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servir

servir [ sɛrvir ] v. tr. <conjug. : 14>
Xe; lat. servire « être esclave, être soumis, dévoué à »
I V. tr. dir. A(Compl. personne)
1S'acquitter de certaines obligations ou de certaines tâches envers (qqn auquel on obéit, une collectivité). « Ceux qui servent Dieu de tout leur cœur » (Pascal). Bien servir son pays, l'État. Spécialt « servir le prince à la guerre » (Montesquieu),se battre pour lui. — Absolt Servir à la légion, dans telle ou telle arme.
(À titre de domestique) Elle a servi comme domestique. Servir chez qqn. On n'arrive plus à se faire servir, à trouver des domestiques. — PROV. On n'est jamais si bien servi que par soi-même.
Pourvoir du nécessaire (qqn qui est à table); donner à manger à (qqn) selon les règles en usage. « Sers-moi, je meurs de faim » (Balzac). « Madame est servie », formule par laquelle un domestique annonce à la maîtresse de maison qu'on peut passer à table. — Par anal. Servir un client, lui fournir ce qu'il demande. Le boucher nous a bien, mal servis aujourd'hui.
Être servi : à certains jeux, avoir en mains des cartes satisfaisantes, ne pas en demander d'autres. — Fig. et fam. En fait d'embêtements, nous avons été servis depuis quelque temps ! nous en avons eu beaucoup. ⇒ gâter.
Vieilli Pour vous servir, formule de politesse marquant qu'on est à la disposition de qqn, tout dévoué à ses ordres.
2Aider, appuyer (qqn), en y employant sa peine, son crédit, en dehors de toute obligation. Servir qqn, ses intérêts. Servir la justice, une cause.
(Sujet chose) Être utile, favorable à. favoriser. « doué d'un certain flair [...] servi aussi par son esprit d'aventure » (Martin du Gard). Sa discrétion l'a servi.
3Vén. Achever (une bête forcée) au poignard, avant la curée.
B(XIIe) Compl. chose
1Mettre à la disposition de qqn (une chose, pour être consommée, utilisée). Elle « en profitait pour servir à Monseigneur quelque excellent poisson » (Hugo). On leur servit à boire. donner. Vin à servir frais. Servir le dîner, le dessert. À table ! c'est servi : les plats sont prêts et disposés sur la table. Absolt Servez chaud ! Fig. Donner, présenter. « les objections pâteuses que je lui ai servies » (Martin du Gard). 1. débiter.
Servir des cartes, en donner au joueur qui en demande. Servir la balle, ou absolt servir, la mettre en jeu (au jeu de paume, tennis, volley-ball, ping-pong). À vous de servir ( service) . Servir une rente, un intérêt, une pension à qqn. verser.
2Mettre (une chose) en état de se dérouler ou de fonctionner normalement (en remplissant les conditions nécessaires ou en l'approvisionnant). Servir la messe. Servir et desservir la table. Servir une pièce d'artillerie, l'alimenter en munitions.
C(Animaux) Zool. Couvrir, monter (la femelle). saillir. II V. tr. ind.
1(XIIe) Aider en étant utile ou utilisé. Un édifice « qui servira aux générations futures » (Taine). Absolt Cela peut encore servir. Ce dictionnaire a beaucoup servi. PROV. Rien ne sert de courir, il faut partir à point.
2 ♦ SERVIR À (compl. de but, de conséquence) :être utile, utilisé à..., pour... « l'espèce de couteau leur servant à dépecer les viandes » (Flaubert ). (Sans désignation d'utilisateur) « Si la sympathie en ces occasions pouvait servir à quelque chose » (Flaubert) . Objet devenu inutile, qui ne sert plus à rien. Impers. « À quoi sert d'engager la discussion ? » (A. Gide). À quoi ça sert, cet outil ? Cela ne sert à rien d'insister.
3(1530) (avec un compl. de manière à valeur d'attribut) Servir à (qqn) de : être utilisé (par qqn) en guise de (cf. Faire fonction, tenir lieu de). « la chambre qui me sert de cabinet de travail » (Apollinaire). « Que l'histoire d'aujourd'hui vous serve de leçon ! » (Zola). Servir de preuve. « Elle était toute fière [...] de lui servir de guide » (Romains).
III V. pron.
1(Réfl.) Prendre de ce qui est sur la table. Servez-vous, servez-vous mieux. Servez-vous de rôti : prenez du rôti. Il se sert toujours le premier. Restaurant où l'on se sert soi-même. self-service.
Se fournir, s'approvisionner habituellement. Se servir toujours chez le même boulanger.
2(1538) (Avec un compl. d'instrument à valeur de compl. d'objet) SE SERVIR DE... : faire usage de..., utiliser. ⇒ employer. Se servir de sa voiture tous les jours. « Reconnaître un objet usuel consiste surtout à savoir s'en servir » (Bergson). Se servir de ses relations. user. Se servir de qqn, l'utiliser à son profit, l'exploiter.
3(Pass.) Ce vin doit se servir très frais, être servi très frais.
⊗ CONTR. Commander; 2. desservir, gêner; nuire. ⊗ HOM. Sers :serre (serrer).

servir verbe transitif (latin servire, être esclave) S'acquitter envers quelqu'un, une collectivité de certaines obligations, leur consacrer son activité : Bien servir sa patrie. Apporter à quelqu'un, quelque chose, son aide, son appui : Il est toujours prêt à servir ses amis. Servir la justice. Vieux. Accomplir des tâches pour quelqu'un en qualité de domestique. Fournir, donner à quelqu'un l'article demandé, la consommation commandée : Servir un client dans un magasin. Présenter le plat à quelqu'un ou lui donner d'un mets dans son assiette, d'une boisson dans son verre : Servir le vin. Être utile à quelqu'un, favoriser ce qu'il fait : Si la chance nous sert, nous pouvons réussir. Payer une pension, une rente, des intérêts à quelqu'un : Servir une rente viagère. Familier. Débiter quelque chose à quelqu'un, le lui raconter, en faire état : Il nous a servi une histoire qui ne tient pas debout. Jeux Distribuer les cartes à ses partenaires. Militaire Exécuter les opérations nécessaires au fonctionnement d'une arme et à son emploi, en être le servant. Vénerie Achever un animal. Zootechnie Synonyme de saillir. ● servir (citations) verbe transitif (latin servire, être esclave) Charles Guillaume Étienne Chamouilley, près de Saint-Dizier, Champagne, 1777-Paris 1845 Académie française, 1811 puis 1829 On n'est jamais si bien servi que par soi-même. Brueys et Palaprat Jean Giraudoux Bellac 1882-Paris 1944 [Servir], c'est la devise de tous ceux qui aiment commander. Siegfried, IV, 3, Waldorf Grasset Paul Morand Paris 1888-Paris 1976 Académie française, 1968 Servir est ennuyeux, mais pas plus qu'être servi. Ouvert la nuit Gallimard Bible Nul ne peut servir deux maîtres. Ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent. Évangile selon saint Matthieu, VI, 24 Aleksandr Sergueïevitch Griboïedov Moscou 1795-Téhéran 1829 Je serais heureux de servir ; ce qui me répugne, c'est d'être asservi. Le Malheur d'avoir trop d'esprit, II, 2 John Milton Londres 1608-Chalfont Saint Giles, Buckinghamshire, 1674 Même en Enfer, régner est digne d'ambition ; mieux vaut régner en Enfer que de servir au Ciel. To reign is worth ambition, though in Hell ; Better to reign in Hell than serve in Heaven. Le Paradis perdu, I, 1 Commentaire C'est Satan qui parle. ● servir (difficultés) verbe transitif (latin servire, être esclave) Conjugaison Je sers, tu sers, il sert, nous servons. Accord Le participe passé servi, conjugué avec avoir, s'accorde ou non selon le sens. 1. Servir qqn, qqch. Le participe passé s'accorde avec le complément d'objet direct qui précède le verbe : le garçon nous a servis ; les plats que tu nous a servis. 2. Se servir de qqch, en qqch (= servir soi-même avec qqch que l'on utilise ou en qqch que l'on consomme), le participe passé s'accorde avec le pronom réfléchi : elle s'est servie du marteau ; elles se sont servies en viande plusieurs fois. 3. Se servir qqch (=servir qqch à soi-même), le pronom réfléchi est complément indirect, le participe ne s'accorde pas avec celui-ci : elles se sont servi du vin (= elles ont servi du vin à elles-mêmes). 4. Servir à qqn, à qqch. Le participe passé reste invariable : ces notes lui ont servi ; ces questionnaires ont servi à l'enquête. Construction Servir à rien / servir de rien. Les deux constructions sont admises ; servir à rien est courant, servir de rien est littéraire et vieilli. ● servir (expressions) verbe transitif (latin servire, être esclave) Pour vous servir, formule de politesse indiquant qu'on se met à la disposition de quelqu'un. Servir Dieu, lui rendre le culte qui lui est dû. Servir la messe, être auprès du prêtre qui la célèbre, pour l'assister. ● servir (homonymes) verbe transitif (latin servire, être esclave)servir (synonymes) verbe transitif (latin servire, être esclave) Présenter le plat à quelqu'un ou lui donner d'un mets...
