ni [ ni ] conj.
• 1229; ne 842; lat. nec
♦ Conjonction négative, niant et et ou, et servant à unir en les distinguant des parties du discours, des membres de phrase ou des propositions.
I ♦ Niavec une autre négation.
1 ♦ Joignant deux ou plusieurs groupes de mots à l'intérieur d'une proposition négative (avec NE... PAS, point, rien, jamais, personne). « Elle n'a rien de fin ni de distingué » (Balzac). « Il ne sait pas parler ni raconter ce qu'il vient de voir » (La Bruyère). Littér. ET NI. « Le rire n'empêche pas la haine et ni le sourire, l'amour » (A. Gide). (Avec NE seul, ni est répété). Loc. Ne dire ni oui ni non. N'avoir ni feu ni lieu, ni Dieu ni maître. Ni fleurs ni couronnes. Ni l'un ni l'autre. Ni plus ni moins (que). Le prince russe « n'était ni prince ni russe » (Stendhal). Ni toi ni moi ne partirons. Ni toi ni lui ne voulez. Littér. (un seul ni) « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement » (La Rochefoucauld). « L'instituteur ni le curé n'ont besoin d'avoir un nom qui les désigne » (F. Mauriac). REM. Accord plur. : « Ni l'un ni l'autre n'avaient le caractère endurant » (Stendhal).; accord sing. pour exprimer l'exclusion : Ce n'est ni votre candidat ni le mien qui sera élu.
♢ N. m. Fam. Réponse négative à une alternative. « le triomphe du “ni-ni” : “ni gauche ni droite” » (Le Nouvel Observateur, 1993).
2 ♦ Joignant plusieurs propositions négatives. — (Propos. de même sujet; vx ou littér.) « Il n'avance ni ne recule » (Maupassant). « Votre être éternellement permanent ni ne s'écoule, ni ne se change, ni ne se mesure » (Bossuet). — (De sujets différents; ni se répète) « Ni l'ignorance n'est défaut d'esprit ni le savoir n'est preuve de génie » (Vauvenargues). — (Subordonnées) « Il ne croit pas que l'histoire soit ni ne devienne jamais une science » (France).
II ♦ Nisans autre négation.
1 ♦ Dans des propos. elliptiques (sans verbe). « Tel que je suis, ni meilleur, ni pire » (Rousseau). Loc. Ni vu ni connu.
2 ♦ Littér. Apr. un nom, un pron., un adj. ou un verbe de sens négatif. « Rien de si plat ni de si uniforme » que ce pays (F. Mauriac).
3 ♦ Après sans, sans que et subj. Sans rime ni raison. Sans tambour ni trompette. Sans queue ni tête. Ces honnêtes femmes qui « savent, sans rien permettre ni rien promettre, faire espérer plus qu'elles ne veulent tenir » (Rousseau).
4 ♦ Avec un compar. d'inégalité. « Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage » (La Fontaine).
⊗ HOM. Nid.
● Ni Symbole chimique du nickel.
ni
conj. S'emploie pour réunir (avec valeur de et ou de ou) des propositions négatives ou les différents termes d'une proposition négative. Je ne l'aime ni ne l'estime. Ni les honneurs ni les richesses ne rendent heureux. Sans tambour ni trompette.
⇒NI, conj. de coordination négative
[Coordonne des constituants de même nature et de même fonction ou bien des propositions, en corrélation soit avec ne, soit avec d'autres éléments à valeur négative]
I. —[En corrélation avec ne]
A. —[Coordonne des constituants de même nature et de même fonction]
1. [Complète la négation ne et joue ainsi le rôle d'un «auxil. de négation» (ou «forclusif»); v. ne I B] Ne ... ni a ni b.
a) [Coordonne des syntagmes nom., quelle qu'en soit la fonction]
— [Suj., «suj. réel» ou attribut] Ni les siècles antérieurs, ni les autres parties du monde, n'ont offert d'exemple (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p.148). Je serai en sentinelle devant sa bouche, et j'aurai soin qu'il n'y entre ni une goutte d'eau ni une miette de pain (ABOUT, Roi mont., 1857, p.245):
• 1. Il croit, par exemple, que les princes sont faits pour les peuples, et non les peuples pour les princes; sentiment moins bizarre que vous ne l'imaginez, vous autres courtisans. Il n'est ni le premier ni le seul de sa maison à penser de la sorte, si les bruits en sont vrais.
COURIER, Pamphlets pol., Au réd. la Quotidienne, 1823, p.205.
♦En partic. [L'attribut est prép.] Elle n'était toutefois ni de très haute taille ni de très puissante encolure (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p.104).
— [Compl. d'obj. dir. ou indir. (du verbe ou d'une loc. verb.)] Brigitte n'avait peur ni de la fatigue ni de la nuit (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p.252). Aussi loin que l'oeil portât à travers la brume liquide, on n'apercevait ni un arbre ni une maison (GRACQ, Syrtes, 1951, p.19). L'entreprise (...) ne convenait, en fait, ni à mon âge, ni aux capacités de travail dont je disposais encore (MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1955, p. C).
♦En partic. [Le compl. est un inf.] Elle avait voulu éviter ce regard qui la fascinait, et ses yeux n'avaient pu ni se baisser, ni se détourner (KARR, Sous tilleuls, 1832, p.223).
♦Loc. N'avoir ni foi ni loi. Ne faire ni un(e) ni deux. Ne pas hésiter. Je savais que Zio Giuseppe ne ferait ni une ni deux qu'il me tuerait (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.421).
