possible [ pɔsibl ] adj. et n. m.
• 1265; lat. imp. possibilis
I ♦ Adj.
1 ♦ (Activités, réalités humaines) Qui peut exister, qu'on peut faire. ⇒ concevable, envisageable, faisable, réalisable. Nous avons fait tout ce qui est humainement possible pour le sauver, tout ce qu'on pouvait faire (⇒ 1. pouvoir) . Une hypothèse possible. ⇒ admissible. Croire une chose possible. — C'est possible, très possible. ⇒ facile, faisable. « Ce n'est pas possible, m'écrivez-vous; cela n'est pas français » (Napoléon Ier). Ce n'est pas possible autrement : il n'y a pas d'autre moyen. — Venez demain si c'est possible, ellipt si possible. « Je ne fréquente personne. Moins encore qu'avant si c'est possible » (Romains). — Impers. Il ne m'est pas possible de vous renseigner.
♢ (Pour marquer l'étonnement). Est-ce possible ? Ce n'est pas possible ! ⇒ croyable. Ellipt et fam. « ce cochon-là s'est établi marchand de chapelets ! — Pas possible ! » (Flaubert). — Rural (Pour marquer l'indignation ou l'étonnement). C'est-il (c'est-y) Dieu possible ? C'est pas Dieu possible ! (cf. Ce n'est pas vrai !).
♢ Qui, étant faisable, est en outre autorisé. ⇒ permis.
2 ♦ Qui constitue une limite, un maximum ou un minimum. Il a fait toutes les sottises possibles et imaginables. — Impers. « Ils ont vu, senti, éprouvé, entendu tout ce qu'il est possible de voir, de sentir, d'éprouver et d'entendre » (Gautier).
♢ En compar., employé avec que Aussitôt que possible, dès que possible. Il travaille aussi bien que possible. « Oui, je suis heureux autant qu'il est possible à un homme de l'être » (Courteline). — Ellipt « Je ne parle que des choses que je connais, autant que possible » (P. Benoit). Autant que possible, remettez les livres à leur place ! (cf. Autant que faire se peut).
♢ En superl., avec le plus, le moins, etc. — (Avec un v., un adv.) « Un roi doit écrire le moins possible » (L. Bertrand). Le plus vite, le plus tôt, le plus souvent, le mieux, le meilleur possible. Le moins mal possible. « Vous dites non le moins souvent possible » (Romains). (Avec un adj.; inv. ou accordé) Achetez des huîtres, les plus grosses possible(s). — (Avec un nom) Le plus, le moins de... possible (avec ou sans accord). « Pour courir le moins de risques possible » (Stendhal). « nouer avec ces gens [...] le plus de liens possibles » (Romains). « le plus possible de gens de toutes sortes » (Achard). — (Avec des, toujours accordé) « Le meilleur des mondes possibles » (Voltaire).
3 ♦ Qui peut se réaliser, être vrai; qui peut être ou ne pas être (⇒ contingent, éventuel). Averses possibles en fin de journée. De possibles chutes de neige. Une aggravation possible de la maladie. Il n'y a aucun doute possible. — (dans une réponse) Irez-vous à la mer cet été ? — Possible. C'est très possible, bien possible. ⇒ probable, vraisemblable.
♢ Impers. IL EST POSSIBLE QUE (et subj.) :il se peut que. Il est possible qu'il fasse froid cette nuit. « Si l'affaire ne réussit pas, il est possible que je me pende » (Suarès). — Ellipt Fam. Possible que : peut-être que. Possible qu'il ait oublié.
4 ♦ Qui est peut-être ou peut devenir (tel). ⇒ virtuel (cf. En puissance). C'est un concurrent possible. ⇒ éventuel.
5 ♦ (1859) (Choses ou personnes) Acceptable, convenable, supportable. Un endroit possible pour les vacances. « L'atmosphère de la maison n'était vraiment pas possible » (Aragon). Il ferait un mari possible. ⇒ acceptable. — Fam. PAS POSSIBLE. ⇒ inattendu, incroyable. Un succès pas possible. Une tenue, un look pas possible, extravagant(e) (fam. pas poss ). (Personnes) Difficile à vivre, imprévisible, déroutant. Un type pas possible.