Synonymes :
Payer une pension, une rente, des intérêts à quelqu'un
Synonymes :
Synonymes :
- Zootechnie. saillir ● servir verbe intransitif Vieux. Être employé comme domestique chez quelqu'un : Il avait servi chez des notables. Être employé comme serveuse, serveur, garçon dans un café, un restaurant. Être militaire dans telle arme : Servir dans l'aviation. Mettre la balle en jeu en l'envoyant par-dessus le filet, au tennis, au tennis de table, au volley-ball, etc. ● servir verbe transitif indirect Être utile, profitable à quelqu'un : Sa connaissance de l'anglais lui a servi dans sa profession. Être en usage, être employé, être utile : Ce radiateur peut encore servir. Être utilisé à telle fin, être bon, propre à quelque chose : Ces unités servent au maintien de l'ordre. Être utilisé (par quelqu'un) en tant que, tenir lieu de : Cette pièce sert de débarras.servir (homonymes) verbe intransitifservir (expressions) verbe transitif indirect Ne servir à rien, être inutile : Il ne sert à rien de se fâcher.servir (homonymes) verbe transitif indirectservir (synonymes) verbe transitif indirect Être utilisé (par quelqu'un) en tant que, tenir lieu de
Synonymes :

servir
v.
rI./r v. tr. dir.
d1./d Remplir les fonctions d'employé de maison auprès de (qqn).
d2./d S'acquitter de devoirs, d'obligations envers. Servir l'état.
|| Absol. Combattre, être militaire. Il avait servi sous Turenne.
|| (Afr. subsah.) Exercer des fonctions, occuper un poste. Les jeunes instituteurs doivent d'abord servir en brousse.
d3./d Apporter son aide, son appui à (qqn, qqch). Servir la cause de la paix.
Fig. Les circonstances l'ont bien servi, aidé.
d4./d Servir la messe: assister le prêtre durant la messe.
d5./d Fournir (un client). Ce boucher nous sert bien.
d6./d Présenter ou donner (un mets, une boisson). Servir un plat. Servir à boire.
d7./d Mettre (certaines choses) à la disposition de qqn.
SPORT Servir la balle ou, absol., servir, la mettre en jeu.
Servir une rente, la payer régulièrement.
d8./d Mettre (une pièce d'artillerie, une arme à tir rapide) en état de fonctionner.
Servir une pièce d'artillerie, l'alimenter en munitions.
d9./d (Suisse) Fam. Utiliser (qqch). Servir un aspirateur.
rII./r v. tr. indir.
d1./d (Sujet n. de chose.) Servir à: être destiné à (un usage); être utile, bon à (qqch, pour qqn).
|| Impers. (suivi de la Prép. de et de l'inf.) à quoi sert(-il) de continuer?
d2./d Servir à qqn de: faire office de. Cela lui sert de prétexte.
rIII/r v. Pron.
d1./d (Personnes) Prendre soi-même ce dont on a besoin ou envie, à table, chez un hôte, un commerçant. Servez-vous.
|| Se fournir. Elle se sert chez vous.
d2./d Faire usage de, utiliser. Se servir d'un outil. Se servir de qqn pour arriver à ses fins.
d3./d (Choses) être servi habituellement. Ce plat se sert en sauce.

⇒SERVIR, verbe
I. — Empl. trans.
A. — Être au service d'une personne physique ou morale.
1. [Qqn sert qqn]
a) S'acquitter auprès d'une personne, envers une collectivité ou une institution, de certains devoirs, de certaines obligations ou fonctions. Qui sert la bourgeoisie ne sert pas les hommes. Les philosophies produites par la bourgeoisie au pouvoir, par la pensée bourgeoise installée au pouvoir spirituel sont des philosophies incomplètes: car elles ne tiennent aucun compte de l'état de pauvreté, de l'état de servitude (NIZAN, Chiens garde, 1932, p. 161):
1. Nos moralistes d'état voudraient faire croire que l'on meurt pour la patrie. Mais ce genre de vertu nous est extérieur; aussi comme le déclamateur se laisse aisément persuader, comme il consent à servir sa patrie par la plume ou par la parole, je dirais presque que le culte extérieur l'a délivré de sa propre vertu; le commun usage l'absout; la règle extérieure apaise cette conscience ombrageuse.
ALAIN, Propos, 1921, p. 319.
Servir Dieu. Vouer sa vie au culte de Dieu, satisfaire à ses devoirs religieux. Immense difficulté de servir Dieu vraiment. Dieu veut tout, il exige tout et on ne peut pas lui échapper. — Nous sommes vendus à Dieu, me dit ma femme, nous sommes pris dans son filet, et nous savons que ce filet ne peut être rompu (BLOY, Journal, 1894, p. 154).
Vieilli. Servir une dame. Être son chevalier servant, son cavalier. Un étranger qui a passé par une grande ville d'Italie est moins connu par son nom que par celui de la dame qu'il servait (STENDHAL, Rome, Naples et Flor., t. 2, 1817, p. 170).
Servir l'État. Être fonctionnaire de l'État ou militaire de carrière. La femme est soumise à l'homme comme l'homme est soumis à l'État; et servir l'homme est moins dur que servir l'État. Vivons-nous pour nous? (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 219).
b) Être au service de; être le serviteur de. Servir qqn en tant qu'employée de maison. Elle n'était pas infatigable, elle savait appeler ses gens pour servir le comte quand ses caprices se succédaient un peu trop rapidement et qu'il se plaignait de ne pas être compris (BALZAC, Lys, 1836, p. 218). Tu sers les grands, Goetz, et tu les serviras quoi que tu fasses (SARTRE, Diable et Bon Dieu, 1951, I, 3, p. 102).
Pour vous servir! [Formule de politesse indiquant que l'on se met à la disposition de qqn] Halifax: Comment t'appeles-tu? Tom Rick: Tom Rick, pour vous servir (DUMAS père, Halifax, 1842, I, 9, p. 37).
En partic. Servir qqn (à table). Assurer le service à table; remplir de nourriture ou de boisson l'assiette, le verre de quelqu'un. Veux-tu me servir? Elle le faisait entrer dans une salle sombre, meublée d'une table, de deux chaises et d'un buffet de bois blanc (...). Elle servait son hôte à la table, sans montrer de hâte et sans rien oublier (JOUVE, Paulina, 1925, p. 256).
