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LAIT
LAIT

Nourriture exclusive du nouveau-né, produit physiologique, le lait constitue l’aliment type. Tout un symbolisme lui est attaché: il est synonyme de nourriture terrestre comme de nourriture spirituelle.

Récolté systématiquement, le lait animal devint rapidement une production agricole majeure (peuples pasteurs). Lait de chèvre, de brebis, de bufflesse, de chamelle, de yack, de lama, de renne ou d’ânesse, tous les peuples éleveurs produisaient et consommaient du lait.

Le lait était malheureusement de production saisonnière et de conservation précaire. L’homme s’efforça de le transformer en aliments agréables et conservables. Ainsi naquirent fromages et beurres, fruits de la simple observation et de l’application ménagée de phénomènes spontanés (caillage, montée de la crème).

Mais on notait déjà que certaines maladies, communes à l’homme et aux animaux, pouvaient être véhiculées par le lait et les produits laitiers.

À la fin du XIXe siècle, les travaux de N. Appert et ceux de Pasteur apportèrent, en Europe, une solution directe à ces inconvénients. Le traitement thermique permettait une plus longue conservation du lait tout en assurant la destruction des germes pathogènes.

De nos jours, la production progresse en quantité et en qualité. La consommation de lait en nature se stabilise dans les pays à haut pouvoir d’achat.

La production mondiale après avoir été en augmentation dans les années quatre-vingt est en légère diminution: en 1992, elle était évaluée à 457,6 millions de tonnes de lait de vache, lequel représentait 88 p. 100 du lait produit. La production des dérivés augmente aussi régulièrement. La consommation de lait par habitant dépend des habitudes et du contexte socio-économique. En Europe occidentale, elle est de l’ordre de 325 litres d’équivalent lait par habitant et par an, sauf dans les régions méditerranéennes où elle est sensiblement plus basse (par exemple en Italie, 207 litres par habitant).

De nouvelles présentations, fruits d’une technologie très active, assurent des débouchés étendus pour des produits laitiers de longue conservation et de haute qualité nutritive et hygiénique (fromages, yaourts aromatisés ou fruités, laits gélifiés ou emprésurés aromatisés, crèmes glacées, etc.), de plus en plus appréciés.

Plusieurs applications industrielles ont connu un succès temporaire (galalithe), mais ont été supplantées par des produits de synthèse; d’autres sous-produits occupent aujourd’hui des marchés restreints.

Le lait et les produits laitiers demeurent une source alimentaire capitale. Cependant, il est possible qu’ils soient concurrencés par des «laits» artificiels d’origine végétale (lait de soja).

1. Le lait, produit de sécrétion

Le lait est sécrété par les glandes mammaires des femelles de Mammifères. Il est convenu de réserver le mot «lait», sans spécification, à la sécrétion lactée de la vache. Dans tous les autres cas, on le fait suivre de la désignation de l’espèce: lait humain, lait de brebis, lait de chèvre, etc.

Sécrétion

La mamelle est une glande richement vascularisée et innervée, dont le développement et le fonctionnement sont placés sous contrôle neuro-hormonal (cf. figure).

Lors de la maturation sexuelle, diverses hormones (folliculine ovarienne, progestérone du corps jaune, hormone mammogène hypophysaire) déterminent la croissance mammaire. La folliculine (et elle seule, dans certaines espèces), associée à la progestérone dans la plupart des espèces, la portent à maturité sécrétoire lors de la gestation. Lors de la parturition, la folliculine placentaire disparaît avec l’expulsion du placenta: la prolactine hypophysaire, qu’elle inhibait, déclenche alors la sécrétion. Le lait s’accumule dans les sinus galactophores, vastes réceptacles et réservoirs qui débouchent dans le trayon (mamelon chez la femme). Toute succion, tout attouchement du trayon détermine, par voie nerveuse, la libération d’ocytocine hypophysaire qui provoque l’excrétion. Cette action est de très courte durée (de 5 à 15 min). Le tarissement est progressif, par diminution du taux de la folliculine et de la progestérone ou par arrêt des stimuli du trayon.

Le lait est élaboré par les cellules glandulaires acineuses qui puisent les principaux constituants dans le sang et la lymphe. Schématiquement, deux mécanismes interviennent: filtration sélective (excrétion) de l’eau, des sels, des albumines et globulines; synthèse (sécrétion) du lactose, de la caséine, des matières grasses, de l’acide citrique. Le lait est donc composé de deux types d’éléments. Les premiers sont communs au sang et au lait: seules les proportions diffèrent. Les seconds sont propres au lait: synthétisés par la cellule mammaire, ils sont libérés par «éclatement» ou décapitation de celle-ci. La sécrétion lactée est holomérocrine. Le lait, malgré la synthèse de ses principaux constituants, est isotonique avec le sang.

Caractères physiques

Blanc mat ou opalescent, le lait a une odeur très faible, une saveur douceâtre, faiblement sucrée. Les laits de femme, de jument, d’ânesse, albumineux, sont plus visqueux que ceux des autres espèces. La densité du lait de vache varie de 1,028 à 1,034 (densité moyenne, 1,032). Il bout entre 100,15 0C et 100,17 0C et se congèle vers 漣 0,555 0C.

C’est un liquide de réaction légèrement acide chez la vache (pH 6,6 à 6,8), légèrement basique chez la femme (pH 7 à 7,5). L’acidité augmente avec le temps, par dégradation du lactose en acide lactique; on peut apprécier le degré de conservation d’un lait par la mesure de son acidité lactique, que l’on exprime le plus souvent en degrés Dornic (un degré Dornic ou 0D représente 0,1 g d’acide lactique par litre); un lait frais a une acidité de 18 0D.

Composition chimique

Les composants majeurs sont (tabl. 1): l’eau, les lipides ou matières grasses (M.G.), les protides ou matières azotées, les glucides ou sucres et les sels minéraux.

Les quatre derniers constituent l’extrait sec total (E.S.T.); les trois derniers, l’extrait sec dégraissé (E.S.D.). Dans les industries de transformation, on définit la «valeur» d’un lait d’après ces derniers facteurs.

Pondéralement moins importants, d’autres constituants ont un rôle biologique fondamental: ce sont des matières azotées non protéiques, des vitamines, des enzymes, des pigments et des gaz dissous.

La composition moyenne varie très sensiblement avec la race, l’individu, la saison, l’alimentation, plus encore avec l’espèce (tabl. 2): les laits sont riches en matériaux plastiques (protéines, sels minéraux) dans les espèces à croissance néo-natale rapide (renne, truie, lapine, carnivores); en matériaux énergétiques (matières grasses) chez les animaux marins ou vivant en climat froid (marsouin, renne); en lactose dans les espèces à développement cérébral important (femme, jument). Le lait le plus proche du lait humain est le lait d’ânesse. Les laits riches en caséine (vache, brebis, chèvre) ne coagulent pas à la chaleur (le lait «bout»), mais coagulent par acidification ou action enzymatique (fabrication des fromages). Les laits riches en albumine (femme, jument, carnivores) ne supportent pas la chaleur.

Constituants biologiques

Tout lait normal, au sortir de la glande mammaire, comporte des cellules et des microbes.

Les cellules (de 20 000 à 300 000 par ml) sont d’origine sanguine (leucocytes) et mammaire. Tout état pathologique modifie leur nombre et leur nature.

Les microbes (de 10 000 à 500 000 par ml) sont d’origine et de nature très variées. Certains sont endogènes, d’autres proviennent de l’environnement (contamination du lait par germes des poussières, fourrages, matériel de collecte ainsi que par ceux des animaux et même de l’homme). On rencontre des ferments lactiques, des bactéries saprophytes ou pathogènes, des levures et des moisissures. Le lait est un excellent milieu de culture: à température ambiante, les germes s’y multiplient très rapidement. Certaines espèces nuisent à une bonne conservation, mais sont utiles car elles conditionnent les transformations en yaourts, beurre ou fromages. D’autres sont essentiellement nuisibles, soit à cause de leur rôle dans la décomposition du lait, soit pour leur pouvoir pathogène.

État physico-chimique

Le lait est un mélange d’une très grande complexité. Le lactose, les sels minéraux et les albumines sont en solution vraie (non décelables au microscope), la caséine en dispersion colloïdale (visible au microscope électronique), les lipides sous forme de globules dont le diamètre varie avec l’espèce depuis 1,5 jusqu’à 10 micromètres (lait de vache: de 3 à 5 micromètres).

Le lait est un liquide instable. Les globules gras, de densité inférieure à celle de la suspension colloïdale, se rassemblent spontanément à la surface: c’est la montée de la crème. Par centrifugation, on sépare aisément la crème du lait. Le lactose est transformé en acide lactique par les enzymes de nombreuses bactéries, notamment les ferments lactiques.