II ♦ N. m.
1 ♦ (Dans quelques emplois) Ce qui est possible; ce qu'une personne peut. Dans la mesure du possible : autant qu'on le peut. Faire tout son possible pour réussir. « je ferai tout mon possible pour que vous vous voyiez » (Flaubert). C'est dans le domaine du possible : c'est possible, faisable.
♢ Loc. adv. (1559) AU POSSIBLE : autant qu'il est possible. ⇒ beaucoup, extrêmement. Il est désagréable au possible, tout ce qu'il y a de plus désagréable.
2 ♦ Ce qui est réalisable; ce qui est conçu comme non contradictoire avec le réel. L'idée du possible et celle du nécessaire. Le possible et le probable. « Le possible est donc le mirage du présent dans le passé » (Bergson). Les limites du possible. « nous avons peur de l'immensité du possible, n'étant pas préparés [...] à ce bien dangereux auquel nous aspirions et devant lequel nous reculons » (Cioran).
♢ Log. Le possible, mode de la logique modale.
3 ♦ Plur. Choses qu'on peut faire, qui peuvent arriver. Le « jeu des possibles » (Alain). Envisager tous les possibles. ⇒ possibilité.
⊗ CONTR. Impossible, infaisable. 1. Effectif. Invraisemblable.
● possible adjectif (latin possibilis) Qui peut être fait, obtenu : C'est une solution possible. Qui peut se produire, éventuel : Une erreur est toujours possible. Dont il est envisageable qu'il soit éventuellement tel : C'est un candidat possible. Familier. Que l'on peut éventuellement supporter sans enthousiasme : Un patron possible. Après tout, le plus, le moins, le mieux, le meilleur, renforce l'expression du degré extrême, de la limite (invariable s'il se rapporte à un adjectif) : J'ai envisagé tous les cas possibles. Les articles les moins chers possible. ● possible (citations) adjectif (latin possibilis) Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Je ne sais si cela se peut ; mais je sais bien que cela est. L'Amour médecin, II, 2, Lisette Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Les maîtres sont ceux qui nous montrent ce qui est possible dans l'ordre de l'impossible. Mélange Gallimard Bible Tout est possible à celui qui croit. Évangile selon saint Marc, IX, 23 Charles Alexandre de Calonne Douai 1734-Paris 1802 Madame, si c'est possible, c'est fait ; impossible, cela se fera. Commentaire Réponse du ministre des Finances à une demande de la reine Marie-Antoinette. Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 Ce n'est pas possible, m'écrivez-vous ; cela n'est pas français. Commentaire Réponse de Napoléon, le 9 juillet 1813, au général Lemarois, commandant de Magdebourg, qui avait des difficultés à tenir la place. De ces paroles, on a tiré la formule célèbre : « Impossible n'est pas français. » Søren Aabye Kierkegaard Copenhague 1813-Copenhague 1855 Le réel n'est pas plus nécessaire que le possible, car le nécessaire est absolument différent des deux. Miettes philosophiques, Intermède, 1 ● possible (difficultés) adjectif (latin possibilis) Accord 1. Le plus, le moins de (+ nom au pluriel) possible. Dans ces constructions, possible se rapporte à plus ou à moins et demeure invariable : il cherchait le plus d'indices possible (= le plus possible d'indices) ; faire le moins d'erreurs possible (= le moins possible d'erreurs). 