Akademik

manger

1. manger [ mɑ̃ʒe ] v. tr. <conjug. : 3>
• 1080; lat. manducare « mâcher »
1Avaler pour se nourrir (un aliment solide ou consistant) après avoir mâché. absorber, consommer, ingérer, ingurgiter, prendre; fam. bouffer, boulotter, s'enfiler, s'envoyer, se farcir, se taper. Manger du pain, un bifteck. « Manger un fruit, c'est faire entrer en soi un bel objet vivant » (Yourcenar). Manger ce qu'on aime. se régaler. Il mange de tout, il n'est pas difficile. Il ne mange rien, très peu. ⇒ grignoter. Il n'y a plus rien à manger. N'avoir rien à manger (cf. Claquer du bec, danser devant le buffet, crever de faim). Bon à manger. comestible, mangeable. Animaux qui mangent de la chair, des fruits. -phage, -vore. Manger de l'herbe. brouter, paître ; herbivore.
Loc. Il y a à boire et à manger. Manger son blé en herbe, son pain blanc. Je ne mange pas de ce pain-là. Manger le morceau. Manger son chapeau. Se laisser manger la laine sur le dos. Être bête à manger du foin. Fam. Manger la soupe sur la tête de qqn, le dépasser en taille. Manger de la vache enragée. Tu as mangé du lion aujourd'hui, se dit à une personne faisant preuve d'une énergie inhabituelle. — PROV. Faute de grives, on mange des merles.
2Dévorer (un être vivant, une proie). « On tira à la courte paille, pour savoir qui serait mangé » (chanson populaire). Le chat mange la souris.
Fig. Manger qqn des yeux, le regarder avidement. ⇒ dévorer. Manger un bébé de caresses, de baisers. accabler, combler, couvrir. Loc. On en mangerait ! c'est appétissant, attrayant. « Des dollars ! Bien verdâtres, bien craquants ! On en mangerait ! » (San-Antonio). Vouloir manger qqn tout cru. Ne pas savoir à quelle sauce on sera mangé. Il ne vous mangera pas : il n'est pas si terrible que vous le croyez. Entre, je ne vais pas te manger. Se manger le nez. Loc. prov. Les loups ne se mangent pas entre eux. Pronom. (Pass.) Le concombre se mange en salade. La vengeance est un plat qui se mange froid.
3Absolt Absorber des aliments, souvent au cours d'un repas. s'alimenter, se nourrir, se restaurer, se sustenter; fam. becter, bouffer, boulotter, briffer, croûter, 3. grailler, tortorer (cf. Casser la croûte, la graine). Manger beaucoup, goulûment. se bourrer, dévorer, engloutir, engouffrer, se gaver, se gorger; fam. bâfrer, se goinfrer, s'empiffrer (cf. fam. S'en mettre plein la lampe, la panse, jusque-là, se caler les joues, l'estomac). Manger comme quatre, comme un ogre ( vorace) . Bien manger. banqueter, festoyer, se goberger, fam. gueuletonner, ripailler (cf. Faire bombance, fam. se taper la cloche). Personne qui aime bien manger. gastronome, gourmand, gourmet, gueule (fine gueule); bon vivant. Manger peu, sans appétit, comme un oiseau, du bout des dents. chipoter, grignoter, picorer, pignocher. Se passer de manger. Se priver de manger ( abstinence, 1. diète, jeûne, 1. régime) . Refus ( anorexie) , besoin ( boulimie) pathologique de manger. Manger de bon appétit, à sa faim. Manger rapidement, sommairement, sur le pouce, avec un lance-pierre. Manger comme un cochon, salement, avec ses doigts. Manger chaud, gras, trop salé. Donner envie de manger. allécher. Faire manger un enfant, un malade : porter les aliments à sa bouche. ⇒ alimenter, nourrir. Donner à manger au chat, lui donner sa pâtée. — Loc. Manger dans la main de (ou à) qqn, lui être soumis, comme un animal apprivoisé. Manger à tous les râteliers. PROV. L'appétit vient en mangeant. Allus. littér. « Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger » (Molière).
Spécialt Prendre un repas. 1. déjeuner, 1. dîner, 2. souper. S'attabler pour manger : se mettre à table. Salle à manger. Manger en tête à tête. Manger chez soi, au restaurant. Manger à heures fixes, régulières.
4(1422 au p. p.) Ronger. Étoffe mangée par les mites, aux mites. mité. Par ext. « Des murailles grises, mangées d'une lèpre jaune » (Zola). Fig. Se manger les sangs.
5Faire disparaître en recouvrant, en débordant. 1. cacher, dissimuler. Un monsieur « au visage mangé de barbe grise » (Courteline). « Ses yeux étonnés mangeaient l'étroit visage » (Montherlant ).
6(1669) Fig. Manger ses mots, les prononcer indistinctement. ⇒ avaler. Il mange la moitié des mots. Manger la consigne, la commission.
7(1660) Absorber, consommer. user. Voiture qui mange de l'huile. « Le foyer mangeait ses cinq mille kilogrammes de houille par jour » (Zola).
8(XVIe) Fig. Dépenser, dilapider. Manger son capital. Manger de l'argent : faire une opération déficitaire. « Le billet de première classe pour Monte-Carlo avait déjà mangé la plus grande partie de leurs économies » (Le Clézio). Par anal. « la lecture mangeait du temps » (A. Daudet),faisait perdre du temps. Loc. fam. Ça ne mange pas de pain ! ça ne coûte pas un gros effort (pour faire qqch.), ça n'engage à rien. Manger la grenouille.
⊗ CONTR. Jeûner. manger 2. manger [ mɑ̃ʒe ] n. m.
• v. 980; de 1. manger
1Vx Fait, acte de manger. Mod. En perdre le boire et le manger.
2Mod. et pop. Nourriture, repas. Ici on peut apporter son manger. Ces violoneux « paient avec de la musique pour le sommeil et leur manger » (Aragon), le gîte et le couvert.

manger verbe transitif (latin manducare) Absorber un aliment, par opposition à boire : Manger de la viande. Porter quelque chose à sa bouche, le mâcher, le mâchonner, le ronger, le mordiller, etc. (sans généralement avaler) : Manger ses ongles. Entamer quelque chose, ronger, altérer : La rouille mange le fer. En parlant d'un insecte, entamer quelque chose, une matière, y faire des trous : Les mites ont mangé mes pulls. En parlant d'insectes, piquer quelqu'un en de nombreux endroits du corps : Se faire manger par les moustiques. Absorber un concurrent, une entreprise ou les ruiner, leur faire perdre tout pouvoir : Les gros mangent les petits. Occuper une (trop) grande partie d'un espace, d'une surface : Ce canapé mange toute la pièce. Consommer une matière, de l'énergie, en parlant d'un appareil ou de l'utilisateur : Une chaudière qui mange beaucoup de charbon. Dépenser de l'argent, le dissiper, l'engloutir : L'entreprise a mangé tout son capital.manger (citations) verbe transitif (latin manducare) Anthelme Brillat-Savarin Belley 1755-Paris 1826 Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es. Physiologie du goûtmanger (difficultés) verbe transitif (latin manducare) Conjugaison Le g devient -ge- devant a et o : je mange, nous mangeons ; il mangea. Emploi Mangé aux mites, mangé aux vers. → àmanger (expressions) verbe transitif (latin manducare) Manger du temps, le prendre, le faire perdre : Ces coups de téléphone mangent tout mon temps. Familier. Ça ne mange pas de pain, ça ne coûte pas cher. Manger quelqu'un de caresses, de baisers, le combler, l'accabler de baisers, de marques de tendresse. Manger des yeux, regarder avidement. Familier. Manger la consigne, la commission, l'oublier, ne pas l'exécuter. Manger ses mots, les prononcer indistinctement ou trop rapidement. ● manger (synonymes) verbe transitif (latin manducare) Absorber un aliment, par opposition à boire
Synonymes :
- absorber
- becqueter (populaire)
- bouffer (populaire)
- boulotter (populaire)
- briffer (argotique)
- ingurgiter
Entamer quelque chose, ronger, altérer
Synonymes :
- attaquer
- corroder
Consommer une matière, de l'énergie, en parlant d'un appareil ou...
