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jamais

jamais [ ʒamɛ ] adv. de temps
XIe; de ja, lat. jam « déjà », et mais, lat. magis « plus »
ISens positif En un temps quelconque, un jour (passé ou futur). Ils désespéraient d'en sortir jamais. A-t-on jamais vu cela ? déjà. Sait-on jamais ? « Je ne sais si mon cœur s'apaisera jamais » (Racine). « Je suis plus pauvre que jamais Et que personne » (Verlaine). Aujourd'hui, plus que jamais. La plus belle chose que j'aie jamais vue. Si jamais : au cas où. Si jamais je l'attrape, gare à lui !
Loc. adv. À (TOUT) JAMAIS : dans tout le temps à venir, pour toujours. ⇒ éternellement. C'est fini à jamais. Partir à tout jamais (cf. Sans retour). — POUR JAMAIS (même sens). « et pour jamais, adieu » (Racine ). Perdu pour jamais.
IISens négatif
1(Négation de temps) NE... JAMAIS, JAMAIS... NE : en nul temps, à aucun moment. Il ne l'a jamais vue. Il n'a jamais de regrets. On ne sait jamais ce qui peut arriver ! Ellipt On ne sait jamais ! Prends ton parapluie, on ne sait jamais ! « Jamais vocation d'écrivain ne fut plus évidente » (Maurois). Jamais, au grand jamais, je n'accepterai. N'avouez jamais.
Ne... jamais que... : en aucun temps... autre chose que... Il n'a jamais fait que s'amuser. Par ext. Après tout, somme toute. Ce n'est jamais qu'un enfant. Ça ne fait jamais que cent francs de plus.
Ne... jamais plus, ne plus jamais. Je ne l'ai jamais plus revu.
♢ SANS (...) JAMAIS. Poursuivre un idéal sans jamais l'atteindre.
2Sans ne et sans reprise du v. À aucun moment. 2. pas. Jamais plus. Plus jamais ça ! Jamais de la vie ! certainement pas (cf. Pour rien au monde, pour tout l'or du monde, à aucun prix). — « Donnez-lui vos mille francs. [...] — Mes mille francs, jamais ! J'aime mieux crever » (Zola). Je travaille toute la semaine mais jamais le dimanche. « Il faut chercher l'approbation, jamais les applaudissements » (Montesquieu). C'est le moment, le cas ou jamais de... : c'est le moment de... (car une telle occasion ne se représentera pas). C'est maintenant ou jamais. PROV. Mieux vaut tard que jamais. Jamais deux sans trois.
Un amour jamais satisfait. Souvent imité, jamais égalé. Ses spectacles donnent « une impression de jamais vu » (Artaud).
⊗ CONTR. Constamment, toujours. Encore.

jamais adverbe (de l'ancien français , latin jam, maintenant, déjà et ancien français mais, davantage) Sans négation, indique un temps quelconque, dans le passé ou le futur : Si jamais je te revois. Pire que jamais. Avec la négation ne, indique la continuité dans l'absence, l'inexistence ; en aucun temps : Elle n'en a jamais rien su ; sans ne, dans les réponses, avec un adjectif ou une coordination : Fais-le maintenant ou jamais. Des leçons jamais sues. À (tout) jamais, dans tout le temps à venir ; pour toujours. Ce n'est jamais que, cela ne fera jamais que, indiquent que l'on considère ou qu'il faut considérer quelqu'un, quelque chose d'une manière plus étroite, moins importante, moins grave. Familier. Jamais, au grand jamais, en aucun temps ; quoi qu'il arrive. Jamais de la vie, exprime un refus catégorique. N'avoir jamais fait que, diminue l'importance, la gravité d'un acte. ● jamais (citations) adverbe (de l'ancien français , latin jam, maintenant, déjà et ancien français mais, davantage) Elsa Triolet Moscou 1896-Saint-Arnoult-en-Yvelines 1970 Toujours et jamais, c'est aussi long l'un que l'autre. Proverbes d'Elsa Les Éditeurs français réunisjamais (difficultés) adverbe (de l'ancien français , latin jam, maintenant, déjà et ancien français mais, davantage) Emploi 1. Dans un sens négatif (= à aucun moment, en aucun temps). En corrélation avec ne ou sans : je n’ai jamais vu cela ; on n’est jamais trop prudent ; il parle sans jamais élever la voix, sans jamais qu’on lui coupe la parole. Avec ellipse de ne : j’ai jamais vu ça Ellipse habituelle dans l’expression orale relâchée. Dans l’expression soignée, l’ellipse de ne n’est admise que dans trois cas : dans les oppositions (c’est le moment ou jamais ; mieux vaut tard que jamais ; elle s’habille de manière originale, jamais excentrique) ; dans les réponses ou les exclamations (jamais de sucre pour moi, merci ; « irez-vous la voir ? - jamais ! ») ; avant un adjectif épithète (jamais content, toujours courageux, voilà le grognard de Bonaparte). 2. Dans un sens positif (= à un moment quelconque, un jour) : l’avez-vous jamais entendu chanter ? ; si jamais vous repassez par ici ; elle est plus déterminée que jamais (= plus qu’à tout autre moment auparavant). À jamais, à tout jamais, pour jamais = pour toujours. Registre littéraire. Registre Jamais, au grand jamais ; jamais de la vie. Registre familier.

jamais
adv.
d1./d (Avec un sens affirmatif.) En un temps quelconque, passé ou futur; un jour. Avez-vous jamais observé cela? Si jamais vous le voyez...
|| Loc. adv. à jamais, à tout jamais, pour jamais: pour toujours, éternellement. Coeur brisé à jamais.
d2./d (Dans une phrase négative.) Ne... jamais, jamais... ne: en aucun temps. Je ne l'ai jamais vu. Jamais il ne reviendra.
|| Il n'a jamais fait que...: en aucun temps il n'a fait autre chose que...
|| Ne... plus jamais, jamais plus... ne. Je ne le ferai plus jamais. Jamais plus je ne ferai cela.
d3./d (Avec un sens négatif.) à aucun moment, en aucun cas. Trahir? jamais! C'est le moment ou jamais: aucun autre moment ne pourrait être plus propice.