2. Possible = concevable, imaginable, réalisable. Possible s'accorde normalement avec le nom auquel il se rapporte : le meilleur des mondes possibles ; envisager toutes les solutions possibles ; il lui a fait tous les compliments possibles. Construction Il est possible que (+ subjonctif). Il est possible qu'il soit absent. Est-il possible qu'il comprenne un jour ? Remarque Les constructions avec l'indicatif pour marquer la certitude (est-il possible que vous aurez toujours ainsi le mot pour rire ?) ou avec le conditionnel pour marquer l'hypothèse (est-il possible que vous seriez fâché ?) sont aujourd'hui tombées en désuétude. ● possible (expressions) adjectif (latin possibilis) Aussitôt que possible, dès que possible, dans un avenir très proche. Autant que possible, dans la mesure où on peut. Familier. Ce n'est pas (Dieu) possible ! Est-ce possible ! Pas possible !, expriment l'incrédulité, la surprise, la stupéfaction. Ne pas, ne plus être possible, être, devenir insupportable, inacceptable. Familier. Pas possible, se dit de quelqu'un, de quelque chose qui se distingue en particulier par quelque aspect mauvais. ● possible (synonymes) adjectif (latin possibilis) Qui peut être fait, obtenu
Synonymes :
- exécutable
- faisable
- réalisable
Contraires :
- inexécutable
- irréalisable
Qui peut se produire, éventuel
Synonymes :
- éventuel
- probable
Contraires :
Familier. Que l'on peut éventuellement supporter sans enthousiasme
Synonymes :
- buvable (familier)
- tolérable
- vivable
Contraires :
- détestable
- imbuvable (familier)
- intolérable
- odieux
Familier. Pas possible
Synonymes :
- correct
- décent
- sortable
Contraires :
- indécent
● possible
nom masculin
Ce qui est possible, réalisable : Distinguer le souhaitable et le possible.
Littéraire. Éventualité : Envisager tous les possibles.
En logique, ce dont l'existence n'implique pas contradiction.
Selon Aristote, ce qui est en puissance, par opposition à ce qui est en acte.
● possible (citations)
nom masculin
Émile Chartier, dit Alain
Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951
Aucun possible n'est beau ; le réel seul est beau.
Système des beaux-arts
Gallimard
Georges Bataille
Billom 1897-Paris 1962
Aimer sans doute est le possible le plus lointain.
L'Alleluiah
Gallimard
Charles Baudelaire
Paris 1821-Paris 1867
L'imagination est la reine du vrai, et le possible est une des provinces du vrai.
Curiosités esthétiques
Raoul Dufy
Le Havre 1877-Forcalquier 1953
Je n'ai jamais laissé dans le domaine du possible une chose qui demandait à naître.
Propos
Robert Mallet
1915
Ce n'est pas l'impossible qui désespère le plus, mais le possible non atteint.
Apostilles
Gallimard
Pindare
Cynoscéphales, près de Thèbes, 518 avant J.-C.-Argos ? 438 avant J.-C.
Ô mon âme, n'aspire pas à la vie immortelle, mais épuise le champ du possible !
Troisième Pythique, 61 (traduction Puech)
Commentaire
Ces deux vers forment l'épigraphe du Cimetière marin de Paul Valéry.
● possible (expressions)
nom masculin
Faire (tout) son possible, faire tout ce qu'on peut.
Au possible, extrêmement : Il a été désagréable au possible.
● possible (synonymes)
nom masculin
Ce qui est possible, réalisable
Synonymes :
- virtuel
Littéraire. Éventualité
Synonymes :
- virtualité
possible
adj. et n. m.
rI./r adj.
d1./d Qui peut être, qui peut exister; qui peut se faire. Il est possible de le réaliser.
|| (Avec ellipse du verbe.) Si possible: si c'est possible, si cela peut se faire.
— (Marquant la surprise.) Il est là? Pas possible!
|| (Impliquant une idée de limite, supérieure ou inférieure.) On lui a fait tous les compliments possibles, imaginables.
— Le plus, le moins possible. Prenez le moins possible de risques (possible reste invariable); le moins de risques possible(s) (possible reste au Sing. ou prend le pluriel selon que l'on considère qu'il se rapporte à un il sous-entendu ou au nom).
|| (Marquant l'éventualité.) Les tornades, toujours possibles en cette saison...
— Il est possible que (+ subj.): il se peut que.
d2./d Fam. Acceptable. Il fait un mari tout à fait possible.
rII./r n. m. Ce qui est possible. Le possible et l'impossible.
|| Loc. adv. Au possible: extrêmement.
