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ailleurs

ailleurs [ ajɶr ] adv.
XIIIe; ailurs 1050; probablt lat. pop. °aliore (loco), compar. du class. alio, avec s adv.
1Dans un autre lieu (que celui où l'on est ou dont on parle), autre part. Allons ailleurs, nous sommes mal ici. « Pourquoi chercher ailleurs ce que l'on a chez soi ? » (Boursault). Vous ne trouverez cette marque nulle part ailleurs, en aucun autre endroit. Partout ailleurs : en tout autre endroit. Ne souhaite pas « trouver Dieu ailleurs que partout » (A. Gide). Fig. Il est ailleurs, son esprit est ailleurs : il rêve, il est distrait. ⇒ absent. Avoir la tête ailleurs. Vx Aimer ailleurs : aimer une autre personne.
2(Précédé d'une prép.) Des extraterrestres venus d'ailleurs, d'une autre planète. Rare « le conduire par ailleurs » (Saint-Simon), par un autre chemin. Ce n'est pas pour ici, c'est pour ailleurs. Subst. Lieu situé ailleurs, pays étranger ou lointain. « la puissante odeur de kérosène qui devient aujourd'hui le parfum des ailleurs » (H. Bazin).
Loc. adv. D'AILLEURS, marquant que l'esprit envisage un autre aspect des choses, introduisant donc une restriction ou une nuance nouvelle (cf. D'autre part, du reste). « Racine éprouva les mêmes dégoûts, sans faire d'ailleurs la même résistance » (Hugo). — PAR AILLEURS : d'un autre côté, à un autre point de vue. Je la trouve jolie; elle m'est par ailleurs indifférente.

ailleurs adverbe (latin populaire aliore, abréviation de in aliore loco, dans un autre lieu) Indique un autre lieu que celui où on est ou dont il s'agit : Nulle part ailleurs vous ne trouverez des prix aussi bas. Indique une autre origine, une autre cause que celle qui est donnée ou dont il est question : C'est ailleurs qu'il faut rechercher l'origine du mal. D'ailleurs, s'emploie comme adverbe de liaison pour indiquer une considération incidente : Il avait manifestement tort ; d'ailleurs, il n'a pas osé insister ; ou pour introduire une remarque intercalée ayant valeur de concession : Cette proposition, d'ailleurs très raisonnable, n'a pas été retenue. Par ailleurs, sous d'autres rapports, d'autre part. ● ailleurs (citations) adverbe (latin populaire aliore, abréviation de in aliore loco, dans un autre lieu) Jean Giono Manosque 1895-Manosque 1970 Ici, c'est autre chose que loin, c'est ailleurs. L'Iris de Suse Gallimardailleurs (difficultés) adverbe (latin populaire aliore, abréviation de in aliore loco, dans un autre lieu) Emploi Par ailleurs (au sens de « d'ailleurs, d'un autre côté ») est aujourd'hui admis. ● ailleurs nom masculin Littéraire. Ce qui est ailleurs, différent ou lointain : La quête d'un ailleurs.

ailleurs
adv.
d1./d En un autre lieu. Ne le cherchez pas ailleurs. Vous ne trouverez pas ailleurs une telle qualité.
Nous avons dit ailleurs..., dans un autre ouvrage, dans un autre passage.
Son mécontentement vient d'ailleurs, tient à une autre cause.
|| Fig. être ailleurs: rêver, penser à autre chose.
d2./d D'ailleurs: d'un autre endroit. Un inconnu venu d'ailleurs.
d3./d Loc. adv. D'ailleurs: de plus, en outre (avec une nuance nouvelle ou une restriction). Je n'ai pas envie de vous voir, d'ailleurs je n'ai pas le temps.
d4./d Loc. adv. Par ailleurs: d'un autre côté, d'autre part. Il est séduisant mais par ailleurs bien sot.

⇒AILLEURS, adv.
