loin [ lwɛ̃ ] adv. et n. m. I ♦ Adv.
1 ♦ À une distance (d'un observateur ou d'un point d'origine) considérée comme grande. Être loin (⇒ éloigné, lointain) , très loin, le plus loin possible (cf. Aux antipodes, au bout du monde, au diable), assez loin, un peu loin (de...). ⇒ distance (à distance), 1. écart (à l'écart). Être loin derrière, après qqn. — (Sans compl.) « Bien loin, bien loin, presque à la ligne de l'horizon, cinq voiles de bateaux » (Gautier). Un peu plus loin, deux kilomètres plus loin. ⇒ delà (au-delà). Je n'irai pas plus loin. ⇒ 1. avant. « aller tout droit, plus loin, toujours plus loin, pour se fuir » (Zola). Aller trop loin. ⇒ dépasser. C'est trop loin. Les fuyards sont loin (cf. Hors d'atteinte, de portée, de vue). Vous n'irez pas loin avec cette voiture. Ils ne doivent pas être bien loin. PROV. Qui veut voyager loin ménage sa monture : pour mener à bien une entreprise il ne faut pas gaspiller ses forces. Qui va doucement va loin (cf. it. « Chi va piano... va lontano »). — Fam. Ne pas voir plus loin que le bout de son nez. — Spécialt Lire plus loin, voir plus loin, plus en avant dans le texte. ⇒ après (ci-après), 1. bas (plus bas), infra.
♢ (Abstrait) Être loin : être loin par la pensée, par le cœur du lieu où l'on se trouve (cf. Être absent, ailleurs, à cent lieues). « Tous deux vivaient en bon accord [...] Mais il la sentait loin » (Zola). Il ira loin : il réussira. — N'allez pas chercher si loin ! c'est beaucoup plus simple que cela. Voir loin : avoir de la pénétration, de la perspicacité. Porter, pousser plus loin les recherches. ⇒ étendre. Aller plus loin que qqn (dans tel ou tel domaine). ⇒ dépasser, surpasser. Cela nous mènerait, nous entraînerait trop loin. J'irai même plus loin : j'irai jusqu'à dire que. Aller trop loin : exagérer. Jusqu'où on peut aller trop loin, à quelle limite extrême (déjà jugée excessive). — Spécialt (quant à la portée, aux conséquences) Une affaire qui peut aller loin, qui risque d'aller loin, de mener loin. — (En parlant d'un prix) Ça ne va pas chercher bien loin.
2 ♦ Dans un temps jugé éloigné du moment présent ou de celui dont on parle. (Futur) L'été n'est plus bien loin. — Voir loin : prévoir longtemps à l'avance. — (Passé) Tout cela est bien loin, comme c'est loin ! ⇒ vieux. Cela remonte à loin, à il y a longtemps. Le temps est loin où...
II ♦ N. m. (dans des loc.)
1 ♦ IL Y A LOIN : il y a une grande distance. Il y a loin de l'aéroport à la ville. Fig. Il y a loin, il y a un grand écart, une grande différence. De là à prétendre que c'est un incapable, il n'y a pas loin (cf. Il n'y a qu'un pas). PROV. Il y a loin de la coupe aux lèvres.
2 ♦ Loc. adv. (1050) AU LOIN : dans un lieu éloigné. Être au loin. ⇒ absent. Aller, partir au loin. ⇒ s'éloigner. Voir, regarder, apercevoir qqch. au loin. ⇒ lointain (dans le lointain). Leurs yeux « Comme s'ils regardaient au loin, restent levés » (Baudelaire). Entendre un bruit au loin.
3 ♦ Loc. adv. (1080) DE LOIN : d'un lieu éloigné. Venir, arriver de loin. Suivre de loin. ⇒ distance (à distance). Voir, apercevoir de loin une personne. Fam. Elle est mieux de loin que de près. Appareils pour voir, entendre de loin (⇒ 1. télé-) . Observer, suivre de loin les événements, sans y être mêlé, sans s'impliquer. PROV. A beau mentir qui vient de loin. — Fig. Revenir de loin : réchapper d'un grand danger, guérir d'une grave maladie, avoir failli mourir. Voir venir qqn de loin, pénétrer ses intentions secrètes (cf. Je le vois venir avec ses gros sabots). « la trahison pue [...] et les gens primitifs la sentent de loin » (Balzac). — DE PRÈS OU DE LOIN : de quelque manière. Il n'est mêlé à cette affaire ni de près ni de loin, en aucune manière.
♢ DE LOIN : de beaucoup, par une grande différence. C'est de loin son meilleur roman. Ce spectacle ne peut, et de loin, soutenir la comparaison (cf. Tant s'en faut). Loin s'en faut : il s'en faut de beaucoup.
♢ (Dans le temps) Dater de loin, de très loin. ⇒ longtemps.
4 ♦ Loc. adv. (1762) DE LOIN EN LOIN : par intervalles; de place en place. Repères placés de loin en loin. — Ils ne se voient plus que de loin en loin, de temps en temps. « Pas de bruit [...] À peine, de loin en loin, un son de fifre » (A. Daudet).
III ♦ Loc. prép. (1080) LOIN DE
1 ♦ À une grande distance. New York est loin de Paris. « Loin de Rueil », roman de Queneau. Elle habite loin de son bureau. Loin de tout. Qu'allez-vous faire si loin d'ici ? Être loin du but. Loin de la foule. ⇒ 1. écart (à l'écart), hors. — Non loin de : assez près de. Non loin de là. PROV. Loin des yeux, loin du cœur : les absents sont vite oubliés.
♢ Fig. « Les femmes d'à présent sont bien loin de ces mœurs » ( Molière). ⇒ éloigné. Être loin du compte, de compte. Être loin de la vérité. Être loin de qqn (par le cœur, les idées). J'ai « vécu le plus loin possible de moi-même et hors de la triste réalité » (France). — Loc. Loin de moi, de nous (telle chose),je l'écarte, nous l'écartons avec dégoût, mépris. ⇒ 1. arrière. Loin de moi l'intention... — Loin de là : au contraire, bien au contraire, tant s'en faut. Il n'est pas désintéressé, loin de là !
2 ♦ Dans un temps éloigné, à une époque lointaine. (Futur) Nous sommes encore loin de la date prévue. — (Passé) « Le moment où je parle est déjà loin de moi » (Boileau).
3 ♦ PAS LOIN DE. ⇒ près (à peu près), presque. Il n'est pas loin de minuit : il va être bientôt minuit. Cela ne fait pas loin de trois kilomètres.
4 ♦ Loc. Être loin de (et l'inf.),négation emphatique exprimant le contraire de ce qu'on pouvait croire, attendre (cf. Être à cent lieues de). Il était loin de s'attendre à cela. Madame de Rênal « était loin de se faire le plus petit reproche » ( Stendhal). — Je ne suis pas loin de penser qu'il a raison, je suis prêt à le penser. — Adversatif Loin de le décourager, les difficultés le stimulent.
IV ♦ Loc. conj.
1 ♦ D'AUSSI LOIN QUE; DU PLUS LOIN QUE : d'une distance très grande, dans l'espace ou le temps. D'aussi loin qu'il me vit, qu'il nous a vus. Du plus loin qu'il nous a aperçus. « d'aussi loin que je m'en souvienne, je l'ai toujours haï » (A. Gide).
2 ♦ Fig. LOIN, BIEN LOIN QUE, adversatif (et subj.). « Bien loin que cette mort t'en ait donné l'horreur, tu attaches à la chambre où elle a souffert un caractère sacré » (F. Mauriac)(cf. Bien au contraire).
⊗ CONTR. Près , alentour, auprès, contre, côté (à côté).