Synonymes :
- brûler
- user
Dépenser de l'argent, le dissiper, l'engloutir
Synonymes :
- claquer (populaire)
- dilapider
- dissiper
- engloutir
manger verbe intransitif Absorber des aliments quelconques : Il faut manger modérément avant de se baigner. Prendre un repas : Manger au restaurant.manger nom masculin (de manger) Fait de manger (dans quelques expressions) : En perdre le boire et le manger. Ce qu'on mange : Apporter son manger.manger (citations) verbe intransitif Anthelme Brillat-Savarin Belley 1755-Paris 1826 Les animaux se repaissent ; l'homme mange ; l'homme d'esprit seul sait manger. Physiologie du goût Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Quand il y a à manger pour huit, il y en a bien pour dix. L'Avare, III, 1, Harpagon Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Suivant le dire d'un ancien, il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger. L'Avare, III, 1, Valère Socrate, d'après Plutarque Bible Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus. Saint Paul, Épître aux Thessaloniciens, IIe, III, 10 ● manger (expressions) verbe intransitif Familier. Manger comme quatre, comme un ogre, manger beaucoup, être vorace. Manger comme un moineau, un oiseau, manger très peu. Familier. Manger dans (le creux de) la main de (à) quelqu'un, être familier avec lui ou être sous son entière domination, asservi par lui. Familier. Manger sur la tête de quelqu'un, faire fi de l'autorité, du pouvoir qu'il était censé avoir sur soi, ne pas en tenir compte. ● manger (synonymes) verbe intransitif Absorber des aliments quelconques
Synonymes :
- bâfrer (populaire)
- casser la croûte
- consommer
- croûter (populaire)
- s'alimenter
- se nourrir
- se restaurer
- se sustenter
Prendre un repas
Synonymes :
- déjeuner
- dîner
- souper
manger (synonymes) nom masculin (de manger) Ce qu'on mange
Synonymes :
- aliment
- bouffe (populaire)
- croûte (familier)
- mets
- pâture (familier)
- pitance
- repas

manger
n. m. Vieilli Action de manger. Perdre le boire et le manger, de chagrin.
|| (Antilles fr., Réunion) Syn. de repas.
|| Fam. Ce qu'on mange. On peut apporter son manger.
————————
manger
v. tr.
d1./d Mâcher et avaler (un aliment).
(S. comp.) Se nourrir, prendre ses repas. Manger deux fois par jour.
|| Loc. Faire à manger: cuisiner.
|| Loc. fig. Manger son pain blanc le premier: commencer par ce qui est le plus agréable.
|| Loc. fig., Fam. Manger de la vache enragée: V. vache.
|| v. Pron. (passif) Ce plat se mange chaud ou froid.
d2./d Ronger, entamer.
(En parlant d'une chose.) La rouille a mangé le fer.
d3./d Fig. Manger ses mots, les prononcer indistinctement, incomplètement.
d4./d Fig. Dilapider. Manger ses économies.
d5./d (Afr. subsah.) Manger l'âme de qqn, le détruire en s'emparant par sorcellerie de son principe vital.
d6./d (Maurice) Fam. Manger des gousses: être corrompu.
d7./d (Maurice, Québec) Fam. Subir.
Manger de la misère: endurer des privations.
|| Recevoir (des injures, des coups). Manger des bêtises, une volée.
En manger une, toute une: écoper d'une correction.

I.
⇒MANGER1, verbe trans.
A.— Avaler (un aliment solide ou pâteux) après (l')avoir mâché.
1. [Le compl. d'obj. est exprimé] Les chevaux mangent du foin, de l'avoine (Ac.). Gaga et Clarisse faisaient avec Blanche un repas sérieux, mangeant des sandwiches sur une couverture étalée (ZOLA, Nana, 1880, p. 1388). Les longues vaches flamandes (...) viennent en ronflant de plaisir manger parfois l'avoine au creux de sa main (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1430). V. brioche ex. 1, chair ex. 10, déjeuner2 ex. 6 :
1. Ce soir, Marguerite n'a pas eu le temps de faire de la cuisine, Gondran, pour son souper, mange un oignon cru. Il l'a coupé par le milieu. Il défait une à une les côtes concentriques, les trempe dans la salière et les croque.
GIONO, Colline, 1929, p. 28.
SYNT. Manger un fruit, un gâteau, un morceau de pain, un œuf, des pommes de terre, des restes, une tartine; manger son déjeuner, son dîner; manger du fromage, du pain, du poisson, de la purée, de la viande; manger de tout; manger de la bonne cuisine; n'avoir rien mangé depuis la veille; être bon, mauvais à manger.
Loc. (souvent au fig.)
Manger son blé en herbe/en vert. Manger des briques. Être bête à manger du chardon/du foin/de l'herbe.
Région. (Canada). Manger des coups, une dégelée, une raclée, la volée. Être battu (cf. Canada 1930 et R. Ling. rom. t. 43, 1979, p. 417).
Manger le Bon Dieu. Manger la laine sur le dos de qqn. Avoir mangé du lion.
Manger un morceau (fam.). Faire un petit repas. Entrer manger un morceau dans un restaurant (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 598).
Manger le morceau (fam. et pop.). Avouer. Un de ceux d'en face, chargé (...) de l'assassiner en simulant une fausse reddition, mangeait le morceau et réclamait une petite prime (L. DAUDET, Sylla, 1922, p. 119). [L'un des bandits] avait « mangé le morceau » et dénoncé ses complices (BOURGET, Conflits int., 1925, p. 213).
Manger son pain blanc le premier. Ne pas manger de ce pain-là.
Manger les/des pissenlits par la racine (fam. et pop.). Être mort et enterré. Être mort, cela s'appelle manger des pissenlits par la racine (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 686) :
2. — (...) il pense à tous les types qui essayeront de vous faire la cour pendant qu'il cassera des cailloux. — Ou qu'il mangera des pissenlits par la racine, dit Pinette qui ricanait toujours. — Je vous défends de vous faire tuer, s'écria-t-elle.
SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 134.
Ne rien manger. Manger très peu. Il ne mange rien (Lexis 1975).
Manger de la vache enragée.
Vieilli. ,,Savoir bien son pain manger`` (Ac. 1835, 1878), ,,Entendre bien ses intérêts`` (Ac. 1835, 1878).
Emploi pronom. passif. Vit-on jamais gigot faire mal à personne? Il se mange sans faim (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p. 153). Une tête de veau (...) Ou une tête de n'importe quoi qui se mange (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 96) :
3. Alexis (...) désigna du doigt une grosse courge : il ne savait pas très bien ce que c'était, mais sûrement cela devait pouvoir se manger...
TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 259.
P. ext. Avaler un aliment liquide. Manger du potage :
4. Nous mangeâmes de la soupe
Où lentilles et poireaux
Mêlaient leurs parfums farauds
À celui du pain qu'on coupe.
VERLAINE, Œuvres compl., t. 3, Invect., 1896, p. 392.
Loc. fam. Manger la soupe sur la tête de qqn. Être nettement plus grand que quelqu'un. Vos élèves vous mangent la soupe sur la tête (SARTRE, Sursis, 1945, p. 75).
P. anal. [Le compl. d'obj. désigne un mot ou un ensemble de mots] Mal articuler, prononcer précipitamment. Synon. avaler. Manger ses mots. Un bredouillement qui lui faisait manger la moitié des mots (A. FRANCE, Vie littér., t. 4, 1892, p. 311). V. ambassadeur ex. 10 :
5. ... un acteur qui vient de faire craquer ses bretelles, n'ose plus se présenter que de biais (...) et mange la moitié de ses répliques dans sa hâte à sortir de scène...
BERNANOS, Gde peur, 1931, p. 137.
Vx. ,,Cette voyelle finale se mange`` (Ac. 1835, 1878), ,,se dit D'une voyelle finale qui s'élide, qui ne se prononce pas, à cause de la rencontre d'une voyelle qui commence le mot suivant`` (Ac. 1835, 1878). ,,En français, l'E muet se mange devant une voyelle`` (Ac. 1835, 1878).