Prov. Mieux vaut tard que jamais, que pas du tout.

⇒JAMAIS, adv.
I. — [Jamais n'est pas en corrélation avec une particule négative] À un moment quelconque, à quelque moment que ce soit.
A. — [Dans une prop. hypothétique introd. par si] Si vous venez jamais me voir, je vous montrerai mes bibelots. C'est un homme consciencieux, s'il en fut jamais (Ac. 1935). Je croyais (...) que le ciel était une voûte qui allait en s'abaissant vers l'horizon, de sorte que je pensais que, si je parvenais jamais jusque là, je serais obligé de marcher courbé (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 288). Si nous passions jamais une semaine ensemble, nous ne pourrions plus nous séparer (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1936, p. 215) :
1. M. de Cambremer déclara (...) que cela pourrait être commode d'être en bons termes avec un médecin si on avait jamais quelqu'un de malade.
PROUST, Sodome, 1922, p. 1089.
Si jamais. Au cas où. Mes parents me défendaient de répondre aux avances de cette dame et me menaçaient de leur plus noir ressentiment si jamais je franchissais le seuil de l'appartement turc (FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 117).
B. — [Dans une prop. à la forme interr.]
1. [L'interr. est une interr. de phrase] Qu'on dise encore que je ne suis pas femme de ménage, avez-vous jamais vu une ménagère plus affairée que moi? (THEURIET, Mar. Gérard, 1875, p. 100). Mais est-ce qu'on aurait jamais cru qu'il ferait tout ce long chemin (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 220) :
2. Louis, j'ai peur que tu ne mettes trop de sentiment dans cette affaire. LOUIS : Olga, j'ai peur que tu n'en mettes beaucoup trop, toi aussi. OLGA : M'as-tu jamais vu céder aux sentiments?
SARTRE, Mains sales, 1948, 1er tabl., 3, p. 28.
[Jamais se trouve dans la complétive d'un verbe à la forme interr.] Celle qui fut à mon frère, croyez-vous qu'elle soit jamais pour moi autre chose qu'une sœur? (CLAUDEL, Père humil., 1920, IV, 2, p. 559).
P. ell. Sait-on jamais? [S'emploie pour indiquer que ce qu'on exprime sous la forme d'une supposition peut se réaliser soudainement] « Écoute », dit-il; sa voix, qui muait, prit une sonorité basse, solennelle : « Je pense à l'avenir. Sait-on jamais? Nous pouvons être séparés l'un de l'autre (...) » (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 650). Il se consola de cette adhésion de second ordre lorsqu'il eut reçu des coups dans la bagarre de la rue Damrémont : il disait qu'il aurait pu mourir, sait-on jamais? (NIZAN, Conspir., 1938, p. 113).
2. [L'interr. est une interr. partielle] Ô Vierge! Bienheureuse Vierge! Quel sort fut jamais plus beau que le tien? (COTTIN, Mathilde, t. 2, 1805, p. 352). Certes, c'est un assemblage disparate que celui de ces deux hommes, Cornebille et le chevalier; l'un si laid, l'autre si gracieux!... Qui jamais eût songé à les réunir? (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 200) :
3. LA GOUVERNANTE : D'accord, monsieur. D'accord, si vous êtes le roi. Mais si vous n'êtes pas le roi et que je fasse tant que vous ouvrir, comment pourrez-vous jamais me pardonner ma légèreté...
AUDIBERTI, Mal court, 1947, I, p. 139.
3. [Dans une interr. indir.] Il ne désespérait plus, comme au soir de la panique de Châtillon, anxieux de savoir si l'armée française retrouverait jamais la virilité de se battre (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 570). Qui te voit dévêtue de tes voiles du nord, pure, brûlante et nue, se demande comment il a jamais pu vivre sans te posséder, et sait qu'il ne pourra plus jamais vivre sans te désirer (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1444).
C. — [Dans une prop. consécutive du type assez... pour, trop... pour] Tu as trop fait partie de ma vie pendant lontemps, pour qu'il y ait jamais de ma part oubli ni froideur! (FLAUB., Corresp., 1864, p. 137). Nombre de grains ne servent à rien, foulés aux pieds des bêtes, enfouis trop profond pour poindre jamais (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 4) :
4. ... vous croyez que vous, vous seriez malheureuse avec moi? — Oh! Malheureuse? Mon ami, non. Je vous estime et je vous admire trop, pour être jamais malheureuse avec vous...
ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912p. 1457.
D. — [Dans une prop. compar.]
1. [La compar. est une prop. attributive] Cette situation est plus claire que jamais elle ne fut (NIZAN, Chiens garde, 1932, p. 78).
Rem. Dans cette constr. ne n'a qu'une valeur explétive.
P. ell. Cela est moins vrai que jamais. Elle m'est plus chère que jamais (Ac. 1835-1935). M. Messimy estima qu'il était plus nécessaire que jamais de n'avoir aucun incident de frontière (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 230). L'enseignement des écoles est plus que jamais dérisoire : on forme des compositeurs comme on forme des ingénieurs (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 136).
2. [La compar. est une prop. à verbe trans. ou intrans.] P. ell. Il court plus vite que jamais. Sans doute elle attendait une explication : moins que jamais je me sentais en disposition de la lui donner, et je me tus (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 83). — Toujours le retour à la terre? s'enquit Elvire. — Plus que jamais! affirma Marat (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 199).
E. — [Dans une prop. liée à un subst. désignant, sous l'effet du superl., une qualité à un degré absolu (par rapport à un ensemble de référence)] C'est ce qu'on pourra jamais dire de plus fort, de mieux (Ac. 1935). Le prologue est fini, et je puis promettre au lecteur (...) que le rideau ne se relèvera que sur la plus étonnante, la plus compliquée et la plus splendide vision qu'ait jamais allumée sur la neige du papier le fragile outil du littérateur (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 409). Il a l'air en pleine forme et ses derniers articles sont parmi les meilleurs qu'il ait jamais écrits (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 176).