● loin adverbe (latin longe) À une distance dans l'espace considérée comme grande : Il est loin derrière. À un point de l'espace relativement éloigné d'un autre : Paris est loin de New York. En avion ce n'est pas loin. À une distance dans le temps (passé ou futur) considérée comme grande : C'est loin tout cela. À une grande distance dans le temps : Nous sommes encore loin de la fin des travaux. Marque la distance, l'écart, la différence, considérés d'un point de vue subjectif : Vous êtes trop loin du sujet. Indique qu'un état n'est pas sur le point d'être atteint : J'étais loin de m'attendre à une pareille nouvelle. ● loin (citations) adverbe (latin longe) Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 Le tact dans l'audace c'est de savoir jusqu'où on peut aller trop loin. Le Rappel à l'ordre Stock Jean Giono Manosque 1895-Manosque 1970 Ici, c'est autre chose que loin, c'est ailleurs. L'Iris de Suse Gallimard Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 De loin, c'est quelque chose : et de près ce n'est rien. Fables, le Chameau et les Bâtons flottants Henri Monnier Paris 1799-Paris 1877 On ne va jamais plus loin que lorsqu'on ne sait pas où l'on va, a dit un homme politique célèbre. Mémoires de M. Joseph Prudhomme Charles Nodier Besançon 1780-Paris 1844 Académie française, 1833 On va loin quand on ne sait où l'on va, et qui ne voit le but le passe. Fantaisies et légendes, M. Cazotte Wang Anshi province du Jiangxi 1021-1086 Ton œil ne peut pas apercevoir ses propres cils. Tu n'es pas capable de voir ta propre faute. Tu distingues ce qui est loin et tu ignores ce qui est près de toi. Commentaire Traduction D. Tsan ● loin (difficultés) adverbe (latin longe) Emploi De loin loc. adv. = de beaucoup. Il est de loin le meilleur ; Renaldo Dominguez domine le championnat du monde, et de loin. Remarque Cette locution, naguère critiquée, est aujourd'hui passée dans l'usage. Construction D'aussi loin que, du plus loin que, etc., marquant le lieu, se construit généralement avec l'indicatif : du plus loin qu'il m'a aperçu, il a commencé à crier pour m'avertir. Pour marquer le temps, on emploie le subjonctif : du plus loin que je me souvienne, je revois ma grand-mère avec ses lunettes. ● loin (expressions) adverbe (latin longe) Aller loin, être promis à la réussite, au succès : Ce garçon a des qualités, il ira loin ; avoir des conséquences très importantes, voire fâcheuses, atteindre un niveau très élevé : Une affaire qui peut aller loin. Aller un peu loin, trop loin, exagérer, dépasser la mesure. Au loin, à une grande distance : On aperçoit au loin les contreforts du Jura. D'aussi loin que, du plus loin que, de si loin que, d'une distance très grande dans le temps ou dans l'espace. De loin, d'un point relativement éloigné dans l'espace ou le temps : Voir venir un danger de loin ; sans être concerné, impliqué : Regarder les choses de loin sans s'en mêler ; indique, dans une comparaison, une nette différence, un net écart : C'est de loin son meilleur roman. De loin en loin, à des intervalles très espacés, de temps en temps. Être loin, être perdu dans ses pensées, être absent. Il y a loin (de… à), il y a une grande différence entre : Il y a loin d'un projet à sa réalisation. J'irai (même) plus loin, j'irai même jusqu'à dire… Loin de là, bien au contraire : Il n'est pas antipathique, loin de là. Loin de moi l'idée de, indique qu'on n'en a pas du tout l'idée : Loin de moi l'idée de vous imposer cette corvée. Littéraire. Loin que, bien loin que, marque le contraire de ce qui est affirmé dans la principale, au lieu que. Mener, entraîner (trop) loin, aboutir à des conséquences imprévisibles, voire regrettables. Ne pas aller loin, être de peu de valeur : C'est un livre qui ne va pas loin ; ne pas pouvoir faire beaucoup de choses ; être près d'être pris, de mourir ou être à bout de ressources : Dans l'état où il est, il n'ira pas loin. Ne pas aller plus loin, en rester à ce qui a été dit, convenu. Pas loin de, presque : Il n'est pas loin de dix heures. Plus loin, à un point plus éloigné : La voiture est deux kilomètres plus loin ; plus avant : Voir plus loin. ● loin (synonymes) adverbe (latin longe) À une distance dans l'espace considérée comme grande
Contraires :
- près
loin
adv.
rI./r
d1./d (Exprimant le lieu.) à une grande distance. Ce chemin ne mène pas loin.
|| Fig. Il ira loin: il réussira.
— Aller trop loin: exagérer, dépasser la mesure.
— Fam. Ne pas voir plus loin que le bout de son nez: avoir l'esprit borné.
— Loin s'en faut: il s'en faut de beaucoup.
|| (Suisse) être loin: être parti ou absent. Il sera loin demain toute la journée.
d2./d (Exprimant le temps.) à une époque éloignée dans le passé ou dans l'avenir. Le temps dont je parle est déjà loin. Ce malade n'ira pas loin, il mourra bientôt.
rII./r Loc. adv.
d1./d Au loin: à une grande distance.
d2./d De loin: d'un endroit éloigné.
d3./d Fig. De loin: de beaucoup. Il est de loin le plus âgé.
— Fig. De près ou de loin: d'une manière ou d'une autre.
rIII/r Loc. Prép. Loin de.
d1./d à une grande distance de; à une époque éloignée (dans le passé ou dans l'avenir) de. Nous sommes encore loin de Pâques.
|| Fig. Loin de moi cette pensée.
d2./d Loin de + inf. (Marquant une négation.) Il est loin d'avoir compris: il n'a pas compris du tout.
rIV./r Loc. conj. de lieu et de temps. Du plus loin que, d'aussi loin que. Du plus loin qu'il m'en souvienne. D'aussi loin qu'il me vit.
⇒LOIN, adv.
I. A. — [Dans l'espace]
1. À une grande distance (relativement à un observateur ou à un point d'origine). Anton. près, proche. Tu viendras à la maison. Tu es du midi, bon, c'est pas si loin. Tu prends ton train et puis voilà Dijon, et c'est là (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 42). Devant la porte, nous en avons parlé avec Raymond, puis nous avons décidé de prendre l'autobus. La plage n'était pas très loin, mais nous irions plus vite ainsi (CAMUS, Étranger, 1942, p. 1159).
♦ Plus loin. À une certaine distance (de là). Allez jouer un peu plus loin, mes enfants. Je n'ai pas le temps de m'occuper de vous, en ce moment (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p. 464). J'ai traversé de nouveau la place Saint-François. Plus loin, j'ai tourné à droite, et gagné la rive du Paillon (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1939, p. 44).
♦ Il y a loin de... à... Il y a une grande distance de... à... Je compte sur votre visite dans mon domicile privé (...). Mais comme il y a loin de mon quartier au vôtre et que vous pourriez faire une course inutile, dès que vous serez à Paris, donnez-moi un rendez-vous (FLAUB., Corresp., 1868, p. 356).
♦ Proverbe. Loin des yeux loin du cœur. On oublie vite les absents. V. cœur III D 3 b.
2. En partic. [Dans un texte écrit ou oral] Plus loin. Plus avant, plus bas. Ces mêmes répétitions je les retrouve également dans Phèdre. Œnone, prends pitié de ma jalouse rage... Et quatre vers plus loin : Dans mes jaloux transports... (GIDE, Journal, 1939, p. 10). Vers la fin du mois cependant, et à peu près pendant la semaine de prières dont il sera question plus loin, des transformations plus graves modifièrent l'aspect de notre ville (CAMUS, Peste, 1947, p. 1281).
B. — Au fig.
1. À un degré avancé, au-delà (d'une certaine limite). L'art de traduire est poussé plus loin en allemand que dans aucun autre dialecte européen (...). W. Schlegel a traduit les poëtes anglais, italiens et espagnols, avec une vérité de coloris dont il n'y avoit point d'exemple avant lui (STAËL, Allemagne, t. 2, 1810, p. 103). Elle alla jusqu'à s'accuser d'avoir porté trop loin sa fierté de femme (BALZAC, Méd. camp., 1833, p. 209) :
• 1. Il est probablement impossible de mener plus loin que Mallarmé la volonté de transfiguration du réel, qu'avaient proclamée les romantiques allemands. Mais, à ce degré de pureté et à cette marge de l'absurde, le propos des romantiques n'est plus guère reconnaissable.
BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 383.
2. En partic.
a) Aller loin
) [Le suj. désigne une pers.]
