1. boire [ bwar ] v. tr. <conjug. : 53>
1 ♦ Avaler (un liquide). ⇒ absorber, ingurgiter, prendre. Boire du vin. Boire du lait. Boire un jus de fruits, une grenadine. Voulez-vous boire quelque chose ? Un liquide bon à boire. ⇒ buvable, potable; boisson. — Boire un coup, un verre. Ce vin se laisse boire : il est buvable et agréable. — Absolt Boire pour apaiser, pour étancher sa soif. ⇒ se désaltérer, se rafraîchir (cf. fam. Se rincer la dalle). Boire chaud, froid, glacé. Boire à petit coups (⇒ siroter) , à longs traits (⇒ lamper) . Boire beaucoup, jusqu'à plus soif. ⇒ écluser, pomper, siffler. Offrir à boire. C'est ma tournée, je vous paye à boire. Servir, verser à boire à qqn. Chanson à boire. Boire à la santé, en l'honneur de qqn (⇒ toast) , de qqch. (⇒ arroser) . L'enfant boit. ⇒ téter. Bêtes qui boivent. ⇒ s'abreuver, laper. « Mon verre n'est pas grand, mais je bois dans mon verre » (Musset).
♢ Loc. Boire le calice jusqu'à la lie. Boire la tasse. — Péj. Il y a à boire et à manger, se dit d'un liquide dans lequel se trouvent anormalement des éléments solides; fig. il y a de bonnes et de mauvaises choses. — Boire un bouillon : avoir un revers de fortune. — Boire du lait, du petit-lait : se réjouir, se délecter de qqch., d'une flatterie. ⇒ se gargariser, se régaler. — C'est, ce n'est pas la mer à boire : c'est, ce n'est pas difficile. — On ne saurait faire boire un âne qui n'a pas soif : on ne peut pas forcer qqn. — Le vin est tiré, il faut le boire : il faut achever ce qui est commencé. — Qui a bu boira : on ne se corrige pas de ses vieux défauts, de ses vieilles habitudes.
♢ Fig. Boire les paroles de qqn, les écouter avec attention et admiration. — Avoir toute honte bue. — Fam. Il boit l'argent du ménage, le dépense en achetant de l'alcool. — Hippol. Cheval qui boit l'obstacle, le passe très facilement.
2 ♦ Absolt et spécialt Prendre des boissons alcoolisées avec excès. ⇒ s'enivrer, se soûler; fam. biberonner, picoler, pinter (cf. Lever le coude). Un homme qui boit. ⇒ alcoolique, buveur, ivrogne; fam. boit-sans-soif. Boire pour oublier. Boire comme un trou.
3 ♦ SE BOIRE v. pron. (pass.) Devoir ou pouvoir être bu. Ce vin se boit au dessert.
4 ♦ Par anal. Absorber, en parlant d'un corps poreux, perméable. La terre boit l'eau d'arrosage. ⇒ s'imbiber. Absolt Papier qui boit (l'encre).
boire 2. boire [ bwar ] n. m.
• boiv(e)re 1164; subst. de 1. boire
♦ Le boire et le manger : l'action de boire et de manger; ce qui est bu et mangé. — Fam. En perdre, en oublier le boire et le manger : être entièrement absorbé par une occupation, un souci.
● boire verbe transitif (latin bibere) Absorber, ingérer un liquide : Il ne boit jamais entre les repas. Absorber avec excès des boissons alcoolisées : Se mettre à boire. En parlant d'une matière poreuse, absorber un liquide, s'en laisser imprégner : Le buvard boit l'encre. ● boire nom masculin En perdre, en oublier le boire et le manger, être si préoccupé qu'on ne pense plus aux nécessités de la vie. ● boire (expressions) nom masculin En perdre, en oublier le boire et le manger, être si préoccupé qu'on ne pense plus aux nécessités de la vie. ● boire (citations) verbe transitif (latin bibere) Pierre Augustin Caron de Beaumarchais Paris 1732-Paris 1799 Boire sans soif et faire l'amour en tout temps, madame, il n'y a que ça qui nous distingue des autres bêtes. Le Mariage de Figaro, II, 21 Commentaire Thème repris de Rabelais. François Béroalde de Verville Paris 1556-Tours 1629 Boire du vin, c'est être bon catholique. Le Moyen de parvenir Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Il faut être assez fort pour se griser avec un verre d'eau et résister à une bouteille de rhum. Carnets Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 « Donne-lui tout de même à boire », dit mon père. La Légende des siècles, Après la bataille Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Et maintenant buvons, car l'affaire était chaude. La Légende des siècles, le Mariage de Roland Robert Mallet 1915 Il peut tout de même arriver que le plaisir de donner soif à l'autre soit moins grand que celui de lui donner à boire. Apostilles Gallimard François Rabelais La Devinière, près de Chinon, vers 1494-Paris 1553 Lever matin n'est point bonheur Boire matin est le meilleur. Gargantua, 21 François Rabelais La Devinière, près de Chinon, vers 1494-Paris 1553 Petite pluie abat grand vent : longues beuvettes rompent le tonnoire. Gargantua, 5 beuveries tonnerre François Rabelais La Devinière, près de Chinon, vers 1494-Paris 1553 Vous en telle ou meilleure pensée réconfortez votre malheur, et buvez frais si faire se peut. Gargantua, 1 Horace, en latin Quintus Horatius Flaccus Venusia, Apulie, 65-Rome ? 8 avant J.-C. C'est maintenant qu'il faut boire. Nunc est bibendum. Odes, I, XXXVII, 1 Ludvig, baron Holberg Bergen 1684-Copenhague 1754 Dans le canton, les gens disent que Jeppe boit, mais personne ne dit pourquoi Jeppe boit. Jeppe de la montagne, I, 3 ● boire (expressions) verbe transitif (latin bibere) Boire à la santé, au succès, exprimer, avant de vider son verre, des vœux pour la santé, le succès, etc., de quelqu'un. Familier. Boire comme un trou, comme une éponge, comme un Polonais, etc., être intempérant. Boire l'obstacle, le franchir aisément. Boire les paroles de quelqu'un, l'écouter religieusement. Boire sec, boire sans eau les boissons alcoolisées ; en faire un usage immodéré. Boire (tout) son soûl, boire jusqu'à plus soif, boire tant qu'on peut. Familier. Croyez ça, comptez là-dessus et buvez de l'eau (fraîche), ne le croyez pas, n'y comptez pas. Familier. Il y a à boire et à manger (dans quelque chose), on y trouve du bon et du mauvais. ● boire (homonymes) verbe transitif (latin bibere) ● boire (synonymes) verbe transitif (latin bibere) Absorber, ingérer un liquide
Synonymes :
- absorber
- lamper
- prendre
- se désaltérer
- siroter
Absorber avec excès des boissons alcoolisées
Synonymes :
- picoler (familier)
En parlant d'une matière poreuse, absorber un liquide, s'en laisser...
