accommoder [ akɔmɔde ] v. <conjug. : 1> I ♦ V. tr. Vx
1 ♦ ACCOMMODER (qqch.) À (qqch.). ⇒ adapter.
2 ♦ Vx ACCOMMODER AVEC : faire s'accorder, concorder. ⇒ allier, concilier. « Ils accommodent la religion avec les plaisirs » (Fléchier). Pronom. S'accommoder avec qqn : s'arranger.
3 ♦ Littér. ACCOMMODER (qqn) DE, le pourvoir.
II ♦ V. tr. Rendre commode ou convenable. ⇒ adapter, agencer, apprêter, arranger, disposer, installer, préparer. Spécialt
1 ♦ Vx Coiffer, habiller; disposer (le vêtement, etc.). — Mettre en bon état. « En voyant accommoder les fontaines » (Mme de Sévigné). — Bien installer (qqn). « Que je l'accommode dans sa chaise » (Molière).
2 ♦ Fig. et vieilli Accommoder qqn, le ridiculiser. ⇒ arranger.
3 ♦ Mod. Préparer (des aliments) pour la consommation. ⇒ apprêter, assaisonner, cuisiner. Accommoder du poisson avec une sauce, à telle sauce. L'art d'accommoder les restes.
III ♦ V. intr. (Mod.) Physiol. Modifier automatiquement la distance focale du cristallin pour que l'image d'objets qui sont à des distances variées se forme sur la rétine. ⇒ accommodation (2o). « Le regard accommodé sur quelque objet lointain » (Duhamel). — Absolt Avoir des difficultés à accommoder (⇒ presbyte) .
IV ♦ S'ACCOMMODER v. pron.
1 ♦ Vx ou littér. S'accommoder à : s'adapter à ou s'accorder avec (des choses abstraites; des personnes). « Cherchons à nous accommoder à cette vie » (Montesquieu). « La science doit s'accommoder à la nature » (Brunot).
2 ♦ Cour. S'accommoder de : accepter comme pouvant convenir. ⇒ accepter, 1. supporter (cf. Prendre les choses comme elles viennent, les gens comme ils sont). Il s'accommode de tout (⇒ accommodant) . Elle s'est accommodée de la situation. « Il dut s'accommoder d'une mauvaise chambre d'auberge » (Barrès). ⇒ s'arranger, se contenter.
⊗ CONTR. Déranger, opposer, séparer . Refuser.
● accommoder verbe transitif (latin accommodare, adapter) Littéraire. Adapter quelque chose, l'approprier à une situation : Accommoder son discours aux circonstances. Apprêter un aliment, le préparer, le cuisiner pour le rendre plus appétissant : Veau accommodé en ragoût. ● accommoder (synonymes) verbe transitif (latin accommodare, adapter) Littéraire. Adapter quelque chose, l'approprier à une situation
Synonymes :
- agencer
- ajuster
- aménager
Apprêter un aliment, le préparer, le cuisiner pour le rendre...
Synonymes :
- apprêter
- cuisiner
- parer
accommoder
v.
rI./r v. tr.
d1./d Préparer (des aliments). Accommoder un poisson.
d2./d Accommoder à: adapter à. Accommoder sa vie aux circonstances.
d3./d (Afr. subsah.) Accommoder qqn: tout mettre en oeuvre pour être utile à qqn, pour lui complaire.
rII./r v. Pron. S'accommoder de: se faire à, s'habituer à.
⇒ACCOMMODER, verbe trans.
I.— Emploi trans. [Avec gén. un suj. pers.]
A.— Avec une idée d'arrangement répondant à une demande, à un intérêt
1. [L'obj. désigne une pers.]
a) Vx. Accommoder qqn de qqc. Céder quelque chose à quelqu'un pour de l'argent, vendre :
• 1. ... nous nous rendons chez un négociant russe, qui nous accommode de deux magnifiques fourrures tout récemment arrivées de Vitinsky. Un Grec, de Smyrne, nous vend quatre schalls de Cachemire, ...
V. DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 2, 1812, p. 115.
b) Vx. Servir les intérêts de quelqu'un :
• 2. ... ces abandons d'enfants n'étaient point découragés par l'ancienne monarchie. Un peu d'Égypte et de Bohême dans les basses régions accommodait les hautes sphères, et faisait l'affaire des puissants. La haine de l'enseignement des enfants du peuple était un dogme.
V. HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 693.
— P. méton. (La discipline au lieu de ceux qui l'enseignent) :
• 3. L'idée d'automates surtout, appliquée aux bêtes, réussissait et faisait fureur; elle accommodait la théologie du temps et n'en contrariait pas trop la physiologie.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 195.
c) Vx. Traiter quelqu'un avantageusement :
• 4. Comme vous avez besoin d'une rapière (...) je vous recommande Laurent (...) c'est le meilleur armurier de la ville. Dites-lui que vous venez de ma part, et il vous accommodera bien.
P. MÉRIMÉE, Chronique du règne de Charles IX, 1829, p. 95.
• 5. M. de Harlay aurait désiré accommoder son digne maître par la collation d'un petit bénéfice dans une terre à lui appartenant...
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 186.
• 6. ... si vous avez quelque chose de prêt, je crois que mon éditeur serait coulant et vous accommoderait.
V. HUGO, Correspondance, 1868, p. 111.
— Spécialement
♦ [En parlant d'un hôtelier dans ses rapports avec son client] :
• 7. Cet aubergiste, ce traiteur accommode bien ses hôtes.
Ac. 1835, 1878.
Rem. Cet emploi, attesté dès Ac. 1694 (mais non ds FUR. 1690), est signalé comme vieilli par Ac. 1835 et Ac. 1878. Encore ds LITTRÉ, il n'est plus mentionné ds DG ni ds Ac. 1932.
♦ [En parlant de la toilette d'une pers.] Habiller et/ou coiffer quelqu'un :
• 8. ... la même servante qui, trois jours auparavant, l'avait accommodé de son mieux, l'aida à mettre le même habit pailleté, tâchant de l'accommoder mieux encore.
A. DE MUSSET, La Mouche, 1854, p. 303.
• 9. ... Vallombreuse sonna son valet de chambre pour qu'il le vînt accommoder.
« Çà, Picard, dit le duc, il te faut surpasser et me faire une toilette triomphante; je veux être plus beau que Buckingham s'efforçant de plaire à la reine Anne d'Autriche. Si je reviens bredouille de ma chasse à la beauté, tu recevras les étrivières, ... »
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 332.
• 10. ... une fille de chambre se présenta pour l'accommoder. (...) Sur un signe affirmatif de la jeune femme, elle lui peigna ses cheveux blonds tout en désordre, à la suite des scènes violentes de la veille et des inquiétudes nerveuses de la nuit, en noua les boucles soyeuses avec des nœuds de velours et s'acquitta de sa besogne en coiffeuse qui sait son métier. Elle tira ensuite d'une armoire pratiquée dans le mur plusieurs robes d'une richesse et d'une élégance rares, qui semblaient coupées à la taille d'Isabelle, mais dont la jeune actrice ne voulut point, ...
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863 p. 397.
• 11. Irma Guépin s'est levée sans bruit, elle a redressé des cheveux, près de mon oreille, elle a arrangé une coque de ma cravate, absolument comme elle aurait accommodé sa poupée à son idée, ...
