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autre

autre [ otr ] adj., pron. et n. m.
altre 1080; lat. alter, accus. alterum
I Adj. AÉpithète antéposée.
1Qui n'est pas le même, qui est distinct (cf. Allo-, hétér(o)-). L'autre porte. Par l'autre bout. « Nous approuvons, pour une idée, un système, un intérêt, un homme, ce que nous blâmons pour une autre idée, un autre système, un autre intérêt, un autre homme » ( Chateaubriand). Tous les autres passagers ont péri (cf. Le reste de). Bien d'autres, beaucoup d'autres choses encore. En un autre lieu. ailleurs. L'autre monde. D'un autre côté. C'est une autre question, une autre affaire, une autre histoire, une autre paire de manches. Je ne vois aucun autre moyen. Il y a deux autres possibilités. Il faut écarter toute autre considération. étranger. Avez-vous trouvé quelque autre solution ? Vx « Ce qui s'était passé dans l'une et l'autre armée » (Voltaire)[cf. ci-dessous, II : l'un et l'autre]. — AUTRE (et subst.) QUE. Il n'a pas réalisé d'autre film que celui-là. — SANS AUTRE (et nom de chose) :sans plus de..., sans (chose) supplémentaire. Il m'a dit cela sans autre précision. « Sans autre forme de procès » (La Fontaine). Loc. adv. Région. (Suisse) Sans autre : bien entendu, cela va de soi. Vous pouvez sans autre payer demain. Une autre fois, un autre jour : à un autre moment; un peu plus tard. Une autre fois, tu préviendras. Je repasserai une autre fois. D'autres fois : à d'autres moments. — L'autre fois, l'autre jour, l'autre année : dans le passé plus ou moins récent ( dernier) . — (Dans une énumération) Tomates, carottes, artichauts et autres légumes.
2Qui n'est pas le même tout en étant très semblable. C'est un autre Versailles. C'est un autre moi-même. alter ego.
(Avec un nom générique) La même (chose) une seconde fois. Donnez-moi un autre café. second (cf. De plus). Elle veut un autre enfant.
3 Différent par quelque supériorité. « Ce sera un autre gaillard que son père » (France). C'est un tout autre écrivain.
4(Sans art.) AUTRE CHOSE. C'est autre chose, c'est tout autre chose : c'est différent. Parlons d'autre chose. C'est cela, et pas autre chose. « Ça n'est pas autre chose qu'une “affaire”, une “combine” » (Martin du Gard) :c'est bien une affaire, une combine.
Littér. AUTRE CHOSE..., AUTRE CHOSE... opposant deux propositions. « Autre chose d'agir avec un père, autre chose de répondre devant un juge » (Bossuet).
5Loc. adv. AUTRE PART : ailleurs. — D'AUTRE PART : par ailleurs.
BEn attribut Qui est devenu différent de ce qu'il était. « Je suis toujours moi-même et mon cœur n'est point autre » (P. Corneille). Devenir autre, tout autre. « Il était jeune, et elle aussi; elle est tout autre » (Pascal). CAprès les pron. pers. nous, vous pour opposer le groupe désigné au reste. Nous autres, nous partons. Fam. Eux autres. II Pron. (nominal ou représentant un nom)
1Quelqu'un, quelque chose de différent. Prendre qqn pour un autre (une autre personne), une chose pour une autre. Loc. fig. Il se prend pour un autre : il se surestime. Moi et les autres. « Pourquoi celle-là plutôt qu'une autre ? » (Musset). D'un bout à l'autre. D'un jour à l'autre. (Sans art.) De temps à autre. Un autre : un autre homme. Une autre : une autre femme. Faire qqch. aussi bien qu'un autre. Il en aime une autre. Les autres : les autres hommes, les autres femmes. ⇒ autrui. « L'enfer, c'est les autres » (Sartre). « La Tête des autres », comédie de M. Aymé. Loc. Cela n'arrive qu'aux autres : on ne se croit pas (à tort) concerné.
Fam. L'autre, cet autre, désigne avec mépris une personne. — Loc. Comme dirait l'autre, comme dit l'autre : comme on dit. — À d'autres ! allez raconter ça à des gens plus crédules.
Un autre que... D'autres que... Je le donnerai à un autre que vous, à un autre qu'à vous. « Cette adorable fille venait pour un autre que pour moi » (France).
Quel autre, qui d'autre proposez-vous ? Quoi d'autre ? Quelqu'un d'autre. Tout autre. Aucun autre. Nul autre. Personne autre (vx); personne d'autre. — ENTRE AUTRES : parmi plusieurs (personnes, choses). J'ai visité les cathédrales d'Espagne, entre autres celle de Tolède.
♢ D'AUTRES : d'autres choses. Loc. Il n'en fait jamais d'autres : il fait toujours les mêmes sottises. J'en ai vu bien d'autres (choses étonnantes). Parler de choses et d'autres.
(Avec un nom générique) Un autre : un de plus, encore un. Donnez-m'en un autre. Il n'y a pas assez de verres, apportez-en d'autres, deux autres, plusieurs autres.
♢ RIEN D'AUTRE : rien de différent. Le malade ne veut que des fruits et rien d'autre. Rien de plus. C'est tout ? Vous ne voulez rien d'autre ? Ce n'est rien d'autre qu'un escroc : c'est bien un escroc.
2 ♦ (Opposé à un) L'UN... L'AUTRE; LES UNS... LES AUTRES. « L'un commandait le respect, l'autre cherchait à l'obtenir » (Balzac). — L'UN ET L'AUTRE : les deux ou l'un aussi bien que l'autre. L'un et l'autre sont venus, vx est venu. « Une singularité que j'ai observée chez l'un et chez l'autre » (Valéry). L'un comme l'autre. Les uns et les autres sont partis. Spécialt Les uns et les autres : tout le monde sans distinction. — L'UN OU L'AUTRE. L'un ou l'autre, ça m'est égal. Être toujours chez l'un ou chez l'autre : être souvent en visite. « La nature et l'art sont deux choses, sans quoi l'une ou l'autre n'existerait pas » (Hugo). Loc. C'est l'un ou c'est l'autre : il faut choisir, on ne peut avoir les deux. C'est tout l'un ou tout l'autre : il n'y a pas de milieu, il faut prendre tel parti ou tel autre. — NI L'UN NI L'AUTRE. Ils ne sont venus ni l'un ni l'autre. Il rejette les deux propositions, il n'accepte ni l'une ni l'autre.
Un représentant le sujet, autre le compl. d'objet (avec un v. pron.). L'un l'autre, l'une l'autre, les uns les autres, les unes les autres, marquent la réciprocité. Aimez-vous les uns les autres.
♢ L'UN... L'AUTRE (séparés par une prép.). « Il aurait dû nous présenter l'un à l'autre » (Sartre). Marcher l'un après l'autre, l'un à côté de l'autre (ou à côté l'un de l'autre), l'un derrière l'autre. Dépendre l'un de l'autre. Vivre l'un pour l'autre. Jamais l'un sans l'autre. Loc. fig. L'un dans l'autre : en faisant la moyenne, tout compte fait.
III N. m. Philos. Ce qui n'est pas le sujet, ce qui n'est pas moi, nous. « L'autre est indispensable à mon existence » (Sartre). autrui; altérité. ⊗ CONTR. Même; identique, pareil, semblable.

autre adjectif et pronom indéfini (latin alter) Distinct, différent des êtres ou des choses de même catégorie : Quelle autre solution voyez-vous ? Il a tué un lièvre et en a manqué deux autres. Comme pronom, désigne seulement des personnes : L'égoïste ne s'intéresse pas aux autres. Indique la supériorité : Son premier film était intéressant, mais celui-ci est d'une autre qualité ! Indique la différence ; distinct, différent : Mes raisons sont tout autres que celles que vous imaginez. À d'autres !, n'espérez pas me faire croire cela ! Familier. Comme dit l'autre, se dit en citant une phrase de caractère sentencieux. En avoir vu d'autres, avoir eu suffisamment d'expériences pour ne pas se laisser impressionner par la situation présente. Entre autres, sert à présenter un élément qu'on veut distinguer d'un ensemble, sert à présenter des exemples ; parmi, notamment : Il a exposé plusieurs arguments, entre autres celui-ci. Et autres, indique une généralisation à l'intérieur d'une même catégorie. Familier. Il n'en fait jamais d'autres !, c'est encore une de ses sottises ! L'autre jour, l'autre fois, l'autre semaine, il y a quelques jours, quelques semaines. L'autre monde, l'autre vie, l'au-delà, la vie future. Nous autres, vous autres, nous, vous (par opposition à des personnes différentes). Sans autre, en Suisse, sans façon, sans faire de manières. Vous me prenez pour un autre, vous me connaissez mal (se dit en général pour exprimer un refus). ● autre (citations) adjectif et pronom indéfini (latin alter) Roland Barthes Cherbourg 1915-Paris 1980 C'est l'un des traits constants de toute mythologie petite-bourgeoise, que cette impuissance à imaginer l'Autre. Mythologies Le Seuil Samuel Beckett Foxrock, près de Dublin, 1906-Paris 1989 Avoir toujours été celle que je suis et être si différente de celle que j'étais ! Oh les beaux jours Éditions de Minuit Georges Bernanos Paris 1888-Neuilly-sur-Seine 1948 Les autres, hélas ! c'est nous. Lettre de Palma, janvier 1945 Plon Louis Ferdinand Destouches, dit Louis-Ferdinand Céline Courbevoie 1894-Meudon 1961 S'ils se mettent à penser à vous, c'est à votre torture qu'ils songent aussitôt, les autres, rien qu'à ça. Voyage au bout de la nuit Gallimard Malcolm de Chazal Vacoas 1902-Port-Louis 1981 L'homme cherche en lui-même ce qu'il ne trouve pas dans les autres, et cherche chez les autres ce qu'il y a de trop en lui. Sens plastique Gallimard Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 De notre naissance à notre mort, nous sommes un cortège d'autres qui sont reliés par un fil ténu. Poésie critique Gallimard Georges Moinaux, dit Georges Courteline Tours 1858-Paris 1929 S'il fallait tolérer aux autres tout ce qu'on se permet à soi-même, la vie ne serait plus tenable. La Philosophie de G. Courteline Flammarion René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Il n'appartient qu'aux souverains, ou à ceux qui sont autorisés par eux, de se mêler de régler les mœurs des autres. Correspondance, à Chanut, 20 novembre 1647 Robert Desnos Paris 1900-Terezín, Tchécoslovaquie, 1945 Homme ! Il est d'autres hommes. Fortunes Gallimard Alexandre Dumas, dit Dumas fils Paris 1824-Marly-le-Roi 1895 Le devoir […] est ce qu'on exige des autres. Denise Léon-Paul Fargue Paris 1876-Paris 1947 Sache souffrir. Mais ne dis rien qui puisse troubler la souffrance des autres. Poèmes Gallimard Jean Giraudoux Bellac 1882-Paris 1944 Je suis toujours furieux contre moi quand les autres ont tort. Ondine, I, 4, le chevalier Grasset Julien Green Paris 1900-Paris 1998 Académie française, 1971 On est parfois horrifié de se découvrir soi-même en un autre. Journal Plon Sacha Guitry Saint-Pétersbourg 1885-Paris 1957 L'important dans la vie ce n'est pas d'avoir de l'argent mais que les autres en aient. Le Scandale de Monte-Carlo, I, Davegna Stock Marie Jean Hérault de Séchelles Paris 1759-Paris 1794 Supposer aux autres verbalement et avec un air de confiance, les vertus dont on a besoin en eux, afin qu'ils se les donnent au moins en apparence et pour le moment. Théorie de l'ambition, Codicille politique et pratique d'un jeune habitant d'Épône Pierre Leroux Paris 1797-Paris 1871 Vous voulez vous aimer : aimez-vous donc dans les autres ; car votre vie est dans les autres, et sans les autres votre vie n'est rien. De l'humanité, de son principe et de son avenir Louis Massignon Nogent-sur-Marne 1883-Paris 1962 Pour comprendre l'autre, il ne faut pas se l'annexer mais devenir son hôte. Opera minora Centre de documentation scolaire Arthur Rimbaud Charleville 1854-Marseille 1891 Car Je est un autre. Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute. Cela m'est évident : j'assiste à l'éclosion de ma pensée […]. Correspondance, à Paul Demeny, 15 mai 1871 Jean-Paul Sartre Paris 1905-Paris 1980 Pas besoin de gril, l'enfer, c'est les Autres. Huis clos Gallimard Paul Verlaine Metz 1844-Paris 1896 Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime, Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. Poèmes saturniens, Mon rêve familier Messein George Bernard Shaw Dublin 1856-Ayot Saint Lawrence, Hertfordshire, 1950 Ne faites pas aux autres ce que vous voudriez qu'ils vous fissent. Il se peut que leurs goûts ne soient pas les mêmes. Do not do unto others as you would they should do unto you. Their tastes may not be the same. Maxims for Revolutionists autre (difficultés) adjectif et pronom indéfini (latin alter) Construction 1. À un autre qu'à moi / à un autre que moi. Lorsque autre ou autre chose est précédé par une préposition et suivi par que, la répétition de la préposition est facultative : dites cela à d'autre qu'à moi ou à d'autres que moi ; il ne l'a pas fait pour autre chose que pour l'argent ou pour autre chose que l'argent. 2. Autre qu'il était / autre qu'il n'était. Les deux constructions sont correctes ; le ne est facultatif : le paysage est autre qu'il était ou qu'il n'était avant la construction du barrage. Accord 1. Autre chose. Quand autre chose peut être considéré comme un composé indéfini (dans lequel chose ne signifie pas « objet » ou « fait »), l'accord se fait au masculin. Donnez-moi autre chose de meilleur. Autre chose sera fait. Y a-t-il autre chose de nouveau ? C'est autre chose que vous m'avez dit. (Mais on dit, on écrit : les autres choses exposées sont assez belles ; d'autres choses peu communes se sont passées depuis.) 2. Tout autre. → tout. 3. L'un l'autre, l'un ou l'autre. → un. Registre 1. Entre autres. En principe, entre autres doit se rapporter à un nom ou à un pronom exprimé avant ou après cette expression : j'ai revu plusieurs camarades de promotion, Martin, entre autres. Dans l'expression orale courante, entre autres est souvent employé dans le sens de « notamment, en particulier » et ne se rapporte pas à un nom ou à un pronom exprimé : il m'a annoncé, entre autres, qu'il allait se marier. Recommandation Dans l'expression soignée, en particulier à l'écrit, préférer entre autres choses ou un adverbe de sens équivalent : il m'a annoncé, entre autres choses (ou : en particulier), qu'il allait se marier. Remarque Bien que critiqué, l'emploi de entre autres ne se rapportant pas à un nom ou à un pronom est très répandu, même chez de grands écrivains : « Je me souviens, entre autres, que M. Dubois nous récitait... »(Stendhal). 2. ... et autres. Et autres, employé seul après une énumération de noms, est familier : n'oubliez pas votre briquet, vos clés, vos lunettes et autres. Et autres, employé seul après une énumération d'adjectifs, est admis : tenez compte des facteurs politiques, économiques, sociaux et autres qui sont en jeu. Recommandation Après une énumération de noms, faire suivre et autres d'un nom de sens plus général que chacun des termes de l'énumération : les rats, les souris, les mulots et autres rongeurs (et non : les rats, les mulots et autres souris). 3. Comme dit l'autre, employé en citant une phrase proverbiale ou sentencieuse, ou pour atténuer l'effet d'un mot qui pourrait paraître déplacé, est du registre familier. Comme dit l'autre, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. 4. Nous autres, vous autres, est familier, sauf devant une apposition : pour nous autres marins, la solidarité n'est pas un vain mot. 5. À d'autres ! (= racontez-le à d'autres, je n'en crois rien) est familier. 6. Rien autre, personne autre sont vieillis ou employés dans la langue littéraire pour créer un effet d'archaïsme (on dit aujourd'hui rien d'autre, personne d'autre). ● autre (synonymes) adjectif et pronom indéfini (latin alter) Indique la différence ; distinct, différent
Synonymes :
- différent
Contraires :
- même
autre nom masculin Pour les présocratiques et pour Hegel, principe de l'être et de la pensée, par opposition au « même », par lequel un objet diffère d'un autre, ou par lequel l'homme reconnaît le caractère différent d'un objet de pensée par rapport à un autre. ● autre (expressions) nom masculin L'Autre et l'autre, distinction fondatrice de la structure du sujet, introduite par J. Lacan dans la théorie analytique. (L'autre ou a désigne le sujet imaginaire de l'image spéculaire, l'Autre ou A est le lieu de la Loi et de la parole.)

autre
adj. indéf., adj. et n.
aA./a adj. indéf. (Dans des locutions.) Autre chose (que): une chose différente. Il ne fait pas autre chose que dormir.
Autre part (que): ailleurs. Cherchons autre part.
D'autre part: en outre, par ailleurs. D'autre part, le soleil s'était couché.
aB./a adj.
rI./r (Placé avant le nom, fonction épithète.)
d1./d Qui n'est pas le même (parmi des personnes, des objets de même nature). Passons sur l'autre rive. Il habite dans cette autre rue. Je veux voir un autre modèle que celui-ci. Nous avons d'autres projets que vous.
Personne d'autre. Rien d'autre. Qui d'autre?
(Fonction nominale.) J'ai vu un film, mon frère un autre. Prenez ces timbres, j'en achèterai d'autres.
|| Loc. Un autre jour, une autre fois: plus tard. L'autre jour: un de ces derniers jours. L'autre fois: l'une des fois précédentes.
L'autre monde: l'au-delà.
|| Entre autres possibilités: parmi diverses possibilités.
Entre autres (choses, personnes): notamment.
d2./d Supplémentaire. Apportez d'autres chaises.
(En fonction nominale.) Ce thé est bon, j'en prendrais bien un autre.
|| Nouveau, en reproduction. Un autre César. Un autre moi-même.
|| Sans autre (accompagné d'un nom de chose): sans supplément, sans rien de plus. Sans autre commentaire. Sans autre forme de procès.
|| Loc. adv. (Suisse) Sans autre: sans préalable, sans commentaire, directement. Je compte sur vous sans autre.
rII./r (épithète précédant le nom ou attribut.) Différent. C'est un tout autre cas. Depuis sa maladie, elle est devenue autre.
(Différence due à une supériorité.) C'est un (tout) autre musicien!
rIII/r (Après les pronons pers. nous, vous) Nous autres, vous autres: quant à nous, à vous. Vous autres, taisez-vous!
(Québec) Fam. Nous autres, vous autres, eux autres: nous, vous, eux. C'est eux autres qui ont été les plus rapides.
aC./a n.
d1./d n. m. PHILO Toute conscience, par oppos. au sujet. L'histoire de la personnalité est déterminée par son rapport à l'autre.
d2./d n. Personne distincte. Un(e) autre aurait pris la fuite. Tout autre que lui aurait accepté. D'autres pardonneraient, pas lui.
Les autres: le reste de l'humanité.
"L'enfer, c'est les autres" (J.-P. Sartre, dans Huis clos).
L'autre, les autres: la personne, les personnes ou les groupes humains qui n'appartiennent pas à la communauté considérée. Il faut respecter l'autre, les autres.
Fam. Comme dit l'autre: comme on dit couramment.
|| à d'autres!: je ne crois pas ces sornettes.
d3./d n. f. pl. J'en ai vu d'autres: j'ai vu des choses plus extraordinaires, plus pénibles.
Il n'en fait jamais d'autres: il commet toujours les mêmes sottises.
aD./a (Avec valeur d'adj. ou de nom.) Autre est opposé à un dans différentes constructions. (V. un.)
aE./a n. (Afr. subsah.) L'Autre ou l'autre: une personne qu'on n'ose ou ne peut nommer. C'est l'Autre qui m'a appris cela.

⇒AUTRE, adj. et pron. indéf. subst.
I.— Adj. et pron. indéf. Permet de distinguer, de différencier, par rapport à une première partie donnée ou connue (un, les uns) servant de point de référence, une ou plusieurs personnes, un ou plusieurs éléments à l'intérieur d'une seconde partie.
A.— [Pouvant être suivi de que compar. (exprimé ou non) et empl. en corrélation avec la prép. ou à valeur non exclusive] La seconde partie est une série ouverte indéfinie dont autre choisit un ou plusieurs éléments.
1. Avec une simple idée de différence.
a) [Empl. sans déterminant]
[À la fin d'une énumération et précédé de et ou de ou] :
1. ... elle n'est plus bonne à rien; sans cela le sublime lui donnerait des leçons de prostitution, ou autre; ça ferait bouillir la marmite. « (...), que ne demande-t-elle l'aumône? ... »
D. POULOT, Le Sublime, 1872, p. 188.
2. Vous étudierez ici, pour les soumettre au gouvernement, quelles conditions, morales, sociales, politiques, économiques et autres vous paraissent pouvoir être progressivement appliquées dans chacun de nos territoires, ...
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, p. 557.
[Dans certaines loc.] Autres temps, autres mœurs. Entre autres. Autre chose (cf. infra II C). Autre part Ailleurs. De part et d'autre. De chaque côté. De temps à autre. De temps en temps.
Rem. Au XIXe s., le déterminant est souvent omis dans certaines loc. de fois à autre « de temps en temps » (CHATEAUBRIAND, Essai sur la litt. angl., t. 1, 1836, p. 201), de distance à autre « de distance en distance, de place en place » (BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, La Chaumière indienne, 1791, p. 116).
b) [Précédé de certains pron. indéf. et introd. par de] Autre, dans ce cas, ne se trouve que sous la forme du pronom. N'importe qui d'autre, personne d'autre.
[Le compar. est exprimé] :
3. L'architecture se définit principalement par les mouvements qu'elle imprime au visiteur; elle n'exprime rien d'autre qu'une attitude de l'homme et une certaine disposition à éprouver les grandes rencontres humaines.
ALAIN, Propos, 1923, p. 519.
[Le compar. n'est pas exprimé] :
4. Je dois dire que si je n'avais pensé, en plus, que tu étais capable de le rendre heureux, j'aurais choisi quelqu'un d'autre.
BOURDET, Le Sexe faible, 1931, I, p. 266.
