EAU
L’EAU a toujours hanté l’esprit des hommes. Des différents symboles qu’elle suggère, le plus perceptible est celui du mouvement et de la vie: les sources, les eaux courantes, les vagues sont déjà des objets offerts à une vision animiste du monde. La réalité dépasse de beaucoup cette évocation. Si, depuis leur apparition dans les océans primitifs, les êtres vivants participent plus ou moins au «cycle de l’eau», c’est que, réciproquement, cette substance conditionne leur existence: elle est le constituant principal de leur organisme et de leur nourriture.
Élément de la vie quotidienne, l’eau est si familière que l’on en oublie souvent l’importance et l’originalité. Elle doit à ses caractères physico-chimiques très particuliers son rôle de premier plan à la surface du globe, vis-à-vis non seulement de la biosphère, mais également de la lithosphère qu’elle modèle sans cesse. Sans l’eau, la Terre ne serait qu’un astre mort, semblable à ce que la Lune est demeurée depuis sa formation.
Bien qu’apparemment inépuisable, l’eau est cependant distribuée très inégalement entre les régions et selon les époques. Depuis les temps les plus reculés, l’homme a dû résoudre le problème de l’alimentation en eau, effectuant des travaux hydrauliques lorsque les ressources hydriques étaient insuffisantes ou trop irrégulières. Ainsi sont nées, dès l’Antiquité, des «civilisations hydrauliques», comme celles de l’Égypte, de la Chine ou du Pérou. La pratique de l’irrigation a favorisé chez ces civilisations une évolution particulière, tant sur le plan social que sur le plan politique: propriété privée des surfaces améliorées, féodalisme, entre autres.
Le problème de l’eau est, à l’heure actuelle, loin d’être résolu. Il représente encore, sur le plan des ressources, le souci majeur de nombreuses nations, et pas seulement de celles installées dans les zones arides: on recherche toujours de nouvelles sources d’eau potable dans la plupart des pays européens; l’industrie a ajouté sa demande à celle d’une agriculture, d’une consommation domestique, d’une production d’énergie au service d’une humanité en pleine explosion démographique. En fait, tous les pays sont concernés, et il est assez symptomatique, à cet égard, que la consommation globale d’eau par habitant soit considérée comme un indice du développement économique d’une nation dont la valeur significative peut être rapprochée de celle du produit national brut. Le dessalement de l’eau de mer, pour l’heure très onéreux, est employé seulement dans les cas extrêmes (pays arides, mais riches par ailleurs).
D’autre part, l’eau constitue toujours un danger pour l’homme, qui reste particulièrement désarmé face aux grands phénomènes hydrologiques: crues, raz de marée, pluies dévastatrices. Enfin, l’eau répand les déchets, les substances toxiques que l’homme fabrique en quantité croissante.
Ces aspects, parmi de nombreux autres, suffisent à justifier le nombre des disciplines qui s’intéressent à l’eau sous toutes ses formes, en particulier: l’océanographie, la glaciologie, l’hydrogéologie, la limnologie, etc., qui composent l’hydrologie, science des eaux naturelles; l’hydrodynamique et l’hydraulique, qui s’intéressent à l’équilibre et au mouvement de l’eau à l’état liquide.
eau [ o ] n. f.
• 1490; ewe 1080; lat. aqua
I ♦
1 ♦ Liquide incolore, inodore, transparent et insipide lorsqu'il est pur (H2O). ⇒poét. onde; fam. 3. flotte; aqua-, hydr(o)-. L'eau était considérée par les Anciens comme l'un des quatre éléments. L'eau et le feu. Loc. Vieilli Être comme l'eau et le feu, en opposition totale. Analyse, synthèse de l'eau. L'eau gèle à 0 °C et bout à 100 °C. Eau à l'état liquide, solide (glace), gazeux (vapeur). Eau distillée. Corps contenant de l'eau. ⇒ aqueux; hydrater . Corps sans eau. ⇒ anhydre, déshydraté, lyophilisé. — Cours d'eau. Chute d'eau. Eau douce : eau des rivières, des lacs. Poisson d'eau douce (⇒ dulçaquicole; aussi euryhalin) . Marin d'eau douce. Eau de mer, eau salée. — Eau courante. Eau stagnante. PROV. Il n'est pire eau que l'eau qui dort. Flaque d'eau. Eau de pluie. Il est tombé beaucoup d'eau, de pluie. Goutte d'eau. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Se ressembler comme deux gouttes d'eau. C'est une goutte d'eau dans la mer. Eau de source, de roche. — Eau souterraine. ⇒ nappe; fontainier, sourcier. Eaux de ruissellement.
♢ Eau potable. Un verre d'eau. Se noyer dans un verre d'eau. Une tempête dans un verre d'eau. Une menthe à l'eau. Eau gazeuse (fam. eau qui pique). Eau plate. Eau du robinet. Pot à eau. ⇒ broc, pichet. Verre à eau, verre à vin. Loc. Mettre de l'eau dans son vin : modérer ses prétentions. Faire de l'eau : s'approvisionner en eau potable (navire). Faire bouillir de l'eau. Eau qui frémit. — Légumes cuits à l'eau. Pommes de terre (cuites) à l'eau. — Eau de cuisson. — Prendre l'eau : ne pas être imperméable (vêtement). Chaussures qui prennent l'eau. — Se laver à grande eau, à l'eau froide, chaude. Rincer à l'eau. Eau de vaisselle. — Au plur. Eaux industrielles, eaux usées. Eaux polluées. Dégât des eaux. — Puiser de l'eau. Conduites d'eau. ⇒ hydraulique. Compteur d'eau. Château d'eau. Pièce, jet d'eau. Moulin à eau. — Spécialt (1865) Eau minérale, thermale. Au plur. Prendre les eaux, aller aux eaux : faire une cure thermale. Forges-les-Eaux. Une ville d'eaux. — Relig. Eau lustrale, baptismale, bénite. — EAU LOURDE : composé dans lequel l'hydrogène de l'eau est remplacé par du deutérium (D2O).
♢ Loc. Il passera de l'eau sous les ponts. Apporter de l'eau au moulin de qqn. Un coup d'épée dans l'eau. Il n'a pas inventé l'eau tiède (ou chaude) :il n'est pas intelligent (cf. Il n'a pas inventé la poudre, le fil à couper le beurre). Être, rester le bec dans l'eau. Jeter le bébé avec l'eau du bain. S'en aller en eau de boudin. Vivre d'amour et d'eau fraîche, sans se préoccuper des nécessités matérielles. Compte là-dessus et bois de l'eau. Fam. Il y a de l'eau dans le gaz. PROV. Tant va la cruche à l'eau... Chat échaudé craint l'eau froide.
2 ♦ Étendue ou masse plus ou moins considérable de ce liquide. La surface, le fond de l'eau. Au fil de l'eau. Passer, traverser l'eau : aller d'une rive ou d'une côte à une autre. Marcher au bord de l'eau. Pêcher en eau trouble. Être comme un poisson dans l'eau. Nager sous l'eau, sous la surface de l'eau. Tomber à l'eau; fig. (sujet chose) être oublié, échouer. Le projet est tombé à l'eau; le projet est à l'eau (cf. Tomber dans le lac). Jeter qqn à l'eau. ⇒ baille. Se jeter à l'eau, s'y plonger brusquement; fig. prendre soudainement une décision audacieuse. Flotter, aller sur l'eau. ⇒ nager, naviguer. Mettre un navire à l'eau, le lancer. Navire qui fait eau, où se déclare une voie d'eau. — Milieu naturel que constitue cette étendue. Couleuvre, araignée d'eau. ⇒ aquatique. Lentille d'eau.
♢ Au plur. Les Eaux et Forêts. Moïse sauvé des eaux. Les basses eaux : le niveau le plus bas d'un fleuve. Les grandes eaux : les jets d'eau et cascades d'un parc, dans toute leur force. Les grandes eaux de Versailles. Les eaux d'un navire, son sillage. Loc. Naviguer, être dans les eaux de qqn, le suivre, partager ses opinions, être de son parti. Nager entre deux eaux. — Eaux territoriales : zone de mer s'étendant des côtes d'un pays jusqu'à une ligne considérée comme sa frontière maritime. Les eaux internationales. Loc. fig. Dans ces eaux-là : approximativement.
3 ♦ Solution aqueuse. Eau de Seltz : eau gazéifiée artificiellement au moyen d'un appareil spécial (⇒ siphon) . Eau oxygénée. Eau régale. Eau de Javel. Eau blanche : solution d'acétate de plomb employée comme émollient. Eau seconde : solution d'acide nitrique employée comme décapant.
♢ N. f. pl. (eau-mère 1795) Eaux mères : résidu d'une solution après cristallisation de la substance qui y était dissoute.
4 ♦ Eau de... : préparation à base d'alcool obtenue par distillation ou infusion de substances diverses. (1761) EAU DE C OLOGNE, où entrent plusieurs essences (bergamote, citron, néroli, girofle, etc.). Eau de toilette. Eau de parfum, de concentration intermédiaire entre l'eau de toilette et le parfum. Eau de rose, de lavande. ⇒ hydrolat. — Eau dentifrice. Eau de mélisse, de fleurs d'oranger. — À l'eau de rose.
II ♦ Par anal. (dans certaines expr.) Sécrétion liquide du corps humain. Être (tout) en eau, ruisselant de sueur. ⇒ sueur. « J'étais tout en eau » (A. Daudet)(cf. En nage, en sueur). Suer sang et eau. Avoir l'eau à la bouche. ⇒ salive. Mettre l'eau à la bouche. ⇒ allécher.
♢ Sérosité. Cloque, ampoule pleine d'eau.
♢ (1833) Au plur. Liquide amniotique. Poche des eaux. Perdre les eaux.
III ♦ Fig. Transparence, pureté (des pierres précieuses). « élever vers le jour des rubis pour en apprécier l'eau » (Tournier). L'eau d'une perle, qualité qui réunit son orient et son lustre. Un diamant de la plus belle eau. Fig. De la plus belle eau : remarquable (dans son genre). Un escroc de la plus belle eau. — De la même eau : du même genre.
⊗ HOM. Au, aulx (ail), aux, haut, ô, oh, os.