A.— Adverbe de lieu signifiant que le procès s'accomplit dans un endroit quelconque et indéfini à l'exclusion du lieu où se trouve le locuteur (je le rencontrerai ailleurs, sous-entendu ailleurs qu'ici), du lieu envisagé par lui (la circulation devient très difficile à Paris et ailleurs, sous-entendu ailleurs qu'à Paris) ou du lieu suggéré par le contexte.
1. Au propre
a) [Le lieu exclu est exprimé sous forme de compl.] Ailleurs que :
1. — Je n'ai d'argent que pour mes pratiques, dit-il [Gobseck]. — Vous êtes donc bien fâché que je sois allé me ruiner ailleurs que chez vous? répondit le comte en riant.
H. DE BALZAC, Gobseck, 1830, p. 409.
2. Je ne suis jamais bien nulle part, et je crois toujours que je serais mieux ailleurs que là où je suis.
Ch. BAUDELAIRE, Petits poèmes en prose, Les Vocations, 1867, p. 158.
b) [Le lieu exclu reste implicite] :
3. J'ai eu deux chambres à l'auberge de Vitré. La première vaste comme une place d'armes (...). Cette chambre-là, le préfet m'en a détrôné (...) et je transportai mon sac de voyage ailleurs. Ailleurs, c'était dans une autre aile de la maison. Pour aller ailleurs, il fallait traverser la cour.
G. DE NERVAL, Nouvelles et fantaisies, 1855, p. 158.
4. Ils ne se trouvaient heureux que dans leur petit ménage. Partout ailleurs ils étouffaient de mélancoliques bâillements, et ils m'ont légué cette secrète sauvagerie qui m'a rendu toujours le monde insupportable et le home nécessaire.
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 2, 1855, p. 118.
5. Il me suffira, quant à présent, de dire que l'usage de ces constructions était aussi peu en harmonie que leur assemblage. Ici, c'était l'appartement d'une locataire; à côté, celui d'une élève; plus loin, une chambre où l'on étudiait le piano; ailleurs, une lingerie, et puis des appartements vacants ou passagèrement occupés par des amies d'outre-mer; ...
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 3, 1855, pp. 87-88.
6. Je doute que cela se vît alors au même degré nulle part ailleurs, pas même en Angleterre, où les différentes classes, quoique attachées solidement les unes aux autres par des intérêts communs, différaient encore souvent par l'esprit et les mœurs; ...
A. DE TOCQUEVILLE, L'Ancien Régime et la Révolution, 1856, p. 158.
7. Ailleurs, de jeunes garçons et de jeunes filles de quinze à seize ans cueillaient des violettes le long des haies, au bord de la route; on voyait à leurs yeux luisants qu'ils s'aimeraient plus tard. Ailleurs, c'était un conscrit que sa fiancée accompagnait sur la route, un petit paquet sous le bras; de loin, on les entendait qui se juraient l'un à l'autre de s'attendre.
ERCKMANN-CHATRIAN, L'Ami Fritz, 1864, p. 105.
8. Ne m'y cherchez pas; je suis ailleurs; je suis à Campamento (Amérique du Sud).
V. LARBAUD, A. O. Barnabooth, 1913, p. 364.
9. Il lui suffisait de se dire : je ne serai plus ici; je serai ailleurs. Ailleurs :c'était un mot encore plus beau que les plus beaux noms.
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 11.
10. J'étais la cause occasionnelle de leurs discordes et de leurs réconciliations; les causes profondes étaient ailleurs : à Mâcon, à Gunsbach, à Thiviers, dans un vieux cœur qui s'encrassait, dans un passé bien antérieur à ma naissance.
J.-P. SARTRE, Les Mots, 1964, p. 69.
Rem. 1. L'indéfinition de l'adv. ailleurs peut être accentuée par partout, quelque part, nulle part (ex. 4, 6)... ou par le cont. De même le cont., en partic. un compl. circ. de lieu, peuvent restreindre l'indéfinition de l'adv. Ailleurs peut alors signifier « un peu plus loin » à l'intérieur d'un lieu donné (ex. 3, 5, 7).