Monsieur, Madame est servi(e). [Formule qui avertit le maître, la maîtresse de maison que l'on peut passer à table] Un domestique, entrant: Monseigneur est servi. (Le Prince offre la main à la comtesse (...); les autres convives suivent) (DUMAS père, Kean, 1836, I, 1er tabl., 5, p. 118).
c) Rendre service; apporter son aide à; être utile à. Sait-on de quels gestes on est capable lorsque le bateau coule? Où commence-t-on à servir les autres et à se servir soi-même? C'est de l'hébreu (COCTEAU, Parents, 1938, II, 12, p. 266):
2. Et ce n'est pas seulement de tous ces hommes dont elle est le conseiller pratique, c'est de toutes les femmes de théâtre, la consultant pour mener leur barque et mettant à profit sa vieille expérience (...). La femme — il faut lui reconnaître ce mérite — est toujours occupée à être utile, à servir ses amis...
GONCOURT, Journal, 1894, p. 669.
Proverbe, au passif. On n'est jamais si bien servi que par soi-même. Il est préférable de prendre en main ses propres affaires plutôt que de les confier à autrui.
d) Servir un client. Procurer, fournir la marchandise que désire acquérir un acheteur. Elle servait alors avec brusquerie la cliente qui l'attendait, elle s'épargnait même souvent la peine de la servir, en répondant, du haut de l'escalier de bois, qu'elle ne tenait plus ce dont on demandait (ZOLA, Th. Raquin, 1867, p. 210). Pas de pitié pour les petits clients, sinon nous ne pourrions plus servir les gros (DRUON, Roi de fer, 1955, p. 141).
e) ZOOTECHN. [Le suj. désigne un animal mâle] Servir une femelle. Couvrir, monter une femelle. (Dict. XXe s.).
VÉN. Achever, le plus souvent, à l'arme blanche, un animal de chasse forcé. Il avait dit: — Je ne servirai pas cette bête. Le fera qui voudra. Mais il faudrait être un boucher (GENEVOIX, Dern. harde, 1938, p. 80).
2. Qqc. sert qqn. Être utile, favorable à quelqu'un. Sa mémoire la sert fidèlement. Amada, que le hasard me sert bien! (BOREL, Champavert, 1833, p. 52). Nous avions un peu oublié que nous dressions ces constructions pour servir les hommes (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 169).
B. — [Le compl. désigne une chose]
1. Qqn sert qqc.
a) Présenter ou donner de la boisson, de la nourriture à un convive. Servir un thé; servir un poisson, une tranche de viande; servir la soupe, le dessert, les liqueurs; le déjeuner est servi; le champagne se sert frais. Puis, comme on servait encore une terrine de foies gras, achetée en Belgique, la conversation tourna (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 556). Et je bavardais à la cuisine, avec Marianne, quand Monsieur, cordial, joyeux, expansif et bruyant, amena le père Pantois... Il lui fait aussitôt servir du pain, du fromage et du cidre... Et le voilà qui cause avec lui (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 77).
P. métaph. et p. iron. Servir un plat de sa façon. Répondre à une attaque, à une manœuvre par une subtile ou perfide réplique ou en offrant comme un cadeau quelque chose de désagréable. Mon interlocuteur, mis en appétit, ne demandait qu'à poursuivre son repas: « Attends, lui dis-je, je vais te servir un plat de ma façon!... » Le paquet contenait environ trente-cinq grammes d'une jolie poudre blanche et brillante (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 217).
Au passif, fam. Être (bien) servi. Être bien pourvu; avoir largement sa part de. Pour un homme qui a horreur du souci, et que la moindre chose éparpille et tue, je suis servi (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1922, p. 488).
[Avec ell. du compl. d'obj. dir.] À servir très frais. Au fig. Servir chaud. Proposer, donner à apprécier à l'instant même, sur le champ. Debray: Comment! Chateaubrun? Mais je le croyais en Afrique. Chateaubrun: J'arrive d'hier (...) Albert: Et je vous l'offre aujourd'hui. On ne peut pas servir plus chaud, j'espère! (DUMAS père, Cte de Morcerf, 1851, I, 1er tabl., 4, p. 7).
Servir à + inf. Servir à manger, servir à boire. Joséphine nous sert à déjeuner (GONCOURT, Journal, 1860, p. 760).
Au fig. Servir des arguments. Cyrano: (...) Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries, Me servir toutes ces folles plaisanteries, Que vous n'en eussiez pas articulé le quart De la moitié du commencement d'une, car Je me les sers moi-même, avec assez de verve, Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve (ROSTAND, Cyrano, 1898, I, 4, p. 43). Quand il trouve un motif, ce qui lui arrive souvent, et même bien, il le délaye et le sert à toutes les sauces, jusqu'à écœurement (TOULET, Corresp. avec un ami, 1920, p. 221).
b) LITURG. Être, se faire le servant de. Il n'avait pas laissé non plus, pendant la cérémonie, de regarder Thomas, qui servait la messe mieux que le bedeau de Lescoff (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 220).
c) Donner tous ses soins à. Les affaires étaient si compliquées qu'il était naturel de les voir autrement que je ne les voyais. Ils devaient servir les intérêts de leurs gouvernements, qui n'étaient pas ceux du mien (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 232).
THÉÂTRE. Servir un texte. Interpréter un texte en restant fidèle à la pensée, aux intentions de l'auteur. Ici, ô surprise, les acteurs cherchent à servir le texte au lieu de se servir de lui (COCTEAU, Mariés de la Tour Eiffel, 1924, I, p. 46).
Se mettre au service de, défendre. Servir la vérité. Peuple malheureux! tu as trop bien servi la cause de l'humanité, pour être innocent aux yeux de la tyrannie; ils voudront bientôt nous arracher à tes regards, pour consommer en paix leurs exécrables projets (ROBESP., Discours, Jug. Louis XVI, t. 9, 1792, p. 197).
d) Verser à échéances déterminées une certaine somme d'argent. Servir une rente, des intérêts. La belle-mère répondit n'avoir plus rien: la liquidation était close, et il leur restait (...) six cents livres de rente, qu'elle leur servirait exactement (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 139).
e) JEUX. Procéder en début de partie à une distribution de cartes. Servir des cartes, absol., servi! (2e donne au poker). Quand tout le monde est servi, il complète à cinq les jeux incomplets (ALLEAU 1964, p. 407).
f) [En parlant d'une vente] Fournir une marchandise contre paiement. Servir un kilo de tomates. Absol. Bien, mal servir. J'ai un boucher qui sert bien, mais qui pèse mal (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 154).
g) Préparer une chose en vue d'une utilisation précise. ARM. Approvisionner et armer une arme. Servir une arme. Une salve de grosse artillerie éclate bruyamment à l'angle est des Invalides (...). D'où je suis, on voit servir les pièces. Ce sont deux beaux vieux canons sculptés du dix-septième siècle dans le bruit desquels on sent le bronze (HUGO, Choses vues, 1885, p. 16).
2. Qqc. sert qqc.
a) Être d'une grande utilité. Indifférent aux théories, étranger à toute philosophie, ce qui ne sert pas ses projets lui est indifférent (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 342). À la lueur de l'enseigne d'un hôtel, je reconnus Betty la jaune. La chance (...) servait assez bien mes obscures velleités. La mère de mon petit neveu, quelle aubaine (ARNOUX, Crimes innoc., 1952, p. 259).
b) Mettre en valeur, faire ressortir. Cette statue, presque vivante (...) sert, par son contraste, les tons violents du premier plan [dans la Fontaine de Jouvence, par Haussoullier] (BAUDEL., Salon, 1845, p. 17).
II. — Empl. trans. indir.
A. — Servir à
1. Servir à qqn
a) Être utile à. La morale étant donc le sentiment des lois que Dieu a établies de l'homme à l'homme, il s'ensuit qu'un simple traité de morale ne peut servir à des enfants: un enfant n'est pas plus capable d'acquérir de la morale en spéculation, qu'il ne le serait de développer sa faculté de voir par la théorie de la vision (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 282).
Que te sert...? [Calque lat.] Le tombeau, confident de mon rêve infini (...) Durant ces longues nuits d'où le somme est banni, Te dira « Que vous sert, courtisane imparfaite, De n'avoir pas connu ce que pleurent les morts? » (BAUDEL., Fl. du Mal, 1867, p. 56).
b) Être à l'usage de. L'autre chambre, qui est plus petite, sert aux deux garçons. Ils ont longtemps couché dans le même lit, ce qui permettait de circuler plus facilement dans la pièce (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 60).