L. FRAPIÉ, La Maternelle, 1904, p. 272.
Rem. Au lieu de la pers., l'obj. peut désigner une partie du corps :
• 12. M. Valence (...) était un vieux perruquier (...). Ce jour-là, il m'accommoda trop lentement la tête à mon gré et d'une façon que je jugeai bien étrange...
A. FRANCE, Le Livre de mon ami, 1885, p. 29.
d) Littéraire
— P. antiphrase, iron. [Avec un adv. ou un compl. circ. de sens favorable] Maltraiter, injurier quelqu'un (cf. arranger qqn) :
• 13. Il l'a bien accommodé; je l'accommoderai comme il faut.
Ac. 1835.
• 14. Il m'a menacé de me faire bâtonner par ses laquais; et en effet, tout à l'heure, comme je rentrais à l'hôtel des Armes de France en suivant une ruelle obscure, quatre coquins se sont précipités sur moi. Avec quelques coups de plat d'épée, j'ai fait justice de deux de ces drôles; Hérode et Scapin ont accommodé les deux autres de la bonne façon.
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 222.
— [Avec un adv. ou un compl. circ. de sens neutre ou défavorable] Même sens :
• 15. Elle me raconta ses contestes à Blaye avec le général Bugeaud, de la façon la plus amusante. Bugeaud l'attaquait sur la politique et se fâchait; madame se fâchait plus que lui : ils criaient comme deux aigles (...). Elle ne lâcha pas Bugeaud, elle l'accommodait de toutes pièces ...
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 431.
• 16. Madame Lorilleux prétendait avoir sauvé assez de gens dans sa vie pour savoir comment il fallait s'y prendre. Elle accusait aussi la jeune femme de la bousculer, de l'écarter du lit de son frère. Bien sûr, la Banban avait raison de vouloir quand même guérir Coupeau; (...). Seulement, de la manière dont elle l'accommodait, elle était certaine de l'achever.
É. ZOLA, L'Assommoir, 1877, p. 484.
• 17. ... un père amenait sa fille à force de gifles et de poussades (...). L'enfant battue fut projetée la première dans le préau : Louise Guittard; un crêpe est piqué à son béret depuis huit jours; c'est... c'est son second père qui l'accommode si rudement. Je l'ai vite prise par le bras et conduite au lavabo, sa figure de pauvre mouton, barbouillée de larmes, était enflée, labourée d'ecchymoses.
L. FRAPIÉ, La Maternelle, 1904, p. 139.
• 18. Mme Courtois n'était pas une joueuse trop commode. Elle trichait, elle m'accablait d'injures bizarres et comme elle avait, de son sexe, une opinion non médiocre, elle m'accommodait au féminin, ce qui ne laissait pas de me choquer un peu.
« Péronnelle! Petite bécasse, criait-elle. Si tu t'étais seulement défaite de ton pique, à l'heure qu'il est, tu serais maîtresse... »
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Notaire du Havre, 1933, p. 100.
• 19. Tout aussitôt, Rohner a commencé d'accommoder le président Fallière au vitriol. Le pauvre président est soudain devenu, selon le tour de l'entretien et selon l'inspiration, « cette grosse vessie de suif », « Sa majesté la Graisse », « la prostate hypertrophique », « le lipome au grand cordon », « l'éléphant de la République », etc..., etc...
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, 1937, p. 207.
Rem. Dans les ex. 18 et 19, il peut s'agir d'un néol. d'aut. créé à partir de l'accept. A 2 b.
e) Argot
— Accommoder (un prisonnier). Attacher ensemble les pouces de ce prisonnier :
• 20. — Allons-y, dit-il, ça me va! Mais, puisque tu te rends, laisse-moi t'accommoder, je crains tes gifles! Et il tira des poucettes de sa poche. Jacques Collin tendit ses mains, et Bibi-Lupin lui serra les pouces.
H. DE BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1848, p. 633.
— Accommoder (une femme, un homme). ,,Faire l'acte qui perpétue les races.`` (FRANCE 1907); (cf. également Étymol. III 5) :
• 21. Dîner chez mon oncle, qui nous conte une gravure cochonne qu'il possède : un perruquier qui accommode une dame et en est accommodé.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, nov. 1856, p. 297.
2. [L'obj. désigne une chose]
a) Vx. Accommoder une demeure. Aménager une demeure, l'orner :
• 22. De ce côté-ci du Rhin, on badigeonne en rouge. Ils arrangent leurs églises comme les sauvages de la mer du Sud arrangent leurs visages.
Le munster, par bonheur, n'est pas badigeonné. L'église est enduite d'une couche de gris, ce qui est presque tolérable quand on songe qu'elle aurait pu être accommodée en couleur de betterave.
V. HUGO, Le Rhin, 1842, p. 367.
• 23. Le jardinier n'avait pas moins travaillé que l'architecte; grâce à ses ciseaux, l'ordre s'était remis dans cette forêt vierge. (...) Les arbres avaient repris l'habitude du berceau et de la charmille. (...) Des plantes grimpantes, (...) cachaient pittoresquement la muraille de clôture et donnaient un air agréablement rustique au cabinet de rocailles servant de niche à la statue. Jamais, même en leurs beaux jours, le château ni le jardin n'avaient été accommodés avec tant de richesse et de goût.
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 492.
• 24. ... l'homme se transporte volontiers avec sa coquille; il cherche partout à accommoder sa demeure suivant ses occupations et ses propres goûts.
P. VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géographie humaine, 1921, p. 161.
b) Accommoder des aliments. Apprêter des aliments pour un repas selon des recettes appropriées :
• 25. Madame la comtesse de Genlis se vante, dans ses Mémoires, d'avoir appris à une Allemande qui l'avait bien reçue la manière d'apprêter jusqu'à sept plats délicieux. C'est M. le comte de la Place qui a découvert une manière très-relevée d'accommoder les fraises, qui consiste à les mouiller avec le jus d'une orange douce (pomme des Hespérides).
Un autre savant a encore enchéri sur le premier, en y ajoutant le jaune de l'orange, qu'il enlève en la frottant avec un morceau de sucre; et il prétend prouver (...) que c'est ainsi assaisonné que ce fruit était servi dans les banquets du mont Ida.
J.-A. BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, 1825, p. 369.
• 26. « La Bourgogne a le bon sens de profiter, sans vain dégoût, du mollusque excellent dont les vignes sont peuplées, je veux dire du limaçon, qu'elle accommode au beurre et aux fines herbes, mets aussi sain pour la poitrine qu'il est agréable à la bouche et profitable à l'estomac. »
J. MICHELET, L'Insecte, 1857, p. 148.
• 27. Les poules et les chapons bouillis se servent avec l'eau où ils ont cuit, relevée de pousses de vigne; mais en hiver on y ajoute de la poudre d'épices douces, de la sauge, de l'hysope et du persil; et si on les met en pâtés, on ne les accommode que d'un peu de poudre d'épices douces et d'aigret ou, en hiver, de très bon vin. Telle est la théorie des sauces qui vont avec les viandes.
E. FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis, 1942, p. 171.
— En partic. Accommoder des restes :
• 28. ... Goriot, Mademoiselle Michonneau, Poiret descendirent, attirés peut-être par l'odeur du roux que faisait Sylvie pour accommoder les restes du mouton. À l'instant où les sept convives s'attablèrent en se souhaitant le bonjour, dix heures sonnèrent, ...