2. Ailleurs marque tantôt le lieu où l'on est, tantôt, quoique plus rarement, le lieu où l'on va (ex. 3). Pour exprimer la provenance, on emploie normalement la prép. de :
11. Les fortifications de la place, quoique régulières et parfaitement entretenues, ne peuvent que retarder de quelques jours la prise de cette ville, qui n'a aucun secours à attendre d'Europe ni d'ailleurs.
Voyage de La Pérouse autour du monde, t. 4, 1797, p. 107.
Spéc. [Pour indiquer dans une œuvre l'endroit où une idée a déjà été ou sera exprimée] Dans un autre texte, dans un autre passage :
12. Je parlerai ailleurs du monarque régnant lors de l'expédition de Xerxès.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Essai sur les Révolutions, t. 1, 1797, p. 306.
13. Je crois et j'ai pensé ailleurs que ce serait une excellente chose que de s'échauffer à faire des vers rimés ou non sur un sujet pour s'aider à y entrer avec feu pour le peindre.
E. DELACROIX, Journal 1, 1852, p. 85.
14. Je crois avoir dit ailleurs que quand les hommes touchent au surnaturel, il y a généralement des dégâts.
J. GREEN, Journal, 1944, p. 99.
P. ext. Ailleurs peut représenter l'au-delà, considéré, dans l'ex. suiv., comme le lieu de séjour réservé aux croyants après leur mort ainsi qu'il est dit dans la religion catholique :
15. Et embrassant Mademoiselle de Luynes, que Madame de Chevreuse la priait de consoler : « Allez, lui dit-elle, ma fille, espérez en Dieu, confiez-vous de tout votre cœur en sa bonté infinie, et ne vous laissez point abattre : nous nous reverrons ailleurs, où les hommes n'auront plus le pouvoir de nous séparer. »
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 19.
Par ailleurs au sens locatif est rare :
16. ... je songeais à cela à cause de la contradiction (qui bien entendu n'est qu'apparente) avec la sévérité dont l'évangile de mardi dernier traite de voleur et de brigand celui qui n'entre pas par la porte dans l'enclos des brebis, mais l'escalade par ailleurs :...
Ch. DU BOS, Journal, juin 1928, pp. 123-124.
2. Au fig.
a) Ailleurs :
17. On eût dit que ses passions [d'Octave] avaient leur source ailleurs et ne s'appuyaient sur rien de ce qui existe ici-bas.
STENDHAL, Armance, 1827, p. 18.
18. La nécessité de la pièce est ailleurs, elle est en ceci : un être humain se trouve placé devant un acte que l'opinion de son temps réprouve, et qu'il a envie de faire.
H. DE MONTHERLANT, Pasiphaé, 1936, p. 104.
Loc. avoir l'esprit (la pensée, la tête, la cervelle ...) ailleurs, être ailleurs « ne prêter aucune attention à ce qui vous entoure »; aimer ailleurs « aimer quelqu'un d'autre » :
19. Quelqu'un dit que la flèche de la cathédrale est tombée. À cela, la princesse, qui est ailleurs, jette : « Mais elle n'était donc pas solide, cette église? »
E. et J. DE GONCOURT, Journal, sept. 1870, p. 587.
20. Constance soupire. Elle aime ailleurs :« un charmant amant, » Georgino, — le joli nom, — « bien jeune, bien aimable, bien étourdi, bien amoureux, » dont les grilles du saint lieu se sont gardées de la défendre, sous l'œil attendri d'Inès.
J. DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, t. 1, 1925, p. 122.
21. Je m'inquiétais depuis quelque temps. Il étudiait machinalement, la tête ailleurs.
P. DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, p. 266.
b) (Venir) d'ailleurs. D'une autre source, d'une autre personne, etc. :
22. Il est même de très-graves matières et des questions fort importantes où les idées décisives doivent venir des sentiments; si elles viennent d'ailleurs, tout se perdra.
J. JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, pp. 269-270.
23. Perdu dans son buisson, au coin le plus reculé de la scène, l'initiative lui devait venir d'ailleurs; il ne pouvait rien sans le signal nécessaire, et le moindre dérangement au centre, à Londres ou à Paris, une humeur de Pichegru, une indécision de Moreau, éternisaient les délais.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 1, 1834, p. 59.
c) (Connaître, savoir) par ailleurs. Par une autre voie, par un autre moyen d'information :
24. Mais l'enfer est une hypothèse bien peu conforme à ce que nous savons par ailleurs de la bonté divine.
E. RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, p. 375.
B.— Emploi subst. Lieux situés ailleurs.