— Aller loin, un peu loin, trop loin. Exagérer, dépasser la mesure, ce qui est convenable. René Lahrier (...) baisa et mordilla longuement l'un après l'autre les petits doigts (...). Cependant, un moment vint où il dut aller un peu plus loin, car la jeune femme, soudain, fut debout (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 4e tabl., II, p. 144). Cette fois-ci vous êtes allé trop loin et vous serez puni de cette imposture (CAMUS, État de siège, 1948, 1re part., p. 217) :
• 2. Je disais (...) à un jeune écrivain qu'en littérature il fallait crever le plafond, autrement cela ne valait pas la peine de songer à écrire. Indispensable d'aller trop loin sans se demander, surtout, jusqu'où, selon le mot fameux, il convient d'aller trop loin. Trop de malins savent jusqu'où il faut aller trop loin. La vraie limite est bien au-delà.
GREEN, Journal, 1952, p. 169.
— [Dans une phrase au fut.] Être promis à la réussite, au succès. Une petite qui a de la tête, qu'il dit paternel. Et il ajoute : — Jolie comme elle se présente elle ira loin. — En Argentine, dit Thérèse (QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 18).
— Aller plus loin. Dépasser ce qui a été atteint. Il y a eu un temps où je croyais avoir atteint l'extrémité de la douleur. Eh bien! non, on peut encore aller plus loin. Au bout de cette contrée, c'est un bonheur stérile et magnifique (CAMUS, Caligula, 1944, IV, 13, p. 105).
♦ [Dans un raisonnement, dans la conversation] Continuer. Mais, avant d'aller plus loin, je crois bon d'ouvrir une parenthèse (GIDE, Ainsi soit-il, 1951, p. 1222).
Aller jusqu'à dire que. Le déshonneur ne pourra prendre sur un nom tel que le vôtre. Vous serez une veuve et la veuve d'un fou, voilà tout. J'irai plus loin : mon crime n'ayant point l'argent pour moteur ne sera point déshonorant (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 472).
Ne pas aller plus loin. En rester à ce qui a été dit ou fait :
• 3. J'aurais pu aller plus avant avec André Gide, mais la politesse du cœur exigeait que je n'allasse pas plus loin. Je savais que ce plus loin ne pouvait être réciproque. Le voyage dans Gide m'était plus facile que ne lui eût été facile le voyage en moi. Mes préoccupations étaient si peu conformes aux siennes que nous abordions toujours des sujets de surface...
COCTEAU, Poés. crit. I, 1959, p. 228.
♦ Sans aller (chercher) plus loin. Sans se donner la peine de chercher davantage (d'apr. REY-CHANTR. Expr. 1979).
) [Le suj. désigne une chose] Avoir une grande portée, de l'importance. Les choses allèrent si loin que l'agence Rensdoc (...) annonça (...) six mille deux cent trente et un rats collectés et brûlés dans la seule journée du 25 (CAMUS, Peste, 1947, p. 1228) :
• 4. Un très profond et très redoutable docteur Marcel Jouhandeau, a écrit : « Du moment qu'on a découvert et comme éveillé certains horizons de la chair et de l'esprit, ils ne vous permettent plus de les oublier (...). Vous portez avec vous (...) une expérience de replis cachés qui tour à tour s'éclaire, vous fascine, vous cerne ». Cela va loin...
MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 120.
♦ Ne pas aller loin. Ne pas prendre, ne pas avoir beaucoup d'importance, être de peu de valeur. Agréable visite de Boylesve; je sens bien que la conversation n'ira pas très loin avec lui, mais j'ai chaque fois plus grand plaisir à le revoir (GIDE, Journal, 1910, p. 291). — Nous allons nous balader à bicyclette cet été. — Comme dépaysement, ça ne va pas loin! (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 173).
b) ) Ailleurs.
— [En pensée, moralement] Être loin. Être perdu dans ses pensées, ne pas prêter attention à la réalité présente. Synon. être absent :
• 5. Lulu Doumer regarde on ne sait où. Elle gratte un petit coin du cuir chevelu d'un index recourbé avec distinction. — Tu as des poux? lui demande Thérèse. Lulu Doumer ne répond pas : elle est très loin.
QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 18.
— En partic. Revenir de loin. Réchapper d'une grave maladie, d'un grave danger (d'apr. REY-CHANTR. Expr. 1979).
) [Évoquant les conséquences de qqc.]
— Mener loin.
— Voir (plus) loin. Prévoir les conséquences (d'une situation, d'un événement), faire preuve de prévoyance, de perspicacité. Le travailleur qui ne voit pas plus loin que la paye du samedi, l'état qui ne voit pas plus loin que l'équilibre momentané de son budget. L'un et l'autre, je le disais, cherchent à nous asservir par la loi (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 197) :
• 6. Société des Nations. — Unique moyen, et moyen infaillible, de rendre désormais toute guerre impossible (...). Et il faut voir plus loin encore. Cette Société des Nations devrait être l'instigatrice d'une politique et d'une économie internationale...
MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 925.
♦ Loc. Ne pas voir plus loin que (le bout de) son nez. Ne pas être prévoyant, perspicace. Si je parle de divorce, c'est parce que vous ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez. (...) menacez-les du divorce, cria-t-il avec impatience en croisant ses doigts jaunis par le tabac, et ils feront ce que vous voudrez (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1937, p. 152).
P. métaph. :
• 7. ... Kafka, dont le message se combinait de si heureuse façon avec celui des Américains, montrait quelles régions encore inexplorées pourraient s'ouvrir à l'écrivain, débarrassé enfin de cette triste myopie qui le forçait à examiner de tout près chaque objet et l'empêchait de voir plus loin que le bout de son nez.
SARRAUTE, Ère soupçon, 1956, p. 14.
) Proverbe. Qui veut voyager loin ménage sa monture (REY-CHANTR. Expr. 1979). Pour mener à bien une entreprise, il ne faut pas gaspiller ses forces au départ.
c) Loc. Il (n') y a (pas) loin de... à ... Il (n') y a (pas) une grande différence de... à... Je sais, moi, qu'il y a encore très loin de ce que j'écris à ce que je rêve d'écrire (GREEN, Journal, 1935, p. 48). Mais de là à leur demander conseil, il y a loin (GIRAUDOUX, Folle, 1944, II, p. 125). Il n'y a pas loin du contentement à la suffisance (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 49).
— Proverbe. Il y a loin de la coupe aux lèvres (v. ce mot A). Il y a une grande différence entre les projets ou les promesses, et les réalisations effectives :
• 8. ... on a retrouvé la liste des gratifications royales accordées aux artistes en cette année 1745. Un sieur Rousseau, musicien, y figure pour sept cent quatre-vingt-douze livres. M. Alexis François explique à ce propos qu'il peut y avoir loin de la coupe aux lèvres et d'une liste de gratifications à ceux qui effectivement les touchent...
GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 218.
Rem. Loin s'en faut. ,,Cette locution hasardeuse, venue apparemment par contamination de loin de là et de tant s'en faut, n'est signalée par aucun dictionnaire`` (GREV. 1969, § 844, p. 831). ,,Damourette et Pichon (t. VI, p. 656) ont noté cet exemple : Sans être vulgaire (LOIN S'EN FAUT, il avait une certaine allure) (P. V. STOCK, dans le Mercure de France, 15 juin 1938, p. 554)`` (ibid., note 1). Liski, lui, n'était pas accablé. Loin s'en fallait. Ici, comme ailleurs, il restait (...) sûr de sa force (LE BRETON, Razzia, 1954, p. 212).
C. — P. anal. [Dans le temps]
1. À une grande distance (du moment où l'on parle ou dont on parle).
a) [Dans le passé] Le plus loin dont je me souvienne, c'est qu'étant à Angers, ma mère nous mena, ma sœur et moi, à la promenade (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 105). Repassant ensuite la grande fugue en si mineur pour orgue (de mémoire (...)) j'avais quelque mal à la bien jouer et il me semblait être revenu loin en arrière (GIDE, Journal, 1930, p. 987). Et il me revient un souvenir. Lorsque j'étais petit garçon... je remonte loin dans mon enfance. L'enfance, ce grand territoire d'où chacun est sorti! (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 311).
♦ Dater de loin. Dater d'une époque éloignée :
• 9. Cette idée fixe datait de loin. Dès 1903, pendant mon année de service militaire, j'avais voulu donner à mes amis un premier exemple de cette « manière », en écrivant une longue nouvelle, Jean Flers, qui, déjà, était conçue en dialogues, accompagnés d'indications scéniques.
MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1955, p. LXI.
b) [Dans l'avenir] J'ai senti mon cœur battre d'espoir, de trop d'espoir, peut-être, en nous voyant réunis tous les trois, comme autrefois, à Paris; je me suis dit que le retour [à la vie normale] n'était peut-être pas loin (GREEN, Journal, 1943, p. 18). L'extermination progressive mais générale des guerriers, et le retour (...) au règne des seuls hommes de connaissance (...). À partir de 1992. (...) 1992, c'est bien loin, dit Ricarda (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 209) :
• 10. L'art est en train de ne pas échapper à l'expérience et à l'analyse exacte. Je le sens et j'en vois des indices. Le jour n'est pas loin où certaines recherches encore jeunes y arriveront.
VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1902, p. 395.
2. Loc. verb. Il n'ira pas loin. Il va mourir bientôt; il n'en a plus pour longtemps. M'est avis qu'il n'ira pas loin maintenant... Non, il ne fera pas de vieux os (DUMAS père, Le Comte de Monte-Cristo, 1848, III, 6, p. 78).
II. — Dans les loc. adv.
A. — [Dans l'espace]
— Au loin. À une grande distance, en un lieu éloigné. Des gens chantaient au loin dans les avenues du parc (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 432).
— De loin. D'une distance assez grande, d'un endroit éloigné (relativement à un point déterminé). Un fils de (...) vingt-huit ans (...) et une fille (...) on les aperçoit souvent, de loin, cultivant leurs terres (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p. 1080). J'ai peur de son visage quand elle m'apercevra. J'ai peur de l'aborder. Je la suis de loin avant de l'aborder (MONTHERL., Encore inst. bonh., 1934, p. 727). V. âcre ex. 9.
— De loin en loin; de loin à loin (Ac.) vx. De place en place. De loin en loin, dans une ferme, un petit bois, derrière un rocher, les groupes de dynamiteurs attendent (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 627). Un carnet de cuir noir. Il le feuillette un instant : beaucoup de pages blanches et, de loin en loin, quelques lignes tracées à l'encre rouge (SARTRE, Nausée, 1938, p. 141) :
• 11. La Place d'Armes, les boulevards, la promenade du Front-de-mer, de loin en loin, étaient souillés. Nettoyée à l'aube de ses bêtes mortes, la ville les retrouvait peu à peu, de plus en plus nombreuses, pendant la journée.
CAMUS, Peste, 1947, p. 1227.
B. — Au fig.
1. De loin
a) [Marque un écart important, une grande différence] De beaucoup. Elle le lui avait donné [le secret] comme elle se fût donnée elle-même, si l'enfant ne l'eût encore chez elle emporté de loin sur la femme (BERNANOS, Mouchette, 1937, p. 1292) :
• 12. Tossa Del Mar (...) possède une jolie plage, (...) des maisons anciennes (...) mais toutes ces beautés n'égalent pas — de loin — celles des villages français moins célèbres à l'étranger, comme Collioure, qu'une couleur bien plus précieuse auréole.
LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 167.
b) Faiblement, médiocrement, vaguement. Ne s'intéresser que de loin à qqc, à qqn. (REY-CHANTR. Expr., 1979).
2. De près ou de loin. De quelque manière, plus ou moins. Toutes les nations au sein desquelles a pénétré soit directement soit médiatement la lumière du christianisme, et qui, de près ou de loin, ont subi son influence (LAMENNAIS ds L'Avenir, 1831, p. 316). Quel est le Russe à l'époque qui n'avait pas été mêlé de près ou de loin à la révolution de 1905-08 (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 67).
♦ Ni de près ni de loin. En aucune manière. Va, ma fille, qu'un jeune homme te plaise, le premier venu, et je lui ouvre mes deux bras sans marchander (...) pour peu, bien entendu, qu'il n'appartienne ni de près ni de loin à la caste détestable des artistes (FEUILLET, Scènes et com., 1854, pp. 82-83).
3. Voir venir (qqc.) de loin. S'attendre à quelque chose, ne pas (en) être surpris (d'apr. REY-CHANTR. Expr. 1979).
C. — P. anal. [Dans le temps] De loin en loin; de loin à loin (vx). De temps à autre, de temps en temps. Cependant la conversation est languissante entre Virginie et Auguste (...). Ils échangent seulement quelques mots de loin à loin (KOCK, Pucelle, 1834, p. 304). Je l'avais revu de loin en loin aux promenades ou dans les bals, et toujours nous causions ensemble avec assez de penchant et d'intérêt (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 2, 1834, p. 201). Il était devenu mon ami, un de ces amis qu'on rejoint de loin en loin, puis de plus en plus souvent, quand on a envie d'une soirée excitante (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 35).
III. — Dans des loc. prép.
A. — [Dans l'espace] Loin de. À une grande distance de. Ils habitaient alors bien loin d'ici, du côté de Berbloocke, à la lisière de ces marais si dangereux qu'on ne peut les passer de nuit que derrière un chien des Flandres (BERNANOS, Mouchette, 1937, p. 1278). Les blessés dont le bras était plâtré marchaient, leur bras saucissonné de linge tenu loin du corps par l'attelle, comme des violonistes, violon au cou (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 514). Que ferais-je sans vous à mes côtés, que deviendrais-je loin de vous? (CAMUS, Malentendu, 1944, I, 8, p. 143).
♦ Non loin de. Pendant deux heures j'avais l'illusion de n'être plus prisonnier. Je ne pouvais toutefois nourrir l'illusion de n'être plus militaire, car la salle était pleine d'uniformes. Un jour, j'eus la jouissance de déjeuner non loin d'un officier de la Wehrmacht (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 327).
B. — Au fig.
1. a) Être loin de qqn ou qqc. [Désigne un éloignement moral, ou en pensée] Son tranquille et joli visage enveloppé de dentelles exprimait une suavité qui m'enflamma. Présumant trop de moi-même, je n'avais pas compris mon supplice; être si près et si loin d'elle! (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 162). Comme tu es loin de moi, tout à coup..., comme tout est changé! Il y avait autour de moi quelque chose de vivant et de chaud. Quelque chose qui vient de mourir (SARTRE, Mouches, 1943, II, 1er tabl., 4, p. 63).
b) Être loin de compte, loin du compte.
c) Pas loin de. À peu près, presque. Il a pas loin de quinze ans, le bébé, inspecteur. J'ai l'impression que vous n'êtes pas aussi au courant que vous le prétendez. — Possible, possible, il y a des bébés de tous les âges (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 436).
2. [Adversatif; avec une valeur de négation emphatique]
— Loin de + compl. désignant une pers. + l'idée de, l'intention de + inf. [Indique que l'on se défend d'avoir telle ou telle idée, telle ou telle intention] Loin de moi l'idée de blâmer mon illustre et malheureux ami; mais la sincérité dont je fais profession me force à dire qu'il employait une heure le matin et une heure le soir à se peigner, se brosser, se parfumer, se frotter d'une infinité de pâtes (TAINE, Notes Paris, 1867, p. 336).
♦ [P. ell. du subst. idée, intention] Loin de moi de vous en faire le reproche (COLIN 1971). Loin de moi l'idée de prétendre que vous ne pouvez pas être conquérants, agités, transportés d'activités intermittentes. Loin de moi de vous empêcher de le faire ou de vous y pousser (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1856, p. 259).
—(Bien) loin de là. (Bien) au contraire, tant s'en faut. Ah! Non, ce n'est pas le vice, alors ça, loin de là (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 229). Comprenez donc que ce n'est pas vous qui m'êtes odieux, monsieur Fanning, bien loin de là. Vous m'inspirez au contraire une sympathie dont vous ne soupçonnez pas la force (MAURIAC, Asmodée, 1938, III, 6, p. 114).
— Être loin de + inf. [Exprime le contraire de ce qu'on pouvait croire, attendre] Les chiffres pour Les Rayons et les Ombres et N.-D. de Paris sont loin d'être exacts (HUGO, Corresp., 1865, p. 505). Il boit, mais il était fait pour l'opium : on se trompe aussi de vice; beaucoup d'hommes ne rencontrent pas celui qui les sauverait. Dommage, car il est loin d'être sans valeur (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 210).