H. DE BALZAC, Le Père Goriot, 1835, p. 55.
— Au fig., arg. et fam. : accommoder qqn à toutes (les) sauces ,,employer à toutes sortes de services`` (ROB.); ,,en dire tout le mal possible`` (DG); accommoder qqn tout de rôti ,,le mal servir, le maltraiter`` (Ac. Compl. 1842); accommoder le visage à la compote ,,déchirer le visage`` (J.-F. ROLLAND, Dict. du mauvais langage, 1813); accommoder qqn au beurre noir ,,lui pocher les yeux à coups de poing`` (A. DELVAU, Dict. de la langue verte, 1866); accommoder qqn à la sauce piquante ,,se moquer de lui, et même se livrer sur sa personne à des voies de fait désagréables`` (A. DELVAU, Dict. de la langue verte, 1866); ,,donner un coup d'épée, de poignard`` (G. DELESALLE, Dict. argot-français et français-argot, 1896); accommoder qqn au safran ,,tromper son amant`` (Ch.-L. CARABELLI, [Langue populaire]) :
• 29. Tout le truc consiste à lui voler son originalité et à l'accommoder à la sauce veule de l'École des Beaux-Arts. Parfaitement! On prend du moderne, on peint clair, mais on garde le dessin banal et correct, la composition agréable de tout le monde, enfin la formule qu'on enseigne là-bas, pour l'agrément des bourgeois. Et l'on noie ça de facilité, ...
É. ZOLA, L'Œuvre, 1886, p. 200.
• 30. Petits chapeaux, bijoux, fourrures : il y avait surtout des femmes, de celles qui ont de beaux restes et qui croient savoir les accommoder.
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 265.
B.— (Avec une idée de mise en rapport d'harmonie ou de correspondance) Mettre d'accord ou en accord.
1. Vieilli. [L'obj. désigne des pers. antagonistes ou leurs différends]
a) Rare. Accommoder des personnes. Les mettre d'accord :
• 31. ... celui-là s'occupe d'accommoder, après tant de siècles, Josué avec Galilée, qui, vous le savez, se chamaillent quelque peu sur certain point d'astronomie; mais les témoins ont clos l'affaire; désormais tout est harmonie, il ne s'agit plus de ces vieilles gens.
A. DE MUSSET, Lettres de Dupuis et Cotonet, Les Humanitaires, 1836, p. 599.
b) Plus fréq. Accommoder un différend. Régler un différend en y mettant un terme :
• 32. Bien que les trèves eussent été renouvelées avec l'Angleterre, que de part et d'autre on se donnât sans cesse des assurances pacifiques, et qu'il y eût des conférences continuelles pour accommoder chaque différend, on pouvait presque dire que les deux royaumes étaient en guerre.
P. DE BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 2, 1824, p. 320.
• 33. ARGANTE. — (...) ce mariage impertinent est une chose que je ne puis souffrir et je viens de consulter des avocats pour le faire casser.
SCAPIN. — Ma foi, Monsieur, si vous m'en croyez, vous tâcherez par quelque autre voie d'accommoder l'affaire. Vous savez ce que c'est que les procès, et vous allez vous enfoncer dans d'étranges épines.
P. CLAUDEL, Le Ravissement de Scapin, préf. 1952, p. 1329.
— P. ext. Se mettre d'accord sur un arrangement :
• 34. ... j'ai fait fléchir mes prétentions; nous avons accommodé une transaction que les deux agréés ont minutée, adoptée, ...
H. DE BALZAC, Correspondance, 1834, p. 582.
Rem. Cette accept. est surtout attestée au XIXe s.; elle n'est usitée aujourd'hui que par archaïsme (cf. ex. 33).
2. [L'obj. désigne une chose]
a) Rare. [Une chose concrète] :
• 35. Il y avait non loin de l'auberge un jeu de paume merveilleusement propre à établir une salle de spectacle. Les comédiens le louèrent, et un maître menuisier de la ville, sous la direction du Tyran, l'eut bientôt accommodé à sa nouvelle destination. Un peintre-vitrier, qui se mêlait de barbouiller des enseignes et de blasonner des armoiries sur les carrosses, rafraîchit les décorations fatiguées et déteintes, et même en peignit une nouvelle avec assez de bonheur. La chambre où se déshabillaient et se réhabillaient les joueurs de paume fut disposée en foyer pour les comédiens avec des paravents qui entouraient les toilettes des actrices et formaient des espèces de loges.
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 188.
Rem. Cf. sup. A 2 a.
b) Littér. [Une entité abstr. des domaines relig., moral, sc., esthétique, etc.] Accommoder qqc. à. L'adapter à, la mettre en correspondance avec quelque chose ou plus rarement avec quelqu'un :
• 36. C'est faire tort au catholicisme que de l'accommoder ainsi à nos idées modernes, outre qu'on ne le fait que par des concessions verbales qui dénotent mauvaise foi ou frivolité. Tout ou rien, les néo-catholiques sont les plus sots de tous.
E. RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, p. 402.
• 37. Car c'était une partie de la conduite de M. de Saci de proportionner et d'accommoder ses entretiens à chacun de ceux avec qui il parlait. S'il voyait M. Champagne, il le mettait sur la peinture; si M. Hamon, sur la médecine; si M. Pascal, sur la lecture des philosophes...
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 338.
• 38. Pour ce qui est de l'art de construire, si une même disposition naturelle a permis à nos architectes d'accommoder en quelque mesure le goût antique aux besoins si différents des temps modernes et aux nécessités d'un autre climat, il est trop évident que c'en est fait, dès la Renaissance, de notre architecture religieuse. Bientôt le style jésuite va montrer dans toute leur difformité les œuvres d'une sensibilité qui a perdu conscience de ses propres manières d'être et se conçoit à l'imitation de modèles dont elle est impuissante à s'approprier l'âme secrète.
J. DE GAULTIER, Le Bovarysme, 1902, p. 106.
• 39. ... avec ces peuples d'Extrême-Orient, il existe trop de différences originelles pour qu'une adaptation des marchés soit aussi aisée qu'entre l'Amérique et l'Europe. L'ingéniosité commerciale des Américains du Nord travaille à la réaliser. Elle s'étudie à accommoder l'offre à la demande, à flatter même le Chinois et le Japonais comme consommateurs, tout en le repoussant comme immigrant.
P. VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géographie humaine, 1921, p. 259.
— [Sans compl. indir.] Faire subir des modifications à quelque chose :
• 40. On a peine à croire, quand on a lu le Dialogue dans les originaux, que tous les éditeurs de Pascal l'aient à plaisir tronqué et mutilé, qu'ils aient donné seulement les paroles de Pascal, qu'ils les aient données comme un discours écrit et suivi, en altérant les phrases, en accommodant les transitions, en y ôtant le plus qu'ils ont pu le mouvement, le naïf, le familier.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 380.
3. [L'obj. désigne un organe, une structure]
a) OPHTALMOLOGIE, OPT., gén. absol. Accommoder sa vision. Mettre au point sa vision :
• 41. Si un sujet accommode pour la vision à grande distance, il a de son propre doigt comme de tous les objets proches une image double. Si on le touche ou qu'on le pique, il perçoit un contact ou une piqûre double. La diplopie se prolonge donc en un dédoublement du corps.
M. MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, p. 238.
• 42. Le rôle de l'objectif est de donner une première image de l'objet ou du phénomène examiné, image dont l'oculaire donnera à son tour une seconde image agrandie et à l'infini pour que l'œil supposé normal observe dans les meilleures conditions, c'est-à-dire sans la fatigue de l'accommodation. Précisons que (...) pour l'œil, l'infini commence tout simplement à la distance à partir de laquelle il n'a plus besoin d'accommoder.
R. PRAT, L'Optique, Paris, Éd. du Seuil, 1962, p. 25.
— Au fig. Accommoder sa vision à :
• 43. ... il désire peut-être accommoder aussi sa vision immense et aiguë à ce qui me semble la vision étroite et naïve des gens les plus consciencieusement traditionalistes, des gens qui ont tout classé, tout nommé, des scolastiques.
J. RIVIÈRE, ALAIN-FOURNIER, Correspondance, lettre de A.-F. à J. R., nov. 1906, p. 332.
— P. ext., PSYCHOL. :
• 44. ... il entre en antagonisme avec le milieu, l'ordre établi et la discipline. (...) Il s'enferme alors dans une rétivité figée, absolument insensible aux encouragements, aux promesses et aux menaces, dans une insociabilité méfiante, sournoise ou effrontée, coupée d'explosions de brutalité. Bravade, insolence, dérision, menaces, autant de signes de son impuissance à accommoder psychiquement, à moduler sa vie sur le réel.
E. MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 287.
b) PHYSIOLOGIE :
• 45. Combien d'exemples pourrait-on citer de cette faculté défensive, adaptative, de la vie, sans quoi d'ailleurs la vie eût depuis longtemps succombé sous l'assaut des forces de la matière inerte! Selon le régime, l'estomac de l'oiseau s'épaissit, l'intestin du têtard s'allonge; l'os accommode sa structure interne aux efforts qu'il devra subir. Chez les plantes, les phénomènes sont peut-être encore plus frappants, car la forme est éminemment plastique et sensible au milieu. C'est une moisissure qui se renforce quand on la secoue, c'est une feuille qui se défend contre la sécheresse en consolidant sa cuticule, ...
J. ROSTAND, La Vie et ses problèmes, 1939, p. 151.
Rem. C'est dans ces domaines que l'emploi trans. est actuellement le plus vivant.
II.— Emploi pronom.
A.— Emploi gén. réfl. (Avec une idée d'arrangement)
1. Vieilli
• 46. Cinq familles ont trouvé logis dans les bâtiments délabrés de cette borderie; chacun s'y est accommodé; chacun non seulement a réparé le vieux toit, mais bâti à neuf quelque grange ou quelque pressoir avec jardin, chenevière, saulaie autour de sa demeure. Voilà un village naissant qui va s'étendre et prospérer, jusqu'à ce que le gouvernement y fasse attention.
P.-L. COURIER, Pamphlets politiques, Gazette du village, 1823, p. 182.
• 47. Une compagnie gazouillante vint s'accommoder sur des tabourets ou s'asseoir (...) sur les tapis.
G. D'ESPARBÈS, La Chevauchée du Grand Siècle, 1937, p. 92.
Rem. Cette accept. apparaît au XIXe s. avec une fréq. médiocre, chez des aut. d'inspiration réaliste et dans des cont. fam.; au XXe s. chez des aut. archaïsants.
b) S'accommoder de qqc. (Consentir à) se rendre acquéreur de quelque chose, l'acheter :
• 48. Les vins d'une cave de gourmand sont comme les livres d'une bibliothèque d'amateur; on ne croit jamais les payer assez cher : la cave entière fut adjugée en un instant.
La bibliothèque eut moins de succès (...) : on en retira une douzaine d'années du Mercure, deux volumes des Annales de Linguet, et un épicier s'accommoda du reste, ainsi que de l'édition complète et en feuilles d'un Commentaire sur Euripide, écrit en style de parade; le tout pesant environ quatre quintaux, qu'on lui livra sur le pied de cinq sous la livre.
V. DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 3, 1813, p. 211-212.
— P. antiphrase. Dans le langage familier, ,,Se servir d'une chose sans y avoir droit, comme si l'on en était le propriétaire.`` (Ac. 1835).
— Loc. ,,Il s'accommode de tout ce qu'il trouve sous sa main`` (Ac. 1835-1932); s'accommoder d'une chose ,,signifie quelquefois, dans le langage familier, se servir d'une chose sans y avoir droit, comme si l'on en était le propriétaire`` (Ac. 1835).
— Absol. Se procurer les ressources nécessaires à un niveau de vie normal :
• 49. Mais le petit garçon, quand il apprit ça, que penses-tu qu'il fît?... Il s'en fut de ville en ville, offrant de jouer du clavecin devant les amateurs de musique. (...) En récompense, on donnait à son père des bourses bien remplies... Agirais-tu de même, toi, si nous devenions pauvres? Non... Alors, comment s'accommoderait maman Virginie? — Je ne sais pas! — avouait l'auditeur tout confus.
P. ADAM, L'Enfant d'Austerlitz, 1902, p. 31.
2. Vx. Arranger son aspect physique, faire sa toilette, s'habiller :
• 50. Pour ne pas traverser la ville en carême prenant, les comédiens avaient fait porter leurs habits au jeu de paume et les actrices s'accommodaient dans la salle que nous avons décrite. Les gens de condition, les galantins, les beaux esprits de l'endroit avaient fait rage pour pénétrer dans ce temple ou plutôt sacristie de Thalia où les prêtresses de la muse se revêtaient de leurs ornements pour célébrer les mystères.
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 205.
— P. antiphrase. ,,Se mettre soi-même en piteux état. En parlant d'un homme en désordre, en mauvais état, ivre, on dit qu'il s'est accommodé de la belle manière!`` (BESCH. 1845).
B.— (Avec une idée de rapport d'harmonie, d'adaptation)
1. [En parlant de pers.]
a) Emploi réciproque. S'accorder ensemble :
• 51. Si faut-il néanmoins se fier à quelqu'un. Lui et moi nous n'aurions, m'est avis, nulle peine à nous accommoder, et l'accord fait, je pense qu'il le tiendrait sans fraude, sans chicane, sans noise, sans en délibérer avec de vieux voisins, gentilshommes et autres, qui ne me veulent point de bien, ni en consulter les jésuites.
P.-L. COURIER, Pamphlets politiques, Réponses aux anonymes, 1822, p. 152.
• 52. La « protestation » a donc fait place à un « accommodement » inévitable, mais s'accommoder n'est pas « collaborer ». — Cependant il semble bien que le parti allemand ait acquis dans le pays annexé une force nouvelle.
M. BARRÈS, Mes cahiers, t. 5, 1907, p. 228.
— P. anal. [En parlant des choses de l'esprit] :
• 53. Ce n'est pas manquer à la discipline de l'écrivain, au bel ordre de l'œuvre d'art que de s'attarder, que de mettre un apparent superflu, de la flânerie ou du redoublement. Des détails reçus par notre esprit doivent s'y marier, se pénétrer, s'accommoder les uns avec les autres, en prenant contact ils prennent des rangs, le plus coloré devant dominer l'autre. On peut tout y fourrer, mais non le juxtaposer; il faut l'harmonie, montrer que cela fait partie d'une pensée une, que cela a été écrit dans une même conscience.