La caséine est un complexe protéinique instable. À l’état natif, elle est combinée à des sels de calcium sous forme de phosphocaséinate acide de calcium. L’acidification libère le calcium; la caséine déminéralisée précipite en grumeaux: c’est la coagulation.

Diverses enzymes coagulent la caséine, sans acidification préalable. La présure , extraite de la caillette de veau, en est le type. L’enzyme sépare une fraction de la caséine (caséine K) qui jouait le rôle de colloïde protecteur: le reste de la caséine coagule, en présence de calcium, sous forme fortement minéralisée. En outre, la présure exerce une protéolyse lente et modérée.

Il existe donc deux modalités de coagulation. Par acidification (fermentation lactique), on obtient un caillot très pauvre en sels minéraux; par action enzymatique, un caillot riche en calcium et phosphore.

Ces instabilités sont mises à profit pour la préparation des produits laitiers: il en résulte des sous-produits variés (tabl. 3).

Il est important de noter que le lactose se trouve dans les sous-produits mais pas dans les produits nobles (crème, beurre, fromage).

2. Laits traités

L’instabilité du lait, la présence éventuelle de germes pathogènes, la nécessité économique de proposer au consommateur des produits nouveaux et appétissants ont conduit à la mise au point de nombreux procédés technologiques (tabl. 4). La plupart reposent sur l’emploi ménagé de la chaleur, du froid, de la dessiccation, de l’inhibition de la flore microbienne par additif chimique (sucre) ou action biologique (acidification par ferments lactiques sélectionnés).

Laits pasteurisés

La chaleur détruit les germes. Certains sont plus résistants que d’autres. On calcule avec précision la température et le temps de chauffage.

Les principales modalités de pasteurisation sont les suivantes:

– pasteurisation basse (L.T.L.T. = low temperature long time ): 63 0C pendant 30 minutes. Elle est pratiquement abandonnée;

– pasteurisation haute (H.T.S.T. = high temperature short time ): 75 0C pendant 15 secondes, 80-85 0C pendant 5 secondes.

Toutes les opérations s’effectuent à l’abri de l’air. Dès leur terme, le lait doit être rapidement réfrigéré.

La pasteurisation détruit tous les germes pathogènes et l’essentiel de la flore saprophyte. Elle modifie peu les caractères physico-chimiques, les caractères organoleptiques et la valeur nutritionnelle du lait.

Le lait pasteurisé est distribué en vrac (citernes-bidons) ou conditionné (bouteilles en verre ou matériau plastique; blocs «pavés» ou «berlingots» de carton paraffiné ou résinifié, aluminé ou non). Des normes bactériologiques très sévères ont été instaurées, et l’apposition d’une marque de salubrité est nécessaire lors du conditionnement; le numéro de l’établissement suivi du sigle C.E.E. est exigé si le produit doit être exporté. En France, le lait pasteurisé conditionné ne doit pas renfermer plus de trente mille germes banals et dix coliformes par millilitre au quatrième jour après son conditionnement.

La conservation du lait pasteurisé est limitée: la date de péremption est au maximum postérieure de sept jours à celle du conditionnement. Le lait pasteurisé doit être conservé au froid. Après ouverture du conditionnement, l’utilisation du reliquat doit être précédée d’une ébullition de quelques minutes.

La quasi-totalité des fabrications industrielles (crèmes, beurres, yaourts, fromages, etc.) sont préparées avec du lait pasteurisé.

Laits stérilisés

La stérilisation, par destruction des germes microbiens, des toxines et des enzymes, assure une qualité hygiénique parfaite et une longue conservation à l’abri de l’air, en récipients hermétiquement clos.

Elle est opérée sur le lait en vrac, ou après conditionnement en bouteilles. Dans les deux cas, le lait doit être préalablement homogénéisé.

L’homogénéisation vise à éviter la montée de la crème: par laminage ou passage sous forte pression sur un pointeau, on provoque l’éclatement des globules gras. Ils se résolvent en globules de plus faible diamètre incapables de déterminer des «bouchons» de crème.

Les opérations de préparation du lait stérilisé préalablement conditionné en bouteilles consistent, après homogénéisation, en préstérilisation de 130 à 140 0C pendant 3 à 4 secondes, embouteillage, suivis de la stérilisation proprement dite, dans un appareil à alimentation continue: une colonne de vapeur est entourée de deux colonnes d’eau qui en équilibrent la pression. Convoyées mécaniquement, les bouteilles sont préchauffées dans la première colonne d’eau, stérilisées à 115-120 0C pendant 15 à 20 minutes sous vapeur, puis progressivement refroidies dans la seconde colonne d’eau; ce procédé assure une qualité hygiénique parfaite et une longue conservation (150 j) à température ambiante; il modifie sensiblement les propriétés nutritionnelles (destruction des vitamines) et les caractères organoleptiques du lait.

La stérilisation en vrac est opérée soit directement dans des échangeurs de chaleur, soit indirectement par mélange du lait et de la vapeur surchauffée suivi d’une détente sous vide, par traitement thermique; elle applique le procédé à ultra haute température (U.H.T.): 140 à 150 0C pendant environ 1 à 2 secondes. Pour des raisons énergétiques, le traitement indirect est le plus fréquent, l’autre réclame une eau potable.

Le procédé U.H.T., perfectionné et très utilisé depuis 1977, permet de préparer des laits stérilisés en emballages appelés «briques» constitués de plusieurs couches successives: polyéthylène, carton, aluminium; les briques sont elles-mêmes regroupées par packs de 6 dans un film plastique, les packs placés sur des palettes et enveloppés sont mis dans un four de rétraction. Le produit est stérile, son stockage peut se faire à température ambiante. La brièveté du chauffage altère moins les constituants fragiles et les propriétés organoleptiques du lait. En outre, les industries peuvent utiliser un seul équipement pour réaliser soit des pasteurisations, soit des stérilisations.

Laits concentrés

Le lait concentré non sucré est pasteurisé à très haute température, puis concentré par ébullition sous vide partiel dans des évaporateurs ou vacuums. Homogénéisé, refroidi, il est distribué en boîtes métalliques serties (boîtes de conserves). La stérilisation est obtenue par autoclavage à 115 0C pendant 20 minutes. La conservation est théoriquement illimitée.

Le lait concentré sucré est, après pasteurisation à très haute température, additionné d’un sirop de sucre stérile à 70 p. 100 de saccharose. Le sucre inhibe la multiplication des micro-organismes: le traitement thermique peut donc être moins intense. Après concentration à 50 p. 100 environ, le lait est rapidement refroidi et réparti en boîtes ou tubes stériles.

Le lait concentré non sucré est stérile, de longue conservation. Dès l’ouverture de l’emballage, il doit être rapidement consommé. Le lait concentré sucré n’est pas stérile: c’est une semi-conserve, à conserver au froid et à consommer rapidement après l’ouverture du conditionnement.

Laits secs (laits en poudre ou granulés)

La dessiccation permet une longue conservation, les micro-organismes ne pouvant se multiplier en l’absence d’eau. Par réduction de poids et volume, elle facilite considérablement le stockage. On prépare des laits secs entiers, demi-écrémés ou écrémés. La même méthode est utilisée pour le lactosérum.

Il existe deux procédés industriels de dessiccation: par séchage en film sur cylindres chauffants ou par atomisation en atmosphère d’air surchauffé. Dans le procédé «Hatmaker» , le lait s’écoule sur deux cylindres chauffés par circulation interne de vapeur à 140-150 0C et tournant en sens inverse. Il forme une fine pellicule sèche qui est collectée, broyée et tamisée. Dans le procédé «Spray» , le lait est pulvérisé en brouillard sous haute pression au sommet d’une tour. À la base de celle-ci, l’air chaud à 150 0C est pulsé. Les gouttelettes sont instantanément desséchées: la poudre est recueillie à la base de la tour.

La qualité du lait «Hatmaker», du fait de l’insolubilisation des protéines, est très inférieure à celle du lait «Spray», dans lequel les propriétés physico-chimiques et organoleptiques sont peu modifiées. En outre, pour des motifs technologiques, la qualité bactériologique initiale doit être très bonne.

Les laits secs à dissolution instantanée sont soit des laits en poudre partiellement réhydratés et séchés à nouveau dans des chambres ou tubes à turbulence d’air, soit des laits en poudre préparés de telle sorte qu’il se produise une agrégation de particules.

Tous les laits secs doivent être conditionnés en récipients étanches à l’humidité.

