fleuve [ flɶv ] n. m.
• flueve XIIe; lat. fluvius
1 ♦ Cour. Grande rivière (remarquable par le nombre de ses affluents, l'importance de son débit, la longueur de son cours); spécialt lorsqu'elle aboutit à la mer. Source, cours, lit, méandres, bras d'un fleuve (⇒ fluvial) . Bords, rives d'un fleuve. En amont, en aval du fleuve. Fleuve qui arrose une région (⇒ bassin) . Fleuve qui se jette dans la mer (⇒ bouche, delta , embouchure, estuaire) . « Les vertus se perdent dans l'intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer » (La Rochefoucauld). Rivière qui se jette dans un fleuve. ⇒ affluent. Fleuve navigable. Descendre, remonter un fleuve.
♢ Géogr. Cours d'eau (même petit) aboutissant à la mer. Fleuve côtier.
♢ Par anal. Fleuve de boue, de lave. Fleuve de glace. ⇒ 1. glacier.
♢ Par métaph. La vie est (n'est pas) un long fleuve tranquille.
2 ♦ Littér. Ce qui coule, ce qui est répandu en abondance. ⇒ flot. Fleuve de sang, de larmes. — Par anal. « Le boulevard, ce fleuve de vie, grouillait » (Maupassant) . Le fleuve du temps, de la vie. ⇒ 2. courant, flot.
♢ (En composition avec un nom) Très long, qui semble ne pas avoir de fin. Un discours-fleuve, un film-fleuve. Roman-fleuve.
● fleuve nom masculin (latin fluvius, de fluere, couler) Cours d'eau finissant dans la mer et souvent formé par la réunion d'un certain nombre de rivières. Masse importante de matière plus ou moins liquide en mouvement : Fleuve de boue. Littéraire. Ce qui coule, ce qui est répandu abondamment, ne tarit pas ; flot : Des fleuves de larmes. S'emploie comme apposition (avec ou sans trait d'union) pour indiquer quelque chose d'immense ou d'interminable : Un roman-fleuve. ● fleuve (citations) nom masculin (latin fluvius, de fluere, couler) Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 Je passais au bord de la Seine Un livre ancien sous le bras Le fleuve est pareil à ma peine Il s'écoule et ne tarit pas Quand donc finira la semaine. Alcools, Marie Gallimard Jacques Bénigne Bossuet Dijon 1627-Paris 1704 Est-ce là ce grand arbre qui portait son faîte jusqu'aux nues ? Il n'en reste plus qu'un tronc inutile. Est-ce là ce fleuve impétueux qui semblait devoir inonder toute la terre ? Je n'aperçois plus qu'un peu d'écume. Sermon sur l'ambition Arthur Rimbaud Charleville 1854-Marseille 1891 Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. Poésies, le Bateau ivre Arthur Rimbaud Charleville 1854-Marseille 1891 Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais. Poésies, le Bateau ivre Héraclite d'Éphèse vers 550-vers 480 avant J.-C. On ne peut pas descendre deux fois dans le même fleuve. Fragment, 91 (traduction Battistini) Commentaire Héraclite, évoquant l'eau qui se renouvelle, veut dire que tout change ; la suite du fragment dit que tout est éparpillé et réuni, ajouté et retranché. Tout s'écoule et rien ne subsiste. ● fleuve (difficultés) nom masculin (latin fluvius, de fluere, couler) Sens Les mots fleuve et rivière n'ont pas le même sens selon qu'ils sont employés dans la langue courante ou comme termes techniques de géographie. 1. Au sens strict (sens technique). Le fleuve est un cours d'eau qui se jette dans une mer; il a ou non des affluents : l'Aa (80km) est un fleuve aussi bien que l'Amazone (7000 km). La rivière est un cours d'eau qui se jette dans un autre cours d'eau ; elle a ou non des affluents : la Saône (480 km) est une rivière aussi bien que la Sorgue (35 km). 2. Au sens usuel. Le fleuve est un cours d'eau important par sa longueur et son débit. La rivière est un cours d'eau de moyenne ou de faible importance par sa longueur et son débit. Remarque Du plus important au moins important, on parle de fleuve, de rivière, de ruisseau, de ru (mais ce mot est rare). Le torrent est caractérisé par son site (la montagne) et son aspect (rapide et tumultueux). ● fleuve (expressions) nom masculin (latin fluvius, de fluere, couler) Fleuve international, fleuve qui sépare ou qui traverse plusieurs États. ● fleuve (synonymes) nom masculin (latin fluvius, de fluere, couler) Littéraire. Ce qui coule, ce qui est répandu abondamment, ne tarit...