M. BARRÈS, Mes cahiers, t. 9, 1911, p. 67.
b) S'accommoder avec ou à
— Avec qqn ou qqc. S'accorder, souvent par résignation ou opportunité :
• 54. Se mettre en travers de l'ordre universel, refuser de s'accommoder avec l'inévitable, prendre en guignon le monde entier, en un mot répudier l'existence, méconnaître le devoir, se révolter contre Dieu, c'est un crime inutile et sévèrement puni. — Ed. Munier a été extrêmement malheureux, et ce qui est fâcheux, malheureux par sa faute. Il s'est mis hors la loi de l'obéissance et de la résignation, ...
H.-F. AMIEL, Journal intime, 9 oct. 1866, p. 476.
• 55. Les jouisseurs, à peu près sans nombre, qui ne se croyaient pas des canailles, avaient rêvé de s'accommoder avec l'absolu divin et d'instituer, pour toute la durée des siècles, une mitoyenne morale.
L. BLOY, Journal, 1892, p. 65.
— À qqc. ou qqn. S'adapter à qqc., à qqn :
• 56. ... une matière, quelle qu'elle soit, est indispensable à l'exercice de notre activité comme condition préalable; mais encore nos opérations, nos intentions même vont se mouler en quelque sorte sur l'objet où elles tendent, afin d'y recevoir leur forme. C'est donc en toute vérité que, pour agir, il faut s'accommoder à son milieu, et que ce milieu contribue à la façon d'être et de faire de qui s'y déploie. Ainsi les formes architecturales sont commandées à la fois par la destination de l'édifice et par la nature même des matériaux, c'est-à-dire par l'idée de l'ouvrier et par l'action répondante de l'objet auquel s'applique son opération. Le signe est en partie façonné par le corps où il s'imprime, et la lettre du symbole est active sur l'esprit même qui l'inspire et l'anime.
M. BLONDEL, L'Action, 1893, p. 214.
• 57. Étant donné certains états de fait, « beaucoup estiment qu'il faut amener l'Église à céder aux circonstances, obtenir qu'elle se prête et s'accommode à ce que réclame la prudence du jour dans le gouvernement des sociétés... etc. Léon XIII.
J. MARITAIN, Primauté du spirituel, annexes, 1927, p. 222.
— Absolument :
• 58. Rien ne l'a plus frappé que l'aptitude des vivants à s'accommoder et à se donner les formes qui conviennent aux circonstances.
Or, je trouve qu'il faut à lui-même reconnaître une sorte de génie de cette espèce. C'est par ce don qu'il réagit avec tant de variété, d'opportunité, de grâce, et parfois de vigueur, contre tant d'impressions, de désirs, de lectures, qui le sollicitent; (...). Ce génie de transformations est d'ailleurs essentiellement poétique, (...). Mais dans le poète ou dans la plante, c'est le même principe naturel : tous les êtres ont une aptitude à s'accommoder, et cette aptitude variable mesure leur aptitude à vivre, c'est-à-dire à demeurer ce qu'ils sont, en possédant plus d'une manière d'être ce qu'ils sont.
P. VALÉRY, Variété 4, 1938, p. 104-105.
• 59. On trouve une raideur analogue chez l'enfant turbulent décrit par Wallon. (...) Dans l'effort intellectuel, il se jette sur son objet, se bute s'il ne réussit pas du premier coup, se déplace par saccades et s'épuise d'un coup. Impuissant à s'accommoder, à composer avec les circonstances et les personnes, il est insociable pour les mêmes raisons.
E. MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 288.
♦ Avec une valeur péj. :
• 60. Les hommes qui passent trichent, s'accommodent, s'adaptent, tergiversent. Quand on étudie un peu l'histoire, on est frappé par les tricheries des plus grands hommes, et avec eux-mêmes.
J. GUÉHENNO, Journal d'une « révolution », épilogue, déc. 1938, p. 205.
Rem. Cette accept. se rencontre dans des cont. relig., moraux, philos., pol., etc. avec souvent une valeur péj.
c) S'accommoder de. Se contenter d'une situation matérielle ou morale médiocre :
• 61. La Française trouvait chez l'Italienne une ignorance et une quiétude de l'ignorance qui ne s'accordait guère avec le savoir et la curiosité active de son intelligence. La netteté, la résolution, la virilité de son esprit, s'accommodait assez mal du flottement d'idées, noyées et vagues, où vivait la princesse promenant autour d'elle une contemplation superficielle,...
E. et J. DE GONCOURT, Madame Gervaisais, 1869, p. 167.
• 62. Olivier ne se plaignait pas trop; il s'accommodait d'un horizon muré : c'était comme le poêle de Descartes, d'où la pensée comprimée jaillit vers le ciel libre.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, Dans la maison, 1909, p. 1028.
— Loc. S'accommoder de tout. (B. CONSTANT, Journaux intimes, août 1804, p. 128; A. DE LAMARTINE, Voyage en Orient, t. 2, 1835, p. 213; A. DE MUSSET, Comédies et proverbes, Le Chandelier, 1840, II, 1, p. 42).
Rem. À la différence de s'accommoder à qui implique un renouvellement dans la manière d'être, s'accommoder de suppose l'acceptation, plus ou moins résignée, d'une contrainte extérieure limitant les exigences personnelles :
• 63. La complication de l'Empire est extrême. M. de Bülow n'a pas seulement à s'accommoder au Reischtag, il doit encore s'accommoder du Landtag ou la chambre des seigneurs de Prusse, (...). Cette complication tient à la complication qu'il y a dans l'esprit allemand. Elle exprime bien la manière de concevoir propre à l'esprit allemand, dans lequel deux, trois idées qui semblent s'exclure peuvent vivre d'accord.
M. BARRÈS, Mes cahiers, t. 6, 1908, p. 141-142.
2. [En parlant de choses, notamment d'un organe du corps]
a) [En parlant des yeux] :
• 64. ... elle était effectivement fort belle, mais d'une de ces beautés étrangères et rares auxquelles nos yeux ont besoin de s'accommoder.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 1, 1834, p. 53.
— Au fig. :
• 65. Le « chalet polyvalent » souple lui! tout au contraire s'accommode, se dilate, se ratatine suivant la nécessité, les lois, les forces vives de la nature! »
« Il plie beaucoup, mais ne rompt pas... »
L.-F. CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 443.
• 66. Le phylum. Le faisceau vivant. La lignée de lignées. Bien des yeux se refusent encore à voir, ou à considérer comme réelle, cette maille de la Vie en évolution. Mais c'est qu'ils ne savent pas s'accommoder, ni regarder, comme il le faudrait. Le phylum d'abord, est une réalité collective. Pour le bien distinguer, il est donc essentiel de se placer assez haut et assez loin. Fixé de trop près dans l'espace, il s'émiette en irrégularités confuses.
P. TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain, 1955, p. 121.
b) [En parlant d'autres organes] :
• 67. La corrélation des organes est assurée par le milieu intérieur et le système nerveux. Chaque élément du corps s'accommode aux autres, et les autres à lui. Ce mode d'adaptation est essentiellement téléologique. Si nous attribuons aux tissus, comme le font les mécanistes et les vitalistes, une intelligence du même ordre que la nôtre, les processus physiologiques paraissent s'agencer en fonction du but à atteindre. L'existence de la finalité dans l'organisme est indéniable. Chaque élément paraît connaître les besoins actuels et futurs de l'ensemble, et se modifie d'après eux.