Synonymes :
- pomper
- s'imprégner
Boire les paroles de quelqu'un
Synonymes :
- respirer
- savourer
- se pénétrer
- s'inonder
boire
n. m. Le boire et le manger: ce que l'on boit et mange.
— En perdre le boire et le manger: être entièrement absorbé par une occupation, un chagrin, une passion. Après boire: après avoir trop bu d'alcool. Des propos tenus après boire.
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boire
v. tr.
d1./d Avaler (un liquide). Buvez pendant que c'est chaud!
|| Loc. Fam. Boire un coup, un verre. Boire comme un trou, comme une éponge, excessivement.
|| Boire à la santé de quelqu'un, exprimer des voeux pour sa santé au moment de boire.
d2./d Loc. fig. Il y a là à boire et à manger, du bon et du mauvais. Ce n'est pas la mer à boire. Boire un bouillon. Quand le vin est tiré, il faut le boire. Qui a bu, boira: on retombe toujours dans ses mauvaises habitudes. Boire les paroles de quelqu'un, l'écouter avec avidité. Boire du petit lait: écouter avec plaisir (des flatteries).
— Fam. Boire la tasse. Avoir toute honte bue.
d3./d (S. comp.) Boire de l'alcool avec excès. Il a l'habitude de boire.
d4./d Absorber, s'imprégner de. La terre boit l'eau.
— (S. comp.) Ce papier boit, absorbe l'encre.
I.
⇒BOIRE1, verbe trans. et subst. masc.
I.— Verbe trans.
A.— [Le suj. désigne une pers. ou, pour certains emplois, un animal] Avaler un liquide.
1. [Le compl. dir. est exprimé] Boire de l'eau, un verre; le matin, il prend de la viande et boit du vin (RENARD, Journal, 1900, p. 594) :
• 1. Donc, nous allons boire le coup du départ. C'est émouvant, le coup du départ. On quitte sa famille, ses amis, ses clients. On part pour les mers inconnues d'où l'on est presque sûr de ne pas revenir. Alors on prend son verre d'une main qui ne tremble pas. On boit le dernier coup sur la terre ferme... le coup du départ... C'est émotionnant... à votre santé...
PAGNOL, Marius, 1931, IV, 3, p. 214.
♦ Boire une somme d'argent. La dépenser en boissons :
• 2. Un des traits dominants du caractère de l'indigène est son absence de « réserve ». Le peu qu'il a, il le dépense aussitôt, le boit, le mange ou le joue.
GIDE, Le Retour du Tchad, 1928, p. 924.
— Fam. Boire la tasse, boire un bouillon. Avaler de l'eau en quantité plus ou moins grande au cours d'un bain de mer. P. euphémisme. Boire à la grande tasse. Se noyer dans la mer.
— [Avec un suj. désignant une boisson] Emploi pronom. à valeur passive. Se boire.
a) Être bu (habituellement). Tisane qui se boit chaude, qui se boit froide; vin qui se boit au dessert (BESCH. 1845).
b) Pouvoir être bu. ... cela ne valait pas le vin du Rhin, mais cela se buvait et tout le monde avait soif (P. Féval dans GUÉRIN 1892).
2. Emploi abs.
a) [Le compl. non exprimé peut désigner toute espèce de boissons] :
• 3. À l'encontre des hommes qui buvaient par lampées dans des tasses de faïence grossière d'un blanc crayeux, cru, et parfois aussi dans des bols qu'ils voulaient servis à la rasade, quelle qu'en fût la grandeur, la jeune femme aimait boire à petites gorgées, dans une tasse de fantaisie qu'elle n'emplissait jamais jusqu'au bord.
G. GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, p. 12.
SYNT. Boire chaud, frais; boire à la régalade, à longs traits; boire à sa soif, boire tout son soûl; boire dans un verre, boire à la fontaine; faire boire qqn; mener boire un animal; donner, servir, verser à boire. Interj. à boire!
b) Spéc. Boire du vin ou des boissons alcoolisées. En partic. avoir coutume d'en boire avec excès, être alcoolique. ... le bonhomme Grandgousier, (...), bon gaillard en son temps, aimant à boire sec et à manger salé (SAINTE-BEUVE, Tabl. hist. et crit. de la poésie fr. et du théâtre fr. au XVIe s., 1828, p. 269).
— Emploi passif, pop. Il est bu. Il est ivre. (Attesté dans THOMAS 1956, Lar. encyclop., COLIN 1971) :
• 4. Ceux que l'on rencontrait maintenant étaient trop « bus », pour que l'on pût penser encore à discuter (...) On tâchait seulement de les asseoir par terre, sans trop les abîmer : un soulard, c'est sacré!
