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CLAN
CLAN

Dans son acception minimale, qui est aussi celle du langage courant, le terme «clan» désigne un groupement fondé sur la parenté: ses membres se reconnaissent descendants d’un même ancêtre. Cette signification fondamentale du clan en fait l’institution qui, par excellence, incarne et illustre un des principes de base de l’organisation de la vie en société: la consanguinité. Le lien de sang, opposé au lien de territoire, paraît si important aux sociologues évolutionnistes du XIXe siècle que certains d’entre eux – sir Henry Maine dans son Ancient Law (1861) et Lewis H. Morgan dans son Ancient Society (1877) – en font un des traits distinctifs essentiels des organisations sociales dites, à cette époque, «primitives» ou «barbares». Si ces ambitieuses généralisations ne sont plus acceptées par les anthropologues sociaux d’aujourd’hui, ces derniers s’accordent à souligner le rôle capital de la parenté dans les sociétés non industrielles et, particulièrement, non lettrées.

En tant que concept descriptif et analytique des disciplines anthropologiques, clan est entendu en des acceptions plus particulières. On le distingue de termes se référant à d’autres groupements fondés eux aussi sur la consanguinité ou l’alliance: lignage, sib, phratrie, moitié, gens, famille étendue, tribu, etc. Malheureusement, ces acceptions plus riches et plus précises de clan, et des concepts qui lui sont apparentés, varient d’une décennie à la suivante, d’une école à une autre, et même quelquefois d’un chercheur à un très proche collègue.

Descendance unilinéaire

Dans les langues gaéliques, la consonne latine p se transforme en k ; c’est ainsi que le mot latin planta donna naissance à clann , d’où procède notre clan. Cette étymologie indique très clairement en quel sens les premiers utilisateurs du mot clan le comprenaient: les rejetons, les bourgeons; ainsi se désignaient les membres des clans écossais et irlandais.

La descendance qu’ils visaient ainsi n’était pas la descendance biologique. Biologiquement, chaque individu est le descendant d’un nombre considérable d’hommes et de femmes, puisque, partant de lui et remontant dans le temps, à chaque génération, le nombre de ses ascendants double (un père et une mère, quatre grands-parents, huit arrière-grands-parents, et ainsi de suite). Si on se reconnaissait un lien de parenté avec tous les descendants biologiques de ses propres ascendants biologiques, disons de la huitième génération – ils sont deux cent cinquante-six –, on trouverait bien difficilement dans sa propre société un contemporain non parent. Le lien de parenté n’aurait plus aucune signification comme principe de distinction à l’intérieur d’une société globale.

La descendance est toujours comptée unilinéairement. Parmi la multitude de parents biologiques, chaque société choisit de ne considérer comme parents que ceux qui appartiennent soit à la ligne maternelle, soit à la ligne paternelle (il y a d’autres arrangements, mais ils ne sont que des variantes). Ainsi un seul individu de chaque génération est-il considéré comme ancêtre. Dans un système matrilinéaire, les parents d’une personne quelconque (homme ou femme), qu’on nommera ici Ego sont toutes ses ascendantes (sa mère, sa grand-mère, son arrière grand-mère, etc.) et tous ses collatéraux (hommes et femmes) qui descendent eux-mêmes, en ligne féminine, d’une de ses ascendantes. Un système patrilinéaire se décrit d’une manière analogue dans la ligne masculine.

On se rend compte que la restriction qu’apporte à la parenté biologique le principe unilinéaire deviendrait illusoire si l’ancêtre commun reculait, de génération en génération, ad infinitum. Sa proximité réduit la parenté de Ego. En fonction de cette variable (la distance en générations de Ego à l’ancêtre reconnu comme point de départ de la lignée), on distingue habituellement lignage, clan et tribu.