Servir à qqn à faire qqc. Veuillez donc supposer que les plus grands savants qui ont existé jusque vers la fin du XVIIIe siècle, les Archimède et les Newton, les Galilée et les Descartes, étant assemblés en quelque lieu des Enfers, un messager de la Terre leur apporte une dynamo et la leur donne à examiner à loisir. On leur dit que cet appareil sert aux hommes qui vivent à produire du mouvement, de la lumière ou de la chaleur (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 198).
2. Servir à qqc. Être bon, utile à; être d'un usage approprié. Rantzau (...): Alors, et puisque vous pouvez encore pénétrer jusqu'à lui, il vous serait facile d'obtenir... La Reine: Sans doute!... mais à quoi bon? à quoi servira l'ordre d'un roi sans pouvoir? (SCRIBE, Bertrand, 1833, IV, 6, p. 204). Après tout, c'est peut-être là une image qui pourrait illustrer une « philosophie de l'avoir ». Elle servirait au propre et au figuré (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 82).
Rem. De même qu'à côté de l'expr. cour. à quoi cela sert-il? à quoi ça sert? (fam.) on relève celle, vieillie, de quoi sert-il?, de même on note également servir à rien ou servir de rien. N'être d'aucune utilité: Octave: J'avais, en vous quittant, cent choses à vous dire; Mais j'ai tout oublié. Juliette: Cherchez. Octave: De quoi sert-il? Je ne dois plus songer maintenant qu'à l'exil (AUGIER, Homme de bien, 1845, p. 113). Dieu ne lui servait de rien, qu'à l'ôter aux hommes et à la rendre seule (CAMUS, Env. et endr., 1937, p. 42).
Servir à + inf. Didace s'était toujours refusé à se séparer du vieux poêle: massif et énorme, et assez dur à réchauffer, une fois pris cependant, il répandait une douce chaleur par toute la maison. Puis l'été, quand on allait vivre au fournil, il servait à abriter les fourrures contre les mites (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 141).
Faire servir à. Müller, qu'on peut considérer comme le véritable historien classique d'Allemagne, lisoit habituellement les auteurs grecs et latins dans leur langue originale; il cultivoit la littérature et les arts pour les faire servir à l'histoire (STAËL, Allemagne, t. 3, 1810, p. 302).
B. — Servir de. Être employé, utilisé en tant que, en guise de. Servir de père. L'âme et le corps de la campagne me devinrent si familiers, mon vocabulaire rustique si aisé dans les deux langues, que je pus servir d'interprète dans un camp de remonte, pendant l'occupation anglaise (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 89). Il trouva son premier malade au lit, dans une pièce donnant sur la rue et qui servait à la fois de chambre à coucher et de salle à manger (CAMUS, Peste, 1947, p. 1222).
Servir de ... à ... La plaine immense sert de cadre à cette agitation passionnée (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 229).
C. — Servir pour. [Le suj. désigne une chose] Être utilisé pour quelque chose. Mais la pierre devra présenter parfois des faces courbes ou des formes décoratives compliquées. Pour les pierres douces, le têtu ou la tranche assure l'ébauche du travail, le ciseau sert pour les ciselures (LAMBERTIE, Industr. pierre et marbre, 1962, p. 65). Desservir. Cette croisée?... Ah! le balcon sert pour les deux fenêtres (...). Une véritable terrasse (DUMAS père, Antony, 1831, III, 3, p. 196).
III. — Empl. intrans.
A. — [Le suj. désigne une pers.]
1. Être au service de; en partic., être employé comme domestique. Son hôtesse avait servi chez un évêque, soit comme gouvernante, soit comme bonne d'enfants (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 396). Siegfried: (...) Je ne suis pas pour rien du pays des fonctionnaires: Servir. Waldorf: C'est la devise de tous ceux qui aiment commander. On ne commande bien qu'à l'Allemagne. Siegfried: Servir mon pays. Ledinger: S'il s'agit pour vous de servir, ô notre ami, revenez avec nous. On ne sert bien que l'Allemagne (GIRAUDOUX, Siegfried, 1928, IV, 3, p. 165).
2. Accomplir son service militaire. M. Homais (...) exhortait le garçon d'auberge à se faire opérer [d'un pied bot] (...). — N'es-tu pas un homme, saprelotte? Que serait-ce donc, s'il t'avait fallu servir, aller combattre sous les drapeaux? (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 12).
3. SPORTS (de balle ou de ballon). Mettre la balle en jeu. Le servant doit servir alternativement du cours droit et du cours gauche (Sports Mod. Illustr., 1906 ds PETIOT 1982).
B. — [Le suj. désigne une chose]
1. Qui n'a jamais servi. Qui est neuf. Qui a beaucoup servi. Très usagé. Adoptant la forme du songe, Francesco Colonna coulait son récit dans un moule qui avait déjà beaucoup servi (DURRY, Nerval, 1956, p. 111).
2. Ne plus pouvoir servir. Être hors d'usage. Quant au trousseau, il était à la mode de Wurtemberg et ne put servir. L'empereur et Jérôme le remplacèrent gracieusement (FRANCE, Vie littér., 1888, p. 272).
3. P. iron., fam. Ça peut (toujours) servir. Ceci peut (encore) rendre quelques services, être de quelque utilité. Les vieux, ça peut toujours servir un peu: c'est toujours bon à donner des conseils (PÉGUY, Tapisserie Ste-Geneviève et J. d'Arc, 1913, p. 211).
IV. — Empl. pronom.
A. — Prendre d'un récipient une certaine quantité de nourriture ou de boisson. Se servir de pain, de vin; se servir de la viande, du champagne. Ceux qui étaient chargés de le recevoir et de lui faire les honneurs de son propre palais avaient préparé un festin digne de l'occasion, et avaient fait usage de toutes les ressources de la cuisine d'alors pour fêter l'arrivée de monseigneur. Parmi les entremets brillait une ample fondue, dont le prélat se servit copieusement (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 361).
B. — Se fournir (en marchandises). C'est chez vous qu'il se sert, n'est-ce pas? Prenez garde (TOULET, J. fille verte, 1918, p. 96).
Fam. Ne pas se priver de. Ils auraient tort de faire des manières, pas vrai?... Et puis, comme vous voyez, j'ai pas de portes à ma case non plus alors ils se servent, hein, vous pouvez le dire... C'est la bonne vie ici pour eux (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 209).
C. — 1. Se servir de qqn. Utiliser quelqu'un à des fins cachées, le manœuvrer. C'était une gamine, irresponsable au fond, on se servait d'elle, trop naïve pour se rendre compte qu'on se servait d'elle, c'est bien dans la manière des communistes de se cacher derrière une jeune fille de bonne famille (...) « dis-moi qui t'a monté le bourrichon »? (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 106).
2. Se servir de qqc.
a) [Le compl. désigne une chose concr.] Utiliser quelque chose. La moitié des hommes ne sauraient pas se servir de leurs armes (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 205). Me voici en pleine matière, pataugeant dans l'informe, environné d'atonalistes qui me considèrent avec des yeux de cannibales, et qui me laissent encore en vie dans l'espoir que je leur apprendrai, quelques temps encore, à se servir de la fourchette (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 197).
b) [Le compl. désigne une chose abstr.] Employer, emprunter. L'esprit humain regorge de passions; il en a à revendre, pour me servir d'une autre locution triviale (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 349).
3. Se servir (d'un animal, d'une chose) pour + inf. Employer pour. Leurs habitations (...) se changèrent en campements mobiles, quand les hommes eurent appris à se servir, pour porter ou traîner les fardeaux, de quelques-unes des espèces d'animaux qu'ils avaient subjuguées (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 22).