R. ROLLAND, Colas Breugnon, 1919, p. 226.
c) Locutions
— Chansons, airs à boire. Chansons que l'on chante à la fin d'un repas et dans lesquelles on célèbre le vin. ... un pot-pourri de bribes de chorals, de « lieder » sentimentaux, de marches belliqueuses et de chansons à boire (R. ROLLAND, Jean-Christophe, L'Aube, 1904, p. 50.
— Boire à la santé de qqn, boire à qqn, à qqc. :
• 5. ... chaque fois les dîneurs, levant leurs verres, buvaient à sa santé.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, La Bécasse, 1882, p. 5.
— Vieilli
♦ Après boire. Après avoir bu.
Rem. Encore attesté au XXe s. par DG, Ac. 1932 et ROB.
♦ Donner pour boire. Donner une gratification à un travailleur salarié. Je promets pour boire au cocher (CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 385).
Rem. Cette loc. encore usitée au XIXe s. n'apparaît plus auj. que sous sa forme substantivée : un pourboire.
♦ Le vin est tiré, il faut le boire. Il faut poursuivre une affaire dans laquelle on s'est trop engagé pour pouvoir reculer. On ne saurait faire boire un âne s'il n'a pas soif. On ne peut forcer une personne entêtée à faire ce qu'elle n'a pas envie de faire. Qui a bu boira. On ne se corrige jamais de certains défauts.
♦ C'est la mer à boire (fam.). C'est une entreprise qui présente des difficultés insurmontables.
Rem. Plus souvent à la forme négative : Ce n'est pas la mer à boire.
♦ Il y a à boire et à manger (fam.). C'est une chose qui présente divers aspects contradictoires, de bons et de mauvais côtés.
— MAN. Cheval qui boit dans son blanc. Cheval qui a le nez blanc, le reste du corps étant d'une autre couleur.
3. P. anal. [Le suj. désigne un corps perméable ou poreux] Absorber un liquide; se laisser pénétrer, imprégner par lui :
• 6. ... j'arrête ici cette lettre, griffonnée, comme vous le pouvez voir, sur je ne sais quel papyrus égyptien plus poreux et plus altéré qu'une éponge. Voici un supplice que j'enregistre parmi ceux que je ne souhaite pas à mes pires ennemis : écrire avec une plume qui crache sur du papier qui boit.
HUGO, Le Rhin, 1842, p. 378.
♦ Boire la lumière :
• 7. Les pigeons de Jenny voletaient perpétuellement sur la pente des toits de tuiles, et les murs étaient restés enduits d'un vieux crépi rose vif qui buvait la lumière comme un badigeon italien.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, p. 952.
— COUT. Faire boire une étoffe. La coudre de manière lâche. Faire boire un ourlet, un surjet.
♦ P. anal., vocab. de la mar. Faire boire la ralingue, la voile.
B.— Au fig., littér. dans la plupart de ses emplois [Le suj. désigne gén. une pers.]
1. Recevoir un bien d'ordre physique, moral ou intellectuel et en jouir ou en tirer parti intensément. C'est à la vraie source de sa vie que son âme va boire (MASSIS, Jugements, 1923, p. 240) :
• 8. L'œil! Songez à lui! L'œil! Il boit la vie apparente pour en nourrir la pensée. Il boit le monde, la couleur, le mouvement, les livres, les tableaux, tout ce qui est beau et tout ce qui est laid, et il en fait des idées.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Un Cas de divorce, 1886, p. 1068.
SYNT. Boire l'oubli, boire (à) la coupe des plaisirs, boire le bonheur à longs traits; boire à pleine bible (GIDE, Si le grain ne meurt, 1924, p. 499); boire le sommeil (ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, p. 49).
♦ Boire qqn du regard, des yeux. Le regarder intensément :
• 9. Peut-être eût-il été sage aussi d'amollir cette tension du regard, la fixité dont il buvait ses gestes, et de ne pas croire suffisante la discrétion qu'il mettait à maintenir ses ardents yeux tristes, le plus souvent possible au-dessous des siens.
MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 197.
♦ Boire les paroles de qqn. Les écouter avec passion ou avec une admiration sans réserve, les savourer, s'en délecter :
• 10. Je buvais ses paroles; elles ne dérangeaient pas mon univers, elles n'entraînaient aucune contestation de moi-même, et pourtant elles rendaient à mes oreilles un son absolument neuf.
S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 180.
♦ Boire du lait (fam.). Voir ou entendre quelque chose avec un plaisir extrême.
♦ Péj. Boire la sueur de qqn. Tirer injustement profit de son travail, l'exploiter :
• 11. C'était l'heure où le vieux coquin accusait les riches de boire la sueur du peuple. Il avait des emportements superbes contre ces messieurs de la ville neuve, qui vivaient dans la paresse et se faisaient entretenir par le pauvre monde.
ZOLA, La Fortune des Rougon, 1871, p. 143.
2. Surmonter une difficulté.
— MAN. Cheval qui boit l'obstacle. Qui le franchit très facilement.
3. Supporter quelque chose de pénible, d'humiliant. Boire l'amertume, un affront, la honte :
• 12. ...
Avec, pour vivre, un seul moyen
Boire son mal, taire sa rage;
Les pieds usés, le cœur moisi,
Les gens d'ici,
Quittant leur gîte et leur pays,
S'en vont, ce soir, par les routes, à l'infini.
VERHAEREN, Les Campagnes hallucinées, 1893, p. 90.