—[Compl. circ. dir. ou indir.] N'admets les avides ni parmi tes amis, ni parmi tes disciples, car ils sont incapables de sagesse et de fidélité (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.187). Je n'irai à la campagne ni aujourd'hui ni demain (KARR, Sous tilleuls, 1832, p.228). Ni dans l'un ni dans l'autre cas, il n'y a rien eu de ce qu'on appelle à l'ordinaire un événement (SARTRE, Nausée, 1938, p.13).
♦Avec ell. du nom. Cet écrivain d'ailleurs, quel qu'il soit, n'a parlé ni pour ni contre la question (MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.150).
— [Compl. du nom ou de l'adj.] [Le sage] n'est maître absolu ni des choses, ni des sensations qu'il en reçoit, ni de l'habitude de ses organes (SENANCOUR, Rêveries, 1799, p.79). Il n'était content ni de lui-même ni de son adversaire (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p.159):
• 2. Les interventions constantes des représentants du gouvernement britannique dans la politique intérieure et administrative des états du Levant et même dans les rapports entre ces états et le mandataire ne sont compatibles, ni avec le désintéressement politique de la Grande-Bretagne en Syrie et au Liban, ni avec le respect de la position de la France, ni avec le régime du mandat.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p.354.
b) [Coordonne des adj. ou des part. empl. comme adj.] C'est un homme que l'on voit partout, qui n'a l'air ni bon ni méchant, ni spirituel ni bête (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p.426). Les femmes n'étaient ni renfermées ni voilées; elles étaient même à demi nues (LAMART., Voy. Orient, t.2, 1835, p.88). Oui, vous tous, paysans, ouvriers, bourgeois, qui n'êtes ni tout à fait innocents ni certainement les plus coupables (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p.239).
— [Dans des cont. ell. du verbe] Est-ce grand? —Ni trop grand ni trop petit (DUMAS père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.332). Il est seulement gai quand il est gai et triste quand il est triste ou ni gai ni triste (PRÉVERT, Paroles, 1946, p.99).
— Loc. Ni vu ni connu. On nous mit à la porte et le bougnat accrocha ses volets et tourna le gaz. Les types s'égaillèrent. Ni vu ni connu. Toute l'affaire n'avait pas duré une demi-heure (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.70).
c) [Coordonne des adv.] La cause du tyran seul est tellement sacrée, qu'elle ne peut être ni assez longuement ni assez librement discutée (ROBESP., Discours, Jug. Louis XVI, t.9, 1792, p.125). [Dante] ne plaça l'humanité ni si haut, ni si bas (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p.269):
• 3. ... Vivian Grey savait qu'il y avait au moins un être au monde qui n'était peureux ni moralement, ni physiquement et il était arrivé depuis longtemps à la confortable conclusion que sa carrière ne pouvait être que très brillante.
MAUROIS, Disraëli, 1927, p.40.
— Loc. Ni pis ni mieux (vieilli, rare). Achetez, donnez Chambord, c'est la cour qui le mangera, le prince n'en sera ni pis ni mieux (COURIER, Pamphlets pol., Procès, 1821, p.100). Ni plus ni moins. Les mendiants ne sont ni plus ni moins que des moines au petit pied (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.906).
d) [Coordonne des verbes] Le citoyen n'étoit ni accablé par le travail, ni enchanté par le plaisir (CHATEAUBR., Génie, t.2, 1803, p.440). Lorsqu'on permet à la nature de suivre paisiblement sa marche; lorsqu'on ne la hâte, ni en l'excitant, ni en la réprimant (...) l'homme, ainsi que les animaux moins parfaits, prend tout à coup, à cette époque, d'autres penchans, d'autres idées, d'autres habitudes (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.92). Romantisme qu'il n'a ni compris ni approuvé (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p.238). L'expérience de l'Irlandais [Needham] n'avait été ni confirmée ni infirmée lorsqu'une vingtaine d'années plus tard l'abbé Lazare Spallanzani (1729-1799) intervint dans la controverse (J. ROSTAND, Genèse vie, 1943, p.50).
2. Littér. [Ni est omis devant le premier terme coordonné] Ne ... a ni b.
a) [Coordonne des syntagmes nom.] Il n'a pu réprimer ses penchans ni ses passions funestes (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.225). Ce n'était pas, ce ne pouvait être la garance ni la cochenille (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p.7):
• 4. L'âpre Mort, par une injuste norme
Qui en fait son butin,
A mêlé les couleurs, les parfums et les formes
En un même destin.
Pourtant de ces jardins le deuil ni la blessure
Ne me sont à tourment...
MUSELLI, Travaux et jeux, 1914, p.26.
— [Coordonne des syntagmes prép.] J'attribue cet état de grâce au fait que, pas un instant, en son for intérieur, il ne doutait de lui, ni de la grandeur de sa mission, ni du succès final de ce bon combat auquel il donnait toutes ses forces (MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1955, p.LXXV).