2. Emploi abs. L'obésité ne se trouve jamais (...) dans les classes de la société où on travaille pour manger et où on ne mange que pour vivre (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 221). On peut juger les hommes à la quantité de sérieux qu'ils montrent dans l'acte de manger (VALÉRY, Suite, 1934, p. 31) :
6. Il faisait manger le petit, essayait de manger lui-même, coupait la viande, la mâchait et l'avalait avec effort, comme si sa gorge eût été paralysée.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 601.
SYNT. Manger beaucoup, peu, trop; manger bien, mal; manger lentement, (trop) vite; manger debout; manger en silence; manger avec ses doigts; manger avec appétit, de bon, de bel appétit; manger avec avidité, excès, gloutonnerie; manger à sa faim, sans avoir faim; avoir assez à manger, n'avoir rien à manger; rester (plusieurs jours) sans manger; manger comme un chancre, comme un loup, comme un ogre, comme quatre; manger comme un oiseau; manger comme un cochon; manger sur le pouce; manger du bout des dents, à belles dents.
Locutions
L'appétit vient en mangeant. Il y a à boire et à manger. Manger à tous les râteliers.
Manger dans la main de qqn
[Le suj. désigne un animal] Être familier (avec quelqu'un). Je me souviens d'avoir eu pour ami (...) un chien, une levrette blanche (...); elle n'avait jamais mangé que dans ma main, répondu qu'à ma voix (LAMART., Jocelyn, 1836, p. 633). Je m'entendais tout à fait bien avec les pigeons (...) ils me mangeaient dans la main (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 431).
[Le suj. désigne une pers.] Au fig., fam. Être (trop) familier (avec quelqu'un), être servile. Un grand nombre m'eussent mangé dans la main ou frappé sur l'épaule. Nous sommes fort enclins, de notre nature, à la familiarité (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 43). Si le ministère de la guerre se laisse manger dans la main par les habits noirs, je suis mort (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 251).
Manger à la même écuelle.
En partic. Prendre un repas. On mange bien chez cette personne, chez ce restaurateur (Ac. 1835, 1878). Un homme qui, depuis dix ans, était reçu chez son père et chez lui, avait mangé vingt fois à leur table (GONCOURT, Journal, 1896, p. 963). Tous ces messieurs se lèvent (...) on mène manger le ministre, allons déjeuner! (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 300) :
7. Le soir, en mangeant, nous ne parlerons que l'anglais. Il ne sera répondu à aucune demande de pain ou de vin (...) si elle n'est pas exprimée dans la langue de Disraëli...
H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 48.
SYNT. Manger chaud, froid; manger gras, maigre; manger à la cuisine, à la cantine, au restaurant; manger seul, en compagnie de qqn; manger à la bonne franquette, à la fortune du pot; salle à manger.
Loc. Donner à boire et à manger.
B.— [Le suj. désigne gén. un animal] Dévorer (une proie, un être vivant). Son quatrième enfant, mangé au bord du Nil par un crocodile (GONCOURT, Journal, 1885, p. 518). Ah! Le vautour a mangé la colombe; le loup a mangé le mouton; le lion a dévoré le buffle aux cornes aiguës (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1118).
Locutions
Brebis comptées, le loup les mange. Qui se fait brebis, le loup le mange. Il veut le manger tout cru. À quelle sauce sera-t-il mangé?
Vieilli. ,,Être joli à manger, être à manger`` (Ac. 1835), ,,se dit D'un joli enfant, d'une jolie personne. On dit plus ordinairement, à croquer`` (Ac. 1835).
Vieilli. ,,Je n'ai garde de lui en parler, il me mangerait le blanc des yeux`` (Ac. 1835, 1878), ,,Il se courroucerait, il me querellerait`` (Ac. 1835, 1878).
Vieilli. ,,Manger les crucifix`` (Ac. 1835, 1878), ,,se dit en parlant Des hypocrites, des dévots outrés qu'on voit sans cesse agenouillés dans les églises`` (Ac. 1835, 1878).
Vieilli. [Par menace], ,,je le mangerais avec un grain de sel, à la croque au sel`` (Ac. 1835, 1878), ,,se dit D'un homme à qui l'on se croit très-supérieur en force`` (Ac. 1835, 1878).
♦ ,,Les gros poissons mangent les petits`` (Ac.), ,,Les puissants oppriment les faibles`` (Ac.).
Emplois pronom.
Emploi pronom. réfl. Se manger le(s) foie(s), les sangs.
Emploi pronom. réciproque dir. Les bêtes féroces (...) ne se mangent pas entre elles (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 499).
Loc. Les loups ne se mangent pas (entre eux). Les gens malhonnêtes ne se nuisent pas :
8. ... un homme sage va voir ses amis (...) et se fait conseiller par eux son abjuration, ils en deviennent les complices (...) et l'on convient alors (...) de se rendre des services mutuels. Les loups ne se mangent point.
BALZAC, Illus. perdues, 1839, p. 515.
Au fig. [Le suj. désigne des pers.] Se nuire. L'abbé Faujas a roulé l'abbé Bourrette (...) c'est amusant de voir les calotins se manger entre eux (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 1025).
Emploi pronom. réciproque indir., fam.
Se manger le nez. Se quereller. Au fond, Zola a une certaine appréhension de la publication des années où nous nous sommes légèrement mangé le nez (GONCOURT, Journal, 1893, p. 483). Il y a encore à Paris, des milieux charmants et libres où des gens d'opinions adverses, peuvent se rencontrer sans se manger le nez (L. DAUDET, Salons et journaux, 1917, p. 11).
Vieilli. Ils se sont mangé le blanc des yeux, ,,Ils se sont fortement querellés`` (Ac. 1835, 1878).
P. exagér. J'ai garde de lui en parler, il me mangerait (Ac. 1835, 1878). Combat pour l'existence, les maigres mangeant les gras, le peuple fort dévorant la blême bourgeoisie (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1524) :
9. ... il y aura tôt ou tard une guerre finale entre la France et sa voisine d'en face (...) on aura beau faire, il faudra que nous les mangions ou qu'ils nous mangent!
FEUILLET, Rom. j. homme pauvre, 1858, p. 310.
Fam. [Employé avec une négation, pour rassurer qqn] Il ne me mangera pas (Ac. 1935). Que te voilà devenue grande, Süzel, dit-il. Mais avance donc, n'aie pas peur, on ne veut pas te manger (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 29). Je ne te demande rien, moi, je n'ai pas la prétention de... que diable, je n'ai jamais mangé personne! (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 316) :
10. — (...) voilà un galopin que je laisse (...) en tête à tête avec notre curé. Le lendemain, plus de curé. Qu'est-ce qu'il en a fait, du curé? — Il ne l'aura pas mangé, votre curé, Madame Céleste!...
BERNANOS, Crime, 1935, p. 815.
Fam. [Le compl. d'obj. désigne une pers. considérée du point de vue de son appartenance à un groupe quelconque]. Manger de qqn. Être violemment hostile à quelqu'un. Manger du curé. L'esprit public est unitaire. Si l'on veut qu'il mange du prêtre, il ne faut pas lui mettre du Prussien sous la dent (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 158). Les patriotes professionnels (...) les littérateurs qui mettent chaque matin leur pyjama et leurs pantoufles rouges pour manger du boche (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 216).
Manger des yeux. Regarder avec avidité, convoitise. Mme Fouassin écoutait religieusement parler le camionneur et le mangeait des yeux (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 127) :
11. Voici qu'un vieux renard affamé de victimes (...)
Voit l'écureuil sur un rameau.
Il le mange des yeux, humecte de sa langue
Ses lèvres qui de sang brûlent de s'abreuver;...
FLORIAN, Fables, 1792, p. 135.
Manger de baisers, de caresses. Couvrir, combler de baisers, de caresses. Il (...) se mit à lui manger les mains de baisers, comme s'il eût voulu la dévorer (SAND, Maîtres sonneurs, 1853, p. 244). [Lourdes] cette terre mangée de baisers (BARRÈS, Amit. fr., 1903, p. 230). Vous êtes adorable, c'est bien simple, et (...) je vous mangerais de baisers si je ne craignais d'être indiscret (COURTELINE, Linottes, 1912, X, p. 137).
Emploi pronom. réciproque. Si je reste trois mois loin de mes parents, j'ai une grosse envie de les voir. Je me promets de bondir à leur cou comme un jeune chien. Nous nous mangerons de caresses (RENARD, Poil Carotte, 1894, p. 125).
