méchant, ante [ meʃɑ̃, ɑ̃t ] adj. et n.
• mescheant XIIe; de l'a. fr. mescheoir « tomber mal »
I ♦ (Avant le nom)
1 ♦ Vx ou littér. Qui ne vaut rien (en son genre ou pour qqn). ⇒ mauvais, médiocre, minable, misérable, miteux. Un méchant livre. « un complet gris en méchante laine, mal coupé » (Simenon).
2 ♦ Mod. Dangereux ou désagréable. S'attirer une méchante affaire, qui peut causer de graves embarras, des dangers. ⇒fam. sale. Méchante humeur. ⇒ mauvais.
3 ♦ Vieilli Insignifiant, négligeable. ⇒ malheureux, pauvre, petit (cf. De rien du tout). « Voilà bien du bruit pour un méchant billet de deux cents louis ! » (Augier).
4 ♦ (1922 arg. sportif) Fam. Remarquable, extraordinaire. ⇒ formidable, terrible. Une méchante faim.
II ♦ (1549; en picardXIVe)
1 ♦ Qui fait délibérément du mal ou cherche à en faire, le plus souvent de façon ouverte et agressive. ⇒ cruel, dur, malfaisant, malintentionné, malveillant, sans-cœur; fam. rosse, vache. Un homme méchant, un méchant homme. Une personne méchante : sale bête, carne, chameau, chipie, démon, diable, gale, garce, harpie, mégère, peau de vache, peste, poison, rosse, sorcière, suppôt de Satan, teigne, vache, vipère. Être méchant comme une teigne, comme la gale. Plus bête que méchant : plus nuisible par bêtise que par intention. Bête et méchant. Méchant avec les animaux. Méchant en actions, en paroles. Méchante langue. ⇒ acerbe, acrimonieux; mauvais, médisant. « Nul ne mérite d'être loué de sa bonté s'il n'a pas la force d'être méchant » (La Rochefoucauld). « Est-il bon ? est-il méchant ? L'un après l'autre. Comme vous, comme moi, comme tout le monde » (Diderot). « Moi, je suis méchante : [...] j'ai besoin de la souffrance des autres pour exister » (Sartre).
2 ♦ Qui se conduit mal, qui est turbulent, en parlant d'un enfant. ⇒ insupportable, vilain. Il a été méchant. Méchant garçon !
4 ♦ Par ext. Expression méchante; air, regard, sourire méchant. ⇒ haineux; fielleux, venimeux. Action, remarque méchante. ⇒ blessant, vexant.
5 ♦ Fam. (Choses) Qui fait du mal. « Tout valsait. C'est méchant sur le Pernod, le champagne » (Aragon). Une méchante grippe. ⇒ sale, vilain. — Loc. Ce n'est pas bien méchant, ni grave ni important, ça ne tire pas à conséquence.
III ♦ N. Personne méchante. Un méchant, une méchante; les bons et les méchants. ⇒ criminel, scélérat.
♢ Loc. Faire le méchant : s'emporter, menacer. Par ext. Fam. Protester violemment, opposer de la résistance. « il l'assommerait d'un coup de poing, s'il faisait le méchant » (Zola).
⊗ CONTR. 1. Bon, excellent, doux, 2. gentil, humain, inoffensif. Sage, tranquille.