⇒POSSIBLE, adj. et subst. masc.
I. —Adj. Qui remplit les conditions nécessaires pour être, exister, se produire sans que cela implique une réalisation effective ou que l'on sache si cette réalisation a été, est ou sera effective. Est possible un phénomène dont on ignore s'il se produira ou s'il ne se produira pas. (...) est possible une expérience qu'on peut à volonté soit effectuer, soit omettre (Gds cour. pensée math., 1948, p.427).
— PHILOS., LOG. V. modal ex. 2.
A. —[D'un point de vue objectif; la notion d'absence d'obstacle, d'absence de contradiction (v. ce mot B log.) prédomine]
1. a) ) [Gén. en parlant d'un fait, d'un événement, d'une action] Qui peut être, exister, se produire; faisable (v. ce mot B), réalisable. Anton. impossible. Croire qqc. possible. Ils se mirent tous à parler une fois de plus de la saison qui s'ouvrait et des travaux qui allaient devenir possibles (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p.44). L'échange commercial entre les deux régions est rendu possible par une infrastructure de transports (PERROUX, Écon. XXes., 1964, p.221). V. acceptable ex. 6, actuellement ex. 5, antidote ex. 6, autonome ex. 7, habitude ex. 8, hasard I B ex. de Renouvier, impossible I A 1 (phrases hist.), II A 1 ex. de Camus, passé1 ex. 4:
• 1. Il y a des cas où une chose est nécessaire du seul fait qu'elle est possible. Ainsi manger quand on a faim, donner à boire à un blessé mourant de soif, l'eau étant tout près. Ni un bandit ne s'en abstiendrait ni un saint.
S. WEIL, Pesanteur, 1943, p.52.
♦[P. méton.] H. Gaussen conseille (...) aux altitudes possibles, de labourer, de cultiver deux ans des pommes de terre, puis de semer de l'herbe (WOLKOWITSCH, Élev., 1966, p.101).
— [En parlant d'un objet concr.] Que l'on peut faire, exécuter, réaliser; faisable (v. ce mot A). [C'est] grâce à l'harmonisation des coefficients de dilatation du béton et du fer, que les bétons armés sont possibles (Arts et litt., 1935, p.20-9). Les terrains utilisables sont déterminés par les équipements possibles (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.358).
— [En parlant de l'objet d'une réflexion, d'une spéculation, d'une étude] Qui est admissible (v. ce mot B), envisageable, concevable. Déceler un éventail d'hypothèses possibles; établir la liste des réponses possibles aux questions d'une enquête. Il y a donc, génétiquement, six classes possibles d'individus humains: OO, OA, AA, OB, BB et AB; ils n'en forment que quatre si l'on tient compte des rapports de dominance (CUÉNOT, J. ROSTAND, Introd. génét., 1936, p.93). Puisque tout est, au moins en puissance, une documentation possible sur tout sujet étudié, (...) [l'historien] devrait tout savoir, avoir tout vu, tout lu, tout connu (MARROU, Connaiss. hist., 1954, p.238). En présence de cette situation, deux attitudes étaient possibles (Hist. gén. sc., t.3, vol. 2, 1964, p.137).
♦En partic. [En parlant d'une pers.]
[Du point de vue de son existence] La pauvre Bernadette était bien morte, et elle n'avait pas de soeur. Elle n'aurait pu renaître, elle n'était plus possible, dans ce pays de cohue et de passion qu'elle avait fait (ZOLA, Lourdes, 1894, p.212). Ce qui est réel se prête à une infinité d'interprétations. C'est pourquoi un De Maistre et un Michelet sont également possibles (VALÉRY, Variété IV, 1938, p.136).
[Au titre d'une qualité, d'une fonction] Papa veut me marier... Si on pouvait lui faire comprendre qu'il n'y a qu'un mari possible pour moi (SARDOU, Rabagas, 1872, III, 4, p.117). M. Élie oubliait qu'il avait écrit une lettre anonyme —oh! il y avait bien longtemps —à une des belles-familles possibles de Léon, pour lui révéler (pure calomnie) que Léon avait des enfants naturels (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.875). P. métaph.:
• 2. ... quel était le négociateur possible entre ces deux prétentions?... C'était la victoire! Substituer à la victoire la diplomatie, c'était substituer un négociateur lent, difficile, querelleur, à un négociateur prompt et décisif...