Laits fermentés

Le type de laits fermentés le plus courant est le yaourt ou yoghourt, d’origine bulgare. Le koumis, originaire d’Asie centrale, le gioddu sarde, le képhyr ou kéfir du Caucase sont connus depuis très longtemps.

Seuls le yaourt et le kéfir sont largement consommés, le dernier en Europe orientale principalement.

Le yaourt est obtenu par légère concentration du lait (par addition de poudre de lait) plus ou moins écrémé, pasteurisé puis ensemencé avec un levain spécifique (en France: Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus ). Après répartition en pots, le lait subit un étuvage à 45-50 0C durant deux heures. Les yaourts sont finalement refroidis. Pour la fabrication de yaourts brassés, la coagulation est réalisée en cuves et le conditionnement est effectué ultérieurement. On peut les aromatiser ou les additionner de jus ou de pulpe de fruits. La fermentation est purement lactique.

Le kéfir est une boisson acidulée et légèrement mousseuse; la fermentation est mixte: lactique, alcoolique et gazeuse.

Le lait au «bifidus» représente une innovation, apprécié pour son onctuosité due à la présence d’alginates et ses qualités diététiques.

Laits emprésurés et gélifiés

D’apparition plus récente, les laits emprésurés et gélifiés connaissent un succès certain. Les premiers sont des boissons ou entremets rafraîchissants faits de lait aromatisé, partiellement coagulé par un léger emprésurage et stérilisé. Les seconds sont très voisins d’aspect: la consistance et la stabilité sont obtenues par addition de gélifiants extraits d’algues (alginates, carraghénates).

Laits spéciaux

De nombreux procédés très délicats permettent de préparer des laits réservés à des usages médicaux particuliers (laits délactosés, laits «maternisés», etc.) ou plus simplement à des régimes alimentaires (laits déchlorurés, laits écrémés, laits «acides», mélanges lait-babeurre, etc.). Leur emploi dans l’alimentation des nourrissons est de plus en plus répandu, mais chaque type de lait diététique répond, en fait, à des besoins particuliers, ce qui veut dire qu’on ne doit pas les utiliser sans prescription médicale.

3. Produits laitiers

Les crèmes

Obtenues par écrémage, les crèmes contiennent au moins 30 grammes de matière grasse pour 100 grammes, ou de 12 à 30 grammes pour les crèmes dites légères. Après séparation, les crèmes sont pasteurisées, voire stérilisées. Elles sont ensuite ensemencées avec des ferments lactiques particuliers qui en assurent la maturation (acidification avec épaississement).

Les crèmes glacées (glaces à la crème, ice-creams) et glaces aux œufs

On ne doit pas confondre ces produits avec les sorbets, dépourvus de produits laitiers. Elles sont préparées avec des laits ou des crèmes sucrées, parfumées avec des fruits ou arômes naturels, additionnées ou non d’œufs ou d’ovoproduits. Le mélange est pasteurisé, homogénéisé puis refroidi. Après maturation à l’abri de l’air, le glaçage est opéré à 漣 6 0C. Au cours de cette opération, la texture est obtenue par foisonnement (injection d’air filtré). La crème glacée est portée ensuite à très basse température (face=F0019 漣 25 0C à 漣 40 0C), et on l’enrobe éventuellement de chocolat fondu. La conservation est assurée à 漣 20 0C. La fabrication en est rigoureusement contrôlée.

Les beurres

Le beurre doit contenir plus de 82 p. 100 de matière grasse. On emploie la crème standardisée, désacidifiée par lavage puis pasteurisée et ensemencée avec des ferments lactiques sélectionnés (maturation).

L’opération principale est le barattage : par action mécanique, l’émulsion est inversée. La crème, émulsion de globules gras dans l’eau, est transformée en beurre, émulsion de gouttelettes d’eau dans la matière grasse. Le barattage est suivi d’un lavage à l’eau très pure (élimination du babeurre) et d’un malaxage (expulsion maximale de l’eau et homogénéisation). Le barattage fermier, discontinu, est maintenant remplacé par le barattage continu. La crème est transformée en beurre par agitation violente ou par refroidissement et léger travail mécanique après concentration ou bien encore par extraction de la matière grasse par centrifugation puis réémulsion. Le beurre est malaxé par passage dans une plaque perforée ou par laminage. L’empaquetage est immédiat et automatique.

Les fromages

Composés de la caséine, d’acide lactique, de sels minéraux, éventuellement de la matière grasse du lait, les fromages sont fabriqués à partir du lait, de la crème, de lait écrémé ou de leurs mélanges. On distingue des fromages fermentés (fermentation lactique) et non fermentés. Le lait est pasteurisé. La fabrication se déroule en trois étapes: caillage, égouttage, affinage.

Le caillage peut être:

– lactique, par ensemencement spontané ou par ferments lactiques sélectionnés (fromages frais);

– à la présure, par addition d’une quantité déterminée de présure (fromages à pâte ferme);

– mixte, par emprésurage suivi de fermentation lactique (fromages à pâte molle).

L’égouttage, spontané ou par action mécanique (brassage ou pressage) résulte d’une rétraction (synérèse) du caillé avec expulsion du lactosérum.

L’affinage, de durée variable (de quelques heures pour les fromages frais à plusieurs mois pour les pâtes fermes) est opéré dans des locaux spéciaux (hâloirs) à température, humidité et ventilation dirigées. Les diastases microbiennes dégradent les protéines et les matières grasses: leur action est permise et renforcée par l’ensemencement avec des moisissures de surface (camembert, brie) ou en profondeur (pâtes persillées, roquefort). La texture, le goût et l’arôme en dépendent.

On connaît plusieurs centaines de variétés de fromages (tabl. 5) dont certaines (françaises, suisses, hollandaises, italiennes) sont définies et protégées par une appellation d’origine contrôlée.

4. Sous-produits laitiers

Le lait écrémé est utilisé frais pour l’alimentation animale (porcs). Produit riche en protéines et sels minéraux, il est stocké en poudre pour l’alimentation humaine (de nombreux usages dans l’industrie alimentaire: pâtisserie, biscuiterie, fromagerie, charcuterie, etc.) ou l’alimentation animale.

La caséine est préparée industriellement à partir du lait écrémé par coagulation à la présure ou par des acides forts. On obtient un caillé particulier appelé «caillebotte». Les caséines sont utilisées pour la fabrication de la galalithe, de certains matériaux plastiques, du papier couché ou de textiles artificiels ainsi que dans différentes industries alimentaires.

Le babeurre , de composition proche de celle du lait écrémé, sert à l’alimentation diététique ou à l’alimentation animale.

Le lactosérum est utilisé, en nature ou en poudre, pour l’alimentation animale. On en extrait aussi du lactose, de l’acide lactique et de la riboflavine (vitamine B 2). Il entre également dans la composition de divers produits diététiques ou de régime.

5. Hygiène des produits laitiers

Les maladies transmissibles

Le lait peut être pollué par l’animal (excrétion de germes par la mamelle), par l’homme ou par l’environnement (milieu ambiant, poussières, matériel). Les principales affections véhiculées par le lait sont:

– mammites;

– des maladies à virus: hépatite infectieuse, fièvre aphteuse enrayée par la vaccination, pharyngites et angines fébriles (adénovirus), diarrhées estivales des nourrissons (entérovirus);

– des maladies à rickettsies: fièvre Q;

– des maladies bactériennes: brucellose (fièvre de Malte), tuberculose, staphylococcie entérotoxique, colibacillose, dysenterie bacillaire, salmonelloses, etc.

Les fromages fermentés posent des problèmes particuliers (listériose, entre autres).

Prophylaxie

La prophylaxie repose sur l’hygiène du cheptel et de la traite, l’emploi immédiat du froid dès la traite . La livraison du lait cru à la consommation n’est autorisée que sous contrôles rigoureux des animaux, du personnel, des locaux et du matériel. En outre, pasteurisation et stérilisation assurent la destruction de la flore pathogène.

La plupart des accidents observés chez les consommateurs ont pour origine une contamination a posteriori (récipients ouverts, souillure par une personne porteuse de germes). L’ébullition du lait avant consommation, la surveillance de l’hygiène générale et du personnel des ateliers de fabrication ou des cuisines sont des précautions absolument indispensables.