Synonymes :
- flot
- ruisseau
- torrent
fleuve
n. m.
d1./d Cour. Grand cours d'eau aux multiples affluents, qui se jette dans la mer.
|| GEOGR Tout cours d'eau qui se jette dans une mer. Fleuve côtier.
|| Par anal. Fleuve de boue, de glace, de lave, etc.
d2./d Fig. Ce qui s'écoule, semble s'écouler de manière continue. Le fleuve de la vie.
|| (Avec une idée d'abondance.) Roman-fleuve, très long, dont les multiples péripéties couvrent en général plusieurs générations de personnages.
— Par ext. Discours-fleuve, très long.
⇒FLEUVE, subst. masc.
A.— Cours d'eau important, généralement caractérisé par une très grande longueur et largeur, un débit abondant, des affluents nombreux, et qui se jette le plus souvent dans la mer. Fleuve rapide, tranquille; embouchure, lit, source du fleuve. Le fleuve entre ses rives de terre croulante (...) coule d'une fuite rapide, égale et monotone (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 294). Ces grands fleuves représentent, suivant les conditions diverses de leur régime, de leur pente, de la composition de leurs eaux, de l'origine de leurs troubles, autant de types divers d'énergies naturelles (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 50) :
• 1. ... au carrefour de trois vallées qui lui apportent leur liquide tribut, (...) l'humble cours d'eau se transforme en petite rivière. La géographie lui a déjà imposé son nom de fleuve, l'illustre nom qu'il gardera pour porter les imposants bateaux de mer et résister à l'impétueux effort des mascarets. Mais il n'est encore qu'un fleuve adolescent...
COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 52.
SYNT. a) Fleuve élargi, immense; fleuve débordé, encaissé, invisible, souterrain; fleuve jaune, noir, rouge. b) Beau, long, vaste fleuve. c) Berge(s), bras, bruit, coude(s), courant, cours, détour(s), eau(x), grondement, passage, rivage(s), rive(s), roseaux, surface, vallée du fleuve. d) Le fleuve charrie, descend, s'écoule, emporte, monte, roule, serpente. e) Border, franchir (à la nage), longer, passer, remonter, traverser le fleuve. f) Se jeter, plonger dans le fleuve; descendre au/jusqu'au/vers le fleuve. g) Au(x) bord(s)/au-dessus/au fil/au long/au milieu/au travers/au voisinage du fleuve; de l'autre côté du fleuve; sur les bords du fleuve.
B.— Spécialement
1. MYTH. GR.
a) Dieu fleuve ou, p. ell., Fleuve. Divinité du fleuve, symbole de puissance, de fécondité, etc. Au commencement, leurs dieux [des Grecs] ne sont que les forces élémentaires et profondes de l'univers, (...) les Fleuves ruisselants, le Jupiter pluvieux, l'Hercule Soleil (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 346).
— P. ext., HIST. DE L'ART (sculpt., peint.). Figure allégorique représentant cette divinité, généralement sous la forme d'un homme mûr, vigoureux, portant une longue barbe, une couronne de plantes aquatiques et parfois des cornes de taureau, couché sur des roseaux, s'appuyant sur une urne d'où l'eau s'épanche et tenant un aviron dans la main. La grotte où le lierre Met une barbe verte au vieux fleuve de pierre! (HUGO, Voix intér., 1837, p. 313). En appos. avec une valeur adj. C'était un torse d'après l'antique, une espèce de Père Fleuve, qui n'avait plus ni bras, ni tête, mais il était plein de force et de vie (RAMUZ, A. Pache, 1911, p. 64).