— [P. réf. à la mort de Socrate] Boire la ciguë. Subir une peine, un malheur généralement causé par la malveillance d'autrui :
• 13. Mais toi, tout de suite, celui que tu aimes ou qui t'aime, tu le transformes en esclave, et s'il n'assume point les charges de cet esclavage tu le condamnes. Alors l'autre, parce qu'un ami lui faisait cadeau de son amour, a changé ce cadeau en devoirs. Et don de l'amour devenait devoir de boire la ciguë et esclavage. L'ami n'aimait point la ciguë.
SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, p. 641.
— [P. réf. à la passion du Christ] Boire le calice jusqu'à la lie. Endurer une souffrance jusqu'au bout :
• 14. ... accumulez outrage sur outrage, ne vous gênez pas, Monsieur, je vous connais, rien ne m'étonnera, je suis résignée à tout, j'accomplirai mon devoir jusqu'au bout, je boirai le calice jusqu'à la lie, jusqu'à la mort.
FLAUBERT, La 1re Éducation sentimentale, 1845, p. 129.
— Littér. (Avoir) toute honte bue. Être inaccessible à la honte pour en avoir connu toutes les formes.
— Fam. Boire un bouillon. Échouer dans une entreprise; subir une perte.
Rem. On rencontre dans la docum. le composé boit-sans-soif, subst. masc. (D. POULOT, Le Sublime ou le Travailleur comme il est en 1870 et ce qu'il peut être, 1872, p. 92). Mot attesté également dans ROB. Suppl. 1970.
II.— Emploi subst. masc. (au sing. seulement, et précédé de l'art. déf.). Action de boire; ce que l'on boit. ... le buveur ne regarde guère que le boire (VALÉRY, Eupalinos ou l'Architecte, 1923, p. 108) :
• 15. Nous aimons ces changements, ces triomphes de l'animalité au retour de la chasse, ces coups de fouet de fatigue, cette griserie des fonctions physiques, où le boire, le manger, le dormir deviennent comme des félicités divines de bêtes.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1867, p. 391.
— Loc. fig. En oublier, en perdre le boire et le manger. Être accaparé tout entier par une préoccupation, un souci, une passion. Je sens que je vais en rêver, de ce Courbet. Je sens (...) que je vais en perdre le boire et le manger (G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, p. 26).
Étymol. ET HIST. — A.— Verbe. 1. Xe s. « absorber un liquide quelconque (ici un poison) » (Passion, éd. D'Avalle, 461); XIIe s. cont. relig. (Eucharistie) (Li Epistle Saint Bernard a Mont Deu, ms. Verdun 72, f° 58 r° dans GDF. Compl.); ca 1200 fig. (Roman de Renart, éd. M. Roques, 9674); 2. 1180-1185 « prendre des boissons alcoolisées » (HUON DE ROTELANDE, Ipomedon, 4577, dans GDF. Compl.); 3. 1550 p. anal. « absorber en parlant d'un corps poreux » (RONSARD, Odes, IV, 31 dans HUG.). B.— Subst. Xe s. bewre (St Léger, 200 dans A. HENRY, Chrestomathie, p. 12); 1160 beivre (WACE, Rou, éd. Andresen, III, 9637 dans T.-L.); début XIIIe s. boire (Amadas et Ydoine, 553, ibid.).
A du lat. bibere attesté aux sens propre et fig. dep. Plaute (TLL s.v., 1959). La voyelle rad. [œ] des formes faibles s'est peu à peu fermée en [ü], beuvons est encore empl. à côté de buvons par Ramus 1562 (FOUCHÉ, p. 429), l'inf. a.fr. beivre, boivre est devenu boire d'apr. croire, verbe dont l'ind. prés. 3 croit a été rapproché de boit. B substantivation de A.
STAT. — Fréq. abs. littér. :10 787. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 11 595, b) 18 377; XXe s. : a) 18 475, b) 15 025.
BBG. — Boire ... Déboire. Vie Lang. 1962, p. 292. — L. (J.). Boire un bouillon. Vie Lang. 1955, p. 96. — MARTIN (E.). Explication de la signif. et de la constr. de : avoir ses hontes bues. Courrier (Le) de Vaugelas. 1878, p. 172. — SAIN. Lang. par. 1920, p. 428.
II.
⇒BOIRE2, subst. fém.
A.— Dans le cours inférieur de la Loire petit golfe formé par le fleuve (cf. VIDAL DE LA BLACHE, Tabl. de la géogr. de la France, 1908, p. 166).
B.— Rigole à ciel ouvert faisant communiquer une masse d'eau stagnante avec une rivière; fossé pratiqué sur le bord d'une rivière (cf. Code de la pêche fluviale, 1875, p. 58).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1343 « fosse faisant communiquer une chantepleure avec une rivière, surtout sur la Loire » (A. N. JJ 72, f° 347 v° dans GDF. Compl.); 1561 ang. (Inv. Arch. H., II, Suppl., p. 58 col. 2 dans VERR.-ON., s.v. boire 3). Terme de la Basse-Loire (VERR.-ON.), d'orig. inconnue (FEW t. 21, pp. 24-25); rapproché ultérieurement du verbe boire : cf. Trév. 1704, s.v. boire; attesté dans la même aire géogr. en lat. médiév. sous la forme bera en 1110-1130 (Inv. Arch. H., I, p. 63 col. 2 dans VERR.-ON., loc. cit.) et beria en 1337 (Charta Fulconis episc. Andegav. de decimis Valleyae ex Tabulario S. Albini Andegav. dans DU CANGE t. 1, p. 638b); ces formes excluent un rapprochement avec le prov. mod. bouiro « bief d'un moulin » qui représente une forme boria; un rapprochement avec l'a. fr. buire « écluse » (1321, Cart. d'Esdras de Corbie, Richel. 1. 17760, f° 36 v° dans GDF.), d'aire géogr. pic. et wallonne, réputé d'étymol. inconnue par FEW t. 23, p. 88b, est peu probable du point de vue phonét. et vu l'éloignement des 2 aires géographiques.