Dans le lignage, l’ancêtre commun des vivants n’est distant que de quelques générations (cinq ou six, rarement une dizaine); il s’agit d’un homme (ou d’une femme) qui, pendant sa vie, manifesta des qualités remarquables et dont on est fier d’être un «fils» ou une «fille». Ego connaît fort bien les quelques maillons qui le relient à l’ancêtre lignager, et il en va de même pour tous ses consanguins lignagers. Le lignage ne peut être un groupe permanent: à chaque génération, les descendants se multiplient et l’ancêtre recule: pour garder son efficacité, le lignage se scinde. Un certain nombre de descendants de l’ancêtre A choisissent, à l’occasion d’un déplacement résidentiel, d’un différend, de se référer désormais à un ancêtre B, célèbre lui aussi et, dans la même ligne d’ascendance, moins éloigné que A.

L’ancêtre clanique est généralement si lointain que ses descendants vivants ne peuvent établir la chaîne généalogique complète qui les relie à lui. D’ailleurs, cet ancêtre, doué de pouvoirs merveilleux, est souvent un être plus mythique qu’humain. Ce passé originel vague est une des raisons de la relative stabilité des clans: ils ne sont pas, comme les lignages, en perpétuel changement; leur nombre et leur identité restent constants dans une société globale; ils en constituent des divisions permanentes.

Le groupe le plus large fondé sur la descendance unilinéaire est la tribu. L’ancêtre tribal se situe aussi dans un passé brumeux, à la fois proche des origines de l’humanité (l’ancêtre tribal est un dieu, ou est descendu du ciel) et antérieur de peu aux ancêtres claniques (qui sont souvent ses enfants ou petits-enfants). La tribu se confond avec la société globale; la parenté unilinéaire, fictive ou réelle, fonde l’esprit de corps de l’unité sociale la plus vaste dans laquelle s’insèrent les activités d’un individu.

Exogamie et totémisme

Si les membres d’un même clan ne peuvent retracer, génération par génération, leur ascendance à l’ancêtre clanique, comment se reconnaissent-ils? Par le nom, le blason et le totem, affirmait Marcel Mauss, en 1937. Et par totémisme, il entendait «la croyance à une descendance commune de l’homme et d’une espèce déterminée d’animaux ou de plantes». Il ajoutait d’ailleurs que le lien du clan au totem est très général, mais non pas absolument nécessaire: «On peut trouver des clans sans totem, mais non des totems sans clan». D’autres spécialistes, comme Ralph Linton (1936) et George Peter Murdock (1949), ont indiqué que l’identification d’un clan par un nom d’animal n’impliquait pas la croyance d’une descendance commune et, avec Robert H. Lowie (1948), ont souligné que, en outre, l’association entre un clan et un animal était fréquemment absente en Amérique, en Afrique et en Asie. Plus récemment, dans une nouvelle interprétation du totémisme, Claude Lévi-Strauss (1962) a montré que sa réalité se réduisait à une illustration particulière de certains modes de réflexion.

Totem et blason, lorsqu’ils existent, peuvent être considérés comme des signes d’identification, équivalents à des noms. Les clans ont des noms, et chaque individu connaît le nom du clan des personnes avec qui il entretient des rapports sociaux. Cette connaissance est indispensable dans la vie sociale, puisque des comportements différents sont attendus d’Ego envers ses «frères» et «sœurs» claniques et envers ceux qui ne le sont point.

L’obligation de trouver un conjoint en dehors du clan est une des règles de comportement mises particulièrement en relief par les anthropologues. Sir James Frazer consacrait, en 1910, quatre volumes à Totemism and Exogamy. On peut voir dans la prescription de l’exogamie l’interdiction de l’endogamie, et, dans celle-ci, une extension de la prohibition de l’inceste; dans cette perspective, on comprend aisément que le mariage soit prohibé entre les descendants d’un ancêtre commun. Mais le cercle de parents exclus de la relation matrimoniale n’est pas identique dans toutes les sociétés. Il ne se confond pas toujours avec la consanguinité clanique. L’exogamie clanique n’est pas une règle universelle. En fait, il semble bien que le clan soit exogame là où il est le groupe de parenté prioritaire parce qu’organisé, efficace dans la solidarité, réel et non simplement nominal. En un mot, la place première ou secondaire d’un clan dans la vie sociale dépend des fonctions qu’il y remplit.