● méchant, méchante adjectif (ancien français meschéant, participe présent de meschoir, tomber mal) Qui fait intentionnellement du mal à autrui, qui cherche à nuire : Un méchant homme. Il est méchant avec les animaux. Qui manifeste la volonté de nuire, la malveillance : Une remarque méchante. Se dit d'un animal agressif, qui cherche à attaquer : Attention, chien méchant. Familier. Se dit d'un enfant insupportable, turbulent. Qui est dangereux, nuisible, néfaste : La mer devient méchante. Qui est médiocre, insignifiant : Elle portait une méchante robe de coton. Familier. Qui est remarquable sous quelque aspect : Tu as vu la méchante voiture ? ● méchant, méchante (citations) adjectif (ancien français meschéant, participe présent de meschoir, tomber mal) Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Je vous prends à témoin que cet homme est méchant. La Légende des siècles, l'Aigle du casque Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 On veut bien être méchant ; mais on ne veut point être ridicule. Le Tartuffe, Préface John Emerich Dalberg, 1er baron Acton Naples 1834-Tegernsee 1902 Le pouvoir tend à corrompre, et le pouvoir absolu corrompt absolument. Les grands hommes sont presque toujours des hommes méchants. Power tends to corrupt, and absolute power corrupts absolutely. Great men are almost always bad men. Historical Essays and Studies ● méchant, méchante (expressions) adjectif (ancien français meschéant, participe présent de meschoir, tomber mal) Être de méchante humeur, être de mauvaise humeur. Familier. Ne pas être méchant, ne pas être grave, important ou dangereux. ● méchant, méchante (synonymes) adjectif (ancien français meschéant, participe présent de meschoir, tomber mal) Qui manifeste la volonté de nuire, la malveillance
Synonymes :
- fielleux (littéraire)
- haineux
- mauvais
- venimeux
Contraires :
- aimable
- anodin
- délicieux
- tendre
Se dit d'un animal agressif, qui cherche à attaquer
Synonymes :
- hargneux
Contraires :
- doux
- gentil
Qui est médiocre, insignifiant
Synonymes :
- minable
- misérable
- miteux (familier)
- pauvre
Qui fait intentionnellement du mal à autrui, qui cherche à...
Synonymes :
- brutal
- cruel
- dur
- féroce
- odieux
- pervers
- sauvage
Contraires :
- bon
- charmant
- chic (familier)
- gentil
- humain
Être de méchante humeur
Synonymes :
- détestable
- massacrant (familier)
● méchant, méchante
nom
Personne qui fait intentionnellement le mal, qui cherche à nuire : Un film où s'opposent les bons et les méchants.
● méchant, méchante (citations)
nom
André de Chénier
Constantinople 1762-Paris 1794
Le bonheur des méchants est un crime des dieux.
Poésies diverses et Fragments
Sidonie Gabrielle Colette
Saint-Sauveur-en-Puisaye, Yonne, 1873-Paris 1954
L'authentique méchant, le vrai, le pur, l'artiste, il est rare qu'on le rencontre même une fois dans sa vie.
La Naissance du jour
Flammarion
Denis Diderot
Langres 1713-Paris 1784
Il y a un tact moral qui s'étend à tout et que le méchant n'a point.
Discours sur la poésie dramatique
Denis Diderot
Langres 1713-Paris 1784
Il n'y a que le méchant qui soit seul.
Le Fils naturel, IV, 3, Constance
Commentaire
Cette phrase, en 1758, brouilla Diderot avec Rousseau, qui se crut visé.
Jean-Baptiste Louis Gresset
Amiens 1709-Amiens 1777
Par eux-mêmes souvent les méchants sont trahis.
Le Méchant
Jean de La Fontaine
Château-Thierry 1621-Paris 1695
Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette […]
Laissez-leur prendre un pied chez vous,
Ils en auront bientôt pris quatre.
Fables, la Lice et sa Compagne
François, duc de La Rochefoucauld
Paris 1613-Paris 1680
Il y a des méchants qui seraient moins dangereux s'ils n'avaient aucune bonté.
Maximes
Jean Racine
La Ferté-Milon 1639-Paris 1699
Le bonheur des méchants comme un torrent s'écoule.
Athalie, II, 7, Joas
Jean-Jacques Rousseau
Genève 1712-Ermenonville, 1778
Et dans ce monde et dans l'autre, les méchants sont toujours bien embarrassants.
Les Confessions
Phèdre, en latin Caius Julius Phaedrus
Macédoine vers 10 avant J.-C.-54 après J.-C.
Celui qui porte aide aux méchants finit par le regretter.
Qui fert malis auxilium, post tempus dolet.
Fables, IV, 14
Théognis de Mégare
VIe s. avant J.-C.
C'est peine perdue que d'obliger des méchants ; autant vaudrait ensemencer les blanches plaines de la mer.
Élégies, I, 105-106 (traduction J. Carrière)
Bible
Je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais au retour du méchant qui change de voie pour avoir la vie.
Ancien Testament, ÉzéchielXXXIII, 11
Commentaire
Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ».
Bible
Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas tenir tête au méchant : au contraire, quelqu'un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui encore l'autre.