A. CARREL, L'Homme, cet inconnu, 1935, p. 236.
Rem. 1. Accommoder et s'accommoder sont souvent suivis d'un adv. ou d'une loc. adv. de manière (assez, bien, mal, facilement, à merveille, sans peine, sans effort, etc.) qui contribuent à les affecter d'une valeur péj. ou méliorative. 2. Ils sont fréquemment associés syntagmatiquement aux subst. suiv. : besoins, circonstances, conditions, coutumes, état, goût, manière, milieu, mœurs, nature, ordre, régime, situation, système, temps, tout, vie. 3. Ils se trouvent en assoc. paradigm. avec les verbes suiv. : abandonner, accepter, accorder, accoutrer, accoutumer, acheter, adapter, admettre, agencer, agréer, ajouter, ajuster, aller bien, allier, altérer, améliorer, apprêter, approprier, arranger, assaisonner, avoir soin de, céder, changer, coiffer, collaborer, composer avec, concilier, conformer, consentir, contenter, convenir, cuisiner, devenir riche, disposer, diversifier, enrichir, s'entendre, être conforme, être coulant, être en rapport, être facile, façonner, se faire à, faire aller ensemble, faire concorder, faire fléchir, faire la paix, faire sa toilette, faire s'entendre, faire subir des transformations à, fricasser, habiller, s'habituer à, installer, maltraiter, mettre au point, mettre d'accord, mettre en état, mettre en sauce, se modeler, modifier, moduler, se mouler, se parer, peigner, perfectionner, pétrir, plier, pourvoir, prendre patience, prendre son parti de, préparer, se prêter, procurer du confort, proportionner, ranger, réagir, réconcilier, relever, rendre prospère, renoncer, se résigner, se revêtir, ridiculiser, se satisfaire de, se servir de, souffrir, se soumettre, subir, supporter, terminer à l'amiable, tirer parti de, tolérer, traiter de, se trouver à l'aise, trouver à sa convenance, trouver à son goût, trouver commode, varier, vendre, virer.
Prononc. — 1. Forme phon. :[], j'accommode []. — Rem. LITTRÉ fait observer que ,,quelques-uns prononcent a-k'-mo-dé, comme si le premier o était un e muet``; il ajoute : ,,cette prononciation est à éviter``. Enq. :/akomo2d/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : accommodage, accommodant, accommodat, accommodateur (-trice), accommodatice, accommodatif, accommodation, accommodement, accommodeur, incommoder, raccommoder.
Étymol. ET HIST.
I.— 1336 accomoder une injure « se réconcilier après avoir subi une injure » (Franch. de la Chaux de Dombief, Droz, Bibl. Besançon ds GDF. Compl. : Se li injure est accomodee); d'où 1636 trans. « mettre (des pers.) d'accord » (CORN., Le Cid, II, 3 ds LITTRÉ : Elle a fait trop de bruit pour ne pas s'accorder, Puisque déjà le roi veut les accommoder); 1636 accommoder un différend (MONET, Invantaire des deus langues françoise et lat., s.v. : accommoder un differant, des personnes etans en discorde...); 1660 « terminer (une affaire) à l'amiable » (CORN., Examen du Cid : Ainsi il se résout d'accommoder l'affaire sans bruit et recommande le secret à ses deux ministres...); 1654 (date de la 1re éd.) emploi pronom. « (d'une pers.) s'accommoder, s'accorder avec (qqn) » (VOITURE, Lettr. 145 ds RICH. t. 1 1680 : Je voudrais bien que vous vous puissiez accommoder avec cet ennemi du genre humain).
II.— 1. accommoder à 1530 « rendre propre, conforme à (obj. inanimé) » trans. (PALSGRAVE, Éclaircissement de la lang. fr., éd. Génin, 1852, p. 416 : I accomodate, I make mete a thynge to my purpose. Jaccommode Jay accommodé, accommoder. prim. conj. you shal have moche a do to accomodat these writynges to your purpose : vous aurez fort a fayre daccommoder ces escriptures a vostre pourpos); 1541 « id. (accord de 2 choses) » (CALVIN, Inst. II, XVI, 2 ds GDF. Compl. :Manieres de parler accommodees a nostre sens); 1539 emploi pronom. s'accommoder à « conformer son esprit à qqc. » (ESTIENNE, Dict. fr. lat., s.v. : s'accommoder au temps, tempori cedere); 2. accommoder avec 1690 « concilier (une chose) avec (une autre) » trans. (FUR. s.v. : On dit aussi des lois, des passages des auteurs et autres choses qui semblent se contrarier, comment accommodez vous cette loi du Digeste avec cette autre du Code? Comment accommodez vous la dévotion avec la coqueterie?); 1660 pronom. « s'accorder avec (accord de 2 choses) » (CORN., Disc. des trois unités ds DG : [l'unité exacte de lieu] ne s'accommode pas avec toutes sortes de sujets); 3. 1636 « convenir (à qqc.) » trans. (ID., Place Royale, 1473, éd. Marty-Laveaux : Le cloître a ses douceurs, mais le monde en a d'autres, Qui pour avoir un peu moins de solidité, N'accommodent que mieux notre instabilité); 1663 « id. (à qqn) » (MOL., L'École des femmes, III, 2 (5e maxime du mariage) ds LIVET, Lex. de la lang. de Molière, p. 23 : Ceux qui, de galante humeur, N'ont affaire qu'à Madame, N'accommodent pas Monsieur); d'où 1616 emploi pronom. s'accommoder de « se contenter de, être satisfait » (MALH., Le XXXIIIe livre de Tite-Live, § XXIV, éd. Lalanne, t. I, p. 442 : Ce sont deux contrées d'Illyrie, dont Philippe s'estoit accommodé); p. ext. 1616 emploi pronom., absolu « mettre ses affaires en ordre, devenir riche » (D'AUBIGNÉ, Tragiques, livre II, v. 244-245, éd. Garnier-Plattard : Ils appeloyent brigand ce qu'on dit entre nous, Homme qui s'accommode, et ce nom est plus doux); 1637 trans. « satisfaire (qqn) par la fortune, enrichir » (MALH., Trad. de Sén., t. II 625 ds LIVET, op. cit., p. 20 : Une libéralité qui accommode un homme ne l'oblige pas comme une qui lui sauve la vie).