Rem. 1. Rien d'autre, personne d'autre sont les formes les plus couramment empl.; cependant rien autre et personne autre se rencontrent parfois par arch. :
5. Ce qui m'arrive à cette heure est tellement étrange, que je ne croyais pas qu'il dût jamais arriver rien de semblable, ni à moi ni, d'ailleurs à personne autre... »
A. FRANCE, Pierre Nozière, 1899, p. 138.
6. — Je n'ai rien autre à vous offrir, pour le moment, que ce que je vous ai dit. Encore n'en suis-je pas sûr. J'ai dit que cela se pourrait.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, p. 664.
D'autre part, seul ce tour permet l'emploi adj. de autre dans rien autre chose (cf. infra II C).
Rem. 2. Dans les phrases interr., le pron. interr. joue le rôle du pron. indéf. :
7. Qu'est-ce qu'il aurait fait d'autre, sinon manger et boire?
SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, p. 11.
c) [Emploi attributif ou épithète uniquement sous la forme du pron.] :
8. Le cœur lui battait très fort, en entrant dans le petit hôtel de la rue Legendre, cette maison cossue où elle avait grandi et où elle croyait ne plus trouver que des étrangers, tellement l'air lui semblait autre, glacial.
ZOLA, L'Argent, p. 293.
9. Tout autre est le cas de l'homme.
GILSON, L'Esprit de la philos. médiév., t. 1, 1931, p. 171.
10. Elle ne souhaite point que son objet soit autrement disposé qu'il n'est, elle ne se réjouit pas non plus qu'il soit ce qu'il est, ni ne s'efforce qu'il devienne autre, elle ne réprouve ni n'approuve.
NIZAN, Les Chiens de garde, 1932, p. 166.
Rem. Autre, suivi de que, dans cet emploi, peut entraîner la présence d'un ne explétif « il est autre qu'il (ne) paraît » qui se justifie par la discordance provoquée par autre dans le premier membre de la phrase.
Ne... autre que (mis pour n'est... autre chose que..., rien d'autre que...) :
11. La machine à vapeur n'est autre que l'ensemble des liaisons spatiales qui la constituent.
RUYER, Esquisse d'une philos. de la struct., 1930, p. 167.
[Emploi adj. épithète (peut-être par ell. du verbe être) postposé au subst.] Qui s'est modifié, qui est devenu différent :
12. En effet, supposons pour un moment qu'il n'est pas vrai que la propriété de résister à ma volonté d'éprouver la sensation du mouvement, soit la preuve d'une existence autre que celle de ma vertu sentante, ...
DESTUTT DE TRACY, Éléments d'idéologie, Logique, 1805, p. 293.
13. ... tout d'un coup ils [les violons] semblaient s'écarter et (...) tout au loin, d'une couleur autre, dans le velouté d'une lumière interposée, la petite phrase apparaissait...
PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, p. 218.
2. Avec une idée de différence à laquelle s'ajoute une idée de comptage.
a) [Précédé de l'art. indéf., d'un adj. interr., indéf. ou d'un numéral]
[Le compar. est exprimé]
Adjectif :
14. Vous doutiez-vous, Inès, (...) qu'un autre intérêt que celui de la pitié pût vous attacher à ces voiles déchirées, errantes, et incessamment penchées vers l'abîme?
H. LATOUCHE, L'HÉRITIER, Dernières lettres de deux amans de Barcelone, 1821, p. 3.
15. Les Italiennes aiment trop vivement pour allier à l'amour quelqu'autre sentiment que lui-même.
BONSTETTEN, L'Homme du Midi et l'homme du Nord, 1824, p. 105.
16. L'Orient a d'autres idées que nous sur l'éducation et sur la morale. On cherche là à développer les sens, comme nous cherchons à les éteindre.
NERVAL, Voyage en Orient, t. 3, 1851, p. 62.
Pronom :
17. — Vous auriez sagement agi, dit La Pérouse, en prenant cette élémentaire précaution plus tôt, et envers d'autres que moi.
BERNANOS, La Joie, 1929, p. 667.
[Le compar. n'étant pas exprimé (c'est le cas le plus fréq.), le second terme de la compar. est supposé connu de l'interlocuteur, ou considéré comme évident] J'ai une autre fille (que celle que vous voyez) :
Adjectif :
18. ... les trois cents francs de la grand'mère s'étaient trouvés employés en dépenses domestiques. Mais Dion venait de recevoir trois cents autres francs.
A. FRANCE, Le Chat maigre, 1879, p. 224.
19. Moi, j'ai d'autres goûts, un autre système.
BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, p. 200.
♦ Loc. Une autre fois, un autre jour. A un moment indéterminé du passé ou de l'avenir (cf. infra B 1). D'autres fois. Certaines fois (sur la confusion avec d'autrefois, cf. autrefois C rem. 1). Fam. C'est une autre paire de manches. C'est une chose bien différente :
20. Il se croyait aussi capable de séduire ou de dominer les gens, ce qui est une autre paire de manches.
DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, p. 57.
Pronom :
21. Tout-à-l'heure ils me montraient la cire dans un état, maintenant ils me la montrent dans un autre, ...
COUSIN, Hist. de la philos. du XVIIIe s., 1829, p. 213.
22. Mais si vous le mettez sans rien dire en rapports avec une jeune fille bien choisie, il est possible qu'il s'éprenne d'elle. Et d'ailleurs, si la première ne réussit pas, vous pouvez toujours en essayer une autre.
MAUROIS, Ariel ou la Vie de Shelley, 1923, p. 50.
Fam. [Autre (souvent précédé de tout) joue dans certains cas le rôle d'un compar.]
♦ [Le ton d'admiration peut contribuer à lui donner la valeur d'un compar. de supériorité] Mais c'est un (tout) autre livre! C'est un livre bien supérieur. C'est devenu un (tout) autre homme! C'est devenu un homme de valeur supérieure. Le deuxième membre de la comparaison n'est pas exprimé, il est fait référence à la situation de discours qui permet de taire ce qui est censé présent à l'esprit de l'interlocuteur.
♦ [Le ton de mépris peut, à l'inverse, conférer une idée d'infériorité] P. ext., arg. Vous en êtes un autre. Signifie ,,j'en ai autant à votre service. Riposte digne et pacifique convenant à la plupart des injures usuelles`` (ED. 1967).
♦ [Suivi d'un nom propre de pers.] C'est un autre Bossuet. C'est un homme qui a les mêmes qualités, le même style oratoire que Bossuet, c'est un deuxième Bossuet. Toutefois, dans cet emploi, l'emploi de que comparatif n'est pas possible.
b) [Dans une phrase négative et introd. par de]
[Le compar. est exprimé] Que se confond alors avec le tour à valeur exceptive ne... que.
Adjectif :
23. Et tout est là, il n'y a, dans le monde, pas d'autre volonté que cette force qui pousse tout à la vie, à une vie de plus en plus développée et supérieure.
ZOLA, Le Docteur Pascal, 1893, p. 45.
24. Ce que disait Weiss : « Rousseau, Montesquieu nous feraient croire qu'il n'est au monde d'autres partis que les libres penseurs et les superstitieux, les démocrates et les aristocrates, les royalistes et les républicains.
BARRÈS, Mes cahiers, t. 13, 1920-21, p. 8.
Pronom :
25. — Achetez-le toujours. Si ce n'est pas moi... ce sera une autre ...
— Non... non, faut que ce soit vous... Il n'y en a pas d'autre que vous... J'ai les sangs tournés de vous... Mais vous vous méfiez de moi...
MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, p. 215.
26. Oui, vous êtes l'homme dont j'ai besoin et je n'en connais pas d'autre que vous.
CAMUS, Les Possédés, adapté de Dostoïevski, 1959, p. 1060.
[Le compar. n'est pas exprimé]
Adjectif :
27. Elle reprit : « Ne dirait-on pas un châtiment? Je n'ai jamais eu d'autre enfant. »
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, L'Abandonné, 1884, p. 468.
28. Ou bien elle commençait quelque romance allemande, qui leur mettait les larmes aux yeux, et, pendant de longs moments, ils balançaient en mesure leurs bustes enlacés, et mêlaient leurs haleines, sans désirer d'autres joies.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, p. 773.
Pronom :
29. Je n'ai qu'un but et n'en puis avoir d'autre.
SENANCOUR, Rêveries, 1799, p. 6.
30. — Vous vous fichez de moi, patron! Qu'est-ce qui me prouve qu'il tient le litre, votre litre blanc?
— Monsieur! Je n'en ai pas d'autre.
ROMAINS, Les Copains, 1913, p. 5.
Rem. 1. Lorsque autre est régime d'une prép. et suivi du que compar., la répétition de la prép. devant le subst. ou le pron. introd. par que est facultative. Toutefois l'omission prévaut le plus souvent. 2. Autre (I A) s'oppose à le même, qui pour des raisons d'oppos. à même « ipse » ne peut pas se construire sans art. (on dit cependant une même chose, mais rarement).
B.— [Ne pouvant pas être suivi de que compar., mais susceptible d'être empl. en corrélation avec la prép. ou à valeur exclusive] La seconde partie est une série close à l'intérieur d'un ensemble à deux termes.
1. [Précédé d'art. déf., d'adj. poss. ou dém.]
a) Adjectif :
31. — (...) par ces mesures vous exhérédez complètement vos (...) autres enfants. Ils portent votre nom. Ne fussent-ils que les enfants d'une femme autrefois aimée (...) ils ont droit à une certaine existence.
BALZAC, Gobseck, 1830, p. 421.
32. Elle leva la main prête à le gifler mais il paralysa cette autre main. Maintenant il lui faisait mal. Il sentait qu'il lui faisait mal.
SAINT-EXUPÉRY, Courrier Sud., 1928, p. 29.
[L'autre suivi d'un subst. ou d'un adv. de temps : jour, mois, année, soir...] En liaison avec un verbe au passé, indique un passé généralement assez proche, déterminé, mais dont on juge inutile de préciser la date ou le moment. (S'oppose à : nous verrons cela un autre jour, une autre fois, cf. supra I A 2 a). L'autre jour, l'autre soir, l'autre année :
33. Un ordre de la reine nous vint l'autre mois...
J. LAFORGUE, Moralités légendaires, 1887, p. 92.
Rem. Arch. l'autre hier at; . fr. autrier, altrier « avant hier » :
34. Je vais chez M. Mole entre deux, et Mme de Tascher m'a fait l'autre hier dîner avec le girondin ultra-gouvernemental, ...
SAINTE-BEUVE, Correspondance gén., t. 3, 1818-69, p. 46.
b) Pronom :
35. ... au-dessous du chemin de traverse qu'elle avait pris pour arriver plus tôt au bord du lac, (...), tandis que Dougal arrivait ordinairement par l'autre, chargé des plus beaux poissons, surtout lorsqu'il amenait un hôte à la chaumière.
NODIER, Trilby, 1822, p. 191.
36. C'était un autre qui l'inquiétait, qu'il surveillait intensément, bien qu'il ne le regardât jamais. Cet autre-là, on ne l'appelait que Raboliot.
GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 25.
Un jour ou l'autre (mis pour un autre). Dans un avenir indéterminé. D'un jour, d'un instant, d'un moment... à l'autre. Indique un laps de temps séparant un jour, un instant, un moment... d'un autre jour, d'un autre instant, d'un autre moment (mais avec la valeur de celui qui suit immédiatement le premier).
Rem. Le pron. autre peut s'employer avec le dém. renforcé par  : cet autre là (cf. ex. 36).