● eau nom féminin (latin aqua) Corps liquide à la température et à la pression ordinaires, incolore, inodore, insipide, dont les molécules sont composées d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. ● eau (citations) nom féminin (latin aqua) Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 Un homme qui ne boit que de l'eau a un secret à cacher à ses semblables. Du vin et du haschisch René Char L'Isle-sur-la-Sorgue, Vaucluse, 1907-Paris 1988 L'eau est lourde à un jour de la source. Seuls demeurent Gallimard Paul Claudel Villeneuve-sur-Fère, Aisne, 1868-Paris 1955 L'eau ainsi est le regard de la terre, son appareil à regarder le temps. L'Oiseau noir dans le soleil levant Gallimard Marc Antoine Désaugiers Fréjus 1772-Paris 1827 Le ciel fit l'eau pour Jean qui pleure, Et fit le vin pour Jean qui rit. Chansons Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Il faut être assez fort pour se griser avec un verre d'eau et résister à une bouteille de rhum. Carnets Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Dieu n'avait fait que l'eau, mais l'homme a fait le vin. Les Contemplations, la Fête chez Thérèse, I, 22 Alfred Jarry Laval 1873-Paris 1907 Les antialcooliques sont des malades en proie à ce poison, l'eau, si dissolvant et corrosif qu'on l'a choisi entre autres substances pour les ablutions et lessives, et qu'une goutte versée dans un liquide pur, l'absinthe, par exemple, le trouble. Spéculations Fasquelle Étienne de La Boétie Sarlat 1530-Germignan, Médoc, 1563 Toujours l'eau va dans l'eau, et toujours est-ce Même ruisseau, et toujours eau diverse. Vers français Jean Le Houx Vire vers1551-Vire vers1616 L'eau montre à son effet qu'à boire elle n'est bonne : Elle rend l'homme étique, et pâle, et morfondu ; Mais toi, tu rends gaillarde et saine la personne ; L'argent qu'on met pour toi n'est point argent perdu. Commentaire Le poète s'adresse au vin. Henri Michaux Namur 1899-Paris 1984 Si un contemplatif se jette à l'eau, il n'essaiera pas de nager, il essaiera d'abord de comprendre l'eau. Et il se noiera. Plume, le Portrait de A. Gallimard Elsa Triolet Moscou 1896-Saint-Arnoult-en-Yvelines 1970 L'homme ne peut rien contre la loi de la pesanteur, mais il sait utiliser la chute d'eau. Le Cheval roux ou les Intentions humaines Les Éditeurs français réunis Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Fontaine, ma fontaine, eau froidement présente, Douce aux purs animaux, aux humains complaisante […]. Charmes, Fragments du Narcisse Gallimard Bion de Phlossa IIe s. Une goutte d'eau assidue, à force de tomber, creuse dans le roc même une crevasse. Bucoliques, Fragments I (traduction Legrand) Épictète Hiérapolis, Phrygie, vers 50-Nicopolis, Épire, vers 130 après J.-C. Et, si tu bois de l'eau, ne dis pas à tout propos que tu bois de l'eau. Manuel, XLVII (traduction J. Pépin) Platon Athènes vers 427-Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C. Écrire sur l'eau. Phèdre, 276c (traduction S. Weil) Bible Les eaux dérobées sont douces et savoureux le pain du mystère. Ancien Testament, Livre des Proverbes IX, 17 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Edme Patrice Maurice, comte de Mac-Mahon, duc de Magenta Sully, Saône-et-Loire, 1808-château de La Forêt, Loiret, 1893 Que d'eau, que d'eau ! Commentaire Mac-Mahon aurait eu ce mot devant le spectacle de graves inondations à Toulouse en 1875. Dans une intention satirique, on lui aurait prêté cette exclamation naïve alors qu'il contemplait la mer. Laozi ou Lao-tseu VIe-Ve s. avant J.-C. L'eau peut agir sans poisson, Mais le poisson ne peut agir sans eau. Tao-tö-king, XXXIV Laozi ou Lao-tseu VIe-Ve s. avant J.-C. Le faible vainc le fort, le souple vainc le dur, Voie et vertu de l'eau. Tao-tö-king, LXXVIII Octavio Paz Mexico 1914-Mexico 1998 L'eau parle sans cesse et jamais ne se répète. El agua habla sin cesar y nunca se repite. Libertad bajo palabra, I, Condición de nube William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 L'eau coule paisible là où le courant est profond. Smooth runs the water where the brook is deep. Henry VI, deuxième partie, III, 1, Suffolk ● eau (difficultés) nom féminin (latin aqua) Orthographe 1. Sans trait d'union : eaux mères ; eau de Cologne ; eau de Javel. 2. Avec un trait d'union : eaux-vannes ; morte-eau, vive-eau (mais eau morte, eau vive) ; eau-de-vie (plur. : eaux-de-vie) ; eau-forte (plur. : eaux-fortes) ; à vau-l'eau → vau. 3. Toujours au pluriel : les Eaux et Forêts (= administration centrale, avec des majuscules) ; une ville d'eaux ; des eaux-vannes. 4. Avec le complément au singulier : eau de rose, de fleur d'oranger (mais essence de roses). ● eau (expressions) nom féminin (latin aqua) À grande eau, en laissant l'eau couler abondamment : Rincer à grande eau. Familier et péjoratif. De la même eau, du même genre, de même nature. Péjoratif. De la plus belle eau, se dit de quelqu'un qui est un spécimen remarquable en son genre : C'est un escroc de la plus belle eau. Littéraire. Être (comme) l'eau et le feu, avoir des caractères totalement opposés. Être en eau, être couvert de sueur, en nage. Faire venir, mettre, etc., l'eau à la bouche, allécher. Il passera de l'eau sous les ponts (avant que), il s'écoulera beaucoup de temps, ce n'est pas près d'arriver. Familier. Il y a de l'eau dans le gaz, les relations sont tendues, les choses vont mal tourner. Mettre de l'eau dans son vin, tempérer ses exigences, atténuer sa rigueur. Par (l')eau, se dit d'un transport par navigation maritime ou fluviale. Familier. Porter de l'eau à la rivière (à la mer), faire une chose inutile. Sous eau, en Belgique, submergé. Se jeter à l'eau, se lancer hardiment dans une entreprise, vaincre ses hésitations. Familier. Tomber à l'eau, être à l'eau, ne pas aboutir : Tous ces beaux projets sont tombés à l'eau. Eau de Dalibour, solution utilisée pour ses propriétés antiseptiques sur la peau. Eau distillée, eau purifiée préparée par vaporisation d'une eau potable puis condensation de sa vapeur ; eau chargée par distillation des principes volatils de certaines plantes. Eau lourde, composé chimique de formule D2O, formé d'oxygène et de deutérium et analogue à l'eau. Eau minérale, eau de source dont la composition en éléments minéraux permet une utilisation thérapeutique. Eau oxygénée, solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène H2O2, employée comme antiseptique, décolorant ou produit de blanchiment. Eau pour préparation injectable, eau obtenue par distillation d'eau potable, purifiée ou déjà distillée (bidistillation). Bilan de l'eau, cycle général de l'eau sur Terre, comportant l'évaporation, les précipitations et l'écoulement, accessoirement la sublimation. (→ climatologie.) Eau de carrières, eau que l'on trouve dans les pores des roches. Marchand de l'eau, marchand qui faisait par eau le commerce de Paris. (Les marchands de l'eau formaient une corporation, la Hanse parisienne des marchands de l'eau, créée à la fin du XIe s.) Porteur d'eau, homme qui faisait profession de vendre de l'eau et de la porter à domicile. Question par (ou de) l'eau, mode de torture appliqué en France, jusqu'en 1788, aux prisonniers pour obtenir un aveu ou une dénonciation et qui consistait à leur faire ingurgiter de force une grande quantité d'eau. Supplice par l'eau bouillante, peine appliquée aux faux-monnayeurs, jusque vers la fin du XVIe s., en Europe, et qui consistait à les noyer dans l'eau bouillante. Eau de fond, eau de mer, froide et dense, formée en surface dans les régions-sources proches des pôles et plongeant jusqu'aux profondeurs abyssales. Eau intermédiaire, eau de mer produite par mélange le long d'un front océanique, en particulier les convergences polaires, et circulant entre 1 000 et 2 000 m de profondeur. Eau de mer, composante fondamentale de l'hydrosphère (97,5 %) occupant les bassins océaniques et les mers de l'océan mondial. Eau morte, onde interne produite à la limite de deux couches d'eau de densité différente, freinant l'allure des petites embarcations. Eau océanique, eau de mer dans laquelle les influences continentales ne sont plus discernables. (Sa salinité se situe entre 30 et 40 ‰.) Eau profonde, eau de mer dérivant et circulant à des profondeurs comprises entre 2 000 et 4 000 m. Eau rouge, eau de mer dont la couleur rougeâtre est généralement attribuée au développement rapide de certaines espèces planctoniques (péridiniens, bactéries). Eau bénite, eau naturelle que le prêtre bénit pour asperger les fidèles et pour procéder à toutes les bénédictions et exorcismes. (À l'entrée de chaque église est disposé un bénitier ; les fidèles, en entrant, y trempent les doigts pour faire ensuite le signe de la croix, en geste de purification et de foi.) Faire eau, en parlant d'un navire, se remplir d'eau par des ouvertures accidentelles. Voie d'eau, ouverture accidentelle qui donne accès à l'eau dans un navire. Syndrome d'intoxication par l'eau, accumulation d'eau en quantité trop importante dans l'organisme. Eau de toilette, préparation alcoolique dont le degré de concentration en substances odorantes est intermédiaire entre celui de l'extrait et celui de l'eau de Cologne dérivés du même parfum. Eau de gisement, eau généralement salée, associée à un gisement d'hydrocarbures. Tube d'eau, tube d'une chaudière dans lequel circule l'eau ou le mélange d'eau et de vapeur. ● eau (homonymes) nom féminin (latin aqua) au article aulx nom masculin pluriel aux article haut adjectif haut adv haut nom masculin ho ! interjection o nom masculin invariable ô ! interjection oh ! interjection os nom masculin pluriel
eau
n. f.
rI./r
d1./d Substance liquide, transparente, inodore et sans saveur, de formule H 2 O.
d2./d Ce liquide, abondant sur la Terre à l'état plus ou moins pur. Eau de source, de pluie. Eau courante, stagnante. Eau claire, trouble. Eau douce: eau non salée (par oppos. à eau de mer). Verre à eau, pot à eau. Puiser de l'eau.
— Fam. Marin d'eau douce, inexpérimenté.
— Eau gazeuse, qui contient du dioxyde de carbone (par oppos. à eau plate).
— Eaux usées: eaux salies, rejetées après usage.
— Eau de vaisselle, qui a servi à laver la vaisselle.
— Vert d'eau: vert pâle.
|| Loc. fig. et prov. C'est une goutte d'eau dans la mer, peu de chose.
— C'est une tempête dans un verre d'eau, beaucoup de bruit pour rien.
— Un coup d'épée dans l'eau: une démarche inutile, sans résultat.
— Mettre de l'eau dans son vin: devenir plus modéré, moins intransigeant.
— Se noyer dans un verre d'eau: être arrêté par la moindre difficulté.
|| CONSTR Mettre hors d'eau un bâtiment, en terminer la couverture, l'étanchéité.
|| LITURG Eau baptismale, bénite, consacrée.
|| (Québec) Eau de Pâques: eau courante puisée le matin de Pâques, à laquelle on attribue des vertus curatives.
d3./d Toute masse plus ou moins considérable de ce liquide (mer, rivière, lac, etc.). Le niveau des eaux. Hautes, basses eaux. Le bord de l'eau.
|| Loc. et prov. à fleur d'eau: à la surface de l'eau.
— Au fil de l'eau: en suivant le courant.
— D'ici là, il passera de l'eau sous les ponts: cela n'arrivera pas de sitôt.
— être comme un poisson dans l'eau: être dans son élément.
— Nager entre deux eaux, en restant recouvert par l'eau; fig., louvoyer entre deux partis.
— Pêcher en eau trouble: se procurer un profit à la faveur du désordre.
