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éloigné

éloigné, ée [ elwaɲe ] adj.
• déb. XIIIe; de éloigner
1(Dans l'espace) Qui est à une certaine distance. loin. Une maison éloignée de la route. Distant. « notre pavillon, éloigné de l'autre d'environ un quart de lieue » (Sade). Absolt Lointain. 2. écarté , isolé, perdu, retiré . Habiter un quartier éloigné. « des pâturages éloignés où gîtaient ses brebis » (Loti).
Fig. « j'étais bien éloigné de vouloir m'attirer la disgrâce » (Rousseau)(cf. À cent lieues de).
2(Dans le temps) Qui se situe loin (dans le passé ou le futur). lointain. Ça se passait à une époque bien éloignée. ancien, reculé. Un avertissement « annonçant leur réouverture pour une époque éloignée » (Proust) . Le moment n'est pas très éloigné où... Remettre à une date éloignée. ultérieur; 1. reporter, 1. repousser.
3Sans liens de parenté directs. Des parents, des cousins éloignés.
4Fig. Différent. Récit bien éloigné de la vérité. Cela est fort éloigné de ma pensée. « Le déisme, presque aussi éloigné de la religion chrétienne que l'athéisme » (Pascal). « des travaux très délicats et très éloignés des soucis vulgaires des mortels » (Caillois).
⊗ CONTR. Proche, voisin.

éloigné, ée
adj.
d1./d Qui est loin dans l'espace, dans le temps. Pays éloigné. En des temps fort éloignés.
|| Cousin, parent éloigné, avec qui l'on a des liens de parenté indirects. Ant. proche.
d2./d Fig. Différent. Un récit bien éloigné de la vérité.