2. [Empl. conjointement avec l'un; toujours sous la forme du pron.]
a) L'un(e)... l'autre, les un(e)s... les autres. Indique l'opposition entre deux personnes ou deux groupes de personnes, entre deux choses ou deux groupes de choses :
37. Les deux infortunées étant convenues d'un endroit au désert, s'y rendirent pendant trois nuits de suite. L'une apportoit son enfant mort, l'autre son enfant vivant; l'une son Manitou, l'autre sa Fétiche.
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, t. 1, 1803, p. 229.
Marque la réciprocité qui est (ou doit être) établie. Aimez-vous les uns les autres :
38. Catholique il [Napoléon] l'est devenu surtout lorsqu'il eut compris que catholicisme et christianisme s'excluaient l'un l'autre, que catholicisme signifiait universalité, et que, Rome, c'était l'empire.
J.-R. BLOCH, Destin du Siècle, 1931, p. 257.
b) L'un(e)... l'autre, l'un et l'autre, littér. Les deux ensemble, l'un étant équivalent de l'autre :
39. Puis le père rentra; il mit son cheval à l'écurie, revint, chaussa ses sabots; l'un, l'autre sonnèrent sur les dalles.
POURRAT, Gaspard des montagnes, La Tour du Levant, 1931, p. 19.
40. En réalité, ce n'est pas l'empirisme seul que nous visions. Il faut maintenant faire voir que son antithèse intellectualiste se place sur le même terrain que lui. L'un et l'autre prennent pour objet d'analyse le monde objectif qui n'est premier ni selon le temps ni selon son sens, ...
MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, p. 34.
c) L'un(e) + prép. + l'autre. L'une après l'autre, courir de l'un à l'autre, animés l'un contre l'autre, se précipitant les uns sur les autres, être faits l'un pour l'autre, etc.
Rem. Selon le sens qu'elles prennent dans le discours, les expr. l'un et l'autre, ni l'un ni l'autre peuvent être suivies d'un verbe conjugué à la 3e pers. du singulier. L'un et l'autre y a manqué (Ac. 1798-1932); ni l'un ni l'autre ne viendra (Ac. 1835-1932).
3. [Précédé des pron. pers. nous ou vous : pron. déterminés comme le, qu'ils supplantent en l'intégrant (en y substituant une idée de 1re ou 2e pers.)] Nous ou vous + autres (suivis ou non d'un subst.) indiquent l'appartenance à un groupe dont nous faisons (ou vous faites) partie et qui, ainsi mis en évidence, s'oppose à un autre groupe.
a) Adjectif :
41. Nous autres femmes, nous n'avons que faire des gens d'esprit.
BARRÈS, Mes cahiers, t. 3, 1903-1904, p. 85.
b) Pronom :
42. — Bon appétit, là-haut, cria l'homme; nous autres, on dîne.
SCHWOB, Le Livre de Monelle, 1894, p. 55.
Rem. Ces tours sont fam.; en revanche le tour eux autres est populaire.
C.— Loc. figée. D'autre part. [Précédé ou non de d'une part] Permet d'ajouter une précision, d'envisager un problème sous un angle différent :
43. ... en régime capitaliste une entreprise industrielle n'est-elle pas une ruche composée d'une part de travailleurs salariés et d'autre part de capitaux unis en sociétés, ...
MARITAIN, Humanisme intégral, 1936, p. 178.
44. Antoine écoutait. Non sans émotion : il éprouvait maintenant une sorte de curiosité pour les histoires de maladie, de mort. D'autre part, ce bavardage le dispensait de parler.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, p. 780.
Rem. Au XIXe s., autre part était souvent précédé soit de l'art. déf. : de l'autre part (J.-B. LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 80), soit de l'art. indéf. : d'une autre part (CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, t. 1, 1803, p. 412). D'une ou d'autre part est également attesté (LEMERCIER, Pinto, 1800, II, 1, p. 43). Le tour d'une part... de l'autre est encore empl. de nos jours et est l'équivalent de d'une part..., d'autre part :
45. Donc, d'une part, la masse et l'étendue d'un spectacle qui s'adresse à l'organisme entier; de l'autre, une mobilisation intensive d'objets, de gestes, de signes, utilisés dans un esprit nouveau.
A. ARTAUD, Le Théâtre et son double, 1939, p. 104.
II.— Nominal
A.— [Désignant une pers.]
1. Au sing.
a) [Autre précédé d'un art. indéf., d'un adj. interr.] :
46. Redoutable ennemi de notre liberté, (...), quel autre que vous aurait assez d'assurance pour tromper perpétuellement le peuple, quel autre que vous aurait assez d'astuce pour l'enchaîner, quel autre que vous aurait assez de tenue pour ne point lâcher prise?
MARAT, Les Pamphlets, Nouv. dénonciation contre Necker, 1790, p. 195.
47. ... ne cherchez plus, car celle que vous trouveriez désormais ne serait qu'une autre, une pauvre autre.
J. LAFORGUE, Moralités légendaires, 1887, p. 79.
48. — La Transocéanique vous donne le commandement de l'Étoile des mers. Il faut accepter.
— Non.
Il était sorti en claquant la porte. Un autre se serait confondu en remerciements. Mais il n'y en avait pas deux comme Davis.
PEISSON, Parti de Liverpool, 1932, p. 12.
49. YVONNE. — Eh bien, par exemple, c'est une chance que le vieux ait été Georges.
GEORGES. — Merci beaucoup.
YVONNE. — Parce que si le vieux avait été un autre, un vrai autre, je connais Georges... Je te connais... Tu te serais laissé attendrir et tu aurais manqué de poigne.
COCTEAU, Les Parents terribles, 1938, III, 2, p. 277.
Tu me prends pour un autre. Tu me crois bien naïf.
b) L'autre :
50. ... M. Eyssette, heureux et désolé du même coup, se demandait comme l'autre, s'il devait pleurer (...) ou rire pour l'heureuse arrivée du petit Daniel...
A. DAUDET, Le Petit Chose, 1868, p. 10.
Fam. Comme dit l'autre :
51. Je plaisante, mais vous savez, comme dit l'autre, un rien suffit à changer le cours des choses.
PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 16.
PHILOS. Contraire du Même :
52. ... autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi...
SARTRE, L'Être et le Néant, 1943, p. 285.
53. ... pendant son travail, l'esprit se porte et se reporte incessamment du Même à l'Autre; et modifie ce que produit son être le plus intérieur, par cette sensation particulière du jugement des tiers.
VALÉRY, Introd. à la poét., 1938, p. 18.
Vx. L'Autre
Satan :
54. ... il prononça hardiment la formule bien connue :
Si tu es de Dieu, parle; si tu es de l'Autre, laisse-nous en paix.
MÉRIMÉE, Mosaïque, 1833, p. 53.
55. Alors Satan (...) regarda les maisons des Frères. (...).
— Parce que je suis l'Adversaire et parce que je suis l'Autre, je tenterai ces moines...
A. FRANCE, Le Puits de Sainte Claire, 1895, p. 157.
Usité à la Restauration, Napoléon Ier (l'autre souverain p. oppos. à Louis XVIII) :
56. M. de Saint-Robert était, du temps de l'Autre, officier supérieur dans un régiment de la vieille.
COUAILHAC (LARCH. 1880).
2. Au plur. :
57. Ah! Vraiment! Les éternels autres commencent à m'embêter! Je fais toujours tout pour eux et je ne vois pas qu'ils fassent quelque chose pour moi.
FLAUBERT, Correspondance, 1880, p. 401.
58. Je me bornai à exposer la façon dont je conçois la vérité de cette heure, et ma définition, loin que je puisse l'imposer à aucun, ne saurait être appréciée que de qui partage mon sentiment. Tous autres s'en choqueraient, comme vous faites, Monsieur.
BARRÈS, L'Ennemi des Lois, 1893, p. 16.
À d'autres :
59. — Monsieur, je vous jure...
À d'autres! reprend le directeur, les yeux humectés et avec un mélancolique sourire.
VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Contes cruels, Deux augures, 1883, p. 48.
B.— [Désignant une chose]
1. Loc. [Dans ces loc., autres, le plus souvent au plur., est mis pour autres choses]
Fam. En dire, en entendre, en voir (bien) d'autres :
60. — Tu en entendras bien d'autres, si tu vis longtemps, continua paisiblement le marquis.
BERNANOS, Sous le soleil de Satan, 1926, p. 88.
61. — Pour moi? Oh! Moi, j'en ai vu d'autres! S'il n'y avait que moi en jeu.
ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 526.
N'en faire jamais d'autres :
62. ... on vous prendra pour une de ces bourgeoises tout étonnées de se trouver ici (...). Cette folle de grande maîtresse n'en fait jamais d'autres!
STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, p. 449.
Causer de choses et d'autres. Bavarder à bâtons rompus :
63. M. Élie ne répondit pas, et bientôt ils causèrent de choses et d'autres.
MONTHERLANT, Les Célibataires, 1934, p. 779.
Entre autres :
64. Mme H. m'a joué d'infâme musique moderne, entre autres, comme régal, les deux morceaux que les voisines du jardin ont écorchés tout l'été.
E. DELACROIX, Journal 1, 1852, p. 191.
Vieilli. En voici bien d'une autre. Voici une chose bien étonnante :
65. — En voici bien d'une autre, dit-il en le retirant [son filet], et en dégageant de ses mailles une boîte d'une forme élégante et d'une matière précieuse qu'il crut reconnaître à sa blancheur si éclatante et à son poli si doux pour de l'ivoire incrusté de quelque métal brillant, ...
NODIER, Trilby, 1822, p. 185.
L'un dans l'autre. En faisant la moyenne (Ac. 1835-1932) donnent avec le même sens l'un portant l'autre. Ces deux fermes rapportent, l'une dans l'autre, tant par an (Ac. 1878-1932).
Rem. Dans l'ex. suiv., l'un... l'autre paraît signifier « d'un côté... de l'autre » :
66. Cependant il faut que tu me permettes de te dire que j'aurai toujours du chagrin du peu de désir de me revoir que tu as montré à moi, et à mes amis. Comme sentiment l'un, et comme amour-propre l'autre, j'en ai ressenti de la peine. Enfin, n'en parlons plus.
Mme DE STAËL, Lettres de jeunesses, 1790, p. 417.
2. PSYCHANAL. L'Autre. Lieu de l'Inconscient qui ,,pour le sujet parlant (...) passe par les lois du langage avec ce qu'elles fondent des catégories du Symbolique, de l'Imaginaire et du Réel. (...). L'Autre, notion fondamentale, est donc (...) désigné comme le lieu de la Parole, où la métonymie introduit le manque-à-être comme signifiant du Désir`` (LAFON 1969) :
67. ... nous tirons des Autres presque tout le nécessaire, le langage aussi bien que le pain, et beaucoup d'images de nous, qui se peignent dans leur regard, dans leur conduite, leurs paroles et leurs silences. Un miroir est l'un de ces Autres.
VALÉRY, Mauvaises pensées et autres, 1942, p. 73.
C.— Loc. nom. Autre chose.
1. Une chose différente :
68. Un grand homme à bésicles qui m'avait tout l'air d'un candidat d'institut ne supposait pas qu'on pût s'occuper d'autre chose que de la maladie d'un académicien septuagénaire.
JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 2, 1812, p. 155.
