adapter [ adapte ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1270; lat. adaptare « ajuster à », de ad et aptus « apte »
1 ♦ Réunir (une chose à une autre), appliquer après ajustement. ⇒ ajuster, joindre, rattacher. Adapter des roulettes aux pieds d'une table, un embout à un tuyau. « Ce serait une barbarie d'adapter cette espèce de muselière à une bouche si fraîche » (Gautier).
2 ♦ (Abstrait) Approprier (qqch., qqn) à (qqch., qqn), mettre en harmonie avec. Adapter ses dépenses à sa situation, ses désirs aux circonstances. ⇒ accorder. « Leurs arts sont adaptés à leur manière de vivre » (Montesquieu). ⇒ convenir. « Faute de pouvoir adapter leur sagesse aux folies de l'Europe » (Sartre).
♢ Pronom. Se mettre en harmonie avec (les circonstances, le milieu), réaliser son adaptation biologique. ⇒ s'acclimater, s'habituer. Les animaux s'adaptèrent aux nouvelles conditions climatiques. « L'art se métamorphose, s'adapte aux circonstances » (R. Rolland). « L'organisme s'adapte aux bactéries et aux virus » (Carrel). Incapacité à s'adapter aux situations nouvelles. ⇒ psychorigidité. — Absolt Il faut savoir s'adapter, être souple, capable d'évoluer.
3 ♦ (1885 ) Faire l'adaptation de. Adapter un roman pour le théâtre, la télévision. — Mus. Adapter une pièce orchestrale pour le piano.
4 ♦ Électron. Rendre maximum le transfert d'énergie de (un dispositif) vers un autre. — Une antenne adaptée.
⊗ CONTR. Séparer. Opposer.
● adapter verbe transitif (latin adaptare, ajuster) Appliquer, ajuster une chose à une autre : Adapter un robinet à un tuyau. Modifier la pensée, le comportement de quelqu'un pour le mettre en accord avec une situation nouvelle, ou modifier quelque chose pour l'approprier à quelqu'un, le mettre en accord avec quelque chose : Adapter son comportement aux circonstances. Transposer une œuvre pour qu'elle convienne à un autre public, à une autre technique : Adapter un roman au cinéma. ● adapter (synonymes) verbe transitif (latin adaptare, ajuster) Appliquer, ajuster une chose à une autre
Synonymes :
- ajuster
- joindre
- unir
Modifier la pensée, le comportement de quelqu'un pour le mettre...
Synonymes :
- aménager
- arranger
- mettre en accord
Transposer une œuvre pour qu'elle convienne à un autre public...
Synonymes :
Contraires :
- détacher
- diviser
- séparer
adapter
v.
rI./r v. tr.
d1./d Rendre (une chose) solidaire (d'une autre), appliquer en ajustant. Adapter un manche à un outil.
d2./d Harmoniser, rendre conforme à. Adapter sa conduite aux circonstances.
d3./d Procéder à l'adaptation de (une oeuvre littéraire). Réalisateur qui adapte une pièce de théâtre pour la télévision.
d4./d Rendre (un dispositif, des mesures, etc.) apte à assurer ses fonctions dans des conditions particulières ou nouvelles. Adapter un programme d'équipement à une région déterminée.
d5./d (Madag.) AUTO Faire une adaptation (sens 3).
rII./r v. Pron.
d1./d (êtres vivants.) S'acclimater, s'habituer. S'adapter au climat des tropiques.
d2./d Pouvoir être appliqué à, rendu solidaire de. Objectifs qui s'adaptent au boîtier d'un appareil photo.
⇒ADAPTER, verbe trans.
I.— Emploi trans.
A.— TECHNOL. [Le suj. est une pers.] Adapter qqc. à qqc. Joindre un objet à un autre de manière à obtenir un dispositif fonctionnel :
• 1. Quelques argotiers se détachèrent du cercle et revinrent un moment après. Ils apportaient deux poteaux terminés à leur extrémité inférieure par deux spatules en charpente, qui leur faisaient prendre aisément pied sur le sol. À l'extrémité supérieure des deux poteaux ils adaptèrent une solive transversale, et le tout constitua une fort jolie potence portative, que Gringoire eut la satisfaction de voir se dresser devant lui en un clin d'œil.
V. HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 107.
• 2. Léon, de la main droite, soulevait un long bout de boyau vide, dans l'extrémité duquel un entonnoir très évasé était adapté; et, de la main gauche, il enroulait le boudin autour d'un bassin, d'un plat rond de métal, à mesure que le charcutier emplissait l'entonnoir à grandes cuillerées.
É. ZOLA, Le Ventre de Paris, 1873, p. 692.
• 3. La justice est une idée d'avare. De même que l'ajusteur adapte le tourillon à l'axe, justement comme il faut, ne laissant ni trop d'espace, ni trop peu, de même l'avare est un ajusteur de travaux, de salaires, et de prix; toujours au plus près; ...
ALAIN, Propos, 1932, p. 1083.
• 4. ... on prélève un organe, avec les tissus adjacents et avec tous les vaisseaux et nerfs qui lui appartiennent. On l'introduit aussitôt dans une chambre vitrée, que que l'on scelle hermétiquement après avoir adapté à l'artère principale une canule reliée à une mécanique pulsatile : vrai cœur artificiel qui expédiera rythmiquement dans l'organe un liquide nutritif et oxygéné.
J. ROSTAND, La Vie et ses problèmes, 1939, p. 64.
— P. métaph. :
• 5. ... nous pourrions nous haïr, et pourtant nous sommes faits pour nous aimer. Il y a dans nos deux natures quelque chose qui me semble s'emboîter et s'adapter assez bien : les angles sortants de nos caractères coïncident.
A. KARR, Sous les tilleuls, 1832, p. 4.
• 6. Les bureaux ont leur obéissance passive, comme l'armée a la sienne : système qui étouffe la conscience, annihile un homme et finit, avec le temps, par l'adapter comme une vis ou un écrou à la machine gouvernementale.
H. DE BALZAC, Le Père Goriot, 1835, pp. 184-185.
• 7. Quelle différence avec ces messes frugales, si franches, avec ce plain-chant vraiment céleste que l'on chante aux pauvres fêtes! Au reste, plus je l'écoute, et plus je suis convaincu que la musique grégorienne n'est pas du tout un article d'apparat. Les kyrie eleison, si implorants, si gémissants, si doux, des jours habituels, deviennent tarabiscotés dès qu'à l'occasion d'une plus importante festivité, on les veut vêtir; on dirait alors que l'on a adapté à de pures mélodies gothiques, des ornements coulés dans du staff, des neumes de plâtre!
J.-K. HUYSMANS, L'Oblat, t. 1, 1903, p. 68.
B.— [Le suj. désigne une pers. ou une force agissante concr. ou abstr.] Adapter qqn ou qqc. à qqn ou à qqc. Mettre en accord, approprier à quelque chose ou à quelqu'un d'autre, considéré comme prépondérant ou du moins comme incontestablement réel, de manière à obtenir un ensemble cohérent ou harmonieux.
1. Adapter qqn à qqc. :
• 8. Nous devrons aller à la recherche de ce fond de sociabilité, et aussi d'insociabilité, qui apparaîtrait à notre conscience si la société constituée n'avait mis en nous les habitudes et dispositions qui nous adaptent à elle.
H. BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932, p. 292.
• 9. Un grand poète dramatique ne rougit pas de travailler pour une scène précise, et d'adapter sa pensée aux acteurs dont il dispose; il ne croit pas se rapetisser ainsi : ...
R. ROLLAND, Jean-Christophe, Les Amies, 1910, p. 1174.
3. Adapter qqc. à qqc.
a) Lang. cour. :
• 10. ... en un clin d'œil il prit le ton de la bonhomie, et, remontant, en quelques mois, jusqu'aux grands principes des sociétés et du gouvernement, il débita, en les adaptant à la circonstance, quelques phrases de Fénelon qu'on lui avait fait apprendre par cœur dès l'enfance pour les audiences publiques.
STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, p. 127.
• 11. Nous avons adapté à nos goûts le gothique venu d'Outre-Rhin, la Renaissance née en Italie, et les principes sévères du Palladio : nous en avons fait Reims, la Loire et Versailles.
A. T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, p. 275.
• 12. Tout cela est absurde. Rien n'est au point. Notre monde est fait de rouages qui ne s'ajustent pas les uns aux autres. Ce ne sont point les matériaux qui sont en cause, mais l'horloger. L'horloger manque. Après neuf mois de guerre, nous n'avons pas encore réussi à faire adapter, par les industries dont elles dépendent, les mitrailleuses et les commandes au climat de la haute altitude.