Compte tenu de ces précautions, et pourvu qu’on l’utilise correctement, le lait est désormais dépourvu de potentialités épidémiologiques. Il n’en est pas de même des fromages crus et surtout des crèmes, qui restent les véhicules habituels de certaines toxi-infections alimentaires.

lait [ lɛ ] n. m.
• v. 1155; lat. lactem, accus. pop. de lac, lactis
ILiquide blanc, opaque, très nutritif (riche en graisses émulsionnées), sécrété par les glandes mammaires des femelles des mammifères.
1Aliment naturel des jeunes mammifères; spécialt en parlant de l'espèce humaine, des nourrissons. Lait humain et lait des mammifères. Lait de femme ( lactarium) , lait maternel. Sécrétion, montée du lait chez la mère. lactation; prolactine. « À la montée du lait commence l'amour maternel » (A. Gide). Canaux excréteurs du lait. galactophore, lactifère. Premier lait d'une accouchée. colostrum. Femme qui nourrit un enfant de son lait. allaitement; allaiter; téter. Voilà déjà quelques mois qu'il n'est plus nourri au lait ( sevrer) . Lait maternisé. Lait de croissance. Dent de lait. Veau, cochon de lait, qui tètent encore. — Frères, sœurs de lait : enfants qui ont été nourris du lait de la même personne. — Loc. fam. Si on lui pressait le nez il en sortirait du lait, se dit par plaisanterie d'un enfant, d'un adolescent, qui prétend se comporter comme un adulte.
2Lait de quelques mammifères domestiques (notamment la vache), destiné à l'alimentation humaine. Lait de chèvre, de jument, de vache, d'ânesse, de chamelle. Le lait est le seul aliment complet naturel, contenant des glucides ( lactose) , des lipides (globules de graisse; crème ), des protéines ( caséine) , des matières minérales (sels, etc.), des enzymes et des vitamines. Commerce, industrie du lait. laiterie. Vache à lait : vache laitière. Fig. Une vache à lait. Récolter le lait. traire; traite. Lait bourru, cru. Récipients à lait (berthes, bidons, boilles, cannes). Pot, bouteille, berlingot, brique de lait. Pot à lait, au lait. Coopérative, établissement où l'on rassemble, où l'on traite le lait. fruitière, laiterie. Vente du lait, du beurre et du fromage. crémerie, crémier, 1. laitier. Un litre de lait. Lait écrémé, demi-écrémé. Lait entier. Battre le lait pour faire du beurre ( baratte) . Lait de beurre. babeurre. Liquide séreux du lait. lactosérum, petit-lait. Le lait caille, tourne. Lait caillé. caillé, képhir, yaourt. Lait fermenté. Lait gélifié. Aliment fabriqué avec la caséine du lait. fromage. Faire bouillir le lait pour le stériliser. Le lait bout, se sauve. Lait bouilli, stérilisé, pasteurisé; lait U. H. T.; lait longue conservation. Lait condensé, lait concentré (1874) , sucré, non sucré. Lait en poudre. Lait en boîte, en tube.
Boire du lait. Un peu de lait, un nuage de lait. Boisson au lait aromatisé. milk-shake . Café, chocolat au lait. Riz au lait. Boire du lait, du petit-lait. Soupe au lait.
3Par compar. Littér. Blanc comme le lait. lacté, lactescent, laiteux. Une peau, un teint de lait. laiteux. « Le printemps, doux comme le lait » (Jaloux). Fig. Le lait de la tendresse humaine (d'après Shakespeare).
II(XIIIe) Liquide ayant l'apparence du lait.
1Suc blanchâtre de certains végétaux ( laiteron, laitue). Lait des plantes à caoutchouc. latex. Lait de coco.
2Préparation d'apparence laiteuse. Lait d'amandes : émulsion d'amandes. Lait de poule : jaune d'œuf battu avec du lait et de l'eau chaude sucrée et aromatisée. — (1818) Lait de beauté, lait démaquillant.
Techn. Lait de chaux.
⊗ HOM. Lai, laid, laie, lais, laye, lei (2. leu), lez.

Lait synonyme de latex.

lait
n. m.
d1./d Liquide opaque, blanc, plus ou moins sucré, que sécrètent les glandes mammaires de la femme et des femelles des mammifères, et dont se nourrissent les bébés, les petits. Frères de lait.
|| Ce liquide, en tant qu'il est produit par les femelles des animaux domestiques et sert à l'alimentation humaine. Lait de vache, de chèvre, de chamelle.
Absol. Lait de vache. Acheter un litre de lait.
Lait concentré, dont on a diminué le volume par évaporation.
Lait en poudre: extrait sec de lait, se présentant sous forme de fins granulés à dissoudre dans de l'eau.
|| (Belgique, Luxembourg) Lait battu: babeurre.
d2./d Par anal. Liquide ayant l'aspect du lait. Lait démaquillant.
Lait de chaux: chaux éteinte délayée dans de l'eau.
Lait de coco.
Lait végétal: latex blanc sécrété par divers végétaux.