♦ [Au cond.] Être attiré (par quelqu'un ou par quelque chose). On en mangerait. Sa sœur, si tendre qu'on l'eût mangée (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 149).
C.— Ronger; altérer, user lentement.
1. [Le suj., ou plus souvent le compl. d'agent, désigne un animal] Ronger. Étoffe mangée aux mites, aux rats; bois mangé des termites, aux vers, par les vers. Il donnait à rire par son feutre bossué et piteux, son plumet mangé des rats (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 36). Des chênes malingres, mangés de chenilles et n'ayant plus que la dentelle de leurs feuilles (GONCOURT, G. Lacerteux, 1864, p. 197). Des généraux du XVIIIe empaillés et fortement mangés aux vers (NIZAN, Conspir., 1938, p. 70).
Emploi pronom. réfl. indir. [Le suj. désigne une pers.] Il commençait à se manger un ongle, sans en avoir l'air, bien entendu. Et il a fini par avoir un panaris tournant à ce doigt-là (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 8).
P. exagér. Mordiller, serrer entre les dents. Se manger les poings d'impatience :
12. La tante Aurélie (...) se mordait cruellement un poing, les yeux terribles et fixes (...) pourquoi tante Aurélie se mangeait-elle la main, en regardant les vitres?
ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 3.
2. [Le suj. ou le compl. d'agent désigne gén. une chose] Altérer, user lentement. Plaque de fer mangée par la rouille, de rouille, par le temps. La rivière mange ses bords (Ac. 1835, 1878). La rouille mange le fer (Ac.). De vieilles, très vieilles collines, craquelées par le soleil et mangées par la pluie (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 53). Une marche au rebord limé, mangé par plusieurs générations de locataires (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 125) :
13. Un grand linceul blanc couvrait le cadavre (...). Ce linceul était presque complètement mangé à l'un des bouts, et laissait passer un pied de la morte.
DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 55.
3. [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou une partie du corps hum.]
a) [Le suj. désigne une maladie, un mal physique] Altérer, faire éprouver une sensation pénible. Face mangée d'anémie; être mangé de goutte, de rhumatismes, de petite vérole. Un ulcère lui mange la jambe (Ac. 1835). C'est un poste terrible (...). Nous sommes obligés de renouveler nos douaniers tous les deux ans. La fièvre des marais les mange (A. DAUDET, Lettres moulin, 1869, p. 100). Des malheureux mangés de plaies, mordus par les rats, brûlés par les punaises (FAURE, Hist. art, 1921, p. 140) :
14. ... il la retrouva [sa femme] de nouveau au centre de son désir, et avec un si soudain éclatement de douleur qu'il se mit à courir vers son hôtel, pour fuir cette atroce brûlure qu'il emportait pourtant avec lui et qui lui mangeait les tempes.
CAMUS, Peste, 1947, p. 1344.
b) Au fig. Altérer, modifier le comportement (de quelqu'un); posséder entièrement. Être mangé par la jalousie, la passion. Les entreprises de l'homme sont à la fois des projets et des fuites; il se laisse manger par sa carrière, par son personnage (BEAUVOIR, Deux. sexe, t. 2, 1949, p. 452) :
15. Il m'apprend qu'il a la grippe et qu'il est forcé de garder le lit. Il me semble qu'un prêtre mangé du zèle de la maison de Dieu aurait trouvé la force de célébrer la messe...
BLOY, Journal, 1899, p. 319.
D.— Anéantir, faire disparaître.
1. Faire disparaître à la vue. Ce moment entre le jour et la nuit où ne se voit plus que ce qui est de l'or : l'ombre avait mangé tout le bas de l'atelier (GONCOURT, Man. Salomon, 1867, p. 136). Un tunnel mange les wagons de tête; Brunet regarde le trou noir où le train s'engouffre (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 279) :
16. Elles ne veulent plus savoir si tu leur mens
Amour qui les courbas mieux qu'aucune prière
Quand la gare de l'Est eut mangé leurs amants...
ARAGON, Crève-cœur, 1941, p. 15.
P. anal.
♦ Recouvrir, cacher partiellement. Visage mangé de barbe, de poils; allée mangée par les mauvaises herbes, le chiendent; arbre mangé de lichens, de lierre, de mousse. Un cabinet de travail dont les murs sont mangés d'armoires, de livres, de tableaux, de dessins (GONCOURT, Journal, 1856, p. 249). La dernière page du mince cahier, tout mangé de son écriture secrète et des calculs aventureux (VALÉRY, Variété [I], 1924, p. 276). Maurice Barrès (...) rejetant une mèche noire qui lui mangeait le front (L. DAUDET, Clemenceau, 1942, p. 115). V. affité ex. :
17. ... malgré leur allure de fuite, la mer commençait à les couvrir, à les manger [les marins et leur bateau] comme ils disaient : d'abord des embruns fouettant de l'arrière, puis de l'eau à paquets...
LOTI, Pêch. Isl., 1886, p. 83.
♦ [Le suj. désigne les yeux] Avoir une importance très grande (au détriment du reste du visage). Ces visages, mangés par des yeux immenses, par des yeux fous (HUYSMANS, A rebours, 1884, p. 85). Il est blême, avec de grands yeux cernés qui lui mangent les joues (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 129).
♦ [Le compl. d'obj. désigne une couleur ou une chose considérée du point de vue de sa couleur] Altérer, décolorer. Le soleil mange les couleurs (Ac. 1935). Son gilet rouge tout effiloqué, dont la couleur n'apparaissait que de place en place, mangée de soleil et de fange (A. DAUDET, Jack, t. 1, 1876, p. 162). Ciel bleu, mangé déjà par un soleil très chaud, bien qu'il ne fût que huit heures du matin (MORAND, Fin siècle, 1957, p. 56) :
18. Il voulut la voir [la Cité] à midi, sous le soleil frappant d'aplomb, mangée de clarté crue, décolorée et muette comme une ville morte...
ZOLA, Œuvre, 1886, p. 253.
2. [Le compl. d'obj. désigne une somme d'argent ou une chose ayant une valeur marchande] Dépenser, dilapider. Manger de l'argent; manger son argent, son capital, la dot de sa femme, sa fortune, sa paie, son patrimoine, ses rentes (jusqu'au dernier sou, en folles dépenses). Tu viendras me voir quand ta bonne maman t'aura envoyé de l'argent... Jusque-là, tu comprends, je ne veux pas te manger le peu qui te reste (KOCK, Compagn. Truffe, 1861, p. 23). Daguenet, un garçon qui avait mangé trois cent mille francs avec les femmes (ZOLA, Nana, 1880, p. 1101) :
19. À défaut de frais plus considérables, et moins voluptueuse que Cléopâtre, elle aurait trouvé le moyen de manger en pneumatiques et en voitures de l'Urbaine des provinces et des royaumes.
PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 47.
Loc. Manger la grenouille.
[P. méton.], vieilli
♦ [Le compl. d'obj. désigne une pers. considérée du point de vue de sa fortune] Faire faire de grosses dépenses à quelqu'un, le ruiner. Ses valets le mangent, ses chevaux, ses chiens le mangent, les femmes le mangent (Ac. 1835, 1878). Elle venait de manger le prince et Steiner à des caprices d'enfant, sans qu'elle sût où l'argent passait (ZOLA, Nana, 1880, p. 1264). Bonheur des dames (...) formidable machine vivante qui broie dans ses engrenages et qui mange les petits boutiquiers (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 262).
♦ [Le suj. désigne une chose] Faire dépenser (beaucoup d'argent). Les honoraires du médecin (...), les petites dettes de quinzaine (...), tout cela m'a mangé les 100 ou 150 francs d'économie que j'avais (VILLIERS DE L'I.-A., Corresp., 1889, p. 285).
3. [Le suj. désigne une chose] Consommer, utiliser pour son fonctionnement, sa croissance. Les arbres mangent le suc de la terre (Ac. 1835, 1878). Ce poêle mange bien du charbon (Ac. 1935). Le foyer mangeait ses cinq mille kilogrammes de houille par jour (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1367) :
20. Là où le patron a tort, c'est quand il s'obstine (...) à employer un calicot de mauvaise qualité. Le tissu mange plus de couleur...
ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 78.