A. DE SAINT-EXUPÉRY, Pilote de guerre, 1942, p. 303.
b) Dans des emplois techn.
— BIOL., PHYS. Modifier une conduite ou une situation :
• 13. ... vous alliez manger des sarcelles! Mais ne saviez-vous pas que c'est très dangereux! Dans ces marais la fièvre maligne est à craindre; il faut adapter votre sang; similia similibus, Tityre! Mangez des vers de vase (lumbriculi limosi) — l'essence des marais s'y concentre et c'est de plus un aliment fort nourrissant.
A. GIDE, Paludes, 1895, pp. 101-102.
• 14. Mais il n'en serait plus de même, dans l'hypothèse où la lumière agirait directement sur la matière organisée pour en modifier la structure et l'adapter, en quelque sorte, à sa propre forme.
H. BERGSON, L'Évolution créatrice, 1907, p. 70.
— ÉCONOMIE :
• 15. ... une importance variable suivant que les économies sont plus ou moins planifiées et aussi — au fil des saisons de l'histoire — suivant que les macrodécisions de base sont retouchées et adaptées ou au contraire que le système entier des macrodécisions est remis en question, comme la chose se produit en phase de reconstruction.
F. PERROUX, L'Économie du XXe siècle, 1964, p. 54.
C.— Spéc., B.-A. Transposer une œuvre ou une technique d'un genre ou d'un type d'expression dans un autre en vue d'une destination nouvelle.
1. [Transpos. d'une techn.]
— ARCHIT. Approprier (une saillie, un ornement) :
• 16. On voit, en Morée, quelques absides de petits édifices; elles sont soutenues en l'air sur des consoles (...). Les architectes byzantins adaptèrent ce genre d'absides aux chapelles.
A. LENOIR, Architecture monastique, t. 1, 1852, p. 283.
2. [Transpos. d'une œuvre] :
a) CINÉMA :
• 17. Les unes après les autres, toutes les œuvres qui connurent de grands succès au théâtre ont été adaptées à la scène cinématographique.
Le Cinéma, 16 août 1912 (Giraud 1956).
b) LITTÉRATURE
— [Transpos. d'une œuvre, d'une techn. d'expr. dans une autre] :
• 18. Le Dante, ce grand maître en tant de genres, possédait le génie tragique qui aurait produit le plus d'effet en Italie, si, de quelque manière, on pouvait l'adapter à la scène : car ce poëte sait peindre aux yeux ce qui se passe au fond de l'âme, et son imagination fait sentir et voir la douleur.
G. DE STAËL, Corinne, t. 1, 1807, p. 354.
• 19. ... on imaginerait assez bien un metteur en scène moderne adaptant Mairet, du Ryer ou Hardy, et en tirant quelque tragi-comédie merveilleuse, à la manière de Shakespeare.
R. BRASILLACH, Pierre Corneille, 1938, p. 59.
— [Transpos. d'une œuvre d'une lang. dans une autre de « génie » différent] :
• 20. Il faudra traduire Heinrich von Ofterdingen sans plus attendre. J'ai songé aussi à Peter Schlemihl, qu'on connaît si peu; et Ondine de La Motte. Puis, de l'italien, Pétrarque. Voir si l'on ne pourrait adapter une pièce de Calderon.
A. GIDE, Journal, 1893, p. 39.
Rem. Dans l'ex. suiv., il s'agit d'un emploi similaire à celui de la lang. cour. (cf. supra B 3) :
• 21. Il faut décidément que le journal de Meaulnes s'arrête sur une très grande émotion. Ce sera la lettre désespérée qu'il porte toujours sur lui et qu'il déchire enfin. Je n'ai pas besoin de dire que cette lettre est écrite. Je l'arrangerai et l'adapterai.