— Se jeter à l'eau: se lancer avec courage dans une entreprise.
— Tomber à l'eau: échouer. Son projet est tombé à l'eau.
— (Québec) Faire de l'argent comme de l'eau, très facilement.
|| ADMIN Eaux et Forêts: les forêts, les rivières, les lacs, etc., en tant qu'objet d'une surveillance de l'état et d'une législation spéciale.
d4./d (Plur., en loc.) Eaux qui possèdent des vertus curatives ou bienfaisantes et dont on fait usage soit en s'y baignant, soit en les absorbant comme boisson. Ville d'eaux. Aller aux eaux.
— Sing. Eau minérale, thermale.
d5./d Préparation aqueuse usitée en médecine, en parfumerie, dans l'industrie. Eau oxygénée: peroxyde d'hydrogène (H 2 O 2), employé comme antiseptique. Eau de Cologne. Eau de rose. Eau de toilette: lotion alcoolique utilisée pour se parfumer, moins concentrée en essence que le parfum. Eau de Javel.
— Eau lourde.
rII./r Liquide produit par un organisme.
d1./d (En loc.) Sueur, salive. Suer sang et eau. L'eau en vient à la bouche.
d2./d (Plur.) Liquide amniotique. Poche des eaux. Perdre les eaux.
d3./d Suc de certains fruits. Cette poire a beaucoup d'eau.
— Eau de coco.
— (Réunion) Eau de riz: amidon de riz.
rIII/r Transparence, éclat d'une pierre précieuse. Des perles d'une belle eau.
|| Fig. De la plus belle eau: parfait dans son genre.
Encycl. Chim. - Le volume d'eau contenu dans les océans (1 milliard de km³) constitue 97 % de nos ressources en eau. L'eau naturelle est un mélange d'eau, d'eau lourde D 2 O et d'eau mixte DHO (ces deux dernières en proportions très faibles). Elle se solidifie à 0 °C et bout à 100 °C sous la pression atmosphérique normale. à partir de 1 200 °C, l'eau se dissocie en hydrogène et en oxygène. Elle intervient dans de très nombreuses réactions chimiques (oxydation, réduction, hydrolyse). Elle se fixe sur certains corps en donnant des hydrates. La purification de l'eau s'effectue dans des échangeurs d'ions ou en utilisant des produits qui détruisent les matières organiques et les bactéries (ozone, chlore, eau de Javel). Biol. - L'eau est un constituant essentiel des cellules animales et végétales (70 % en moyenne chez les animaux). Dans un être vivant, on distingue l' eau libre, qui constitue le moyen de transport de nombreuses substances (dans le sang, par ex.), l' eau liée (par adsorption, imbibition ou capillarité) et l' eau de constitution ou intramoléculaire, qui est intégrée dans des molécules. - Cycle de l'eau: sous l'action du soleil, l'eau des mers, des océans et des lacs s'évapore et retombe en précipitations. Une partie de l'eau retombée retourne à son origine ou dans la nappe phréatique, par ruissellement ou drainage; une autre partie se trouve absorbée par les végétaux et les êtres animés, ou s'évapore.
⇒EAU, subst. fém.
I.— Usuel
A.— [L'eau envisagée comme élément naturel]
1. Au sing. Liquide incolore, inodore et sans saveur à l'état pur, formé par combinaison d'hydrogène et d'oxygène, de formule chimique H2O; un des quatre éléments de la physique ancienne :
• 1. Il me semblait à la fin de ne plus apercevoir que tous les états de l'eau, — l'eau neige, — l'eau glace, — l'eau vive, — l'eau flaque mirant l'eau nuée, — l'eau vapeur dont les volutes libérées se détordent, se disloquent, s'attardent et se dissipent après nous.
VALÉRY, Variété II, 1929, p. 24.
• 2. Eau, tu n'as ni goût, ni couleur, ni arôme, on ne peut pas te définir, on te goûte, sans te connaître. Tu n'es pas nécessaire à la vie : tu es la vie.
SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, p. 242.
— Loc. Se ressembler, ressembler à qqn/à qqc. comme deux gouttes d'eau. Être comme l'eau et le feu. Offrir des caractères ou des tempéraments diamétralement opposés. Sa femme et lui [Grange] faisaient le plus bel assortiment d'eau et de feu que l'on pût voir (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 106).
SYNT. Eau commune, condensée, distillée; congélation, densité, température de l'eau; molécules, vapeur d'eau; l'eau bout, s'évapore; soluble dans l'eau; dissoudre dans l'eau.
2. Au sing. et au plur. [L'eau dans la variété de ses orig. nat.] Synon. flotte (pop.), onde (poét.).
a) [L'eau envisagée comme eau de mer] Eau salée. L'eau de la mer est plus pesante (...) que l'eau douce, à cause du sel qu'elle contient (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 167).
— Au plur., souvent poét. [Avec une idée d'abondance, d'immensité] Océan, mer transparente, (...) replie tes larges eaux (QUINET, Ahasvérus, 1833, 1re journée, p. 68).
— P. méton. Mer. La pleine lune sort de l'eau La mer est comme un grand plateau (CLAUDEL, Poés. div., Pleine lune, 1952, p. 909) :
• 3. ... l'envie me prenait d'être sur une plage et de descendre vers la mer. À imaginer le bruit des premières vagues sous la plante de mes pieds, l'entrée du corps dans l'eau...
CAMUS, L'Étranger, 1942, p. 1178.
♦ Expr. fig. Une goutte d'eau dans la mer. Une quantité négligeable par rapport à l'ensemble considéré. Au milieu de tant de morts, ces deux exécutions passèrent inaperçues : c'était une goutte d'eau dans la mer (CAMUS, Peste, 1947, p. 1356).
— MARINE
♦ Loc. verbale. [Le suj. désigne une embarcation] Faire eau. Laisser pénétrer l'eau par suite d'une avarie. Synon. prendre l'eau. Faire eau de toutes parts. Une barque qui fait eau (LARBAUD, Journal, 1934, p. 311). Au fig. Aller à sa ruine, être en déconfiture. Elle faisait eau de partout, cette pauvre maison Fromont (A. DAUDET, Fromont jeune, 1874, p. 359).
♦ Eaux d'un navire. Trace qu'il laisse derrière lui à mesure qu'il avance. Synon. sillage. Prendre, suivre, se mettre dans, se tenir dans les eaux (d'un bâtiment). Entrer ou gouverner dans son sillage. Un dauphin avait nagé dans les eaux du yacht (FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 363). Au fig. Être, nager dans les mêmes eaux. Partager les mêmes opinions, être en relations étroites avec quelqu'un. Nous ne nageons pas dans ses eaux (H. BATAILLE, Maman Colibri, 1904, p. 5).
♦ DR. MAR. Eaux territoriales. Zone maritime, délimitée par le droit international, bordant le littoral d'un pays et sur lequel celui-ci exerce divers droits de police. Les navires alliés (...) s'arrêteront à la limite des eaux territoriales françaises (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 186).
b) [L'eau envisagée comme eau de pluie] Eau du ciel; il tombe de l'eau; le ciel, le temps, le vent est à l'eau. — Nous allons avoir de l'eau, dit le cocher. En effet, (...); la moitié du ciel derrière nous était envahie par un gros nuage noir (HUGO, Rhin, 1842, p. 29). Une pluie d'hiver (...) rien que de l'eau qui tombe (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 383) :
• 4. Jésus change l'eau en vin aux noces de Cana, et tout le monde s'étonne; l'eau de pluie se change tous les ans en vin dans nos vignes, et cela ne surprend personne.
GILSON, L'Esprit de la philos. médiév., 1932, p. 172.
— P. anal. Rosée. Le soleil buvait (...) l'eau de l'aurore (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 300).
— Au plur. [Par calque du plur. hébraïque] Déluge (cf. infra A 2 c).
c) [L'eau est envisagée comme provenant d'une source, comme résultat de précipitations atmosphériques] À vau l'eau (v. à vau A). Torrent dont l'eau provient des neiges fondues (BALZAC, Méd. camp., 1833, p. 24) :
• 5. C'était plaisant aussi, cette eau de roche dévalant à bouillons de la montagne, la belle et claire eau courante, trépidante, jasante, qui semble vous tenir compagnie.
POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1922, p. 123.
• 6. ... il y a de l'eau [au chenal] que j'aime à regarder passer, de l'eau qui vient de pays que j'ai déjà vus... de l'eau qui s'en va vers des pays que je verrai, un jour...
GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, p. 210.
— Au sing. à valeur collective. Vaste paysage d'eau, de prés et de bois (GREEN, Journal, 1941, p. 126).
— Au plur.
♦ [Avec l'idée de puissance, de majesté] Fleuve jaune qui roulait ses eaux lourdes entre deux rives basses (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 2). Les eaux magnifiques du Rhin (MAUROIS, Disraëli, 1927, p. 31).
Grandes eaux. Eaux abondantes, torrentueuses ou bruyantes. Un bruit d'orage, de grandes eaux (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1070). Cataracte soudaine des grandes eaux (GRACQ, Argol, 1938, p. 135).
♦ [Par calque du plur. hébraïque]
[P. réf. à Genèse, 1.2] Quand mon Esprit planait sur les eaux (PÉGUY, Porche Myst., 1911, p. 306).
[P. réf. à Genèse, 1.18] L'arche qui flotte à l'abri du naufrage Sur les eaux qui recouvrent la terre (CLAUDEL, Corona Benignitatis, 1915, p. 448).
[P. réf. à Matthieu, 14.26 et parallèles] Notre-Seigneur marche sur les eaux (MONTHERL., Filles, 1936, p. 1046).
— P. méton. Cours d'eau. Passer l'eau. On voit la division des eaux; la Maine noire de vase (...) la Loire jaune de sable (MICHELET, Journal, 1831, p. 98). Le village de Jouques, avec ses eaux courantes, ses prairies (BARRÈS, Cahiers, t. 3, 1904, p. 293).
♦ De l'autre côté de l'eau. Sur l'autre rive. Loger de l'autre côté de l'eau, dans le Quartier Latin (MURGER, Scènes vie jeun., 1851, p. 135).
— P. métaph.
♦ [Avec l'idée de transparence ou de vivacité] Une fille épatante. De l'eau pure! (MONTHERL., Filles, 1936 p. 1060). Elsa mon eau vive (ARAGON, Rom : inach., 1956, p. 244).
♦ [Avec l'idée de qqc. de fugitif, d'insaisissable] :
• 7. La vie n'est pas ce que tu crois. C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-la. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu'on grignote, assis au soleil.
ANOUILH, Antigone, 1946, p. 190.
— Loc. fig.
♦ [Le suj. désigne une chose] Être clair comme de l'eau de roche. Être parfaitement clair. La machination est claire comme de l'eau de roche (VIALAR, Hallali, 1953, p. 185).
♦ [Avec un suj. apparent] Il coulera, passera de l'eau sous les ponts... Il faudra du temps, il faudra longtemps (avec l'idée que la chose est difficilement réalisable). Il coulera beaucoup d'eau sous les ponts avant que je remette les pieds chez ce bonhomme-là (L. DE VILMORIN, Lettre ds taxi, 1958, p. 27).