Loc., fam. Cela ne mange pas de pain. Cela ne coûte rien, ne demande aucun entretien. Je viendrais à vendre (...) ma petite maison de Belleville (...) j'emporterais ce tombeau. On met cela dans un grenier, ça ne mange pas de pain; c'est une bague au doigt (LECLERCQ, Prov. dram., Mme Sorbet, 1835, 6, p. 146).
4. [Le compl. d'obj. désigne une durée] Faire perdre, occuper. Activité qui mange du temps. J'ai à dix heures des ambassadeurs qui vont me manger ma matinée (CHATEAUBR., Corresp., t. 4, 1823, p. 340). J'ai peur de votre paresse que vous nommez rêverie, de vos conceptions qui mangent tant d'heures pendant lesquelles vous regardez le ciel (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 67) :
21. Le temps mangé par les lettres, les visites, les coups de téléphone, qu'on me le rende : j'en ferais bien une petite vie, j'y retrouverais des années.
GREEN, Journal, t. 6, 1954, p. 321.
5. Fam. Manger des kilomètres. Parcourir beaucoup de kilomètres. Synon. pop. et arg. bouffer des kilomètres. La machine mangeait une honnête ration de kilomètres, elle escaladait vaillamment les cols (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 218).
6. [Le compl. d'obj. désigne une chose abstr.] Oublier. Manger la consigne. Si vous voyez ma vieille bonne, ne lui dites rien (...) pour la commission mangée de ce matin (...) c'est une vieille garce, mais je tiens à elle (VIALAR, Dansons, 1950, p. 225).
REM. 1. Mangearde, subst. fém. [Relevé seulement chez Flaubert] Femme qui cause du tort aux hommes. Le père du jeune homme avec qui elle a eu son aventure craint qu'elle ne l'accapare et fait tout ce qu'il peut pour rompre cette union illicite. Sens-tu la beauté du père qui a peur de la mangearde? (FLAUB., Corresp., 1845, p. 163). La certaine femme dangereuse pour le bon sujet, la « mangearde » que redoute tant le bourgeois pour son enfant, celle qui lui fait perdre à la fois son temps et son argent, le dérange dans ses études, lui communique l'amour du luxe et du jeu (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 185). 2. Mangement, subst. masc. Action de manger, fait d'être mangé. [Correspond à supra D]. L. Daudet (...) m'entretient des folies du petit Hugo (...) et des formidables dettes qu'il contracte, et des billets fantastiques qu'il signe après une bouteille de champagne, enfin du mangement prochain de sa fortune (GONCOURT, Journal, 1890, p. 1125). Daudet et moi, nous nous élevons aujourd'hui avec une espèce de colère contre ce mangement de l'esprit français à l'heure actuelle par l'esprit étranger (GONCOURT, Journal, 1891, p. 86).
Prononc. et Orth. :[], (il) mange []. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. : prend un e devant a et o : mangeant, mangeons. Étymol. et Hist. 1. Fin Xe s. « mâcher et avaler des aliments » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 101); 2. a) ca 1236 « user, entamer » (GUILLAUME DE LORRIS, Rose, éd. F. Lecoy, 377); b) 2e moitié XIIIe s. « dépenser (une somme d'argent) en nourriture » (Des trois avugles de Compiengne, 184 ds Fabliaux fr. du Moy. Âge, éd. Ph. Ménard, p. 114); c) 1422 (Inv. des tapiss. de Ch. VI, Bibl. Ec. des Ch., XLVIII, 431 ds GDF. Compl. : pieces ... mengees de vers); d) av. 1679 (RETZ, Mémoires, éd. A. Feillet et J. Gourdault, t. 3, p. 296 : Il mangea la moitié de ce qu'il avoit à dire); e) 1798 arg. manger le morceau (MERCIER, Nouv. Par., t. II, p. 74 ds BRUNOT, t. 10, p. 237); 3. 2e moitié XIIIe s. « gratter, causer des démangeaisons » (Du plait Renart de Dammartin ds JUBINAL, Nouv. rec. de contes, dits, fabliaux, t. 2, p. 26), seulement au Moy. Âge (v. T.-L.), ne subsiste que dans le dér. démanger. Du lat. manducare de manducus désignant un personnage de comédie, caractérisé par sa gloutonnerie, attesté dep. Plaute, dér. de mandere, d'abord « mâcher » puis « dévorer, manger », littéralement « jouer des mandibules, jouer des mâchoires » d'où « mâcher » depuis Lucilius et « manger » dans une lettre de l'empereur Auguste transcrite par Suétone (duas buccas manducavi « j'ai mangé deux bouchées » expr. volontairement pop.); manducare verbe expressif, s'est substitué dans la lang. pop. à edere, en raison de l'irrégularité de la flexion de ce verbe aux formes surtout monosyllabiques et de l'homon. de certaines formes avec le verbe esse. Dès le 1er s. apr. J.-C. l'usage distingue comedere employé dans la lang. soutenue et manducare employé dans la lang. vulg.; ainsi Pétrone emploie-t-il surtout le premier et notamment dans la lang. soutenue du récit tandis qu'il place manducare dans la bouche de personnages vulgaires, v. A. STEFENELLI, Die Volkssprache im Werk des Petron, pp. 64-67. Cet usage est confirmé par l'emploi nettement préférentiel de comedere dans la Vulgate auquel correspond celui de manducare dans l'Itala (v. A. BEYER, Die Verba des « Essens » ds Leipziger romanistische Studien, t. 9, 1934, p. 22). Dans les lang. rom., manducare vit dans le fr. manger, le roumain mânca, l'a. ital. man(d)ucare, man(d)icare, le logoudorien mandicare, mannicare, le prov. manjà tandis que l'esp. et le port. comer sont les représentants de comedere.
DÉR. Mangeo(t)ter, (Mangeoter, Mangeotter)verbe intrans., fam. Manger peu, souvent ou sans appétit. Le malade commence à mangeoter (BESCH. 1845). C'est là un des plus vifs plaisirs de mon enfance de buvoter, de mangeoter en lisant (MICHELET, Journal, 1823, p. 120). Rem. Pour les dict. (dont Ac. 1935), le verbe est trans. [], (il) mangeotte []. Att. ds Ac. 1935. 1re attest. 1787 mangeoter (FÉR. Crit.) [qui le qualifie de ,,provincial``]; de manger1, suff. -otter.
BBG. — DE KOCH (J.). À propos de deux descriptions de la forme pronom. du verbe en fr. Orbis, 1971, t. 20, n° 1, p. 20. — GAK (V. G.). On the problem of general semantic laws. Linguistics. La Haye. 1976, n° 182, pp. 46-47. — QUEM. DDL t. 1, 4, 9, 10, 15, 17. — ROHLFS (G.). Die lexikalische Differenzierung der romanischen Sprachen. Versuch einer romanischen Wortgeographie. München, 1974, p. 36. — SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 68. — WARTBURG (W. von). Problèmes méthodes ling. 1946, p. 107.
II.
⇒MANGER2, subst. masc.
A. — Nourriture, mets. Les petites fèves de marais (...) quand elles sont encore vertes, c'est un manger des dieux (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 219). Le petit maçon (...) préparait la soupe (...). Il mettait toute son âme à bien soigner ce manger, dont les copains regardaient avidement la vapeur (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 59):
♦ À toute heure du jour, des équipes d'ouvriers vont et viennent le long des cafés au front bas où l'on peut «apporter son manger»...
FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 21.
Locutions
Vx. ,,À petit manger bien boire`` (Ac. 1835, 1878). ,,Quand on a peu à manger, on s'en dédommage en buvant beaucoup`` (Ac. 1835, 1878).
En oublier, en perdre le boire et le manger.
B. — Repas. Les idées affluent chez l'homme après le manger. La pensée sort de la digestion (GONCOURT, Journal, 1864, p. 47).
Rem. V. blanc-manger, garde-manger.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Fin Xe s. (Passion, éd. D' Arco Silvio Avalle, 91). Substantivation de manger1.
STAT.Manger1 et 2. Fréq. abs. littér.: 14 951. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 12 895, b) 27 546; XXe s.: a) 30 815, b) 19 283.

1. manger [mɑ̃ʒe] v. tr. [CONJUG. bouger.]
