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VIANDE
VIANDE

Produit de la chasse puis de l’élevage, symbole de force et de richesse, aliment noble, objet d’un commerce mondial plus important que celui des produits sidérurgiques, sujet de nombreuses recherches, matière première d’industries en constante évolution, la viande n’a pas encore de définition objective, précise, qui obtienne le consensus des producteurs, industriels, commerçants et consommateurs. Jusqu’au XVIIIe siècle, le terme de viandes (du bas latin vivenda , de vivere , vivre) avait le sens très large de vivres, nourritures animales ou végétales, solides ou liquides. «La viande est servie» annonçait le repas.

Dans l’histoire de maintes civilisations, les rites et coutumes en ont fait un objet de sacrifice ou de communion, un symbole de force (les guerriers étaient «acharnés» avant un combat) et de puissance (privilège de chasse des nobles), une marque de richesse donnant de l’éclat aux festivités (repas familiaux, fêtes religieuses, etc.). A contrario , la viande a été proscrite à l’occasion de certaines célébrations religieuses (carême) et le début ou la levée de l’interdiction fut à la source de réjouissances populaires (carnaval, de carnem levare , ôter la viande). La nuance de vocabulaire entre chair et viande est sans doute née de l’autorisation de consommer la chair de poisson les jours maigres. Au cours du XIXe siècle, le sens se restreint encore: les gibiers (viandes noires) et volailles (viandes blanches) ne sont pas compris par le terme de viande. Les viandes deviennent exclusivement les parties consommables des animaux de boucherie et charcuterie (bovins, ovins, caprins, porcins, équidés).

Aujourd’hui les viandes sont, pour les producteurs, les carcasses des animaux; pour les commerçants, leurs parties consommables, brutes ou transformées (salaisons, charcuteries, conserves). Cette imprécision des termes demeure selon que la viande fait l’objet d’autres considérations. Il est impossible, par exemple, de définir la viande par sa composition anatomique ou biochimique, très variable. Les habitudes alimentaires, les pratiques culinaires en modifient aussi l’aspect, la valeur gastronomique et nutritionnelle.

Le mot «viande» est donc une appellation générique recouvrant une infinie variété de «viandes».

Composition

La viande offerte au consommateur est un produit composite. Le muscle strié est le constituant essentiel, accompagné, en proportions très variables, de tissu conjonctif lâche, plus ou moins chargé de tissu adipeux (graisse), ou fibro-élastique (tendons et aponévroses: «peaux» et «nerfs» des bouchers), de vaisseaux sanguins. Certains morceaux sont présentés avec os et cartilages.

Qualité

La qualité est liée à l’animal d’origine. Propriété globale, elle est la résultante idéale de certains critères: tendreté, succulence, saveur, sapidité, teneur minimale en déchets et, secondairement, couleur du muscle et de la graisse. Elle dépend de nombreux facteurs: race, âge, état physiologique sexuel, développement musculaire, état d’engraissement. Elle est exprimée par un qualificatif: extra, première, choix, moyenne.

La qualité idéale, recherchée par le plus grand nombre de consommateurs, n’est ni unique ni fixe. Elle varie dans l’espace et dans le temps, d’une époque à l’autre, d’un pays ou d’une région à l’autre. Elle évolue avec les habitudes culinaires et alimentaires: les viandes grasses, naguère très prisées, sont aujourd’hui peu recherchées.

Catégorie

La catégorie est fonction de l’origine anatomique, donc de la structure de la pièce de viande (teneur plus ou moins grande en tissu conjonctif, finesse des faisceaux de fibres musculaires) qui conditionne son aptitude à un usage culinaire (tabl. 1). On distinguait naguère trois catégories (à rôtir, à braiser, pour pot-au-feu). Actuellement, on reconnaît deux catégories principales.

Les viandes de première catégorie, à cuisson rapide (rôtis, biftecks et escalopes, côtes et côtelettes), sont réputées tendres, pauvres en tissu conjonctif.

Les viandes de deuxième catégorie, à cuisson lente, ont une teneur plus élevée en tissu conjonctif et en gras. Elles sont destinées soit à la confection, en atmosphère humide, de plats braisés ou en sauce, ou à une cuisson très prolongée (pot-au-feu), soit à la fabrication de viandes hachées, produits carnés (charcuteries, conserves) ou extraits de viande.

La découpe des carcasses en unités de vente, la terminologie bouchère ont des variantes locales importantes. En France, seul le vocabulaire des pièces de bœuf a été réglementé.

La notion de catégorie est moins précise pour les viandes d’équidés. Un minutieux travail de parage du boucher spécialisé permet d’utiliser en viande à rôtir des morceaux assez abondamment pourvus d’aponévroses.

Valeur nutritionnelle

La composition brute d’une pièce de viande varie dans des proportions considérables avec l’espèce, la qualité, la catégorie. Les parties non consommables (graisse, os, tendons, aponévroses) peuvent représenter de 0 à plus de 50 p. 100 du poids brut d’une pièce de viande. Les données analytiques ne concernent que la partie comestible (tabl. 2).

On trouve des protides en quantité assez constante (de 15 à 20 p. 100); leur qualité dépend de leur origine. Les protéines musculaires offrent un éventail très large et un équilibre en acides aminés qui sont idéaux pour un organisme en croissance (richesse en lysine); elles sont parfaitement digestibles et totalement assimilées. Les protéines des tissus conjonctifs sont très pauvres en certains acides aminés (tryptophane, méthionine). Le tissu conjonctif, transformé en gélatine par la cuisson, est assimilable; l’élastine des tendons et aponévroses est pratiquement inassimilable.

La teneur en lipides varie dans des proportions considérables (de 6 à 35 p. 100). La présence de graisse intramusculaire («marbré» et «persillé») est une condition de qualité gastronomique (succulence et saveur).

L’apport diététique en glucides est négligeable, mais ils jouent un rôle déterminant dans l’évolution de la viande après l’abattage.