Fonctions du clan

On a parfois qualifié de claniques les sociétés habituellement étudiées par l’anthropologie. C’est dire l’importance que l’on reconnaît à cette institution, mais c’est aussi entretenir une certaine confusion. Car, ce que l’on vise, c’est la place qui, dans ces sociétés, est faite aux groupes de parenté, vivants et opérants. Or, dans de nombreux cas, c’est le lignage et non le clan qui est le foyer actif de parenté essentiel au bon fonctionnement de la société globale et à la protection de d’individu.

Il ne faut pas oublier que «clan» fait partie de la terminologie de l’observateur et non de celle des sociétés étudiées – à l’exception, pour une certaine période de l’histoire, de l’Écosse et de l’Irlande. Il existe des groupes de solidarité rassemblant les descendants d’un même ancêtre, et désignés par un mot de la langue de la société en question; la traduction de ce mot (par «clan», «lignage», ou un autre terme) proposée par un anthropologue ne s’impose pas toujours comme la meilleure. Ce qui importe, c’est le groupe concret de parenté opérant dans une certaine société. Ce groupe de parenté peut être soit unique, soit prioritaire dans une société; très souvent, ce groupe sera un clan (au sens précisé antérieurement); quelquefois, il correspondra davantage à la notion de lignage.

Le groupe de parenté effectif est organisé. Ses membres sont soumis à l’autorité d’un patriarche (un des membres les plus âgés du groupe). Appartenant à la génération vivante la plus proche de l’ancêtre commun, le patriarche est en quelque sorte l’intermédiaire entre les membres morts du clan, qu’il rejoindra bientôt, et les jeunes générations. Son pouvoir ne repose pas sur la coercition, mais sur sa place dans la chaîne du sang. Il ne prend d’ailleurs ses décisions qu’après avoir recueilli l’opinion des autres anciens, et même celle de tous les hommes adultes. Ne s’appuyant pas sur la force, son autorité ne peut se dispenser de la persuasion.

Le clan remplit certaines fonctions qui, ailleurs, sont exercées par les gouvernants de la société globale. La régulation du mariage par l’exogamie est de première importance, puisqu’elle crée à l’intérieur de la société d’indispensables échanges de femmes et de biens, sans lesquels chaque groupe, se renfermant sur soi, deviendrait étranger et hostile aux autres. Entre les frères claniques, les litiges sont tranchés, les dommages réparés grâce au patriarche agissant comme juge. Même lorsque le désaccord divise des membres de clans différents, et qu’il n’y a aucune autorité politique supérieure pour l’arbitrer, les clans eux-mêmes parviennent à régler le conflit. L’importance que l’on accorde à la solidarité passive et active dans la vengeance collective donne l’impression que règne entre les clans un état endémique de violence; on oublie que le clan lui-même exerce sur ses membres, comme le souligne fort bien Linton, une forte pression pour qu’ils n’offensent pas ceux qui sont étrangers au clan et se conduisent envers eux avec modération.

Les droits sur le sol sont habituellement aussi contrôlés par le clan. On a parlé de la propriété collective du clan s’opposant à la propriété individuelle de ses membres; la notion occidentale de propriété foncière ne semble pas plus applicable à l’une qu’à l’autre. Les droits du clan sur un certain domaine évoquent plus la souveraineté que la propriété: le patriarche peut mettre à la disposition d’un membre une parcelle que celui-ci cultivera avec l’aide de sa famille (son ou ses épouses, leurs enfants); lorsque cet individu n’utilise plus cette parcelle, ses droits sur elle sont éteints et le patriarche peut en disposer à nouveau.

Ce patrimoine foncier et certaines activités collectives du clan font de ce dernier, très souvent, une unité de corésidence. Le fait que le clan soit une unité «résidentielle» est tellement important pour Murdock qu’il fait de ce caractère une des trois conditions nécessaires pour qu’un groupe de descendance puisse être qualifié de clan (les deux autres sont la parenté unilinéaire et une réelle intégration sociale). Peut-être conviendrait-il de distinguer entre un noyau clanique nécessairement corésidentiel et des branches éparpillées parmi d’autres groupes de parenté, mais suffisamment proches pour pouvoir coopérer.