— Au fig. Barbe de fleuve. ,,Barbe longue et bien fournie`` (Ac. 1932). Un solide gaillard, d'une quarantaine d'années, grosse figure colorée, la tête ronde, le poil roux, une barbe de fleuve, le cou et la voix de taureau (ROLLAND, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1281).
b) Fleuve des Enfers, des morts. Fleuve que les défunts étaient supposés franchir pour se rendre au séjour des morts. Les rêves profonds s'ouvrent comme des arches Au-dessus du funèbre et sourd fleuve des âges Où notre nef d'exil s'engouffre à toutes voiles (Ch. GUÉRIN, Cœur solit., 1904, p. 63) :
• 2. Mourir, c'est vraiment partir et l'on ne part bien, courageusement, nettement, qu'en suivant le fil de l'eau, le courant du large fleuve. Tous les fleuves rejoignent le Fleuve des morts (...). Si l'on veut bien restituer à leur niveau primitif toutes les valeurs inconscientes accumulées autour des funérailles par l'image du voyage sur l'eau, on comprendra mieux la signification du fleuve des enfers et toutes les légendes de la funèbre traversée.
BACHELARD, L'eau et les rêves, Paris, Libr. Corti, 1942, pp. 102-104.
2. RELIG. JUDÉO-CHRÉT.
a) Les (quatre) fleuves du Paradis. Fleuves arrosant l'Éden, selon les premiers chapitres de la Genèse. Les quatre fleuves du Paradis terrestre de la Bible juive (P. LEROUX, Humanité, t. 2, 1840, p. 346). Il n'y a qu'une douleur, c'est d'avoir perdu le Jardin de Volupté, et il n'y a qu'une espérance ou qu'un désir qui est de le retrouver (...). Napoléon à Tilsitt et l'immonde ivrogne ramassé dans le ruisseau ont exactement la même soif. Il leur faut l'eau des Quatre Fleuves du Paradis (BLOY, Journal, 1905, p. 273). La Rédemption tout entière vers nous comme un vase qui s'incline, Les Cinq Fleuves du Paradis, Toute l'inondation sur nous de la préférence divine (CLAUDEL, Poèmes guerre, 1915, p. 534).
b) Fleuves de Babylone. [P. allus. au début du Psaume 137] Symbole d'exil et de tristesse.
C.— P. anal., dans des emplois souvent métaph. [L'adj. ou le compl. déterminatif désigne un liquide, une matière plus ou moins fluide, souple, ou un ensemble de choses, d'êtres en mouvement] Ce qui coule, s'épanche en abondance. Fleuve de boue, de feu, de lait, d'or, de sang; fleuve d'hommes. Mais ce qui frappait en lui, c'était sa barbe, une barbe de prophète, invraisemblable, un fleuve, un ruissellement, un Niagara de barbe (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 307). Denise et ma Delphine, qui pleurent toutes les deux leurs fleuves de larmes à gros bouillons; et moi, bête, avec elles. Je ne vois pas distinctement ce que j'écris, tant mes yeux se mouillent (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 172). Paris fut là. Augustin, son père et leur valise s'écoulèrent dans un fleuve humain, composé du ruissellement de tous ces hommes et de bien d'autres (...). Des gens savaient leur chemin dans ces remous, presque tous (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 151) :
• 3. Une chaleur que je n'ai jamais ressentie circule en mon être. Le sang, ce liquide porteur de la vie, humecte ma poitrine. Je sens ce fleuve bienfaisant suivre dans tous mes membres son cours aimable et taciturne.
RENAN, Drames philos., Eau Jouvence, 1881, p. 517.
D.— Au fig. [Le compl. déterminatif désigne une chose abstr.] Ce qui suit un cours régulier, paisible; ce qui se développe continûment, avec ampleur. Fleuve d'éloquence, d'oubli, de paix. Dans les prodigalités du rêve, les mains ouvertes, laissant couler sur les misérables un fleuve de richesse, un débordement de bien-être (ZOLA, Rêve, 1888, p. 199). Ces ruisseaux si lourdement chargés de sable et de bois mort ont encombré la langue française : il suffirait de les dessécher ou de les dériver pour rendre au large fleuve toute sa pureté, toute sa force et toute sa transparence (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p. 134). La continuité de grandes œuvres, le fleuve qui coule à pleins bords sans jamais tarir (GREEN, Journal, 1949, p. 319). V. aussi avenir ex. 24 :
• 4. ... ma vie avait une direction. Elle n'était plus éparse comme un troupeau sans loi, mais ramassée, orientée. Un fleuve, et non plus un marécage. Un chant grave et plein, après des clameurs discordantes.
DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 191.