⇒LAIT, subst. masc.
I. — Liquide physiologique, blanc, opaque, légèrement sucré, de densité supérieure à celle de l'eau, sécrété par les glandes mammaires de la femme et des mammifères femelles.
A. — [La sécrétion se produit naturellement après la parturition]
1. [Lait considéré comme aliment naturel du nouveau-né, sécrété par les glandes mammaires de la femme] Lait maternel; gorge gonflée de lait; nourrir un enfant de son lait; avoir beaucoup, peu de lait. Achetez-moi ces numéros; c'est pour donner un morceau de pain à ma femme, à ma pauvre femme, qui n'a presque plus de lait pour son enfant (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 67). Une jeune mère (...) maigre et pâle, donnait le sein à un enfant malingre. L'enfant, qui ne trouvait plus de lait, criait, mais ses cris étaient faibles et les sanglots l'étouffaient (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 74). L'enfant sevré n'est pas ingrat s'il repousse le sein de sa mère. Ce n'est plus du lait qu'il lui faut (GIDE, Nouv. Nourr., 1935, p. 297) :
1. La mère, grande et droite comme la tige du sapin de ces montagnes, forte, puissante, et telle qu'on se figure la mère du genre humain, s'applaudissait d'avoir mis au jour douze enfants, de les avoir tous et longtemps abreuvés de son lait.
DUSAULX, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 177.
Lait colostral. Synon. colostrum. Il y a, en effet, beaucoup plus de protéines et de sels minéraux dans le lait des premiers jours, appelé lait colostral, et beaucoup moins de lipides et de lactose, que dans le lait du 30e jour, appelé lait parfait (Livre d'or pour une future maman, Paris, Éd. du Livre d'or, 1978, p. 25).
Croûte(s) de lait.
Tire-lait.
Fièvre de lait. Fièvre apparaissant chez la mère lors de la montée du lait. Il avait perdu en très bas âge son père et sa mère. Sa mère était morte d'une fièvre de lait mal soignée (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 106).
Fille, frère, sœur de lait. Enfant qu'une femme nourrit de son lait en même temps que son propre enfant. Cette maison, c'est celle qu'habitait ma nourrice (...) c'est celle où j'ai été élevée, avec une petite sœur de lait qui est morte (DUMAS père, L. Bernard, 1843, I, 2, p. 202) :
2. ... encore une, celle-là, qui lui devait une belle chandelle! Fille séduite dont l'enfant était mort, nourrice de Séverine qui venait de coûter la vie à sa mère, plus tard femme d'un chauffeur de la compagnie, elle vivait mal, à Paris, d'un peu de couture, son mari mangeant tout, lorsque la rencontre de sa fille de lait avait renoué les liens d'autrefois, en faisant d'elle aussi une protégée du président...
ZOLA, Bête hum., 1890, p. 12.
Dent(s), incisive(s), molaire(s) de lait. Première(s) dent(s) des enfants destinée(s) à tomber vers l'âge de six-sept ans. Le frêle petit crâne était fracassé comme une noix, c'était un enfant de huit ans, et quelques dents de lait tiennent encore à la mâchoire (CLAUDEL, Annonce, 1912, p. 18).
Loc. [En parlant d'un enfant, d'un adolescent qui prétend agir, se comporter en adulte] Si on lui pressait/serrait/tordait le nez, il en jaillirait/sortirait du lait. Un moutard (on lui presserait le nez, il en sortirait du lait) qui voudrait m'empêcher d'aller aux cabinets et de faire mes nécessités! (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 2e tabl., 2, p. 66). Chacun, sans malice, lui rabattait le caquet : « Si l'on te pressait le nez, il en sortirait du lait » (MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p. 77) :
3. Ce tas de morveux! ça se convoque sur la place du Panthéon! vertu de ma vie! des galopins qui étaient hier en nourrice! si on leur pressait le nez, il en sortirait du lait! où va-t-on? Il est clair qu'on va à l'abîme.
HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 828.
Var. « Sacrés jean-foutres de blancs-becs! », grogne le facteur, en promenant autour de lui un œil courroucé. « Le lait leur coule encore des narines, et ça voudrait déjà chambarder tout! » (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p. 1094).
Loc. proverbiale Le vin est le lait des vieillards. Le vin donne aux vieillards des forces, les soutient. Un quasi centenaire de mon pays, qui savoure chaque jour son petit verre d'Armagnac, a coutume de dire : c'est le lait des vieillards (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 51).
P. euphém. Lait noir. Boisson alcoolisée. Buvez du whisky, qui est un remède contre la morsure du serpent. C'est la consolation de ceux qui sont seuls et dont personne n'a souci. Buvez le lait noir! C'est un bon conseil que je vous donne! C'est bon! (CLAUDEL, Échange, 1894, III, p. 703).
2. [Lait considéré comme aliment naturel des jeunes animaux, sécrété par les glandes mammaires des femelles des mammifères] La Moune [une vieille chatte ] considère cela [ses deux chatons morts] sans s'émouvoir; le lait n'est pas monté : c'est le secret de son indifférence. À la montée du lait commence l'amour maternel (GIDE, Journal, 1912, p. 364) :
4. ... ils [les petits chiens et les petits chats] savent ramper entre ses jambes, pour aller chercher le mamelon; ils ne se trompent, ni sur sa forme, ni sur la nature du service qu'ils en attendent, ni sur les moyens d'en exprimer le lait.
CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 106.
Agneau, cochon, veau de lait. Jeune animal qui tète encore, ou qui est nourri exclusivement au lait. Longe de veau de lait aux champignons. M. de Courtin ajoute que « dans un cochon de lait, ce que les plus friands y trouvent de meilleur est la peau et les oreilles » (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 488). La petite fille, une main au cou d'un veau de lait attaché au râtelier, ignorant s'il tétait encore ou non, lui offrait de l'autre une poignée d'herbe (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 173).
Dent(s), molaire(s) de lait. Première(s) dent(s) des jeunes animaux :
5. Dans l'éléphant des Indes, les défenses de lait tombent le douzième ou le treizième mois; celles qui leur succèdent croissent toute la vie. Les molaires de lait paroissent huit ou dix jours après la naissance.
CUVIER, Anat. comp., t. 3, 1805, p. 136.
3. Au fig. Première nourriture spirituelle. Une meilleure philosophie mettra toutes ces vérités sous les sens, et elle en fera à la fois le lait de l'enfance et le pain des forts (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 182). Jacques apportait le plus efficace des cordiaux : une bouffée toute chaude de cet air de France, l'atmosphère de la famille, de l'enfance, lait nourricier qui réconforte l'homme dans l'épreuve (VOGÜÉ, Mort, 1899, p. 255).
Loc. Sucer avec le lait une philosophie, une doctrine, une opinion, etc...; boire, sucer le lait d'une philosophie , d'une doctrine, etc... La recevoir dès la plus tendre enfance. Vous avez sucé dans vos lycées le lait de la révolution, et vos idées politiques peuvent s'en ressentir (BALZAC, Lys, 1836, p. 103). Son fils aîné, ainsi que son second fils, l'abbé de Lamartine, élevés l'un et l'autre dans les doctrines du dix-huitième siècle, avaient sucé, dès leur enfance, le lait de cette philosophie qui promettait au monde un ordre nouveau (LAMART., Confid., 1849, p. 35) :
6. En lui, l'homme civilisé se révoltait, la force acquise de l'éducation, le lent et indestructible échafaudage des idées transmises. On ne devait pas tuer, il avait sucé cela avec le lait des générations...
ZOLA, Bête hum., 1890, p. 205.
B. — [La sécrétion est obtenue de manière continue et indépendamment de la parturition]
1. Produit de la sécrétion mammaire de certains mammifères domestiques, obtenu par une ou plusieurs traites et qui est destiné à la consommation humaine. Le renne moussivore offre au lapon, dans ses quatre mamelles, un lait plus épais que celui de la vache (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 73). La Perrine tira un gros verre de sa poche, appela une des biquettes. C'était bon, ce lait qui moussait (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 103) :
7. ... on n'avait pas d'autre lait que celui de la chèvre, pour le déjeuner du matin. — Les premiers jours, on le trouve un peu fort, affirmait-elle, mais après on s'y habitue bien : c'est du lait...
BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 40.