Évangile selon saint Matthieu, V, 39
Mocharrafoddin ebn Moslehoddin Sadi
Chiraz vers 1213-Chiraz vers 1292
Obliger les méchants, c'est presque travailler au malheur des gens de bien.
Le Jardin des roses, I
● méchant, méchante (expressions)
nom
Familier. Faire le méchant, se montrer menaçant ; protester violemment.
méchant, ante
adj. et n.
d1./d (Devant le nom.) Litt. Mauvais; médiocre, sans intérêt. Un méchant écrivain.
d2./d Qui se plaît à faire du mal, à nuire à autrui. être plus bête que méchant. Chien méchant, qui mord.
d3./d Qui peut faire mal, causer des ennuis graves. Une méchante affaire. Une méchante langue. Des paroles méchantes.
|| Contraire à la justice, à la charité. Une méchante action.
d4./d Déplaisant, désagréable. Vous êtes de méchante humeur.
⇒MÉCHANT, -ANTE, adj.
A. — [Antéposé au subst.; en parlant de choses, de pers. du point de vue de leur fonction, ou d'événements] Synon. mauvais.
1. Vx ou littér.
a) [En parlant de choses] Qui est sans valeur, de mauvaise qualité ou dans un état déplorable. Synon. minable, miteux. À l'entrée du carrefour se trouvait un méchant groseillier sur lequel séchaient des guenilles (BALZAC, Méd. camp., 1833, p.8). Des chenets à 3.000 francs comme occasion et un dîner composé d'un méchant poulet grillé, voilà ce que nous a rapporté notre journée de Rouen (GONCOURT, Journal, 1880, p.69):
• 1. Le tout en assez mauvais état, comme le méchant bout de tapis par terre, les chaises paillées et les rideaux en faux gobelins qui avaient cet aspect définitivement poussiéreux et passé...
TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.121.
b) [En parlant d'une pers. du point de vue de sa fonction] Sans valeur, sans compétence. Un méchant orateur. Un méchant avocat (Ac. 1798-1935). Un bon ouvrier rend plus de services à la société qu'un méchant écrivain (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.45).
c) [En parlant de traits ou d'attributs psychol.]
— Qui ne remplit pas correctement sa fonction. Est-ce Vienne ou Valence qu'habite Mlle Sophie de Rivières? Ma méchante mémoire m'a tenu incertain entre ces deux villes (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1837, p.307).
— Méchante humeur. Synon. de mauvaise humeur. L'ancien garde-du-corps semblait moins disposé que jamais à lier conversation avec son perruquier. Il s'était réveillé de fort méchante humeur (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.21):
• 2. On entendit des cris de méchante humeur, des protestations. Certainement, les derniers soupeurs ne se montraient point enchantés de cette invasion soudaine de la police.
G. LEROUX, Roul. tsar, 1912, p.111.
d) [En parlant d'événements] Qui provoque des désagréments, des ennuis. Synon. désagréable, déplaisant, pénible. Diable! Diable! Voilà une méchante affaire; (...) tout cela pourra faire chez moi un esclandre (VIGNY, Chatterton, 1835, III, 4, p.320). En un instant, il fut entouré par une bande de jeunes boutiquiers qui ne demandaient qu'à lui faire un méchant parti (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.14):
• 3. Belsenza enveloppa les salons d'un coup d'œil précautionneux. — ... Je n'ai ni appui ni crédit à Orsenna, et on se met vite sur les bras une méchante affaire.
GRACQ, Syrtes, 1951, p.103.
2. Fam. [Avec une valeur méliorative] Extraordinaire, fameux, remarquable. Il est arrivé dans une méchante bagnole! (Lar. Lang. fr.). Prenez ensuite votre disque préféré, branchez, mettez à fond. Si ça ne vous tue pas, ça vous cloue à la maison pour un moment. Attention, c'est du méchant matériel [un tuner Technics] (Public. ds Le Point, 19-25 avr. 1982, p.16).
3. Région. (Canada). ,,De mauvais goût. Cette soupe est méchante`` (Canada 1930). Pas mangeable, c'te mousse-là! C'est pas qu'est ben méchante, est pas agréable au goût (J.-M. POUPART, Chère touffe, 1973, p.62 ds Richesses Québec 1982). Sentir méchant. Sentir mauvais.