♦ (Bien) loin de + inf. Au lieu de. Le directeur signait des pièces administratives. Loin d'expédier en hâte cette besogne, il y apportait grand soin, écrivait son nom avec une lenteur laborieuse (DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p. 88). De pauvres gens qui, bien loin de songer à défier personne, se faisaient tout petits, afin de passer inaperçus le plus longtemps possible (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 4e tabl., 7, p. 1659).
C. — P. anal. [Dans le temps]
— Plus loin (vieilli). Plus tard. Tout indique l'approche d'une grande capitale : une heure plus loin, nous apercevons, au sommet d'une éminence, une petite mosquée isolée (LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 207).
— Loin de. À une grande distance de. Cet embryon, si loin encore de la vie, et qui aura toute sa vie inconnue à vivre! (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 928).
♦ Ne pas, ne plus être loin de. Être bientôt, presqu'à. Monsieur le curé devrait d'abord aller s'étendre un peu avant le jour. On ne doit plus être loin de cinq heures (BERNANOS, Crime, 1935, p. 738).
IV. — Dans des loc. conj.
A. — [Dans l'espace]
— Au plus loin que + subj. À la plus grande distance possible que (d'apr. Ac. 1835-1935). Au plus loin que ma vue puisse s'étendre, je n'aperçois rien (d'apr. Ac. 1835-1935).
— Aussi loin que, si loin que + ind. À une aussi grande distance que. Aussi loin qu'on pouvait voir par cette fenêtre, la grande surface était lisse comme une nappe fraîchement repassée, aucun pas d'homme ni de bête, ne l'avait tachée (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 12).
♦ + subj. [Avec une nuance concessive] La grève générale commençait. Ce n'était plus la grève de Hong-Kong, déclenchée lentement, épique et morne : c'était une manœuvre d'armée. Aussi loin qu'il pût voir, plus un magasin n'était ouvert (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 243) :
• 13. ... le Matterhorn s'éclairait peu à peu sur les abîmes bleus du ciel, plus insondables que les plus profonds abîmes de la terre, et dont le croassement des corbeaux, si loin qu'il se perdît, ne donnait pas la vertigineuse hauteur...
PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 257.
— D'aussi loin que, de si loin que + ind. D'une aussi grande distance que. En campagne, des affamés traînaient dans les chemins pleins d'eau du dégel (...). Et de si loin qu'ils apercevaient une fumée, ils descendaient vers elle (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 58) :
• 14. Le gardien [du cimetière] saluait Xavier, d'aussi loin qu'il l'apercevait. Tout ce qu'il pouvait pour ses morts, Xavier l'accomplissait, en leur assurant, par de continuels pourboires, la faveur de cet homme.
MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p. 26.
— Du plus loin que + ind. De la plus grande distance que. Ce sont mes sœurs, cria-t-elle du plus loin qu'elle m'aperçut, qui n'ont pas voulu partir sans te remercier de tes munificences (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 169) :
• 15. ... nous le reconnaissions bientôt, dans la foule des voyageurs qui sortaient du funiculaire, à sa haute taille, à sa démarche de maître de menuet. Du plus loin qu'il nous voyait, il se « plaçait », pour obéir aux injonctions d'un photographe invisible...
SARTRE, Mots, 1964, p. 16.
B. — Au fig.
1. [Avec une nuance concessive] Si loin que :
• 16. Si loin qu'on puisse se tenir de tout préjugé, moral ou social, on les subit en partie et même, pour les meilleurs d'entre eux (il y a de bons et de mauvais préjugés), on leur conforme sa vie.
CAMUS, Sisyphe, 1942, p. 81.
2. [Adversatif] Bien loin que + subj. Synon. au lieu que. Quand Agnès embrassait Geneviève (...) bien loin que ce fût chez lui une jalousie, cela éveillait en lui pour sa petite sœur une curiosité tendre (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1937, p. 191) V. enjoindre B 1 ex. de Mauriac.
—Loin que + subj., littér. Loin que la condition des peuples fût rendue plus heureuse, elle devint de jour en jour plus fâcheuse et plus misérable (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 69). Et, finalement, loin que mon corps ne soit pour moi qu'un fragment de l'espace, il n'y aurait pas pour moi d'espace si je n'avais pas de corps (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 119) :
• 17. ... loin que les manières anglaises parussent disgracieuses même en France, les Français tant imités imitoient à leur tour, et l'Angleterre a été pendant long-temps aussi à la mode à Paris que Paris partout ailleurs.
STAËL, Allemagne, t. 1, 1810, p. 145.
C. — P. anal. [Dans le temps]
1. Du plus loin que + subj. De la date la plus reculée que. Du plus loin que je me souvienne, qu'il me souvienne, la chose était ainsi (Ac. 1835, 1878). Du plus loin qu'il m'en souvienne (Ac. 1935).
— Fam. C'est du plus loin qu'il me souvienne (Ac. 1835-1935). ,,Se dit d'une chose dont le souvenir est presque effacé`` (Ac. 1835, 1878).
2. Aussi loin que + subj. Aussi loin que je sache remonter dans le passé de mes ascendants, je ne vois que protestants rigides et contraints (MARTIN DU G., Notes Gide, 1951, p. 1373). Aussi loin que je me souvienne, j'étais fière d'être l'aînée : la première (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 9).
Rem. On relève un emploi littér., au sens de « lointain ». a) Subst. masc. Deux bras de paille, Un dos de foin, Blessés, troués, disjoints, Ils s'en venaient des loins, Comme d'une bataille (VERHAEREN, Camp. halluc., 1893, p. 30). J'entendais dans le loin du ciel le battement d'aile d'un faucon (GIONO, Eau vive, 1943, p. 65). Conserver nos libres distances Si le loin s'approche trop près Et notre allure de stance La faire boiter exprès (COCTEAU, Clair-obscur, 1954, p. 35). b) Adj. Un voyage loin (DUPRÉ 1972). On avait fait venir des plantes rouges des pays loin, aux fruits très dangereux (JAMMES, De l'angélus, 1898, p. 66). Une beauté sans nom emplit l'azur, du faîte des pignons enfumés au plus loin horizon (ID., Clairières, 1906, p. 29). Cet emploi est jugé ,,inacceptable`` par DUPRÉ 1972.
Prononc. et Orth. : []. Att. ds. Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. Dans l'espace 1. Ca 1050 dans le syntagme an luinz « au loin, dans le lointain » (St Alexis, éd. Chr. Storey, 473 : E tantes feiz pur tei an luinz [ai] guardét); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1897 : Li quens Rollant ne li est guaires loign; 1992 : Ne loinz ne près); ca 1274 loing veöir (ADENET LE ROI, Berte, éd. A. Henry, 759); 1530 il y a loyng d'ici a (PALSGR., p. 825 a : aussi loyng qu'il y a dicy a Romme); 2. 1538 fig. sans aller plus loing « sans se donner la peine de chercher davantage » (EST., s.v. longe); 1640 voir de loin « prévoir longtemps à l'avance les événements » (OUDIN, Curiositez, s.v. voir). B. Dans le temps 1. fin XIIe s. « pendant longtemps » (Homélies de St Grégoire sur Ezéchiel, 111, 26 ds T.-L.); 2. ca 1225 « d'il y a longtemps, qui s'est passé à une époque éloignée » (Perlesvaus, 9565, ibid.). II. loin de A. Dans l'espace 1. ca 1100 (Roland, 250 : Vos n'irez pas uan de mei si luign); ca 1165 (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 4614 ds T.-L. : De Troie esteit set liues loinz); 2. a) 1530 fig. loyn de + inf., « qui n'est pas près de » (PALSGR., p. 861 b : bien loin de mettre fin à la besoigne; v. aussi FEW t. 5, p. 405 b, note 4); b) 1640 loin de + inf., adversatif « au lieu de » (CORNEILLE, Horace, II,1). B. Dans le temps 1530 (PALSGR., p. 861 b : pas loyng du commencement). III. de loin A. Dans l'espace 1. a) 1119 de luinz « à distance, éloigné » (PHILIPPE DE THAON, Comput, 2563 ds T.-L.); b) ca 1160 (Eneas, 643, ibid. : Eneas de bien loin les vit, Contr'els ala); 2. fig. a) ca 1175 dans l'expression d'une compar. « de beaucoup » (Horn, 2308 ibid.); b) ca 1245 (PHILIPPE MOUSKET, Chron., 25379, ibid. : S'iert parens le roi d'auques loing); c) 1672 revenir de loin (SÉVIGNÉ, Lettres, éd. Gérard-Gailly, t. 1, p. 469). B. Dans le temps ca 1165 (BENOÎT DE STE-MAURE, op. cit., 25984 ds T.-L.). IV. (de) loin a loin, de loin en loin 1. 1119 Dans l'espace luinz a luinz « (de deux éléments) à une certaine distance l'un de l'autre » (PHILIPPE DE THAON, op. cit., 2535 ds T.-L.); ca 1180 de luin a luin (THOMAS, Tristan, 1211, ibid.); 2. 1620 Dans le temps de loin à loin (D'AUBIGNÉ, Hist. univ., XI, 17 ds HUG.); 1762, 18 sept. de loin en loin (D'ALEMBERT, Lett. à Voltaire ds LITTRÉ). V. de si loin, d'aussi loin que 1. Dans l'espace ca 1170 de si loing com (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 361); 1669 d'aussi loin qu'il me vit (RACINE, Britannicus, I, 1); 2. Dans le temps 1607 (HULSIUS d'apr. FEW t. 5, p. 402 b). VI. au loin 1. Dans le temps ca 1165 « à la longue, avec le temps » (BENOÎT DE STE-MAURE, op. cit., 17680 ds T.-L.), en a. fr. seulement; 2. Dans l'espace ca 1170 (BÉROUL, Tristan, éd. E. Muret, 4371). VII. loin que + subj., adversatif « au lieu de » 1666 (MOLIÈRE, Misanthrope, V, 1). Du lat. longe « loin, au loin; longuement » au propre et au fig.; avec un verbe marquant la différence « de beaucoup, de loin ». Fréq. abs. littér. : 28 465. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 38 292, b) 39 621; XXe s. : a) 41 135, b) 42 415. Bbg. GOHIN 1903, p. 337.