Lait de + subst. [Le subst. indique de quel mammifère provient le lait] Lait de bufflonne, de chamelle, de louve. Avez-vous bu du lait de martre zibeline?... Ah! buvez du lait de martre zibeline... C'est tellement ravissant! (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 207). J'ai vu en Amérique du sud des lépreux boire du lait de vache, d'ânesse, de jument, de chèvre, de brebis et même de vigogne sans en ressentir aucun effet contraire (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 227).
En partic. [Lait destiné à un autre usage que l'alimentation] L'arme sérieuse et presque unique de la femme est sa beauté, et (...) cette arme demande à être soigneusement entretenue, [la coquette] demanda un bain de lait (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 167). La foule était invitée à voir préparer le lait pour le bain. Cent ânesses se laissaient traire (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 614).
P. métaph. C'est parce que c'est leur petit bain de lait l'idée d'un grand artiste miné par la misère et que sa grandeur seule rend inapte (...) à gagner six mille malheureux sous (VILLIERS DE L'I.-A., Corresp., 1888, p. 237).
2. a) [Gén. en emploi abs. car la dénomination lait est réservée exclusivement au lait de vache] Produit de la sécrétion mammaire de la vache laitière destiné à la consommation humaine. Au point du jour, les paysans qui descendaient leur lait et leurs denrées à la ville, aperçurent, en traversant le pont de pierre, un cadavre de jeune femme (BOREL, Champavert, 1833, p. 154). Un bruissement lointain de liquide, une odeur de roussi fade et vaguement sucrée, de lait bouillant débordant sur le feu (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 290). Tout ce qui se fait avec le lait : beurre, crème, petit-lait, lait caillé, fromages frais et fromages durs (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 169) :
8. ... les deux Malivoire, mère et fille, à genoux sous le ventre de la vache, tirent par un vif mouvement des mains sur le pis gonflé, qui jette, à chaque pression, un mince fil de lait dans le seau. La mousse un peu jaune monte aux abords et les femmes vont de bête en bête jusqu'au bout de la longue file.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Aveu, 1884, p. 159.
SYNT. Lait aigre, aigri, crémeux, frais, fumant, impur, mousseux, pur; bol, bouteille, cruche, jatte, litre, pot, tasse, verre de lait; conservation, consommation, contrôle, coupage, production, ramassage, stérilisation du lait; écume, crème du lait; battre le lait; boire, faire bouillir, faire tourner, frelater, tirer, verser du lait; lait qui se sauve; régime du lait; cure de lait; chat qui lape du lait; aller acheter son lait.
Au lait. Additionné de lait, ou cuit avec du lait. Chocolat, petit pain, potage, purée au lait; tremper un croissant dans un café au lait. Cottard essaya, pour calmer l'agitation de sa malade, le régime lacté. Mais les perpétuelles soupes au lait ne firent pas d'effet parce que ma grand'mère y mettait beaucoup de sel (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 298). Il y a dans tous les coins des bassines de riz. Il paraît que c'est du riz au lait (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 854) :
9. ... les ouvriers ne manquent jamais, lors de la sortie d'une nouvelle tablette-régal ou d'un goûter-au-lait d'une forme moderne, de venir offrir à ces demoiselles les fleurs vigoureuses de la montagne...
ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 9.
Expr. fig.
S'emporter, monter comme une soupe au lait. Se laisser aller à de brusques mouvements de colère. C'est que je ne l'ai pas laissé parler; je me suis emporté comme une soupe au lait, et je suis parti (THEURIET, Mar. Gérard, 1875, p. 216). Son seul défaut c'était sa pétulance. Il montait... montait, ainsi qu'une soupe au lait, alors qu'il s'apercevait que des religieux n'observaient pas la règle (HUYSMANS, Oblat, t. 1, 1903, p. 64).
Monter en soupe au lait (rare). La colère de Grande montait en soupe au lait et ne durait guère. Du reste, Gaspard ne le laissa pas la remettre sur le feu (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 84).
Au fig. Soupe au lait. Personne qui s'emporte rapidement. Quelle mouche a piqué ce... ce... A-t-on idée d'un tel emportement? Une soupe au lait. Une vraie soupe au lait. Car enfin... enfin, oui, c'est stupide, c'est ridicule... (ARLAND, Ordre, 1929, p. 391). « Soupe au lait », sa vengeance se dégrade facilement en injure, qui reste sans lendemain (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 293).
Vache à lait. Vache laitière. Au fig. Personne, chose que l'on exploite. Les Français sont-ils aujourd'hui plus heureux et plus libres qu'ils ne l'étaient avec moi? Payent-ils moins d'impôts. Quelle vache à lait que cette France! (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 228). Ne lâchons pas l'enfant. Voilà que cette mauviette va devenir une vache à lait (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 248).
Pot au lait. [P. allus. à la fable de La Fontaine : La laitière et le pot au lait] Mais j'avoue que je regrette les milles francs que j'aurais pu gagner. Mon petit pot au lait est brisé. Je voulais renouveler le mobilier de Croisset; bernique! (FLAUB., Corresp., 1874, p. 128) :
10. ... après une première superbe et semblant annoncer cent représentations, après un chorus laudatif de toute la critique et tous les rêves qu'on avait le droit de faire, maigre recette de deux mille et quelques cents francs... C'est le pot au lait de Perrette, qui se casse dans le ménage!
GONCOURT, Journal, 1860, p. 778.
Petit lait. Synon. lactosérum (s.v. lact(i)-, lact(o)-). V. crémoir ex. de ZOLA, Terre, 1887, p. 439 :
11. Je suis parti de bonne heure, à l'heure solaire toutefois, pour assister à l'arrivée du lait, voir le ventre de l'usine engloutir le flot blanc et d'organe en organe le séparer en ruisselets de crème et de petit lait, le rafraîchir, le mûrir, le muer à la fin en beurre, mottes fermes et onctueuses...
PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 213.
Au fig. Boire du (petit) lait :
12. On était comme une terre éclairée, chauffée du soleil, arrosée des bonnes pluies tièdes de printemps, des bonnes pluies tièdes d'automne. (...) On était dans la joie, tu comprends. On pleurait de joie. Tu en aurais pris pour ton grade. On pleurait de joie. On se rendait. On pleurait de grâce. Tout le monde. On buvait ce lait. On se ravitaillait, on se rassassiait, on se baignait dans cette grâce.
PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 144.
Boire le lait des paroles de qqn. Boire les paroles de quelqu'un. Heureux ceux qui buvaient le lait de vos paroles (PÉGUY, Myst. charité, 1910p. 47).
Bouillir du lait à qqn.
Avaler qqc. comme du lait doux. Écouter avec délectation des louanges, des compliments; entendre avec indifférence des choses désagréables. Un bel esprit ridicule. Lui ai dit les choses les plus fortes, qu'il a avalées comme du lait doux (BARB. D'AUREV., Memor. 2, 1839, p. 234).
[P. allus. à la Bible, Nombres 13, 27] Israël au milieu de ses champs dévastés et de ses citernes sèches ronge le cuir de ses sandales et continue dans une terre promise, jadis coulant de lait et de miel, mais dont aujourd'hui la mer morte constitue la principale curiosité, son épouvantable hivernage (CLAUDEL, Poète regarde Croix, 1938, p. 79).
b) INDUSTR. LAITIÈRE
Lait (industriel) humanisé, maternisé. Lait de vache dont la composition est modifiée afin de la rapprocher de celle du lait de femme :
13. ... le lait colostral des premiers jours et la sécrétion qui lui fait suite, c'est-à-dire le lait de transition, ont une composition tout à fait différente de celle d'un lait industriel dit maternisé. Il serait d'ailleurs fortement souhaitable que ces laits maternisés puissent disposer d'une formule du premier âge (0 à 30 jours ou 40 jours) qui copieraient la concentration du lait colostral, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Livre d'or pour une future maman, Paris, Éd. du Livre d'or, 1978, p. 25.
Lait concentré, condensé. Lait (homogénéisé pour éviter la séparation de la crème et du lait) obtenu par l'évaporation partielle de l'eau contenue dans le lait. Caisse, tube de lait condensé; être friand de lait concentré. [Il] fit chauffer du lait condensé étendu d'eau (CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 1616).