Pour ce qui est des matières minérales , la viande constitue un apport important en phosphore mais est nettement déficiente en calcium. Elle est une bonne source de fer (de 2 à 3 mg pour 100 g) et d’oligo-éléments.

Parmi les vitamines , l’apport en vitamines hydrosolubles (B et C) est assez faible; seule la vitamine B1 (thiamine) est en quantité suffisante, principalement dans les viandes de porc. Le taux de vitamines liposolubles (A, D, E et K) est fonction de la teneur en graisse: il varie donc du simple ou décuple, mais demeure assez faible. Les abats, en particulier le foie, sont infiniment plus riches (de 10 à 1 000 fois) en vitamines que les autres pièces.

En conclusion, la viande est une source majeure de protéines nobles (lysine), de phosphore et d’oligo-éléments et son apport en matières énergétiques (graisses) est variable. Elle est pauvre en calcium et en vitamines.

États successifs

Après la mort de l’animal, la viande évolue: sa composition, ses caractéristiques physiques, chimiques et organoleptiques se modifient spontanément.

Le froid, procédé de conservation habituel, et la chaleur, lors de la cuisson, infléchissent cette évolution ou déterminent des modifications sensibles de l’état de la viande.

Évolution

Après l’abattage de l’animal interviennent des phénomènes physico-chimiques, enzymatiques et, éventuellement, microbiens. Les propriétés organoleptiques de la viande se modifient: c’est la maturation, qui peut se prolonger par la putréfaction.

État pantelant. Immédiatement après l’abattage, la viande est chaude, souple, contractile, encore riche en glucides. Consommée, elle serait tendre mais sèche. Cet état persiste de une à cinq heures en moyenne.

État de rigidité cadavérique (rigor mortis ). Les muscles sont durs, inextensibles. Par dégradation des glucides, ils s’acidifient lentement. Apte à certains usages industriels (fabrication du saucisson sec), la viande n’est pas consommable en cet état. Il persiste de vingt-quatre à quarante-huit heures.

État rassis. De profondes modifications biochimiques interviennent, sous l’influence de diverses enzymes (cathepsines). Le terme de la maturation varie avec les types de viande (espèce, âge, état d’engraissement) et les conditions d’entreposage (température), qui dure de deux jours à trois semaines. La viande est alors «mûre» ou «rassise»: elle offre la conjonction tendreté-saveur optimale.

Putréfaction. Des contaminations endogènes ou exogènes suivies de conditions défectueuses d’entreposage déterminent une intense prolifération microbienne. Les viandes deviennent ternes, gluantes (poissage), ont une odeur fade, de renfermé (odeur de relent), puis nettement ammoniacale ou putride. Elles sont non seulement répugnantes, mais peuvent déterminer des troubles graves chez le consommateur.

Conservation

Le procédé de conservation le meilleur et le plus simple est le froid.

La réfrigération (de 0 à + 2 0C, + 7 0C au maximum) ralentit quelque peu la maturation mais évite la prolifération microbienne. La viande «fraîche» est une viande réfrigérée.

La congélation et la surgélation (de 漣 10 0 à 漣 30 0C) bloquent les activités enzymatiques et la maturation. Elles permettent une conservation de longue durée, de six à dix-huit mois. La maturation reprend après décongélation.

Cuisson

Le mode de cuisson modifie sensiblement la composition, la valeur alimentaire, les propriétés gustatives et la digestibilité des viandes.

La cuisson rapide, en atmosphère sèche, provoque une coagulation des protéines musculaires, une perte partielle en eau et la fusion des graisses présentes. Les viandes perdent en tendreté mais acquièrent, si elles sont «persillées», onctuosité et saveur. Ce mode de cuisson ne modifie pas le tissu conjonctif: il n’est applicable qu’aux viandes qui en sont pauvres.

La cuisson lente, surtout en atmosphère humide, détermine la solubilisation d’une partie des protéines musculaires et du tissu conjonctif. Les viandes perdent en valeur nutritive mais gagnent en tendreté.

Manipulation: les viandes découpées et les viandes hachées

La dernière décennie a vu se développer considérablement le secteur dit de la deuxième transformation des viandes, actuellement en pleine expansion. Celui-ci, par un travail de fragmentation, parage et conditionnement (en particulier conditionnement sous vide), prépare pour la restauration collective et la consommation familiale des viandes hachées, des pièces de viande prêtes à trancher et à cuire, des pièces de viande en unités de vente au détail. Il approvisionne également le secteur de la boucherie de détail et le secteur de la troisième transformation (fabrication de produits carnés et de plats cuisinés) en pièces de viande plus ou moins élaborées et triées.

Transformation: les produits carnés

Connus depuis la plus haute antiquité, divers traitements sont appliqués à la viande afin d’en assurer la conservation, de lui conférer des propriétés gustatives nouvelles. D’abord empiriques, ces procédés sont maintenant dirigés, quelquefois codifiés. Les produits carnés sont d’une très grande diversité. On se contentera d’une énumération rapide.

Salaisons. On peut distinguer trois sortes de salaisons crues: salées à sec ou en saumure; étuvées et éventuellement fumées; maturées, séchées (jambons crus ou jambons sel sec). Il existe, d’autre part, un procédé combinant salaison et cuisson: fabrication des jambons cuits, dits également jambons blancs.

Pâtes. Ce sont des mélanges de viandes et de graisse de porc. On distingue, selon le mode de confection, des produits crus (chair à saucisse, saucisse de Toulouse, chipolata); crus, étuvés et fumés ou non (saucisse de Morteau, cervelas de Lyon, gendarme, merguez); crus, maturés, séchés (saucissons secs, salamis, saucisses sèches); cuits, fumés ou non (saucissons cuits ou saucissons à l’ail, saucisses de Strasbourg ou de Francfort, mortadelles); cuits ou confits dans leur graisse (rillettes, confits).

Pâtés. Ce sont des mélanges à base de viandes et d’abats hachés plus ou moins finement, additionnés de divers ingrédients et cuits (pâtés, terrines, crèmes, galantines).