♦ [Le suj. désigne une pers.] Amener, apporter, porter de l'eau au moulin de qqn. Lui procurer un avantage, lui fournir un argument supplémentaire. Vous portez de l'eau au moulin de l'ennemi. Vous êtes en train d'énoncer un de ses plus puissants arguments (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 167). Laisser couler l'eau. Laisser les choses suivre leur cours sans s'inquiéter de ce qui arrivera. Laissons couler l'eau, le temps. Ce qui doit se faire se fera (MICHELET, Journal, 1845, p. 625).
SYNT. Eau du fleuve, de la fontaine, du lac, du ruisseau, de source. Eau + adj. a) [qualifiant sa température] Eau bouillante, chaude, froide, glacée, tiède. b) [Qualifiant sa couleur ou sa limpidité] Eau bleue, boueuse, brillante, jaune, grasse, grise, limpide, noire, sale, sombre, transparente, trouble, verte. c) [Qualifiant son mouvement] Eau calme, croupie, dormante, immobile, morte, rapide, stagnante, tranquille. d) [Qualifiant sa saveur] Eau amère, saumâtre. Eaux fluviales, souterraines, superficielles, de ruissellement; bruit, clapotis, murmure, odeur de l'eau; filet, flaque, mare, nappe, niveau, point, voie d'eau; poule, rat d'eau; basses, hautes eaux; l'eau court, s'infiltre, jaillit, ruisselle, suinte; au bord, au fil, au fond, au ras, à la surface de l'eau; à fleur d'eau; au milieu, au sein des eaux.
d) Expr., loc. fig. et proverbes.
— Expr. À l'eau! Cri de menace contre quelqu'un qu'on veut jeter à l'eau. Démission! À l'eau! Enlevez-le (BILLY, Introïbo, 1939, p. 114). Un coup d'épée dans l'eau.
— Loc. verbales
♦ [Le suj. désigne une chose] Être de l'eau claire. Être sans valeur, insignifiant. Mr Thiers polit son livre à ce qu'il dit. Ce sera, si j'en crois ceux qui en ont lu quelque chose de l'eau de roche pour la clarté des démonstrations, mais je crains que ce ne soit de l'eau claire (MÉRIMÉE, Lettres Ctesse de Boigne, 1870, p. 42). Être, tomber à/dans l'eau. Ne pas aboutir, rater. Tous nos rêves sont à l'eau (ZOLA, Fécondité, 1899, p. 125). Que je me mette à lui en vouloir, et tout sera à l'eau (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 249). Revenir sur l'eau. Être à nouveau d'actualité, revenir à la mode (cf. Ac. 1835-1932).
♦ [Le suj. désigne une pers.] Battre l'eau (avec un bâton). Se donner beaucoup de mal sans espoir raisonnable de succès (cf. Ac. 1798-1932 et FRANCE 1907). Se jeter à l'eau. Prendre soudainement une décision importante et risquée. Le Roi devenant (...) d'âge à se marier, il fut décidé qu'il se jetterait à l'eau (AUDIBERTI, Mal court, 1947, II, p. 158). Être, nager en grande/pleine eau. Être dans l'abondance (cf. Ac. 1798-1932); le sens propre, nager en eau courante, est vieilli (cf. MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 316). Porter de l'eau à la mer, à la rivière. ,,Porter des choses en un lieu où il y en a déjà une grande abondance`` C'est porter de l'eau à la mer, à la rivière, que de donner à une personne très riche (Ac. 1798-1932). Revenir sur l'eau. Reparaître sans qu'on s'y attende; recouvrer son crédit, sa fortune. Synon. fam. refaire surface. Wazemmes était revenu sur l'eau (ROMAINS, Hommes bonne vol., Verdun, 1938, p. 179). Ne pas trouver de l'eau à/dans la mer, la rivière. Être assez malhabile pour ne pas se procurer les choses les plus faciles à trouver. Pauvre garçon, tu ne trouverais pas de l'eau dans la mer (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 400). Être, rester, tenir le bec dans l'eau; être (heureux) comme un poisson dans l'eau; nager entre deux eaux; pêcher en eau trouble; se noyer dans un verre d'eau.
— Proverbes. Il n'est pire eau que l'eau qui dort (V. dormir). Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse.
B.— [L'eau dans la vie soc.]
1. [L'eau envisagée dans son aménagement et sa distribution]
a) [Dans un but utilitaire] Prise d'eau pour irrigation (...) pratiquée dans un cours d'eau navigable (CHARDON, Trav. publ., 1904, p. 138). Eau apprivoisée qui coule des robinets (SARTRE, Nausée, 1938, p. 199) :
• 8. — Avant que l'eau courante soit installée aux Sables, nous avions un réservoir sur le toit. On y montait l'eau à l'aide d'une pompe à main, afin d'alimenter les salles de bain.
SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, p. 186.
— Au plur., ADMIN. Ensemble des eaux domaniales (cours d'eau, étangs, etc.) géré par l'administration des Eaux et Forêts. L'administration des Eaux et Forêts qui a pour fonction traditionnelle la protection et le développement du patrimoine (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 373).
— Loc. fig., pop. Il y a de l'eau dans le gaz. Il y a quelque chose d'anormal, qui cloche (cf. Ch.-L. CARABELLI, [Lang. pop.]).
SYNT. Eau sous pression, de citerne; adduction, circulation, distribution d'eau; alimentation en eau; puiser l'eau; porteur d'eau; eau et gaz, et électricité.
b) [Dans un but d'agrément] Jet, pièce d'eau. Fontaines où l'eau monte sans cesse, par des conduits cachés, pour en redescendre en nappes fraîches et pures (SOULIÉ, Mém. diable, t. 1, 1837, p. 147).
— Au plur. [Avec une idée d'abondance et de majesté] Grandes eaux de Versailles. Les grandes eaux jouaient aux fontaines (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 260).
2. [L'eau envisagée dans ses différents usages]
a) [Usages domestiques]
— [L'eau comme boisson] Bonheur extraordinaire en été d'un verre d'eau fraîche (ARAGON, Rom. inach., 1956, p. 96) :
• 9. Un Espagnol apprécie les différents goûts de l'eau, comme un Français du vin. Il vous parlera d'une fontaine comme d'un cru, il vous vantera l'eau de certaines villes, et dans ces villes, de certains puits.
T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1963, p. 77.
♦ [P. allus. à l'Évangile, Matthieu, 10.42] Le verre d'eau du pauvre (BALZAC, Lys, 1836, p. 76).
♦ Loc. verbales. Être, jeûner au pain (sec) et à l'eau. Faire de l'eau (dans le domaine de la mar.). Se ravitailler en eau potable. Faire de l'eau et du bois (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 15). Mettre de l'eau dans son vin (au fig.). Modérer ses exigences ou ses ambitions, en rabattre. Les gens du parti ultra (...) mettent ce qu'on appelle de l'eau dans leur vin (DELÉCLUZE, Journal, 1825, p. 86). Croyez cela et buvez de l'eau (fam.). N'ayez pas la naïveté de croire cela.
SYNT. Eau plate, potable, rougie (= mêlée d'un peu de vin rouge), sucrée; eau blanche ,,eau dans laquelle on a jeté du son pour la faire boire aux chevaux`` (Ac. 1798-1932); broc, carafe, cruche, seau d'eau; pot à eau; l'eau désaltère, rafraîchit.
— [Usages culinaires] Porridge et riz à l'eau (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 891).
♦ Eau de veau, de poulet (vieilli). Bouillon léger, de veau ou de poulet. Pour toute nourriture que de l'eau de veau ou de poulet infiniment légère (GEOFFROY, Méd. pratique, 1800, p. 42).
♦ Eau de riz, d'orge. Eau dans laquelle on a fait bouillir du riz, de l'orge. Lait de vache coupé d'eau d'orge (GEOFFROY, Méd. pratique, 1800 p. 540). Eau panée. ,,Eau dans laquelle on a fait tremper du pain grillé`` (Ac. 1798-1932).
♦ Eau(x) grasse(s). Eau(x) ayant servi à cuire des aliments ou à laver la vaisselle (synon. eau de vaisselle); p. ext. déchets alimentaires servant à nourrir les porcs (cf. VILLEMIN 1975). Des épluchures et des eaux grasses (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 269). Jeter l'eau grasse sur les plants de tomates (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 203).
♦ Loc. fig. Ce fruit, ce ragoût ne sent que l'eau. ,,Il ne sent rien, il est insipide`` (Ac. 1798-1932). S'en aller en eau de boudin. C'est de l'eau de vaisselle. [En parlant d'un mauvais café, d'un mauvais bouillon] C'est fade, insipide. Synon. pop. c'est du jus de chaussette.
— [Usages hygiéniques] Eau de savon, savonneuse; rincer dans l'eau. Me tremper dans une eau très chaude, dans un bain (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 57). V. ablution, ex. 1, 3, 4, 10 :
• 10. Deux jeunes garçons présentent aux visiteurs une serviette et deux bassins d'argent, dont l'un est rempli d'eau claire et dont l'autre recevra, à mesure, l'eau usagée.
FARAL, La Vie quotidienne au temps de St Louis, 1942, p. 36.
♦ Laver à grande eau. Laver en faisant couler l'eau avec abondance. [Mme Loisel] lavait à grande eau les planchers (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Parure, 1884, p. 461).
♦ Eaux de toilette. Eaux ayant servi à la toilette; p. ext. ces eaux mêlées au contenu d'un vase de nuit. Synon. eaux usées. Vider les eaux de toilette (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 311).
— [Usages thérapeutiques]
♦ [Il s'agit d'une eau quelconque] Poser des sinapismes, des compresses d'eau froide (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 50).
♦ [Il s'agit d'une eau minérale ou thermale] Eau gazeuse, de Seltz. Eaux minérales que je bois pour mon foie, pour mon estomac (GONCOURT, Journal, 1895, p. 845) :
• 11. J'ai été à six heures à la fontaine; j'ai bu deux verres d'eau chaude dont le goût sulfureux est ensuite amer et salin; cette eau m'a pesé sur l'estomac et a légèrement excité les intestins. Après avoir promené avec M. Gueyraud à Bellevue, j'ai été prendre un bain de santé moins chaud que celui de la veille à Frascati.
MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 200.
Au plur. Prendre les eaux; ville d'eaux. [M. Hédouin] alla faire une saison aux eaux de Vichy (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 166).
b) [Usages religieux] Eau baptismale, bénite, lustrale. Eau sainte propre aux consécrations et purifications des fidèles (NERVAL, Filles feu, Isis, 1854, p. 652). Lourdes et ses eaux miraculeuses (GONCOURT, Journal, 1886, p. 536).
— Au fig. Eau bénite.
c) [Usages industr. ou techn.] Eau de chaux, de gâchage; eaux résiduaires; radiateur, refroidissement à eau; chute d'eau; moulin à eau.
II.— P. anal.
A.— [Anal. de consistance] Liquide ayant quelque ressemblance avec l'eau.