THIERS, 1840 ds Doc. hist. contemp., p.226.
) Qui répond à ce que l'on en attend; qui est acceptable, convenable, supportable. Trouver un endroit possible pour y séjourner; payer un prix possible pour qqc.; augmenter les salaires dans des proportions possibles; porter une robe possible. La route (...) est encore à peu près possible, mais n'a pour ainsi dire plus d'arbres (LOTI, Vertige mond., 1917, p.216). Alors la vie redeviendra possible et même agréable (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p.52).
— En partic. [En parlant d'une pers.] Parbleu! murmura Trublot, un père qui s'est abruti pendant trente ans à vendre du fil et des aiguilles, une mère qui a toujours eu des boutons plein la figure (...) comment veut-on que ça fasse des filles possibles (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p.52):
• 3. Quant à la N.R.F., je me suis mis d'accord par téléphone avec Claudel. Nous tenons bon. Ou nous et nous seuls ou rien. Nous, c'est toi, moi, lui, Mauriac et quelque Fargue. Enfin, des gens possibles. J'ai expliqué dix fois que mêler ceux-ci et ceux-là, c'est noyer tout le monde.
VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1942, p.527.
Rem. À noter l'empl. fréq. dans la lang. parlée d'énoncés péj. ou laud. du type j'ai une tête pas possible ce matin, il est pas possible ce mec, il a eu un succès pas possible dans lesquels pas possible est synon. de affreux, insupportable, incroyable, inattendu: Il a un look [allure] pas possible (H. OBALK, A. SORAL, A. PASCHE, Les Mouvements de mode, 1984, p.389).
b) Constr. diverses
) Possible + adv. précisant le point de vue envisagé. On expliquerait de la même manière l'impossibilité physique (...) de mettre un cône pesant en équilibre sur sa pointe, quoique l'équilibre soit mathématiquement possible (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.44). En définitive, il reste à savoir ce qui apparaîtra comme possible. Non seulement techniquement, mais humainement (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p.192).
) [Fréq. à la forme nég.] [Il] a le défaut de parler plus qu'il n'écoute; sa conversation est fatigante par cette raison; la riposte n'est pas possible avec lui (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p.170). Je vois se délier un à un tous les liens qui m'attachaient à la vie. La mort en sera moins cruelle. Aucune joie, aucun bonheur n'est plus possible pour moi (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1832, p.145).
— Il n'y a pas de + subst. + possible. Les pauvres égorgeront les riches et brûleront les châteaux. Il n'y a pas de doute possible à cet égard (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p.XLVI). Il n'y a pas de dignité possible, pas de vie réelle pour un homme qui travaille douze heures par jour sans savoir pour quoi il travaille (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p.227).
♦P. ell. Pas de/point de/nul + subst. + possible. Ma lettre d'hier vous l'explique. De ma part, nul retard possible, si ce n'est un cas de maladie imprévue (HUGO, Corresp., 1862, p.388). «Non», se dit-il, en enfonçant rageusement sa tête dans l'oreiller, «pas d'entente possible avec eux!...» (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p.812).
— Il n'y a pas de/il n'est pas de + subst. + possible sans. Sans la propriété il n'y a pas de société possible (PROUDHON, Propriété, 1840, p.153). Il n'est pas de liberté possible sans la garantie d'un pouvoir de décision, sans l'existence d'une autorité (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.17).
) Qqc. est/n'est pas possible à/pour qqn. Aucune vie ne sera possible pour moi dans une France vaincue. Je serai personnellement déshonoré. J'aime mieux de beaucoup vivre par mon nom sur une stèle, avec la mention: mort au champ d'honneur, que de vivre déshonoré (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p.233). V. actuel ex. 45:
• 4. Je sentais bien qu'en réalité, c'était la résolution de ne pas partir que je prenais par le fait que je restais là sans bouger; mais me dire: «Je ne pars pas», (...) ne m'était pas possible sous cette forme directe...