Produits divers. Un très grand nombre de spécialités, à base de tête (museau, fromage de tête, hure), d’estomacs et d’intestins (andouilles, andouillettes, tripes), de sang (boudins noirs), ont une composition simple. D’autres ont une composition plus complexe.

L’industrie des conserves de viande ou de produits à base de viande prépare des produits de plus en plus élaborés. La préparation industrielle des plats cuisinés, précuits ou cuits s’est beaucoup développée.

Hygiène

Les viandes portent parfois des lésions ou des anomalies susceptibles de les rendre insalubres ou impropres à la consommation. Elles peuvent aussi être vectrices de parasites, de microbes, de toxines ou de toxiques préjudiciables à la santé humaine.

Les maladies transmissibles

Les viandes peuvent être contaminées du vivant de l’animal (septicémie, maladies infectieuses, affections parasitaires, empoisonnement); au cours des opérations d’abattage (bactériémie, éviscération tardive, défaut d’hygiène); au cours du stockage, de la manipulation et de la transformation, par l’homme ou par l’environnement (animaux prédateurs, insectes, poussières, matériel). La fragmentation (découpe, hachage) multiplie les risques de contamination et favorise la multiplication des micro-organismes.

Les principales affections véhiculées par la viande sont des infestations parasitaires (tæniasis, trichinose), des maladies à virus (rares), des maladies bactériennes (tuberculose, brucellose, salmonellose, fièvre charbonneuse, toxi-infections alimentaires, botulisme).

En outre, des défectuosités de conservation, de manipulation ou de cuisson peuvent déterminer des proliférations microbiennes qui dégradent les protéines en amines toxiques (histamine, cadavérine), génératrices de troubles graves chez l’homme.

Prophylaxie

La prophylaxie repose sur la surveillance de l’état sanitaire du cheptel, l’inspection ante mortem et post mortem des animaux de boucherie et de charcuterie, le respect d’une hygiène très rigoureuse de l’abattage, la mise en œuvre rapide du froid, la surveillance de tous les lieux et moyens d’entreposage, transport, transformation, exposition en vente, le contrôle des cuisines collectives.

Des analyses bactériologiques et biochimiques renforcent les contrôles directs. Les viandes et produits carnés reconnus insalubres ou de qualité insuffisante doivent être exclus du commerce des viandes, dénaturés et détruits. L’ensemble de ces contrôles incombe en France aux spécialistes du service d’inspection des denrées animales et d’origine animale des Services vétérinaires.

De nos jours, la transmission d’infections ou de toxi-infections alimentaires par les viandes et produits carnés, en France comme dans de nombreux autres pays, est rare. Mais la vigilance des responsables doit être constamment alertée, les nouveaux modes de production, de stockage et de transformation des viandes pouvant créer des conditions potentielles de danger, en particulier du fait de l’insuffisance fréquente des moyens dont disposent les services responsables (cf. comportement ALIMENTAIRE - Hygiène alimentaire).

Production et consommation

En 1992, la production mondiale de viande a atteint 164,1 millions de tonnes. Les États-Unis occupent la place de premier producteur, dépassant 30 millions de tonnes. La Chine est le premier producteur de viande de porc, la Nouvelle-Zélande l’est pour la viande ovine et les États-Unis pour la viande bovine et la volaille. Quant à la France, sa production totale de 6,1 millions de tonnes est ainsi composée: bovins (1 900 000 t), ovins et caprins (175 000 t), porcs (2 000 000 t), équidés (24 000 t) en 1993.

L’examen des données des tableaux 3 et 4 et des chiffres mentionnés ci-dessus permet d’apprécier l’évolution de la production de viande.

À titre de comparaison, il est intéressant de noter qu’en 1992 la production mondiale de volailles a atteint 39,325 millions de tonnes et que les principaux pays producteurs se classent de la façon suivante: États-Unis (11,747 millions de tonnes), Chine (4,063), Brésil (2,864), ex-U.R.S.S. (2,814), France (1,866), Japon (1,352). Les productions intensives, industrialisées (volailles, porc), progressent plus rapidement que les productions classiques. Elles tendent à suppléer les insuffisances et à freiner relativement la hausse des cours mondiaux.

Sur le plan mondial, la consommation par habitant et par an est particulièrement élevée:

– dans les pays traditionnellement producteurs (Allemagne, Australie, États-Unis, Nouvelle-Zélande, France);

– dans les pays industrialisés, à haut pouvoir d’achat;

– dans les pays partenaires de l’Union européenne, où l’Allemand est le plus grand consommateur (tabl. 5).

La répartition de la consommation varie beaucoup selon les structures socio-économiques; elle est, par exemple, sensiblement plus élevée en milieu urbain.

Le déséquilibre entre la production et la demande ne cesse de croître: le déficit mondial de l’élevage détermine une hausse de prix et un tassement de la demande, un transfert de la consommation vers les viandes dites de substitution, moins onéreuses (volailles, lapins, porcs).

La viande représente en Europe occidentale une part importante des dépenses alimentaires (de 9 à 10 p. 100 du budget familial; 25 p. 100 environ des dépenses d’alimentation). Mais sa valeur relative ne fait qu’augmenter: elle devient l’«or rouge».