F. — [Dans une prop. rel.]
1. [Le référent de l'antécédent est repéré comme unique (par rapport à un ensemble de référence)] Quand Duroc fut tué, quelque part vers Dresde je crois, Napoléon dit adieu à son seul ami : « Le seul homme, dit-il, que j'aie jamais cru » (ALAIN, Propos, 1921, p. 215). Saloméâ la seule fille de couleur qui fût jamais admise comme cliente au bar du palace à Rio (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 53) :
5. Bernard dit soudain à Catherine : — Ma rose d'automne... Elle se souleva sur un coude et se mit à rire : — C'est le premier mot d'amant que j'aie jamais entendu de toi, dit-elle.
NIZAN, Conspir., 1938, p. 165.
2. [Le référent de l'antécédent est décrit comme universel (par le quantificateur tout)] On y trouve (...) le sentiment, le son fondamental d'une dépendance latente (...) entre toutes les pensées qu'elle contient ou pourrait jamais contenir (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 140).
3. En partic. V. infra H 3.
G. — [Dans une prop. régie par un vocable dont le sens contient une idée de négation ou de restriction]
1. [La prop. est régie par un verbe]
[Avec une idée de doute] J'ignore si elle avait eu jamais un nom comme tout le monde, un nom de famille (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 1). Les Américains recommencent en Italie les mêmes erreurs qu'en Tunisie. À faire douter que l'expérience apprenne jamais grand-chose à personne (GIDE, Journal, 1944, p. 266).
[Avec une idée d'interdiction] Elle a l'intention de rompre vos relations. — Elle l'a fait. — Elle l'a fait? — Elle m'a défendu ce soir de reparaître jamais chez elle (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 75). Il avait manqué sa vie par la faute de son mauvais caractère, qui l'empêchait de jamais s'entendre longtemps avec ses matadors (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 438).
[Avec une idée de renoncement] — Oui! murmurait Pencroff. C'était un homme celui-là, et un vrai! — C'était... dit Harbert. Est-ce que tu désespères de le revoir jamais? (VERNE, Île myst., 1874, p. 36). Mais faut-il donc renoncer à voir jamais la médecine scientifique fondée sur la physiologie (...)? (Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 298).
[Avec une idée de non réalisation] Garde-toi de jamais réfléchir sur ta vertu (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p. 185). Parbleu! Tu vas dire partout que tu m'entretiens, que tu laves, que tu raccommodes. Eh bien! Ça m'embête, là! (...). Elle le supplia, se défendit de s'être jamais plainte (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 385).
2. [La prop. est régie par un adj.] Avec de tels moyens, il est impossible de jamais procéder avec pleine assurance (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 291). Leur regard était (...) le plus souvent sec, ardent, et comme incapable de s'attendrir jamais (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 630) :
6. J'ai parcouru tous les royaumes de l'Europe (...) et je n'ai rien vu (...) qu'on puisse comparer à cette réunion d'artistes célèbres. Le modèle en est perdu, même pour la France, et il est bien douteux qu'il s'y reproduise jamais.
JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 218.
H. — [Dans une prop. (gén.) complétive régie par un verbe (ou un adj.) à la forme négative]
1. [Dans une complétive régie par un verbe] Il y avait des rôtis de 22 perdreaux. Mon oncle ne se souvient pas que jamais on en ait découpé un (GONCOURT, Journal, 1864, p. 62). Je n'ai point sujet de craindre que Buonaparte rétablisse jamais ses affaires (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 174). Le législateur avait manifesté qu'il n'envisageait pas qu'on pût jamais profiter de la détresse d'un parlement (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 315) :
7. Si nous ne voulions pas reconnaître cet enracinement des grandeurs et des distances, nous serions renvoyés d'un objet repère à un autre sans comprendre comment il peut jamais y avoir pour nous des grandeurs ou des distances.
MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 308.
2. [Dans une complétive régie par un adj.] Il n'est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes (ROBESP., Discours, Subsist., t. 9, 1792, p. 112). Il était peu probable, en effet, que la faible orpheline échappât jamais au pouvoir de la femme audacieuse et lucide qui avait forcé sa solitude (BERNANOS, Crime, 1935, p. 870).
3. En partic. [Dans une prop. rel. dont l'antécédent à sens générique est nié] Catherine n'était pourtant pas une femme qu'un garçon comme Bernard aurait cru pouvoir jamais aimer (NIZAN, Conspir., 1938, p. 129).
II. — [Dans un syntagme prép.]
1. À (tout) jamais. Dans tout le temps à venir sans qu'il y ait interruption ou fin. Synon. pour toujours. La mort les a réunis à jamais. Je serai à vous à tout jamais (Ac. 1878-1935). Les lois de Kepler ont à jamais détruit la simplicité de la doctrine astronomique des Anciens (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p. 89). Un matin d'octobre, mes diplômes celés à tout jamais au fond d'une malle, je pris le tablier bleu et le balai (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 6) :
8. Depuis, j'ai eu le temps d'assembler les cartes, les compas, et de fixer à tout jamais l'endroit où, pour la première fois, j'ai compris la beauté des yeux de Tanit-Zerga.
BENOIT, Atlant., 1919, p. 298.
2. Pour jamais (vx). Pour tout le temps à venir. Synon. pour toujours. Adieu pour jamais (Ac.). L'agitation que j'éprouvais, l'affreuse idée de la quitter peut-être pour jamais, aliénait ma raison : j'ai dû l'effrayer (KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 180). Alors il dit : « Madame, voici la clef de tous mes biens, je pars pour jamais » (JACOB, Cornet dés, 1923, p. 110).
III. — [Jamais est en corrélation avec une particule de négation] À aucun moment, en aucune occasion. Anton. toujours.
A. — [En corrélation avec sans]
1. [Jamais suit le verbe conjugué ou l'auxiliaire aux temps composés] Moi j'ai appris que le frère avait fui le château de ses parents sans qu'on puisse jamais le retrouver, et la jeune fille s'est mariée (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 207). Tous les ans, une ferme brûlait sur leur territoire sans qu'on eût jamais arrêté le coupable! (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 79).