loin [lwɛ̃] adv. et n. m.
ÉTYM. 1080; loinz, v. 1050; du lat. longe.
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♦ Adverbe marquant l'éloignement, la (grande) distance. — REM. Le mot perd son sens fort au comparatif et au superlatif relatif, où il ne marque plus qu'une relation entre deux ou plusieurs distances.
———
I Adv.
1 À une distance (d'un observateur ou d'un point d'origine) considérée comme grande. || Être loin (⇒ Éloigné, lointain), très loin (→ Aux antipodes, au bout du monde, au diable). || Être assez loin, un peu loin. ⇒ Distance (à distance), écart (à l'écart). || C'est trop loin, c'est bien loin. || Aller loin. || Voyager loin, faire des équipées (cit. 1) assez loin. || Pénétrer loin dans la forêt (→ Au fin fond de…). || Être loin sur la route du retour. — Plus loin, un peu plus loin (→ Envie, cit. 24; fournée, cit. 7; incertitude, cit. 18), deux kilomètres plus loin. ⇒ Delà (au-delà). || Je n'irai pas plus loin. ⇒ Avant. || Aller trop loin. ⇒ Dépasser. || Sans aller bien loin, très loin. || Vous n'irez pas loin avec ce véhicule. || Fuir, s'enfuir loin (→ Galère, cit. 7). || Les fuyards sont loin (→ Hors d'atteinte, de portée, de vue). || Il était déjà loin. || Il ne peut pas être bien loin (→ Guet, cit. 6). || Mettez, posez cela plus loin. || Transporter plus ou moins loin (→ Érosion, cit. 1). || « Emporte-moi (…) Loin ! loin ! » (→ Frégate, cit. 1, Baudelaire). || Regarder plus loin (→ Fascination, cit. 5). || Plus loin qu'on ne peut voir, entendre (→ À perte de vue, d'ouïe; et aussi immense, cit. 4). — ☑ (1668). Prov. Qui veut aller, voyager loin ménage sa monture (→ 1. Feu, cit. 15, Racine) : pour mener à bien une entreprise il ne faut pas gaspiller ses forces au départ. Dans le même sens. ☑ Qui va doucement va loin (→ Chi va piano… va lontano). — ☑ Loc. fam. (1690; au fig., 1635). Ne pas voir plus loin que son nez, que le bout de son nez. — (Avec un compl. prépositionnel). || Laisser (cit. 48) loin derrière soi les concurrents. || Voir loin devant soi.
1 Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez.
La Fontaine, Fables, III, 5.
2 Je n'ai donc traversé tant de mers, tant d'États,
Que pour venir si loin préparer son trépas ?
Racine, Andromaque, V, 1.
3 Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? Je vois, répondit-elle, deux cavaliers qui viennent de ce côté-ci, mais ils sont bien loin encore (…)
Ch. Perrault, Contes, Barbe-Bleue.
4 Bien loin, bien loin, presque à la ligne de l'horizon, cinq voiles de bateaux pêcheurs palpitaient au vent comme des ailes de colombe.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 204.
5 Son unique pensée était d'aller tout droit, plus loin, toujours plus loin, pour se fuir (…)
Zola, la Bête humaine, p. 62.
♦ (1873). Spécialt. || Lire plus loin, voir plus loin, plus avant dans le texte. ⇒ Après (ci-après), bas (plus bas), infra (→ Incident, cit. 16). || Note à reporter plus loin.
♦ (1887). Abstrait. || Être loin : être loin par la pensée du lieu où l'on se trouve (→ Être absent, ailleurs, à cent lieues), ou encore, être loin par manque de chaleur affective, d'affinités… (→ ci-dessous, cit. 10, Zola). — ☑ (Avec des verbes comme aller, mener, conduire, etc.). Aller loin (dans une phrase exprimant un futur; av. 1696) : réussir. || Ce garçon ira loin. — ☑ (1672). Chercher trop loin la solution d'un problème. || N'allez pas chercher si loin, c'est beaucoup plus simple. — ☑ (1660). Voir loin : avoir de la pénétration, de la perspicacité. || Voir plus loin que qqn, plus profondément, plus à fond (→ Apprentissage, cit. 16, et, au sens temporel, ci-dessous, 2.). — (Av. 1650). || Porter, pousser plus loin les recherches. ⇒ Étendre. — ☑ (1538, sans aller plus loin). Aller plus loin : pousser l'action, la réflexion au delà. || Le journal va plus loin avec X. — (1669). || N'allons pas plus loin, tenons-nous en là, restons-en là. — ☑ (1673). Aller plus loin que qqn (dans tel ou tel domaine). ⇒ Dépasser, surpasser. || Nous ne pouvons aborder ce sujet, cela nous entraînerait trop loin. || J'irai même plus loin : j'irai jusqu'à dire que… || Pousser très loin l'audace, l'insolence. — ☑ (1661). Aller trop loin. ⇒ Exagérer; excès (→ Incartade, cit. 4). || Il est allé un peu loin. → Il y est allé (trop) fort. || Haine (cit. 34), vertu qui ne peut aller plus loin. || Sa compétence ne va pas plus loin. ⇒ Delà (au delà).
♦ (Av. 1797). Spécialt (quant à la portée, aux conséquences). || Erreur qui va loin (→ Ambassade, cit. 2). || Une affaire qui peut aller loin, qui risque d'aller loin, de mener loin. || Ils ont eu quelques disputes, mais cela n'a jamais été plus loin.
6 (…) ceux qu'on voit toujours renchérir sur la mode,
Et qui dans ses excès, dont ils sont amoureux,
Seraient fâchés qu'un autre eût été plus loin qu'eux.
Molière, l'École des maris, I, 1.
7 Et, dans ce vain savoir, qu'on va chercher si loin,
On ne sait comme va mon pot, dont j'ai besoin.
Molière, les Femmes savantes, II, 7.
8 (…) ce jeune homme ira loin, je vous le prédis.
A. de Vigny, Cinq-Mars, XIV.
9 (…) tu iras jusqu'au bout, tu mèneras ton aventure aussi loin qu'on peut aller sans commettre une scélératesse (…)
E. Fromentin, Dominique, XIV.
10 Tous deux vivaient en bon accord, le ménage prospérait, travaillait, économisait. Mais ce n'était point ça, il la sentait loin (…)
Zola, la Terre, V, III.
11 Dis donc, mon vieux, sais-tu que tu as vraiment du succès auprès des femmes ? Il faut soigner ça. Ça peut te mener loin.