1. Au sing. (coll.) :
25. Et toi dont le terme terrestre arrive,
Toi qui vas savoir l'éternel ailleurs,
...
X. PRIVAS, L'Amour chante, 1904, p. 150.
26. Nostalgies religieuses, dépaysement des amours, exotismes sociaux, goûts des départs et de l'ailleurs, ô cœur insatisfait! que toutes vos poussées vont ensemble!
J. MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, t. 2, 1933, p. 78.
27. Toute chose dans la nature, un chemin, un paysage, garde un aspect étrangement solitaire. L'isolement de l'un ne ressemble pas à l'isolement de l'autre; l'étonnante variété d'ambiance des pierres, des fleurs, des horizons et du ciel ne fait qu'intensifier cette solitude et nous y envelopper chaque fois d'une manière différente nous faisant perdre la notion de l'« ailleurs ».
P. ROËS, Essai sur la technique du piano, trad. par R. Clouzot, 1935, p. 105.
28. ... un barrage d'obstination douce et tenace à l'inattendu, au soudain, à l'ailleurs.
J. GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, p. 46.
2. Rare, au plur. :
29. Puis, il n'y avait à attendre d'eux aucune envolée, aucun élan vers les ailleurs.
J.-K. HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 12.
C.— Loc. adv. figées.
1. D'ailleurs.
a) Loc. adv. de phrase. Indique le changement de plan logique et permet d'ajouter un élément nouveau sans rapport nécessaire avec ce que l'on vient de dire. Synon. d'autre part, d'un autre côté, en outre, de plus :
30. Son armée commençait à devenir plus nombreuse; d'ailleurs il était sur son terrain, et pensait que ses sujets combattraient plus volontiers lorsqu'on viendrait les attaquer chez eux.
P. DE BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 4, 1821-1824, p. 8.
31. Elle avait connu de bien autres supplices! D'ailleurs, avait-elle jamais été vraiment une femme jalouse? Sa pire douleur avait toujours été d'apprendre, après coup, qu'elle avait été dupe; ...
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, p. 933.
32. Adrien Arnauld n'était pas peu infatué de sa personne physique. Toutes les femmes d'ailleurs le confirmaient dans la bonne opinion qu'il se faisait de sa beauté.
L. ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, p. 41.
Rem. 1. La prép. d'éloignement de signifie le changement de plan logique et, en même temps, rapporte ce que l'on dit à ce que l'on vient de dire. 2. D'ailleurs se trouve souvent en tête de phrase et se rapproche de ce fait des conj. de coordination.
b) Loc. adv. portant sur un adj. ou un part. Permet d'introduire une notation qualificative nouvelle, mais non absolument indispensable :
33. Je suis bien venu à la Roche-Guyon avec un compagnon de voyage, ami commun entre le duc et moi; mais ce n'est point M. l'abbé Davaux, que je n'ai point vu dans ce château, d'ailleurs très solitaire, comme M. de Rohan me l'avait promis.
V. HUGO, Correspondance, 1821, p. 334.
34. Le ganymède ne tarda guère à se montrer paré des plus riches cravates et des habits les plus collants, plein d'argent, de pommades, de bagues — et des bijoux partout où il en pouvait étaler; glouton d'ailleurs, crapuleux, se plaisant aux ordures, et fait comme exprès pour Otto.
É. BOURGES, Le Crépuscule des dieux, 1884, p. 116.
35. Tel est le diagnostic officiel, le seul raisonnable, ratifié d'ailleurs par la direction de la clinique.
A. CAMUS, Un Cas intéressant, adapté de D. Buzzati, 2e temps, 7e tabl., 1955, p. 680.
c) Vieilli, au sens de par ailleurs, loc. adv. (cf. infra) :
36. S'il [Octave] eût reçu du ciel un cœur sec (...) s'il fût né à Genève, avec tous les autres avantages qu'il réunissait d'ailleurs, il eût pu être fort heureux.