J. RIVIÈRE, ALAIN-FOURNIER, Correspondance, lettre de A.-F. à J. R., mai 1913, p. 357.
c) MUS. Arranger (une œuvre musicale) pour qu'elle puisse être exécutée par un instrument autre que celui prévu originellement :
• 22. La course de cette flamme, la lutte désespérée de la vierge contre son ravisseur, la galopade du héros dans la steppe, l'entrecroisement de toutes ces images, de toutes ces vitesses et, par en dessous, le mouvement infernal de la « course à l'abîme », morceau d'orchestre tiré de la Damnation de Faust et adapté pour le piano, tout cela ne faisait qu'un : c'était la destinée.
J.-P. SARTRE, Les Mots, 1964, p. 102.
Rem. L'emploi suiv. (adaptation des paroles à un rythme musical ou à une mélodie) n'est qu'un cas partic. de l'emploi cour. signalé sous B 3 (cf. aussi rem. sous C 2 b) :
• 23. Si le poète ne comprenait pas le musicien, ni le musicien le poète, les acteurs ne comprenaient ni l'un ni l'autre, et ne s'en inquiétaient point. Ils cherchaient seulement dans leurs rôles des phrases, de place en place, où accrocher leurs effets habituels. Il n'était pas question d'adapter leur déclamation à la tonalité du morceau et au rythme musical : ils allaient d'un côté, et la musique de l'autre; ...
R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, p. 488.
• 24. Quand il avait composé quelque poème nouveau, l'une de ses filles — il n'avait que des filles — l'adaptait aussitôt à quelque chanson du pays, et le matin, pendant le travail du labour, elle chantait le poème nouveau qui avait l'air de s'envoler dans le ciel comme un oiseau.
Ch. DU BOS, Journal, janv. 1925, p. 286.
II.— Emploi pronom.
A.— Au propre
1. [Le suj. désigne un obj. inanimé] Synon. de s'ajuster :
• 25. Ne pourrions-nous pas ajouter, pour appuyer cette opinion, que c'est aussi pour cela, outre les autres raisons que nous avons déjà alléguées, que la portion musculeuse de l'urêtre s'alonge ou se raccourcit? Elle est obligée de s'adapter aux différentes dimensions du bassin, afin que la portion bulbeuse arrive toujours au même point.
G. CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, t. 5, 1805, p. 82.
• 26. Puis, arrachant le morceau des mains de Thénardier, il s'accroupit sur l'habit, et rapprocha du pan déchiqueté le morceau déchiré. La déchirure s'adaptait exactement, et le lambeau complétait l'habit.
V. HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 723.
2. Spéc. [En parlant des yeux] Accommoder :
• 27. Ses yeux, déjà réhabitués à la lumière de la lampe, firent effort pour s'adapter à l'ombre...
R. BAZIN, Le Blé qui lève, 1907, p. 341.
B.— S'ajuster à une fonction ou à une circonstance particulière.
1. [Le suj. et l'obj. désignent des pers.] S'adapter à qqn.
— Emploi réciproque :
• 28. Rien de plus naturel, si l'on y réfléchit. L'analogie des conditions de sol, d'hydrographie, de climat, fait qu'un type d'établissement, une fois implanté dans une contrée, y devient dominant, par la nécessité qui pousse les cohabitants à s'adapter les uns aux autres. C'est un phénomène d'accommodation réciproque.
P. VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géographie humaine, 1921, p. 173.
— Emploi réfl. :
• 29. Celle-ci, cramponnée à moi, et n'aimant ni moi, ni mon travail, ni l'amour. Qu'a-t-elle fait pour s'adapter à moi? On n'aime pas un être, si on ne modifie pas sa propre vie pour y ajouter ou en retrancher quelque chose à cause de lui.
H. DE MONTHERLANT, Les Lépreuses, 1939, p. 1409.
2. P. ext. [L'objet. explicite ou implicite désigne une chose : norme, situation, besoin, etc.] Se conformer, s'habituer, s'accoutumer, s'acclimater :
• 30. ... cet enfant si fort et si faible, déplanté par Corinne de ses belles campagnes pour entrer dans le moule d'un collège auquel chaque intelligence, chaque corps doit, malgré sa portée, malgré son tempérament, s'adapter à la règle et à l'uniforme comme l'or s'arrondit en pièces sous le coup du balancier; Louis Lambert souffrit donc par tous les points où la douleur a prise sur l'âme et sur la chair.