L’expérience clanique

Aussi essentielles que les fonctions qu’il remplit au bénéfice de la société globale sont les contributions du clan à la protection de l’individu. De la naissance à la mort, cette protection est constante. Le jeune enfant, dès qu’il peut se déplacer seul, prend ses repas aussi bien chez un de ses «oncles» ou «tantes» claniques que dans sa famille; si, par accident, il devient orphelin, il sera pris en charge par l’un de ses parents dont il est déjà un familier. Au moment du mariage, le garçon réunira la compensation matrimoniale avec l’aide du frère de son père (dans un système patrilinéaire) ou du frère de sa mère (dans un système matrilinéaire). Pour subvenir aux besoins de sa nouvelle famille, le jeune époux recevra du patriarche la disposition d’une parcelle qu’il pourra cultiver. Ses frères claniques l’aideront le plus souvent à la première mise en valeur du champ et, en cas de mauvaise récolte, ils partageront avec lui les produits de leurs propres champs. Si un litige l’oppose à un autre membre du clan, le patriarche l’arbitrera et rétablira l’accord social; s’il s’agit d’un conflit avec un étranger, les «frères» feront cause commune avec leur consanguin, qu’il soit la victime ou l’agresseur, tandis que les anciens s’efforceront, diplomatiquement, d’apaiser les antagonismes dangereux pour des groupes de parenté qui doivent nécessairement coexister et collaborer. Si un individu meurt prématurément, laissant une jeune veuve et des enfants en bas âge, c’est avec la certitude qu’aucun de ses dépendants ne vivra dans le dénuement.

Être membre d’un clan, c’est, on le voit, une importante expérience existentielle, sans doute même la plus importante dans la vie d’un individu. À chaque grande étape, à chaque crise, l’aide, la solution, le recours sont fournis par les frères et les anciens; sans cette protection, la vie serait très dangereuse, insupportable même. Cette solidarité des descendants d’un même ancêtre, cette dépendance par rapport aux prédécesseurs dans la même lignée s’expriment dans le culte rendu à leur ancêtre par les vivants d’un clan ou d’un lignage.

Corrélations sociales du clan

Les groupes de parenté ne jouent un rôle capital que dans certaines sociétés. Lesquelles? Il est fort difficile de déterminer les corrélations sociales du clan. Parmi les sociétés ne disposant que de techniques d’acquisition (chasse, cueillette), certaines, comme les sociétés australiennes, ont une organisation clanique fort élaborée, tandis que d’autres, comme les sociétés d’Eskimo, n’ont pas de clans. Une société lettrée, à civilisation complexe, à artisanat et commerce développés, à population considérable, la Chine traditionnelle, a connu des institutions claniques qui, sans remplir toutes les fonctions que nous avons énumérées, étaient cependant des groupes fort actifs possédant un domaine foncier et un sanctuaire pour le culte des ancêtres.

Il est certain que le clan ne peut épanouir toutes ses potentialités de solidarité interne et d’intégration sociale là où d’autres institutions plus fortes que lui entendent les exercer. La juridiction du patriarche s’efface devant le tribunal du roi, qui dispose des moyens de coercition. Il en va de même du contrôle des droits sur le sol et de la réglementation des unions matrimoniales.

Linton estime qu’une forte organisation clanique est liée à une culture statique et à une résidence stable. Ces deux conditions se réalisent dans les sociétés agraires: les changements culturels y sont lents et la mobilité locale est très réduite; on naît, vit et meurt dans le même village, parmi les mêmes voisins. La participation étroite à la vie d’un groupe dans lequel on est situé définitivement par la naissance apporte la sécurité, qui est la valeur essentielle pour l’individu dans ce type de société. Il en va autrement dans les sociétés en changement rapide (technique, politique). Là, l’individu ambitieux peut avancer plus rapidement seul qu’en tant que membre d’un groupe de parenté. Cela suppose aussi qu’une sécurité suffisante est assurée indépendamment du clan. L’efficacité des larges groupes consanguins dans les sociétés classiques de Grèce et de Rome s’est vite réduite au moment où le pouvoir politique a étendu son emprise sur de vastes territoires et où un rapide enrichissement en biens et en idées s’est produit.