ÉTYM. XIIIe, aussi « entamer »; fin Xe, mangier; du lat. pop. manducare, rac. mandere « mâcher ». → Manducation.
1 a Avaler pour se nourrir (un aliment solide ou consistant) après avoir mâché. Absorber, avaler, consommer, dévorer, ingérer, ingurgiter, prendre; fam. becqueter, bouffer, boulotter. → S'enfiler, s'enfoncer, s'envoyer, se taper, se mettre dans le cornet, dans le fusil, dans la tirelire, etc. || Manger un aliment dur, qu'on doit mâcher ( Croquer, grignoter, gruger (vx), mâcher, mastiquer, ronger). || Manger une purée, une soupe, un œuf. || Manger qqch. sans mâcher, d'un seul coup, en l'avalant tout rond ( Avaler, gober). || Manger une friandise à petites bouchées, en la dégustant ( Déguster, savourer).Ce que l'on mange ( Aliment, mets, nourriture, pitance; → pop. Becquetance, bouffe…). || Chose bonne à manger ( Comestible, mangeable), mauvaise à manger. Immangeable, incomestible. || Manger de bonnes choses, des choses saines (→ Bon, cit. 11), un mets friand (cit. 9), délicieux, excellent ( Régal). || Qui mange d'une chose. les suff. -phage, -vore.Manger du pain, un pain (→ Bon, cit. 116; cherté, cit. 1). Allus. hist. || « S'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche (cit. 1). » || Manger du pain trempé dans un liquide. Trempette.Ne manger que les croûtes. || Manger de la chair (cit. 64), de la viande (→ Boudin, cit. 1; bouilli, cit. 2; gigot, cit. 2; grillade, cit.). || Manger le maigre, le gras… || Manger du poisson, du homard (cit. 3 et 4), des huîtres… || Ne manger que des végétaux. Végétarien, végétalisme, végétarisme. — ☑ Allus. bibl. Les pères ont mangé des raisins verts… (→ Agacer, cit. 1).Manger des gâteaux, des bonbons (cit. 3), une glace (cit. 14). || Manger de qqch. || Avez-vous mangé de ce plat ? Goûter (à), prendre (de), tâter (à). || Manger de tous les plats (→ Faire honneur à…). || Manger sa part, sa ration.Fam. Manger un morceau : faire un repas léger (→ Casser une croûte). || Manger tout le plat, tout manger (→ Nettoyer le plat, faire un sort à…). || Il mange tout ce qui lui tombe sous la dent. || Se servir d'un mets plus qu'on n'en pourra manger (→ Avoir les yeux plus gros que le ventre, la panse). || Commencer à manger qqch. Attaquer, entamer. || Ne rien manger. Toucher. || Tout ce qu'il mange lui reste dans la gorge (→ Arrêter, cit. 60). || Digérer ce que l'on a mangé. || Il ne mange rien : il mange très peu.Il mange de tout, il n'est pas difficile. || Le médecin ne lui permet pas de manger de tout ( Régime).Donner à manger à qqn. Nourrir (→ Boire, cit. 5).Il y a qqch. à manger, il y a à manger (→ Bousculer, cit. 4).Fig. Il y a à boire et à manger.Pas de quoi manger (→ Approche, cit. 18). || N'avoir rien à manger, à se mettre sous la dent. Buffet (danser devant le), ceinture (se mettre la); claquer (du bec), crever, mourir (de faim).
1 Certain jour (…) qu'on le voulait faire téter une de ses vaches (…) il (…) vous prend ladite vache par-dessous le jarret et lui mangea les deux tétins et la moitié du ventre, avec le foie et les rognons (…)
Rabelais, Pantagruel, IV.
2 Nous prenions les berniques au bout de nos couteaux, et nous les mangions toutes vivantes, en mordant à même dans nos tartines.
Loti, Mon frère Yves, XXI.
3 On peut aller manger un morceau chez le mastroquet dont la devanture brille en face (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, XVII, p. 199.
Manger son déjeuner, son dîner. Repas (→ Agape, cit. 2). || Manger la Pâque (→ Ceindre, cit. 6).Manger de la bonne cuisine (→ Fameux, cit. 7). || Manger de la tambouille. Par plais. || Manger des calories (cit. 3).
4 (…) vraiment il n'y a qu'une mère qui puisse savoir dans certains cas faire manger en entier le repas à un enfant qui s'impatiente.
Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, Pl., t. I, p. 278.
Animal qui mange de la viande, de la chair ( Carnassier [cit. 1], carnivore; proie), des fruits, des plantes, de l'herbe ( Frugivore, herbivore…; brouter, paître, pâturer, viander). || Manger l'herbe d'autrui (cit. 8, La Fontaine). || Manger du foin (→ Imputer, cit. 5).
5 Eh bien ! ne mangeons plus de chose ayant eu vie;
Paissons l'herbe, broutons; mourons de faim plutôt.
La Fontaine, Fables, X, 5.
Loc. métaphorique et fig. Manger son pain blanc le premier.Manger son pain à la fumée (cit. 9) du rôt.Je ne mange pas de ce pain-là. Pain.Relig. || Manger le pain de vie ( Manducation). || « Qui mange ma chair et boit mon sang… » (→ Eucharistie, cit. 1 et 2). — ☑ Vulg. Manger le bon Dieu : communier.
6 (Elles) sont allées manger le bon Dieu à Saint-Étienne dès huit heures.
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 878.
Manger son blé en herbe (cit. 20), en vert (→ Fantaisie, cit. 17; froment, cit. 1). — ☑ Être bête à manger du foin. — ☑ Manger les pissenlits par la racine. — ☑ Manger la laine (cit. 11 et 13) sur le dos, manger la soupe sur la tête de qqn. — ☑ Manger de la vache enragée. — ☑ Manger le morceau (→ Se mettre à table). — ☑ Manger la grenouille (cit. 6).
Fam. Manger la soupe sur la tête de (à) qqn, le dépasser (en taille).
Vx ou régional. Manger le vert et le sec : dilapider tout son avoir (ce qu'on vient de gagner : le vert, comme ses économies : le sec).
6.1 Cependant, le fabricant de chaussures mangeait le vert et le sec pour son amie de Paris.
M. Aymé, Maison basse, p. 150.
b Porter à la bouche, mâchonner sans avaler. || Cesse de manger tes cheveux !
6.2 Quand tu manges tes perles, c'est que cela va mal.
J. Anouilh, le Bal des voleurs, p. 178.
2 Dévorer (un être vivant, une proie). || Manger une proie. || Cannibales, anthropophages qui mangent leurs prisonniers. || « On tira à la courte paille, pour savoir qui serait mangé » (vers de la chanson enfantine « Il était un petit navire »).Le loup, le lion mange les moutons (→ Arriver, cit. 69; emporter, cit. 1; espèce, cit. 8).Prov. Qui se fait brebis, le loup le mange.Brebis comptées, le loup les mange.Le chat mange les souris.Les gros poissons mangent les petits. || Être mangé par les poissons (→ Fortune, cit. 17). — ☑ Loc. plais. Il deviendra quelqu'un, si les petits cochons ne le mangent pas ! : on entendra parler de lui, si sa carrière ne tourne pas court.
7 Qu'importe qui vous mange, homme ou loup ?
La Fontaine, Fables, X, 4 (→ Jour, cit. 34).
8 (…) les Iroquois mêmes, qui mangent leurs prisonniers, en ont un (droit des gens).
Montesquieu, l'Esprit des lois, I, III.
(1694). Fig. Manger quelqu'un des yeux, le regarder avidement, avec admiration, amour, convoitise, désir… Dévorer (des yeux).(1873). || Manger quelqu'un de baisers, de caresses (cit. 2), l'en couvrir, l'en accabler.Absolt. (→ Bouchonner, cit. 2, Molière). || Ce bébé est adorable, on le mangerait ! Adorable, charmant (→ Il est à croquer). — ☑ Loc. On en mangerait ! : c'est appétissant, attrayant.
9 Cette bonne petite princesse (Mademoiselle de Blois) est si tendre et si jolie, que l'on voudrait la manger.
Mme de Sévigné, 765, 27 déc. 1679.
Fam. || Manger qqn, s'emporter contre lui.
10 Eh ! ne me mangez pas, Monsieur, je vous conjure.
Molière, l'École des femmes, II, 2.