⇒ÉLOIGNÉ, ÉE, part. passé et adj.
I.— Part. passé de éloigner.
II.— Emploi adj.
A.— [En parlant d'une distance spatiale]
1. Qui a été placé ou est situé loin, à une grande distance d'une personne ou d'une chose.
a) [Avec un compl. prép. marquant le point de départ ou la séparation] Éloigné de sa femme, des siens; éloigné d'une région, d'un pays. Tu seras éloigné de ta famille, sans soutien moral (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 180). Éloignés du lit, fort peu de meubles, de beaux meubles, rangés contre les murs (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 238).
b) [Sans compl.] Bourg, canton, village éloigné; quartiers, pays éloignés; contrées, provinces, régions éloignées; ville, terre éloignée; assez, fort, peu, très, trop éloigné :
1. Sa présence rapprochait les mondes les plus désespérément éloignés, en faisait des objets à portée de la main.
MILOSZ, L'Amoureuse initiation, 1910, p. 87.
P. ext. Qui provient d'un endroit éloigné ou se porte vers un endroit éloigné. Une voix lointaine répéta : « deux bocks au quatre! » Une autre voix plus éloignée encore lança un « voilà! » suraigu (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Garçon, un bock! 1884, p. 896). Les autres (...) choisissaient ce jour-là pour faire une excursion éloignée (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 682). La forme du cristallin se modifie automatiquement pour la vision proche ou éloignée (CARREL, L'Homme, 1935, p. 238).
2. [Suivi d'un compl. prép. indiquant la distance] Qui est à une certaine distance. Éloigné d'une cinquantaine de pas, de trois kilomètres. [Les] îles Sandwich dont nous n'étions éloignés que de cent-vingt lieues (Voy. La Pérouse, 1797, p. 297).
B.— P. anal. [En parlant d'une distance temporelle] Qui est à une grande distance dans le passé ou l'avenir. Avenir, but éloigné; temps éloignés; date éloignée; époques éloignées. Qu'importent à l'adroit dominateur les siècles éloignés, si la génération qu'il séduit le sert et l'encense? (SENANCOUR, Rêverie, 1799, p. 124). Il s'agit, en effet, non plus d'une perspective éloignée, mais d'une échéance prochaine (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 149) :
2. Or cette cause [de félicité], je la devinais en comparant ces diverses impressions bienheureuses et qui avaient entre elles ceci de commun que je les éprouvais à la fois dans le moment actuel et dans un moment éloigné, jusqu'à faire empiéter le passé sur le présent, à me faire hésiter à savoir dans lequel des deux je me trouvais : ...
PROUST, Le Temps retrouvé, 1922, p. 871.
[Qualifiant uniquement un subst. au plur.] Séparés par un long espace de temps. À des intervalles éloignés. Deux tableaux de Turner, composés à deux époques éloignées l'une de l'autre (Arts et litt., 1935, p. 8407).
Spéc. Qui se situe loin du terme ou de l'origine d'une longue filiation, qui est relié par de nombreux intermédiaires.
♦ [En parlant de liens de parenté] Cousins, parents éloignés. À défaut d'un frère, le cousin parallèle du défunt ou même un parent plus éloigné prend sa place (LOWIE, Anthropol. cult., 1936, p. 262) :
3. Dans la langue juridique et religieuse de Rome, ces trois Scipions sont agnats; les deux premiers le sont entre eux au sixième degré, le troisième l'est avec eux au huitième. Il n'en est pas de même de Tibérius Gracchus. Cet homme qui, d'après nos coutumes modernes, serait le plus proche parent de Scipion Emilien, n'était pas même son parent au degré le plus éloigné.
FUSTEL DE COULANGES, La Cité antique, 1864, p. 66.
♦ [En parlant d'un enchaînement logique] Causes, conséquences éloignées :
4. Dans l'action, l'appel du résultat immédiat prime toujours chez eux [les primaires] l'appel du résultat éloigné, ce qui favorise les intérêts directs : argent, profit, contre les intérêts lointains et complexes.
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 293.
P. ext. Qui n'est rattaché que par des liens indirects, vagues, imprécis. Ressemblance, signification éloignée. On pourroit dire que, dans un sens plus éloigné, cette cécité étoit encore une suite du péché originel (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 207). L'acte de cette jeune fille est-il sans rapport, même éloigné, avec aucun sentiment connu de nous (MAURIAC, Journal, 1934, p. 60).
C.— Au fig. [L'idée de distance traduit une idée de séparation d'ordre intellectuel ou mor.]
1. [Relativement à une attitude de la pers. humaine] Qui se tient ou se trouve à l'écart, vit dans l'ignorance d'une chose ou dans l'indifférence à l'égard de quelqu'un. Combien il serait désabusé des faux biens du dehors, éloigné de l'envie, de la haine et de toutes les passions entraînantes (MAINE DE BIRAN, Journal, 1822, p. 345). Dans la bourgeoisie, le garçon de dix-huit ans est plus éloigné des réalités que le gamin de quatorze (MONTHERL., Olymp., 1924, p. 222) :
5. Ces hommes intelligents et instruits, approfondis par la souffrance et la réflexion, détachés des choses et presque de la vie, aussi éloignés du reste du genre humain que s'ils étaient déjà la postérité, regardent au loin, devant eux, vers le pays incompréhensible des vivants et des fous.
BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 6.
[Avec l'idée d'un manque d'inclination] Pour vous prouver combien j'ai toujours été éloigné de cette décision où vous penchez (BARRÈS, Jard. Bérén., 1891, p. 179).
♦ [Le compl. prép. est un inf.] Être éloigné de faire qqc. N'être pas porté, n'être pas dans des conditions propres à le faire. Le philosophe est aussi éloigné qu'il est possible de prôner une économie déductive faussement générale (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 610).
[Souvent à la forme négative] N'être pas éloigné de faire qqc. Être près, sur le point de le faire, y être enclin, y être porté. N'être pas éloigné de croire, de penser que. Les lecteurs superficiels ne sont pas éloignés de regarder, encore aujourd'hui, les auteurs des « Soirées de Médan » comme de simples imitateurs d'Émile Zola (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 311).
2. [Relativement à la nature d'une chose ou d'une pers. comparée à une autre chose ou à une autre pers.] Qui est séparé par des éléments distincts, qui est différent. Il en remarqua l'ameublement également éloigné de la mesquinerie et du trop grand luxe (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 438). Nous sommes aussi éloignés l'un de l'autre que peuvent l'être deux écrivains du même âge (MAURIAC, Journal, 1937, p. 109) :
6. Notre musique de poésie diffère donc de toutes les autres, s'oppose plus que les autres au ton de la voix normale; et par conséquence, elle s'est développée vers un art savant et formel, très distinct et très éloigné de toute production naïve et populaire.
VALÉRY, Regards sur le monde actuel, 1931, p. 278.
Fréq. abs. littér. :3 228. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 7 156, b) 3 413; XXe s. : a) 3 265, b) 3 828.

Encyclopédie Universelle. 2012.