sauvageon, onne [ sovaʒɔ̃, ɔn ] n.
1 ♦ N. m. Arbor. Arbre non greffé, et spécialt employé comme sujet à greffer. Greffer, enter sur sauvageon.
2 ♦ (1801) Enfant qui a grandi sans éducation, comme un petit animal. « cette sauvageonne habituée à se vêtir de loques, à courir en cheveux, à marcher pieds nus » (Richepin).
♢ (1998, J.-P. Chevènement) Jeune délinquant, dans le contexte de la violence urbaine (emploi polémique).
● sauvageon nom masculin (de sauvage) Jeune arbre poussé sans avoir été cultivé. Arbre venu de semis et qui n'a pas été greffé. Rejeton issu du porte-greffe d'un arbre greffé. ● sauvageon, sauvageonne nom Enfant farouche, qui a grandi dans l'abandon et sans éducation, comme un sauvage. ● sauvageon, sauvageonne (difficultés) nom Sens et registre Attention aux nuances de sens et d'emploi qui distinguent ces trois mots. 1. Sauvage adj. et n. = qui fuit la société d'autrui. C'est un vieil homme assez sauvage, qui vit seul à l'écart du village. C'est un vieux sauvage ; c'est une sauvage. Remarque Sauvage au sens de « qui vit en dehors de la civilisation » (peuplades sauvages) est ressenti aujourd'hui comme discriminatoire et méprisant et n'est plus guère employé. 2. Sauvagesse n.f. = femme d'un peuple exotique dont le genre de vie est resté proche de la nature ; femme rebelle aux usages de la vie en société. « Un petit pagne de dentelles qui la faisait ressembler à une sauvagesse élégante »(P. Louÿs). Ce mot du registre littéraire est presque entièrement sorti de l'usage. 3. Sauvageon, onne n. = garçon ou fille qui a grandi en liberté, sans éducation. Registre courant.
sauvageon, onne
n.
d1./d n. m. ARBOR Jeune arbre provenant d'une graine et non greffé.
d2./d n. Enfant au caractère sauvage ou qui vit à l'état sauvage.
⇒SAUVAGEON, -ONNE, subst. et adj.
A. — Subst. masc., ARBORIC.
1. Arbre ou arbuste qui a poussé spontanément dans la nature, et qui peut être prélevé et greffé. Greffer un sauvageon, sur sauvageon. Presque tous les arbres du verger étaient des sauvageons; il les écusonna et leur fit donner d'excellents fruits (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 677). Les sauvageons sont utilisés, mais actuellement de moins en moins, comme porte-greffe des variétés cultivées (Agric. 1977).
♦ Empl. adj. Mais en quoi cette verdure consiste-t-elle? en quelques saules chétifs, en quelques sillons d'orge et d'avoine qui croissent péniblement et mûrissent tard, en quelques arbres sauvageons qui portent des fruits âpres et amers (CHATEAUBR., Voy. Amér. et Ital., t. 2, 1827, p. 311). Le lierre, le chiendent, l'églantier sauvageon, Font depuis trois cents ans, l'assaut de ce donjon (HUGO, Légende, t. 1, 1859, p. 322).
— P. métaph. Cette sorte de greffe unique au monde, (...) où Rome fournit la force et les Grecs la pensée, où Rome fournit l'ordre, et les Grecs l'invention, (...). Où Rome fournit le sauvageon, et les Grecs le point de culture (PÉGUY, Argent, 1913, p. 1218). Michel (...) nous explique qu'il a trouvé en D'Estrème un pur, au double sens du mot: un homme animé par le souci de la moralisation de la politique, mais dépourvu d'idéologie à un point incroyable. Il se flatte de greffer des idées socialistes sur ce sauvageon (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 360).
2. Plant d'arbre obtenu en pépinière à partir de semis, destiné à être utilisé comme porte-greffe. Les sauvageons portent des fruits âpres (Ac. 1935).
3. ,,Rejet sauvage de la partie non greffée d'un arbre greffé`` (BÉN.-VAESK. Jard. 1981).
— Empl. adj., au fig. On entrevoit en quoi Diderot tenait d'elle [de sa sœur], et en quoi il en différait: elle était la branche restée rude et sauvageonne, lui le rameau greffé, cultivé, adouci, épanoui (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 3, 1851, p. 294). L'origine toute provinciale d'un rameau de la famille de Guermantes, resté plus longtemps localisé, plus hardi, plus sauvageon, plus provocant (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 494).
B. — P. anal.
1. Subst. masc. ou fém.
a) Enfant qui a grandi sans recevoir d'éducation. Est-ce que cette sauvageonne finirait par devenir une jolie fille? (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 533). Françoise-Louise de La Tour (...) avait grandi élevée par ses tantes, comme une sauvageonne, dans un vieux manoir (...) très tôt livrée, comme Jean-Jacques, à elle-même (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 44).
— Au masc. [En parlant d'une fille] Annette: Par où cette fille-là peut-elle te plaire? Lucien: Par un point capital: c'est un sauvageon, et ils deviennent de plus en plus rares (AUGIER, Contagion, 1866, p. 355). Il avait eu ce sauvageon d'une rouleuse de routes, ramassée sur le revers d'un fossé, à la suite d'une foire, (...) l'enfant, à peine sevrée, avait poussé dru, en mauvaise herbe (ZOLA, Terre, 1887, p. 46).
b) Littér. Enfant issu d'un peuple sauvage (v. ce mot I D). Quand elle s'abandonnait ainsi, les épaules rondes, les seins lourds, les traits détendus, elle perdait subitement tout le charme de sa jeunesse. Ce n'était plus « Nigrette », la sauvageonne, mais une quelconque esclave de couleur, au corps appesanti (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 640).