viande [ vjɑ̃d ] n. f.
• 1050; lat. pop. °vivenda; cf. lat. médiév. vivanda « ce qui sert à la vie », de vivere « vivre »
1Vx Aliment dont se nourrit l'homme. nourriture. « un ragoût, une salade de concombre, des cerneaux, et autres sortes de viandes » (Mme de Sévigné). Loc. VIANDE CREUSE : aliment insuffisant qui ne nourrit pas. Fig. Chose de peu de réalité, qui ne peut satisfaire. Se repaître de viande creuse, d'imaginations chimériques.
2(XVIe) Mod. Chair des mammifères et des oiseaux, et plus particulièrement des animaux de boucherie, obtenue par la chasse, puis par l'élevage, que l'homme emploie pour sa nourriture. bœuf, mouton (et agneau), porc, veau; charcuterie, gibier, venaison, volaille. Viande de boucherie. Crochet à viande. Viande de cheval. Viande rouge : le bœuf, le cheval, le mouton. Viande blanche : la volaille, le veau, le porc, le lapin. Viande noire : le sanglier, le chevreuil, le lièvre, la bécasse. Manger de la viande. gras (faire gras).Viande maigre, grasse, persillée. Viande crue, marinée, séchée ( pemmican) , salée, fumée, congelée. Désosser, découper, hacher; barder, larder de la viande. Viande faisandée, mortifiée. Viande bouillie, braisée, grillée, rôtie, à la broche. Viande en sauce. Viande panée. Jus de viande. Bouillon de viande. Plat de viande garni (de légumes). Viande froide. Assiette de viandes froides (cf. Assiette anglaise). Viande tendre; dure, filandreuse. fam. barbaque, bidoche, carne. Cuisson des viandes rouges grillées ou rôties : à point, saignant, bleu. Aimer la viande rouge, saignante. Viande trop cuite, desséchée. semelle. Viande avariée. Viande halal, casher.
Par anal. Chair d'animal dont un autre animal se nourrit. Animal qui se nourrit de viande. carnassier, carnivore.
3Fam. Chair de l'homme, corps. Amène ta viande ! viens ! Sac à viande : sac de couchage en toile à draps. De la viande soûle : des gens ivres. De la viande froide : un, des morts.

viande nom féminin (latin populaire vianda, du bas latin vivanda, ce qui sert à la vie) Aliment tiré des muscles des animaux, principalement des mammifères et des oiseaux. Populaire. Chair, corps humain. ● viande (citations) nom féminin (latin populaire vianda, du bas latin vivanda, ce qui sert à la vie) Charles Cros Fabrezan, Aude, 1842-Paris 1888 Proclamons les princip's de l'art ! Que tout l' mond' s'entende ! Les contours des femm's, c'est du lard, La chair, c'est d'la viande. Le Coffret de santal, Chanson des sculpteurs Zénobios IIe s. S'il n'y a pas de viande, il faut se contenter de poisson salé ! Corpus paraemiographorum graecorum, I, 84 viande (expressions) nom féminin (latin populaire vianda, du bas latin vivanda, ce qui sert à la vie) Viande blanche, viande qui conserve une couleur blanche après la cuisson (veau, lapin, volaille). Viande de boucherie, viande vendue en boucherie (bœuf, mouton, porc). Littéraire. Viande creuse, aliment peu nourrissant, insuffisant. Familier. Viande froide, cadavre. Viande noire, viande qui prend une couleur noire avec la cuisson (sanglier, chevreuil, bécasse). Viande rouge, viande qui conserve une couleur rouge à la cuisson.

viande
n. f. Chair des mammifères et des oiseaux, en tant qu'aliment. Viande rouge (le boeuf, le mouton, le cheval). Viande blanche (le veau, le porc, la volaille, le lapin). Viande noire (le gibier).
Spécial. Toute viande de boucherie, à l'exception de la volaille et des abats.