Prononc. et Orth.:[], (il) sert []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. « S'acquitter d'obligations envers un supérieur » 1. ca 880 relig. diaule seruir (Eulalie, 4 ds HENRY Chrestomathie, p. 3); 2e moit. Xe s. Deu servir (St Léger, éd. J. Linskill, 24); spéc. ca 1050 absol. servir « célébrer le culte » (Alexis, éd. Chr. Storey, 165), puis surtout 1680 servir la messe (RICH.); 2. ca 1050 servir « s'acquitter des fonctions de domestique » (Alexis, 336); 1550 servir « rendre les mêmes services qu'un domestique rend à son maître (par humilité chrétienne) » (Bible Louvain Marc 10, f. 16, col. b); 1648 formule de politesse pour vous servir (VOITURE, Œuvres, Poés. diverses, éd. M. A. Ubicini, t. 2, p. 423); spéc. 3. à table ca 1165 absol. « apporter le repas » (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 2021); ca 1170 servir de pain « le présenter » (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 6872); 1176-81 servir as tables (ID., Chevalier charrette, éd. M. Roques, 41); d'où ca 1280 fig. servir qqn d'entremés « lui jouer un tour » (ADENET LE ROI, Cleomadés, éd. A. Henry, 8592); 1655 servir d'un plat de sa façon « id. » (MOLIÈRE, Étourdi, II, 8, 785); 1819 pron. passif (BOISTE: être servi — les fruits se servent au dessert); 1832 pronom. réfl. (RAYMOND: À table, Se servir, prendre d'un mets, mettre quelque chose d'un mets sur son assiette); 4. a) ca 1050 « accomplir ses obligations envers l'autorité civile » (Alexis, 35: servir l'emperethur); 1680 servir la patrie (RICH.); b) ca 1100 servir « s'acquitter du service féodal envers son suzerain » (Roland, éd. J. Bédier, 1858); ca 1100 absol. servir à (qqn) (ibid., 3811), constr. encore ds Ac. 1778; d'où ) ca 1160 absol. servir « accomplir ses obligations militaires (envers son suzerain) » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 469); 1538 « accomplir ses années de service militaire » (EST.); ) 1160-74 féod. servir qqn de fief (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 6070); 1508 servir le fief (Coutume d'Anjou, art. 106 ds Nouv. Cout. gén., éd. A. Bourdot de Richebourg, t. 4, p. 539b), répertorié dans la lexicogr. comme terme hist.; 5. 1160-74 servir une dame « se mettre à son service » (WACE, op. cit., 4508), d'où en terme de galanterie le subst. servant 1509 (LEMAIRE DE BELGES, Illustrations de Gaule, I, 25, éd. J. Stecher, t. 1, p. 178), l'adj. 1569 (RONSARD, 7e livre de Poèmes, éd. P. Laumonier, t. 15, 2, p. 240, 40: serviteur servant), princ. empl. dans l'expr. chevalier servant 1879 (LOTI, Aziyadé, p. 84); cf. aussi cavalier servant 1807 (STAËL, Corinne, I, 210 d'apr. B. W. JASINSKI, Vocab. ds Corresp. gén., t. 1, p. 48); 6. 1768 servir « fournir un produit, moyennant finances » (VOLT., Lett. d'Alembert, 2 sept. ds LITTRÉ); 1832 pronom. se servir chez le même marchand « avoir l'habitude d'acheter chez lui » (RAYMOND). B. a) Ca 1050 servir à (Dieu) « lui être soumis » (Alexis, 495); 1213 vos servez a vos deliz (Fet des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 42, 17); b) 1550 servir à « être esclave » (Bible Louvain, Esdras, 4, 1 f ° 183 v °, col. b), répertorié comme ,,vx`` par DG. C. 1. Ca 1100 servir « faire usage de, employer » (Roland, 2350); déb. XIIIe s. servir de qqc. à qqn « faire usage de quelque chose, l'employer pour lui » (RECLUS DE MOLLIENS, Charité, éd. A. G. van Hamel, IX, 9); 1538 pronom. se servir de « l'utiliser, l'employer » (EST., s.v. utor); 2. 1155 fig. servir qqn de qqc. « lui présenter quelque chose » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 1730); fin XIIe s. servir qqn de qqc. « le fournir de » (HUE DE ROTELANDE, Ipomedon, éd. A. J. Holden, 4787); d'où spéc. 1690 fin. (FUR.: On dit [...] qu'un homme est bien servi d'une rente, lorsqu'il en est bien payé); 1835 (Ac.: Servir une rente, Payer le revenu, l'intérêt d'une somme constituée en rente); 1835 jurispr. (ibid.: Servir une redevance, Acquitter la redevance convenue); 3. « donner quelque chose pour faire fonctionner » a) 1662 servir l'artillerie « lui donner les moyens de bien fonctionner » (LA ROCHEFOUCAULD, Mém., éd. D. L. Gilbert et J. Gourdault, t. 2, p. 371); b) 1669 jeu de balle absol. servir (WIDERHOLD Fr.-all.); av. 1679 servir la balle « la lancer à celui avec qui l'on joue » (RETZ, Mém., éd. A. Feillet et J. Gourdault, t. 3, p. 470); c) 1899 servir des cartes « les distribuer » (DG); 1935 absol. servir (Ac.); 4. 1687 trans. servir « saillir, couvrir » (MIEGE, 2e part.). D. 1. Ca 1165 servir à qqn « lui être utile, bon, l'aider » (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 5853); a) ca 1165 de quei sert « quelle utilité a » (ID., ibid., 14820), supplanté par A quoy sert? 1553 (Bible, Jean Gérard, Marc, 14, a); 1553 que sert? (ibid., Proverbes de Salomon, 17, c); b) 1436 de riens ne servent « sont tout à fait inutiles » (CHARLES D'ORLÉANS, Poésies, éd. P. Champion, Ballade, LXIX, 134, p. 93); 1553 ne servir à rien (Bible, Jean Gérard, Sapience, 13, c); 2. ca 1500 servir de « être utile, utilisé à titre de » (PHILIPPE DE COMMYNES, Mém., éd. J. Calmette, t. 1, p. 133); 1613 fig. servir de couverture « tenir lieu de prétexte » (J. VOULTIER, Grand dict. fr., lat. et gr. d'apr. FEW t. 11, p. 538a); 1671 servir de jouet « être en butte aux railleries, aux attaques » (POMEY, s.v. jouet). Du lat. (du lat. servus, v. serf) « être esclave, vivre dans la servitude », au fig. « être sous la dépendance de », « se mettre au service de, être dévoué à », également att. en lat. chrét. « servir Dieu » dep. déb. Ve s. ds BLAISE Lat. chrét., « être esclave (du péché) » ibid., et en lat. médiév. « accomplir les services vassaliques » dep. 811 ds NIERM., spéc. les charges militaires 1186, ibid., « effectuer le culte » ca 560, ibid. et « servir aux repas » ca 1135 ds LATHAM. Fréq. abs. littér.:23 080. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 39 448, b) 31 102; XXe s.: a) 30 073, b) 29 741. Bbg. CHAUTARD Vie étrange Argot 1931, p. 550. — GOOSSE (A.). Ét. de vocab. eccl.: l'enfant de chœur. Foi Lang. 1977, n ° 2, p. 131. — HOLLYMAN 1957, p. 81. — LANLY (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 312-313.

servir [sɛʀviʀ] v.
ÉTYM. Xe; diavle servir « rendre un culte au diable », fin IXe; du lat. servire « être esclave; être soumis ou dévoué à… ».
———
I V. tr.
A (Compl. n. de personne).
1 Littér. ou style soutenu. S'acquitter d'obligations, de tâches envers (une personne, une institution, à qui, à quoi on obéit). || L'honneur de servir Votre Majesté dans les grands emplois (cit. 11). || Il avait très bien servi l'État et le roi (→ Militaire, cit. 7). || Les hommes qui, par l'épée ou la parole, avaient bien servi l'empire (→ Forum, cit. 2). || « Servir tout le monde (cit. 65) c'est ne servir personne » (Balzac). || Servir la société (→ Omnipotent, cit. 1). || « Et qui sert son pays n'a pas besoin d'aïeux » (cit. 7, Voltaire).