2. [Jamais suit le verbe à l'inf.] Littér. Les regards de Raboliot s'en allaient à travers la campagne, ici, puis là, sans flâner jamais (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 70). Celui qui choisit de vivre à l'hôtel est d'abord un client (...) et la loi, l'impératif est de se mettre à sa disposition sans manifester jamais d'étonnement, demanderait-il quelques grammes de radium ou un éléphant (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 194) :
9. Depuis vingt mois que les Allemands agitaient à nos yeux toutes sortes d'épouvantails, sans effrayer jamais que les pusillanimes et sans passer le moins du monde à une action un peu sérieuse, nous avions fini par devenir sceptiques.
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 286.
3. [Jamais précède le verbe à l'inf.] Perspicace pour les petites choses, myope pour les grandes dont il ne découvrait que des parties, sans jamais saisir l'ensemble (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 16).
P. ell. du verbe. Mme Charrigaud se penchait à droite, se penchait à gauche, et souriait, sans jamais une parole, d'un sourire si éternellement immobile qu'il semblait peint sur ses lèvres (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 200).
B. — [En corrélation avec ne + autre mot négatif]
1. [Dans une prop. contenant la négation restrictive ne... que] Jamais ils ne descendaient que dans les meilleures auberges ou dans les hôtels les mieux famés (VIDOCQ, Mém., t. 4, 1828-29, p. 341). À bien aller au fond des choses, faut convenir que je ne vous ai jamais donné que du tourment (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1457).
2. [Dans une prop. contenant ne... plus] À aucun moment à partir du moment considéré.
a) Ne... plus jamais. Qu'il est beau! Olivier, qui croyait ne plus jamais rougir, rougit (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1141).
b) Ne... jamais plus. Mais plus douloureuse était en lui la pensée que ce charme fût défait, cette inspiration foudroyante qu'il ne retrouverait peut-être jamais plus (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 563).
c) Jamais plus... ne. Partie! Partie pour la France! Jamais plus il ne devait compter revoir Juliette (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 247).
Emploi subst. Confie-toi au vent qui se lève. Sonne l'heure du jamais plus (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1935-36, p. 149).
d) Rare Jamais ne plus . Si tu pouvais savoir comme je désirais te quitter! Jamais, jamais ne plus te revoir! Il le fallait (CLAUDEL, Échange, 1954, III, p. 781).
C. — [En corrélation avec la particule de négation ne]
1. [Dans un syntagme verbal]
a) [Jamais suit le verbe conjugué] Je n'en ai jamais entendu parler (Ac.). Lorsque les représentants du peuple ne peuvent jamais participer au pouvoir, il est à craindre qu'ils ne le regardent comme leur ennemi naturel (CONSTANT, Princ. pol., 1815, p. 66). S'il se refuse à être le fils de Larsan, ne consentira-t-il jamais à être le mien? (G. LEROUX, Myst. ch. jaune, 1907, p. 90). Le danger ne lui était jamais apparu si proche (RADIGUET, Bal, 1923, p. 164) :
10. Je suis pure, je n'ai pas d'autre amoureux qu'Hémon, mon fiancé, je te le jure. Je peux même te jurer si tu veux, que je n'aurai jamais d'autres amoureux...
ANOUILH, Antig., 1946, p. 142.
Expr. On ne sait jamais. [Signale qu'il faut prendre en compte sérieusement une éventualité qui est formulée] Comme je craignais qu'elle ne me faussât compagnie, — on ne sait jamais ce qui peut arriver (...) — je demeurai là, toute la soirée, à l'attendre (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Ermite, 1886, p. 1056). Pourquoi as-tu invité Anne? Et pourquoi a-t-elle accepté? — Pour voir ton vieux père, peut-être. On ne sait jamais (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 20).
b) [Jamais précède le verbe à l'inf.] Je jure de ne jamais révéler ce dont j'ai été témoin (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 249). Je quitte Stamboul et la Turquie, pour n'y jamais revenir (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 348).
2. [En antéposition ou en postposition hors du syntagme verbal]
a) [Jamais précède le syntagme nom. suj. ou le pron. suj.] Tell, on assure que tu es maître dans l'art de tirer de l'arbalète, et que jamais ta flèche n'a manqué d'atteindre au but (STAËL, Allemagne, t. 3, 1810, p. 11). Il faut être juste : jamais on n'a vécu plus à l'aise que de 1830 à 1848 (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 423). Il se mit à rouler des yeux, injectés de sang comme ceux d'un vieil animal horrifié qui jamais auparavant n'aurait encore été battu (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 193) :
11. Depuis dix ans qu'il était à Rio de Janeiro jamais Kéroual n'avait raté l'arrivée ou le départ d'un bateau de France.
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 43.
Jamais encore. En aucun temps jusqu'au moment considéré. Jamais encore Jean n'avait embrassé Henriette (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 566).
b) [Jamais suit immédiatement le syntagme suj.] L'ambition de reproduire le réel se contentera-t-elle donc d'en recueillir les écorces mortes (...) dans sa course que rien jamais n'arrête? (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 149).
c) [Jamais est détaché en fin de prop.] Tu iras lui dire de ma part à ton doublard que je l'emmerde et qu'il ne refoute plus les pieds ici! Jamais! (NIZAN, Conspir., 1938, p. 84).
Rem. Ce tour donne à l'affirmation un caractère plus expressif.
D. — Rare. [La particule de négation est non pas] P. ell. Ne reste debout que la notion de vérité individuelle, — vérité obtenue par une opération en plusieurs temps, sécrétée d'abord, non pas jamais par l'esprit seul, mais par tout l'être (DU BOS, Journal, 1924, p. 28).
E. — Emploi subst. Ah! dans ces mornes séjours Les Jamais sont les Toujours! (VERLAINE, Œuvres compl., t. 2, Parall., 1889, p. 154).