III.— 1. 1549 « placer convenablement (qqc.) qq. part » (ESTIENNE, Dict. fr. lat., s.v. : accommoder et adapter une couronne et la mettre bien proprement sur sa tête. Corona sibi ad caput accommodare; accommoder une espee a son costé et la ceindre comme il appartient, ensem lateri accommodare); 1552 « mettre (qqc.) dans un état convenable » (RAB., IV, Anc. prol. ds HUG. : Pour accommoder ma maison, jé deliberé dedans huictaine demolir icelui figuier). — 1932, Ac. t. 1; 1606 « installer (qqn) convenablement » (MALH., Lettres à Peiresc, 2 oct. 1606, éd. Lalanne, Œuvres, t. III, p. 5 : A Fontainebleau en la chambre que vous savez, où je suis accommodé comme un prince); d'où 1690 « loger, traiter (d'un hôtelier) » (FUR. s.v. : On est fort bien accommodé en cette hôtellerie); 2. 1578 par antiphrase « maltraiter qqn, le battre » (H. ESTIENNE, Dial. du lang. fr. ital., I, 137 ds HUG. : On dit : Il l'a bien accommodé en parlant d'un que quelqu'un aura bien battu). — 1932, Ac.; 1622 « traiter qqn » (Le P. GARASSE, Rech. des Rech. de M. Est. Pasquier, p. 874-875 ds LIVET, op. cit., p. 22 : Qu'eussiez vous dit de nos ennemis, puisque si fraternellement vous accommodez vos bons amis?); 1690, FUR. : on dit aussi d'un homme qui s'est enyvré qu'il s'en est donné, qu'il est accommodé de belle manière; pronom. 1671 (POMEY, Dict. royal augm., 2e éd., : accommoder :prendre ses aises. Il s'accommode en incommodant les autres : ex incommodis alterius, sua comparat commoda). — 1878, Ac.; d'où 1690, par iron. (FUR., ibid. : ... on dit aussi accommodez vous, le pays est large, pour dire, mettez vous à votre aise, prenez vos commodités). — 1872, LITTRÉ; 3. a) 1539 méd. « préparer (un remède) » (JEHAN CANAPPE, Le sixième livre de la méthode thérapeutique, 23 ds Fr. Mod., XIX, p. 200 : accommoder), attest. isolée; 1608 accommoder une viande, un plat... (D'URFÉ, Ep. Morales, XVIII, livre I, p. 123 : ... Ne nous persuadons que les seuls cuisiniers puissent se plaire au goust des viandes qu'ils ont accommodées); fin XVIIe s. « id. » (LA FONT., Ésope ds DG : Il n'acheta que des langues lesquelles il fit accommoder à toutes les sauces); b) 1622 « habiller qqn », SOREL d'apr. FEW, t. 24 s.v. accommodare; 1654-55 « id. » (D'ABLANCOURT, Lucien, t. III ds LIVET, op. cit., p. 21 : Accommoder à la françoise); c) 1688 accommoder les cheveux, une perruque « arranger, coiffer », LA FONTAINE d'apr. FEW, ibid. — 1878, Ac.; d'où 1680 s'accommoder « se coiffer, s'habiller » (RICH. t. 1 s.v. : s'accommoder... s'approprier, s'ajuster [s'accommoder pour aller en visite]). — 1878, Ac.; 4. a) 1554 accommoder (qqn de qqc.) « donner l'usage de qqc. à qqn » (AMYOT, trad. Diodore, XI, 22 ds HUG. : Themistocles s'enfouyt une nuict du royaume des Molosses avec le port et aide du Roy qui le feit accommoder de toutes choses); en mauvaise part, 1578 emploi pronom. « se servir d'une chose sans y avoir droit » (H. ESTIENNE, 1er dial. du lang. fr. ital., I, 136, ibid. : ... on dit s'accommoder de la bourse de qqn, quand on y met les quatre doits et le pouce pour y pescher à bon escient. On dit s'accommoder des habits de quelqu'un); b) 1668 s'accommoder de, emploi pronom. « acquérir qqc., consentir à l'acheter » (MOL., Le Sicil., 8 ds LITTRÉ : Je voudrais vous prier de les voir [ces esclaves] et de les entendre pour les acheter, s'ils vous plaisent, ou pour leur enseigner quelqu'un de vos amis qui voulût s'en accommoder); 1694 id. « faire un échange de terrain (en parlant de 2 pers.) » ds Ac. s.v. : vous avez une ferme dans mon fief, j'en ai une dans le vostre, nous nous en accommoderons si vous voulez. J'ay un Prieuré en vostre pays, vous en avez un au mien, accommodez-vous en ensemble); 5. 1584 accommoder une femme « la posséder » (BOUCHET, Serées, I, 127 ds GDF. Compl. : Un de nos voisins met un sac sur le visage à sa femme quand il la veult accommoder). — 1660, OUDIN, Trésor des deux Langues esp. et fr., pronom. « id. » (BOUCHET, op. cit., IV, 16, ibid. :Les paisans ne s'accommodent de leurs femmes, sinon quand nature les y pousse). Cf. sém. I A 1 e.
Empr. au lat. accommodare, attesté au sens III dep. ACCIUS, Trag., 687 ds TLL s.v., 330, 56 : [accommodare] frena... ori equorum; au sens II ds Rhet. Her., 2, 37, ibid., 330, 84 : quae [ratio] vel alii expositioni potest adcommodari; au sens III 4 [donner] ds OVIDE, Met., 4, 398, ibid., 333, 11 : purpura fulgorem pictis accommodat uvis; fréq. dans la lang. jur.
STAT. — Fréq. abs. litt. :848. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 847, b) 1 087; XXe s. : a) 1258, b) 1 544.
BBG. — BAILLY (R.) 1969. — BAR 1960. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — Bible 1912. — BRUANT 1901. — Canada 1930. — CAPUT 1969. — DHEILLY 1964. — FRIES t. 1 1965. — HANSE 1949. — HUSSON 1970. — LAF. 1878. — LAF. Suppl. 1878. — LAL. 1968. — LA RUE 1954. — LIVET (Ch. L.). Lexique de la langue de Molière comparée à celle des écrivains de son temps. 1. A-C. Paris, 1895. — MARCEL 1938. — MAR. Lex. 1961 [1951]. — PIÉRON 1963. — REMIG. 1963. — Sc. 1962. — TEPPE (J.). Verbes d'ire et de pugnacité. Vie Lang. 1967, n° 189, p. 696. — THOMAS 1956.
accommoder [akɔmɔde] v. tr.
ÉTYM. 1336, accommoder une injure; « rendre conforme à », 1530; lat. accommodare « adapter ».
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1 Vieilli. || Ceci m'accommode, est à ma convenance. ⇒ Convenir, plaire.
1 Elle a bien de la peine à en trouver une (nourrice), à Paris, qui l'accommode.
Racine, Lettres, 12 nov. 1686.
♦ Vx. Donner de l'aisance, enrichir. || Les dignités accommodent tous les hommes.
♦ (1606). Vieilli ou littér. Bien installer (qqn). || « Que je l'accommode dans sa chaise » (Molière). — Traiter (qqn) de façon avantageuse. || C'est un bon hôtelier, il vous accommodera bien.
1.1 Une atmosphère de fête foraine et d'émeute bon enfant règne à la gare de Versailles. Michel-Charles lui-même conseille d'attendre le train suivant, ce qui après tout les retardera très peu : pour accommoder la foule des voyageurs, des convois partent maintenant toutes les dix minutes.
M. Yourcenar, Archives du Nord, p. 108.
2 Vx ou littér. Préparer une chose afin qu'elle plaise, satisfasse. ⇒ Arranger, disposer. || Accommoder une maison avec goût.
2 (Il) a la bonté de vouloir visiter mon appartement pour voir comment on l'a accommodé.
Racine, Lettre du 12 nov. 1686.
2.1 Je vous ai fait venir, leur dit-il, afin que vous m'accommodiez cette croisée et que vous la mettiez dans la même perfection que les autres (…)
A. Galland, les Mille et une Nuits, t. III, p. 145.
♦ Vx. || Accommoder ses affaires, les rendre prospères. Au p. p. || Affaires accommodées. — (Personnes). || Être accommodé, riche, prospère. — REM. Cet emploi est encore attesté régionalement au XXe s. (H. Pourrat, in T. L. F.).