1 Rois, quand il était Empereur, les frères du héros l'ont servi de tout leur dévouement et de toute leur obéissance, prenant le mot d'ordre de ce prodigieux génie (…)
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre, « Les Bonaparte ».
Hist. (Dans les sociétés organisées hiérarchiquement sur un modèle féodal ou analogue). || Servir un maître, un seigneur, un suzerain.Absolt. || Le vassal servait.
Spécialt. (Par les armes, en accomplissant un service militaire). || La noblesse (cit. 20) devait servir le prince à la guerre, se battre pour lui. || Les Huns servirent les Romains en qualité d'auxiliaires (cit. 8). Solde (être à la). || Servir sa patrie.
(1538). Absolt. || Servir dans les armées royales (→ Noble, cit. 22), à la Légion (cit. 7), dans telle ou telle arme (cit. 15), comme marin (cit. 1), dans le rang (cit. 6), pendant trois ans (→ Devancer, cit. 4). Soldat. || Servir sous un chef (→ Héroïsme, cit. 3), avec qqn (→ 2. Général, cit. 3)… Marcher.
2 Les mots de notre langage familier ont quelquefois une parfaite justesse de sens. C'est bien servir, en effet, qu'obéir et commander dans une Armée. Il faut gémir de cette Servitude, mais il est juste d'admirer ces esclaves. Tous acceptent leur destinée avec toutes ses conséquences, et, en France surtout, on prend avec une extrême promptitude les qualités exigées par l'état militaire.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, I, III.
3 Il y en eut certainement qui refusèrent de servir dans les états-majors, qui revinrent au feu avant même d'être guéris (…)
Alain, Propos, 19 mai 1921, « Ressorts de la peur et du courage ».
Franç. d'Afrique. Occuper un emploi régulier, un poste. Service.
(V. 1050; le sujet désigne un subordonné, un domestique). || Servir le prêtre pendant la messe. 2. Servant. || Secrétaire qui sert fidèlement un ambassadeur (→ Grippe, cit. 3). || Maçon servi par un apprenti (→ Assise, cit. 1). || Servir un maître en tant que domestique. Servante, serviteur (→ Attachement, cit. 18; discrétion, cit. 16; gage, cit. 20). — ☑ Prov. || « Nul ne peut servir deux maîtres » (cit. 4, Évangile).Être obligé de servir les autres (→ Apprendre, cit. 10). || On n'arrive plus à se faire servir, à trouver des domestiques. — ☑ Prov. On n'est jamais si bien servi que par soi-même : le mieux est de faire soi-même les choses.(V. 1155). Absolt ou intrans. || L'air grognard (cit. 2) des valets qui servent en rechignant.Par ext. (Comme si on était un domestique). || Votre mère se fatigue à vous servir (→ Dorloter, cit. 3). || Grands marchands qui considèrent les fonctionnaires comme créés pour les servir (→ Diplômer, cit. 2). || Les enfants finissent par se faire servir (→ Ordre, cit. 47).
4 Et j'ai des serviteurs, et ne suis point servi.
Molière, les Femmes savantes, II, 7.
5 (…) il était pauvre, il sera riche; il servait, il sera servi (…)
Charles Nodier, Contes, « Paul ou la ressemblance ».
6 À tort ou à raison, j'en voulais à ma mère de ce que j'étais. Il me semblait que j'expiais le malheur d'avoir été, depuis l'enfance, exagérément couvé, épié, servi.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, I, II.
6.1 Ils (deux enfants de chœur) servaient le prêtre comme on sert une pièce d'artillerie. Le servant est celui qui passe les munitions. Ils servaient avec la même foi, le même dévouement, la même promptitude : que ce fût pour l'encens, pour l'eau bénite, pour les répons.
Jean Genet, Pompes funèbres, p. 63.
(Fin XIe). || Servir qqn à table, lui présenter, lui apporter les plats, ou lui remplir son assiette, son verre. || Servez Madame d'abord. || Les filles (cit. 43) de cuisine devaient servir plus de cent ouvriers agricoles (→ aussi Popote, cit. 3).Donnez-moi votre assiette, je vais vous servir.(Passif). || Être servi, bien servi. || Reprenez du gâteau, vous avez été bien mal servi.« Madame est servie », formule par laquelle un domestique (cit. 9) annonce à la maîtresse de maison qu'on peut passer à table.Absolt. Faire le service à table (servir et desservir). || Elle ne sait pas servir à table. || Les garçons (cit. 26) qui servaient.
7 — Ah ! bah ! Et pourquoi ? demanda Michu qui s'assit à sa table en disant à sa femme : — Sers-moi, je meurs de faim.
Balzac, Une ténébreuse affaire, Pl., t. VII, p. 576.
8 Quand il la reconnut, occupée à débarrasser une table d'un tas énorme de vêtements, il courut la chercher. — Tenez ! mademoiselle, servez donc ces dames qui attendent.
Zola, Au Bonheur des Dames, IV, t. I, p. 135.
9 L'auberge était pleine des buveurs du dimanche soir. On servit les nouveaux venus dans une arrière-salle.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 84.
(1768). Par anal. (De commerçant à client). || Servir un client, lui fournir, lui vendre ce qu'il demande (→ Obliquité, cit. 3). || Le boucher nous a mal servis aujourd'hui, ne nous a pas donné de la bonne viande.
(Jeux de cartes). || Être servi : à certains jeux, Avoir en mains des cartes satisfaisantes, ne pas en demander d'autres.Fig. || En fait d'embêtements, nous avons été servis depuis quelque temps !, nous en avons eu beaucoup.
(V. 1155). Vx. (Dans le langage de la galanterie). || Servir une dame, être son cavalier servant, être son amant (1.), fidèle et dévoué.(Av. 1648). Vieilli. (Dans le langage de la politesse). || Pour vous servir, formule marquant qu'on est à la disposition de qqn, tout dévoué à ses ordres (→ Négociant, cit. 4; quinola, cit.). Oui (supra cit. 1).
10 Cloris, que dans mon cœur j'ai si longtemps servie
Et que ma passion montre à tout l'Univers.
Maynard, la Belle Vieille.
Relig. Rendre un culte (à la divinité). || Servir Dieu (cit. 36 et 47; et → 1. Oratoire, cit.), certains dieux (cit. 42).
2 (V. 1265; en dehors de toute obligation civique, sociale, professionnelle…). Apporter à (qqn) une aide, un appui utile, en y employant sa peine, son crédit, etc. Aider, appuyer, seconder, service (rendre); cf. Agir dans l'intérêt. || Il est très habile et vous servira mieux que moi (→ Occuper, cit. 7). || Le philosophe (cit. 3) songe moins à plaindre les malheureux qu'à les servir (→ aussi Presse, cit. 13). || Ceux qui peuvent le servir (→ Pousser, cit. 62).
Servir qqn auprès de qqn (→ Employer, cit. 7).
11 Force lui fut de rentrer sans avoir pu remercier la bonne amie qui l'avait si bien servi.
G. Sand, la Petite Fadette, XXI.
(Le compl. désigne des choses humaines : sentiments, idées…). || Servir l'amour, la passion, les intérêts… de qqn (→ Agir, cit. 25; fortune, cit. 38; hasarder, cit. 20). || « Sers ma fureur (cit. 5), Œnone, et non pas ma raison » (Racine). || Servir une cause (cit. 58 et 59). Dévouer (se). || Luther a, sans le vouloir, servi l'esprit nouveau (→ Réforme, cit. 1).
12 — (…) qu'ai-je besoin, se dit-elle (Mme Cibot), de me donner des associés ? faisons ma pelote, et après je prendrai tout ce qu'ils m'offriront pour servir leurs intérêts (…)
Balzac, le Cousin Pons, Pl., t. VI, p. 685.