clan [ klɑ̃ ] n. m.
• 1746; gaélique clann « famille »
1Tribu écossaise ou irlandaise, formée d'un certain nombre de familles ayant un ancêtre commun. Le tartan d'un clan.
2Sociol. Division ethnique de la tribu. Unité religieuse du clan. totem. Mariage entre membres de clans différents (exogamie). Groupe de clans ( phratrie) . Chef de clan. Par ext. Clan de scouts.
3(1808) Cour. Petit groupe de personnes qui ont des idées, des goûts communs. association, caste, classe, coterie, 1. parti. Former un clan. Esprit de clan. clanisme. La salle s'est divisée en deux clans. camp.

clan nom masculin (anglais clan, du gaélique clann) Groupement de personnes ayant entre elles un rapport de parenté soit du point de vue du père, soit du point de vue de la mère. Groupe de personnes se soutenant mutuellement par passion ou intérêt ; coterie, maffia : Former un clan. Sous-ensemble non vide de l'ensemble des parties d'un ensemble, stable par les opérations réunion et différence de deux ensembles. ● clan (synonymes) nom masculin (anglais clan, du gaélique clann) Groupe de personnes se soutenant mutuellement par passion ou intérêt ;...
Synonymes :
- bande
- chapelle
- clique
- coterie
- faction
- maffia

clan
n. m.
d1./d Tribu formée par un groupe de familles en écosse et en Irlande.
d2./d ETHNOL Dans certaines communautés, groupe social composé des familles ayant un ancêtre commun. Au Viêt-nam, le clan ne dépasse pas neuf générations. Clan matrilinéaire, patrilinéaire. Chef de clan: aîné du clan.
d3./d Groupe de scouts.
d4./d Fig. Groupe formé de personnes ayant qqch en commun. Avoir l'esprit de clan. Le Clan des Ostendais (roman de Georges Simenon.)