— [Coordonne des inf.] N'ayant pu tout savoir ni tout rassembler, je m'excuse de tant d'omissions involontaires (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p.134).
b) [Coordonne des adj.] Moi qui n'ai voix consultative ni délibérative au conseil de l'État (PROUDHON, Propriété, 1840, p.207). De sa vie, le pauvre Vasile n'avait été si propre ni si beau (ABOUT, Roi mont., 1857, p.227).
c) [Coordonne des verbes] Le soleil ne se lève ni ne se couche (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.118). Je n'ai demandé ni souhaité d'être député (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. Drapeau blanc, 1822, p.196). Dans l'auberge de l'Isola Bella, les auditeurs n'ont entendu ni su que ce que le narrateur a bien voulu leur confier (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.29). Nancy ne répond, ni ne bouge (CAMUS, Requiem, 1956, 1re part., 1er tabl., p.824).
Rem. On considère gén. que lorsque ni n'est pas empl. en relation avec un auxil. de négation, il ne peut coordonner deux subst. précédés du prédéterm. de et que la constr. il ne mange (ni) de poires ni de pommes est incorrecte du point de vue gramm. en fr. mod., contrairement à l'usage du fr. class. On trouve cependant qq. ex. de ce type dans le corpus. C'était un travail immense de recherches, de courses, de conversations avec les gens techniques, et il ne fallait ni d'erreurs ni d'exagérations (GONCOURT, Journal, 1879, p.22). Il est démontré aujourd'hui aux yeux de la raison qu'il n'est ni de végétal ni d'animal qui n'ait son germe (J. ROSTAND, Genèse vie, 1943, p.57).
3. [En corrélation avec ne et un «auxil. de négation partielle» (jamais, personne, rien...). Ni est omis devant le premier terme coordonné ou bien, par un effet d'insistance, il figure devant chacun d'eux]
a) [Coordonne des syntagmes nom.]
— [Suj., «suj. réel» ou attribut] L'intérêt personnel ne fut jamais mon fait ni ma devise (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p.244). Le tonnerre ni le déluge ne chasseront plus ce sourire de mes lèvres (GIRAUDOUX, Ondine, 1939, II, 9, p.125). Temple: Et moi je vous dis que la vérité, ni la justice, n'ont rien à voir dans tout ceci, que je ne peux vous servir de rien (CAMUS, Requiem, 1956, 1re part., 3e tabl. p.849).
♦Ni ... ni. Elle prononçait familièrement des noms que ni Pauline ni Véronique n'avaient jamais entendus (ZOLA, Joie de vivre, 1884, p.975). Une courtisane dissolue ne suffirait plus à ce gouvernement social. Il y faudra de la tenue, de la respectabilité, cette culture intellectuelle sans laquelle ni l'homme ni la femme ne peuvent rien de grand (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.170).
— [Compl. d'obj. dir. ou indir. (en partic. un inf.)] On ne parle plus de constitution, ni de liberté (CONSTANT, Princ. pol., 1815, p. VI). L'esprit humain perdit entièrement son assiette; il ne sut plus à quoi se retenir ni où s'arrêter (TOCQUEVILLE, Anc. Rég. et Révol., 1856, p.252). Et cette maison, en effet, n'est pas la sienne, mais c'est qu'elle n'est celle de personne. Et personne n'y trouvera jamais l'abandon ni la chaleur (CAMUS, Malentendu, 1944, II, 8, p.162).
♦Ni ... ni. Elle ne songeait plus ni à son violent amour pour le marquis, ni à sa haine pour sa rivale (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.293). Il n'éprouvait plus ni le goût, ni l'énergie d'aller se remettre au travail (ROY, Bonheur occas., 1945, p.48).
— [Compl. circ. dir. ou indir.] Je répondis au président «qu'il n'avait, évidemment, jamais été dans les intentions ni dans les ordres du gouvernement français, ni dans ceux du général Doyen, de s'opposer par la force à la présence des troupes américaines dans la zone alpine (...)» (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p.183).
♦Ni ... ni. L'aigle ne le quittait plus ni la nuit ni le jour (GIDE, Prométhée, 1899, p.319). Je ne croisai personne, ni à l'entrée, ni dans l'escalier (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p.15).
— [Compl. du n. ou de l'adj.] Mais cette loi [de non-contradiction] n'implique aucune hypothèse spéciale sur la nature de ce qu'on devra se donner, ni de ce qui restera constant (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p.121). Ce qui s'est passé à Vaux ne fut indifférent à aucun des belligérants, ni même à aucun peuple de la terre (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, préf., p.3).
— En partic. [Coordonne des pron. indéf. négatifs ou leurs compl.] Les familles grecques, syriennes et arabes de cultivateurs, qui habitent ces maisons au pied du Liban, n'ont rien de sauvage ni rien de barbare (LAMART., Voy. Orient, t.2, 1835, p.73). Les jeunes gens sont sans indulgence, parce qu'ils ne connaissent rien de la vie ni de ses difficultés (BALZAC, Lys, 1836, p.163). Il m'enseigna que l'on n'obtient rien de grand ni de valable, ni de durable, sans effort (GIDE, Thésée, 1946, p.1416).
♦Ni ... ni. Si Henriette aimait, elle ne connaissait rien ni des plaisirs de l'amour ni de ses tempêtes (BALZAC, Lys, 1836, p.206).
b) [Coordonne des adj. ou des part. empl. comme adj.] Quand il n'existe plus d'action atomique ni moléculaire isolée, on est en présence de la gravitation comme résultante générale des forces élémentaires appliquée à un corps (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p.27). J'ai toujours grand plaisir à le revoir; mais ne puis plus avec lui être naturel ni sincère (GIDE, Journal, 1930, p.974).