STENDHAL, Armance, 1827, p. 41.
37. ... le comte Mosca était absolument fou d'amour, et la comtesse pensait déjà que l'âge ne devait pas faire objection, si d'ailleurs on le trouvait aimable.
STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, p. 128.
Rem. Cette loc. adv. représente plus des deux-tiers des occurr. du mot ailleurs.
2. Par ailleurs. Synon. d'un autre côté.
a) Loc. adv. de phrase. Indique que l'on mentionne à titre complémentaire et comme en passant, des aspects que l'on n'a pas encore envisagés. Synon. pour le reste :
38. Helvétius, par ailleurs honnête homme et bon homme, (mot dont on a trop mésusé, et qu'il faut faire revenir à sa première valeur), Helvétius marié, se faisoit amener chaque nuit une nouvelle maîtresse par son valet de chambre, qui les cherchoit, autant qu'il pouvoit, dans la classe honnête du peuple.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Essai sur les Révolutions, t. 2, 1797, p. 273.
39. ... à ce point que des hommes honorables par ailleurs, comme monsieur votre trisaïeul, sacrifiaient à la fausse philosophie, ...
A. FRANCE, L'Anneau d'améthyste, 1899, p. 39.
b) Loc. adv. portant sur un adj. ou un part. Indique que la qualité nouvelle exprimée par cet adjectif ou ce participe n'est pas mise en cause par ce qui précède :
40. Elle [Odette] souhaitait qu'il cultivât des relations si utiles, mais elle était par ailleurs portée à les croire peu chic, depuis qu'elle avait vu passer dans la rue la marquise de Villeparisis en robe de laine noire, avec un bonnet à brides.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, 1913, p. 225.
41. Elle est, par ailleurs, trop unie à lui et mon amitié les confond trop pour que cette défense me soit douloureuse.
J. BOUSQUET, Traduit du silence, 1935-1936, p. 68.
Rem. 1. En tant que loc. adv. figée, par ailleurs n'est enregistrée ni par LITTRÉ, ni par Ac. avant l'éd. de 1932. 2. Cette loc. exprime souvent une nuance d'oppos. avec l'énoncé qui précède ou qui suit.
Prononc. :[]. — Rem. La prononc. mod. est déjà signalée par LAND. 1834 : -yeur (cf. aussi BESCH. 1845); FÉR. 1768 : -glieûr, avec l mouillé cf. aussi FÉR. Crit. t. 1 1787, GATTEL 1841, NOD. 1844 et LITTRÉ qui fait remarquer : ,,ayez soin de mouiller les ll et de ne pas dire, comme plusieurs, a-yeur. Ménage remarque que les badauds de Paris prononçaient a-li-eurs en trois syllabes, ce qu'il réprouve; on entend encore quelquefois cette prononciation; elle est très fautive.``
Étymol. ET HIST. — 1. a) XIe s. « dans un autre lieu » (La Vie de Saint Alexis, éd. Storey, 194 : Andreit Tarson espeiret ariver, Mais ne puet estra, ailurs l'estot aler); b) 1160 par aillurs « par un autre endroit » (WACE, Roman de Rou, éd. Andresen, 3, 369 ds T.-L. : N'i poeit par aillurs passer); c) 1174 d'aillors « d'un autre endroit » (BENOIT, Chr. des ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 6845 : Estranges sui, d'aillors venuz); 2. début XIIIe s. « dans une direction d'esprit différente, autrement » (Aymeri de Narbonne, éd. L. Demaison, 838 ds T.-L. : Qant il dist ce, s'a il aillors pensé); 3. 1673 d'ailleurs « d'un autre côté, par contre » (RACINE, Mithridate, v. 718 ds CAYROU 1948 : Père injuste, cruel, mais d'ailleurs malheureux!).