69. Aimer avec la partie de l'âme qui est située de l'autre côté du rideau, car la partie de l'âme qui est perceptible à la conscience ne peut pas aimer le néant, elle en a horreur. Si elle croit l'aimer, ce qu'elle aime est autre chose que le néant.
S. WEIL, La Pesanteur et la grâce 1943, p. 114.
Rien autre chose. Rien d'autre (cf. supra I B 3). Sert à exclure toute possibilité différente :
70. Convaincus de cette vérité, que l'opinion qu'un peuple a du caractere de sa religion, ne prouve rien autre chose que sa croyance, et n'en change pas la nature, nous porterons nos recherches jusque dans les sanctuaires de Rome moderne, ...
DUPUIS, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 290.
71. Qui s'aveugle volontairement sur le prochain, sous prétexte de charité, ne fait souvent rien autre chose que de briser le miroir afin de ne pas se voir dedans.
BERNANOS, Dialogues des Carmélites, 1948, p. 1585.
Autre chose. S'emploie dans une discussion pour aborder un suj. différent.
2. [Introduisant des prop. que l'on veut opposer] : Autre chose..., autre chose... :
72. Mais autre chose est défendre sa patrie, autre chose attaquer des peuples qui ont aussi une patrie à défendre.
CONSTANT, De l'Esprit de conquête, 1813, p. 164.
Dans ce cas, l'omission de chose est courante :
73. En effet, on pourroit supposer, avec quelque vraisemblance, qu'il est moins difficile de faire les cinq actes d'un Œdipe-roi, que de créer les vingt-quatre livres d'une Iliade : autre est de produire un ouvrage de quelques mois de travail; autre d'élever un monument qui demande les labeurs de toute une vie.
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, t. 1, 1803, p. 277.
Rem. On rejoint dans ce cas l'emploi attributif cité plus haut (I A c) :
74. Autre est mon ami au bal à Paris, et autre mon ami dans les forêts d'Amérique.
STENDHAL, Hist. de la peint. en Italie, t. 2, 1817, p. 98.
PRONONC. :[]. Enq. :/, D/.
ÉTYMOL. ET HIST.
I.— Pronom. 1. a) 2e moitié Xe s. altre « le reste d'un ensemble dont les premiers éléments ont été déjà été considérés » (Saint Léger, 205 ds A. HENRY, Chrestomathie de la litt. en a. fr., I, 12 : Cil Laudeberz, qual hora. 1 vid, Torne s'als altres, si llor dist : Ciest omne tiel mult aima Deux); b) ca 1100 bien des altres « beaucoup d'autres » (série ouverte opposée au premier élément considéré) (Roland, éd. Bédier, 108 : La u cist furent, des altres i out bien); fin XVe s. d'aultres (PH. DE COMMINES ds E. GAMILLSCHEG, Historische Französische Syntax, Tübingen, 1957, p. 84 : Je fus d'opinion et d'aultres aussi); 2. fin Xe s. « le deuxième, le ou les suivants (p. oppos. à l'un ou les uns) » (Passion, 289, éd. Bartsch, Chrestomathie, pièce 5, 173 : Ensobre toz uns dels ladruns El escarnïe rei Jhesum. Respondet l'altre 'mal i diz'); 3. fin XVe s. les autres « le prochain, autrui » (PH. DE COMMYNES, Mémoires, VI, 11 ds Dict. hist. Ac. fr. : Il n'est nul homme, de quelque dignité qu'il soit, qui ne souffre, ou en secret ou en public, et par especial ceulx qui font souffrir les aultres).
II.— Adj. 1. ca 1040 « qui n'est pas le même » (Alexis, 60, 296, éd. Christopher Storey : En l'altra voiz lur dist altra summunse); 2. ca 1040 « différent (avec une valeur qualificative) » en attribut (Alexis, 32a, éd. G. Paris et L. Pannier ds T.-L. : Ne pot estre altre); 3. 1160-74 avec une notion de temps, indique un moment passé ou futur (WACE, Rou, éd. H. Andresen, I, 637 ds T.-L. : el demain, a l'altre nuit); 4. ca 1100 d'altre part « d'un autre côté » (Roland, éd. Bédier, 916 : D'altre part est Turgis de Turteluse); 5. a) 1220 loc. autre chose « qqc. de différent, qui est à l'opposé » (Ogier le Danois, 181, éd. J. Barrois ds T.-L. : Que font a Rome..., Come se tienent li baron chevalier...? Cil dïent : sire, autre chose que bien); b) 1539 autre répété pour renforcer une opposition (EST., p. 50 : C'est autre chose de mesdire d'aucung, & autre chose de l'accuser); 6. XIIIe s. renforce un pron. pers., distingue le groupe représenté par le pron. (souvent en l'opposant au reste) (JOINVILLE, § 57 ds NYROP t. 5, p. 214, § 178, rem. : Messires de Neelle et li bons cuens de Soissons et nous autre qui estiens entour li); 7. 1370 « distinct mais semblable, deuxième du même type » (N. ORESME, Ethiques d'Aristote, 282 ds LITTRÉ : Et nous disons que ami est aussi comme autre soy meisme); 8. 1690 « différent par une certaine supériorité » (FUR.).
Du lat. alter; I emploi pronom., désigne le deuxième élément d'un ensemble de deux éléments (PLAUTE, Poen., 1095 ds OLD, 108), à rapprocher de I 2 unus ... alter (ID., Poen. 919 ds TLL s.v., 1742, 48), également attesté pour désigner le reste d'un ensemble dont un élément a déjà été considéré (ACCIUS, Trag., 345 ds TLL s.v., 1737, 64) et au sens de « autrui » (cf. I 3) (Q. ENNIUS, Sat., 59, V ds TLL s.v., 1737, 54); II emploi adj., sert à désigner le deuxième élément d'un ensemble de deux éléments (NAEVIUS, Com., 18 ds OLD, 107), sert à désigner un élément distinct d'un ensemble non limité à deux éléments (PLAUTE, Most., 778 ds TLL s.v., 1733, 33), attesté comme synon. de alius (OVIDE, Fast., 3, 625 ds TLL s.v., 1736, 6), attesté avec une notion de temps (II 3) (CÉSAR, Gall., 3, 30, 6 ds TLL s.v., 1736, 52), attesté pour désigner un autre élément du même type (II 6) (CICÉRON, Att., 3, 15, 4 ds TLL s.v., 1735, 71) et dans l'expr. altera pars (cf. autre part, II 4) pour désigner la partie adverse (CICÉRON, Inv., 1, 83 ds TLL s.v., 1737, 8) puis plus gén. l'autre côté (CÉSAR, Gall., 7, 48, 1, ibid., 16).
STAT. — Fréq. abs. littér. :164 791. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 235 254, b) 209 545; XXe s. : a) 231 894, b) 248 359.
BBG. — BRAULT (G. J.). Anc. fr. de l'un en l'autre. Romania. 1967, t. 88, n° 1, pp. 84.90. — COHEN 1946, p. 56. — DEM. 1802. — ÉD. 1967. — FOULQ-ST-JEAN 1962. — GOBLOT 1920. — HARRIS (M. R.). Fr. autre, a classificational crux. Rom. Philol. 1968, t. 21, n° 4, pp. 450-462. — KJELMAN (H.). Autre, si, aussi, ainsi. Ét. de synt. hist. Studier i modern Sprakvetenskap. 1924, t. 9, pp. 147-198. — KRAPPE (H.). L'Autre. Fr. R. 1943/44, t. 17, pp. 145-148. — LAFON 1969. — LAL. 1968. — LARCH. 1880. — LARCH. Suppl. 1880. — LA RUE 1954. — LE ROUX 1752. — MARSHALL. (F. W.). Les Poésies de Blondel de Nesle. Une ét. du lex. d'après l'examen des mss, pp. 36-37 (Thèse Univ. Paris, 1968). — NOTER-LÉC. 1912. — ORR (J.). Autre = outre? Fr. mod. 1936, t. 4, pp. 283-285. — ORR. (J.). Autre, outre..., et foutre. R. Ling. rom. 1933, t. 9, pp. 52-85. — PIERREH. 1926. — PIERREH. Suppl. 1926. — PIGUET 1960. — VINC. 1910.

autre [otʀ] adj., pron., n. m.
ÉTYM. 1220; altre, pron., fin Xe; adj., v. 1040; lat. alter, accusatif alterum.
———
I Adj. épithète.
A Épithète antéposée.
1 Qui n'est pas le même, qui est distinct ( éléments Allo-, hétéro-). || Adressez-vous à une autre personne. || Est-il plus heureux que les autres hommes ? Autrui. || Tous les autres passagers ont péri. Reste (le), restant (le). || « Aucune autre affection (cit. 6) n'est comparable à celle-là. » || Bien d'autres, beaucoup d'autres périls nous attendent. || Il m'a dit ceci et beaucoup d'autres choses encore. || J'ai encore d'autres preuves à vous apporter. || En un autre lieu.Loc. Autre part. 1. Part (III., 1.) : ailleurs. || L'autre monde, l'autre vie. Delà (au-delà). || D'un autre côté. || L'autre côté de la rivière. || Sur l'autre rive. || Montre-moi l'autre main. || Voyez un autre service, un autre guichet. || Il a pris un autre train, un autre avion. || Je ne vois aucun autre moyen. || Avez-vous trouvé une autre solution ? || Toute autre place serait indigne d'elle. || Il faut écarter toute autre considération. Étranger. || En d'autres termes. || Il n'a pas pris d'autre avis. || Quelque chose d'un autre genre, d'une autre sorte.Autre…(subst.) que. || Il n'a pas réalisé d'autres films que celui-là. || Une autre femme que la sienne. || Elle a d'autres désirs que dans sa jeunesse. || Il m'a donné un autre livre que celui qu'il m'avait promis.
1 Voici que du fleuve montaient sept vaches grasses (…) Et voici qu'après elles, montaient sept autres vaches, maigres (…)
Bible, Genèse, XLI, 18-19.
2 Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes :
Ils peuvent se tromper comme les autres hommes (…)
Corneille, le Cid, I, 3.
3 Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes.
La Fontaine, Fables, I, 7.
4 Le loup l'emporte, et puis le mange
Sans autre forme de procès.
La Fontaine, Fables, I, 10.
5 Un paon muait, un geai prit son plumage
puis après se l'accommoda;
Puis parmi d'autres paons tout fier se panada (…)
La Fontaine, Fables, IV, 9.
6 (…) écoutez humains, un autre conte (…)
La Fontaine, Fables, VII, 4.
6.1 Et comme si les mêmes pensées ne formaient pas un autre corps de discours, par une disposition différente, aussi bien que les mêmes mots forment d'autres pensées par leur différente disposition !
Pascal, Pensées, I, 22.
7 (…) Je soupire après d'autres conquêtes.
Racine, Alexandre le Grand, III, 6.
8 (…) Croyez-moi, l'amour est une autre science.
Racine, Britannicus, III, 1.
9 Et pour tout autre objet ton âme indifférente
Dédaignait de brûler d'une flamme innocente.
Racine, Phèdre, IV, 2.
10 J'aurais trop de regret si quelque autre guerrier
Au rivage troyen descendait le premier.
Racine, Iphigénie, I, 2.
11 Ils ne songeaient qu'à se distinguer des autres hommes.
Bossuet, Hist., II, 5.
12 Cette autre sorte de douleur qu'on appelle repentir (…)
Bossuet, Traité du libre arbitre, 2.