(1669; sujet n. de chose; compl. n. de personne). Être utile, favorable à… Favoriser. || Mon étourderie m'avait servi (→ Latin, cit. 5). || Mal servi par la chance (→ Grincheux, cit. 1). || Le sort, le hasard m'a servi (→ Remettre, cit. 25).(Compl. n. de chose). || Leur extravagance (cit. 2) sert leurs desseins. || Ces injures (cit. 9) ont servi sa renommée.
13 L'insurrection (en 1830), servie par ces conditions exceptionnellement favorables, aboutit à une révolution.
Ch. Seignobos, Hist. sincère de la nation franç., XVIII.
14 (…) il jouait à la Bourse, spéculait, commanditait des inventions nouvelles; et, doué d'un certain flair malgré sa légèreté, servi aussi par son esprit d'aventure, il misait parfois sur une entreprise fructueuse.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 50.
(1865). Par euphém. Chasse à courre (t. de vénerie). Achever (une bête forcée), avant la curée. || Servir une bête au poignard, à la carabine.
14.1 Il (…) dégaina son couteau de chasse et dit (…)
« Je ne pense pas que madame la baronne veuille le servir (…) »
(…) l'usage immémorial (…) voulait que l'animal fût servi par un maître présent, ou à défaut par un piqueux, mais jamais par un invité.
M. Druon, la Chute des corps, I, IV, p. 39.
B (XIIe; compl. n. de chose).
1 (V. 1175). Mettre (une chose) à la disposition de qqn (pour qu'il la consomme, en fasse usage, etc.). || Servir qqch. à qqn. || Servir à qqn un repas (cit. 2), un excellent poisson (→ Repas, cit. 6), du vin blanc (→ Pinard, cit. 2), une tasse de café (→ Lieu, cit. 33)… || On leur servit à boire, à manger, à goûter. Donner (→ Inviter, cit. 2).(Sans compl. second). || Servir le dîner (cit. 4 et 5), le dessert (cit. 3), la soupe (→ Hôte, cit. 6), des liqueurs (→ Repas, cit. 7). || À table ! c'est servi, les plats sont prêts et disposés sur la table (→ Reptation, cit. 2). || « Le brouet fut par lui servi sur une assiette » (cit. 13, La Fontaine; → aussi Fromage, cit. 3). || On ne doit pas servir la caille autrement que rôtie (→ Fugace, cit. 2).Absolt. || Servez chaud ! || Servez sans attendre !
15 Quand le faisan est cuit, servez-le couché avec grâce sur sa rôtie; environnez-le d'oranges amères (…)
A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, t. II, p. 192.
Par métaphore ou fig. Donner, présenter. || Servir à qqn un plat de sa façon. || « Et de servir à point un dénouement bien cuit » (→ Maladroit, cit. 7, Musset). || Deviner les idées de qqn afin de les lui (cit. 5) servir anticipées (→ aussi Permettre, cit. 3). || On nous sert toujours les mêmes arguments, les mêmes expressions. Débiter (→ Apporter, cit. 19). || Servir un compliment. Présenter.
16 Mais un maudit galant m'est venu brusquement
Servir à la traverse un mauvais compliment (…)
Corneille, Place royale, IV, 4.
17 Car, au fond de moi-même, avouons que je donne raison à Studler. Les objections pâteuses que je lui ai servies ne comptent pour rien.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 218.
(1893). || Servir des cartes, en donner au joueur qui en demande.(1669, absolt). || Servir la balle, ou, absolt, servir : mettre la balle en jeu (autrefois au jeu de paume, aujourd'hui au tennis, au volley-ball, etc.). || À vous de servir. Service; serveur.
(1835). Finances. || Servir une rente (cit. 2), une pension à qqn. Faire. || Servir un intérêt, des dividendes.
18 — Pardon, ça semble juste, ce que demande le père. On pourrait lui servir huit cents francs, puisque c'est huit cents francs qu'il louerait son bien (…)
Zola, la Terre, I, II.
2 Mettre (une chose) en état de se dérouler ou de fonctionner normalement, en remplissant les conditions nécessaires à cet effet ou en l'approvisionnant du nécessaire. || Servir la messe. || Servir et desservir (cit. 2) la table (→ Cabrioler, cit. 1).Par métaphore. || « Table toujours servie au paternel foyer » (→ Mère, cit. 8, Hugo).Servir une pièce d'artillerie, l'alimenter en munitions et faire les manœuvres nécessaires au tir. 2. Servant.
19 Les artilleurs (…) mirent cette seconde pièce en batterie près de la première (…) Quelques instants après, les deux pièces, vivement servies, tiraient de front contre la redoute (…)
Hugo, les Misérables, V, I, XIV.
C (1688). Zool. (Animaux). Couvrir, monter (la femelle). Saillir. || Servir la jument.
———
II V. tr. ind. || Servir à…, de…
1 (1080 au sens 1.). Vx (au sens I., 1. de servir). || « On ne peut servir à deux maîtres » (Furetière).
Spécialt. Vx. Être utilisé en tant qu'objet érotique, sexuel.
19.1 Quoi ! tu frémis de l'obligation de servir successivement à quatre beaux grands garçons comme ceux-là; mais sais-tu bien qu'il y a dix mille femmes à Paris qui donneraient la moitié de leur or ou de leurs bijoux pour être à ta place.
Sade, Justine…, t. I, p. 39 (1791).
2 (XIIe). Être utile (à qqn), être utilisé (par qqn); faire du profit. || Un édifice qui servira aux générations futures (→ Confiner, cit. 9). || L'espadon (cit. 2) qui a servi à Goliath. || La guitare (cit. 5) qui servit à la Péri… || Un petit cabinet attenant (cit. 3) qui lui servait pour sa toilette. || L'histoire (cit. 13) sert aux rois. || Ce qui peut lui nuire (cit. 6) et ce qui peut lui servir (→ Admettre, cit. 15).Absolt. || Est neuf (cit. 1 et 2) ce qui n'a pas servi. || La pile de cette lampe (cit. 21) peut encore servir. || Des paroles qui ne devraient servir qu'une fois (→ Profaner, cit. 5). || Choses qui servent toujours (→ Assise, cit. 4). Profit (faire des). || Choses qui ne servent jamais (→ Professeur, cit. 1), qui ne peuvent plus servir. Temps (avoir fait son). || Un vêtement qui a beaucoup servi. Usagé.
20 Venise avait déçu Jacques comme un décor gondolé à force de servir (…)
Cocteau, le Grand Écart, p. 21.
(V. 1175). Vieilli (latinisme, dans lequel le pronom neutre est employé comme « accusatif de relation »). || « Mais que sert le mérite (cit. 7) où manque la fortune ? » (Corneille), en quoi le mérite est-il utile… ? (→ aussi Inconstant, cit. 1). || « Que nous sert cette queue ? » (cit. 1, La Fontaine).(Tour impersonnel). || « Que sert d'interdire ce qu'on ne peut pas empêcher ? » (cit. 7, Gide; → aussi 1. Air, cit. 30; étendre, cit. 22).« Rien ne sert de courir, il faut partir à point » (vers proverbial de La Fontaine, qui est pour beaucoup dans la survivance de ce tour). → Aléatoire, cit. 2; et aussi 1. être, cit. 20, Gide.
Servir de… (et pronom). || Tous les discours ne serviront de rien. Inutile (→ Excuser, cit. 6). || De quoi sert-elle ? (→ Foi, cit. 14, La Fontaine; et aussi oraison, cit. 3, Molière). || De quoi me sert ce peu de science ? (→ Pire, cit. 14, Duhamel).
REM. Cet emploi de la préposition de est à rapprocher de celui où elle introduit un complément de mesure. Aussi servir de, dans ce sens, peut-être suivi d'un adverbe de quantité : de peu me sert…, déjà dans un texte du XIIIe s. (Coucy, X), et encore chez Pascal : il servirait de peu… (les Provinciales, II). L'âge ne sert de guère (cit. 19, Molière). aussi Profiter (→ Haïr, cit. 6).