1. Domaine de la nature
a) Sécrétion liquide du corps de l'homme ou des animaux (larmes, salive, sérosités, sueur, urine). J'ai lavé cette tache avec l'eau de mes yeux! (LAMART., Chute, 1838, p. 877). Moi qui n'en ai jamais bu, il paraît que j'ai des litres d'eau dans le ventre (ANOUILH, Répét., 1950, II, p. 55).
— Au plur.
♦ MÉD. Liquide amniotique qui entoure le fœtus. Eaux fœtales, poche des eaux. La matrice, après l'écoulement des eaux, se contracte plus fortement (BAUDELOCQUE, Accouch., 1812, p. 346).
♦ ART VÉTÉR. Eaux aux jambes. ,,Affection pustuleuse avec infiltration du tissu conjonctif des membres inférieurs [du cheval]`` (Teissier, Tanon ds Nouv. Traité Méd., fasc. 2, 1928, p. 335).
— Loc. verbales
♦ [Le suj. désigne une pers.] Être (tout) en eau. Être en sueur, transpirer. Synon. être en nage. Une petite bonne femme tout en eau, qui souffle (COLETTE, Music-hall, 1913, p. 152). Lâcher (de) l'eau (pop.). Uriner. Le soldat lâchait l'eau paisiblement contre la muraille (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 15). Suer sang et eau.
♦ [Le suj. désigne un aliment] Mettre, faire venir l'eau à la bouche. Faire saliver. Tu nous vantes tes fondues (...) tu ne cesses de nous en faire venir l'eau à la bouche (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 178). Au fig. Exciter l'envie ou la curiosité. Des manuscrits qui vous feraient venir l'eau à la bouche (MÉRIMÉE, Lettres Delessert, 1870, p. 92).
b) Suc ou jus de certains fruits ou légumes. Ces pêches, ces melons ont beaucoup d'eau (LITTRÉ).
2. Domaine de l'industr.
a) Liquide obtenu par distillation, décoction ou infusion, généralement à base de plantes ou de fleurs et destiné à la consommation courante comme boisson, produit hygiénique ou thérapeutique. Eau de Cologne, de lavande, de toilette; eau ferrée, rouillée. De l'eau de rose pour me laver la bouche (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 113). Une bouteille d'eau-de-millepertuis, bonne pour les coupures (GONCOURT, Journal, 1858, p. 535). Les beaux s'aspergeaient la tête d'eau de fleur d'oranger (MORAND, Londres, 1933, p. 119). Un sorbet d'eau de rose rafraîchi à la neige de l'Hermon (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 244). Un peu d'eau de fleurs d'oranger, quelques gouttes (...) ça fait dormir (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 30).
— Au fig. À l'eau (de) rose. Mièvre, sans consistance. Artistes à l'eau rose (STENDHAL, Journal, 1813-18, p. 233). Leurs phrases précieuses et leurs sentiments à l'eau de rose (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 66).
b) Liquide résultant d'une préparation chimique, destiné à un usage industriel ou domestique. Un mélange d'eau et d'eau de Javel (ROMAINS, Hommes bonne vol., Le 6 octobre, 1932, p. 96). De l'eau oxygénée et des compresses (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 251).
SYNT. Eau ammoniacale, blanche. ,,Mélange d'eau et d'extrait de saturne`` (Ac. 1932). Eau carminative, régale, seconde, sédative.
— CHIM. Eau lourde. Corps composé dans lequel l'hydrogène de l'eau est remplacé par du deutérium, de formule chimique D2O. L'eau lourde est extrêmement difficile à séparer de l'eau ordinaire (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 28).
B.— [Anal. de propriétés] Limpidité, transparence des diamants, perles ou pierres précieuses. Une rivière à pendeloques, d'une eau admirable (ZOLA, Curée, 1872, p. 336).
— P. ext. Des yeux d'une eau profonde et douce (L. DAUDET, Salons et journaux, 1917, p. 16).
— Au fig., par antiphrase. Des piétistes de la plus belle eau (RENAN, Hist. du peuple d'Israël, t. 5, 1892, p. 63).
Rem. On rencontre ds qq. dict. eaux-vannes, subst. fém. plur. Partie liquide des fosses d'aisances et des bassins de vidange. Attesté ds LITTRÉ, s.v. vanne1, Nouv. Lar. ill. Suppl. 1907, ROB. et Lar. Lang. fr.
Prononc. et Orth. :[o]. Ds Ac. depuis 1694. ROUSS.-LACL. 1927 évoque une prononc. ,,provinciale`` []. Homon. au, aux, haut, os (plur.). Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 egua « liquide inodore et transparent » (Alexis, éd. Chr. Storey, 267 : L'egua li getent, si moilent sun liçon); ca 1100 ewe (Chanson de Roland, éd. J. Bédier, 1831 : Li val parfunt et les ewes curant); 2. 1185 eaue « sécrétion liquide du corps humain » (H. DE DAMMARTIN, Foulque de Candie, 147 ds T.-L. : Si que l'eaue du cuer li est as yex montee); 1490 [éd.] eau (Amant rendu Cordelier, éd. A. de Montaiglon, 1296); 3. 1575 « liquide qui n'a pas la composition de l'eau pure » (v. eau-forte); p. ext. 1611 « sérosité qui environne le fœtus pendant la gestation » (COTGR.); au plur. 1694 (Ac.); 4. 1611 « transparence, pureté des pierres précieuses » (COTGR.); iron. 1874 de la plus belle eau (Gaz. des Trib., 20 nov., p. 1116, 1re col. ds LITTRÉ). Du lat. class. aqua; pour l'évolution phonét., v. FOUCHÉ, p. 264, 338, 644. Fréq. abs. littér. : 27 732. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 34 175, b) 46 091; XXe s. : a) 45 652, b) 36 625. Bbg. ANDRIEU (J.). L'Eau, la terre, l'air... (Thèse Univ. 1957). — BERNELLE (A.). Les Quatre éléments : l'eau. Vie Lang. 1959, pp. 2-9; Les Triplets d'« aquarius ». Vie Lang. 1965, pp. 636-639. — COUTURE (B.). Les Réseaux d'eau : éléments de vocab. Meta. 1970, t. 15, p. 174. — GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — GOUGENHEIM (G.). Lang. pop. et lang. savante en anc. fr. Paris, 1947, pp. 89-114. — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 407. — MILLEPIERRES (F.). Promenade philol. parmi les arbres. Vie Lang. 1969, pp. 122-133. — QUEM. Fichier. — ROG. 1965, passim. — SAIN. Sources t. 2 1972 [1925] p. 122 (s.v. éveux). — TILANDER (G.). Comment expliquer la voyelle intercalée a de l'eau? In :[Mél. Henry (A.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1970, t. 8, pp. 313-314. — TOURNEMILLE (J.). Au Jardin des loc. fr. Vie Lang. 1955, pp. 242-243. — Un nom anc. de l'eau qui court. Vie Lang. 1953, p. 424. — WATSON (H.). Fire and water...Fr. R. 1972, t. 45, pp. 971-979.
eau [o] n. f.
ÉTYM. 1490; egua, v. 1050; ewe, v. 1150; eaue, 1185; du lat. aqua.
❖
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I (1050). Liquide incolore, inodore, transparent et insipide lorsqu'il est pur, que l'on trouve (mêlé à d'autres éléments) en abondance dans la nature. ⇒ Flotte (pop.), onde (poét.), et préf. hydr-.
A (L'eau, les eaux).
1 Cet élément dans la nature. || Composition chimique de l'eau pure : deux atomes d'hydrogène et un atome d'oxygène; formule chimique : H2O (→ ci-dessous, D.). || L'eau était considérée par les anciens comme un élément. || Le feu et l'eau. — ☑ Loc. fig., vx. Être comme l'eau et le feu, en opposition totale. — L'eau éteint le feu. || Analyse de l'eau. || L'eau gèle, se congèle à 0 °C, bout à 100 °C. || Abaisser le point de congélation de l'eau (⇒ Antigel). || Vapeur d'eau. || Condensation de la vapeur d'eau. || Goutte d'eau. || Eau naturelle. || Eau crue. || Eau pure, eau distillée, rendue pure par distillation. || Corps contenant de l'eau (⇒ Aqueux, hydraté), corps sans eau (⇒ Anhydre).
1 L'eau naturelle n'est jamais absolument pure car, indépendamment des composés isotopiques (…) elle renferme à l'état dissous de nombreux gaz et sels minéraux. Une eau très pure s'obtient au laboratoire par distillation (…)
Henri Jarlan, l'Eau, p. 65.
1.1 — (…) je crois que l'eau sera un jour employée comme combustible, que l'hydrogène et l'oxygène, qui la constituent, utilisés isolément ou simultanément, fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisables et d'une intensité que la houille ne saurait avoir.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. II, p. 459.
♦ Eau claire, limpide, transparente. — ☑ Fig. Clair comme de l'eau de roche : très clair. || Eau boueuse, bourbeuse, vaseuse, trouble. || Troubler l'eau. || Eau croupie. || Eau froide, chaude, tiède, bouillante. || Eau douce, eau des rivières, des lacs (opposé à eau salée, eau de mer). || Eau saumâtre. || Eau calcaire, eau dure; dureté de l'eau. || Adoucir l'eau. — Qualité d'eau. || Goutte d'eau. || Flaque d'eau.
2 Le bruit, l'éclat de l'eau, sa blancheur transparente,
D'un voile de cristal alors peu différente.
La Fontaine, Psyché, I.
REM. Le mot eau, désignant en général une substance et non une quantité de cette substance (c'est un terme « non comptable »), est le plus souvent précédé de l'article défini (l'eau), ou de l'article indéfini, lorsqu'il est accompagné d'une qualification (une eau trouble, une eau qui court; → cit. 3 ci-dessous). Une eau, pour « une quantité d'eau », n'est pas normal en français. En revanche, le plur. des eaux, comme les eaux, prenant une valeur générale, se rencontre dans des emplois particuliers.
3 Tu es une eau informe qui coule selon la pente qu'on lui offre, un poisson sans mémoire et sans réflexion qui tant qu'il vivra dans son aquarium se heurtera cent fois par jour contre le vitrage qu'il continuera à prendre pour de l'eau.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. II, p. 101.
♦ Corps perméable, imperméable à l'eau. || Étanchéité d'un corps qui ne laisse pas pénétrer l'eau (⇒ Étanche). || Prendre l'eau : se laisser pénétrer par l'eau. || S'imbiber, se gonfler d'eau. || Enlever l'eau : diminuer la quantité d'eau contenue dans une substance (⇒ Déshydrater, dessécher, sécher).
♦ (Emplois et contextes particuliers). a L'eau atmosphérique (⇒ Humidité, hygrométrie…). || L'eau du ciel. || Eau de pluie. ⇒ Pluie. || La terre a besoin d'eau, manque d'eau. — Trombe d'eau. || Un déluge d'eau. || L'eau ruisselle sur le toit. || Les chéneaux, les gouttières recueillent l'eau du toit (⇒ Barbacane, chantepleure, chéneau, gouttière).
4 L'eau ruisselait doucement sur le brisis du toit, et par intervalles, des bouffées de vent se faufilaient en mugissant sous les tuiles du grenier.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 53.
♦ Les grandes eaux, une pluie abondante (→ Amour, cit. 21).