♦Ni ... ni. Ma mère ne se sentit jamais ni humiliée ni honorée de se trouver avec des gens qui eussent pu se croire au-dessus d'elle (SAND, Hist. vie, t.2, 1855, p.116). L'homme n'est jamais ni parfait, ni content (VERNE, Île myst., 1874, p.207).
c) [Coordonne des adv.] Je ne ferai aucune tentative, directement ni indirectement, pour essayer de changer ou d'altérer en rien vos manières de voir sur des sujets (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1835, p.154).
♦Ni ... ni. Je ne suis plus, ni physiquement, ni moralement, le chef qu'il faut au semeur (MARTIN DU G., J. Barois, 1913, p.520).
d) [Coordonne des syntagmes verbaux]
— [à une forme simple du verbe] C'est une affection du sujet sentant, laquelle ne donne aucune représentation, ni n'implique aucune connaissance de l'objet senti (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.144). Aucun signe ne distinguait Thomas ni ne le marquait pour les besognes mystiques (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p.21).
— [à une forme comp. du verbe] La niaiserie n'a jamais rien amélioré ni sauvé (AMIEL, Journal, 1866, p.281).
♦Ni ... ni. Ses traits, les contours de sa tête que l'expression du plaisir n'avait jamais ni altérés ni fatigués (BALZAC, E. Grandet, 1834, p.83).
Rem. En appos., dans le sens de «que ce soit ... ou que ce soit ...», la présence de ni est obligatoire devant chacun des termes coordonnés: Aucun frémissement de vie ne le troublait, ni palpitation d'aile, ni bourdonnement d'insecte, ni fuite de lézard ou de reptile (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p.160). Il ne sentait plus rien, ni le goût de la viande, ni celui de l'alcool, ni la douleur (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p.173). Personne ici, ni élèves, ni maîtres, ne doit soupçonner qu'il y a eu entre nous un dissentiment dans une affaire aussi lourde (MONTHERL., Ville dont prince, 1951, III, 7, p.934).
4. [En corrélation avec ne et un «auxil. de négation totale» (pas, point). Ni figure seulement devant le 2e terme coordonné]
Rem. Une pause, si faible soit-elle, sépare le premier terme du 2e terme coordonné comme dans: il n'a pas de papier, ni de crayon (p.oppos. à il n'a ni papier ni crayon) et la phrase peut résulter en fait d'une coordination de deux prop. (infra B) avec ell. du verbe dans la seconde, plutôt que d'une coordination de constituants.
a) [Coordonne des syntagmes nom.]
— [Suj.] Daras Miska ni M. Sari (...) ne feront pas cesser l'étonnement de Paris (MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p.824).
— [Attribut] Ces arbres sont beaux, ces fleurs sont belles; mais ce ne sont point les fleurs ni les arbres de mon pays (LAMENNAIS, Paroles croyant, 1834, p.270).
— [Compl.] Nous ne parlons pas ici brigandage ni domination, mais association légitime, c'est-à-dire volontaire et libre (SIEYÈS, Tiers état, 1789, p.69). Il faut parler avec respect de Lucrèce; je ne lui vois de comparable que Byron, et Byron n'a pas sa gravité, ni la sincérité de sa tristesse (FLAUB., Corresp., 1861, p.464). Je n'aime pas les discours ni la musique militaire: mais je m'en tirerai avec un peu de coton dans les oreilles (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.466):
• 5. Lord Londonderry n'était pas homme à se repentir d'avoir péché contre l'humanité, dont il ne se souciait guère, ni envers les lumières du siècle, pour lesquelles il avait un profond mépris...
CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.122.
b) [Coordonne des adj.] Nous n'avons point de plus proches ni de meilleurs voisins (COURIER, Pamphlets pol., Pétition pour vill., 1822, p.135). Même à la dernière Sainte-Barbe (...) le lapin n'avait pas été si gras ni si tendre (ZOLA, Germinal, 1885, p.1261).
Rem. La forme ni ... ni n'est utilisée qu'à la faveur d'une pause (virgule devant ni à l'écrit): La famille par conséquent ne doit pas (...) prendre part à la guerre que se font entre elles des armées campées sur son territoire, ni directement, ni indirectement, par l'espionnage, l'embauchage, etc. (BONALD, Législ. primit., t.2, 1802, p.96). Je crois que l'on naît prédisposé à la foi ou au doute; et que tous les raisonnements ne peuvent pas grand-chose, ni pour, ni contre (MARTIN DU G., J. Barois, 1913, p.286). Ailleurs elle est arch.: Je ne connois point ici ni minorité, ni majorité (ROBESP., Discours, Guerre, t.8, 1792, p.198). De la place où nous sommes on ne voit point ni la boue ni l'ordure (CLAUDEL, Ville, 1901, II, p.465).
B. —[Coordonne des prop.]
1. [Coordonne des prop. complètes]
a) [Coordonne des prop. princ. négatives] Vieilli, rare. Je ne voudrais pas, ni Adolphe lui-même ne voudrait pas de cent millions achetés à ce prix (BALZAC, E. Grandet, 1834, p.69). La fidélité est comme cette épouse qui attend son mari engagé dans la croisade; jamais elle ne désespère, ni jamais elle n'oublie (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p.75):
• 6. Les pierres qui sont dans le sein de la terre ne forcent point le germe de végéter en bas, ni les pluies n'attirent point la radicule en haut.
BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p.179.