3 Servir à…, pour… (suivi d'un compl. de destination, de but ou de conséquence). Être utile, utilisé à…, pour…Servir à… (et inf.). || Le couteau qui lui servait à dépecer… (→ Prêtre, cit. 7). || Cela put me servir à comprendre (→ Encombrer, cit. 4; et aussi 1. politique, cit. 9). || Le réel (cit. 6) nous sert à fabriquer un peu d'idéal.Servir à qqch. || Voilà donc à quoi (cit. 8) me sert la médecine (→ aussi Douter, cit. 35; enterrer, cit. 10).(Sans le compl. qui désigne l'utilisateur). || Choses qui servent à la satisfaction de nos besoins (→ Capital, cit. 1). || Falsifier (cit. 2) des denrées servant à l'alimentation. Propre. || Le monde sert à cela (→ Détourner, cit. 13). || À quoi servent les cérémonies ? (→ Attirail, cit. 9; et aussi désordre, cit. 17). — Impers. || À quoi servirait-il de… ? (→ Gredin, cit. 3). || À quoi sert d'engager (cit. 21) la discussion, de se quereller ? (→ Dispute, cit. 4).
Très cour. || Ne servir à rien : ne pas avoir d'utilité (→ Cheval, cit. 8; épine, cit. 12; gratuit, cit. 8). || Ça sert à rien, ce truc-là !
21 Il faut de l'inutile dans le bonheur. Le bonheur, ce n'est que le nécessaire. Assaisonnez-le-moi énormément de superflu (…) Je veux du superflu, de l'inutile, de l'extravagant, du trop, de ce qui ne sert à rien.
Hugo, les Misérables, V, V, VI.
22 (…) je suis peiné de vous savoir malade. Si la sympathie en ces occasions pouvait servir à quelque chose, vous seriez guérie.
Flaubert, Correspondance, 953, 24 janv. 1863.
4 (1530). || Servir de… (suivi d'un compl. de manière à valeur d'attribut). Être utilisé en guise de…, utile à titre de… Fonction (faire), lieu (tenir). || « Aux plus infortunés la tombe sert d'asile » (cit. 24, La Fontaine). || Servir de modèle (→ Attrait, cit. 16), de joujou (→ Bondir, cit. 5), de passe-temps (→ Boucler, cit. 2) à qqn. || Que cela vous serve de leçon (cit. 21). || Servir d'appui (cit. 38 et 39), de répondant (cit. 1), de repoussoir (cit. 2), d'exemple (→ Douche, cit. 3), de guide (→ Fier, cit. 23). || « Je vous rends votre fils et je lui sers de père » (cit. 19, Racine).(Sans le compl. qui désigne l'utilisateur). || « Le deuil enfin sert de parure » (→ Atour, cit. 2, La Fontaine). || Perches servant de jalons (cit. 1). || Un signe qui puisse servir de repère (cit. 2). || Servir de preuve : prouver. || Mur servant de séparation (→ Héberge, cit.). || Garantir (cit. 13), c'est servir de garant. || Servir de messager (cit. 3). Office (faire).Vx. (Avec un article, un « présentatif » devant le compl.). || « Tout ce que les uns ont pu dire (…) n'a servi que d'un argument (cit. 2) aux autres » (Pascal).
23 (…) vos lettres nous ont servi d'un grand amusement.
Mme de Sévigné, 846, 28 août 1680.
24 Je fis entrer l'inconnu dans la chambre qui me sert de cabinet de travail, salon, et salle à manger, le cas échéant.
Apollinaire, l'Hérésiarque…, p. 39.
Fam., plais. || Ce qui me, te, lui… sert de… : ce qui joue (chez moi, toi, lui…) le rôle de… (sert de marque de dérision). || Essaie d'utiliser ce qui te sert de cerveau !
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III V. intr. (→ ci-dessus les emplois absolus, I., A. et B.).
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se servir v. pron.
1 (1835). Réfl. Prendre de ce qui est sur la table. || Servez-vous, servez-vous mieux. || Servez-vous de rôti, de vin : prenez du rôti, du vin.Réfl. indir. || Elle se servit de salade, de la salade (→ Manger, cit. 20).Par métaphore. || Avant de partager les bénéfices, il a commencé par se servir.(1851). || Se servir chez un marchand, acheter habituellement chez lui. Fournir (se).
25 Pour table, un grand plateau de cuivre, pour chaises, des coussins; pour se servir, les doigts.
Jérôme et Jean Tharaud, Rabat, VIII.
2 (1538; avec un compl. de moyen ou d'instrument à valeur de compl. d'objet secondaire; proprt « s'aider de »). || Se servir de… : faire usage de, utiliser. Employer, user (de); et aussi usager.REM. Il s'agit bien à l'origine d'un complément d'instrument; se servir de… signifie proprt « s'aider de… ». — Se servir de ses doigts (cit. 1), de ses jambes (→ Humain, cit. 9), de ses poings (→ Pugilat, cit. 1). || Se servir d'un instrument (→ Précis, cit. 5), d'un outil (cit. 2), d'une arme contondante (cit. 1). || La barre de fer dont il se servait comme d'un levier (→ Coussinet, cit. 3). || La manière de se servir de qqch. Emploi (mode d'). || « Reconnaître (cit. 4) un objet usuel consiste surtout à savoir s'en servir » (Bergson). || Se servir d'un mot (→ Moi, cit. 62; et aussi an, cit. 20; impulsion, cit. 1). || Se servir d'un stratagème. Emprunter (→ Attraper, cit. 6). || Déployer (cit. 13) la force pour n'avoir pas à s'en servir. || « Je me sers d'animaux (cit. 20) pour instruire les hommes » (La Fontaine). || Agiter avant de s'en servir.(Compl. n. de personne). Employer (→ Asservir, cit. 4; et aussi gens, cit. 10). || Il se servit d'un de ces gens comme témoin (→ Postiche, cit. 5). || Il voulait se servir de toi, t'utiliser à son profit. (→ Gueux, cit. 8). Exploiter.
26 La chevelure (…) conserve alors, jusque dans l'âge avancé de la personne qui se sert de l'Huile Céphalique, ce brillant, cette finesse, ce lustre qui rendent si charmantes les têtes des enfants. La Manière de s'en servir est jointe à chaque flacon et lui sert d'enveloppe.
Balzac, César Birotteau, Pl., t. V, p. 441.
27 Elle avait beaucoup d'esprit, dont elle se servait à tromper son mari.
France, les Sept Femmes de Barbe-bleue, p. 19.
28 (La poésie) se sert des mots comme la prose. Mais elle ne s'en sert pas de la même manière; et même elle ne s'en sert pas du tout; je dirais plutôt qu'elle les sert. Les poètes sont des hommes qui refusent d'utiliser le langage.
Sartre, Situations II, p. 63.
3 Récipr. Rare. || « Une espèce de république dont les membres (…) se secourent et se servent mutuellement » (Montesquieu, Lettres persanes, CVIII).
Spécialt. || Se servir l'un de l'autre : se rendre mutuellement service; s'utiliser l'un l'autre.
28.1 Ce qu'il y avait de beau dans notre amitié, c'est que, jusqu'à présent, nous ne nous étions jamais servis l'un de l'autre.
Gide, les Faux-monnayeurs, I, 1, in Romans, Pl., p. 934.
4 Passif. || Ce vin doit se servir très frais, être servi très frais.
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servi, ie p. p. adj.
1 Personne servie (par qqn); bien, mal servie. || Clients servis. || Joueur servi (→ ci-dessus, être servi).
2 (Choses). || Plats servis.Rente servie. || Table servie, bien servie (→ Passer, cit. 42).
CONTR. Commander, dominer. Desservir, désobliger, gêner. Nuire, perdre (se).
DÉR. et COMP. 1. Servant, 2. servant, serveur, serviable, serviette. — Desservir, resservir. — V. aussi Asservir, service.

Encyclopédie Universelle. 2012.