♦ Fam. Pluie. ⇒ Flotte. || Il est tombé de l'eau, il va tomber de l'eau. ⇒ Pleuvoir. — Vieilli. || Le temps est à l'eau, à la pluie. — Littér. || Les eaux (de la pluie). ⇒ Averse (cit. 3).
5 (…) une de ces pluies humides qui (…) couvrent bientôt les habits d'une mousse d'eau glacée et pénétrante.
Maupassant, Contes, Toine, « l'Armoire » (→ Pluie, cit. 3).
b (L'eau, les eaux, à la surface de la Terre et dans l'écorce terrestre). ⇒ Hydrographie. || Eaux courantes. || Eau de source, de roche. || Eau de fusion des neiges, des glaciers. || Eaux de ruissellement, eaux sauvages. || Eaux d'infiltration (→ Aven, cit. 1). || Eaux souterraines. || Nappe d'eau souterraine. || Affleurement, émergence, résurgence des eaux souterraines. ⇒ Puits, source. — (Didact.). || Eaux de surface. — Eau qui sourd, suinte, coule, ruisselle, bouillonne, jaillit… ⇒ Couler. || Eaux chaudes jaillissantes des geysers. || Bruit, clapotement, clapotis, gazouillis, murmure de l'eau, des eaux. || Action des eaux courantes sur le relief de l'écorce terrestre. ⇒ Érosion, ravinement; caverne, gouffre, grotte. || Dépôts amenés par les eaux. ⇒ Dépôt; alluvion, limon, vase. || Drainer l'eau, les eaux d'un sol.
♦ L'eau, les eaux de la mer, de l'océan, d'une rivière, d'un fleuve (→ ci-dessous II., L'eau, absolt). || L'eau des lacs. || L'eau salée des mers. || L'eau de ce lac est froide, glacée. || L'eau tiède de l'océan Indien. || L'eau, les eaux dormantes d'un lac tranquille, d'un étang. || Eau stagnante des marais. || Eau croupissante (→ Croupir, cit. 4) d'une mare. — Naviguer, voguer sur les eaux bleues de la Méditerranée. — REM. Le plur., en l'absence de toute qualification, semble archaïque sauf dans certains syntagmes; le sens du mot, dans la cit. 6, est « eaux courantes ».
6 Nous allons sans cesse au tombeau, ainsi que des eaux qui se perdent sans retour.
Bossuet, Oraison funèbre de la duchesse d'Orléans.
7 Ne sachant pas encore que tout s'oublie et se perd au cours rapide des heures, que toutes nos actions coulent comme l'eau des fleuves entre des rivages sans mémoire (…)
France, Histoire comique, VIII, p. 113.
♦ Eau de mer. — Didact. || Eau océanique : eau de mer participant à la circulation des océans et où les influences continentales sont indiscernables.
♦ ☑ Loc. Eaux vives : eau naturelle qui s'écoule rapidement (ruisseaux, rivières) et n'est pas souillée. — Spécialt (et techn.). || Vive-eau : grande marée.
♦ Eaux stagnantes, des marais, marécages… || Eaux stagnantes du Bas-Mississippi (⇒ Bayou). || La flore, la faune des eaux stagnantes. || Oiseaux des eaux stagnantes.
7.1 La pouilleuse auberge était au centre d'une immense lande déserte, aux marécages féroces, qui ne rendaient jamais la proie de leurs boues fétides, où la jungle grise des ajoncs était peuplée par toute la gent madrée et maléfique des eaux stagnantes : courlis qui crient à la mort et poignardent les ombres de leurs becs de cauchemar, foulques mécaniques, bécassines criardes, jaquets téméraires, sarcelles tourmentées, canards siffleurs ivres de pourriture, tadornes guetteurs, macreuses brutales, chevaliers mélancoliques, grèbes mystérieux, butors lamentables, pluviers pleurards, poules d'eau malodorantes et vilainement griffues, vanneaux souples et râles boueux.
Jean Ray, les Derniers Contes de Canterbury, p. 131.
♦ Eau morte, eaux mortes : eaux qui ne s'écoulent pas. — Spécialt et techn. || Morte-eau : marée faible. || Être en morte-eau, à l'époque des marées les plus faibles.
♦ L'eau qui entoure un navire. || La pression de l'eau sur la coque d'un sous-marin. || Navire qui embarque de l'eau (→ Couler, cit. 21). — Loc. || Faire eau : avoir de l'eau qui pénètre anormalement dans le navire. ☑ Faire eau de toutes parts : (au fig.) risquer de sombrer. — Voie d'eau : fissure, trou, etc. qui permet à l'eau d'entrer. || Aveugler une voie d'eau.
c Seulement au plur. || Les eaux : les masses d'eau qui séjournent. || La faune, les oiseaux des eaux. ⇒ Aquicole; aquatique (→ ci-dessus, cit. 7.1).
♦ L'ensemble des eaux qui circulent, ruissellent ou se déplacent (cours d'eau, lacs et mers). ⇒ Courant. || Dégradations causées par les eaux courantes : affouillements, dégravoiements. — REM. Dégâts des eaux, en terme d'assurance, inclut les eaux canalisées artificiellement (→ ci-dessous). || La montée; le retrait, (vx) la retraite des eaux. || L'inondation a duré trois jours, puis les eaux se sont retirées. ⇒ Décrue, reflux. || Remous, tourbillons, tournoiement des eaux en cuve. || Défense contre les eaux. || Digue pour maintenir les eaux.
♦ Loc. (anciennt). || Les Eaux et Forêts. ⇒ Forêt.
d … d'eau (dans des syntagmes). || Cours d'eau. ⇒ Cours; fleuve, rivière, torrent. || Longueur, débit, régime d'un cours d'eau.
♦ Chute d'eau. ⇒ Cascade, cataracte, chute.
♦ Voie d'eau : toute étendue allongée d'eau naturelle (cours d'eau, rivière, etc.) ou artificielle (canal, etc.) sur laquelle on peut naviguer dans les terres. || Pièces d'eau. ⇒ Bassin; piscine.
♦ Jet d'eau. || Berceau (II., 1.) d'eau.
e ☑ Loc. (formées avec l'eau dans les mêmes contextes). Il faut laisser couler l'eau, il faut laisser aller les choses, ne pas s'en soucier inutilement. — ☑ D'ici là il passera bien de l'eau sous les ponts : il s'écoulera beaucoup de temps, il se passera bien des choses et celle dont on parle ne se produira peut-être pas.
7.2 On revient de loin ! poursuit l'autre en écartant les bras dans un geste d'impuissance ironique. C'est l'expression d'un communiste français, je crois (…) Depuis Tobrouk, il a coulé beaucoup d'eau sous les ponts.
Régis Debray, l'Indésirable, p. 150.
♦ ☑ Une goutte d'eau dans la mer : une chose d'une infime importance. — ☑ Aller à vau-l'eau. ⇒ Val. — ☑ Battre l'eau, battre l'eau avec un bâton : faire des efforts qui ne doivent servir à rien. — ☑ C'est un coup d'épée dans l'eau, une tentative inutile. — ☑ L'eau va à la rivière : l'argent va aux riches. — ☑ Il ne trouverait pas de l'eau à la rivière, se dit de quelqu'un qui se montre incapable de trouver les choses les plus faciles à trouver. — ☑ Porter de l'eau à la rivière : apporter quelque chose en un endroit où il abonde; faire quelque action parfaitement inutile. — ☑ Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. — ☑ Tenir quelqu'un le bec dans l'eau. || Être le bec dans l'eau. — ☑ Fam. Il y a de l'eau dans le gaz : quelque chose ne va plus, l'atmosphère est à la dispute. — ☑ Pêcher (cit. 12 et 13) en eau trouble : tirer avantage d'une situation troublée. — ☑ Tâter l'eau : s'informer prudemment.
8 L'eau qui dort : il s'y faisait, par instants, un remous de pensées indéchiffrables.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 107.
8.1 Oui, mais l'antithèse se présente : elle est tout de même femme, ça doit la travailler et puis il n'y a pas pire eau que l'eau qui dort.
Yanny Hureaux, la Prof, p. 256.
f (L'eau). || Rôle de l'eau dans la nature (→ ci-dessus), dans la constitution des organismes vivants. — Sc. || Eau de constitution, de circulation, de réserve.
9 L'eau est la condition première indispensable à toute manifestation vitale, comme à toutes manifestations des phénomènes physicochimiques.
Claude Bernard, Introd. à l'étude de la médecine expérimentale, II, II, p. 170.
2 Ce liquide, utilisé par l'homme. || Usages domestiques, hygiéniques, thérapeutiques de l'eau. || Usages, utilisation de l'eau.
10 L'eau se trouve être la richesse économique par excellence; elle est, pour les hommes, plus richesse que la houille ou que l'or.
Jean Brunhes, la Géographie humaine, t. I, p. 68.
11 L'eau porte vingt noms. Pendant que le pharmacien la déguise sous l'appellation scientifico-commerciale de protoxyde d'hydrogène, l'ironie populaire l'affuble de sobriquets caustiques, de sirop de grenouille à Château-la-Pompe.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, I, II, VIII, p. 77.
♦ Déviance sexuelle dans laquelle le plaisir est lié à la vue, au contact de l'eau. ⇒ Ondinisme.
a Ce liquide en tant que boisson. || Boire de l'eau. → fam. Château-la-pompe, flotte, sirop de grenouille. || Eau de boisson (didact.); eau potable (cour.). || Buveur d'eau. || Un verre d'eau. || Une bouteille, une carafe, une cruche d'eau. || Eau rougie : eau additionnée de vin. || Mettre un puni au pain et à l'eau. — Eau sucrée, additionnée de sucre. || Eau gazeuse, gazéifiée; (fam.) de l'eau qui pique. || Eau plate : eau non gazeuse.
♦ ☑ Loc. Vivre d'amour et d'eau fraîche. — ☑ Loc. fam. Compte là-dessus et bois de l'eau fraîche.
♦ ☑ Une tempête dans un verre d'eau. — ☑ Se noyer dans un verre (un bol) d'eau : être incapable de résoudre le moindre problème; être déconcerté par la moindre difficulté.
♦ ☑ Mettre de l'eau dans son vin : couper, baptiser le vin; (fig.) réduire ses exigences, atténuer ses prétentions. — REM. L'exemple ci-dessous joue sur l'expression vin de messe :
12 (…) elle avait bien changé, Mme Rezeau (…) Elle avait mis beaucoup d'eau dans son vin de messe et je gage que le divorce des vicaires d'avec l'ordre établi, la soutane, le bas latin, les indulgences, le maigre et la sainte pudibonderie n'avait point raffermi sa foi.
Hervé Bazin, Cri de la chouette, p. 184.
♦ (En parlant d'un navire). || Faire de l'eau : s'approvisionner en eau potable (⇒ régional Aiguer; aussi aiguade).
b Ce liquide dans la préparation des aliments. || Eau de cuisson. || Cuire des légumes à l'eau. || Faire bouillir de l'eau. || Bassine d'eau. || Eau de riz, d'orge, de poulet…, où on a fait cuire du riz, de l'orge, du poulet… (→ aussi ci-dessous, IV.). || Sauce étendue d'eau.