— En partic. [Ni est répété devant chaque prop.] Ni la passion ne me fourvoie, ni l'orgueil ne m'assourdit (CLAUDEL, Ville, 1901,III, p.476).
b) [Coordonne des prop. sub.]
) [Coordonne deux prop. sub. négatives dépendant d'une prop. princ. positive] Rare. Sur les bonnes dispositions de ses frères, elle n'a parlé que par bienséance: elle sait bien qu'elle ne m'en contera pas là-dessus, ni même qu'elle ne me fera croire à ses regrets douloureux (POURRAT, Gaspard, 1931, p.27).
— En partic. [Ni est répété devant chaque prop.] La vérité est que ni la terre n'est productive, ni le travail n'est productif, ni les capitaux ne sont productifs (PROUDHON, Propriété, 1840, p.252).
) [Coordonne deux prop. (positives, ou plus rarement, négatives) dépendant d'une prop. princ. négative] Ménard n'admet point qu'aucune splendeur se soit éteinte, ni qu'aucune lyre se soit tue (BARRÈS, Voy. Sparte, 1906, p.17). Je n'approuvais pas qu'on volât par intérêt ni qu'on s'ébattît dans un lit pour le plaisir (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.194):
• 7. ... n'importe quel organisme est toujours et nécessairement démontable en pièces agencées. Mais de cette circonstance il ne suit nullement que la sommation de ces pièces soit automatique elle-même, ni que de leur somme n'émerge pas quelque valeur spécifiquement nouvelle.
TEILHARD DE CH., Phénom. hum., 1955, p.117.
— P. ell. Il n'y a pas que les résistants qui risquent, en ce moment, ni que les gamins (MONTHERL., Demain, 1949, II, 3, p.726).
— En partic.
♦[Coordonne deux prop. inf.] Il m'est arrivé, dans ma vie, d'avoir l'affreuse curiosité d'une exécution capitale. Je m'y suis rendu. Je n'y ai pas assisté. Je n'ai vu ni le couteau descendre, ni la tête tomber (BOURGET, Sens mort, 1915, p.278). Mais personne n'a vu Yvinec sauter en pleine nuit dans sa barque ni s'éloigner à la voile (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p.9).
[Coordonne deux prop. présentées par c'est ... qui/que] Ce n'était pas qu'elle travaillât moins ni que ses affaires devinssent mauvaises (ZOLA, Assommoir, 1877, p.538). Ce n'est pas l'oreille qui tinte ni la lézarde du mur qui s'agrandit (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p.162).
♦[Coordonne deux prop. interr. indir.] Rien ne lui disait quelle zone de la ville il traversait, ni quel trajet il avait fait (HUGO, Misér., t.2, 1862, p.546). Je ne sais lequel de nous la baptisa «Mouche», ni pourquoi ce nom lui fut donné, mais il lui allait bien, et lui resta (MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Mouche, 1890, p.1340).
♦[Coordonne deux prop. rel.] Ce n'est pas moi qui vous ferai de la morale, ni qui tremblerai pour les gros intérêts que nous vous avons confiés (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p.690).
2. [La prop. coordonnée est ell.]
— [Avec ell. du verbe] Si l'on fixe à un même support deux horloges dont les battements ne sont point parfaitement synchrones ni les marches rigoureusement concordantes (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.78). Les musiciens ne se lassaient pas de souffler, ni les bourgeois de saluer (ABOUT, Grèce, 1854, p.419).
♦Vx. [Ni figure devant chaque prop.] Ni le réel n'est entièrement rationnel ni le rationnel tout à fait réel (CAMUS, Homme rév., 1951, p.365).
— [Avec ell. du suj.] Rare, vieilli. Il y a des gens pour qui le monde extérieur est égal; ils s'en accommodent ou bien ni ne s'en accommodent ni ne s'en accommodent point (IONESCO, Présent, 1968, p.139 ds K. TOGEBY, Gramm. fr., Copenhague, Akademisk Forlag, t.4, 1984, p.14).
Rem. Les deux prop. coordonnées sont rarement l'une et l'autre incomplètes quant à la négation. Elle ne le sait ni l'ignore (LE CLÉZIO, Fuites, 1969, p.143 ds K. TOGEBY, loc. cit.).
II. —[Sans corrélation avec ne]
A. —[En corrélation avec non] Il s'agit de décrire, et non pas d'expliquer ni d'analyser (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.11). Winston Churchill y perdait, non certes son auréole ni sa popularité, mais bien l'adhésion générale qu'il avait obtenue comme guide et comme symbole de la patrie en danger (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p.204):
• 8. Le plus grand rôle dans la constitution de l'harmonie finale reste toujours à la force génératrice et plastique primitivement attachée au type originel, en vertu d'une harmonie préexistante que l'art de la culture peut bien modifier, mais non suppléer, ni créer de toutes pièces.
COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.93.
— En partic. [Coordonne deux prop.] Je regrette ces pages, non point seulement parce que je n'en avais jamais écrit de si pathétiques, ni parce qu'elles eussent pu m'aider à sortir d'un état maladif dont elles étaient le sincère reflet (GIDE, Et nunc manet, 1951, p.1144).