BBG. — SOYER (J.). Qq. mots du fr. mod. rares ou inéd. trouvés dans les doc. orléanais. Fr. mod. 1944, t. 12, p. 180.
1. boire [bwaʀ] v. tr.
CONJUG. je bois, tu bois, il boit, nous buvons, vous buvez, ils boivent; je buvais; je bus, il but, nous bûmes, ils burent; je boirai; je boirais; bois, buvons, buvez; que je boive, que nous buvions, qu'ils boivent; que je busse, que nous bussions, qu'ils bussent; buvant; bu.
ÉTYM. Xe; anc. franç. beivre, boivre, du lat. bibere, même sens.
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1 D'après certains puristes, il faudrait dire : prendre et non boire du café, du thé, du chocolat, mais boire de l'eau, de la bière, du vin. Distinction arbitraire et ridicule. L'Académie dit Prendre du café. Boire du café au lait (à Café). Boire du thé. Prendre du café (à Thé).
Joseph Hanse, Dict. des difficultés grammaticales, éd. 1949, p. 141.
♦ Boire de l'eau, du vin, du lait, du café, une tisane, une liqueur. || Il boit beaucoup de lait. ⇒ Buveur (de…). || L'enfant a bu son lait. ⇒ Téter. || Boire un poison. || Socrate fut condamné à boire la ciguë. || Un liquide bon à boire. ⇒ Buvable, potable. || Boire un canon, une coupe, une chope, une chopine, une pinte, un pot, une rasade, un verre, un petit verre. || Boire une tournée, la rince (fam.). || Boire une gorgée, un gorgeon (fam.), une goutte, une lampée (fam.), une larme, un doigt, un léger doigt de vin (→ Blanc, cit. 9). || Boire son verre d'un trait. ⇒ Lamper, vider. || Boire du champagne. ⇒ Sabler. || Boire un verre d'alcool en faisant cul sec (→ Cul, infra cit. 18). || Boire de l'eau-de-vie entre deux plats. ⇒ Trou (normand). || Boire du vin, un alcool en gourmet. ⇒ Déguster, humer, siroter.
2 Il commande chez l'hôte, y prend des libertés,
Boit son vin, caresse sa fille.
La Fontaine, Fables, IV, 4.
3 (Elle) chantait d'un gosier sec
Le vin mousseux, le frontignan, le grec,
Buvant de l'eau dans un vieux pot à bière (…)
Voltaire, le Pauvre Diable.
4 Il finissait toujours la coupe dont elle avait bu la moitié (…)
Mme de Staël, Corinne, XV, 3.
4.1 (Il)prendra de la soupe, du poisson frit, une salade; il boira un quart de vin blanc.
A. Pieyre de Mandiargues, la Marge, p. 89.
♦ ☑ Loc. Boire un coup. ⇒ Coup (IV.). || « Boire un petit coup c'est agréable… » (chanson). || Payer un coup à boire à qqn. ⇒ (fam.) Rincer, 4.
♦ ☑ Boire le coup de l'étrier : boire une dernière fois avant le départ. ⇒ Étrier (cit. 4).
♦ Être bon, mauvais à boire. || « Une onde mauvaise à boire » (→ Naviguer, cit. 7, Apollinaire). — ☑ Fam. Se laisser boire : être bon à boire. || Ce petit pinard se laisse boire.
♦ ☑ Fam. Boire un coup, boire une, la tasse (→ Boire un bouillon, boire la goutte; aussi régional boire calade) : au cours d'un bain de mer, avaler involontairement une gorgée d'eau. — Absolt ou intrans. || Boire à la grande tasse : se noyer.
♦ ☑ Fig. Un cheval qui boit son blanc (intrans., qui boit dans son blanc). ⇒ Blanc. ☑ Un cheval qui boit sa bride, se dit d'un cheval au mors trop enfoncé dans la bouche.
2 Absolt ou intrans. Absorber une certaine quantité de liquide. || Boire pour apaiser, pour étancher sa soif. ⇒ Désaltérer (se), rafraîchir (se). || Boire sans soif. || Boire chaud, tiède, frais, froid, glacé. || Boire dans le creux de la main (⇒ Laper), dans un verre, à la bouteille, au goulot, à la régalade. || Boire à petits coups. ⇒ Buvoter, siroter. || Boire à petites gorgées. || Boire à plein verre. || Boire à grands, à longs, à larges traits. — Vx. || Vase à boire. ⇒ aussi Récipient. || Verre à boire. || Boire à discrétion, à satiété, à volonté. || Boire tout son soûl, à tire-larigot. || Boire beaucoup et vite. || Demander, réclamer à boire. || Servir, verser à boire à qqn. || Offrir, payer à boire à qqn. || Faire boire un malade. ⇒ Administrer (un remède…).
5 Au contraire, ton ennemi a-t-il faim, donne-lui à manger; a-t-il soif, donne-lui à boire (…)
Bible (Crampon), Épître de saint Paul aux Romains, XII, 20.
6 L'appétit vient en mangeant, disait Angest (…) la soif s'en va en buvant.
Rabelais, Gargantua, 5.
7 Tant qu'ils trouvent des plantes à brouter, ils (les chameaux) se passent très aisément de boire.
Buffon, Hist. nat., les Quadrupèdes, t. V, p. 23.
8 Donne-lui tout de même à boire, dit mon père.
Hugo, la Légende des siècles, XLIX, Le temps présent, « Après la bataille ».