I.
⇒CLAN1, subst. masc.
A.— ETHNOL. et SOCIOL.
1. Vx. [En Écosse et en Irlande] Ensemble de familles se groupant autour d'un même chef et ayant un ancêtre commun. Chef, membre de clan; avoir l'esprit de clan. Un tartan de je ne sais quel clan d'Écosse (BALZAC, Les Petits bourgeois, 1850, p. 72).
2. [Dans certaines tribus ou peuplades primitives] Division de la tribu placée sous l'autorité d'un ancêtre exploitant avec ses enfants et petits-enfants le territoire tribal :
1. ... les chefs de clans sont les seules autorités sociales. On pourrait donc aussi qualifier cette organisation de politico-familiale. Non seulement le clan a pour base la consanguinité, mais les différents clans d'un même peuple se considèrent très souvent comme parents les uns des autres. Chez les Iroquois, ils se traitent, suivant les cas, de frères ou de cousins.
DURKHEIM, De la Division du travail soc., 1893, p. 151.
SYNT. Clan patrilinéaire. Unité ayant à l'origine un ancêtre unique en ascendance masculine. Synon. lignée. Clan matrilinéaire. Unité composée de parents descendant d'une seule aïeule en ascendance féminine. Dans un groupe matrilinéaire, certaines catégories de biens peuvent rester dans le clan, alors que d'autres passent aux fils (R.-H. LOWIE, Manuel d'anthropol. culturelle, 1936, p. 282). Clan totémique. Clan ayant des fonctions religieuses ou magiques dont l'emblème protecteur ou totem fournit son nom au clan. Les clans des Iroquois Seneca étaient appelés Tortue, Ours, Loup, Faucon(R.-H. LOWIE, Manuel d'anthropol. culturelle, 1936, p. 283) :
2. Dans les clans primitifs, le pouvoir, collectif et indivis, s'identifiait avec le principe sacré, impersonnel, que les ethnologues appellent Mana. À mesure que le clan totémique devenait un clan local et que l'héridité paternelle s'affirmait, les chefs locaux avaient de plus en plus l'occasion de faire reconnaître leur prestige personnel.
Jeux et sp., 1968, p. 764.
B.— P. ext., mod.
1. [Appliqué à une famille ou à un groupe d'amis, d'individus unis par des intérêts communs] Synon. coterie. Vous avez une sorte de famille, sinon une parenté, des compatriotes, un clan (BARRÈS, Les Déracinés, 1897, p. 219). Le petit clan de la Sorbonne (PÉGUY, L'Argent, 1913, p. 1138). Le « petit noyau », le « petit groupe », le « petit clan » des Verdurin (PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, p. 188). Le clan des universitaires (R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, p. 720).
Péjoratif
a) [Appliqué à des malfaiteurs] Bande organisée. Un clan de maraudeurs (NODIER, Trilby, 1822, p. 171). Le clan de fripons (GLATIGNY, Le Fer rouge, 1870, p. 18).
b) [Appliqué à une organ. pol.] Le clan des conservateurs (ZOLA, La Fortune des Rougon, 1871, p. 101). Un clan clérical modéré (ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, p. 47) :
3. — En France, à l'heure présente, dans le discrédit où sombre la recette corporelle seule, il reste deux clans, le clan libéral qui met le naturalisme à la portée des salons, en l'émondant de tout sujet hardi, de toute langue neuve, et le clan décadent qui, plus absolu, rejette les cadres, les alentours, les corps mêmes, et divague, sous prétexte de causette d'âme, dans l'inintelligible charabia des télégrammes.
HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 11.
2. Groupe homogène de personnes envisagées du point de vue de ce qu'elles ont en commun. Division en deux clans. Opposition de deux groupes ayant des points de vue divergents. Synon. camp :
4. Et tout à coup la table se trouva divisée en deux clans, les uns tolérant et les autres ne tolérant pas le jambon.
MAUPASSANT, Mont-Oriol, 1887, p. 47.
En partic. [Appliqué à un groupe de pers. selon leur sexe, leur âge, etc.] Un joli clan de filles riches (É. AUGIER, Un Beau mariage, 1859, IV, p. 170). Un clan de jeunes, d'esprits forts (R. MARTIN DU GARD, Un Taciturne, 1932, I, 10, p. 1265). Le clan des célibataires (P.-L. MENON, R. LECOTTÉ, Au village de France, t. 1, 1954, p. 52).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1752-1932. Homon. clamp. Étymol. et Hist. 1750 (PRÉVOST, Manuel lexique ou Dict. portatif, 151 ds QUEM. : On appelle Clans en Ecosse, les Tribus...). Empr. à l'angl. clan « groupe social issu d'un même ancêtre (en Écosse) » (ca 1425 ds NED) et plus gén. « tribu » puis « groupe, association » (XVIe s., ibid.), lui-même empr. au gaélique clann « famille, descendance » qui ne serait pas un mot celtique mais représenterait, avec une altération phonét. propre au gaélique (p > k), le lat. planta « plan, rejeton » (NED; KLEIN Etymol.). Fréq. abs. littér. :379. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 134, b) 206; XXe s. : a) 572, b) 1 042.
DÉR. Clanique, adj. [Correspond au sens A] Relatif au clan. Organisation, système, unité clanique. Le sentiment clanique empêche la solidarité tribale de s'affirmer (R.-H. LOWIE, Manuel d'anthropol. culturelle, 1936, p. 285). [klanik]. 1re attest. 1936 id.; de clan1, suff. -ique.
BBG. — BONN. 1920, p. 28.
II.
⇒CLAN2, CLAMP1, subst. masc.
MARINE
A.— Vx. Pièce de bois appliquée contre un mât ou une vergue pour en renforcer la résistance. Synon. jumelle (cf. acclamper A).
B.— Ouverture latérale (mortaise) pratiquée dans la caisse d'une poulie dans laquelle on insère le réa ou rouet; p. ext., le réa lui-même. Les clans des poulies (J. GALOPIN, Cours de lang. mar., Matelotage et technol., 1925, p. 47; cf. aussi HUGO, Les Travailleurs de la mer, 1866, p. 88).
Prononc. et Orth. :[]. Sous la forme clan ds BESCH. 1845 et Lar. encyclop. Sous les formes clamp d'une part, clan d'autre part ou même parallèlement en vedette ds Ac. Compl. 1842, Lar. 19e-20e, LITTRÉ, GUÉRIN 1892, DG et QUILLET 1965. Sous la forme clamp seule ds Lar. Lang. fr. Noter dans le lang. des parcheminiers clan, cland, ou gland indiqué ds Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845, Lar. 19e-20e (s.v. clan), ds LITTRÉ (s.v. clan ou cland), ds DG (s.v. clamp). Étymol. et Hist. I. Av. 1637 mar. (supra A) clan (BEAULIEU, Mémoires du voyage aux Indes orientales, 14, éd. Thévenot, Paris, 1664 ds Fr. mod., t. 25, p. 308); 1643 clamp (FOURNIER, Hydrographie, Paris, p. 5). II. 1687 mar. (supra B) clan (DESROCHES, Dict. des termes propres de mar. ds JAL). I empr. au néerl. klamp « taquet, tenon », d'où le sens du terme de mar. II peut-être ext. de I (EWFS2), les deux termes paraissant proprement maritimes, II se rattachant à la notion de « serrer, embrasser »; cependant le sens de « mortaise » semble reposer plutôt sur la notion de « creux, cavité », mais l'étymon all. Klamm (DAUZAT 1973) « gorge, vallée » (m. h. all. klam « crampe, oppression, entrave »), mot proprement h. all., fait difficulté pour un terme de marine.