⇒VIANDE, subst. fém.
A. — 1. Vx. Aliment dont se nourrit l'homme; nourriture quelconque. (Dict. XIXe et XXe s.).
Viande du Roi. Repas du Roi. — Vous venez de rencontrer la viande du Roi (...) Oui, c'est ainsi que l'on nomme son dîner (LA VARENDE, Esculape, 1949, p. 254).
La viande est servie. ,,Se disait les jours maigres comme les jours gras`` (Ac. 1798-1878). Aller à la viande. ,,Aller chercher les plats qu'on devait servir sur table`` (Ac. 1798-1878).
2. Vx ou littér. Viande creuse.
3. En partic. Chair comestible de tout animal et notamment du poisson. Le saumon n'est pas une viande de malade (Ac. 1798-1878). Les viandes se divisent en: viande de boucherie, volaille, abats, gibier, poissons, crustacés, mollusques (MACAIGNE, Précis hyg., 1911, p. 216).
Vx. Viande de carême. Poisson salé (hareng, morue, saumon...), parfois fruits secs (figues, raisin...) ou riz, autorisés pendant le carême. Faire provision de viande de carême (Ac. 1798-1878).
4. RELIG. CATH. Eucharistie, corps du Christ sous forme d'aliment eucharistique et/ou de nourriture spirituelle. Le Pontife va recevoir « le vin et la viande du bonheur » ce qui marque l'instant communiel dans la célébration du rite (CUISINIER, Danse sacrée, 1951, p. 69). L'Eucharistie était son amour; toujours affamée de cette viande céleste et tremblante en la recevant (DUPRÉ 1972).
B. — 1. [P. oppos. aux végétaux comestibles et aux animaux aquatiques, en partic. les poissons]
a) Chair comestible d'un animal. Synon. pop., péj. barbaque, bidoche. Tout l'hiver, ils ont vécu de quinze lapins, sans autre viande (RENARD, Journal, 1904, p. 893). Paon: on disait au Moyen Âge que ce noble oiseau était la viande des preux et il jouait un grand rôle dans les festins (Gdes heures cuis. fr., Éluard-Valette, 1964, p. 245). V. cru ex. de Zola.
SYNT. Viande avariée, dure, filandreuse, fraîche, tendre; viande grasse, maigre; viande bouillie, cuite, fumée, grillée, rôtie, salée, séchée; viande entrelardée, persillée; viande marinée, mortifiée, panée; viande à la broche, en sauce, en conserve; viande à point, saignante; manger de la viande; barder, larder de la viande; morceau, plat de viande; attendrisseur, hachoir, presse à viande.
Hache-viande. V. hache-. Presse-viande. V. presse-.
Viande blanche. Viande du veau, du lapin, de la volaille, etc., qui a une couleur blanche après cuisson. Synon. chair blanche. On prescrira d'abord un régime très-doux, n'accordant que des soupes, (...) du poisson cuit à l'eau et des viandes blanches (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 331). Nos paysans ne consomment à l'ordinaire que de la viande blanche, volaille ou veau, volaille surtout, au fur et à mesure des naissances et du roulement des bêtes au poulailler (PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 116). Viande rouge. Viande noire. Viande du sanglier, du chevreuil, du lièvre, de la bécasse, etc., et en général viande qui a une couleur rouge foncé ou noirâtre après cuisson. Synon. chair noire. En général, tous les aliments qui sont légèrement excitants font rêver: telles sont les viandes noires, les pigeons, le canard, le gibier, et surtout le lièvre (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 215). Un lièvre c'est un grand plat débordant de viande noire (GIONO, Colline, 1929, p. 121).
Vieilli. [P. oppos. à grosse viande (infra b) ou à viande de boucherie] Menue viande. Volaille, gibier. Le pourvoyeur a fait marché pour fournir la grosse et la menue viande (Ac. 1798-1878).
ART CULIN. Viande froide. Viande cuite et servie ensuite froide. Synon. assiette anglaise. On servait à Jeanne de la viande froide, à laquelle elle ne touchait pas (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 480).
Viande des grisons (région., Suisse). Sans oublier le fromage [...] en raclette avec de la viande des grisons, typique des sports d'hiver (Santé magazine, févr. 1991, p. 15, col. 4).
Rare. [En parlant du cœur] Le cœur est une viande fibreuse, d'un goût médiocre, mais nutritive, car elle contient 19 grammes p. 100 d'albuminoïdes et jusqu'à 13 grammes de graisse (MACAIGNE, Précis hyg., 1911, p. 217).
RELIG. CATH. S'abstenir, interdire de manger de la viande. L'abstinence de viande (Ac. 1798-1835). Moïse proscrivait les viandes impures: il n'y a rien d'impur, toute viande est bénie, car la vie est dans la viande. Mangeons la viande pour avoir la vie, buvons le vin pour avoir la flamme! (FLAUB., Tentation, 1849, p. 256).
b) Mod., lang. cour., BOUCH. Chair des animaux de boucherie, à l'exclusion de la volaille, des abats ainsi que des préparations de conserve (charcuterie, confits, etc.). Viande hachée; viande à braiser, à griller; viande de bœuf, de cheval, de porc; crochet, pendoir à viande; découper, hacher de la viande:
Les bouchers, avec de grands tabliers blancs, marquaient la viande d'un timbre, la voituraient, la pesaient, l'accrochaient aux barres de la criée; (...) il regardait ces files de corps pendus, les bœufs et les moutons rouges, les veaux plus pâles (...) le ventre ouvert.
ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 631.
Grosse viande (vx). Synon. de viande de boucherie. V. supra menue viande ex. Loc. verb. fig. Traiter qqn comme de la viande de boucherie. Traiter quelqu'un très mal; l'envoyer à la mort. Mais les jeunes soldats d'aujourd'hui iront-ils grossir ce charnier? Se laisseront-ils traiter comme de la viande de boucherie? (ARLAND, Ordre, 1929, p. 262).
Viande abattue. Animal de boucherie abattu. Anton. viande sur pied. Les grandes sociétés de groupage (...) monopolisent en partie le transport des viandes abattues et en contrôlent le commerce (WOLKOWITSCH, Élev., 1966, p. 179).
Viandes foraines. V. forain1. Viande sur pied.