3 Mon père était des premiers et des plus accommodés de son village.
Scarron, le Roman comique, II, 13 (→ Aisé).
3 Fig. Vx. Donner de l'ordre à (ses pensées), arranger en composant, en écrivant.
4 (L'idée) Que j'ai sur le papier en prose accommodée.
Molière, les Femmes savantes, III, 2.
4 (1622). Vx. Habiller, ou (1688) coiffer (qqn).
4.1 (…) La même servante qui, trois jours auparavant, l'avait accommodé de son mieux, l'aida à mettre le même habit pailleté, tachant de l'accommoder mieux encore.
A. de Musset, la Mouche, p. 303.
4.2 (…) la conversation tomba sur lui tandis que Ketty accommodait sa maîtresse.
Dumas, les Trois Mousquetaires, t. II, p. 406.
♦ Iron. et fam. (surtout au p. p.). Accoutrer. || Vous voilà drôlement accommodé.
5 Fig. Vieilli ou littér. || Accommoder qqn, le maltraiter, l'injurier.
5 Il me prend des tentations d'accommoder tout son visage à la compote.
Molière, George Dandin, II, 4.
♦ Ridiculiser (qqn).
6 On ne saurait aller nulle part, où l'on ne vous entende accommoder de toutes pièces. Vous êtes la fable et la risée de tout le monde.
Molière, l'Avare, III, 5.
6 (1608). Préparer (des aliments) pour la consommation. ⇒ Apprêter, assaisonner, cuisiner. || Accommoder du poisson avec une sauce, des escargots au beurre. || Accommoder des restes.
♦ ☑ Loc. fam. Accommoder qqn à toutes les sauces, employer à toutes sortes de services. ⇒ Servir (se), tirer (parti de).
———
II Vx. Mettre d'accord, en accord.
1 (1636). || Accommoder un différend, une querelle, y mettre un terme. ⇒ Concilier. — Rare. || Accommoder des personnes, les mettre d'accord.
2 Accommoder (qqch.) à, disposer ou modifier de manière à faire convenir. || Accommoder l'offre à la demande. || Accommoder son enseignement au public. ⇒ Adapter, ajuster, approprier.
7 Il faut que l'air soit accommodé aux paroles.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, I, 2.
3 Accommoder avec, faire s'accorder, concorder. ⇒ Allier, concilier.
8 Ils accommodent la religion avec les plaisirs.
Fléchier, Oraison funèbre de Mme la Dauphine.
♦ Accommoder (qqn) de (qqch.), le pourvoir de (qqch.). || Accommoder qqn d'une faveur.
———
III Mod. Mettre au point (un système optique, l'œil). || Accommoder sur, à dix mètres, à cinq centimètres.
9 Le docteur Pasquier arrêta sur Laurent un regard pâle, azurin, dont les pupilles étaient accommodées à l'infini.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VII, 2.
REM. En fait, les pupilles n'accommodent pas à l'infini.
9.1 Si un sujet accommode pour la vision à grande distance, il a de son propre doigt comme de tous les objets proches une image double.
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, p. 238.
9.2 Et l'espace ? On croirait, à me voir, que c'est mon élément, que je suis constamment entre ici et là-bas, entre loin et tout près, comme un poisson dans l'eau. J'accommode (moins bien, depuis que je suis presbyte et pour lire me sers de lunettes), j'évalue (…)
Claude Roy, Moi je, p. 76.
♦ Au participe passé :
10 Elle s'arrêtait soudain, la bouche ouverte, le regard accommodé sur quelque objet lointain.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, V, 5.
——————
s'accommoder v. pron.
1 (1690). Vx ou littér. || S'accommoder avec (qqn), ou, absolt, s'accommoder, s'entendre avec (qqn), se mettre d'accord avec lui. ⇒ Arranger (s').
11 Le maréchal s'est accommodé avec ses créanciers.
Mme de Sévigné, Lettres, 29.
12 Tenez donc, voici deux bûchettes :
Accommodez-vous, ou tirez.
La Fontaine, Fables, III, 8.
2 a Vx ou littér. || S'accommoder à (avec) qqch., se conformer, s'adapter à qqch. || S'accommoder avec l'inévitable. — Absolt. || Les hommes ont une grande aptitude à s'accommoder (→ ci-dessous cit. 13, 16, 17).
13 A ses moindres désirs il sait s'accommoder (…)
Racine, Britannicus, II, 2.
14 Le sentiment, par nature, s'accommode particulièrement d'exclamations, de brèves expressions, de groupes de mots à allure irrégulière.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, I, 6.
15 Si les nuances infinies du langage ne s'accommodent point des classifications rigides qu'on veut faire, tant pis pour les classifications. La science doit s'accommoder à la nature. La nature ne peut s'accommoder à la science.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, IX, 6.
16 Cherchons à nous accommoder à cette vie; ce n'est point à cette vie à s'accommoder à nous.
Montesquieu, Cahiers, p. 23.
17 J'appelle raisonnable celui qui accorde sa raison particulière avec la raison universelle, de manière à n'être jamais trop surpris de ce qui arrive et à s'y accommoder tant bien que mal.
France, le Petit Pierre, XXXIII.
♦ Cour. || S'accommoder de qqch., de qqn, accepter (qqch., qqn) comme pouvant convenir, trouver (qqch., qqn) à sa convenance. ⇒ Accepter, résigner (se), supporter (→ Prendre les choses comme elles viennent, les gens comme ils sont, le temps comme il vient; prendre les choses avec philosophie, du bon côté; prendre son parti de qqch.). || Il ne s'accommode pas de la situation; il s'en accommode.
18 Le moyen, mon oncle, qu'une fille un peu raisonnable se pût accommoder de leur personne ?
Molière, les Précieuses ridicules, 4.
19 De guerre lasse, il dut s'accommoder d'une mauvaise chambre à l'auberge.
M. Barrès, la Colline inspirée, p. 133.
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accommodé, ée p. p. adj.
1 Vx. Arrangé, préparé. || Une femme toujours bien accommodée, bien habillée, ou, bien coiffée.
♦ Vx. || Être mal accommodé, mal vêtu, mal coiffé.
♦ Vx ou littér. || Un jardin, un logement accommodé avec goût. || Un salon accommodé à l'orientale.
20 C'était trop loin pour qu'il pût distinguer (…) la maison des gardes, et celle du comte de Remilleret, une ancienne ferme vaste comme une caserne, accommodée en demeure de maître.
M. Genevoix, Raboliot, p. 71.
♦ Mod. || Du poisson accommodé avec une sauce piquante. || Des restes accommodés en ragoût.
2 Adapté à, sur. || Des barrages accommodés aux crues. — Le regard accommodé sur l'horizon (→ ci-dessus cit. 10). Absolt. || L'œil bien accommodé.
3 Vx ou littér. || Accommodé de…, pourvu de… || Une jeune fille accommodée d'une jolie dot. — Absolt et vx. || Accommodé, prospère, aisé (→ ci-dessus I., 2., Accommoder ses affaires, et cit. 3).
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CONTR. Déranger. — Brouiller (des personnes); envenimer (un différend). Opposer, séparer. — Refuser.
DÉR. Accommodable, accommodage, accommodant, accommodat, accommodateur, accommodé, accommodement.
Encyclopédie Universelle. 2012.