9 Mon verre n'est pas grand, mais je bois dans mon verre.
A. de Musset, Premières poésies, « La coupe et les lèvres », Dédicace (→ Imiter, cit. 19).
10 (…) elle boit par désœuvrement, pour tuer le temps et l'ennui, comme un terrassier se saoule quand il n'a pas d'ouvrage.
Colette, la Paix chez les bêtes, « La chienne Bull ».
11 (…) des gendarmes, debout, boivent, chacun leur tour, à la régalade, en élevant dans la lumière un bidon de soldat.
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 159.
REM. Dans cet emploi absolu, et dans le contexte de la civilisation française, boire concerne souvent le vin et les boissons alcooliques (→ ci-dessus, cit. 10); cette valeur est lexicalisée au sens 3.
♦ ☑ Loc. Il y a à boire et à manger, se dit d'une boisson trouble et épaisse avec des particules solides en suspension, et, fig., d'une chose, d'une situation qui présente de bons et de mauvais aspects.
♦ (Animaux). Se désaltérer en absorbant de l'eau (→ Lion, cit. 3, et ci-dessus, cit. 7). || Faire boire les bêtes. ⇒ Abreuver; abreuvoir, auge, barbotage, buvée. || Donner à boire à un chien, à un oiseau.
3 Intrans. Absorber (notamment, régulièrement et avec excès) des boissons alcoolisées. || Il boit et il fume. ⇒ Aviner (s'), enivrer (s'), soûler (se); fam. accoler (la bouteille), biberonner, bidonner, boissonner (vx), cocarder (se), gargariser (se), humecter (s'humecter le gosier), lamper, lester (se), lever (le coude), lichailler, licher, lipper (vx), picoler (et pictancher, picter, pictonner), pinter, pomper, taper (se), téter (la bouteille). → aussi fam. et pop. En étouffer un, s'en jeter un (derrière la cravate), nettoyer (une bouteille…), se rincer le corridor, la dalle, le gosier, sécher (un glass, un kil, une rouille); s'appuyer, écluser, s'enfiler, s'enfoncer, s'envoyer (qqch.), soiffer, souffler dans l'encrier, siffler, se rincer; tuer le ver, chasser le brouillard. || Aimer à boire (⇒ Biberon, buveur, ivrogne). || Boire par habitude, par plaisir, par passion, par manie (⇒ Dipsomanie). || Boire pour oublier. || Boire sans s'enivrer. ⇒ Tenir (le coup). — ☑ Loc. compar. Boire comme une éponge, un tonneau, un trou. ☑ Boire comme un Polonais, un pompier, un sonneur, un Suisse, un templier. ☑ Boire sec : boire du vin pur, et aussi boire beaucoup d'alcool. || Un air, une chanson à boire. || À boire ! || « C'est à boire qu'il nous faut ! » || Après boire. || Réunion, repas où l'on boit. ⇒ Beuverie, libation, rastel (régional), ribote (vieilli). || S'attabler pour boire. || Boire à l'occasion d'un événement. ⇒ Arroser (B., 3.). || S'abstenir de boire. || Il a bu ! : il a trop bu. || Quand elle a bu, elle n'est pas gaie.
12 Allons, qu'on donne du vin à Monsieur Jourdain, et à ces Messieurs, qui nous feront la grâce de nous chanter un air à boire.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, IV, 1.
13 J'ai soupé hier avec trois des plus jolies femmes de Paris; nous avons bu jusqu'au jour (…)
A. R. Lesage, Turcaret, III, 5.
14 Quand Auguste buvait, la Pologne était ivre.
Voltaire, Épître, À l'impératrice de Russie Catherine II, 56.
15 Ils buvaient tous comme des éponges, mais un d'eux surtout déployait une remarquable puissance d'ingurgitation.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, XV.
16 (…) s'il est vrai que de votre vivant vous jurâtes comme un païen, fumâtes comme un Suisse et bûtes comme un sonneur (…)
France, le Crime de S. Bonnard.
17 (…) l'homme extraordinaire dont je parle (…) but comme un trou sans avoir jamais eu grand soif.
Courteline, Boubouroche, Petit historique.
18 (…) il faut bien le reconnaître, l'Américain ne sait pas boire. Il a toujours l'air de se suicider.
G. Duhamel, Scènes de la vie future, V.
18.1 Il boit, mais il était fait pour l'opium : on se trompe aussi de vice; beaucoup d'hommes ne rencontrent pas celui qui les sauverait.
A. Malraux, la Condition humaine, p. 37.
18.2 Gadelle buvait. Il buvait plus que n'importe quel paysan du pays, pas seulement de temps en temps, mais tous les jours, commençant le matin pour ne s'arrêter que le soir. Il buvait assez pour répandre dans la chaleur d'une pièce, une odeur d'alcool que je reniflais toujours avec dégoût.
G. Simenon, les Mémoires de Maigret, p. 61.
18.3 Je n'aime pas tellement l'alcool. Et pourtant si je ne bois pas, ça ne va pas. C'est comme si j'avais peur, alors je bois pour ne plus avoir peur.
Ionesco, Rhinocéros, I, p. 42.
♦ Emploi substantivé :
18.4 Manger n'est qu'un vulgaire artisan, tandis que boire est un artiste. Boire inspire de riantes idées aux poètes (…) manger ne leur donne que des indigestions.
Claude Tillier, Mon oncle Benjamin, III.
♦ Vx. || Donner qqch. pour boire : donner une gratification. ⇒ Pourboire.
19 Mon gentilhomme, donnez, s'il vous plaît, aux garçons quelque chose pour boire.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, II, 5.
♦ Boire à la santé de qqn, boire à qqn, à qqch., formuler des vœux avant de vider son verre. ⇒ Brinde, toast (porter un toast). || Boire au retour d'un voyageur. || Choquer son verre avant de boire. ⇒ Trinquer.