B. —Littér. [Dans des cont. dépendant d'un adv., d'un adj., d'un verbe ou d'un subst. dont le sens peut se ramener à celui d'une négation]Défense à tous de causer ni de quitter les rangs (BARRÈS, Colline insp., 1913, p.148). Cet homme enrageait littéralement de se trouver dans son tort, d'être dans l'impossibilité de recevoir, ni de se donner, un brevet de vertu (CAMUS, Chute, 1956, p.1483):
• 9. ... elle aimait mieux ne pas y réfléchir, elle préférait garder ça longtemps encore, avec l'espoir que ça finirait par s'arranger. Aussi n'avait-elle fait aucun préparatif, ignorante des symptômes, incapable de se rappeler ni de calculer une date, sans idée, sans projet.
ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p.367.
— En partic. [Ni coordonne deux prop.] Si par un très gros effort je me trouve prêt à la fin de l'année, il est peu probable qu'Élisabeth le soit, ni surtout que nous ayons pu travailler ensemble (DU BOS, Journal, 1923, p.256). Divinités sages et constantes qui prennent garde que nos lettres ne soient jamais brusquement et totalement altérées, ni qu'elles s'assoupissent trop longtemps dans l'ennui de la perfection (VALÉRY, Variété IV, 1938, p.19).
C. —Rare, vieilli. [Dans un cont. dépendant d'une interr. qui a une valeur négative] Il avait dû lui dire mon nom, mais quelle chance y avait-il pour qu'elle se le fût rappelé, ni mon visage? (PROUST, Guermantes 2, 1921, p.33).
1. [En relation avec la prép. sans] Maigret entrait, sans gêne ni étonnement (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.48).
— [Dans un cont. où figure sans] Je ne sais pas, répondit Monte-Cristo, sans savoir même à quoi ni à qui il répondait, occupé qu'il était de surveiller Morrel dont les joues s'animaient (DUMAS père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.607).
♦En partic. [Ni est répété devant chaque terme coordonné] M. de Beaupuis se mit en route, sans égard ni à son grand âge, ni à la rigueur de la saison (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t.3, 1848, p.499). Je vais les renvoyer, sans avoir pris ni nom, ni matricule (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p.48):
• 10. Il alla droit à cet homme et lui fit plusieurs questions auxquelles celui-ci répondit sans même laisser soupçonner, ni par ses paroles, ni par sa physionomie, qu'il se rappelât avoir jamais vu celui qui lui adressait la parole.
DUMAS père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.301.
— Locutions
♦Sans feu ni lieu (vieilli). Qui n'a pas de logis. —Frère... répéta M. de Kergaz d'une voix émue et caressante, frère... Est-ce bien vous? —Non, non... balbutia-t-il, je suis un mendiant, un vagabond sans feu ni lieu (PONSON DU TERR., Rocambole, t.2, 1859, p.16).
♦Sans foi ni loi. Sans religion et sans morale. V. foi B 2 ex. de Balzac.
♦Sans queue ni tête. Qui n'a pas de sens. Une chose qui était incompréhensible et sans queue ni tête (VILLIERS DE L'I.-A., Corresp., 1886, p.150).
♦Sans rime ni raison. Sans quelque raison que ce soit. Pendant l'opéra, je m'étais aperçu que Madame de Mirval, sans rime ni raison, me faisait une espèce de petite guerre (LECLERCQ, Prov. dram., Répét. prov., 1835, 2, p.366).
♦Sans sou ni maille. Démuni de tout. M. de Beaupréau est un petit gentillâtre venu du Comtat, il y a trente ou quarante ans, sans sou ni maille, sans protections, parlant à tout propos d'un sien oncle qui était chanoine, et je crois, le personnage le plus important de sa famille (PONSON DU TERR., Rocambole, t.1, 1859, p.574).
♦Sans tambour ni trompette. Sans faire de bruit. Sauvons-nous au hasard sans tambour ni trompette! (BANVILLE, Odes funamb., 1859, p.81).
Rem. On relève parfois des séquences du type vieilli sans ... ni sans ..., usitées en fr. class. Sans gronder ni sans rougir, comme une petite fille, elle m'avertit avec une nuance de sévérité sans aigreur, froide en apparence et au fond émue (MICHELET, Journal, 1849, p.10).
2. [Ni entre en relation avec la loc. conj. sans que] Je verrai d'ailleurs Nucingen, et peut-être pourrai-je dégager la pension de votre père, sans qu'il en coûte un liard ni à vous ni à mon ministère (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p.328). Ils restèrent ensemble environ une heure, sans qu'on entendît de sanglots ni d'éclats (TAINE, Notes Paris, 1867, p.107).
— En partic. [Ni coordonne deux prop.] Il avait vu deux Uhlans encore, des bougres qui apparaissaient, qui disparaissaient, sans qu'on sût d'où ils sortaient ni où ils rentraient (ZOLA, Débâcle, 1892, p.99).