13 L'amour naît brusquement, sans autre réflexion, par tempérament ou par faiblesse.
La Bruyère, les Caractères, IV, 3.
14 Les grands croient être seuls parfaits, n'admettent qu'à peine dans les autres hommes la droiture d'esprit, l'habileté, la délicatesse.
La Bruyère, les Caractères, IX, 19.
15 Nicoclès (se) faisait gloire de n'avoir jamais connu d'autre femme que la sienne pendant tout le temps de son règne (…)
Rollin, Hist. ancienne, Œ. t. V, p. 456, in Pougens.
16 Vous faut-il d'autre conseil que moi quand il s'agit de donner bataille ?
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, 18.
17 Je vois que, le danger de sa fille effaçant toute autre considération, elle ne serait pas fâchée de vous voir ici.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, I, 27.
18 Tous les citoyens (…) sont également admissibles à toutes dignités (…) sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Déclaration des droits de l'homme, 1791, art. 6.
19 Nous avons deux poids et deux mesures : nous approuvons, pour une idée, un système, un intérêt, un homme, ce que nous blâmons pour une autre idée, un autre système, un autre intérêt, un autre homme.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, I, 7.
20 J'ai vu sous le soleil tomber bien d'autres choses
Que les feuilles des bois et l'écume des eaux.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Souvenir ».
21 Je n'entends pas d'autre bruit que celui du vent dans la toile des tentes et dans les arbres du jardin.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 89.
22 (…) la voix infatigable et exténuée hurlant seulement : « Une autre bière ? », et lui disant : « Non », la tête baissée, restant là sous le double regard, méprisant et réprobateur, de la fille et du garçon (…)
Claude Simon, le Palace, p. 31.
Prov. Autres temps, autres mœurs (→ Instruire, cit. 3). Vx. || D'autres temps, d'autres mœurs.Variante : || « D'autres temps, d'autres soins… » (Racine, Mithridate, III, 1).
Sans autre (n. de chose) : sans plus de…, sans (chose) supplémentaire. || Il m'a raconté cela sans autre détail. || Sans autre forme de procès. || Sans autre distinction que celle de l'argent.
Loc. adv. (1926). Régional (Suisse). Sans autre (loc. adv.) : purement et simplement, sans discussion, bien entendu. || Je compte sur vous sans autre.
Une autre fois, un autre jour : à un moment différent. || Une autre fois, tu préviendras. || C'était cette fois ? Non, une autre fois.Spécialt. Un peu plus tard. || Je repasserai une autre fois.La prochaine fois. || Une autre fois, je préférerais aller à la piscine.D'autres fois : à d'autres moments.
23 Soyez une autre fois plus sage, je vous prie.
La Fontaine, Fables, V, 11.
24 (…) Une autre fois je t'ouvrirai mon âme.
Racine, Andromaque, I, 3.
25 D'autres fois, il écrivait, debout à une table d'architecte (…)
Paul Bourget, le Disciple, IV.
L'autre fois, l'autre année : la dernière fois (année), la fois (l'année) précédenteL'autre jour : un de ces derniers jours, récemment.
26 Ces ouvrages (…) deviennent des almanachs de l'autre année.
La Bruyère, les Caractères, I, 58.
27 J'étaits l'autre jour dans une société où je me divertis assez bien.
Montesquieu, Lettres persanes, 52.
28 Je l'ai même encore vu à la fin de l'autre semaine.
Maupassant, Pierre et Jean, V, in Grevisse.
(Plus rare). || L'autre année, l'autre semaine : l'année, la semaine prochaine.
29 Mes infirmités me rendent si faible ! Cependant j'aurais pu vivre jusqu'à l'autre hiver, encore !
Flaubert, la Tentation de saint Antoine, in Grevisse.
29.1 (…) je ne penserai plus, je serai trop pris, à tenir debout, à me tenir debout, à changer de place, à tenir le coup, à parvenir au lendemain, à l'autre semaine (…)
S. Beckett, Textes pour rien, p. 30.
D'autre part. Part (infra cit. 16).
(Dans une énumération). || Tomates, choux-fleurs, artichauts et autres légumes.REM. Le dernier terme de l'énumération représente normalement une classe qui englobe tout ce qui a été précédemment cité. On peut cependant employer cette construction de façon plaisante, le dernier terme désignant une catégorie de même niveau. Il écrivait des pamphlets, factums, et autres libelles.
29.2 Lui, trop vieux pour courir le papillon, consentait à l'entretien de son grand dadais de fils, à condition bien entendu qu'il se chargeât de l'approvisionnement d'hyménoptères, stresiptères et autres névroptères.
René Fallet, le Triporteur, p. 219.
(Coordonné à l'un). Vx. || L'un(e) et l'autre… (chose, personne). || L'une et l'autre saison est favorable, sont favorables. → aussi ci-dessous, cit. 103 et 104.
29.3 Comme elle (Sabine) je perdrai dans l'une et l'autre armée.
Corneille, Horace, I, 2.
Mod. || Un (et substantif) … l'autre (sans substantif). || Un jour ou l'autre. || D'un instant, d'un moment, d'un jour à l'autre.De part (cit. 17) et d'autre. || De temps (I., B., 3.) à autre.D'un endroit à l'autre. || D'une illusion à l'autre.(Tour répandu par référence à Céline : D'un château l'autre). || D'un… l'autre : à l'autre.
29.4 Mauriac, Achille, Gœbbels, Tartre !… ça que vous les voyez si nerveux, si alcooliques, d'un cocktail l'autre, d'une confession l'autre, d'un train l'autre, d'un mensonge l'autre ! d'une Cellule l'autre… d'une déconnerie l'autre !
Céline, D'un château l'autre, p. 69.
2 Un autre (suivi d'un nom propre, d'un pronom) : qqn, qqch. qui ressemble à qqn, à qqch. trait pour trait. || C'est un autre César. || C'est un autre Versailles. || C'est un autre moi-même. Alter ego.(Suivi d'un nom qualifié). || C'est un autre paysan du Danube, un autre fils de ses œuvres…
30 Je le répète encor : c'est un autre moi-même.
Racine, Mithridate, III, 5.
31 (Il) parle comme un autre Élie
Devant cette autre Jézabel.
Racine, Athalie, II, 9.
32 Il fallut réveiller d'un profond sommeil cet autre Alexandre (…)
Bossuet, Oraison funèbre du prince de Condé.
3 (Souvent précédé de tout, bien…). Différent par quelque supériorité, importance, difficulté. || C'est une tout autre musique. || On lui a fait de bien autres propositions.
32.1 Si les souverains de l'Europe n'avaient pas aujourd'hui de bien autres affaires à démêler, ils pourraient charger de quelque pièce nouvelle un écu déjà si noblement compliqué (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le dessous de cartes… »
Autre… que. || C'étaient d'autres militants que ceux de maintenant ! || Ce sera un autre gaillard que son père. → Amoureux, cit. 9. (Avec ellipse du premier terme de la comparaison).C'est une autre question, une autre affaire (cit. 28), une autre chanson, une autre paire de manches.
B Épithète postposée.
1 Littér. || Une couleur autre (Proust, in T. L. F.).Cour. || … autre que… || Une pensée autre que celle de ses prédécesseurs.
32.2 Pour la première fois, les valeurs autres que sportives ou noceuses existaient pour lui.
Proust, Albertine disparue, Folio, p. 283.
32.3 L'hétérogénéité des « états de conscience » condamne toute forme de saisie autre que l'introspection.
J.-F. Lyotard, la Phénoménologie, p. 50.
2 … et autres (à la fin d'une énumération d'adjectifs).
32.4 vous étudierez ici, pour les soumettre au gouvernement, quelles conditions, morales, sociales, politiques, économiques et autres vous paraissent pouvoir être progressivement appliquées dans chacun de nos territoires.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre, t. II, p. 557.
3 (Après les pron. pers. nous, vous pour opposer le groupe désigné au reste). || Nous autres, nous partons. Nous, I., B., 2. || Entre (→ 1. Entre, cit. 26) nous autres, savants… Fam. || Eux autres.Pop. || Nous aut', vous aut' [nuzot; vuzot].
32.5 Nous autres, bénissons notre heureuse aventure (…)
Corneille, Polyeucte, V, 6.
32.6 Et nous aimons mieux, nous autres gens d'étude,
Une comparaison qu'une similitude (…)
Molière, le Dépit amoureux, IV, 2.
32.7 Vous autres, à qui donc croyez-vous avoir affaire ?
Saint-Simon, Mémoires, I, 474.
———
II Pronominal (nominal ou représentant un nom) : || L'autre, un autre, les autres.
1 (Pron.). || Prendre qqn pour un autre (une autre personne), une chose pour une autre. || Moi et les autres. || Ce livre et l'autre. || Tous les autres. || Beaucoup d'autres. || Tendre une main, puis l'autre. || D'une part (supra cit. 16)… de l'autre…
33 On cherche les rieurs, et moi, je les évite.
Cet art veut sur tout autre un suprême mérite.
La Fontaine, Fables, VIII, 8.
34 Une maxime qui comprend toutes les autres (…)
Pascal, les Provinciales, 14.
35 Ainsi les tableaux vus de trop loin et de trop près; et il n'y a qu'un point indivisible qui soit le véritable lieu : les autres sont trop près, trop loin, trop haut ou trop bas.
Pascal, Pensées, t. II, VI, 381.
36 Ainsi la première victoire fut le gage de beaucoup d'autres (…)
Bossuet, Oraison funèbre du prince de Condé.
37 Ces faits et les autres sont de la dernière conséquence (…)
Bossuet, Relation sur le Quiétisme, in Littré.
38 (…) dans un temps court, et dans le même lieu, il ne peut y avoir probablement qu'une seule action principale; les autres sont accessoires.
Montesquieu, Cahiers, p. 79.
39 (…) la répudiation se fait par la volonté et pour l'avantage d'une des deux parties, indépendamment de la volonté et de l'avantage de l'autre (…)
Montesquieu, l'Esprit des lois, XVI, 15.
40 Trahi d'une partie de mes amis et délaissé des autres (…)
Rousseau, les Confessions, X.
41 (…) le premier abus toléré en amène un autre (…)
Rousseau, Émile, IV.
42 Pourquoi celle-là (cette femme) plutôt qu'une autre ?
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, III, 6, p. 164.
43 On y a laissé quelques Arabes seulement pour gardiens; les autres sont descendus au ravin (…)
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 100.
44 (Une femme) qui n'est, chaque fois, ni tout-à-fait la même
Ni tout à fait une autre (…)
Verlaine, Poèmes saturniens, VI, « Mon rêve ».
45 Pas un soir ne ressemblait à un autre, pas une femme ne ressemblait à une autre; et cependant tous les soirs étaient pareils, toutes les femmes semblables.
Edmond Jaloux, les Visiteurs, XX.
45.1 Un silence se fit dans un déclin du jour.
Une plainte expira, puis un soupir d'amour.
Puis une pomme chut, une autre encore, et d'autres,
Dans l'herbe haute et chaude et l'ombre d'émeraude.
Charles Van Lerberghe, la Chanson d'Ève, « Un silence se fit… ».
45.2 Tout l'effort consiste, au contraire (…) à faire du texte un objet de plaisir comme les autres.
R. Barthes, le Plaisir du texte, p. 93.
(Pour demander un bis à la fin d'un concert, pour acclamer quelqu'un qui a chanté une chanson). || Une autre, une autre !