20 On boit une dernière fois ensemble, tous à la ronde, choquant les verres très fort (…)
Loti, Ramuntcho, II, 9, p. 275.
21 Ma mère lui versa un verre d'eau-de-vie, qu'il but à la santé de la compagnie, car il avait de l'usage.
France, le Petit Pierre, XI.
♦ ☑ Le roi, la reine boit, acclamations usitées le jour des Rois quand le roi ou la reine boit.
22 Je voudrais bien les remercier d'avoir bu ma santé; la vôtre fut bue avant-hier chez la princesse de Tarente (…)
Mme de Sévigné, Lettres, 441.
b Dépenser en buvant. || Il a bu sa paye en deux jours. || Boire son salaire, son patrimoine, sa fortune.
———
II (1550).
1 Absorber (le sujet désigne un corps poreux, perméable). ⇒ Imprégner (s'). || Le soleil boit la rosée. || L'éponge boit. ⇒ Imbiber (s'). || Un papier qui boit l'encre (⇒ Buvard). — Absolt. || Papier qui boit, sur lequel on ne peut écrire lisiblement.
22.1 Il est bien véritable que parfois quand les Chantres ont failly ils diront par excuse que le papier boit, et accuseront la fueille de ce que la fueillette leur aura fait faire.
A. Gantez, l'Entretien des musiciens, Claudin, 57, 1643, in D. D. L., II, 15.
23 Le fer moissonna tout; et la terre humectée
But à regret le sang des neveux d'Érechthée.
Racine, Phèdre, II, 1.
24 Sans crainte du pressoir, le pampre tout l'été
Boit les doux présents de l'aurore (…)
André Chénier, « la Jeune Captive », in Œ. poétiques, t. II.
25 (…) les murs étaient restés enduits d'un vieux crépi rose vif qui buvait la lumière comme un badigeon italien.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 251.
25.1 L'argile rouge a bu la blanche espèce
Valéry, Poésies, « le Cimetière marin ».
♦ ☑ Loc. fig. Boire l'obstacle, se dit d'un véhicule, d'un cheval lancé à pleine vitesse et qui semble absorber, avaler les obstacles.
2 (Par métaphore du sens I). a (Sujet n. de personne). Absorber (qqch. qui est assimilé à un liquide qui étanche la soif). ⇒ Absorber, aspirer, pénétrer (se), remplir (se). || Boire la santé, la vie. || Boire la joie, les plaisirs. || « Et je buvais ton souffle… » (Baudelaire, le Balcon).
26 D'enfants à sa table une riante troupe
Semble boire avec lui la joie à pleine coupe.
Racine, Esther, II, 8.
27 Il aurait voulu l'envelopper, l'absorber, la boire.
Flaubert, Salammbô, XI.
28 Il se mit à respirer longuement, buvant de l'air comme les ivrognes boivent du vin (…)
Maupassant, Clair de lune, p. 14.
29 (…) nous nous abreuvions avidement de l'âme la plus sincère, la plus héroïque, la plus généreuse, une âme toute remplie de toutes les passions du monde et de tous les souffles de la terre (…) nous allions boire la joie, l'amour, la force, qui nous manquaient.
R. Rolland, Musiciens d'aujourd'hui, p. 60.
30 Bu du sommeil jusqu'à plus soif.
Gide, Journal, 1931.
31 (…) le lézard buvait le soleil. Le dos écailleux ne bougeait pas (…)
H. Bosco, l'Âne Culotte, p. 53.
♦ ☑ Boire les paroles de qqn, les écouter avec attention et admiration. ☑ Boire qqn, qqch. des yeux, regarder avidement (→ Manger des yeux).
32 Il ne manquait pas un de ses discours, il buvait ses paroles, riait de ses plaisanteries à mâchoire déployée, écumait de ses invectives, jubilait des combats et du paradis promis.
R. Rolland, Jean-Christophe, p. 1294.
33 Mon vieux, je ne le regardais plus, je le buvais, j'étais totalement électrisé.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 100.
♦ Boire un affront, une injure. ⇒ Endurer, subir; → Avaler des couleuvres.
34 Ils boivent les affronts comme l'eau (…)
Rousseau, Émile, II.
♦ ☑ Avoir toute honte bue : avoir épuisé toutes les hontes de sorte qu'on n'a plus honte de rien (→ Honte, cit. 29, 29.1).
35 Je dis que c'est horrible, et toute honte est bue
Autant par qui reçoit, que par qui distribue !
Hugo, la Légende des siècles, « Les quatre jours d'Elciis », XX.
b Littér. Absorber (choses). || « L'œil ! Il boit la vie apparente (…). Il boit le monde, la couleur, le mouvement, les livres, les tableaux… » (Maupassant, in T. L. F.).
3 (Dans des métaphores, le compl. désignant un récipient rempli de boisson, ou une boisson). ☑ Loc. Boire le calice jusqu'à la lie : accepter, endurer des épreuves, des afflictions.
36 Souvent las d'être esclave et de boire la lie
De ce calice amer que l'on nomme la vie (…)
André Chénier, Élégie, XXXVI.
37 Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel :
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel (…)
Lamartine, Méditations, « L'automne ».
38 Elle avait bu jusqu'à la lie la coupe amère de son triste amour.
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, p. 285.
39 Il (Jésus) pouvait encore éviter la mort; il ne le voulut pas. L'amour de son œuvre l'emporte. Il accepta de boire le calice jusqu'à la lie.
Renan, Vie de Jésus, XXIII, Œ. compl., t. IV, p. 321.
♦ ☑ Boire la coupe de la colère divine : recevoir le châtiment de Dieu (métaphore biblique).