clan [klɑ̃] n. m.
ÉTYM. 1746; angl. clan, du gaélique clann « famille ».
1 Tribu écossaise ou irlandaise, formée d'un certain nombre de familles ayant un ancêtre commun. || Le tartan d'un clan.
2 (1746, Prévost, Hist. générale des voyages). Ethnol. Groupe formé d'un ou de plusieurs lignages. Horde, tribu; → Phratrie, cit.Unité religieuse du clan. Totem. || Vie familiale du clan. || Mariage entre membres de clans différents (→ Exogamie). || Chef de clan. || Clan patrilinéaire, matrilinéaire : groupe composé de parents ayant à l'origine un ancêtre unique en ascendance masculine ( Patriclan), féminine ( Matriclan). Lignée; et aussi clanique, clanisme.
1 Les membres d'un clan sont généralement incapables d'établir leur lien généalogique avec l'ancêtre éponyme, ce qui distingue ce groupe du lignage qui est un ensemble de parents entre lesquels on peut toujours tracer des liens généalogiques.
M. Panoff et M. Perrin, Dict. de l'ethnologie, p. 61.
2 Les mœurs y furent celles des clans, jaloux les uns des autres; nulle unité; ni le sens de l'État, ni l'audace d'une pensée originale; point d'art : car la Cité est le premier étage du bel ordre où l'église de l'art se fonde.
André Suarès, Trois hommes, I, « Ibsen », p. 73.
3 Clan de scouts : groupement de boy-scouts aînés. Routier.
4 (1808, in Höfler). Cour. Petit groupe formé de personnes qui ont des idées, des goûts communs. Association, bande, caste, classe, coterie, parti. || Former un clan. || Esprit de clan. Chapelle (esprit de chapelle). → Avant-garde, cit. 2.
3 Pour faire partie du « petit noyau », du « petit groupe », du « petit clan » des Verdurin, une condition était suffisante mais elle était nécessaire : il fallait adhérer tacitement à un credo (…)
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 188.
Vx. || Un clan de brigands, une bande organisée.
5 Opposition de deux groupes qui ont des points de vue différents. Camp. || La réunion devenait houleuse : la salle s'était divisée en deux clans.
DÉR. (Du sens 2) Clanique.
COMP. Matriclan, patriclan.

Encyclopédie Universelle. 2012.