Farine de viande. Farine obtenue par séchage et pulvérisation de la viande d'équarrissage et des déchets de boucherie et d'abattoir, utilisée dans l'alimentation du bétail. V. farine A 2 b ex. de Wolkowitsch.
— [Avec un poss.] Part de viande servie. Montrer comment on coupe sa viande (GDEL).
(Couleur, rouge) de viande (crue, saignante). D'une couleur qui rappelle celle de la viande crue ou saignante; rouge vif. Bouche d'un rouge de viande crue; teint de viande crue. Une feuille couleur de viande crue, striée de côtes pourpre, de fibrilles violacées, une feuille tuméfiée, suant le vin bleu et le sang (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 119). Une barbe noire, très fournie, qui ne laisse à découvert que deux pommettes couleur de viande (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 737). En viande saignante (rare). Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques (RIMBAUD, Illumin., 1873, p. 292).
c) P. anal. Chair d'un animal dont un autre animal se nourrit. [Chez le lion] toutes les particularités morales sont à l'unisson: d'abord l'instinct sanguinaire, le besoin de viande fraîche, la répugnance pour tout autre aliment (TAINE, Philos. art, t. 1, 1865, p. 34).
Région. (Afrique). Gibier. [La panthère] s'en va tuer sa viande (Invent. Particul. lex. Fr. Afr. n. 1988).
2. Gén. péj. Chair humaine; p. méton., corps humain, individu, personne.
a) Pop. ou arg. Cacher, laisser voir sa viande; recevoir un coup de couteau en pleine viande. Il passe des blessés qui (...) jettent au public: « Allez, il y a de la viande de Prussiens là-bas! » (GONCOURT, Journal, 1870, p. 687). Les hyènes ça rigole énormément... C'est votre viande à vous qu'elles reniflent... Ça les fait rire!... C'est pressé de vous voir crever ces bêtes-là! (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 207).
C'est pas de la viande pour ton serin. Quand on regarde avec insistance une jolie fille et que cela ne lui plaît pas, elle répond Ça, mon vieux (...) c'est pas de la viande pour ton serin (VIRMAITRE, Dict. arg. fin-de-s., 1894, p. 189).
Locutions
Loc. adj. [En parlant d'une pers.] En viande. Gros, gras. Synon. viandeux, viandé (infra rem.), viandu (infra rem.). Le paillasse-nain détestait les hommes forts (...) Il les tenait à l'œil [ceux de la foire] (...) d'être si en viande (RICHEPIN, Truandailles, 1891, p. 67).
Loc. verb. [Le suj. désigne une pers.] Amener sa viande. ,,Venir, arriver`` (REY-CHANTR. Expr. 1979). Exposer sa viande. ,,Prendre un risque`` (GAUTRAT 1970). « J'exposais la viande », je ne m'encombrais pas d'un luxe de précautions (L. TERRAY Les Conquérants de l'Inutile, 1961 ds PETIOT 1982). Montrer sa viande. ,,Se décolleter excessivement`` (DELVAU 1883). ,,Se dénuder`` (REY-CHANTR. Expr. 1979). Pousser sa viande. ,,Se pousser`` (REY-CHANTR. Expr. 1979).
b) Arg. Viande + déterm.
Viande + adj.
Basse viande. ,,Femme dont les chairs sont bouffies et molles`` (RIGAUD, Dict. jargon paris., 1878, p. 343). Synon. viande de deuxième catégorie (infra).
Viande chaude, humaine (le plus souvent à propos d'une femme). Marchandise humaine. Ces filles étalées, écrasées sur les banquettes... ce marché de viande humaine, promise aux voracités bourgeoises (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 316). Exploiteur, marchand, négociant, vendeur en/de viande chaude, humaine. Souteneur. Mais c'est un métier de souteneur que vous me proposez là. Vous êtes tout simplement des « exploiteurs de viande chaude! » (HOGIER-GRISON, Monde où l'on triche, 1re série, 1886, p. 100).
Viande froide. Mort (le plus souvent de mort violente); p. méton., carnage, tuerie. [Riton était un implacable:] j'avais qu'à le laisser faire, en moins de rien la firme Angelo, elle allait se retrouver en viande froide, gonzesses et gonzes pêle-mêle! (...) ça passait la demi-douzaine d'allongés! (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 105). J'ai fait trois viandes froides aujourd'hui (SANDRY-CARR. 1963). PRESSE. ,,Biographies de personnalités rassemblées aux archives pour servir en cas de besoin notamment dans la rédaction des articles nécrologiques`` (CFPJ Presse 1982).
Viande morte. Cadavre. Les premiers rangs de la charge, lourds, retombèrent sur eux-mêmes (...) comme des viandes mortes (D'ESPARBÈS, Guerre dentelles, 1896, p. 55). J'en peux pus! On est traité comme d' la viande morte (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 83).
Viande saoûle. Ivrogne. Dans le mitan de la nuit, la viande saoûle monte l'escalier, eux débraillés, elles nues, et qui pissaient de rire à chaque marche (GIONO, Baumugnes, 1929, p. 100).
Viande à + subst.
♦ [Le subst. désigne une catégorie professionnelle] Femme dont les charmes, les faveurs sont tout juste bonnes pour... C'était une fille. Encore une malheureuse! De la viande à cocher ou à valet de chambre (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 371). Il gagnait généralement les consommations au bar, et du coup, la proximité gratis de belles filles, de la viande à boxeurs (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 212).
Viande à canon. Synon. de chair à canon (v. chair I B 2 b). Les ouvriers, c'est tout de la canaille, des crève-de-faim, de la viande à canon (POULOT, Sublime, 1870, p. 132).
Viande à pneu. ,,Piéton imprudent`` (CAR. Argot 1977).
Viande de + subst.
Viande de boucherie. Synon. de viande chaude, humaine (supra). Ni une maquerelle ni un Seymour n'ont pensé à avoir une Circassienne et une Japonaise, une négresse et une mulâtresse (...). Toujours la même viande de boucherie (GONCOURT, Journal, 1863, p. 1214).
Viande de deuxième catégorie. Synon. de basse viande (supra). (Ds RIGAUD, Jargon paris., 1878, p. 343).
Viande de morgue. ,,Personne qui commet des imprudences. - Vagabond, coureuse`` (RIGAUD, Jargon paris., 1878, p. 343). Le marinier Lausard lui cria même: Viande de morgue, rangez-vous donc (Liberté, 25 août 1877 ds RIGAUD, Jargon paris., 1878, p. 343).