IV. — [P. ell. des (éléments contenant les) particules de négation] À aucun moment. Anton. toujours.
A. — [P. ell. de la particule ne] Pop. Elle n'est pas bonne mon eau? De l'eau de colline que t'en trouveras jamais la pareille (GIONO, Colline, 1929, p. 86). Didace (...) l'interrompit soudain, sa grosse voix bourrue comme voilée de mélancolie : — Ouais, mais c'est jamais la même eau qui repasse (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 166) :
12. Jean, qu'alle me dit, j' vas te faire ma confession. Je te la dois. Écoute, Jean. Je t'ai jamais trompé, jamais. Ni avant ni après le mariage, jamais. M'sieu le curé est là pour l' dire, li qui connaît mon âme.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Fermier, 1886, p. 659.
B. — [P. ell. d'un cont. qu'explicite la constr. syntaxique]
1. [Jamais se trouve dans la seconde prop. d'une phrase coordonnée] Et cherchant sans cesse l'esprit de ce qui est, et jamais la règle de ce qui doit être, il trouva la raison des lois les plus contradictoires (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 91). Je n'agis donc que par contrainte et jamais par goût (AMIEL, Journal, 1866, p. 252). Le protonotaire, la gouvernante avaient pu nous paraître durs, quelquefois. Mais injustes, jamais (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 60).
En partic. [Dans une oppos. non marquée morphologiquement] Carlos : (...) Des esclaves, voilà ce qu'ils font avé nous! Toujours à la disposition, jamais de liberté, jamais de respect, jamais d'affection! (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p. 433). Wurtz, camarade Magnin, ça ne va pas : toujours au parti, jamais au travail (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 496) :
13. ... le métier de commerçant n'est pas si rose que ça... (...). Faut être à la disposition de tous, rendre des services, écouter les cancans. Sans ça, le client vous lâche. Jamais tranquilles, toujours à la merci d'un homme saoul.
DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 29.
Adv. temporel + ou jamais. [S'emploie gén. pour sommer qqn de faire qqc. sans délai] On lui demanda de toutes parts (...) s'il se trouvait, oui ou non, en état de continuer la mazourke? — Encore un instant... — Tout de suite ou jamais! (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 298). Malheureux, une fois parti, vous ne reviendrez plus, ou vous ne reviendrez que lèvres cousues. Parlez maintenant! Maintenant ou jamais! La vérité n'a qu'un temps (BERNANOS, Crime, 1935, p. 818).
Loc. C'est le moment ou jamais. C'est le moment le plus propice (pour entreprendre quelque chose). Cette affaire vaudra de l'or, dit enfin Santini. C'est le moment ou jamais d'y entrer. Il faudra quelques travaux, un peu de frime dans le décor et après... passez la monnaie (L. DURAND, Le Caïd, s. d., p. 532 ds REY-CHANTR. Expr. 1979).
2. [Dans une reprise] J'suis sûre que j'sais moins d'choses que j'en savais avant d'y aller... — Ce que tu dis est absurde... tu n'as jamais travaillé... jamais rien fait (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 208).
3. [Jamais se trouve dans une réponse] Avez-vous été à Rome? Jamais (Ac.). Truguelin : il me semble cependant... que vous pourriez... Dufour : La contraindre? Jamais. Je sais trop que la violence n'est propre qu'à vous faire haïr (GUILBERT DE PIXÉR., Coelina, 1801, I, 8, p. 15). Tu vas aller retrouver M. de Berville et vous ferez la paix. Voilà. Thérèse : Oh! Ça, jamais! Jamais! J'aime mieux tout! (FLERS, CAILLAVET, M. Brotonneau, 1923, II, 4, p. 15) :
14. Je demandai, cependant, tandis que nous l'attendions : — Vous ne l'avez naturellement jamais revu, depuis la nuit du 26? — Jamais.
VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 161.
C. — [P. ell. d'une prop. rel.] Le désir (...) de faire plus qu'on est, plus qu'on ne peut a sa manifestation de plus en plus visible dans l'accès du désir jamais satisfait (MICHELET, Journal,1856, p. 307) :
15. ... dès que M. Thibault, remuant ses lèvres gonflées, eut, avec une ferveur jamais connue, balbutié quelques phrases (...) le prêtre (...) leva la main et murmura les paroles qui effacent...
MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1266.
D. — [En prop. nominale] Chez lui, jamais une idée désintéressée, une spéculation pure (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 342). Ce jour-là, cette douceur était ineffable. Jamais lumière plus limpide sur la terre d'Armagnac (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 236). Le cœur était bon, l'œil excellent, l'oreille parfaite; point de fatigue au réveil, et jamais d'insomnies (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 134) :
16. Je pars à l'instant pour Augsbourg. — J'ai fait mettre bas les armes ici à 33 000 hommes. — J'ai de 60 à 70 000 prisonniers, plus de 90 drapeaux, et de 200 pièces de canon. Jamais catastrophe pareille dans les annales militaires!
NAPOLÉON Ier, Lettres Joséph., 1805, p. 98.
E. — Loc., fam.
Jamais de la vie. Absolument jamais, en aucun cas. Panisse : Ô Félix! La torpille t'a pété dans la main! Pan!... Mais non, ce n'est pas vrai, Félix! Escartefigue, inquiet : Vous l'avez entendu dire, monsieur Brun? M. Brun : Mais jamais de la vie! Et je suis bien sûr que ce n'est pas vrai! (PAGNOL, Fanny, 1932, I, 1er tabl., 9, p. 31).
Jamais de jamais. Absolument jamais. — Ce n'est pas à monsieur l'abbé Poiré que vous vous confesserez, c'est au révérend père Jaxel... — Au père Jaxel!... Jamais de jamais! (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 296).
Au grand jamais. À aucun moment. Au grand jamais je n'irai là. Au grand jamais je ne ferai cela (Ac.). Jamais, au grand jamais, il ne se serait attendu à être torturé par un bourreau (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 242) :
17. Je suis tombé plus de mille fois chez Adèle, à n'importe quelle heure du jour; du diable, si, au grand jamais, elle a mis plus de six secondes à venir ouvrir la porte!