B. — [Le plus souvent postposé au subst.; en parlant d'une pers., de son comportement, de ses actes]
1. [En parlant d'une pers. ou p. anal. d'un animal] Qui désire provoquer, occasionnellement ou non, la souffrance physique ou morale d'autrui. Synon. cruel, féroce, malfaisant, sauvage; anton. gentil. Enfant, femme, homme méchant(e); de méchantes gens; méchant(e) fée, ogre, sorcière; le grand méchant loup. Cela rappelle le portrait des Chinois et des Nègres: tout bons, ou tout méchants (CHATEAUBR., Essai Révol., t.2, 1797, p.118). Serge, mon bon Serge, supplia de nouveau Désirée, ne sois pas méchant... Vois comme il est innocent, le cher petit (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p.1270):
• 4. INÈS: Je vous le dirai plus tard. Moi, je suis méchante: ça veut dire que j'ai besoin de la souffrance des autres pour exister. Une torche. Une torche dans les coeurs. Quand je suis toute seule, je m'éteins.
SARTRE, Huis clos, 1944, 5, p.144.
♦Chien méchant. Chien auquel on ne peut se fier, qui est susceptible de mordre, d'attaquer. Attention, chien méchant.
— [Entre dans de nombreuses apostrophes plus ou moins injurieuses] Un milan plumoit un pigeon, Et lui disoit: méchante bête (FLORIAN, Fables, 1792, p.153).
♦Par antiphrase affective. Elle restait là un instant, essouflée, décoiffée (...). Son amoureux l'appelait en riant «méchant galopin» (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p.193):
• 5. Mon pauvre garçon, pourquoi si maussade? Si je vous ennuie, dites-le moi franchement. Non, ne vous fâchez pas! Souriez donc, méchant garçon. Ah, voilà!
LARBAUD, Barnabooth, 1913, p.147.
♦Vx ou littér. Méchante langue. Personne médisante. Synon. mauvaise langue. Quelques furets ont prétendu que certains déjeuneurs s'étaient laissé séduire (...). Mais c'étaient de méchantes langues; ces bruits sont tombés comme tant d'autres (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p.160).
— Emploi subst. Personne cruelle. Sans se montrer armé du terrible anathème, Il rend l'espoir au juste et la crainte au méchant (MICHAUD, Printemps proscrit, 1803, p.54):
• 6. ... elle m'a laissé tomber la garce, après dix ans de mariage, la méchante, la vilaine, mais je l'aime toujours...
QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p.84.
♦Faire le méchant. Prendre un air menaçant, résister ou s'opposer par la force. Avant six mois, on aurait conquis la terre, on dicterait des lois aux patrons, s'ils faisaient les méchants (ZOLA, Germinal, 1885, p.1255).
♦En appellatif. [Souvent employé hyperboliquement, avec une connotation d'affectueuse indulgence] Tu le sais bien, ta petite Baccarat ne vit que pour toi, comme vous ne vivez que pour elle, méchant! (PONSON DU TERR., Rocambole, t.1, 1859, p.191). La mère: Comment? O méchante, vilaine! Tu as obtenu ce que tu voulais (CLAUDEL, Violaine, 1892, II, p.519).
2. [En parlant du comportement ou des actes d'une pers.] Qui provoque, ou témoigne d'un désir de provoquer, la souffrance physique ou morale d'autrui. Synon. malveillant; anton. aimable, bienveillant, doux. Avoir une expression méchante, un regard, un ton, un visage, des yeux méchant(s); jouer un méchant tour, une méchante farce à qqn; allusion, plaisanterie, propos, réflexion méchant(e). Chaque jour on nous apportait quelque méchant bon mot de M. de Talleyrand contre son maître, ou quelque cancan de coulisses (SAND, Hist. vie, t.2, 1855, p.348). Il observait avec un plaisir méchant le visage affaissé, et dans sa tête des mots filaient comme le vent (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.472):
• 7. La bonne humeur me sembla être, de la part du convive, une preuve de bonté. Mais l'insistance de son rire me fit croire qu'au courant de la déception du domestique il éprouvait peut-être au contraire une joie méchante.
PROUST, Guermantes 2, 1921, p.493.