c) Subst. + à viande. [Pour désigner une chose concr.] Arg., pop.
Sac à viande. Drap cousu en forme de sac que l'on glisse dans le sac de couchage ou que l'on utilise pour protéger un duvet; sac de couchage. ,,Chemise`` (CAR. Argot 1977). Quand on se réveillait le matin, tout était raide, le sac à viande, la couverture (...) les godillots surtout (VIALAR, Morts viv., 1947, p. 79).
Boîte à viande. ,,Cercueil`` (VIRMAITRE, Dict.arg.fin-de-s., , 1894, p. 39). Voiture à viande. Corbillard. Après les mitrailleurs (...) passèrent les caissons cahotants du train de combat, la voiture à viande, l'ambulance aux roues ferrées (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 60).
REM. 1. Viandaille, subst. fém., région. (Provence). Hachis de viande, chair à saucisse. Madame Onuphre emplissait les boyaux à saucisse. Elle prenait de pleines poignées de ce hachis puis elle entonnait la viandaille en faisant de la main le simulacre de traire (GIONO, Eau vive, 1943, p. 18). 2. Viandailler, verbe intrans., hapax. Manger de la viande. Il est de ces athées intransigeants (...) qui, par système, font gras pendant tout le Carême en vérité, le bel exploit! On voit même quelques fumistes (...) qui viandaillent comme des hyènes, le seul jour du Vendredi-Saint! (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p. 170). 3. Viandard, subst. masc. a) Chasse, péj. Chasseur (tueur) pour qui seule compte la chasse, la quantité de viande abattue, rapportée et, quelquefois, vendue (d'apr. BURN. 1970). b) Manège. ,,Cheval possédant plus de « gros » (masse) que de « sang »`` (ST-RIQUIER-DELP. 1975). c) Au fig. Personne qui vit aux dépens d'autrui. Une lutte incessante, une société cynique et féroce, les pauvres, les humbles, hués, pilés par les bourgeois enrichis, par les viandards! (HUYSMANS, Là-bas, t. 2, 1891, p. 198). 4. Viandasse, subst. fém., hapax. Synon. péj. de viande (supra B 1 b). Alban était fasciné par l'opération qui transformait ce grand corps [du taureau], il y a un quart d'heure encore instrument de meurtre et de gloire, en une viandasse maniée et triviale (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 564). 5. Viandé, -ée, adj., vieilli. [En parlant d'une pers., d'une partie de son corps] Bien en chair; gras, gros. Synon. viandeux, viandu. Des yeux qui s'occupent chacun de leur affaire dans une figure trop viandée (RENARD, Journal, 1902, p. 755). 6. Vianderie, subst. fém. Industrie de la viande; boucherie. On aurait intérêt à créer une industrie agricole de la viande, la vianderie, sur des bases identiques à celles de la sucrerie, de la distillerie ou de la laiterie (BRUNERIE, Industr. alim., 1949, p. 59). 7. Viandeux, -euse, adj. a) Région. (Belgique). [En parlant du bétail] ,,Bien fourni en chair`` (HANSE Nouv. 1983). b) Rare, péj. [En parlant d'une pers.] Synon. de viandu, viandé. Trois étrangers, un homme et deux femmes (...) tous trois épais, viandeux, au parler rauque et indiscret (GIDE, Journal, 1929, p. 923). 8. Viandu, -ue, adj., péj. [En parlant d'une pers., d'une partie de son corps] Synon. de viandeux, viandé. Le gros échevin à figure viandue, à petite bouche triste et précieuse (COLETTE, Jumelle, 1938, p. 178).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 « tout aliment qui entretient la vie » (Alexis, éd. Chr. Storey, 251) — XVIIIe s., F. ROLLIN ds BRUNOT t. 6, p. 1350; 1564 viandes de quaresme (RABELAIS, Cinquesme Livre, éd. Marty-Laveaux, XXVIII, p. 116); au fig. a) 1630 viandes celestes (D'AUBIGNÉ, Confession Cath. Sieur Sancy, p. 255); b) 1646 viande creuse « nourriture peu substantielle » (DU LORENS, Satires p. 39); 2. ca 1389 « chair des animaux à sang chaud, dont on se nourrit » grosses viandes (PHILIPPE DE MÉZIÈRES, Le Songe du Vieil Pélerin, éd. G. W. Coopland, Prol., f° 7 r°, p. 97); 1654 viandes de la boucherie (J.-L. GUEZ DE BALZAC, Dissertations politiques, p. 512); 1690 menuë viande « gibier, volaille » (FUR.); 1718 viande blanche, viande noire (Ac.); 3. a) 1690 fam. « chair de l'homme » (FUR.: On dit, cachez vôtre viande, à ceux qui monstrent quelques parties qui sont ordinairement couvertes); 1808 montrer sa viande (HAUTEL t. 2); b) 1846 « individu » ici « prisonnier » (Intérieur prisons, p. 34); 1916 viande saoule (BARBUSSE, Feu, p. 199); c) 1888 sac à viande « chemise » (MERLIN, Lang. verte troupier, p. 78); 1908 id. « sac de couchage » (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], p. 336). Du lat. tardif vivanda (805, Capitulaire de Charlemagne ds DU CANGE) avec chute, p. dissim., du v intérieur. Vivanda est l'altér. du lat. vivenda « ce qui sert à la vie », neutre plur. subst. de vivendus adj. verbal de vivere « vivre ». Fréq. abs. littér.:1 853. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1 345, b) 3 762; XXe s.: a) 3 314, b) 2 722.
DÉR. Viandis, subst. masc., vén. Pâture du cerf, et, plus généralement, de toute bête fauve; manière dont ces bêtes pâturent. On reconnaît les cerfs à leur viandis (Ac. 1835-1935). Le soleil était chaud et les jeunes pousses formaient un viandis cher aux cerfs et aux biches (VIALAR, Rendez-vous, 1952, p. 191). Loc. verb. Aller, être au viandis; faire son viandis. Synon. de viander (v. ce mot A). [Le tueur] connaissait tous les gagnages où les bêtes douces vont faire leur viandis, les bêtes mordantes leurs mangeures nocturnes (GENEVOIX, Dern. harde, 1938, p. 141). []. Att. ds Ac. dep. 1694. 1res attest. 1387-89 viandeïs (GASTON PHÉBUS, Livre de Chasse, éd. G. Tilander, 30, 32, p. 156), ca 1510 viandis (GRINGORE, Chasse du cerf des cerfs, I, 165 ds GDF. Compl.); de viande, suff. -is.
BBG. — ARVEILLER (R.). R. Ling. rom. 1983, t. 47, pp. 463-464. — GUILL. Orig. gourmande 1986, pp. 267-268. — QUEM. DDL t. 22, 25, 27, 28, 37 (s.v. viandeux), 38.