COURTELINE, Boubouroche, 1893, I, 3, p. 44.
V. — Rare. [Dans un sens pleinement négatif, sans corrélation avec ne et sans ell.] Mieux vaut (...) + mot temporel que jamais. Mieux vaut tard que jamais; mieux vaut maintenant que jamais. Le premier mendiant : La charité, homme, la charité, grand'mère! Le deuxième mendiant : Mieux vaut la faire tôt que jamais! (CAMUS, État de siège, 1948, 1re part., p. 198).
Rem. gén. Aux temps composés jamais se place entre l'auxil. et le part. passé.
REM. Jamais-dit (vu, entendu, etc.), subst. masc. sing. Ce qui n'a jamais été dit (vu, entendu, etc.). L'une de ces formes spéciales les plus curieuses est constituée par le sentiment de jamais-vu et d'étrange (JANET, Obsess. et psychasth., 1903, p. 283). Corneille et Boileau ne poursuivent (à les entendre) que l'exceptionnel, le jamais-dit, l'étonnant (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 164). Il m'arrive d'être entouré de musiciens n'aimant plus la musique. Le préjugé du jamais entendu les énerve (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 179).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Exprime une négation par rapport au temps 1. a) 2e moitié Xe s. ja non... mais, ja mais ne verbe au fut. « plus jamais » négation pour l'avenir de la réalisation d'un fait qui s'est déjà produit dans le passé (St Léger, éd. J. Linskill, 168 : Ja non podra mais Deu laudier); mil. XIe s. (Alexis, éd. Chr. Storey, 5 : Ja mais n'iert [li secles] tel cum fut as anceissurs); b) ca 1100 ne...ja mais « ne jamais » négation pour l'avenir de la réalisation d'un fait, mais sans opposition au passé (Roland, éd. J. Bédier, 1721 : Ne jerreiez ja mais entre sa brace [Olivier à Roland en parlant d'Aude]); 2. ca 1280 verbe au prétérit; négation d'un fait en référence au passé (GIRART D'AMIENS, Escanor, 90 ds T.-L. t. 5, col. 865). B. Sens positif 1. ca 1130 marque une action à venir considérée à partir du moment où l'on parle « à partir de maintenant et dans l'avenir » (Li ver del Juise, 335 ds T.-L.); 2. ca 1160 marque une éventualité dans le temps; en référence à l'avenir « un jour dans le futur » (Eneas, 335, ibid.); 3e tiers XIIIe s. a jamais « pour toujours » (ADAM DE LA HALLE, Chansons, XXIV, éd. E. de Coussemaker, p. 95); 3. ca 1276 en référence au passé « un jour dans le passé » (ID., Robin et Marion, éd. E. Langlois, 632). Comp. de l'a. fr. ja et de l'a. fr. mais adv. « plus » (v. et mais; v. aussi désormais). Fréq. abs. littér. : 71 645 Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 98 556, b) 94 706; XXe s. : a) 98 683, b) 110 510. Bbg. GAATONE (D.) Ét. descriptive du syst. de la négation en fr. contemp. Genève, 1971, pp. 135-146. - MARTIN (R.). Le Mot rien et ses concurrents en fr. Paris, 1966, pp. 21, 26, 44, 55, 68, 76, 78, 200. - OFFROY (G.). Contribution à l'ét. de la synt. québécoise d'après la lang. des journaux. Québec, 1975, p. 263. - SPITZER (L.). Rem. sur personne, aucun, rien, jamais. Fr. mod. 1938, t. 6, pp. 51-55. - TAYLOR (A.). Loc. for never. Rom. Philol. 1948-49, t. 2, pp. 103-132. - VIKNER (C.). Les Auxil. négatifs : fonction et position. R. rom. 1978, t. 13, n° 1, pp. 88-109.

jamais [ʒamɛ] adv. de temps
ÉTYM. 1080, Chanson de Roland; comp. de ja, du lat. jam « déjà », et de mais, du lat. magis « plus ».
1 (Avec un sens positif). En un temps quelconque, un jour, à aucun (positif) moment. → Aucun, I.
1 L'observation de la langue française conduit rapidement à remarquer que dans un certain type de phrases (…) aucun, rien, jamais, guère, plus, non plus, etc. peuvent être appelés à figurer respectivement au lieu de… un, quelque chose, un jour, beaucoup, encore, aussi… (Ils) ont pour fonction de classer ce qu'ils expriment hors du champ de ce qui est aperçu comme réel ou comme réalisable.
Damourette et Pichon, Essai de grammaire de la langue franç., t. VI, §2241.
(Dans un contexte négatif). || Je ne pense pas l'avoir jamais vu. || Ils désespéraient d'en sortir jamais (→ Fourvoyer, cit. 2).(Dans un contexte interrogatif). || A-t-on jamais vu cela ? Déjà (→ Audace, cit. 21). || « Et quel temps fut jamais si fertile (cit. 4) en miracles ? » (Racine). || Quelqu'un aurait-il jamais cru que… ? (→ Affaire, cit. 71). || Sait-on jamais ? || Je ne sais si mon cœur s'apaisera (cit. 19) jamais.(Dans un contexte conditionnel). || Si jamais à mes vœux vous fûtes favorable (→ Grâce, cit. 15, Racine). || Un menteur s'il en fut (→ 1. Être, cit. 32) jamais. || Si jamais je vous y prends. || Si jamais je l'attrape (cit. 11). → Par hasard; fam. des fois. — Dans un contexte comparatif. || (… que jamais). || Plus belle, plus gaillarde (cit. 4) que jamais (→ Exhaler, cit. 21). || Avec plus d'animosité (cit. 11), de fureur (→ Couver, cit. 9), plus violemment que jamais (→ Édit, cit. 1). || Maintenant, aujourd'hui, plus que jamais (→ Grenier, cit. 5). || C'est mieux, c'est pire que jamais (→ Fin, cit. 10).(Dans un contexte superlatif). || La plus belle chose que j'aie jamais vue (→ Assortiment, cit. 5). || La bataille la plus disputée qui fût jamais (→ Heureusement, cit. 1).