— Loc. fam. à la forme négative. Ce n'est pas (bien/très) méchant. Cela ne porte pas à conséquence, n'est pas très grave. (Dict. XXe s.).
REM. Méchantise, subst. fém., hapax. Synon. de méchanceté. Toi, dit-il, et les mots giclent entre ses dents serrées, y en a assez de tes méchantises t'es pire qu'un loup (GIONO, Colline, 1929, p.114). — Ah, Janet, je la connais maintenant ta méchantise (GIONO, Colline, 1929, p.138).
Prononc. et Orth.: [], fém. [-]. Ac. 1694 et 1718: meschant; dep. 1740: méchant. Étymol. et Hist. 1. a) 1165-70 mescheant «malchanceux» (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2802); b) 1176 «sans valeur» (ID., Cligès, éd. A. Micha, 4153); ca 1500 tres meschante mention (COMMYNES, Mémoires, éd. J. Calmette, t.3, p.249); 2. a) adj. 1360-70 «mauvais» (Baudouin de Sebourc, I, 423 ds GDF. Compl.); b) subst. 1360-70 «personne qui cherche à faire du mal» (ibid., I, 436, ibid.); 1690 faire le meschant (FUR.). Part. prés. de l'anc. verbe mescheoir «arriver malheur» (1155, WACE, Brut, éd. J. Arnold, 12269 — 1637, CRESPIN), lui-même comp. de mes- (mé-) et de cheoir (choir); v. aussi mauvais. Fréq. abs. littér.: 4073. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 6328, b) 6295; XXe s.: a) 6255, b) 4786. Bbg. PAULI 1921, p.10 (s.v. méchantise). — QUEM. DDL t.10, 22.
méchant, ante [meʃɑ̃, ɑ̃t] adj. et n.
ÉTYM. 1176, mescheant; meskant, déb. XIVe; p. prés. de l'anc. franç. meschoir, proprt « tomber mal »; d'abord « malchanceux », puis « misérable ».
❖
———
I Adj. (Précédant toujours le nom).
1 (1176). Vx ou littér. Qui ne vaut rien (en son genre, ou pour qqn). ⇒ Mauvais (cour.), médiocre, misérable. || Un méchant livre. || Méchant sonnet (→ Brouiller, cit. 14). || Une méchante petite jupe (→ Habillement, cit. 4). || Un méchant cabaret (→ Hôte, cit. 3). — À la fois médiocre et mauvais. || Être en méchante compagnie. || Méchante habitude (→ Griffonner, cit. 9). || Méchante plaisanterie (→ Aliénation, cit. 4). || C'est une méchante raillerie que de se railler du ciel (→ Libertin, cit. 7). || Méchante cause (→ Battre, cit. 91).
1 Qu'ils deviennent pareils à ces méchantes herbes
Dont jamais moissonneur n'a ramassé de gerbes.
Corneille, Office de la Vierge.
2 La voix de ces Messieurs me condamnera-t-elle
À trouver bons les vers qui font notre querelle ?
(…) Je les trouve méchants.
Molière, le Misanthrope, II, 6.
3 C'est un méchant moyen de se faire aimer de quelqu'un que de lui faire violence.
Molière, le Malade imaginaire, II, 6.
4 (…) un méchant ameublement composé de rideaux en calicot jaune, de fauteuils de bois verni couverts en velours d'Utrecht, de quelques peintures à la colle (…)
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 861.
5 (…) quand ces braves gens étaient venus s'installer dans ce vallon du Sahel, ils n'avaient trouvé qu'une méchante baraque de cantonnier, une terre inculte (…)
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Les sauterelles ».
2 Mod. Dangereux ou désagréable. || S'attirer une méchante affaire (cit. 46), qui peut causer de graves embarras, des dangers. || Méchante humeur (cit. 44) : mauvaise humeur. ⇒ Acariâtre, bourru, maussade (→ Gâter, cit. 44).
♦ (En parlant des personnes qui font mal leur métier, remplissent mal leur fonction). || Méchant écrivain (→ Auteur, cit. 31), méchant médecin (→ Bon, cit. 47). || De méchants danseurs (→ Bal, cit. 1).