PROUST, Fugit., 1922, p.654.
— Tout est possible à/pour qqn. Tout est possible à Dieu, même l'absurde (BREMOND, Hist. sent. relig., t.4, 1920, p.490).
♦[Avec connotation méliorative] Ils oubliaient d'être modestes (...) et ils pensaient que tout était possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles (CAMUS, Peste, 1947, p.1245).
• 5. Ah! c'est le but que tu poursuis, reptile? N'est-ce pas! Inlassable! Tu rampais!... divers... ondoyant! Imprévu toujours!... violences... tendresse... passion... force... je t'ai entendu l'autre jour!... Tout t'est possible, Ferdinand! Tout! L'enveloppe seule est humaine!
CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.453.
) Qqc. est/n'est pas possible à + inf. Je lui ai dit l'espèce de chaîne électrique qui me semblait possible à construire et dont je vous ai proposé le dessin (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1851, p.182). Une telle interprétation ne nous paraît pas possible à adopter (L. DE BROGLIE, Bases interprét. mécan. ondul., 1963, p.58).
c) Tournures impers.
) Il est possible que + subj. Le possible c'est ce que permet l'ordre des choses; il est possible que je prenne le train demain, parce qu'il y a un train ce jour-là (RICOEUR, Philos. volonté, 1949, p.52).
♦[À la forme nég.] Hélène Clément dédie à Vial son aspect le plus proche de la vérité: le sérieux visage d'une fille qui ne demanderait qu'à être simple. Il n'est pas possible que Vial ne l'ait pas remarqué (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p.28).
♦[À la forme interr.] Était-il possible que Napoléon gagnât cette bataille? Nous répondons non. Pourquoi? À cause de Wellington? À cause de Blucher? Non. À cause de Dieu (HUGO, Misér., t.1, 1862, p.398). On peut se demander s'il n'y a pas là une excessive dispersion des efforts. Dans l'absolu, certainement; mais était-il possible qu'il en soit autrement? (Encyclop. éduc., 1960, p.268).
— Il est possible de + inf. Rien encore n'était passé, puisqu'elle était encore là, puisqu'il était encore possible de la revoir, de la convaincre, de l'emmener avec moi pour toujours. Je ne me sentais pas encore seul (SARTRE, Nausée, 1938, p.195).
♦[À la forme nég.] Sa propre histoire lui était présente, il n'était ni permis ni possible de l'altérer (MARMONTEL, Essai sur rom., 1799, p.295).
P. ell. Tout en marchant, le marin disait: «Hein! Harbert! Comme cela va! Pas possible de nous perdre, mon garçon (...)» (VERNE, Île myst., 1874, p.104).
♦[À la forme interr.] Menez-moi là-bas par le plus court, dit-il à l'enfant. Est-il possible d'éviter le village? Je ne veux pas qu'on me croie capable de favoriser une opération de police, quelle qu'elle soit (BERNANOS, Crime, 1935, p.762). Est-il possible de savoir si les billets ont été utilisés? (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.145).
) Il est/il n'est pas possible à/pour qqn de + inf. (+ sans). Oui, je suis heureux autant qu'il est possible à un homme de l'être (COURTELINE, Boubouroche, 1893, I, 2, p.36). Pauline s'est amenée à Paris avec Georges pour le mariage de la fille d'un de mes collègues, auquel il ne m'était pas possible d'assister; vous savez que j'étais en Hollande... (GIDE, Faux-monn., 1925, p.1116).
♦[À la forme interr.] Était-il possible à ces travailleurs d'assimiler les connaissances dont ils entendaient parler pour la première fois, sans avoir à leur disposition les livres nécessaires? (CACÉRÈS, Hist. éduc. pop., 1964, p.61).
♦[Dans une formule de politesse] V. exemple D 1 ex. de Duhamel.