Lait concentré sucré. Lait obtenu par addition d'une solution de saccharose avant l'évaporation de l'eau :
14. ... souvent, on ajoute du sucre dans le lait concentré (laits concentrés sucrés). Ces laits concentrés ont une valeur énergétique très grande sous un faible volume et ils sont constitués par les principes nutritifs du lait; pour les utiliser on peut les diluer avec de l'eau, et on obtient un aliment qui rappelle le lait, mais qui est moins riche en vitamines et en diastases.
R. LALANNE, Alim. hum., 1942, p. 77.
Lait écrémé. Sous-produit de la fabrication du beurre et qui ne contient plus que des traces de matières grasses. La caséine contenue dans le lait écrémé, résidu de la fabrication de crème, premier stade de la préparation du beurre, est une protéine de haute valeur alimentaire (BRUNERIE, Industr. alim., 1949, p. 66) :
15. Le lait écrémé. Pour fabriquer le beurre, on retire la crème, c'est-à-dire les matières grasses du lait; le lait écrémé ainsi obtenu est beaucoup moins riche que le lait entier...
R. LALANNE, Alim. hum., 1942p. 76.
Lait en poudre. Lait (entier, écrémé ou partiellement écrémé) qui est d'abord pasteurisé, concentré puis réduit en poudre par évaporation rapide et quasi-totale de l'eau. Par dessiccation presque complète du lait, on obtient le lait en poudre, aliment très riche, qui possède les principes nutritifs du lait à des concentrations six à huit fois plus fortes, sauf en ce qui concerne les vitamines, qui se trouvent partiellement détruites au moment de la fabrication. Ces laits desséchés se conservent bien s'ils sont à l'abri de l'air, mais ils rancissent assez vite dans le cas contraire (R. LALANNE, Alim. hum., 1942p. 77).
Lait pasteurisé. Lait ayant subi un traitement thermique afin de détruire la majeure partie de ses germes microbiens, mais qui ne peut se conserver que deux jours. Dans les grandes villes, les laits sont pasteurisés, c'est-à-dire traités par la chaleur qui détruit la plus grande partie des microbes présents, (et malheureusement aussi une fraction des vitamines) (R. LALANNE, Alim. hum., 1942p. 76).
Lait stérilisé. Lait dont les germes vivants sont totalement détruits par un traitement thermique approprié et qui peut être conservé pendant plusieurs mois. Il vaut mieux recourir au lait stérilisé industriel qui a l'avantage d'être chauffé aussitôt après la traite et d'être d'une conservation extrêmement longue (MACAIGNE, Précis hyg., 1911, p. 242).
3. Littéraire
a) [P. compar. de couleur] Subst. + de + lait. Qui a la blancheur du lait. Bras, cou, doigts de lait; chair, peau de lait; corps, visage de rose(s) et de lait. Vingt ans, adorablement blonde, des yeux bleus, un teint de lait, rayonnante, d'une santé divine (LEROUX, Myst. ch. jaune, 1907, p. 21). Si ses yeux avaient pu traverser l'ombre et l'épaisseur des objets, elle aurait pu voir le corps du dormeur, son grand corps d'un blanc de lait (GREEN, Moïra, 1950, p. 38).
b) [P. compar. dans le domaine du toucher] Qui a la douceur du lait. Mais cet enfant si bienveillant, tout de lait, bientôt pour assurer sa vie va commencer l'indéfinie série des meurtres (BARRÈS, Cahiers, t. 1, 1896, p. 125). Parle encore! Maintiens à toutes les issues de mon âme cette parole de lait! (CLAUDEL, Ours et lune, 1919, 1, p. 591).
II. — P. anal.
A. — Liquide blanc, ayant l'apparence du lait et se trouvant dans certains fruits, certaines plantes (v. latex). Lait de concombre, de palme. J'ai vu de même recueillir la résine des pins, la gomme maladive des merisiers, le lait des figuiers élastiques, le vin des palmiers étêtés (GIDE, Nourr. terr., 1897, p. 214). Si l'on m'avait ouvert la poitrine, il en aurait coulé de l'amour, comme cette sorte de lait qui coule de certaines plantes, quand on en brise la tige (MONTHERL., Reine morte, 1942, II, 2e tabl., 5, p. 199).
Lait d'un œuf (à la coque). Albumen légèrement coagulé qui apparaît sur un œuf à la coque lorsque celui-ci est frais. Dégoûtée elle ne sentira ni un poisson qui n'est plus de la première fraîcheur, ni un œuf qui n'a plus son lait (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 300).
Lait de (noix de) coco. Albumen, liquide blanc, sucré, agréable, rafraîchissant, contenu dans la noix de coco. Riz accommodé au sucre et au lait de coco. Pour les épicuriens de la Polynésie, le lait de noix de coco et ses nombreux dérivés sont indispensables à la préparation de la viande, des légumes et des puddings (LOWIE, Anthropol. cult., trad. par G. Métraux, 1936, p. 79).
En lait. Trop jeune, pas encore mûr. Il boit la force dans la flamme. Par elle uniquement, par sa vertu seule il corse et durcit ses grains encore en lait, il compose en eux, sous la pellicule amincie, la farine future (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 140).
B. — Émulsion, préparation ayant l'apparence du lait.
Lait d'amande(s). Émulsion d'amandes (douces ou amères). Potage à la bisque et au lait d'amandes; fécule au lait d'amande. Les pâtés de viandes légères vont, en été, avec du lait d'amandes, du verjus, une pincée de poudre d'épices douces et un œuf battu mêlé à l'aigret (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 171).
Lait de poule. Préparation adoucissante composée de jaunes d'œufs délayés dans de l'eau chaude (parfois du lait) sucrée, aromatisée (d'eau de fleur d'oranger) et utilisée dans le traitement des grippes, des rhumes ou comme fortifiant pour les convalescents. Toujours à crier, à faire le chien de garde, à leur tourner autour avec des lainages pour qu'elles ne prennent pas froid ou des laits de poules pour les rendre fortes (ANOUILH, Antig., 1946, p. 141).
Lait démaquillant, de beauté, de toilette. Préparation (semi-) fluide, blanche, destinée à adoucir, nettoyer l'épiderme. Les journaux du siècle dernier n'offraient que des recettes semi-culinaires d'eaux et de laits de beauté (Civilis. écr., 1939 , p. 34-6). On utilise également des lotions adoucissantes et des laits de beauté. Ces derniers sont en particulier employés pour le démaquillage du soir (QUILLET Méd. 1965, p. 316).
Lait de chaux. Toutes les maisons de la ville, comme pour fêter notre venue venaient d'être passées au lait de chaux (GIDE, Si le grain, 1924, p. 558).
Lait de ciment. Suspension de ciment dans de l'eau. Synon. laitance (v. ce mot B). On garnit les joints en coulant sur la surface un lait clair de ciment qu'on étend au balai (BOURDE, Trav. publ., 1929, p. 118).
C. — BOTANIQUE
1. Lait du diable, lait de couleuvre. Synon. euphorbe.
2. Lait d'âne. Synon. laiteron (GATIN 1924).
3. Arbre à lait. C'est à M. de Humboldt que l'on doit la découverte de l'arbre si curieux le Palo di vacca, arbre à lait ou à vache, qui fournit un très-bon lait, et qu'il a trouvé dans la province de Venezuela (B. DELESSERT, in Annales des Sciences nat., XX, 1830, p. 59 ds QUEM. DDL t. 21).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1re moitié XIIe s. « liquide sécrété par les glandes mammaires » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, 118, 70); ca 1256 aigniel de lait (Régime du corps, 124, 20 ds T.-L.); 1538 frère, sœur de lait (EST.); 2. 1558 « première nourriture de l'esprit » (DU BELLAY, Regrets, éd. J. Jolliffe, 9, p. 66); 3. a) 1552 petit lait (EST.); 1751 lait de poule (AUBERT DE LA CHESNAYE DES BOIS, Dict. univ. d'agriculture, p. 314); 1873 lait concentré (Lar. 19e); b) 1579 avaler doux comme lait « recevoir avidemment des louanges » (LARIVEY, Esprits, V, I); 1853 boire du lait « id. » (LABICHE, Chasse corb., III, 7, p. 335); 1948 boire du petit lait « id. » (A. BONNEROT d'apr. FEW t. 5, p. 112a). B. 1. XIIIe s. lait d'amandes (Bataille de Caresme et de charnage, éd. G. Lozinski, 489); XIIIe s. « suc blanc qui se trouve dans les végétaux » (Livre des simples médecines, éd. P. Dorveaux, 396); 1611 laict virginal « produit de beauté pour la peau » (COTGR.); 2. 1599 « plante » (HORNKENS, Recueil de dict., p. 303); 1845 lait de couleuvre « variété d'euphorbe » (BESCH.). Du lat. pop. lactem, acc. de déclinaison masc. ou fém. du lat. neutre lac, lactis « lait, suc laiteux des plantes ». Fréq. abs. littér. : 2 832. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 3 428, b) 3 604; XXe s. : a) 4 219, b) 4 649. Bbg. QUEM. DDL t. 16, 19, 20.