♦ Laver, nettoyer, rincer à l'eau. || Lavage à grande eau (→ 2. Pompe, cit. 2). || Eau de vaisselle, qui a servi à laver la vaisselle (⇒ Rinçure). — ☑ Fig. et fam. C'est de l'eau de vaisselle, se dit d'un bouillon, d'une infusion, etc. insipide. — Eau de boudin. ☑ Loc. S'en aller en eau de boudin (⇒ Boudin). — Eau de lessive.
♦ Au plur. || Eaux ménagères. || Eaux grasses.
c Ce liquide servant aux ablutions, à la toilette. || Se laver à l'eau froide, à l'eau chaude. || Se laver à grande eau, en faisant couler l'eau abondamment. || Eau froide et chaude d'une douche écossaise. || Se passer les mains à l'eau. || Se tremper dans l'eau. || S'arroser, s'asperger d'eau. || Usage thérapeutique (externe) de l'eau. ⇒ Hydrothérapie. — ☑ Loc. Eau de bidet.
13 L'eau sert sans doute aux besoins de la cuisine, après quoi il n'en reste plus pour la propreté. Elle vient d'un maigre marigot, qui sort d'un marécage à plus de deux cents mètres du village, puis se perd dans une fondrière.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 807.
14 Il était après tout normal que dans un pays où l'eau froide coulait chaude on n'eût pas jugé utile de dépenser de l'argent pour installer un second circuit.
Claude Simon, le Palace, 10/18, p. 134.
♦ (Syntagmes). || Pot à eau. || Chasse d'eau.
♦ (Dans des usages symboliques, liés à l'idée de purification). || Eau lustrale : eau servant à des purifications (chez les Anciens, on y avait éteint le tison d'un bûcher sacrificiel). — Liturg. cathol. || Eau baptismale (→ Aspersion, cit. 4; baptême, cit. 4). || Eau bénite. — ☑ Loc. fig. (vx). Eau bénite de cour : fausse promesse.
d Anc., dr. pénal. || Épreuve de l'eau, dans les ordalies. || Torture, question par l'eau, dans laquelle on force le patient à ingérer de très grandes quantités d'eau.
3 Ce liquide dans l'économie humaine, en tant que matière collectée, dirigée, distribuée, pour les usages domestiques et industriels, ou encore pour régler sa présence sur le sol, dans l'agriculture.
a Aménagement et distribution de l'eau dans les terres. ⇒ Hydraulique. || Droit de conduire l'eau à travers les terrains d'autrui. ⇒ Aiguage. || Travaux agricoles destinés à remédier à la pénurie (⇒ Arrosage, irrigation) ou à l'excès d'eau (⇒ Assèchement, drainage). || Chercher, trouver de l'eau. || Amener l'eau (⇒ Amenée). || Pomper, puiser, tirer de l'eau au puits, à la source. — Point d'eau : lieu où l'on trouve de l'eau (dans une région sèche).
15 Il s'agissait de faire un long crochet sur les territoires des cercles de Boghar, Djelfa et Bou-Saada pour déterminer les points d'eau.
Maupassant, Au soleil, « Le Zar'ez », p. 113.
♦ Ce liquide, source d'énergie. ⇒ Houille (blanche); hydrodynamique, hydroélectrique. — Loc. || Moulin à eau. — ☑ (Fig.). Faire venir (de) l'eau au moulin de quelqu'un.
♦ Ce liquide, tel qu'il est recueilli, traité, conduit, distribué dans les habitations, dans l'économie moderne. || Captage, distribution de l'eau. ⇒ Aqueduc, barrage, bassin, canal, canalisation, citerne, colonne, conduite, dérivation, fontaine, 2. pompe, réservoir, robinet, vanne.
b Eau courante : l'eau amenée et distribuée par robinets à l'intérieur des logements; le système qui permet cette distribution. || Un vieil appartement sans eau courante. || Eau courante à tous les étages, formule employée à l'époque où le « confort moderne » (eau, gaz, électricité) était en cours d'institution. — Il y a l'eau sur le palier : l'eau courante. — Robinet d'eau chaude, d'eau froide. || Il faut couper l'eau pour réparer les robinets de la baignoire, du lavabo, de l'évier. — L'eau du robinet, qui coule du robinet; (spécialt) eau potable venant de la distribution par conduites, par oppos. à l'eau mise en bouteilles (→ ci-dessous B.). — En appos. || Bloc- (I., 4., b) eau.
c (Dans des syntagmes). || … d'eau. || Château d'eau. — Conduite d'eau. || Prise d'eau. — … à eau. || Compteur à eau. — Par métonymie. || Relever l'eau, les compteurs à eau.
d L'eau : quantité d'eau consommée et facturée. || Facture d'eau. || Je viens de payer l'eau et le gaz.
e (Au plur.). || Les eaux. || Traitement des eaux. ⇒ Aération, clarification, distillation, épuration, filtrage, javellisation, stérilisation, verdunisation. || Écoulement des eaux. ⇒ Collecteur, descente, déversoir, égout, évier, fosse, rigole, tuyau. || Eaux résiduaires. || Eaux usées. || Évacuation des eaux usées. ⇒ Assainissement, 1. — Eaux industrielles. || Eaux vannes. ⇒ Eaux-vannes.
16 À Paris, l'adduction des eaux, les réservoirs d'alimentation étaient sous la garde de l'armée.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 76.
♦ Aménagement des eaux pour l'élevage du poisson. ⇒ Aquiculture, pisciculture; aquarium, vivier.
♦ Absolt. Les eaux distribuées. — La Compagnie des Eaux.
f L'eau dans les processus techniques. || Moteur refroidi par l'eau, à l'eau. || Vérifier l'eau, le niveau de l'eau (de la batterie, du radiateur).
♦ … à eau : qui s'effectue ou fonctionne par une circulation d'eau. || Refroidissement à eau. || Radiateur à eau. — Horloge à eau. — Bombardier à eau (→ Canadair).
♦ … à l'eau, en utilisant de l'eau (quand on peut utiliser un autre liquide). || Nettoyer, passer qqch. à l'eau, à l'eau bouillante (⇒ Ébouillanter, échauder). || Passer les laines à l'eau (⇒ Ébrouer). — Peinture à l'eau (opposé à à l'huile). ⇒ Peinture; aquarelle, gouache.
B (Une, des eaux; l'eau de…). Ce liquide, considéré dans sa composition particulière, tel qu'on peut le trouver dans la nature. || Composition (cit. 3) d'une eau. || Eau de source. || Cette eau est arsenicale. || Les sels minéraux d'une eau. || Eaux alcalines, calciques, chlorurées, sodiques. || Eaux ferrugineuses, magnésiennes, sulfureuses. || Eaux radioactives. — Eau dure, contenant des sels de calcium.
♦ Eau thermale : eau minérale chaude naturelle (→ ci-dessous III., Les eaux).
♦ (1865). || Eau minérale : (sc.) toute eau contenant des sels minéraux en proportion notable ou intéressante (pour un usage thérapeutique, notamment); (cour.) une telle eau, mise en bouteille et vendue pour la consommation. || Il ne boit que de l'eau minérale. || Une eau minérale; des eaux minérales très différentes, salées. || Eau minérale plate, gazeuse. || Une bouteille d'eau minérale.
♦ Ellipt. || Voulez-vous de l'eau plate, ou gazeuse, avec votre whisky ? || Non, je préfère de l'eau du robinet (→ ci-dessous IV., A., Eau de Seltz).
♦ Eau de… (suivi du nom d'origine). || Eau de Vichy.
♦ Par métonymie. || Une eau : une bouteille d'eau minérale. || Vous me mettrez douze bières et autant d'eaux.
C (Chim. nucl.). || Eau lourde : composé dans lequel l'hydrogène de l'eau est remplacé par du deutérium (D2O), hydrogène lourd de masse at. 2, ou du tritium. || Usine d'eau lourde. || De l'eau lourde. — (Dans des contextes sc. ou techn.). || Eau légère, eau ordinaire (par oppos. à eau lourde). || « La première centrale française à eau légère de grande puissance » (le Monde, 23 févr. 1977, p. 19).
D Sc. L'eau, le corps chimique H2O indépendamment de son état. || Eau liquide (l'eau, au sens courant), solide (⇒ Glace), gazeuse (⇒ Vapeur : vapeur d'eau).
16.1 Il me semblait à la fin de ne plus apercevoir que tous les états de l'eau, — l'eau neige, — l'eau glace, — l'eau vive, — l'eau flaque mirant l'eau nuée, — l'eau vapeur dont les volutes libérées se détordent, se disloquent, s'attardent et se dissipent après nous.
Valéry, Variété II, p. 24.
———
II (L'eau; d'eau).
1 Masse indéterminée de ce liquide, notamment dans la nature (rivière, fleuve, lac, étang, mer, océan…).
a La surface, le fond de l'eau. || Quelle est la profondeur de l'eau, ici ? || Marcher au bord de l'eau, près de l'eau. — Spécialt (vieilli, régional ou fam.). || Passer, traverser l'eau, la mer, un lac ou une rivière. || Traverser l'eau par un bac. || De l'autre côté de l'eau.
16.2 Se peut-il rien de plus plaisant, qu'un homme ait droit de me tuer parce qu'il demeure au delà de l'eau, et que son prince a querelle contre le mien, quoique je n'en aie aucune avec lui ?
Pascal, Pensées, V, 294 (→ Assassin, cit. 7).
b (Précédé d'une préposition). || À l'eau. || Se mettre à l'eau (pour se baigner, etc.). ⇒ Mouiller (se). || Se jeter à l'eau, s'y mettre brusquement (en plongeant, etc.). — Par compar. || Il se décida comme on se jette à l'eau. — ☑ Fig. Se jeter à l'eau : prendre brusquement une décision difficile. ⇒ Lancer (se).
16.3 — « J'ai découvert… » commença Martial; et il s'arrêta, saisi de panique devant l'inanité de ce qu'il allait dire; puis il se décida, comme on se jette à l'eau : « J'ai découvert que je n'avais plus que vingt ans à vivre », lança-t-il d'un trait.
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 134.
♦ Fig. Se décider brusquement, se lancer (dans une entreprise, un travail risqué).
16.4 D'habitude, rien ne m'intimide moins qu'un micro. Mais cette fois, je parlerai et on me verra. J'enveloppe d'un regard méfiant les lampes, les écrans, les câbles. (…) C'est le moment de me jeter à l'eau.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 332.
16.5 Il a fallu que je me jette à l'eau, je m'y suis jetée. Je leur exposai, sans modération, le rôle de la chaleur, de la fatalité de la chaleur dans Sanctuaire.
Violette Leduc, la Folie en tête, p. 81.
16.6 Ça n'est pas agréable de sentir que les gens qui sont chez vous sont venus de force. Je sais bien qu'à sa place, pour être reçu comme ça, j'aurais préféré laisser tomber ce voyage-là dans l'eau.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 597.
♦ Tomber à l'eau (accidentellement). || Elle est tombée à l'eau et elle s'est noyée. — ☑ Fig. L'affaire est tombée à l'eau, a raté, n'a pas abouti. || Tout est à l'eau. — Flanquer, foutre, jeter qqn à l'eau.