— En partic. (gén. avec des connotations philos.). Fleuve de l'éternité, du temps, de la vie. Au bord du fleuve du temps, Narcisse s'est arrêté. Fatale et illusoire rivière où les années passent et s'écoulent (GIDE, Traité Narcisse, 1891, p. 3). Ni jour ni nuit. Un temps uniforme, coulant comme un fleuve d'éternité (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 96) :
• 5. Le courant passe donc, traversant les générations humaines, se subdivisant en individus (...). Ainsi se créent sans cesse des âmes, qui cependant, en un certain sens, préexistaient. Elles ne sont pas autre chose que les ruisselets entre lesquels se partage le grand fleuve de la vie, coulant à travers le corps de l'humanité.
BERGSON, Évol. créatr., 1907, p. 270.
♦ Spéc. [P. réf. à Héraclite (Fragment 9 Diels, trad. Battistini ds Lar. des citat. fr. et étr., 1975, p. 628) : On ne peut descendre deux fois dans le même fleuve] Héraclite avait, toute sa vie durant, soutenu contre les Éléates l'universelle mobilité et pour la rendre plus sensible, il défiait le baigneur de se plonger deux fois dans le même fleuve (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 78).
— En appos. avec une valeur adj. Roman-fleuve. Roman caractérisé par sa longueur, ses nombreux personnages, ses vastes thèmes, etc. Honoré d'Urfé commença de faire paraître à Paris, en 1607, la première partie de cet interminable et doux roman [l'Astrée], ancêtre paresseux des romans-fleuves (BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 81) :
• 6. C'est une étrange illusion que de croire qu'un romancier se rapproche de la vie en multipliant le nombre de ses héros. Sur le seul trottoir de gauche, entre la Madeleine et le Café de la Paix, il passe, en une heure, infiniment plus de créatures que vous n'en pourriez peindre dans le plus torrentiel des romans-fleuves (...). Les plus grands ouvrages périssent aussi aisément que les plus légers. (...) même les contemporains ne sont pas impressionnés, autant qu'on le pourrait croire, par la masse d'un livre. Je songe à tel roman-fleuve qui roule ses flots à pleins bords, depuis dix ans dans une solitude inviolée.
MAURIAC, Journal 1, 1934, pp. 93-94.
Rem. GILB. 1971 et Dict. 2 1971 soulignent la fréq. des créations néologiques faites sur le modèle de roman-fleuve : discours-fleuve, film-fleuve, etc.
Prononc. et Orth. :[flœ:v]. Enq. : løv/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Mil. XIIe s. (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, XCII, 3 : Li fluive leverent [levaverunt flumina]); 2. 1641 désigne ce qui est répandu en abondance (CORNEILLE, Cinna, IV, 2 : Songe aux fleuves de sang où ton bras s'est baigné); 3. fig. 1680 désigne ce qui s'écoule régulièrement (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. Monmerque, VII, p. 124 : toute cette fameuse auberge, tout ce concours de monde me paroît, quoi que vous disiez, un fleuve qui entraîne tout). Empr. au lat. class. fluvius « fleuve ». Fréq. abs. littér. :5 012. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 9 358, b) 7 343; XXe s. : a) 6 219, b) 5 654. Bbg. FOULET (L.). Fleuve et rivière. Rom. Philol. 1948/49, t. 2, pp. 285-297. — GOUGENHEIM (G.). Lang. pop. et lang. savante en anc. fr. Paris, 1947. — SCHMIDT (H.-J.), MULLER (C.). [Fleuve/rivière]. Praxis. 1975, t. 22, pp. 103-104.
fleuve [flœv] n. m.
ÉTYM. V. 1130, flueve; du lat. fluvius « eau courante, rivière », de flueve « couler ». → Fluent, fluide.
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1 Cours d'eau important (remarquable par le nombre de ses affluents, l'importance de son débit, la longueur de son cours). — Spécialt (géogr.). Tout cours d'eau qui aboutit à la mer. ⇒ Cours (d'eau), rivière. || D'un fleuve. ⇒ Fluvial, fluviatile.
REM. Certains géographes réservent le nom de fleuve aux grands cours d'eau formés par la réunion d'un certain nombre de rivières, et qui aboutissent à la mer; ils refusent le nom de fleuve aussi bien au petit cours d'eau qui se jette dans la mer qu'à la grande rivière (ex. : le Missouri) qui se jette dans une autre. Selon d'autres, tout torrent qui porte ses eaux jusqu'à la mer serait un fleuve (ex. : les fleuves côtiers des Pyrénées-Orientales, de Bretagne). Mais cet usage est propre aux géographes. La définition du fleuve est en fait hésitante, le seul critère dans la langue générale étant l'importance du cours d'eau. Rivière est le terme générique sous lequel un géographe peut désigner tout fleuve (→ Rivière, cit. 6, de Martonne).