Prob. issu du lat. pop. aliore, abrév. de l'expr. in aliore loco, construite sur le modèle des expr. in inferiore loco, in interiore loco, in exteriore loco, etc. avec s adv. (FOUCHÉ t. 2 1958, p. 232, rem. II). L'étymol. à partir de fait difficulté du point de vue phonét., G. Paris ds Romania t. 12, p. 36 sq. et Mélanges de ling. publ. par M. Roques, 2, 1906, p. 259; FOUCHÉ loc. cit.; la transformation de -(r)su en au niveau du lat. (Meyer-Lübke ds Z. rom. Philol. t. 23, pp. 411-412) constitue un détour inutile, tandis que l'hyp. in aliore loco fait appel à la même évolution phonét. sans intermédiaire superflu.
L'étymon aliubi, avec pour la Romania Occid., intercalation d'un -r- anal. avec certaines formes comparatives (EWFS2) oblige de toute manière à dissocier les corresp. sarde et roumain; il est plus simple de dissocier ceux-ci dès le principe, ainsi que les corresp. hisp. (voir REW3, s.v. ) et de rattacher le fr. et le prov. à in aliore loco sans recours à .
STAT. — Fréq. abs. litt. :25 335. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 29 177, b) 30 404; XXe s. : a) 34 294, b) 45 938.
BBG. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BOISS.8. — BRUANT 1901. — Canada 1930. — DEM. 1802. — DUP. 1961. — FÉR. 1768. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 60. — GUIZOT 1864. — HANSE 1949. — LAF. 1878. — LAV. Diffic. 1846. — NOTER-LÉC. 1912. — SOMMER 1882. — SPR. 1967. — THOMAS 1956.

ailleurs [ajœʀ] adv. et n. m.
ÉTYM. XIIe; ailurs, 1050; probablt lat. pop. aliore (loco), compar. du class. alio, avec s adverbial.
A
1 Dans un autre lieu (que celui où l'on est ou dont on parle). || Allons ailleurs, nous sommes mal ici. || Chercher ailleurs. || L'accusé était ailleurs au moment du crime. || Regarder ailleurs. || Je n'ai vu cela nulle part ailleurs, en aucun autre endroit. || Partout ailleurs, en tout autre endroit.Ailleurs, recueil poétique de H. Michaux.
1 Vous savez que nul n'est prophète
En son pays : cherchons notre aventure ailleurs.
La Fontaine, Fables, VII, 12.
2 Il lui suffisait de se dire : je ne serai plus ici; je serai ailleurs. Ailleurs : c'était un mot encore plus beau que les plus beaux noms.
S. de Beauvoir, les Mandarins, p. 11.
2.1 Il (le chien) a installé contre moi les deux phares fauves de ses iris, et sans faire un mouvement, il m'a forcé à reculer, à baisser la tête, à regarder ailleurs. Il m'a dévisagé, il m'a vaincu.
J.-M. G. Le Clézio, l'Extase matérielle, p. 95.
Ailleurs que… (quelque part). || Il est ailleurs que chez lui.
3 Ne souhaite pas, Nathanael, trouver Dieu ailleurs que partout.
Gide, les Nourritures terrestres, p. 19.
2 (Déb. XIIIe, « autrement »). || Il est ailleurs, son esprit est ailleurs : il rêve, il est distrait. Absent. || Avoir la tête, l'esprit, la cervelle ailleurs.
Vx. || Aimer ailleurs : aimer une autre personne.
4 J'aime ailleurs, c'est en vain qu'un faux espoir vous flatte.
Corneille, la Suite du Menteur, V, 5.
5 Car enfin il vous hait; son âme ailleurs éprise (…)
Racine, Andromaque, II, 2.
Dans un contexte religieux, pour désigner l'au-delà.
5.1 Allez, lui dit-elle, ma fille, espérez en Dieu, confiez-vous de tout votre cœur en sa bonté infinie, et ne vous laissez point abattre : nous nous reverrons ailleurs, où les hommes n'auront plus le pouvoir de nous séparer.
Sainte-Beuve, Port-Royal, t. IV, 1859, in T. L. F.