40 La main du Seigneur vous a fait boire la coupe de sa colère; elle est remplie d'un breuvage qu'il veut faire boire aux pécheurs.
Bossuet, Sermons, Nécessité de travailler à son salut, I.
♦ ☑ Poét. et vx. Boire l'eau de… (un fleuve) : naître, habiter sur ses rives. || Les peuples qui boivent l'eau du Gange : les Hindous.
♦ ☑ Vx. Boire la sueur de qqn : s'enrichir du travail de qqn à ses dépens.
♦ ☑ Boire un bouillon : avoir un revers de fortune.
♦ ☑ Boire du lait, du petit lait : se réjouir, se délecter de qqch., d'une flatterie (→ fam. Se gargariser).
40.1 La vieille Eugénie boit du petit lait. Quel manque de pudeur ! Ainsi ils ont été ensemble, dans un lointain autrefois, ces deux vieux-là (…)
Claude Mauriac, le Dîner en ville, p. 261.
40.2 Vous êtes le genre d'homme que j'aime. Tout à fait mon idéal. Sans blague, vous êtes drôlement beau.
— Écoute, n'exagère pas, dit Martial avec une bonhommie modeste. (Il buvait du petit lait. Il était aux anges.)
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 201.
♦ ☑ Il boirait la mer et les poissons : il a une soif inextinguible — ☑ C'est, ce n'est pas la mer à boire : c'est, ce n'est pas difficile.
41 Tout cela, c'est la mer à boire (…)
La Fontaine, Fables, VIII, 25.
42 (…) elle rêva un tapis et Lheureux, affirmant « que ce n'était pas la mer à boire », s'engagea poliment à lui en fournir un.
Flaubert, Mme Bovary, III, 4.
♦ ☑ Loc. littér. (vx). Boire l'eau du Léthé : oublier. — ☑ Boire à la fontaine des Muses, d'Hippocrène : s'adonner à la poésie. — ☑ On ne saurait faire boire un âne qui n'a pas soif. ⇒ Âne. — ☑ Loc. mod. Il ne faut pas dire « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ». ⇒ Fontaine. — ☑ Le vin est tiré, il faut le boire : il n'y a plus à hésiter, on ne peut plus reculer, il faut achever ce qui est commencé.
43 Voyez-vous, mes enfants, quand le blé est mûr, il faut le couper; quand le vin est tiré, il faut le boire.
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, XI.
♦ ☑ Fig. Qui a fait la faute la boit : on supporte les conséquences des fautes qu'on commet.
♦ ☑ (1814, cit.). Croyez cela et buvez de l'eau, se dit d'une chose qui ne doit pas être crue. ☑ Compte dessus et bois de l'eau, compte là-dessus et bois de l'eau fraîche.
44 Spectacles. La jolie bluette du Cosaque à Paris, ou Croyez cela et buvez de l'eau, a été hier répétée avec le plus grand succès.
♦ ☑ Il y a, il n'y a pas d'eau à boire : il y a, il n'y a pas à gagner dans cette affaire — ☑ Qui bon l'achète, bon le boit : ce qu'on paye cher dure longtemps.
♦ Intrans. ☑ Qui a bu, boira (La Fontaine, Fables, III, 7) : on ne se corrige pas de ses vieux défauts, de ses vieilles habitudes.
♦ ☑ On ne saurait si peu boire qu'on ne s'en ressente : on s'expose à quelque sottise en buvant trop.
——————
♦ Pouvoir ou devoir être bu. || Cette eau se boit, peut se boire. ⇒ Potable. || Le vin rouge se boit chambré ou frais; le champagne se boit frappé. || Le pastis se boit avec de l'eau.
——————
bu, bue p. p. adj.
♦ Voir ci-dessus à l'article. Spécialt. Fam., régional (personnes). Ivre, soûl. || Il est un peu bu. || Il est arrivé complètement bu.
45 Le prévenu Brument interrompt avec vivacité la déposition et déclare :
« J'étais bu ».
Alors Cornu, se tournant vers son complice, prononce d'une voix profonde comme une note d'orgue :
« Dis que j'étions bus tous deux et tu n'mentiras point ».
Maupassant, Une vente, Pl., t. I, p. 1208.
❖
CONTR. Rejeter, vomir. — Abstenir (s').
DÉR. 2. Boire. — (Du rad. beuv-) Beuverie. — (Du rad. buv-) Buvard, buvée, buvable, buvette, buveur, buvoter. — (De l'anc. inf. beuvre) V. Breuvage.
HOM. 2. Boire.
————————
2. boire [bwaʀ] n. m.
ÉTYM. Xe, bewre; → 1. Boire.
❖
♦ Rare, sauf dans : Le boire et le manger. || Le boire : l'action de boire; le liquide que l'on absorbe. ⇒ Boisson. || « Le buveur ne regarde guère que le boire » (Valéry, in T. L. F.). || Le boire et le manger : l'action de boire et de manger (→ Ingestion, cit.). || L'instinct de l'homme (cit. 74) le porte au manger et au boire. || Les règles du manger et du boire (→ Contrevenir, cit. 2).
1 Et le financier se plaignait
Que les soins de la Providence
N'eussent pas au marché fait vendre le dormir
Comme le manger et le boire.
La Fontaine, Fables, VIII, 2.
2 J'imagine une accueillante maîtresse de maison qui tient tête à ses hôtes dans le boire et le manger, et s'égaie de leurs plaisanteries risquées (…)
M. Yourcenar, Archives du Nord, p. 63.
♦ ☑ Fam. En oublier, en perdre le boire et le manger : être absorbé par une occupation, un souci, un sentiment (→ Étuver, cit. 2; maladie, cit. 15).
Encyclopédie Universelle. 2012.