleurs renoncent, et s'inclinent devant ce mythe : la fatalité des événements ! Les événements, c'est nous qui les faisons ! Espérer coûte que coûte ! Et agir !
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 217.
2 (…) la guerre éternelle, avec son concours de leçons qui ne portent pas de fruit, de surprises révoltantes (…) et d'absurde fatalité.
G. Duhamel, Refuges de la lecture, I, p. 38.
2 Force naturelle ou surnaturelle par laquelle, selon certaines doctrines, tout ce qui arrive est déterminé d'avance d'une manière inévitable. ⇒ Destin, destinée, fatum, sort. || Philosophie fondée sur la croyance en la fatalité. ⇒ Fatalisme. || Une religion de la fatalité. || Fatalité et prédestination. || La fatalité opposée à la liberté. || La fatalité dans la tragédie grecque. || Subir la fatalité. || Accuser la fatalité. || Être victime de la fatalité.
3 Le dogme de la prédestination absolue, et de la fatalité, qui semble aujourd'hui caractériser le mahométisme, était l'opinion de toute l'antiquité : elle n'est pas moins claire dans l'Iliade que dans l'Alcoran.
Voltaire, Essai sur les mœurs, VII.
4 (…) la fatalité jouit d'une certaine élasticité qui s'appelle liberté humaine.
Baudelaire, Maximes consolantes sur l'amour.
5 Rodolphe était resté muet. Et Charles, la tête dans ses deux mains, reprit d'une voix éteinte et avec l'accent résigné des douleurs infinies : — Non, je ne vous en veux plus ! Il ajouta même un grand mot, le seul qu'il ait jamais dit : — C'est la faute de la fatalité !
Flaubert, Mme Bovary, III, XI.
6 On nous affirme que toutes les grandes tragédies ne nous offrent pas d'autre spectacle que la lutte de l'homme contre la fatalité. Je crois, au contraire, qu'il n'existe pas une seule tragédie où la fatalité règne réellement. J'ai beau les parcourir, je n'en trouve pas une où le héros combatte le destin pur et simple. Au fond, ce n'est jamais le destin, c'est toujours la sagesse qu'il attaque. Il n'y a de fatalité véritable qu'en certains malheurs extérieurs, tels que les maladies, les accidents, la mort inopinée de personnes aimées, etc., mais il n'existe pas de fatalité intérieure.
Maeterlinck, la Sagesse et la Destinée, XIV, p. 43.
7 La fatalité, c'est l'excuse des âmes sans volonté.
R. Rolland, Au-dessus de la mêlée, p. 6.
8 Ce héros (le héros romantique) est « fatal », parce que la fatalité confond le bien et le mal sans que l'homme puisse s'en défendre. La fatalité exclut les jugements de valeur. Elle les remplace par un « C'est ainsi » qui excuse tout, sauf le Créateur, responsable unique de ce scandaleux état de fait.
Camus, l'Homme révolté, p. 68.
9 Si, dans l'intention de m'absoudre, j'excuse mes malheurs par la fatalité, je me soumets à la fatalité.
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, XXV.
3 Nécessité, détermination. || Action obéissant à une fatalité extérieure (→ Automatisme, cit. 6). || La fatalité historique. || Une fatalité intérieure qui pousse un être à agir selon sa nature.
10 C'était une fatalité de son caractère d'être extrêmement sensible à ses fautes.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XIV.
11 Je vois là d'abord une fatalité historique contre laquelle vous vous allez briser.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 119.
12 (…) le chrétien d'Occident est à lui-même sa fatalité la plus impérieuse, et c'est au plus profond de chaque cœur que les mains du Christ, toujours torturées de la nature même de l'homme, portent l'angoisse et la pitié avec l'individualisation du destin.
Malraux, les Voix du silence, p. 215.
4 « Suite de coïncidences inexpliquées qui semblent manifester une finalité supérieure et inconnue et, plus spécialement, série persistante de malheurs » (Lalande). ⇒ Sort (mauvais sort). || Par quelle fatalité en est-il arrivé là ? || Comment échapper (cit. 25) à cette fatalité qui semble nous poursuivre ?
13 Il y a dans le monde spirituel quelque chose de mystérieux qui s'appelle le Guignon, et nul de nous n'a le droit de discuter avec la Fatalité. C'est la déesse qui s'explique le moins, et qui possède plus que tous les papes et les lamas, le privilège de l'infaillibilité.
Baudelaire, l'Art romantique, XXII, V.
14 (Napoléon) avait fait, probablement sur l'éventualité d'un obstacle, une question au guide Lacoste. Le guide avait répondu non. On pourrait presque dire que de ce signe de tête d'un paysan est sortie la catastrophe de Napoléon. D'autres fatalités encore devaient surgir (…) La mauvaise volonté des événements s'était annoncée de longue date.
Hugo, les Misérables, II, I, IX.
15 Une fatalité de décisions mal prises, d'espérances irréalisées, de projets manqués, continuait de poursuivre la vie de Jean.
Loti, Matelot, XXVIII.
♦ Hasard malencontreux, malheureux (opposé à chance, providence). || C'est une fatalité qu'il se soit justement trouvé chez lui quand l'explosion a eu lieu ! ⇒ Malédiction.
16 Je ne sais, mon cher maître, par quelle fatalité je n'ai reçu que depuis deux jours votre lettre du 19 octobre.
17 Un des joueurs, appelé Kérym, garçon faible et poitrinaire, prit pour plaisanter, un des couteaux placés sur l'étal et en menaça Gambèr-Aly en riant; celui-ci, sans malice, lui arracha l'instrument des mains, mais en se débattant avec lui, par une fatalité presque inexplicable, il l'atteignit dans le côté. Kérym tomba baigné dans son sang.
A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques, p. 156.
♦ Exclam. Fam. || Fatalité ! (Le roman populaire Chéri-Bibi a popularisé dans cet emploi le latin Fatalitas !).
Encyclopédie Universelle. 2012.