3 Spécialt (en parlant des ouvrages de l'esprit). Dans un autre passage, dans un autre livre. || J'ai étudié ailleurs que chez Montesquieu les causes de la décadence de Rome, chez un autre écrivain.
(Dans un même texte). || Nous avons vu ailleurs que… plus haut ou plus bas, plus loin.
6 (…) l'esprit, qu'il (Corneille) avait sublime, auquel il a été redevable de certains vers, les plus heureux qu'on ait jamais lus ailleurs (…)
La Bruyère, les Caractères, I, 54.
B (Précédé d'une prép.).
1 (1174, d'aillors). || … d'ailleurs : d'un autre endroit. || Des émigrants venus d'ailleurs, d'un autre pays. || Ces idées viennent d'ailleurs, d'une autre source, d'une autre personne, etc.REM. Dans l'usage publicitaire, évoque l'exotisme, ou même une origine (mythique) extraterrestre.
6.1 Sont-ils gais ou tristes ? On ne saurait dire, ils parlent d'ailleurs.
J. Green, Journal, 8 nov. 1961, Vers l'invisible.
(1160, par ailleurs). Rare. || Par ailleurs : par une autre voie. || La voie dont vous vous servez pour vos lettres n'est pas sûre, il faut les faire parvenir par ailleurs (Académie).
Nous savons par ailleurs que vous étiez absent, par une autre voie.
(Avec pour). || Ce n'est pas pour ici, c'est pour ailleurs.
2 (Avant 1650; → cit. 7). Loc. adv. Fig. D'ailleurs, marquant que l'esprit envisage un autre aspect des choses, introduisant donc une restriction ou une nuance nouvelle. Côté (d'un autre), part (d'autre), reste (du).
7 Décie excusera l'amitié d'un beau-père;
Et d'ailleurs Polyeucte est d'un sang qu'on révère.
Corneille, Polyeucte, III, 5.
8 Père injuste, cruel, mais d'ailleurs malheureux.
Racine, Mithridate, II, 6.
9 Je songe à ce « d'ailleurs » qui s'efforce de lier ensemble, par un estimable et curieux souci d'ordre, des idées qui n'ont entre elles aucune relation normale.
G. Duhamel, Discours aux nuages, I.
Par ailleurs : d'un autre côté, pour une autre raison, d'une autre façon. || Cette ville me déplaisait et, par ailleurs, le climat ne me convenait pas. || Cette tentative avait échoué, mais nous devions réussir par ailleurs.
10 Elle (Odette) souhaitait qu'il cultivât des relations si utiles, mais elle était par ailleurs portée à les croire peu chic, depuis qu'elle avait vu passer dans la rue la marquise de Villeparisis en robe de laine noire, avec un bonnet à brides.
Proust, Du côté de chez Swann, p. 225, in T. L. F.
C N. m. || L'ailleurs (rare et littér.) : le lieu où l'on n'est pas, où l'on ne se tient pas (opposé à l'ici), avec ce qu'il comporte de connaissances nouvelles et d'enseignement.
11 L'art reste sur la lancée du transcendantalisme. Peu importe ce que soit cet ailleurs, mais il leur faut un « ailleurs ».
J.-M. G. Le Clézio, l'Extase matérielle, p. 139.
12 Dix minutes plus tard, grimpés sur la terrasse et respirant à pleins poumons la puissante odeur de kérosène qui devient aujourd'hui le parfum des ailleurs, nous vîmes la Caravelle, crachant deux filets gris, se cabrer sur la piste (…)
Hervé Bazin, Cri de la chouette, p. 142.
13 Il en usait de même avec elle si elle lui paraissait sombre ou ailleurs, cet ailleurs qui le tourmentait tant.
René Fallet, Y a-t-il un docteur dans la salle ?, p. 201.
Au plur. || « Aucune envolée, aucun élan vers les ailleurs » (Huysmans).
D Rare en fonction d'adjectif :
14 Elle cherche ses intonations en dedans, et sa physionomie prend un air « ailleurs »; puis, brusquement, la phrase saute dehors, accentuée comme il faut.
J. Renard, Journal, 22 févr. 1897.

Encyclopédie Universelle. 2012.