2 (…) plus fort que jamais amoureux je devins.
Ronsard, Élégies, I.
3 Le plus grand scélérat qui jamais ait été (…)
Molière, Tartuffe, III, 6.
4 Je te défends de me jamais voir.
Molière, l'Avare, IV, 5.
5 Si je suis jamais roi, je ferai faire défense à toutes les filles de se mêler de faire des livres (…)
Furetière, le Roman bourgeois, I, p. 88.
6 Hélas ! fus-je jamais si cruel que vous l'êtes ?
Racine, Andromaque, I, 4.
7 Je sens bien que la fin de mes jours approche et que je suis à la veille du plus grand malheur qui m'arrivera jamais.
Voiture, Lettres amoureuses, V, p. 8.
8 Il est inouï qu'on se soit jamais servi en France de bâtons pour chasser.
J.-F. Regnard, Voyage en Laponie, p. 82.
9 (…) bien que sa nuit se fût passée sans sommeil, il se sentait plus libre et plus dispos que jamais.
A. de Musset, le Fils du Titien, IV.
10 (…) je n'ai qu'un regret, c'est d'y avoir jamais mis les pieds.
A. de Musset, Il ne faut jurer de rien, II, 14.
11 Je suis plus pauvre que jamais.
Et que personne (…)
Verlaine, Chanson pour elle, VII.
12 (…) je vous interdis de jamais sonner à cette grille.
J. Green, Léviathan, II, VI.
12.1 Nous ne nous entretenons jamais que de Dieu.
M. Jouhandeau, la Jeunesse de Théophile, p. 191.
12.2 Je n'ai aucune idée de Dieu, je n'en veux pas avoir. Si je le trouvais jamais, ce serait dans un dénuement si absolu, au fond d'un désespoir si parfait, que je n'ose pas même l'imaginer, et il me semble que je le détesterais.
Bernanos, Dialogue d'ombres, in Œ. roman., p. 44.
(Avec un ne explétif). || Elle est plus belle qu'elle n'a jamais été. || Il lui parla plus franchement qu'il n'avait jamais osé le faire.
13 (…) quelques hommes, ministres, chefs de groupes, grands bureaucrates, qui sont plus puissants que Louis XIV ou Napoléon ne le furent jamais.
Maurois, Mondes imaginaires, Par la faute de M. de Balzac, p. 107.
Loc. adv. À jamais. Littér. ou style soutenu. Dans tout le temps à venir, pour toujours. Éternellement (cit. 6), retour (sans retour). || S'unir pour toujours à qqn et renoncer à jamais aux autres. || Fini à jamais (→ Balayer, cit. 13; et aussi aspirer, cit. 20; asseoir, cit. 47; asservir, cit. 12; auréole, cit. 4; chanter, cit. 17; faire, cit. 37 et 139; inhabile, cit. 2). — ☑ À tout jamais (→ Fragile, cit. 11; guérir, cit. 45).
14 Et la tombe à jamais soit légère à ses os.
Ronsard, Pièces retranchées, Épitaphe de Loyse de Mailly.
15 Vous avez apaisé ma tristesse inféconde
Et dans mon cœur aussi vous chantez à jamais !
Leconte de Lisle, Poèmes antiques, « Nox ».
16 Malgré moi, je ramène mon regard sur la route que nous allons peut-être, dans une seconde, quitter à jamais (…)
G. Duhamel, Scènes de la vie future, VI.
N. m. Poétique :
16.1 Elles l'emportent (…)
Dans l'à jamais de la fleur éphémère.
Yves Bonnefoy, « la Terre », Poèmes, p. 273.
Pour jamais, même sens. || Renoncer pour jamais à une occupation (→ Fracas, cit. 6). || Banni (cit. 28) pour jamais de ma patrie. || Perdu pour jamais (→ Guêpe, cit. 1; et aussi attacher, cit. 25; bonhomie, cit. 2; cacher, cit. 37; faiblesse, cit. 3).
17 Je n'écoute plus rien; et pour jamais, adieu.
Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
Racine, Bérénice, IV, 5.
18 Ils savourèrent longuement l'amère mélancolie des derniers jours passés au foyer triste et cher que l'on quitte pour jamais.
R. Rolland, Jean-Christophe, L'adolescent, p. 226.
2 (Jamais servant à former une négation de temps).
a (V. 1196). Avec ne. || Ne… jamais, jamais… ne : en nul temps, à aucun (négatif) moment. → Aucun, II. Onques (vx). || Il ne l'a jamais vue. || Nos beaux jours ne reviennent jamais (→ Âge, cit. 46). || Je n'aurais jamais pensé cela. || N'être jamais surpris de ce qui arrive (→ Accommoder, cit. 17). || On ne sait jamais ce qui peut arriver ! — ☑ Ellipt. On ne sait jamais !Je n'ai jamais rien entendu (ou entendu rien) de tel. || Il n'est presque jamais chez lui. Guère. || Jamais secret ne fut mieux gardé (cit. 40). || Jamais nous ne fûmes plus attentifs. || Je ne me serais jamais cru tant de vigueur (→ Affaire, cit. 30). || Je n'ai jamais souffert davantage (→ Insuffisant, cit. 3).Avec un futur, un impératif. || Je n'irai jamais ! || Ne faites jamais plus cela ! || N'avouez jamais !REM. L'article indéfini se supprime souvent après jamais, devant un nom sujet ou objet direct.
19 Jamais surintendant ne trouva de cruelles.
Boileau, Satires, VIII.
20 (…) ne reparais jamais ici, et ne compte pas sur moi pour te fournir des éléments de conspiration !
Balzac, Un épisode sous la Terreur, Pl., t. VII, p. 433.