lait [lɛ] n. m.
ÉTYM. V. 1155; du lat. lactem, accusatif pop., du lat. class. (neutre) lac, lactis.
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I Liquide blanc, opaque, très nutritif (riche en graisses émulsionnées), sécrété par les glandes mammaires des femelles des mammifères. Galact(o)-, lact(o)-.
1 Aliment naturel des jeunes mammifères; spécialt, en parlant de l'espèce humaine, des nourrissons. || Lait humain et lait des mammifères. || Lait de femme, lait maternel. || Sécrétion, montée du lait chez la mère. || Canaux excréteurs du lait. Galactophore, lactifère. || Absence pathologique de lait. Agalactie. || Premier lait d'une accouchée. Colostrum. || Remède facilitant la sécrétion du lait. Galactagogue. || Tire-lait, pour aspirer le lait du sein.Femme qui nourrit un enfant de son lait. Allaitement, allaiter (cit. 1), lactation; nourrice. || Bébé, nouveau-né, nourrisson qui suce le lait maternel. Téter (→ Battre, cit. 3, La Bruyère; instinct, cit. 12). || Le lait d'une nourrice (→ Essayer, cit. 1). || La Goutte (1. Goutte, I., 4.) de lait. || Voilà déjà quelques mois qu'il n'est plus nourri au lait ( Sevrer).Lait maternisé : lait de vache auquel on a donné les propriétés chimiques du lait de femme. || Enfant nourri au lait maternisé, à l'aide d'un biberon.
1 Sa nourrice avait peu de lait; celle-ci en a comme une vache.
Mme de Sévigné, Lettres, 153, 8 avr. 1671.
2 Ce choix (de la nourrice) n'est point un si grand mystère (…) mais je ne sais si l'on ne devrait pas faire un peu plus d'attention à l'âge du lait aussi bien qu'à sa qualité. Le nouveau lait est tout à fait sérieux (…) Peu à peu le lait prend de la consistance et fournit une nourriture plus solide à l'enfant devenu plus fort pour la digérer.
Rousseau, Émile, I (→ aussi Absorbant, cit. 1; carnivore, cit.; chyle, cit. 1; farineux, cit. 1; intempérie, cit. 1).
3 L'enfant s'est détaché, mûr enfin pour la nuit,
Et, les yeux clos, s'endort d'un bon sommeil sans fièvres,
Une goutte de lait tremblante encor aux lèvres.
Albert Samain, Aux flancs du vase, Le bonheur.
4 À la montée du lait commence l'amour maternel.
Gide, Journal, 29 janv. 1912.
Loc. || Croûtes de lait. || Fièvre de lait, accompagnant parfois la montée du lait.Dent de lait. Dent.(Mil. XIIIe, agneau de lait). || Veau de lait, cochon de lait, qui tète encore. — ☑ (1538). Frère de lait; sœur de lait. Frère (infra cit. 16).
4.1 La « fièvre de lait » lui avait émaillé tout le corps de croûtes craquelées noires, grises, jaunes, verdâtres.
M. Jouhandeau, la Jeunesse de Théophile, p. 76.
Par métaphore. Sucer la haine (cit. 28) des rois, l'amour de la liberté avec le lait, les recevoir dès la première enfance.(1538). Fig. La première nourriture de l'âme, de l'esprit (→ Idiome, cit. 3).
5 France, mère des arts, des armes, et des lois,
Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle (…)
Du Bellay, les Regrets, IX.
6 (…) je vous apprends (…) que je suis accouchée d'un garçon, à qui je vais faire sucer la haine contre vous avec le lait (…)
Mme de Sévigné, Lettres, 7, 15 mars 1648.
7 Empoisonné, dès l'adolescence, de tous les écrits du dernier siècle, j'y avais sucé de bonne heure le lait stérile de l'impiété (…)
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, V, VI.
8 (…) si, comme beaucoup le prétendent, les qualités de l'âme se sucent avec le lait.
France, le Petit Pierre, I.
Prov. Le vin est le lait des vieillards.
9 (…) il déplorait l'ignorance de ceux qui nomment le vin le lait des vieillards.
A. R. Lesage, Gil Blas, II, III.
Loc. fam. Si on lui pressait, si on lui pinçait le nez il en sortirait du lait, se dit, par plais., d'un enfant, d'un adolescent qui prétend se comporter comme un adulte.
10 Des galopins qui étaient hier en nourrice ! Si on leur pressait le nez, il en sortirait du lait ! Et ça délibère demain à midi !
Hugo, les Misérables, III, V, VI.
10.1 Tu vois ce morveux, comme il reluque mes femmes; c'est vicieux ces mômes-là, et c'est tout p'tit, on leur pincerait le nez, il en sortirait du lait.
R. Queneau, le Chiendent, p. 197.
2 Lait de quelques mammifères domestiques (notamment la vache), destiné à l'alimentation humaine.REM. Sans compl., et selon les contextes, il s'agit du lait des mammifères élevés à cet effet, et surtout (en Europe) de la vache, secondairement de la chèvre et de la brebis. — Le lait est le seul aliment complet naturel, contenant des glucides (lactose), des lipides (globules de graisse Crème, fleurette), des protéines (matières azotées Caséine), des matières minérales (sels, etc.), des enzymes et des vitamines, en solution ou en suspension (émulsion) dans de l'eau (partie séreuse du lait Sérum). || Mesure de la densité du lait, richesse du lait en graisses. Butyromètre, galactomètre, lactodensimètre, lactomètre, pèse-lait.Production, commerce, industrie du lait. Laiterie (B.). || Animaux élevés pour leur lait.Vache à lait : vache laitière.Fig. C'est sa vache à lait. Vache.Lait de vache, de brebis, de chèvre, d'ânesse, de chamelle. || Récolter le lait. Traire, traite. || Lait bourru, cru, encore chaud, mousseux, venant d'être trait (→ Gaver, cit. 3). || Ramassage, transport du lait. || Récipients à lait. Berthe (II.), 2. bouille, 2. canne. || Bidon, pot, bouteille, carton de lait (→ Balader, cit. 1).Pot à lait, pot au lait. || La Laitière et le Pot au lait, fable de La Fontaine.Coopérative, établissement où l'on rassemble, où l'on traite le lait. Fruitière, laiterie. || Vente du lait, du beurre et du fromage. Crémerie, crémier, laitier.Opérations subies par le lait. || Enlever la crème du lait. Écrémer. || Lait écrémé, lait demi-écrémé, lait maigre ( Puron). || Lait entier. || Couper, mouiller le lait, l'étendre d'eau.Battre le lait pour faire du beurre. Baratte; beurre.(1552). || Petit-lait ( Petit-lait), lait de beurre. Babeurre, ribot; délaiter (→ Adoucir, cit. 2; baratte, cit.).Lait qui coagule. Cailler, tourner; grumeau. || Faire cailler le lait avec de la présure. || Lait caillé (cit. 1). Caillé, kéfir, yaourt (ou yogourt). || Lait de jument fermenté. Koumis. || Le lasī (ou lassi), boisson indienne faite de lait caillé et d'eau. || Égoutter du lait caillé. || Aliment fabriqué avec la caséine du lait. Fromage (cit. 1 et 3).Filtrer le lait ( Couloir, I.). || Faire bouillir le lait pour le stériliser. || Lait qui bout (cit. 1), monte, s'échappe, se sauve. Par métaphore. || Monter (cit. 20) comme un lait qui bout. || Anti-monte-lait : petit appareil pour empêcher le lait en ébullition de se sauver. || Peau à la surface du lait bouilli. || Lait bouilli, stérilisé, pasteurisé (→ Firme, cit. 1); lait U. H. T. : lait pasteurisé à ultra haute température; lait longue conservation.Procédés modernes de conservation du lait.(1874). || Lait concentré.Lait condensé, sucré ou non sucré. || Lait homogénéisé. || Lait sec, en poudre. || Lait en boîte, en tube. || Lait prédigéré. || Lait aromatisé.Lait battu et aromatisé, servi très frais. Milk-shake (anglic.).
11 On voyait nager le lait clair sur tous les vases; et tous ceux qui servaient à traire le lait étaient tout prêts.
Racine, Remarques sur l'Odyssée, IX.
12 Son mari lit le journal, que la concierge monte chaque matin avec la boîte à lait.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, I, p. 5.
13 Il regarde ces quatre visages sur lesquels le sourire fait des plis, comme la peau qui vient sur le lait.
G. Duhamel, Salavin, III, IX.
14 (…) la cuisine (…) où reposent de larges jattes (…) remplies de lait sous une nappe de crème (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 85.
Le lait de femelles de mammifères non élevées à cet effet. || Du lait de chatte. || La chienne n'a plus de lait.
14.1 Cette baleine était une femelle dont les mamelles fournirent une grande quantité d'un lait qui, conformément à l'opinion du naturaliste Dieffenbach, pouvait passer pour du lait de vache, et, en effet, il n'en diffère ni par le goût, ni par la coloration, ni par la densité.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. I, p. 438.
Le lait, en tant qu'aliment, matière première pour la cuisine. || Boire du lait. || Se mettre au lait, au régime lacté. || Digestion du lait (→ Estomac, cit. 3). || Le lait peut servir de contrepoison. || Bol, bolée, verre, timbale, jatte de lait (→ Écuelle, cit. 3). || Tasse de lait chaud; lait bouillant (→ Café, cit. 4), glacé.Café, thé, chocolat au lait. || Lait-grenadine. || Bouillie (cit. 2), soupe, entremets, crème au lait. || Lait noisette, additionné de chicorée.Fig. Monter comme une soupe au lait.Un peu de lait, un nuage de lait.
15 Rien que de l'eau chaude, avec un soupçon de thé et un nuage de lait.
A. de Musset, Un caprice, VI.
16 La vieille rapportait un bol de lait mousseux. Marcelle le lui prit des mains et but à longs traits.
Sartre, le Sursis, p. 39.
16.1 Aujourd'hui encore, il se boit parfois à Paris, dans des milieux de durs ou de gouapes, un étrange lait-grenadine, venu d'Amérique.
R. Barthes, Mythologies, p. 77.
(Autres usages de lait). || Bains (cit. 6) de lait (→ Hétaïre, cit. 2). || Savon de toilette au lait.
Par compar. Littér.Blancheur du lait, blanc comme le lait. Lacté, lactescent, laiteux. || Une peau de lait. — ☑ Loc. Régional. Bouquet de lait : primevère.Doux comme le lait.
17 Le printemps, doux comme le lait, emplissait l'atmosphère, il coulait avec les fleurs et les senteurs des feuilles fraîches, avec la tiédeur des brises et les caresses attardées et glissantes du vent.
Edmond Jaloux, Le reste est silence, p. 79.
Fig. Allus. littér. Le lait de la tendresse humaine, trad. de Shakespeare, Macbeth, I, 5.
T. bibl. || Le lait et le miel, symbole d'abondance.
18 (…) la Bible nous décrit Canaan comme une terre fabuleuse, où « le lait et le miel coulent », où l'on produit tout à foison.
Daniel-Rops, le Peuple de la Bible, II, II.
Loc. fig. (1579). Il avale cela doux comme du lait (vx).Boire du lait, du petit lait : se délecter, éprouver une vive satisfaction d'amour-propre, d'orgueil, etc.
19 — Pouah ! Le dévouement et le travail. Le travail et le dévouement. Vous buvez cela comme petit lait.
J. Anouilh, Ornifle, II, p. 73.
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II (XIIIe, au sens 1). Liquide ayant l'apparence du lait.
1 a Suc blanchâtre de certains végétaux ( Laiteron, laitue). || Lait de figuier (cit. 2). || Lait des plantes à caoutchouc. Latex. || Lait de coco.
20 Elle (…) s'arrêtait par moments pour arracher ces petites herbes qui donnent une goutte de lait lorsqu'on les plie (…)
J. Green, Adrienne Mesurat, I, IV.
b Albumine de l'œuf. || Le lait d'un œuf à la coque peu cuit.
c Lait de pigeon : sécrétion du jabot des pigeons avec laquelle ils nourrissent leurs petits.
2 Préparation d'apparence laiteuse. (1825, in D. D. L.). || Lait d'amandes : émulsion d'amandes. Amandé.(1751). || Lait de poule : jaune d'œuf battu avec du lait et de l'eau chaude sucrée et aromatisée.(1818, in D. D. L.). || Lait de beauté, lait d'iris, lait démaquillant.(1611). Vx. || Lait virginal : produit de beauté pour la peau.
Chim. || Lait de chaux ( Chaux, supra cit. 1). || Lait de soufre (vx). || Lait de ciment.
3 (1599). Plante à suc blanc.(1845). || Lait de couleuvre : euphorbe. || Lait d'âne (nom de plante). Laiteron.
DÉR. Laitage, laitance, laite, laiterie, laiteux, 1. laitier, 2. laitier, 3. laitier, laitue. — (Du grec gala) V. Gala-, galact-, galaxie. — (Du lat. lac) V. Lact-, lacté.
COMP. Anti-monte-lait, garde-lait, passe-lait.
HOM. V. Lai.

Encyclopédie Universelle. 2012.