(Nominal). || Un autre : un autre homme. || Une autre : une autre femme. || Les autres : les autres hommes, les autres femmes. Autrui. || Faire qqch. tout comme un autre, aussi bien qu'un autre : aussi bien que quiconque, très bien. || Il en aime une autre. || Il subira le sort de tant d'autres. || « La Tête des autres », pièce de M. Aymé.Cela n'arrive qu'aux autres ( Arriver, II., B., 1.).(Sujet). || Un autre est venu → ci-dessous, cit. 50, 51.
46 Nous sommes si accoutumés à nous déguiser aux autres qu'à la fin nous nous déguisons à nous-mêmes.
La Rochefoucauld, Maximes, 119.
47 Si tu veux qu'on t'épargne, épargne aussi les autres.
La Fontaine, Fables, VI, 15.
48 Mais je veux consentir qu'elle (cette lettre) soit pour un autre.
Molière, le Misanthrope, IV, 3.
49 Et je faisais claquer mon fouet tout comme un autre.
Racine, les Plaideurs, I, 1.
50 Une autre de César a surpris la tendresse (…)
Racine, Britannicus, III, 4.
51 Une autre cependant a fléchi son audace;
Devant ses yeux cruels une autre a trouvé grâce (…)
Racine, Phèdre, IV, 5.
52 Baruc, Daniel, sans compter les autres (…)
Bossuet, Hist., II, 13, in Littré.
53 Il devait subir la destinée de tous les autres (…)
Bossuet, Hist., III, 1, in Littré.
54 Il évite de donner dans le sens des autres et d'être de l'avis de quelqu'un (…)
La Bruyère, les Caractères, V.
55 Quelle lâcheté de se sentir découragé du bonheur des autres et d'être accablé de leur fortune.
Montesquieu, les Caractères, Cahiers, p. 11.
56 Aimer, c'est avoir pour but le bonheur d'un autre, se subordonner à lui, s'employer et se dévouer à son bien.
Taine, Philosophie de l'art., V, 3, 2.
57 Aimer en d'autres le peu de toi qu'elles contiennent.
A. Maurois, Climats, p. 139.
57.1 Certains autres se rassuraient (…)
M. Duras, Moderato cantabile, p. 69.
|| « L'enfer, c'est les autres » (Sartre, Huis-clos).
Un autre que… || Un autre que moi vous l'expliquera. || D'autres que… || « Ne parlez pas de cela à d'autres que vos amis » (Littré). || J'aime mieux que vous l'appreniez d'un autre que de moi (Académie).
REM. Malgré l'opinion de Littré et de quelques grammairiens, l'usage admet la répétition des prépositions après un autre que… Les exemples littéraires montrent qu'elle est facultative :
58 Ce sang qui tout sorti fume encore de courroux
De se voir répandu pour d'autres que pour vous (…)
Corneille, le Cid, II, 8.
59 Et je le donnerais à bien d'autres qu'à moi
De se voir sans chagrin au point où je me vois (…)
Molière, Sganarelle, 16.
60 Mais je ne serai point à d'autre qu'à Valère.
Molière, Tartuffe, II, 4.
61 Je suis au désespoir que vous ayez eu Bajazet par d'autres que par moi.
Mme de Sévigné, 257, 16 mars 1672.
62 Il l'aime : elle vivra pour un autre que lui.
Racine, Iphigénie, IV, 8.
63 Je ne sais même encor, quoi qu'il m'ait pu promettre,
Sur d'autres que sur moi si je dois m'en remettre.
Racine, Andromaque, IV, 4.
64 Pourquoi faut-il que j'apprenne de tes nouvelles par d'autres que par toi ?
Montesquieu, Lettres persanes, 51.
65 Je n'y vais que pour vous, cher ange que vous êtes; je ne puis me montrer à d'autres qu'à vous.
Voltaire, Lettre à d'Argental, 30 déc. 1774.
66 Tu ne seras touché par un autre que moi (…)
Hugo, Hernani, II, 3.
67 Autant que je puis croire (…) cette adorable fille venait pour un autre que pour moi (…)
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, 1 t. VIII, p. 200.
Littér. || Quelque autre vous le dira mieux que moi (Académie). || Quel autre que vous ? || Tout autre. || Aucun autre. || Nul autre.(Vx ou littér.). || Personne autre.
68 Tout autre que mon père
L'éprouverait sur l'heure.
Corneille, le Cid, I, 5.
69 Il m'a donnée à vous, et nul autre que moi
N'a droit de l'en dédire et me choisir un roi (…)
Corneille, Nicomède, I, 1.
70 Toute autre se serait rendue à leurs discours.
Racine, Britannicus, IV, 2.
71 Personne autre que moi peut-être n'y était venu et n'y viendra, et moi-même, aujourd'hui, je ne saurais plus le retrouver.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, I, 8.
Cour. || … d'autre. || Qui d'autre proposez-vous ? || C'était quelqu'un d'autre. || Personne d'autre n'acceptera. || Que faire d'autre ? || Il n'y a rien d'autre. || Ce n'est rien d'autre qu'un escroc. || Je ne demande rien d'autre.
72 (…) Sa goutte le rendait nerveux et, quand il n'avait personne d'autre à qui témoigner son agacement, c'est à la duchesse qu'il le manifestait.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIII, II, 205.
73 Ces hommes qui ne recherchent que l'esprit, ne sont rien d'autre que des génies froids, sans flamme de sentiment qui les anime (…)
Émile Faguet, XVIIe s., Études littéraires, p. 354.
Fam. || L'autre, cet autre, désigne avec mépris une personne. || Regarde, vise un peu l'autre ! || Écoutez ce que nous dit cet autre.
Loc. (1613, in D. D. L.). Comme dirait l'autre, comme dit l'autre : comme on dit, comme l'usage populaire le laisse entendre.
74 Mais tout ça, comme dit l'autre, n'a été que de l'onguent.
Molière, le Médecin malgré lui, III, 2.
75 On apprend à hurler, dit l'autre, avec les loups.
Racine, les Plaideurs, I, 1.
Fam. À d'autres ! : allez conter cela à de plus crédules. || Ça va, à d'autres !
76 À d'autres, je vous prie (…)
Molière, Sganarelle, 6.
77 Non; à d'autres, dit-il; on connaît votre style (…)
Boileau, Épîtres, VI.
78 — Eh bien, Mademoiselle, que fait-on de l'égalité, de la liberté et de la fraternité ?
Elle eut une moue qui signifiait « à d'autres » (…)
Maupassant, Fort comme la mort, éd. 1889, p. 9.
79 — À d'autres, dit la mère, grossière tout à coup et pour tenter de prendre le ton de Joseph.
M. Duras, Un barrage contre le Pacifique, p. 95.
Vieilli. || En voici bien d'une autre : voici une chose encore plus surprenante.
80 En voici bien d'une autre, dit-il en le retirant (son filet) et en dégageant de ses mailles une boîte d'une forme élégante et d'une matière précieuse (…)
Ch. Nodier, Trilby, p. 185.
Entre autres : parmi plusieurs (personnes, choses). || J'ai visité les cathédrales d'Espagne, entre autres celle de Tolède. || Il y avait entre autres, deux médecins, un ingénieur.
81 Mme H. m'a joué d'infâme musique moderne, entre autres, comme régal, les deux morceaux que les voisines du jardin ont écorchés tout l'été.
E. Delacroix, Journal, I (1852), p. 191.
82 Il y a, entre autres, deux principales espèces (d'histoire).
J. Amyot, Préface, XX, 47.
83 Leur reprochant, entre autres, certaines dévotions.
Racine, Port-Royal.
D'autres : d'autres choses. — ☑ Loc. Il n'en fait jamais d'autres : il commet toujours les mêmes sottises, les mêmes étourderies.Il en sait bien d'autres (malice, tours, etc.).J'en ai vu bien d'autres (choses extraordinaires).Parler de choses et d'autres.
83.1 Elle ne veut pas comprendre que je vis là des journées confiantes et préservées, que si-je-n'en-fais-jamais-d'autres, du moins je ne fais rien de mal.
A. Blondin, Monsieur Jadis, p. 111.
2 (Opposé à un).L'un… l'autre; les uns… les autres. || L'un est riche, l'autre est pauvre. || Les uns sont de cet avis, les autres n'en sont pas (Dictionnaire de l'Académie, artUn). || L'un vaut l'autre : l'un n'est pas meilleur que l'autre. || Qui voit l'un voit l'autre, il n'y a pas de différence entre eux. || Aller tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre. || Parler d'une chose puis d'une autre. || Dire d'une façon et faire d'une autre. — ☑ Loc. (Vx). Dire d'un, puis d'un autre : varier dans son langage.
84 Considérez toutes les œuvres du Très-Haut, vous les trouverez ainsi deux à deux et opposées l'une à l'autre (…)
Bible (Sacy), Ecclésiastique, XXXIII, 15.
85 (Des animaux) les uns sont plus faciles à dresser que les autres.
Descartes, Discours de la méthode, V.
86 (…) ceux qui ont voulu la paix se sont partagés en deux sectes. Les uns ont voulu renoncer aux passions et devenir dieux; les autres ont voulu renoncer à la raison et devenir bêtes brutes.
Pascal, Pensées, VI, 413.
87 Quelquefois l'un se brise où l'autre s'est sauvé,
Et par où l'un périt un autre est conservé.
Corneille, Cinna, II, 1.
88 L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits.
La Fontaine, Fables, VI, 21.
89 Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras :
L'un est sûr, l'autre ne l'est pas.
La Fontaine, Fables, V, 3.
90 (Il) Vous les prenait sans peine (les poissons) un jour l'un, un jour l'autre.
La Fontaine, Fables, X, 4.
91 Je trouve bien mieux mon compte avec l'un qu'avec l'autre.
Molière, 2e Intermède de la Princesse d'Élide.
92 L'un tient de moi la vie, à l'autre je la dois (…)
Voltaire, Alzire, III, 5.
93 Autant l'œil bleu du militaire était franc, autant l'œil vert de Corentin annonçait de malice et de fausseté; l'un possédait nativement des manières nobles, l'autre n'avait que des façons insinuantes; l'un s'élançait, l'autre se courbait; l'un commandait le respect, l'autre cherchait à l'obtenir (…)
Balzac, les Chouans, II, Pl., t. VII, p. 835.
L'un et l'autre : les deux ou l'un aussi bien que l'autre. || L'un et l'autre est venu, sont venus. || Ils sont partis l'un et l'autre. || Il en veut à l'un et à l'autre. || Les uns et les autres sont partis.
94 Il est également bien dit : l'un et l'autre vous a obligé, et l'un et l'autre vous ont obligé.
Vaugelas, Remarques, t. I, p. 226, in Pougens.
95 À demeurer chez soi l'une et l'autre (la laie et la chatte) s'obstine.
La Fontaine, Fables, III, 6.
96 L'une et l'autre trouva de la sorte son compte (…)
La Fontaine, Fables, III, 8.
97 L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose.
La Fontaine, Fables, VII, 16.
REM. L'accord de l'un et l'autre peut se faire au singulier ou au pluriel.
98 L'une et l'autre est bonne, sont bonnes.
Dict. de l'Académie.
99 Par le rapport des deux Testaments on prouve que l'un et l'autre est divin.
Bossuet, Hist., II, 13, in Littré.