1 Il n'est (…) pas possible de fixer la distinction de ces deux mots, fleuve et rivière. Tout ce qu'on peut dire d'après l'usage, c'est : 1o que fleuve ne s'emploie que pour les grandes rivières; 2o que le mot rivière n'est pas noble en poésie; 3o que quand on parle d'une rivière de l'antiquité, on se sert du mot fleuve; 4o que le nom de rivière se donne tant aux grandes qu'aux petites.
2 Chacun des grands fleuves français déverse à la mer des eaux tombées sur des territoires de climat et de relief différents (…)
E. de Martonne, Géographie universelle, t. VI, La France physique, p. 359.
♦ Source, cours, lit; bras, branches, coudes, courbes (cit. 9), boucles (cit. 6), méandres d'un fleuve. || Bords, rives d'un fleuve. || Arbres qui longent, côtoient un fleuve. || Bras de fleuve qui se perd dans les terres (⇒ Marigot). || Île de sable, de limon, dans un fleuve qui se perd dans les terres (⇒ Javeau). || Fleuve qui arrose (cit. 3.1), baigne une région. ⇒ Bassin. || Fleuve qui court vers la mer; course d'un fleuve. || Rivières qui se jettent dans un fleuve. ⇒ Affluent, tributaire. || Accidents du cours d'un fleuve. ⇒ Étranglement, pertuis, rapide; cataracte. || Fleuve qui change (cit. 23) son cours. || Cours supérieur, inférieur d'un fleuve. || Amont et aval d'un fleuve. || Pente; vallée, thalweg; niveau de base d'un fleuve. || Fleuve qui se jette, débouche dans la mer. ⇒ Bouche, delta, embouchure, estuaire (cit. 2); et aussi barre, mascaret. || Les eaux d'un fleuve (→ Amour, cit. 21; bondir, cit. 15; eau, cit. 7). || Régime, volume d'eau, crue, étiage, embâcle (cit.), débâcle d'un fleuve. ⇒ Eau, régime. || Fleuve qui charrie, dépose du limon, des alluvions (cit. 1 et 2), de la vase. ⇒ Accroissement (cit. 7). || Fleuve qui colmate, fertilise des terres. ⇒ Atterrissement (cit. 1); charriage. || Fleuve qui affouille son lit. — Fleuve de plaine; fleuve de montagne, fleuve encaissé (→ Arène, cit. 4). || Fleuve côtier, qui prend sa source près d'une côte (souvent appelé rivière dans la langue courante). || Fleuve à régime tropical. || Fleuves nationaux, internationaux. || Internationalisation d'un fleuve. || Fleuve navigable. ⇒ Navigation (fluviale); batellerie. || Écluse (cit. 2), barrage sur un fleuve. || Passer, traverser; descendre, remonter un fleuve.
3 Tous les fleuves entrent dans la mer et la mer n'en regorge point.
Bible (Sacy), l'Ecclésiaste, I, 7.
4 Les vertus se perdent dans l'intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer.
La Rochefoucauld, Maximes, 171.
5 Quatre grands fleuves, ayant leurs sources dans les mêmes montagnes, divisaient ces régions immenses : le fleuve Saint-Laurent, qui se perd à l'est dans le golfe de son nom : la rivière de l'ouest, qui porte ses eaux à des mers inconnues; le fleuve Bourbon, qui se précipite du midi au nord dans la baie d'Hudson, et le Meschacebé, qui tombe du nord au midi dans le golfe du Mexique.
Chateaubriand, Atala, Prologue.
6 La Seine est en tous sens le premier de nos fleuves, le plus civilisable, le plus perfectible. Elle n'a ni la capricieuse et perfide mollesse de la Loire, ni la brusquerie de la Garonne, ni la terrible impétuosité du Rhône (…)
Michelet, Hist. de France, III.
7 Les fleuves qui, sous l'Ancien Régime, par la multitude des péages, par les douanes intérieures, n'étaient guère que des limites, des obstacles, des entraves, deviennent, sous le régime de la liberté, les principales voies de circulation; ils mettent les hommes en rapport d'idées, de sentiments, autant que de commerce.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., III, IV.