— Au masc. [En parlant d'une fille] Et c'est cette fillette, ce sauvageon des îles, que nous aurions pour souveraine! (A. DAUDET, Port-Tarascon, 1890, p. 202).
2. Adj. [En parlant d'une pers. ou, p. méton., de l'une de ses particularités] Qui n'a pas subi les influences de la culture, fruste. Madame Gervaisais appréciait en lui cette espèce d'intelligence sauvageonne des races méridionales (GONCOURT, Mme Gervaisais, 1869, p. 211). Si le Grand Roi (...) Courtisait une petite bohémienne (...), Dont quelques charmes sauvageons, (...) décèlent La lointaine lignée souveraine (CLAUDEL, Poés. div., 1952, p. 315).
Prononc. et Orth.:[], fém. [-]. Ac. dep. 1694: sauvageon (arbre). Étymol. et Hist. I. 1. a) 1re moit. XIIIe s. sauvechon « pomme sauvage » (Guillaume de Palerme, 3207 ds T.-L.), chez cet aut. uniquement; b) fin XIIIe s. [ms.] sauveçon « pommier sauvage » puns de sauveçon (De Marie et de Marthe, Richel. 1553, f ° 270 r ° ds GDF., s.v. sauveçon); 2. 1396 sauvarjon « jeune arbre venu spontanément et sans culture » (Insiticia silvestris arbor, in Lit. remiss., ex Reg. 150, ch. 100 ds DU CANGE, s.v. sylvaticus); av. 1563 sauvageon (LA BOÉTIE, 241 ds LITTRÉ); 3. 1597 « arbre qui n'a pas été greffé et qui peut servir de sujet pour la greffe » (Ch. ESTIENNE, J. LIÉBAULT, L'Agric. et Maison Rustique, livre III, chap. IX, p. 409); 4. 1933 « partie végétale repoussant en-dessous du point de greffe d'une plante » (Lar. 20e). II. 1. 1793 adj. « qui est de la nature du sauvageon » (Fr. ROZIER, Cours complet d'agric., Paris, t. 7, p. 7, s.v. mûrier); 2. 1869 adj. « qui a un caractère rude, fruste » intelligence « sauvageonne » (GONCOURT, loc. cit.); d'où a) 1883 subst. « garçon ou fille qui a grandi en liberté, sans éducation » (ZOLA, Bonh. dames, p. 533); b) 1928 « enfant d'un peuple exotique » (MARTIN DU G., Thib., Consult., p. 1089: cette fille d'une mulatresse malgache [...] qui avait tout l'air d'une sauvageonne). I dér. de sauvage étymol. I 4; suff. -on. II 1 empl. adj. de I; 2 empl. métaph. de I et par attraction de sauvage, étymol. I 2 a. Fréq. abs. littér. Sauvageon: 31. Sauvageonne: 10.
sauvageon, onne [sovaʒɔ̃, ɔn] n.
ÉTYM. XIIe; de sauvage, et suff. -on.
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1 N. m. Arbor. Arbre non greffé, et spécialt employé comme sujet à greffer. || Greffer un sauvageon. || Greffer, enter un sauvageon. ⇒ 2. Franc (supra cit. 14). — (1933). Par ext. Rejeton sauvage de la partie non greffée d'un arbre greffé.
♦ Adj. || Branche sauvageonne. — Par métaphore :
1 On entrevoit en quoi Diderot tenait d'elle (sa sœur), et en quoi il en différait : elle était la branche restée rude et sauvageonne, lui le rameau greffé, cultivé, adouci, épanoui.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 20 janv. 1851.
2 N. m. et f. (Fin XIXe; par métaphore du précédent, et par attraction de sauvage au sens I., 2.). Enfant qui a grandi sans être élevé, comme un petit sauvage.
REM. L'emploi du masculin en parlant d'une fille (→ ci-dessous, cit. 2, Zola) marque le passage de la métaphore du 1. au figuré.
2 C'était la Trouille (…) une gamine de douze ans, maigre et nerveuse comme une branche de houx (…) Il avait eu ce sauvageon d'une rouleuse de routes (…) L'enfant, à peine sevrée, avait poussé dru, en mauvaise herbe (…)
Zola, la Terre, I, III (1887).
3 Pourrait-il jamais présenter comme sa femme cette sauvageonne, habituée à se vêtir de loques à courir en cheveux, à marcher pieds nus ?
J. Richepin, cité par Encycl. universelle du xxe s., Sauvageon (1908).
4 Il regardait son petit corps potelé de sauvageonne, et songeait pour la première fois que cette gamine de onze ans deviendrait femme, se marierait.
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 254.
3 (1998, J.-P. Chevènement). Jeune délinquant, dans le contexte de la violence urbaine (emploi polémique et politique). || « L'an dernier, la fin de la parade avait été gâchée par des échauffourées souvent provoquées par les “sauvageons” de la banlieue parisienne » (le Monde, 21 sept. 1999, p. 36).
Encyclopédie Universelle. 2012.