21 Elle (cette lettre) est toujours là, dans la malle (…) Qu'elle y reste ! On ne sait jamais.
G. Duhamel, Salavin, VI, XII.
22 Jamais vocation d'écrivain ne fut plus évidente; jamais vie ne fut plus entièrement consacrée à une œuvre.
A. Maurois, Études littéraires, M. Proust, I.
22.1 Ceux de Paris par exemple et même ceux de Neuilly ricanent en entendant prononcer mon nom ce qui ne leur arrive jamais d'ailleurs (…)
R. Queneau, Loin de Rueil, p. 31.
N. m.Loc. Au grand jamais… ne (souvent renforçant un premier jamais). || Jamais, au grand jamais, je n'accepterai. || Jamais, au grand jamais ne s'était vue pareille fricassée (cit. 2) d'armée, de voitures, d'artillerie.
23 Jamais, au grand jamais, elle ne me quitta (…)
Racine, les Plaideurs, I, 4.
24 Toi que mes bras au grand jamais n'enlaceront (…)
Aragon, les Yeux d'Elsa, Plainte de la marquise de Pescaire.
24.1 Jamais, au grand jamais je ne me suis occupé de marché noir, sinon comme client et dans la mesure où mes moyens me le permettent.
M. Aymé, le Vin de Paris, Le faux policier, p. 166.
Ne… jamais que… : en aucun temps autre chose que… || Vous ne serez jamais qu'un ignorant. || Il n'a jamais fait que s'amuser (→ aussi Innocenter, cit. 2).Par ext. (jamais prenant le sens logique de « tout compte fait, après tout »). || Ce n'est jamais qu'un enfant. || Ce n'est pas si loin, cela ne fait jamais que dix kilomètres. || Cela ne mènerait jamais qu'au 20 ou 25 du mois (→ Ban, cit. 1).
25 Par jamais on marque ici que, quel que soit l'acharnement qu'on mette à fouiller la réalité, on n'arrive pas à trouver de choses vraiment effrayantes et inacceptables.
Damourette et Pichon, Essai de grammaire de la langue franç., t. VII, §2988.
Ne… jamais plus, ne… plus jamais. || Elle ne souriait plus jamais (→ Figer, cit. 11). || On n'emploie plus jamais cette expression. Désormais (→ Fille, cit. 41). || Nous ne l'avons jamais plus revu.
b (Avec sans). || Elle le harcèle de questions sans qu'il s'impatiente jamais. || Il l'écoute sans jamais s'impatienter, ou, littér., sans s'impatienter jamais (→ aussi Insinuer, cit. 6). || Poursuivre un idéal sans jamais l'atteindre (cit. 36).
26 Et de bien d'autres traits il s'est senti piquer,
Sans que jamais sa gloire ait fait que s'en moquer.
Molière, les Femmes savantes, IV, 3.
3 Avec un sens négatif (par ellipse de ne).(Dans une réponse où les termes de la question ne sont pas repris).L'avez-vous déjà vu ? — Jamais, je ne l'ai jamais vu. || — Le ferez-vous encore ? — Jamais plus.Jamais ! Jamais de la vie ! → De ma vie, la semaine des quatre jeudis, à la Saint-Glinglin, aux calendes (cit. 3) grecques, quand les poules auront des dents, quand les ânes parleront latin (vx).
27 — Et parlait-elle de moi ?
— Jamais, répondit Sancha (…)
Stendhal, Romans et Nouvelles, Coffre et revenant.
28 — Quel mariage ? — Le vôtre ! — Moi ? Jamais de la vie !
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, VI.
29 — Mes mille francs, jamais ! J'aime mieux crever… Ah ! ils sont cachés, bien cachés, va ! On peut retourner la maison, je défie qu'on les trouve…
Zola, la Bête humaine, p. 43.
(Dans un complément, une proposition marquant l'opposition avec ce qui a été précédemment exprimé). || Il faut chercher l'approbation (cit. 8), jamais les applaudissements (Montesquieu). || Nous voyons parfois les X…, mais jamais les Y… (ou : les Y…, jamais).REM. La langue classique employait l'expression mais non jamais.Elle aimait plaisanter mais jamais méchamment. Ellipt.C'est le moment, le cas ou jamais de… : c'est le moment de… (ou alors ce ne sera jamais le moment). || Maintenant, aujourd'hui ou jamais (→ Devoir, cit. 26; et aussi attachement, cit. 15; fin, cit. 34; flacon, cit. 5; imposteur, cit. 2).Prov. Mieux vaut tard que jamais.
30 Les envieux mourront, mais non jamais l'envie.
Molière, Tartuffe, V, 3.
31 Ces mots tracés au crayon s'effaceront peut-être, mais jamais les sentiments gravés dans mon cœur.
Laclos, les Liaisons dangereuses, LXIX.
32 Ce serait ici le cas ou jamais de faire une théorie sur la beauté des haillons, car, il faut le dire, beaucoup de ces draperies, qui abusent de loin, vues de près sont des guenilles.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 148.
33 De nos jours, on plaisante avec les prêtres, mais jamais avec les médecins (…)
J. Anouilh, Ornifle, III, p. 201.
Régional. || Comme jamais : comme il est impossible, extrêmement (→ Fam. Comme c'est pas possible).Renforcé :
33.1 Il fait doux comme jamais de la vie, suggérait la voix de la grande Mindeur (…)
M. Aymé, la Vouivre, p. 134.
(Devant un adjectif ou un participe). || Jamais assis (→ Fixe, cit. 2), jamais lassés (→ Gymnastique, cit. 12). || Un amour jamais satisfait, jamais rassasié (→ Exaltation, cit. 9). || Toujours attaqué (cit. 31) et jamais vaincu. || Jamais fâché, toujours en belle humeur (cit. 43). || Avec une probité jamais démentie. || Son style est élégant, jamais recherché (Académie).REM. Littré constatait que cette tournure « condamnée par plusieurs grammairiens (…) a pour elle l'usage ».
34 Ces jeûnes sévères et presque jamais interrompus.
Massillon, Panégyrique de saint Benoît.
35 Il veut que ses spectacles donnent sans cesse une impression de jamais vu.
A. Artaud, Lettres, À mademoiselle Yvonne Gilles, in Œ. compl., t. III, p. 120.
CONTR. Constamment, fréquemment, généralement, souvent, toujours.

Encyclopédie Universelle. 2012.