viande [vjɑ̃d] n. f.
ÉTYM. 1050; lat. pop. vivenda, vivanda « ce qui sert à la vie », de vivere « vivre ».
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I Vx. Aliment dont se nourrit l'homme. Nourriture. || Viandes et breuvages (→ Heure, cit. 24). || Accommoder les viandes. || La digestion des viandes (→ Organe, cit. 7). || Viande délicate (→ Recette, cit. 5). || « Le saumon n'est pas une viande de malade » (Littré).
1 (…) un ragoût, une salade de concombre, des cerneaux, et autres sortes de viandes.
Mme de Sévigné, 1204, 9 août 1689.
Mod. fig. || Viande creuse : aliment insuffisant qui ne nourrit pas, n'apaise pas la faim. Chose de peu de réalité, qui ne peut satisfaire. — ☑ Loc. Se repaître de viande creuse, d'imaginations chimériques (→ aussi Creux, cit. 6; médullaire, cit.).
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II
1 Chair des mammifères et des oiseaux que l'homme emploie pour sa nourriture. || La viande, produit agricole d'élevage ou produit de la chasse. || Principales viandes et leurs morceaux. Bœuf, mouton (et agneau), porc (et charcuterie, cochonnaille), veau; gibier, volaille. || Viande de cheval ( Hippophagique). || Vendre de la viande. Boucher, boucherie. || Viande de boucherie. || Quartiers, pièces de viande fraîche (→ Nectar, cit. 1). || Viande en charnier (vx). || Viande en glacière, en frigo. || Viande foraine, provenant d'un abattoir situé hors de l'agglomération ou de la région considérée.Crochet, pendoir à viande. || Viande rouge, le bœuf, le mouton. || Viande blanche, la volaille, le veau, le porc, le lapin. || Viande noire, le sanglier, le chevreuil, le lièvre, la bécasse (→ Insipide, cit. 1). || Manger de la viande. Gras (faire gras; jours gras).
Viande maigre, grasse, entrelardée, persillée; avec des os, sans les os. || Viande crue séchée ( Pemmican), salée ( Salaison), fumée (→ Faim, cit. 3), boucanée ( Boucan). aussi Corned-beef. || Viande (séchée) des Grisons. || Viande en conserve (→ Roi, cit. 18). || Boîtes de viande. Singe (fam.). || Viande (de porc, d'oie, etc.) en confit.
Viande frigorifiée, congelée.Désosser, découper, hacher; barder, larder de la viande. || Couperet, hachoir à viande; presse (cit. 3), attendrisseur à viande. || Viande mortifiée (cit. 8), marinée ( Marinade, cit.). || Viande bouillie (→ Frugal, cit. 2); à l'étuvée (cit.), braisée (→ Sucrer, cit. 1), grillée (→ Friture, cit. 5), rôtie (→ Escrimer, cit. 3), à la broche. || Plat de viande mijoté.Viande (de boucherie) à griller, à braiser. || Viande hachée. Hachis. || Farce de viande.Viande en sauce. || Viande panée ( Panure). || Le fumet des viandes (→ Mélange, cit. 9). || Jus de viande. || Bouillon (cit. 7) de viande. Viandox. || Plat de viande (→ Intime, cit. 14; maigre, cit. 10) : mets servi au milieu du repas, après l'entrée (souvent appelé plat de résistance). || Principaux plats de viande. (outre les noms des animaux de boucherie et de chasse) Bouilli, brussoles, carbonnade, charbonnée, daube, émincé, fricassée, godiveau, griblette, grillade, paupiette, ragoût, rôti, sauté. || Plat de viande garni (de légumes). || Viande froide (1. Froid, cit. 10; et → Cabas, cit. 2; diminuer, cit. 10). || Assiette de viandes froides, dite assiette anglaise. || Être grand mangeur (cit. 4) de viande.Viande faisandée (→ Attirer, cit. 14), avariée, corrompue, pourrie (→ Gueule, cit. 4). || Viande tendre. || Viande mauvaise, dure, filandreuse. Fam. Barbaque, bidoche, 2. carne. || Viande trop cuite (→ Du charbon, de la semelle). || Cuisson des viandes rouges grillées ou rôties, à point, saignant, très saignant ou bleu.Viande hahal (ou hallal), kascher, abattue selon les rites (musulmans, juifs).
1.1 La viande de cet animal (le renne) est très bonne, et a assez du goût de celle du cerf, mais plus relevée.
J.-F. Regnard, Voyage en Laponie, p. 152.
2 — La cuisine corrige jusqu'à un certain point les viandes trop fraîches, fit Mme Bavoil; seulement, il convient, en ce cas, de dire adieu aux côtelettes grillées et aux biftecks saignants; il est, en effet, nécessaire de mettre à mijoter, pendant des heures, dans une casserole ce que… comment appeliez-vous le gigot qui vous déplaisait à Chartres ? — De la carne ou de la bidoche, madame Bavoil; ce sont les inélégants synonymes d'une irréductible viande.
Huysmans, l'Oblat, II.
3 En principe, elle n'aimait pas la viande. Ce qui parvenait à l'intéresser dans des mets comme le lapin chasseur, ou le rognon sauce madère, c'était le piquant de la préparation.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XXI, p. 230.
4 Quant à la viande, un tremblement à sa vue, une espèce d'horreur ou de sympathie m'oblige à la plus grande discrétion. Fraîchement coupée, d'ailleurs, un voile de vapeur ou de fumée sui generis la dérobe aux yeux même qui voudraient faire preuve à proprement parler de cynisme : j'aurai dit tout ce que je peux dire lorsque j'aurai attiré l'attention, une minute, sur son aspect pantelant.
Francis Ponge, le Parti pris des choses, p. 78.
Spécialt. Viande de boucherie, à l'exclusion de la volaille et des abats, ainsi que des préparations de conserve (charcuterie, confits, etc.).
Par anal. Chair d'animal dont un autre animal se nourrit. Carnage (vx). || Animal qui se nourrit de viande. Carnassier, carnivore. || Oiseaux mangeurs (cit. 7) de viande et mangeurs de graines.
En franç. d'Afrique (calque des langues africaines). Gibier. || La panthère « s'en va tuer sa viande » (in I. F. A.).
2 a (1690, cacher sa viande; 1872, Littré, montrer sa viande). Fam. Chair de l'homme, corps. Bidoche.Amène ta viande : viens.Montrer sa viande : se dénuder. || Étaler sa viande au soleil sur les plages. — ☑ Sac à viande : sac de couchage en toile à draps, utilisé le plus souvent pour protéger un duvet.
5 Jimmy était un colosse mou et myope, deux cents livres de viande calme imbibée de whisky, surmontée de hublots.
Claude Roy, Nous, p. 88.
De la viande soûle : des gens ivres et sans tenue. || C'était la nuit du réveillon, et il y en avait, dans les rues, de la viande soûle !
De la viande froide : un, des morts. || Il va y avoir de la viande froide, un, des morts (souvent, de mort violente); un carnage, une tuerie.
b En franç. d'Afrique (calque des langues africaines). Chair (des humains). || « L'épine est entrée dans la viande de son bras » (I. F. A. : Togo).
DÉR. Viander, viandeux, viandox.
COMP. Hache-viande.

Encyclopédie Universelle. 2012.