H. DE BALZAC, Louis Lambert, 1832, p. 59.
• 31. Seul le positivisme devient à la fois digne et vrai, quand il nous invite à vivre pour autrui. Cette formule définitive de la morale humaine ne consacre directement que les penchants bienveillants, source commune du bonheur et du devoir. Mais elle sanctionne implicitement les instincts personnels, comme conditions nécessaires de notre existence, pourvu qu'ils se subordonnent aux premiers. Sous cette unique réserve, leur satisfaction continue nous est même prescrite, afin de nous bien adapter au service réel de l'humanité, à laquelle nous appartenons entièrement.
A. COMTE, Catéchisme positiviste, 1852, p. 281.
— [Avec une valeur de généralité (sans compl. d'obj. second.)] :
• 32. Tenez, moi, regardez comme je m'adapte Ferdinand!... (Il s'en tapait sur le sternum.) Que demain la terre se mette par exemple à tourner dans l'autre sens. Eh bien moi? Je m'adapterai, Ferdinand! Et tout de suite encore! Et savez-vous comment, Ferdinand? Je dormirai un bon coup de douze heures en plus, et tout sera dit! Et voilà tout! Et houp! Ce n'est pas plus malin que cela! Et ce sera fait! Je serai adapté!
L.-F. CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 515.
• 33. L'homme objectif, en cas d'insuccès, s'adapte, et continue à développer ou à aménager ses buts sans être l'esclave de leurs formules provisoires. Cette aisance dans l'adaptation lui donne au reste un très vaste registre de modulations.
E. MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 350.
• 34. Au grand élan farouche des premières semaines avait succédé un abattement qu'on aurait eu tort de prendre pour de la résignation, mais qui n'en était pas moins une sorte de consentement provisoire. Nos concitoyens s'étaient mis au pas, ils s'étaient adaptés, comme on dit, parce qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement.
A. CAMUS, La Peste, 1947, p. 1364.
• 35. Il avait été blessé qu'on le traitât d'idéaliste; il essayait de s'adapter en réaliste aux dures nécessités de ce temps. Mais ce n'est que trop facile de s'adapter. Moi aussi, je m'adapte, et je n'en suis pas fière; toujours passer outre, toujours accepter, à la fin ça veut dire trahir.
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 336.
Rem. Except., et p. plaisant., le suj. est un animal :
• 36. Il me livrait une angoisse, je ne lui rendis qu'un mot, un de ces mots commodes qu'on a toujours sur soi : s'adapter.
Il le médita, puis me montra un chien qui passait : — Oui?... demande donc au kleps, là, de s'adapter à la salade? On l'a entraîné à la chasse et la chasse est fermée.
R. VERCEL, Capitaine Conan, 1934, p. 140.
3. [Le suj. désigne un inanimé, le compl. un inanimé concr.] :
• 37. Hier, dans le fumoir de la princesse, l'on causait style et l'on parlait de l'impuissance de bien écrire chez les gens qui parlent plusieurs langues. Pour ces gens, les mots ne gardent plus leur particularité, leur qualité exclusive, sans aucun synonyme, d'être l'enveloppe s'adaptant juste à une chose ou à un être. Les mots deviennent des dénominations vagues, des représentations effacées, des-à-peu près de vocables, des entités.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, mars 1876, p. 1124.
• 38. Il avait gardé son manteau, son chapeau, il ressemblait toujours à un éternel voyageur, et passait presque inaperçu, tant sa petite taille déplaçait peu d'air, tant ses cheveux gris et ses vêtements anonymes s'adaptaient à tous les décors.
A. DE SAINT-EXUPÉRY, Vol de nuit, 1931, p. 94.
• 39. Une fresque, ou un tableau (qui n'est qu'une fresque portative), doivent s'adapter aux murs, et en souligner le caractère...
A. LHOTE, Peinture d'abord, 1942, p. 99.
4. [Le suj. est un inanimé, le compl. un inanimé abstr.] :
• 40. ... les modifications que subit l'organisme pour s'adapter au milieu ambiant et aux conditions de la vie de l'animal, ...
A. COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances, 1851, p. 346.
• 41. Depuis des milliers d'ans, les sculpteurs ont négligé le bois qui s'adapterait merveilleusement, selon moi, à un art vivant et réel; les sculptures peintes du Moyen-Âge, les retables de la cathédrale d'Amiens et du musée de Hall, par exemple, le prouvent, et les statues qui se dressent à Sainte-Gudule et dans la plupart des églises belges, des figures grandeur nature de Verbruggen d'Anvers et des autres vieux sculpteurs des Flandres, sont plus affirmatives encore, s'il est possible.