8 Quant au Chéliff, qui, quarante lieues plus avant dans l'ouest, devient un beau fleuve pacifique et bienfaisant, ici c'est un ruisseau tortueux, encaissé, dont l'hiver fait un torrent, et que les premières ardeurs de l'été épuisent jusqu'à la dernière goutte. Il s'est creusé dans la marne molle un lit boueux qui ressemble à une tranchée, et, même au moment des plus fortes crues, il traverse sans l'arroser cette vallée misérable et dévorée de soif.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, I, p. 40.
8.1 Un fleuve est un personnage, avec ses rages et ses amours, sa force, son dieu hasard, ses maladies, sa faim d'aventures.
J. Giono, le Chant du monde, Pl., t. I, p. 536.
♦ Par anal. || Fleuve de boue, de lave. || Fleuve de glace. ⇒ Glacier. || Fleuve marin, se dit de certains grands courants marins.
♦ Myth. || Le fleuve du Styx, du Léthé. || Le fleuve de feu (Phlégéton). — Par ext. Divinité qui préside à un fleuve. || On représente généralement les fleuves sous la figure de vieillards à longue barbe tenant une urne penchée d'où l'eau s'échappe. — ☑ Fam. Avoir une barbe de fleuve, longue et fournie.
9 (Les dieux) pressés par les prières du fleuve, mirent fin à sa douleur.
Fénelon, Télémaque, XV.
♦ ☑ Par métaphore. Un long fleuve tranquille : une suite d'événements régulière, sans à-coups. || La vie, l'histoire n'est pas un long fleuve tranquille.
2 (1640). Littér. Ce qui coule, ce qui est répandu en abondance. ⇒ Flot. || Un fleuve de sang (→ Baigner, cit. 24), de larmes. — Par anal. || Un fleuve d'êtres humains (→ Barioler, cit. 2; boulevard, cit. 2).
10 (…) ce fleuve de gens en qui se fondaient les visages, les démarches, les vies particulières, les certitudes de chacun d'être unique et incomparable.
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 99.
♦ Par métaphore (souvent en parlant des paroles; → Flot) :
10.1 Lorsque sur le fleuve de son discours je voyais passer l'un de ces vaisseaux à trois ponts, je levais la main et je demandais des explications, qu'il ne me refusait jamais. C'est là que j'ai compris pour la première fois que les mots qui ont un son noble contiennent toujours de belles images.
M. Pagnol, la Gloire de mon père, t. I, p. 161.
♦ (1930). Cour. (En composition avec un nom). || Roman-fleuve : roman très long comportant de nombreux personnages, et dont la narration couvre un temps assez long (plusieurs générations). → Balzacisme, cit.; nouvelle, cit. 20. || Les Buddenbrook, de Thomas Mann est un roman-fleuve (⇒ Saga). — REM. Après 1960 de nombreux composés ont été formés sur ce modèle. || Un discours-fleuve. || Un débat-fleuve. || Un film-fleuve.
10.2 Charles plongea dans le dossier-fleuve, dont le temps avait jauni les pages.
3 (1680). Ce qui a un cours continu, ce qui s'écoule régulièrement (par référence à Héraclite : « Tu ne peux pas te baigner deux fois dans le même fleuve, car de nouvelles eaux coulent toujours sur toi »). || Le fleuve de la vie, le fleuve de nos jours (→ Féconder, cit. 3). || Le fleuve de l'éternité, du temps (→ Arrêter, cit. 15; cristalliser, cit. 10).
11 (…) j'admire comme les choses passent; c'est bien un vrai fleuve qui emporte tout avec soi.
Mme de Sévigné, Lettres, 779, 7 févr. 1680.
12 La vie est courte (…) le fleuve qui nous entraîne est si rapide, qu'à peine pouvons-nous y paraître.
Mme de Sévigné, Lettres, 875, 3 avr. 1681.
♦ Ce qui se développe avec ampleur. || Fleuve d'éloquence, de paix.
12.1 La continuité des grandes œuvres, le fleuve qui coule à pleins bords sans jamais tarir.
J. Green, Journal, in T. L. F.
REM. On trouve dans l'usage littér. des comparaisons et des métaphores où fleuve a le sens 1., mais où cette valeur est utilisée :
13 Le temps est comme un fleuve, il ne remonte pas vers sa source.
Rivarol, Notes, pensées et maximes, t. I, p. 23.
Encyclopédie Universelle. 2012.