Manger qqn, le mettre à mal, l'abattre (→ Hâbleur, cit. 3), le dépouiller, l'éliminer…Il veut le manger tout cru.À quelle sauce sera-t-il mangé ?
11 J'admire le train de la vie humaine ! Nous plumons une coquette; la coquette mange un homme d'affaires; l'homme d'affaires en pille d'autres : cela fait un ricochet de fourberies le plus plaisant du monde.
A. R. Lesage, Turcaret, I, 10.
12 (…) le temps est venu où tous les philosophes doivent être frères, sans quoi les fanatiques et les fripons les mangeront tous les uns après les autres.
Voltaire, Correspondance, 1768, 11 août 1760.
(1868). Il ne vous mangera pas : il n'est pas si terrible que vous le croyez, ne soyez pas intimidé, ne craignez rien de lui. || Je ne vais pas te manger !
12.1 — Eh bien, tu as peur que je te mange ?
— Non, dit l'enfant, j'ai pas peur.
— Alors, dis-moi où je vais, par là.
— Je ne sais pas, dit l'enfant.
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 35.
Fig. (en franç. d'Afrique). Manger l'âme, le cœur, le sang de qqn, l'envoûter, le détruire par sorcellerie.
(1896). Manger du prêtre, du curé : être violemment anticlérical. Syn. (plus fam.) : bouffer du curé.
13 (…) le vieux Jeannin mangeait volontiers du prêtre, mais il savait aussi manger avec le prêtre, quand le prêtre mangeait bien (…)
R. Rolland, Jean-Christophe, Antoinette, p. 830.
3 Absolt. Absorber, prendre des aliments (en général, et notamment au cours d'un repas). Alimenter (s'), nourrir (se), et les pop. becqueter, bouffer, boulotter, brichetonner, briffer, casser (la croûte, la graine), croustiller, croûter, grailler, tortorer; et aussi bec, bouche, gueule. || Désir, envie, besoin de manger. Appétit (cit. 6 et 16), faim (cit. 3, 5, 8 et 16).L'appétit (cit. 17) vient en mangeant. || Manger au-delà du besoin (→ Aliment, cit. 1). || Manger et boire. || Manger sans boire → Faire un repas de brebis. || « Il faut manger pour vivre (→ Frugalité, cit. 1) et non pas vivre pour manger » (Molière). || On ne s'ennuie (cit. 20) point de manger tous les jours. || Manger abondamment (cit. 1), avidement (cit. 6), avec avidité (→ Tomber sur les plats). || Manger beaucoup, avec excès, gloutonnement (cit. 1), goulûment (cit. 1), avec voracité… Bâfrer, bouffer, bourrer (se), boustifailler, briffer, dévorer, empiffrer (s'), emplir (s'), engloutir (cit. 2 et 3), 2. friper, gaver (se), goberger (se), gobichonner, godailler, goinfrer (se), gorger (se), gueuletonner, lester (se), piffrer (se).(fam. ou pop.) Affûter ses meules, s'en donner par les babines, se caler les joues, s'emplir, se garnir, se remplir l'estomac, le jabot, la panse, le sac, le ventre; s'en coller dans le fusil; s'en foutre, s'en mettre jusque-là, jusqu'aux yeux, plein la gueule, la lampe, la panse; s'en donnerjusqu'à la garde; jouer, travailler de la mâchoire, des mandibules; se taper la tête, la cloche… || Personne qui mange beaucoup, exagérément. Avaleur, bâfreur, glouton, goinfre (cit. 4 et 5), goulu (cit. 1), mangeur (gros), morfal (fam.), ogre. || Repas où l'on mange beaucoup. Repas; bombance (faire), gueuleton, ripaille, ventrée…Manger (bouffer) comme un chancre. || Manger de bon appétit, de grand appétit, avec appétit (→ Couper, cit. 3), en faisant honneur (cit. 98 et 99) aux plats (→ Avoir un bon coup de fourchette; bien se tenir à table).Manger à belles dents, de toutes ses dents. || Manger à en crever (cit. 12), à éclater ( Surcharger [son estomac]), à se faire péter la sous-ventrière; à ventre déboutonné. || Trop manger, manger à s'en ruiner la santé (→ Creuser sa fosse avec ses dents). || Attaquer, entamer, manger comme quatre.(1835). || Manger haut (cit. 116), bruyamment, salement, comme un cochon. Gargoter (vx).(1893; 1873, manger sa faim). || Manger à sa faim, à satiété, tout son soûl. Rassasier (se), repaître (se), repu. || Manger pour reprendre des forces. Refaire (se), restaurer (se), sustenter (se).Bien manger. Chère (faire bonne chère, chère lie). || Manger avec plaisir, avec raffinement. Régaler (se). || Art de bien manger. Gastronomie (cit.), table (fig.). || Plaisir de manger. || Aimer à manger, à bien manger. Gastronome (cit. 1 et 3), gastrolâtre, gourmand (cit. 1, 3 et 4), gourmet, gueule (fine). || Restaurant où l'on mange bien.Manger chaud, froid, gras, maigre.Se lécher les babines après avoir bien mangé. || Avoir trop mangé (→ Avoir le ventre comme une outre, comme un tambour).Manger peu, sans appétit, du bout des dents. Chipoter, grignoter, mangeotter, pignocher. || Qui mange peu, raisonnablement, sans excès. Frugal, sobre.Manger comme un oiseau, très peu.Ne pas manger, se priver de manger. Abstinence, diète (cit. 5); jeûne, jeûner (→ Avoir, cit. 35). || Sans avoir mangé. Jeun (à). || Bien manger après avoir fait abstinence. Décarêmer (se), vx.Ustensiles servant à manger (couteau, cuiller, fourchette… Service, table, vaisselle).Faire manger un enfant.
14 Pour moi je ne mange jamais trop tard; l'appétit me vient en mangeant, et point autrement; je n'ai point de faim qu'à table.
Montaigne, Essais, III, IX.
15 La modération est comme la sobriété : on voudrait bien manger davantage, mais on craint de se faire mal (…)
La Rochefoucauld, Maximes supprimées, 566.
16 Les animaux se repaissent; l'homme mange; l'homme d'esprit seul sait manger.
Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es.
Le Créateur, en obligeant l'homme à manger pour vivre, l'y invite par l'appétit, et l'en récompense par le plaisir.
Ceux qui s'indigèrent ou qui s'enivrent ne savent ni boire ni manger.
A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, « Aphorismes… », III, IV, V, X.
17 On mangeait à la maison avec une rare propreté et des soins recherchés. On me recommandait par exemple de ne faire aucun bruit avec la bouche.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 9.
18 Jusqu'au soir, on mangea.
Flaubert, Mme Bovary, I, IV.
19 Chargé d'un service d'information, il ne dort plus, il ne mange plus, met sur les dents hommes et bêtes.
Alphonse Daudet, la Petite Paroisse, X.
20 Mélanie prit le pain (…) Puis elle se servit de la salade et elle commença à manger. Elle mangeait avec une grande lenteur, régulièrement, d'un air grave, la tête baissée sur son assiette. De ses mains osseuses elle brisait le pain par petites bouchées.
H. Bosco, Hyacinthe, p. 202.
Allusion biblique :
21 Mangeons et buvons, car demain nous mourrons !
Bible (Segond), Ésaïe, XXII, 13.
22 (…) celui qui ne veut point travailler, ne doit point manger.
Bible (Sacy), IIe Épître de saint Paul aux Thessaloniciens, III, 10.
Loc. fig. (1835). Il y a à boire et à manger, du bon et du mauvais.
(En parlant des animaux). || Le troupeau mange dans les friches (cit. 3). Paître. || Bassin, récipient, où mangent les bêtes. Auge, mangeoire. || Donner à manger aux bêtes. || Faire manger les oiseaux, leur donner à manger. Appâter (→ Jeter, cit. 11). || Faire manger de force. Gaver, gorger. || Bêtes qui viennent manger dans la main. — ☑ Loc. fig. Manger à tous les râteliers. — ☑ Vx. Manger à l'auge. — ☑ Manger dans la main de qqn : être d'une grande familiarité.
23 J'avais été dans l'obligation de me créer une auréole de crainte; autrement, surgi comme je l'ai fait du milieu de la multitude, un grand nombre m'eussent mangé dans la main et frappé sur l'épaule.