Rem. 1. On relève parfois des séquences coord. où ni éventuellement suivi de même est précédé de la conj. de coord. et: Je n'ai pas conquis le monde Et ni même un cher amour (DUHAMEL, Cécile, 1938, p.38). L'acteur qui sans cesse se campe à son avantage et ni ne trébuche ni jamais ne se fait défaut (GIDE, Journal, 1940, p.59). 2. On relève parfois des séquences où ni coordonne deux constituants de même fonction mais de nature distincte: Je m'attendais à bien des choses, mais pas sitôt ni de la sorte (SAINTE-BEUVE, Cahiers, 1869, p.76). Raoul n'est encore ni majeur, ni en possession d'une fortune quelconque (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.338). Pourtant ils ne croyaient pas à la métempsychose, ni que l'esprit s'élevât vers le ciel (GAULTIER, Bovarysme, 1902, p.145). En partic. [Ni coordonne deux mots interr.] Il fallait bien par conséquent que quelqu'un les y eût plantés. Mais personne ne savait qui, ni quand (BOSCO, Mas Théot., 1945, p.246). 3. a) Lorsque l'action du verbe ne se rapporte qu'à un seul suj., ou lorsque les deux suj. s'excluent sémantiquement, le verbe ne s'accorde qu'avec un seul suj.: Sainte et chaste demeure, où jamais ne cesse le travail, ni par conséquent la prière? (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1819, p.20). Ni l'un ni l'autre se souciait de plaire (COCTEAU, Enfants, 1929, p.69). b) Lorsque deux suj. sont à des pers. différentes, la 1re l'emporte sur les autres, et la 2e sur la 3e: J'avais déclaré que ni Daudet ni moi n'étions des gens à nous jeter au travers de l'élection de Zola (GONCOURT, Journal, 1896, p.961). Maurice m'a rappelé que ni son père ni vous ne lui serviez aucune pension (HERMANT, M. de Courpière, 1907, p.7). c) Si la séquence coord. par ni comprend un pron. nég., le verbe s'accorde gén. avec ce dernier: Ni toi, ni personne n'y peut rien (ROLLAND, J.-Chr., Adolesc., 1905, p.344).
Prononc. et Orth.:[ni]. Homon. nid, formes du verbe nier. Étymol. et Hist. Conj. de coord. I. Coordonne des termes d'une même prop. A. En prop. nég. 1. 842 ne répété (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie, p.2, 21: Si ... Karlus, meos sendra, de suo part non lo [sagrament]'s tanit ..., ne io ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla aiudha contra Lodhuuuig nun li iu er); 881 ned (Ste Eulalie, ibid., p.3, 7: Elle no'nt eskoltet les mals conselliers Qu'elle Deo raneiet ..., Ne por or ned argent ne paramenz, Por manatce regiel ne preiement); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 551-554: Surz ne avogles ne contraiz ne leprus Ne muz ne orbs ne nuls palazinus, ... Nuls n'en i at ki n'alget malendus); 1176 Ne dit an mes ne plus ne mains «on ne parle plus du tout» (littéral. «ni plus ni moins») (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 40); 2. fin Xe s. ne non répété (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 175: De quant il querent le forsfait Cum il Jesum oicisesant, Non fud trovez ne envenguz; 385); ca 1050 (St Alexis, 138); ca 1100 forme élidée devant voy. (Roland, éd. J. Bédier, 3355). B. En prop. implicitement nég. ou dubit., marquée d'indéterm., au sens de «et; ou» 1. en prop. interr. a) ca 1050 interr. dir. (St Alexis, 502: Que valt cist crit, cist dols ne cesta noise?); ca 1170 (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 2513); 1180-90 forme élidée devant voy. (ALEXANDRE DE PARIS, Alexandre, éd. E. C. Armstrong, I, 2210); b) ca 1223 interr. indir. (GAUTIER DE COINCI, Miracles, éd. V. F. Koenig, 2 Mir. 17, 22, t.4, p.96: Enquerrant vont en quele guise Ne comment est si tost esprise [la ville]); 2. en sub. compar. (la régissante étant affirm.) a) ca 1100 compar. d'inégalité (Roland, 1111: Plus se fait fiers que leon ne leupart); b) id. compar. marquant la préférence (id., 45: Asez est melz qu'il i perdent lé chefs Que nus perduns l'onur ne la deintet); 3. en sub. temp. situant l'action par rapport à un procès postérieur ca 1100 (id., 2036: Ainz que Rollant se seit aperçeüt, De pasmeisuns guariz ne revenuz ...); ca 1210 (ROBERT DE CLARI, Constantinople, XXXI, éd. Ph. Lauer, p.31); 4. en sub. hyp. a) ca 1135 ne (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 1591: Quant traïson vels fere ne porquerre, Il est bien droiz et reson que i perdes); 1160-74 (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 2159); b) ca 1135 ne...ne (Couronnement de Louis, 1346: Une fille ai ...: Ge la vos doing de gré et volentiers, Se la volez ne prendre ne baillier, Et de ma terre avroiz une moitié); ca 1150 (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 587); 5. dans une rel. dépendant d'un antécédent marqué d'indéterm. ca 1150 (id., 524: [d'une femme] C'est la plus belle que l'en puisse trover en paienime n'en la crestïenté); ca 1165 (BENOÎT DE SAINTE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 5590; 15601); ca 1170 (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec, 5167: Mes, qui qu'alast ne anz ne hors ...). II. Coordonne deux prop. A. Deux prop. nég. 1. fin Xe s. deux princ. (Passion, 155: No's defended ne no'ssusted [Jesus]; A la mort vai cum uns anels); ca 1050 (St Alexis, 121: Nel reconurent [Alexis] ne ne l'unt anterciét; 265 net: Li serf sum pedre [d'Alexis] ... Lur lavadures li getent sur la teste: Ne s'en corucet net il nes en apelet); id. ne est exprimé devant chacune des deux prop.; forme élidée (id., 239: Sovent le virent e le pedre e le medra ... N'il ne lur dist, ne il nel demanderent, Quels hom esteit...); 2. ca 1120-1150 deux complét. nég. obj. d'une princ. affirm. (Grant mal fist Adam, I, 20 ds T.