3 (1534, Rabelais). Vieilli. Insignifiant, négligeable (dans l'ordre de la quantité, ou de la gravité). ⇒ Malheureux (4.), misérable, pauvre, petit, rien (de rien du tout). || Il n'avait qu'une méchante bibliothèque composée de quelques livres.
6 Pour un méchant soupir que tu m'as dérobé,
Ne me présume pas tout à fait succombé (…)
Corneille, la Place royale, IV, 6.
7 Voilà bien du bruit pour un méchant billet de deux cents louis !
Émile Augier, les Effrontés, I, 2.
———
II Adj. (XIVe, en picard; sens dominant au XVIe). Placé avant ou après le nom.
1 Qui fait délibérément du mal ou cherche à faire du mal à autrui, le plus souvent de façon ouverte et agressive. ⇒ Cruel, dur, malfaisant, malicieux (vx), malin (1.), malintentionné, malveillant, rosse (fam.), sans-cœur, vache (fam.); affreux, brutal, dangereux, félon (vx), fielleux, fier (vx), indigne, injuste, nuisible, odieux, pervers (→ 3. Mal, cit. 9 et 39). || Un homme méchant, un méchant homme (→ Bout, cit. 23; chose, cit. 35.1; excepter, cit. 10; fielleux, cit. 1). || Femme méchante (→ Colère, cit. 19). || Noms désignant une personne méchante. ⇒ Bête (sale bête), carcan, carne, chameau, charogne, chipie, choléra, coquin, démon, furie, gale, harpie, mégère, méphistophélès, ogre, peste, poison, rosse, serpent, sorcière, suppôt (de Satan), teigne, tison (d'enfer), vache, vipère. || Être méchant; méchant comme un âne rouge, comme un diable, comme la gale, comme la grêle, comme une teigne. || Rendre méchant, devenir méchant (→ Galérien, cit. 1). || Bonne (cit. 70) par tempérament et méchante par caprice. — ☑ Loc. Plus bête que méchant : plus nuisible par bêtise que par mauvaise intention. || Bête et méchant. — Être méchant envers, avec qqn, (vx) à qqn (→ Bon, cit. 67). || Méchant en actions, en paroles; méchante langue (cit. 22). ⇒ Acerbe, acrimonieux, médisant. || « Nul ne mérite d'être loué de bonté (cit. 2), s'il n'a pas la force d'être méchant » (La Rochefoucauld). || L'homme est méchant et malfaisant (→ Après, cit. 88). || L'homme (cit. 83) n'est ni bon ni méchant. || Nul n'est méchant volontairement, aphorisme socratique.
8 Les faibles veulent quelquefois qu'on les croie méchants; mais les méchants veulent passer pour bons.
Vauvenargues, Réflexions et maximes, 192.
9 L'homme n'est point né méchant; il le devient, comme il devient malade.
Voltaire, Dict. philosophique, Méchant.
10 — Est-il bon ? Est-il méchant ? — L'un après l'autre. — Comme vous, comme moi, comme tout le monde.
Diderot, Est-il bon ? Est-il méchant ?, IV, 8.
11 Moi, je suis méchante : ça veut dire que j'ai besoin de la souffrance des autres pour exister. Une torche. Une torche dans les cœurs. Quand je suis toute seule, je m'éteins.
Sartre, Huis clos, V.
2 (Dans un sens atténué). Qui se conduit mal, qui est turbulent (en parlant des enfants). ⇒ Désagréable, insupportable, intraitable, turbulent, vilain. || Méchant galopin (cit. 2). || Mater de méchants drôles (→ Foudroyer, cit. 13). || Ne sois pas méchante !
3 (1873). En parlant des animaux. Qui cherche à mordre, à griffer… || Chien méchant. ⇒ Hargneux.
4 (V. 1365). Par ext. (En parlant des choses). || Expression (cit. 40) méchante (→ Mâchonner, cit. 2); air, regard, sourire méchant. ⇒ Démoniaque, diabolique, haineux; fielleux, satanique, sinistre. || Méchantes pensées, passions méchantes (→ Insurrection, cit. 5). || Caractère méchant. || Jalousies, intrigues bassement (cit. 1) méchantes. || Action, parole méchante. ⇒ Méchanceté (→ par antiphr. Gentillesse). || Méchant tour (⇒ Pendable), méchant propos (→ Importance, cit. 8). || Propos extrêmement méchant.