Napoléon, in Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, De Brumaire à Marengo, VI.
4 Prendre un repas, ses repas. Collationner, déjeuner, dîner, souper. || S'attabler (cit. 1) pour manger. Table (se mettre à). || Les convives mangeaient à deux tables (→ Hausser, cit. 1). || L'heure de manger. || Inviter qqn à manger. || Manger ensemble ( Commensal, convive, convivialité; tablée). || Manger en tête à tête avec qqn (→ Communion, cit. 2). || La bonne mangeait avec ses patrons (→ Hôte, cit. 4).Manger chez soi, chez des amis, en famille, en ville, à la cantine (cit. 2), à la gamelle, au mess, à l'ordinaire, au réfectoire, au restaurant, au buffet…Salle à manger.Manger à la table d'hôte (cit. 4). || Manger à la carte, à prix fixe, au menu. || Parasite, pique-assiette qui mange chez les uns et les autres. || Donner à manger à des clients. Traiter; restaurateur, traiteur.Manger sans cérémonie, à la fortune (cit. 19) du pot, à la bonne franquette.Manger rapidement, sur le pouce. || Avoir fini de manger (→ Sortir de table). || Il partira après, avant manger.
24 (…) vous m'avez hier donné parole de venir manger avec moi.
Molière, Dom Juan, V, 6.
25 (…) il est du dernier ignoble et tout à fait indigne d'un homme qui fait profession de sensualité élégante de manger autrement qu'aux bougies.
Th. Gautier, Fortunio…, XVI.
25.1 reste un peu ici
je peux pas je reviendrai après manger (…)
Tony Duvert, Paysage de fantaisie, p. 67.
5 (1422, p. p.). Ronger (insectes, rongeurs). || Les mites ont mangé la couverture. || Être mangé aux rats, par les rats.Cadavre mangé des vers (→ Hautain, cit. 4, Malherbe).
26 Quelques touffes de cheveux qu'on dirait mangées aux mites.
G. Duhamel, Salavin, Journal, 24 janv.
(V. 1240). Par ext. (surtout au p. p.; qualifiant des choses). Attaquer, entamer. || Plaque de fer mangée par la rouille (→ Café, cit. 7). || Muraille mangée d'une lèpre jaune (cit. 2).Peau mangée d'ulcères. || Chat mangé de gale (→ Galeux, cit. 2).
27 (…) le meuble, caché sous des housses blanches, dormait discrètement dans le demi-jour des persiennes toujours tirées, pour que la clarté trop vive ne mangeât pas le bleu tendre du reps (…)
Zola, le Ventre de Paris, t. I, II, p. 86.
Fig., fam. || Être mangé par la maladie, par la passion. Dévorer; ronger. — ☑ Manger le sang, les sangs de qqn, le miner, détruire ses forces (→ Étique, cit. 2). || La maladie, l'inquiétude lui mangent les sangs. — ☑ Se manger les sangs : se faire beaucoup de souci.
28 (…) ne vous mangez pas les sangs comme ça, reprit Madame Olivier. Madame vous aime et n'aime que vous (…)
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 299.
29 S'il avait pu voir ce que j'avais dans le cœur, mon pauvre Sylvinet, c'est du coup qu'il aurait été mangé par la jalousie.
G. Sand, la Petite Fadette, XX.
30 Il était malade. Une sorte de douleur sombre et sourde lui mangeait le foie.
J. Giono, Jean le Bleu, IX.
6 (1682, mar.). Faire disparaître en cachant, en recouvrant. || Chemin que mangent les herbes folles (→ Labyrinthe, cit. 11).Au p. p. || Navire mangé par la mer, par les lames. || Visage mangé de barbe (→ Dandiner, cit. 2). || Front mangé par une frange (→ Chafouin, cit. 2).
31 On est sous l'ombre que donne la haute église mangée par le lierre.
J. Giono, Regain, II, III.
Loc. fig. (En parlant d'yeux très grands qui font oublier le reste du visage.)
32 Ses yeux étonnés mangeaient l'étroit visage (…)
Montherlant, le Songe, I, II.
(1752). Fig. || Manger l'espace ( Dévorer), des kilomètres ( Avaler).
7 (1669). Fig. Manger ses mots, la moitié des mots, les prononcer indistinctement. Bredouiller. — ☑ Manger la consigne. Oublier, transgresser.
8 (1660). Absorber, consommer, user. || Le foyer (cit. 6) mangeait ses cinq mille kilos de houille. Consommer, consumer.
Loc. fig. Ça ne mange pas de pain ! : ça ne coûte rien.
(V. 1240). Fig. Manger du temps : faire perdre du tempsMa matinée a été mangée par la correspondance (cit. 6).
33 L'humble prêtre (…) balbutiait (…) qu'à lui aussi la lecture mangeait du temps.
Alphonse Daudet, la Petite Paroisse, XIV.
(1538; p. p., fin XVe). Spécialt. Dépenser, dilapider, dissiper.Manger son capital, sa fortune, son argent, son héritage… Claquer (fam.). → Dégourdir, cit. 5; gaupe, cit. 2. || Il a mangé ses économies, ses quatre sous… ( Mange-tout).
34 Par plaiderie on peut manger son bien (…)
Clément Marot, Épîtres, XIV.
35 (…) un débauché, un traître, qui me mange tout ce que j'ai ? — Tu as menti, j'en bois une partie.
Molière, le Médecin malgré lui, I, 1.
36 Jean s'en alla comme il était venu,
Mangea le fonds avec le revenu (…)
La Fontaine, Pièces diverses, II, « Épitaphe d'un paresseux ».
37 Celui qui mange dans l'oisiveté ce qu'il n'a pas gagné lui-même le vole (…)
Rousseau, Émile, III.
38 Les femmes s'entendent bien plus à manger une fortune qu'à la faire.
Balzac, Mme Firmiani, Pl., t. I, p. 1043.
39 Au bout de vingt ans, si le travail marchait, ils pouvaient avoir une rente, qu'ils iraient manger quelque part, à la campagne.
Zola, l'Assommoir, t. I, IV, p. 137.
Fam. Manger de l'argent, en perdre, faire une opération déficitaire. || Même en vous faisant ce rabais, il ne mange pas d'argent.
9 Manger qqn, son argent, le ruiner, lui prendre toute sa fortune. || Le fisc (cit. 2) mange les fortunes privées (→ Indirect, cit. 5). || L'amour du jeu le mange (vieilli). || On nous mange, on nous gruge (cit. 2).
——————
se manger v. pron.
(sens passif). || Le fromage se mange avant le dessert.(Sens récipr.). || Cannibales qui se mangent les uns les autres (→ S'entre-manger).Les loups ne se mangent pas entre eux.Fig. → Calomnier, cit. 3. — ☑ Se manger le blanc (cit. 23) des yeux, se manger les yeux. — ☑ Se manger le nez.
40 Est-ce drôle que vous vous mangiez toujours entre femmes !
Zola, Nana, VIII.
41 Vous me faites songer à Robinson Crusoé qui détruisait les sauvages à coups de mousquet pour les empêcher de se manger entre eux.
G. Duhamel, Salavin, V, IX.
CONTR. Jeûner.
DÉR. Mangeable, mangeaille, mangerie, mangeoire, mangeure.
COMP. Bien-manger. Entre-manger (s'). Mange-mil.
————————
2. manger [mɑ̃ʒe] n. m.
ÉTYM. V. 980, mangier; du précéd.
1 Vieilli. Ce que l'on mange, ce dont on se nourrit (→ Chambarder, cit. 2). || Le manger et le boire (2. Boire, cit. 1). 2. Bouffe.Mod., pop. Repas. || Préparer le manger. || On peut apporter son manger.
0 (…) ces violoneux qui viennent d'Italie (…) et paient avec de la musique pour le sommeil et leur manger.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, XXIV.
2 (Fin XIe). Action de manger (→ Homme, cit. 74; ingestion, cit.). || Les règles du manger et du boire (→ Contrevenir, cit. 2). — ☑ En oublier, en perdre le boire et le manger (→ Étuver, cit. 2).
COMP. Bien-manger, blanc-manger.

Encyclopédie Universelle. 2012.