-L., s.v. 556, 14). B. Une princ. nég. à une princ. affirm. ca 1100 (Roland, 964: En Rencesvals irai Rollant ocire, Ne Oliver n'en porterat la vie); fin XIIe s. (Homélies de St Grégoire sur Ézéchiel, 10, 32 ds T.-L. s.v., 555, 28). C. Des prop. au cont. implicitement nég., dubit., indéterm.; au sens de «et; ou» 1. ca 1100 complét. affirm. dépendant d'une princ. nég. (Roland, 1064: Ne placet Damnedeu Que mi parent pur mei seient blasmet Ne France dulce ja cheet en viltet!); 2. id. sub. compar. marquant la préférence (id., 60: Asez est mielz qu'il i perdent les testes Que nus perduns clere Espaigne, la bele, Ne nus aiuns les mals ne les suffraites!); 3. id. sub. rel. indéterm. (id., 1589: Ambure ocit [Roland; le païen et son cheval], ki quel blasme ne quil lot); 1176 (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, 221-225); ca 1179 (Renart, éd. M. Roques, 1231); 4. interr. a) ca 1150 interr. dir., forme élidée (Charroi de Nîmes, 1188: Ou as conquis si riche menantie N'en quel païs n'en quel fié est ta vie?; 274: «Dex!» dit Guillaumes, «qu'issis de Virge gente, Por c'ai ocis tante bele jovente Ne por qu'ai fet tante mere dolente?»); ca 1160 (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 4944); b) 1160-74 interr. indir. (WACE, Rou, III, 9186: ... aveit enquis E demandé a ses amis, Se ja evesque reis sereit Ne se ja reis estre porreit); 5. 1174-87 sub. hyp. (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. F. Lecoy, 3779: D'angoisse me covient suer Qant nus m'areste ne esgarde). Issu de la conj. lat. nec, devenue ne, doublet de neque «et ... ne pas (liant deux mots ou deux prop.)» devant init. conson. du mot suiv., et qui finit par supplanter la forme pleine. Contrairement à la nég. ne, et jusque vers la 2e moitié du XIIIe s., ne conj. ne s'élide qu'except. devant voy., sauf devant les prép. en et a; suivi d'un pron. pers. atone, il ne se soumet pas à l'enclise. Ne, forme rég., est très progressivement concurrencé par ni, qui le supplante au XVIIe s. ([1220, mai, Cambrai, doc. ds TAILLIAR, Rec. d'actes des XIIe et XIIIe s., Douai, 1849, p.68: en frere ni en sereur; 1251, doc. Avesnes [copie de cartul.] ds GOSSEN, p. 163: ni aultres de par my —ces deux ex. n'étant pas probants]; 2e moitié XIIIe s., CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. W. Foerster, 3825, texte du ms. L; post 1288 ds ADAM DE LA HALLE, Jeu de Robin et de Marion, éd. E. Langlois, Append. III, 12, interpol. entre les vers 723-724 par l'aut. du Jeu du Pélerin, ms. P, traits pic.; JEHAN BODEL, St Nicolas [ms. ca 1300], éd. A. Henry, 148 et 1399). Cependant on notera qu'au XIVe s. GUILLAUME DE MACHAUT, au XVe s. ALAIN CHARTIER ds La Belle Dame sans mercy et FRANÇOIS VILLON n'emploient pratiquement que ne (4 empl. de ni dans toute l'oeuvre de Guillaume de Machaut; un seul empl. de ny dans Villon). Ni semble d'ailleurs très rare jusqu'à la fin du XVe s. mais se répand très vite dès le début du XVIe s. sous la forme ny. Ni est prob. issu de groupes syntactiques où ne se trouvait en relation avec un anc. dém. de type icel (celui) ou avec le pron. pers. il: n'icel, n'il. Il est possible également que la généralisation de ni ait été facilitée —à travers les dial. limitrophes du domaine occit. —par la tendance dans ce domaine à fermer en i le e en hiatus: a. prov. ni (2e moitié XIIe s., BERNARD DE VENTADOUR, Quant vey la lauzeta mover, 50, éd. C. Appel, p.253 au sens de «ni»; ID., Lancan vei la folha, 25, 39 ds APPEL, p.58 au sens de «et»; 1171-90, ARNAUT DE MAREUIL, Dona genser, 44 ds Les Saluts d'amour, éd. P. Bec, p.75). Fréq. abs. littér.: 56617. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 94464, b) 77376; XXe s.: a) 67951, b) 77854. Bbg. ANTOINE (G.). La Coordination en fr. Paris, 1962, t.2, pp.1012-1059, 1066-1098. — BROGE (B.). Qq. possibilités de coord. avec ni en fr. mod. R. rom. 1973, t.8, pp.383-397. —GAATONE (D.). Ét. descr. du syst. de la négation en fr. contemp. Genève, 1971, pp.125-130. — IBRAHIM (A.H.). Coordonner pour argumenter. Semantikos. 1978, t.2, n° 2/3, pp.21-42. — PINCHON (J.). Des Mots coordonnants. Fr. Monde. 1973, n° 96, pp.49-50. — TOGEBY (K.). Gramm. fr. t.4. Les mots invariables. Copenhague, 1984, pp.11-16. — VAN HOUT (G.). La Coordination. Cah. Ling. théor. appl. 1972, t.9, pp.257-258.
Ni [ɛni]
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♦ Symbole chimique du nickel.
Encyclopédie Universelle. 2012.