Maupassant, Bel-Ami, I, I.
12 (…) peut-être n'est-il allé si loin dans la pénétration de l'intelligence du talent et des secrets d'autrui, que parce qu'il haïssait beaucoup.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 235.
2 (V. 1225). Dans un temps jugé éloigné du moment présent ou de celui dont on parle. || Loin dans le passé, dans l'avenir. ⇒ Lointain. || L'aurore (cit. 9) est encore loin. || L'été n'est plus loin. || Le temps n'est pas si loin où… — Fam. || Pas plus loin qu'hier, la chose s'est encore produite. — Usage qui remonte loin dans le temps. ⇒ Ancien, long. || Tout cela est bien loin, comme c'est loin ! ⇒ Vieux. || Reprendre les choses de plus loin. || Sans remonter si loin : il n'y a pas si longtemps. || La réalisation de ce beau rêve est encore loin (→ Ce n'est pas pour demain). || Visite qu'on remet, qu'on repousse le plus loin possible. ⇒ Tard.
13 Un jour viendra, qui n'est pas loin.
La Fontaine, Fables, I, 8.
♦ (1740). || Aller loin. || Prodigue comme il est, sa fortune n'ira pas loin. ⇒ Durer. || Nous n'irons pas loin avec ce qu'il nous reste de provisions. — (1694). Spécialt. Vivre longtemps. || Un malade qui n'ira pas loin (→ Ne pas faire de vieux os).
♦ (1660). || Voir loin (→ ci-dessus, 1., au sens spatial) : avoir une grande prévoyance. ⇒ Prévoir. || Pour réussir, il faut voir loin. || Il a su voir grand et loin.
———
II N. m. (Dans des loc.). Une grande distance, une distance relativement grande.
1 (1530). || Il y a loin : il y a une grande distance. || Il y a loin de la gare au centre de la ville. — ☑ (Av. 1797). Fig. Il y a loin : il y a un grand écart, une grande différence. || Il y a loin d'un lion à un bourricot (cit. 1). || De là à prétendre que c'est un incapable, il n'y a pas loin (→ Il n'y a qu'un pas). — ☑ Prov. Il y a loin de la coupe aux lèvres.
14 J'ai le regard penché sur les mousses de moisissure de l'âme. Il y a loin de là aux flamboiements mythologiques et théologiques de Saint Antoine.
Flaubert, Correspondance, 308, 8 févr. 1852.
15 (…) de cette scène de Vigny aux trois actes des Jumeaux d'Hugo, il y a loin : outre la supériorité du verbe, il y a toute l'invention scénique d'Hugo.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 62.
2 ☑ Loc. adv. (1050). Au loin : dans un lieu éloigné. || Être au loin. || Il avait été au loin. ⇒ Absent. || Faire la guerre (cuit. 30) au loin. || Aller, partir au loin. ⇒ Éloigner (s'). || S'envoler au loin (→ Flammèche, cit. 1). || Envoyer au loin. ⇒ Éloigner. || Jeter, répandre au loin. ⇒ Disperser, disséminer; dehors (au). || Voir, regarder, apercevoir (cit. 6) qqch., qqn au loin (→ Camp, cit. 4). ⇒ Lointain (dans le). || Au loin, un rougeoiement indiquait l'emplacement des boulevards (→ Illuminer, cit. 21). || Le ciel se perd au loin dans la grisaille (cit. 5). ⇒ Horizon (à l'horizon). || Champs, plaines, blés (cit. 6) qui s'étendent au loin. || Entendre qqch., un bruit au loin.
16 Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur.
Hugo, les Contemplations, IV, XIV.
17 Leurs yeux, d'où la divine étincelle est partie,
Comme s'ils regardaient au loin, restent levés
Au ciel (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, Tableaux parisiens, XCII.
18 Les poètes (…) disent que le bonheur resplendit tant qu'il est au loin et dans l'avenir, et que, lorsqu'on le tient, ce n'est plus rien de bon (…)
Alain, Propos, 18 mars 1911, Victoires.
3 ☑ Loc. adv. (1080). De loin : d'un lieu éloigné. || Venir, arriver de loin. || Suivre de loin. ⇒ Distance (à). || Appeler, héler (cit. 3), crier de loin. || Voir, apercevoir (cit. 9) de loin une personne, une chose (→ Approcher, cit. 8; fresque, cit. 6; halage, cit. 1; haut, cit. 124). || Surveiller de loin. || Regarder un tableau de trop loin. || Ne voir distinctement que de loin (⇒ Presbyte). || Appareils pour voir, pour entendre de loin (⇒ préf. Télé-). || Vu de loin, le village semblait désert. — Fam. || Elle est mieux de loin que de près. — De loin, c'est quelque chose (cit. 41) et de près ce n'est rien. || Observer, suivre de loin les événements. — ☑ (1867). Prov. A beau mentir qui vient de loin (→ aussi Attester, cit. 10).
♦ ☑ (1672). Fig. Revenir de loin : réchapper d'un grand danger, guérir d'une grave maladie. — ☑ Prov. Jeunesse (3.) revient de loin. — Voir venir. — ☑ Voir venir qqn de loin, pénétrer ses intentions secrètes. || Ils avaient senti le piège de loin. — Observer de loin les règles de l'honneur (cit. 35). — (1862). Assez peu, médiocrement. || Ne s'intéresser que de loin à qqch. || Ne connaître qqn ni de près ni de loin, ne pas le connaître du tout (→ Ni d'Ève, ni d'Adam). — Par ext. ☑ De près ou de loin : de quelque manière. ☑ Ni de près, ni de loin : en aucune manière. || Être intéressé de près ou de loin à qqch. — (V. 1250). || Être parent, allié de loin. ⇒ Éloigné (→ Falloir, cit. 36).
19 (…) après tout, mon vieux, ne nous abusons pas; la trahison pue énormément, et les gens primitifs la sentent de loin.
Balzac, Une ténébreuse affaire, Pl., t. VII, p. 523.
♦ (1580). De beaucoup, par une grande différence. ⇒ Beaucoup (de beaucoup). || L'emporter de bien loin sur qqn. || C'est de loin son meilleur roman. || Ce spectacle ne peut, et de loin, soutenir la comparaison (→ Tant s'en faut).
20 (…) le meilleur de bien loin (dans les tragédies), c'est lorsqu'un homme commet quelque action horrible sans savoir ce qu'il fait (…)
Racine, Traductions, La poétique d'Aristote.
21 Restait le roi, de bien loin que le plus important (…)
Saint-Simon, Mémoires, I, XLVIII.
22 Nous autres Français, en tant que Latins ou Méditerranéens, nous avons plus de deux mille ans derrière nous. L'Anglais ne peut pas, de loin, aligner autant de siècles.
André Siegfried, l'Âme des peuples, IV, 1 (→ Aligner, cit. 4).
♦ (V. 1160; dans le temps). Vieilli. || Dater de loin. ⇒ Longtemps (→ Chercher, cit. 13); || de plus ou moins loin (→ Ancien, cit. 1). || Une longue, une vieille habitude qui date de très loin. || Air qui vient de loin (→ Berceuse, cit. 2). — (Déb. XVe). Longtemps à l'avance.
23 Je ne sais point prévoir les malheurs de si loin.
Racine, Andromaque, I, 2.
4 ☑ Loc. adv. (V. 1180; luinz à luinz, 1119). De loin en loin (vx), de loin à loin : par intervalles. — (Dans l'espace). ⇒ Place (de place en place). || Bornes (cit. 6) placées de loin en loin. || Galeries éclairées de loin en loin par quelques lampes (→ Catacombe, cit. 1). — (1620; dans le temps). ⇒ Temps (de temps en temps). || Pas qui rompt le silence de loin en loin (→ Heurt, cit. 3). || Ils ne se voient plus que de loin en loin.
24 Pas de bruit (…) À peine, de loin en loin, un son de fifre, un courlis dans les lavandes, un grelot de mules sur la route (…)
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Installation ».