J.-K. HUYSMANS, L'Art moderne, 1883, pp. 251-252.
• 42. ... quand la circonstance veut que la méthode des écoles maternelles s'adapte juste, on assiste à une germination merveilleuse.
L. FRAPIÉ, La Maternelle, 1904, p. 204.
• 43. Les chemins de fer eurent à s'adapter aux réseaux préexistants de communications, à des rapports cimentés par le temps, à des organismes politiques qui avaient à se défendre contre leurs voisins, à des individualités nationales taillées sur un autre patron et à une mesure différente qu'en Amérique.
P. VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géographie humaine, 1921, p. 248.
• 44. ... mes yeux tombèrent sur ces lignes soulignées deux fois par le prêtre : « Mes frères, renouvelez-vous dans votre âme et revêtez-vous de l'homme nouveau. » Ces mots s'adaptaient si bien à ma situation actuelle que je les lus et relus en me les répétant tout haut, comme revivifié par la suggestion de cet appel.
P. BOURGET, Nos actes nous suivent, 1926, p. 22.
• 45. Si la monnaie et les changes s'adaptent fréquemment, à l'époque contemporaine, aux salaires, c'est pour beaucoup de raisons sociologiques et historiques qui n'intéressent pas l'économiste en tant que tel. Mais la rigidité d'un revenu auquel d'autres facteurs s'adaptent au lieu qu'il s'y adapte remet en question le mécanisme même de l'adaptation économique tel qu'il est figuré par l'interdépendance générale et réciproque de toutes les quantités.
F. PERROUX, L'Économie du XXe siècle, 1964, pp. 27-28.
• 46. Ce qui est dit de la firme peut être dit de toute unité économique. Chacune agit dans un environnement plastique. Elle cherche à atteindre ses propres buts en s'adaptant à l'environnement rigide et en modifiant l'environnement plastique.
F. PERROUX, L'Économie du XXe siècle, 1964 p. 308.
Rem. 1. La prép. usuelle devant le compl. obj. second. du verbe adapter est à, except. dans (ex. 2), pour (ex. 22) ou avec (s'adapter avec :« concorder avec ») :
• 47. Tiens, pendant que j'y pense, il y a longtemps, du reste, que je voulais vous demander cela — comment sont donc organisés vos offices? Ils ne s'adaptent pas avec ceux que détaille mon eucologe.
J.-K. HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 131.
Rem. 2. Le compl. prép. reste très souvent implicite, parce que clairement suggéré par le cont. De là un emploi gén., bien illustré par les ex. 34, 35, 36 (un de ces mots commodes qu'on a toujours sur soi : s'adapter) et représentatif d'une certaine éthique de civilisation, qui, lorsqu'il est l'obj. d'une crit. systématique ou iron., connote une nuance gén. péj. de résignation (cf. infra styl. 2).
Stylistique — 1. En dehors de sa valeur techn. concr. (I A), adapter exprime essentiellement l'idée d'une mise en rapport voulue ou subie, concr. ou abstr., c.-à-d. d'une appropriation, d'un ajustement, d'une adéquation, d'une accommodation. Sans y acquérir le statut de terme strictement techn., il convient particulièrement aux domaines de la biol. (cf. I B 3 b et II B 4) et de l'écon. (ibid.). La technicité est plus nette dans le domaine des B.-A. et notamment en litt. (cf. I C). 2. Lorsque le terme passe dans la lang. de la philos. et de la psychol., on glisse fréquemment de l'idée d'un ajustement librement voulu et à valeur méliorative à celle d'un ajustement plus ou moins forcé et à valeur plus ou moins péj. (cf. adapter ou s'adapter aux conditions, aux circonstances, aux besoins, aux exigences, au milieu). De là une valeur à la fois péj. et iron. dans certains emplois :
48. On s'inclinait docilement devant les Allemands. Isolés, les fermiers n'avaient même pas pensé à la résistance, trop âpres au gain, trop attachés à leurs terres et leur bétail pour accepter de les perdre. On s'était soumis, adaptés avec une résignation humiliante.
M. VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 27.
49. Et même si je réussis à neutraliser leur passé, quel avenir ai-je à leur offrir? J'estompe les peurs, je lime les rêves, je rogne les désirs, j'adapte, j'adapte, mais à quoi les adapterai-je? Je ne vois plus rien autour de moi qui tienne debout.
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 30.
Cette valeur n'est pas la seule; on constate cependant que pour redonner une valeur méliorative au verbe, celui-ci est souvent accompagné d'un adv. à valeur superlative-méliorative (cf. ex. 37, 41, 42, 44); à l'idée de résignation se substituent alors celles d'aisance et de souplesse (cf. l'ambiguïté de la valeur attachée à ce dernier mot).
Prononc. :[adapte], j'adapte []. Enq. :/adapt./ Conjug. parler.
Étymol. ET HIST. — 1. 1270 trans. adapter a « appliquer (qqc.) à » suj. et obj. inanimés, sens propre (?) (Introd. d'Astron., Bibl. nat. 1353, f° 33a ds GDF. Compl. :Quand ad Mercure puet meauz estre adaptee cele des epicercles); ca 1300 id. « id. » emploi fig. (MACÉ, Bible en vers, f° 118 [Cantique], 1re col. ds LITTRÉ : L'odor de ta boche en tel guise Sera come l'odor de pomes; Et nous cete odor adaptomes Tot plainement à la doctrine [d'apr. HERZOG, Lexicalisches aus Macé de la Charité, Vienne, 1909 : adapter ceste odor a la doctrine « damit vergleichen »]); 1492 réfl. soi adapter contre « aller, dans son application, contre (les intérêts de qqn) », d'un inanimé (N. GILLES, Annales, II, f° 155 ds GDF. Compl. :Et fut trouvé que la dicte sentence se adaptoit directement contre ledit duc de Bourgoigne et ses adherens et non contre aultre); 2. 1405 réfl. soi adapter a « se préparer à (qqc.), d'une personne » (Adv. a Is. de Bav., Bibl. nat., f° 7b, ibid. : Le roy doit cognoistre sa condition et sa complexion et doit par le conseil de ses phisiciens soy adapter a besoigner continuelment es besoignes de son royaume).
Empr. au lat. adaptare, au sens propre « ajuster à » dep. SUÉTONE, Otho, 12 ds TLL s.v., 569, 71 (seule attest. av. lat. chrét.); emploi fig. fréq. en lat. chrét. (IRÉNÉE, 1, 3, 6, ibid., 569, 78 : ad figmentum... adaptantes parabolas); cf. avec soi adapter contre (d'un inanimé) : IRÉNÉE, 2, 5, 3, ibid., 569, 81; haec autem omnia adversus omnes... adaptabuntur, d'où 1; 2 dep. IRÉNÉE, 1, 13, 3, ibid., 570, 11 : adapta te ut sponsa sustinens sponsum suum (cf. GRÉG. DE TOURS, Hist. Fr., 7, 29, ibid., 570, 12 : se ad percutiendum aptat), ce sens est en lat. class. rendu par aptare.
STAT. — Fréq. abs. litt. :692. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 372, b) 435; XXe s. : a) 1 137, b) 1 705.
BBG. — BAILLY (R.) 1969. — BAR 1960. — BAULIG 1956. — BÉL. 1957. — CAPUT 1969. — CHABAT t. 1 1875. — Éd. 1913. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — GIRAUD 1956. — JOSSIER 1881. — LAF. Suppl. 1878. — MIQ. 1967. — TIMM. 1892. — VOYENNE 1967.
adapter [adapte] v. tr.
ÉTYM. 1270; du lat. adaptare « ajuster à », de ad, et aptus « apte ».
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1 Réunir (une chose) à (une autre), appliquer après ajustement. ⇒ Ajuster, joindre, rattacher. || Adapter un tuyau de caoutchouc à un robinet. — Adapter un embout à, sur un tuyau. || Adapter qqch. dans…
1 Léon, de la main droite, soulevait un long bout de boyau vide, dans l'extrémité duquel un entonnoir très évasé était adapté; et, de la main gauche, il enroulait le boudin autour d'un bassin, d'un plat rond de métal, à mesure que le charcutier emplissait l'entonnoir à grandes cuillerées.
Zola, le Ventre de Paris, p. 692, in T. L. F.