♦ Mettre un navire à l'eau, le lancer.
♦ À l'eau !, menace à l'adresse de qqn que l'on veut jeter à l'eau (→ fam. Au jus !, au bouillon !).
♦ Dans l'eau. || Se plonger dans l'eau pour prendre un bain. || Entrer dans l'eau. || Se tremper dans l'eau. || Nager, barboter, flotter dans l'eau.
REM. Avec certains verbes, dans l'eau et à l'eau sont également possibles; dans l'eau est moins fréquent et plus marqué : se mettre, se jeter, tomber dans l'eau.
♦ Spécialt (même valeur que sous l'eau). || Il y a quelque chose dans l'eau. Fig. || Tomber dans l'eau.
♦ Sur l'eau. || Flotter sur l'eau. || Maman, les p'tits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes ?, chanson enfantine. || Reparaître, revenir sur l'eau : refaire surface. — ☑ Loc. fig. Revenir sur l'eau.
2 Spécialt. Étendue, volume d'eau naturelle d'une certaine importance considéré comme un milieu. || Animal, plante qui croît, vit dans l'eau, au bord de l'eau. ⇒ Aquatique (et les dér. du lat. aqua « eau »). || Science qui étudie les organismes vivant dans l'eau. ⇒ Hydrobiologie. || Poissons de mer et poissons d'eau douce (⇒ Dulçaquicole). — Un poisson dans l'eau, hors de l'eau.
♦ … d'eau : qui vit habituellement dans l'eau, près de l'eau. ⇒ Aquicole. || Buffle d'eau. || Rat d'eau. || Poule d'eau. || Gibier d'eau. — Plantes d'eau. || Chanvre d'eau. ⇒ Eupatoire. || Châtaigne d'eau. ⇒ 1. Macle.
16.7 Il y a terriblement d'années, je m'en allais chasser le gibier d'eau dans les marais de l'Ouest.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le rideau cramoisi ».
3 (L'eau). Niveau auquel monte la surface d'une masse d'eau (naturelle ou artificielle). || L'eau montait lentement, la surface de l'eau. || Avoir de l'eau jusqu'à la ceinture, à mi-corps, jusqu'au cou (→ ci-dessus II., 1., b avec la même valeur Entrer dans l'eau jusqu'à…).
———
III (Emplois exclusivement au pluriel). || Les eaux.
1 (1790; de eau thermale, → ci-dessus I., B.). Vieilli. || Les eaux de (suivi d'un nom de lieu) : l'ensemble des installations thermales et touristiques qui constitue une ville d'eaux. || Préférer les eaux de Plombières à celles de Vichy. || Aller aux eaux, prendre les eaux : faire une cure thermale (⇒ Thermalisme; crénothérapie). || Malades qui se soignent en prenant les eaux à la buvette (⇒ Baigneur, buveur, curiste).
16.8 Les eaux étaient fort gaies cette année-là; il y avait grand concours de gens riches, souvent de très beaux bals (…)
Stendhal, Mina de Vanghel, Pl., t. II, p. 1149.
16.9 Quelques Russes et une famille de Lyonnais vinrent prendre les eaux à son établissement.
France, Jocaste, XIV, p. 133.
16.10 L'année suivante Jean dut accompagner sa mère à des eaux situées dans une vallée qu'enferment de hautes montagnes.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 136.
➪ tableau Noms de remèdes.
2 (Emplois spéciaux et locutions). a Hautes eaux, basses eaux : niveau élevé, niveau bas de l'eau d'une étendue naturelle de ce liquide (mer, ⇒ Marée; cours d'eau, ⇒ Crue, étiage). || Les hautes eaux d'une inondation.
♦ ☑ Loc. fig. Entre deux eaux : dans une situation intermédiaire, et notamment, en évitant de prendre parti. — ☑ Nager entre deux eaux : éviter de se décider, de se compromettre et manœuvrer entre deux partis.
c Grandes eaux : jets d'eau et cascades d'agrément jaillissant et coulant à plein débit. || Les grandes eaux du château de Versailles, du palais du Trocadéro, à Paris. — Par plais. Larmes abondantes.
16.11 (…) Il y en a peu qui pleurent; quelques-unes tout de même, accrochées au cou de leur homme. Les soldats plaisantent : « Alors, c'est les grandes eaux ! »
S. de Beauvoir, la Force de l'âge, p. 444.
d Mar. || Les eaux d'un navire, la trace qu'il laisse derrière lui. ⇒ Sillage. — ☑ Fig. Naviguer, être dans les eaux de quelqu'un, le suivre, être de son parti, partager ses opinions.
e Eaux territoriales : zone de mer qui s'étend des côtes d'un pays jusqu'à une ligne considérée comme la frontière maritime de ce pays. || Naviguer dans les eaux françaises, anglaises…
———
IV (Qualifié par un adj. ou un compl. de nom). Liquide contenant de l'eau, traitée par adjonction d'un ou plusieurs produits; solution aqueuse; préparation distillée ou infusée.
A Solution aqueuse. a Pour la boisson. (1771; à l'origine, nom d'une eau minérale naturelle dite eau de Selse; de Selters, localité allemande). || Eau de Seltz : eau chargée de gaz carbonique (angl. soda) sous pression au moyen d'un appareil dit seltzogène. ⇒ Gazogène (1., vx). || Siphon d'eau de Seltz. || Eau tonique (anglic.). ⇒ Tonique (I., 3.).
b (Pour des usages thérapeutiques). || Eau oxygénée (cit. 1). || Eau oxygénée à 10 volumes (1 litre contient 15,2 g de peroxyde d'hydrogène H2 O2). — Eau sédative. — Vx. || Eau blanche : solution d'acétate de plomb, employée comme émollient. — Vx. || Eau d'arquebusade (ou d'arquebuse [2., a]). || Eau boriquée, chlorée, phéniquée. || Eau chloroformée : solution de chloroforme.
c (Pour des usages variés : entretien, nettoyage). || Eau de javel : solution de chlore (⇒ Hypochlorite) utilisée pour le nettoyage (syn. pop. : de la javel). — Vx. || Eau de chlore : solution aqueuse de chlore. — Vx. || Eau de cuivre : solution d'acide oxalique. — Eau de chaux : solution aqueuse d'hydroxyde de calcium. — Vx. || Eau de goudron (trad. de tar water, notamment dans l'œuvre du philosophe Berkeley, Siris, 1743).
♦ (Avec des adj.) Vx. || Eau ardente : essence de térébenthine. — Eau céleste : solution (bleutée) d'ammoniaque et de sulfate de cuivre. — Eau régale : mélange d'acide chlorhydrique (35%) et d'acide azotique (65%) qui a la propriété de dissoudre l'or (1. Or, cit. 9) et le platine. — Eau seconde : solution aqueuse d'acide azotique, employée comme décapant. — Eau forte. ⇒ Eau-forte.
♦ (1546). Vx. || Eau blanche : eau additionnée de son utilisée pour soigner les chevaux. Vx. || Eau athénienne. — Vx. || Eau ferrée, ferrugineuse, contenant du fer oxydé (eau rouillée).
♦ Vx ou régional. || Eau d'ange (III., 1.) ou eau de myrte : eau distillée aromatique.
16.12 Vendredi récoltait des fleurs de myrte pour en faire de l'eau d'ange, lorsqu'il aperçut un point blanc à l'horizon, du côté du levant.
M. Tournier, Vendredi… p. 233.
♦ Eau de vie, eau de feu (vx) ⇒ Eau-de-vie.
B Eau de… (le compl. désigne la finalité, la substance caractéristique ou l'origine). Préparation à base d'alcool obtenue par distillation ou infusion de substances végétales. || Eau de senteur. || Eaux de toilette. ⇒ Lotion, parfum. || Eau de rose; eau de lavande. || Eau dentifrice. || Eau de mélisse. || Eau de fleurs d'oranger. || Eau d'arquebuse (2., b).
♦ (1761, in D. D. L.). || Eau de cologne, où entrent plusieurs essences (de bergamote, citron, néroli, girofle, etc.).
♦ ☑ Loc. fig. À l'eau de rose : sentimental, mièvre, fade, insipide. || Un roman à l'eau de rose.
16.13 Toute la littérature érotique qui a précédé ce petit livre se trouve d'un seul coup changée en eau de rose.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 135.
C Par anal. (dans des expr.).
1 (1185). Sécrétion liquide du corps humain. a Sueur. || Être (tout) en eau. ⇒ Sueur. ☑ Suer sang et eau.
17 Je suis en eau : prenons un peu d'haleine (…)
Molière, l'École des femmes, II, 2.
18 C'était un long sentier tout pavé de braise rouge. Je chancelais comme si j'avais bu; à chaque pas, je trébuchais; j'étais tout en eau, chaque poil de mon corps avait sa goutte de sueur, et je haletais de soif (…)
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Le curé de Cucugnan. »
b Salive. ☑ Mettre, avoir l'eau, faire venir l'eau à la bouche : exciter l'envie. ⇒ Salive. || J'en ai l'eau à la bouche.
18.1 Il est vrai que cette horreur était un peu tempérée par les convoitises d'une sensualité très éveillée, et par tous les récits qui faisaient venir l'eau à la bouche des gourmands de la ville, quand on parlait devant eux des dîners du vieux M. de Mesnilgrand.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « À un dîner d'athées. »
18.2 Ces beaux après-midi hivernaux de maladie (employés à la lecture), je les avais passés si souvent à cheval, en prison, dans des auberges où chaque plat me mettait l'eau à la bouche, que je péchais en essayant de l'ignorer.
Jacques Laurent, les Bêtises, p. 151.
e Larmes, pleurs. || Se fondre en eau. ⇒ Larme; pleurer. — ☑ Loc. littér. L'eau des yeux (Lamartine, in T. L. F.), des larmes (Claudel, Journal I, p. 578) : les larmes.
2 (1694). Au plur. (Les eaux). Liquide amniotique. || Poche des eaux. ⇒ Amnios. || La perte des eaux.
3 Suc (des fruits). || Pêche qui a trop d'eau. — En franç. d'Afrique. || Eau de coco : albumen liquide contenu dans la noix de coco. ⇒ Lait (de coco).
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V (1611). Fig., techn. Transparence, pureté (des pierres précieuses). || L'eau d'une pierre précieuse. ⇒ Limpidité. || Diamants de la première eau. || L'eau d'une perle : qualité qui réunit son orient et son lustre. — ☑ Loc. cour. Perles d'une belle eau. || Diamants de la plus belle eau.
18.3 À travers l'eau pure du diamant l'avenir s'étalait en effet, étincelant. On y entrait, un peu aveuglé, étourdi.
M. Duras, Un barrage contre le Pacifique, p. 126.
♦ Par métaphore :
19 Il plongea un instant son regard dans les beaux yeux, un peu trop grands, un peu trop ronds, mais d'une eau si pure (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 75.
♦ ☑ Loc. Un escroc, un imbécile de la plus belle eau : ce qu'on peut trouver de mieux en fait d'escroc, d'imbécile. — ☑ De la même eau : du même genre.
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Encyclopédie Universelle. 2012.