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III ☑ Loc. prép. (1080). Loin de…
1 À une grande distance de. || New York est loin de Paris. || Lieux qui ne sont pas loin l'un de l'autre, qui sont distants seulement de 10 km. || Loin des villes, des cités (→ Envoler, cit. 4). || Loin du centre de la ville (⇒ Excentrique). || Loin de Rueil, roman de R. Queneau. || Loin de tout. || Qu'allez-vous faire si loin d'ici ? (→ Chevalier, cit. 3). || Pas bien loin de là. || Être, vivre loin de qqn (→ Altesse, cit. 1; attiédir, cit. 5; errer, cit. 10; faon, cit. 2; intuition, cit. 6). || Loin de la foule. ⇒ Écart (à l'écart), hors. || Loin du monde et du bruit (cit. 26). || Jeter (cit. 1) une pierre loin de soi. — ☑ (1677). Non loin de… : assez près de… (→ Graisse, cit. 4; hilare, cit. 3; kiosque, cit. 3). || Non loin de là s'étendait une forêt… — ☑ (1573). Prov. Loin des yeux, loin du cœur (cit. 73) : les absents sont vite oubliés. ⇒ Absence.
25 Mais Paris, après tout, est bien loin de Poitiers.
Le climat différent veut une autre méthode.
Corneille, le Menteur, I, 1.
26 Allons loin de ses yeux l'oublier, ou mourir.
Racine, Bérénice, I, 2.
27 Les deux armées se rencontrèrent dans le golfe de Lépante (…) non loin de Corinthe.
Voltaire, Essai sur les mœurs, CLX.
28 Si l'adage : loin des yeux, loin du cœur, est vrai pour la plupart des femmes, il est vrai surtout en fait de sentiments de famille et de protections ministérielles ou royales. De tout temps les gens qui servent personnellement les rois font très bien leurs affaires (…)
Balzac, le Cabinet des Antiques, Pl., t. IV, p. 441.
29 Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides.
Baudelaire, les Fleurs du mal, Spleen et Idéal, III.
♦ ☑ (1080). Fig. Loin des sentiers battus. || « Les femmes d'à présent sont bien loin de ces mœurs » (→ Auteur, cit. 26, Molière). ⇒ Éloigné. || Être loin du but, en être encore très loin. || Être assez loin de la vérité (→ Approximatif, cit. 1). ☑ Être loin du compte, loin de compte. || S'il n'a pas la quarantaine, il n'en est pas bien loin. — (Av. 1662). || Être loin de qqn (par le cœur, les idées. → ci-dessus, I., 1.). || Il la sentait loin de lui, comme étrangère. || Ce peuple m'honore (cit. 6) des lèvres, mais son cœur est loin de moi (→ Vivre dans l'éloignement de Dieu).
30 Combien tout ce qu'on dit est loin de ce qu'on pense !
Racine, Britannicus, V, 1.
31 (…) je l'avais trouvé vrai et loin de toute vanité (…)
Mme de Sévigné, 1217, 21 sept. 1689.
32 (…) j'ai constamment vécu le plus loin possible de moi-même et hors de la triste réalité.
France, le Petit Pierre, XXXIV.
33 (…) la mère avait voulu tenir son fils loin du métier de guerre, en le gardant dans l'ignorance même des armes et de la chevalerie.
Aragon, les Yeux d'Elsa, p. 101.
♦ ☑ (1672). Loc. (En tête de phrase, pour marquer son éloignement, son dégoût de qqch., se défendre d'avoir telle ou telle idée, telle ou telle intention…). Loin de moi les cités (cit. 6) et leur vaine opulence ! ⇒ Arrière. || Loin de nous l'intention de les abandonner ! || Loin de moi la pensée de renoncer à des droits incontestables (cit. 2). || Loin de moi la pensée de blâmer ce procédé (→ Contraste, cit. 8).
34 Loin de nous les héros sans humanité.
Bossuet, Oraison funèbre de Louis de Bourbon.
♦ ☑ (1862). Loin de là : au contraire, bien au contraire, tant s'en faut (→ Impartial, cit. 3). || Il n'est pas désintéressé, loin de là !
35 Grantaire n'en était point encore à cette phase lugubre; loin de là. Il était prodigieusement gai, et Bossuet et Joly lui donnaient la réplique. Ils trinquaient.
Hugo, les Misérables, IV, XII, II.
2 (1530). Dans un temps éloigné, à une époque lointaine (future ou passée). || Moments qui s'envolent (cit. 7) loin de nous. || « Le moment où je parle est déjà loin de moi » (→ Fuir, cit. 17). || Nous sommes encore loin des vacances, loin de la date prévue.
3 ☑ (1876). Pas loin de… (pour indiquer une mesure approximative). ⇒ Près (à peu près), presque. || Il n'est pas loin de minuit : il va être bientôt minuit (→ Hôtel, cit. 17). || Cela ne fait pas loin de trois kilomètres. || Pas loin de mille francs. || Il n'y a pas loin de trois heures de marche.
36 Il ne devait pas être loin de midi, lorsqu'elle se mit en devoir de rentrer à la Crouts.
Pierre Benoit, Mlle de la Ferté, p. 112.
37 (…) on pouvait en calculer le prix à huit tomans pour le moins, ce qui, d'après les calculs de l'Occident, ne faisait pas loin d'une centaine de francs.
A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques, p. 145.
4 ☑ (1530). Fig. Loin de… (suivi d'un verbe à l'inf.). || Être loin de…, négation emphatique exprimant le contraire de ce qu'on pouvait croire, attendre. || Je fus loin de tenir ma promesse (→ Foi, cit. 15). || Il était loin de s'attendre à cela (→ Involontaire, cit. 3). || Je suis loin de prétendre que… ⇒ Éloigner (bien éloigné de…). → ci-dessus, Loin de moi la pensée de… || Il est loin de valoir son prédécesseur (→ ci-dessus, De loin). || Le champ des découvertes est loin d'être clos (→ Force, cit. 61).
38 (…) madame de Rênal, parfaitement heureuse, occupée sans cesse de Julien, était loin de se faire le plus petit reproche.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, VII.
39 La défaite de la Hougue, en 1692, fut loin de terminer la guerre. Elle nous empêcha seulement de la gagner tout à fait.
J. Bainville, Hist. de France, XIII, p. 240.
40 L'ameublement de cette chambre est loin de me donner satisfaction. J'aimerais mieux quelque simple cellule blanchie à la chaux.
G. Duhamel, Salavin, Journal, 12 juin.
♦ (Adversatif). || Loin de m'arrêter, cet obstacle m'amorce (cit. 2). || La Société, loin de dépraver l'homme (cit. 83), le rend meilleur. || S'il se montre imprévoyant (cit. 2), bien loin de le plaindre, la Société dira : C'est bien fait.
41 Loin de trembler pour Albe, il vous faut plaindre Rome.
Corneille, Horace, II, 1.
42 Loin d'être austère, la pudeur doit avertir de ce qui altérerait l'amour.
É. de Senancour, De l'amour, p. 117.
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IV Loc. conj.
1 ☑ (XIVe). D'aussi loin que…, du plus loin que…, au plus loin que… (peu usité), de si loin que (peu usité). — (Espace). || D'aussi (cit. 27 et 28) loin qu'il me vit, qu'il nous a vus paraître… || Du plus loin qu'il nous a aperçus… || Au plus loin que ma vie puisse s'étendre, je n'aperçois rien (Académie). — (1606; temps). || Du plus loin qu'il m'en souvienne, rien n'a changé.
43 (…) du plus loin qu'ils l'apercevaient, les Carthaginois s'enfuyaient bien vite (…)
Flaubert, Salammbô, XIII.
44 (…) d'aussi loin que je m'en souvienne, je l'ai toujours haï (…)
Gide, les Faux-monnayeurs, I, VI.
2 ☑ (1666, → cit. 45). Fig. Loin, bien loin que…, adversatif (suivi du subj.). || Loin que le besoin de la société ait dégradé l'homme (cit. 82), c'est l'éloignement de la société qui le dégrade (→ aussi Attiser, cit. 3). → Bien au contraire.
45 Et loin qu'à son crédit nuise cette aventure.
On l'en verra demain en meilleure posture.
Molière, le Misanthrope, V, 1.
46 Loin qu'il y ait eu préméditation dans la Saint-Barthélemy, on y distingue au contraire l'effet d'une sorte de panique.
J. Bainville, Hist. de France, IX, p. 169.
47 Bien loin que cette mort t'en ait donné l'horreur, tu attaches à la chambre où elle a souffert un caractère sacré.
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Encyclopédie Universelle. 2012.