100 L'un et l'autre, à mon sens, ont le cerveau troublé.
Boileau, Satires, IV.
101 L'un et l'autre rival, s'arrêtant au passage,
Se mesure des yeux, s'observe, s'envisage.
Boileau, le Lutrin, V.
102 Mais tous deux en ces lieux que pouvaient-ils attendre ?
L'un et l'autre à la reine ont-ils osé prétendre ?
Racine, Mithridate, II, 3.
REM. La tournure l'un et l'autre s'emploie aussi en fonction d'adjectif, dans la langue classique (→ ci-dessus, I., A., 1.).
103 L'un et l'autre consul vous avaient prévenue.
Racine, Britannicus, I, 2.
104 S'étant ensuite informé plus en détail de ce qui s'était passé dans l'une et l'autre armée.
Voltaire, Babouc.
Chez l'un et chez l'autre.
105 Une singularité que j'ai observée chez l'un et chez l'autre.
Valéry, Disc. sur Verhaeren.
Être l'un et l'autre : réunir en soi deux qualités.
106 — Est-ce à votre cocher, Monsieur, ou bien à votre cuisinier, que vous voulez parler ? car je suis l'un et l'autre. — C'est à tous les deux.
Molière, l'Avare, III, 1.
Spécialt. || Les uns et les autres : tout le monde sans distinction. || Il ne sait pas garder sa langue, il va raconter ses affaires aux uns et aux autres.
L'un ou l'autre. || Vous devez choisir entre ces deux objets et prendre l'un ou l'autre. || Il ne peut être que chez Pierre ou chez Jacques; vous le trouverez chez l'un ou chez l'autre. || Être toujours chez l'un ou chez l'autre : être souvent en visite.
107 Le moyen de choisir de deux grandes beautés
Égales en naissance et rares qualités ?
Rejeter l'une ou l'autre est un crime effroyable,
Et n'en choisir aucune est bien plus raisonnable.
Molière, Mélicerte, I, 5.
108 L'un ou l'autre cas est digne des siècles les plus barbares.
Voltaire, Lettre à Mme de Florian, 20 mai 1762.
109 On doit donc reconnaître, sous peine de l'absurde, que le domaine de l'art et celui de la nature sont parfaitement distincts. La nature et l'art sont deux choses, sans quoi l'une ou l'autre n'existerait pas.
Hugo, Cromwell, Préface.
Loc. C'est tout l'un ou tout l'autre : il n'y a pas de milieu, il faut prendre tel parti ou tel autre.
Ni l'un ni l'autre. || Ni l'un ni l'autre ne viendra (Académie). || Ni l'un ni l'autre n'a fait son devoir (Académie). || Ils ne sont arrivés ni l'un ni l'autre. || Il rejette les deux propositions, il n'accepte ni l'une ni l'autre, ne veut ni de l'une ni de l'autre.
110 La postérité jugera qui vaut le mieux des deux (Corneille et Racine); car je suis persuadé que les écrits de l'un et de l'autre passeront aux siècles suivants; mais jusqu'ici ni l'un ni l'autre ne doit être mis en parallèle avec Euripide et avec Sophocle, puisque leurs ouvrages n'ont point encore le sceau qu'ont les ouvrages d'Euripide et de Sophocle, je veux dire l'approbation de plusieurs siècles.
Boileau, Réflexions sur Longin, VII.
Un représentant le sujet, autre le compl. d'objet (avec un verbe pronominal). || L'un l'autre, l'une l'autre, les uns les autres, les unes les autres, marquent la réciprocité. || « Aimez-vous les uns les autres ». || Se congratuler l'un l'autre.
111 En ce monde il se faut l'un l'autre secourir.
La Fontaine, Fables, VI, 16.
112 Vous savez qu'entre nous autres auteurs, nous devons parler des ouvrages les uns des autres avec beaucoup de circonspection.
Molière, Critique de l'École des femmes, VII.
113 Comme on voit tous ses vœux l'un l'autre se détruire.
Racine, Athalie, III, 3.
114 Les deux nations se contiennent l'une l'autre.
Montesquieu, l'Esprit des lois, X, 15.
115 Ces hordes se conquièrent sans cesse les unes les autres.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XVIII, 19.
L'un… l'autre (séparés par une prép.). || L'un à l'autre. || S'unir l'un à l'autre. || Ils se succédaient les uns aux autres (Académie). || Aller de l'un à l'autre.
116 L'un à l'autre attachés depuis notre naissance.
Voltaire, Zaïre, II, 2.
117 (…) ce que les peuples se doivent les uns aux autres.
Condillac, Hist. des anciennes lois, I.
118 Les lois générales enchaînent les uns aux autres les phénomènes qui semblent les plus disparates (…)
Laplace, Exposition du système du monde, IV, 14.
119 Ils adhéraient l'un à l'autre par le regard.
Martin du Gard, les Thibault, VI, 5.
Marcher l'un après l'autre, l'un avec l'autre, l'un à côté de l'autre, l'un derrière l'autre, l'un devant l'autre, l'un vers l'autre. || Mettre un objet l'un sur l'autre, l'un dans l'autre. || Rester l'un à côté de l'autre, l'un près de l'autre, l'un en face de l'autre ou… à côté l'un de l'autre, près l'un de l'autre, en face l'un de l'autre. || Se battre les uns contre les autres. || Dépendre l'un de l'autre. || Vivre l'un par l'autre, l'un pour l'autre.
120 Quand les ordres du ciel nous ont fait l'un pour l'autre,
(…) C'est un accord bientôt fait que le nôtre.
Corneille, la Suite du Menteur, IV, 1.
121 Tous les événements sont produits les uns par les autres, je l'avoue; si le passé est accouché du présent, le présent accouche du futur.
Voltaire, Dict. philosophique, Chaîne des événements.
122 À les voir l'un à côté de l'autre, on eût dit de belles médailles grecques frappées à la même empreinte.
Alphonse Daudet, Contes du lundi, « Siège Berlin ».
123 Assis en face l'un de l'autre.
Alphonse Daudet, Sapho, VII.
124 Les deux sentiments étaient si étroitement mêlés qu'elle ne les pouvait distinguer l'un de l'autre.
A. Maurois, le Cercle de famille, p. 162.
Loc. fig. L'un dans l'autre : en faisant la moyenne, tout compte fait. || L'un dans l'autre, j'ai bien fait d'y aller. — ☑ Vx. L'un portant l'autre (même sens).
———
III Adj. attribut. Vx ou littér.
1 En attribut du complément.
125 Sans faire passer ces choses pour autres qu'elles ne sont.
Voiture, Lettres, 82.
126 Vous avez montré à ceux qui vous renvoyaient à Dôle qu'ils vous prenaient pour un autre (…)
Voiture, Lettres, 83.
2 En attribut du sujet. Différent de ce qu'il était. || Devenir autre, tout autre.
127 Je suis toujours moi-même, et mon cœur n'est point autre (…)
Corneille, Cinna, III, 4.
128 Avec un autre sort il prit un cœur tout autre (…)
Corneille, Pertharite, I, 1.
129 Oui, je deviens tout autre avec son entretien;
Il m'enseigne à n'avoir affection pour rien (…)
Molière, Tartuffe, I, 5.
130 Il n'aime plus cette personne qu'il aimait il y a dix ans. Je crois bien; elle n'est plus la même, ni lui non plus; il était jeune et elle aussi; elle est tout autre. Il l'aimerait peut-être encore, telle qu'elle était alors.
Pascal, Pensées, II, 123.
131 (…) cette maison (…) où elle croyait ne plus trouver que des étrangers, tellement l'air lui semblait autre, glacial.
Zola, l'Argent, p. 293.
132 (…) au temps ancien dont je parlais, le petit noyau était autre et le ton différent pas seulement parce que les fidèles étaient plus jeunes.
Proust, la Prisonnière, Folio, p. 240.
133 Dans l'illusion de Müller-Lyer, l'une des lignes cesse d'être égale à l'autre sans devenir « inégale » : elle devient « autre ». C'est-à-dire qu'une ligne objective isolée, et la même ligne prise dans une figure cessent d'être, pour la perception, « la même ».
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, p. 18.
———
IV Loc. (Sans article). Autre chose [otʀəʃoz], fam. [otʃoz]. || C'est autre chose, c'est tout autre chose : c'est différent. || Ce n'est pas autre chose que… : c'est bien cela. || Parlons d'autre chose. || C'est cela, et pas autre chose.Autre chose de bon. → ci-dessous, cit. 134. — Spécialt. || C'est autre chose ! : c'est beaucoup mieux. || C'est tout autre chose que ce que je croyais.
134 Après le nominal indéfini autre chose, on emploie de et un adjectif ou participe masculin : Autre chose de bon, de bien.
J. Hanse, Nouveau dict. des difficultés du franç. moderne, p. 131.
135 N'avez-vous, Nicomède, à lui dire autre chose ?
Corneille, Nicomède, II, 3.
136 Je ne veux point d'autre chose pour témoigner qu'elle (cette comédie) ne vaut rien.
Molière, Critique de l'École des femmes, 5.
137 Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose
Que le défunt.
La Fontaine, Fables, VI, 21.
138 Moi cesser d'être amant ! et puis-je être autre chose ?
La Fontaine, Élégie, IV.
139 (…) la parabole est-elle autre chose que l'apologue (…)
La Fontaine, Fables, Préface.
140 (…) ça n'est pas autre chose qu'une « affaire »; une « combine » de vaste envergure.
Martin du Gard, les Thibault, VII, 40.
(Pour introduire un nouvel élément dans une discussion, un exposé). || Autre chose; nous n'avons pas encore évoqué les problèmes de recrutement.
Pop. || Tiens, voilà autre chose (prononcé [otʃoz] et souvent noté : aut'chose). || Ah ben, v'là aut'chose ! : exclamation d'agacement devant ce qui est considéré comme déplaisant et étonnant.
Littér. || Autre chose… autre chose… opposant deux propositions. || Autre chose est… autre chose (est)…
141 Autre chose est la culture, autre chose la conduite de la vie.
Marcel Brion, Laurent le Magnifique, p. 144, in Grevisse.
Avec ellipse du verbe être :
142 Autre chose d'agir avec un père, autre chose de répondre devant un juge (…)
Bossuet, Pénitence, I.
Vx (elliptique). || Autre est promettre, autre est donner (Académie).
143 Autre est de danser et de faire des festins; autre de connaître la nature des choses.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, II, 16.
144 Autre est de savoir en gros l'existence d'une chose, autre d'en connaître les particularités.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 151.
———
V N. m.
1 Philos. Ce qui n'est pas le sujet, ce qui n'est pas moi, nous. || « L'autre est indispensable à mon existence » (Sartre). Autrui.
145 (…) perdu au milieu du texte (…) il y a toujours l'autre, l'auteur.
R. Barthes, le Plaisir du texte, p. 45.
2 Vx. || L'autre : Satan, le démon.
146 (…) l prononça hardiment la formule bien connue :
— Si tu es de Dieu, parle; si tu es de l'Autre, laisse-nous en paix.
Mérimée, Mosaïque, 1833, p. 53, in T. L. F.
CONTR. Identique, même, pareil, semblable, tel.
DÉR. Autrement, autrui.
COMP. Autrefois.

Encyclopédie Universelle. 2012.