2 Approprier (qqch., qqn) à (qqch., qqn) pour obtenir un ensemble cohérent, harmonieux. ⇒ Accord (mettre en), accorder; adaptation. || Il faut l'adapter à son travail, à la situation. || Adapter sa pensée à un problème. || Adapter son activité aux circonstances. || Adapter un style aux goûts du temps.
♦ Conformer (un comportement, des idées) à une situation nouvelle. ⇒ Aménager, approprier, arranger. || Il adapte ses vues aux circonstances; sa pensée, ses réactions à la situation.
3 Modifier (qqch.) pour rendre conforme à. || Adapter une coutume, un style aux goûts nationaux.
4 (1885; 1912 pour le cinéma). Faire l'adaptation de (une œuvre). || Adapter un roman de Balzac pour le cinéma, la télévision, au cinéma, à la télévision. — (Sans compl. second). || Adapter une pièce, un roman.
♦ Mus. Transformer (une œuvre musicale) afin qu'elle soit exécutée par un autre ou par d'autres instruments que celui ou ceux prévus à l'origine. || Adapter une pièce orchestrale pour le piano.
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s'adapter v. pron.
ÉTYM. (1405, soi adapter à…).
♦ || S'adapter à : s'ajuster à, se mettre en harmonie avec (les circonstances, le milieu). || Cet élève s'était adapté à la vie du pensionnat. || Les animaux s'adaptèrent aux nouvelles conditions climatiques. ⇒ Acclimater (s'), accommoder (s'), accoutumer (s'), habituer (s'); adaptabilité, adaptation. || L'organisme doit s'adapter au milieu.
2 L'art meurt-il jamais ? Il se métamorphose, il s'adapte aux circonstances.
R. Rolland, Musiciens d'autrefois, p. 7.
3 Qui veut vivre doit s'adapter aux conditions nouvelles de la vie.
R. Rolland, Musiciens d'aujourd'hui, p. 276.
♦ (Compl. n. de personne). || S'adapter à qqn, à ses nouveaux collègues.
♦ (Sujet n. de chose). || Cet habillement ne s'adapte guère à la circonstance. || L'économie doit s'adapter à la crise de l'énergie.
♦ Absolt. || Il faut savoir s'adapter, être souple, être capable d'évoluer.
3.1 Tenez, moi, regardez comme je m'adapte, Ferdinand !… (Il s'en tapait sur le sternum.) Que demain la terre se mette par exemple à tourner dans l'autre sens. Eh bien moi ? Je m'adapterai, Ferdinand ! Et tout de suite encore ! Et savez-vous comment, Ferdinand ? Je dormirai un bon coup de douze heures en plus, et tout sera dit ! Et voilà tout !
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 515.
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adapté, ée passif et p. p. adj.
1 Approprié. || Être (bien) adapté (à qqch.). || Une mesure adaptée à la situation. || Un organe adapté à sa fonction. || Une musique adaptée aux paroles d'une chanson.
4 Il semble que les pensées les mieux adaptées à l'univers des choses soient celles qui sont inscrites dans les corps vivants sous forme d'instincts ou d'habitudes.
A. Maurois, Un art de vivre, I, II.
♦ Spécialt. Modifié (en vue d'un but précis).
5 Et je me serais si bien battu avec des armes du quinzième siècle. Ces armes étaient des outils, en effet, à peine dissimulés, à peine déguisés, à peine adaptés.
Ch. Péguy, Victor-Marie, comte Hugo, Œ. en prose, Pl., t. II, p. 674.
2 Habitué, accoutumé. || Des ouvriers mal adaptés à leurs conditions de travail.
♦ (Sans compl.). || Il est parfaitement adapté. || Enfant adapté. — N. (d'après inadapté). || Les adaptés.
6 Une des raisons de son attachement pour Félix (il en avait pris conscience parce que sa femme le lui avait suggéré), c'était le fait que Félix fût moins intelligent, moins adapté que lui, et surtout qu'il eût moins bien « réussi ».
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 16.
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CONTR. Détacher, disjoindre, séparer. — Contraster, détonner, jurer, opposer (s'). — (Du p. p.) Inadapté.
DÉR. Adaptable, adaptif.
COMP. Inadapté, sous-adapté, suradapté.
Encyclopédie Universelle. 2012.