12 Elle a une façon d'être bonne, très méchante.
J. Renard, Journal, 27 déc. 1887.
♦ Vieilli. || Écrit, libelle, feuilleton (cit. 1) méchant. ⇒ Corrosif, fielleux, mordant, venimeux. || La plume méchante d'un critique (⇒ Enfiellé).
5 (1858). Fam. Qui fait du mal à qqn. (Généralement employé au négatif). || Un petit verre de vin, ce n'est pas méchant !
13 Tout valsait. C'est méchant sur le Pernod, le champagne.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, XX.
♦ Qui est grave, dangereux, tire à conséquence. ☑ Ce n'est qu'une petite éraflure, rien de méchant. ☑ Ils ont flirté quelque temps, ce n'était pas bien méchant. — Se dit aussi, à la forme négative, en parlant d'ouvrages médiocres, anodins ou, encore, qui n'ont rien de subversif ni d'osé. || Vous pouvez laisser lire ce livre à votre fille, ce n'est pas bien méchant.
———
III (1922; argot sportif). Fam. Remarquable, extraordinaire. ⇒ Formidable, terrible. || Une méchante voiture de course. — REM. L'adj. est antéposé mais se rattache plutôt au sens II (cf. l'évolution de formidable) qu'au sens I (il serait alors une antiphrase pour « médiocre », ce qui est peu probable).
———
IV N. (XIVe). Littér. ou vieilli (sauf dans le lang. enfantin). Personne méchante. || Un méchant, une méchante; les méchants et les bons, les justes (cit. 6; et → dent, cit. 10). ⇒ Criminel, scélérat. || Le bonheur des méchants « comme un torrent s'écoule » (cit. 8, Racine), « est un crime (cit. 7) des dieux » (Chénier). || Les faibles (cit. 19) sont les instruments des méchants. || Arrêter (cit. 23) les complots des méchants. || Faire la guerre (cit. 50) aux méchants. || Être bon (cit. 66), complaisant (cit. 1) aux méchants. || Encourager (cit. 9) les méchants par une coupable complaisance (→ Complice). || « Ce qu'on donne (cit. 25) aux méchants toujours on le regrette » (La Fontaine). — ☑ Loc. cour. (1690, Furetière). Faire le méchant : faire éclater sa colère, s'emporter, menacer autrui. Par ext. (fam.). Protester violemment, opposer de la résistance (→ ci-dessous, cit. 19).
14 Ce que je désire (dit le Seigneur) ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive.
Bible (Segond), Ézéchiel, XXXIII, 11.
15 Tenez toujours divisés les méchants :
La sûreté du reste de la terre
Dépend de là.
La Fontaine, Fables, VII, 8.
16 Il y a des méchants qui seraient moins dangereux s'ils n'avaient aucune bonté.
La Rochefoucauld, Maximes, 284.
17 Le monde, pour elle, se présentait comme partagé nettement en deux, les bons et les méchants : les méchants, c'est-à-dire tout ce que l'imagination humaine, dans les heures de paix et de régularité sociale, ose à peine se représenter à nu, la brutalité dans toute sa grossièreté et sa bassesse, le vice et l'envie dans toute l'ivresse ignoble de leur triomphe et dans la cruauté de leurs raffinements (…)
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 3 nov. 1851.
18 Tous les méchants sont buveurs d'eau :
C'est bien prouvé par le déluge.
L.-Ph. Ségur, Contes, fables…, « Chanson morale », p. 222.
19 Thérèse aurait intérêt à tout cacher (…) en admettant même que Camille (le mari) découvrît tout et se fâchât, il l'assommerait d'un coup de poing, s'il faisait le méchant.
Zola, Thérèse Raquin, VI.
20 La force des méchants, c'est qu'ils se croient bons, et victimes des caprices d'autrui.
Alain, Propos, 15 oct. 1911, Les méchants.
♦ (En parlant à un enfant). || Oh, le méchant !, la méchante ! ⇒ Vilain.
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CONTR. Bon, excellent. Anodin, bénin, bienveillant, bon, débonnaire, doux, gracieux, humain, innocent, inoffensif.
DÉR. Méchamment.
Encyclopédie Universelle. 2012.