) C'est/ce n'est pas possible. —Voyons, quand irez-vous vous promener dans Stamboul, pour la première fois? —Je ne sais pas... lundi, par exemple. —Lundi? Oui, c'est possible. Eh bien, voulez-vous que je vous serve de guide? (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p.119). —Je désire voir son Éminence le cardinal Merry Del Val. —Ce n'est guère possible en ce moment, monsieur, m'est-il répondu en français. Son Éminence vient de se mettre à table (BILLY, Introïbo, 1939, p.199).
) Si cela/si c'est possible; s'il est possible (vieilli). Ils armeront contre toi, s'il est possible, la France entière, pour te récompenser de l'avoir sauvée! (ROBESP., Discours, Guerre, t.8, 1792, p.197). —(...) Quand voulez-vous partir? —Demain si c'est possible. —Certainement, je serai prête (PONSON DU TERR., Rocambole, t.3, 1859, p.416). Ce plan exige évidemment que nous mettions d'abord la main sur Djibouti par une opération préliminaire, dite opération «Marie», si cela est possible sans bataille contre la garnison actuelle de notre colonie (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.353).
♦P. ell. Si possible. J'avoue que j'écris aux B. pour obtenir l'infanterie à Paris et si possible pour me faire réformer (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1907, p.290).
) [Avec une valeur intensive]
♦Il est possible de. Il est permis sans exagération de. La mort du concierge, il est possible de le dire, marqua la fin de cette période remplie de signes déconcertants et le début d'une autre, relativement plus difficile; où la surprise des premiers temps se transforma peu à peu en panique (CAMUS, Peste, 1947, p.1233).
♦Il n'est pas possible de, est-il possible de? Il n'est pas concevable, imaginable de; est-il concevable de? Qu'on refuse tout le reste à M. Zola, est-il possible de lui dénier la puissance créatrice, restreinte à ce qu'on voudra, mais prodigieuse dans le domaine où elle s'exerce? (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.267). Il montrait une sorte de ballon, un sommet arrondi, si proche, dans la nuit transparente, que je croyais voir le bout de la canne l'effleurer. Je murmurai: —Il n'était tout de même pas possible de manquer ça!... (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p.201). V. improbable ex. de Simenon.
♦Ce n'est plus possible. Ce n'est plus supportable, c'est intolérable. Vers une heure du matin, Laforgue dit: —Ce n'est plus possible. Foutons le camp de ce cellier! Ils s'échappèrent, en prenant des précautions, mais personne ne remarqua leur départ (NIZAN, Conspir., 1938, p.39).
— En partic. [Marque l'incrédulité, le refus de croire ou d'accepter qqc.]
♦(C')est-il possible de + inf./que + subj. Est-il possible, s'écria mon homme, qu'il y ait des écrivains assez peu sensés pour nuire à la cause publique par des pasquinades? (MARAT, Pamphlets, Charlatans mod., 1791, p.285).
Pop. C'est-il possible qu'un homme tienne en vie, arrangé comme ça? Regarde sa poitrine, Heurtebise, elle est déjà toute bleue (BERNANOS, Crime, 1935, p.755).
♦(Comment) est-ce possible? Est-il possible! (vieilli). «Il va se marier! Est-ce possible!» et un tremblement nerveux la saisit (FLAUB., Éduc. sent., t.2, 1869, p.60):
• 6. Brusquement, mon père se retourna, courut au-devant du chasseur, et, profondément incliné, baisa la main qu'il lui tendait, en balbutiant: —Vous!... Monseigneur!... Est-il possible!... —Je rentrais... —expliqua le prince —et j'ai entendu la voiture... Eh bien, et ta fille, tu ne me l'amènes pas?...
GYP, Souv. pte fille, 1928, p.23.
♦Ce n'est pas possible, c'est pas possible (fam.). Voyons: combien vous ont-ils offert? Un million? Cinq cent mille? Moins? Ce n'est pas possible! Trois cents? Deux cents? (MAURIAC, Noeud vip., 1932, p.228).
P. ell., fam. Pas possible. L'ecclésiastique l'aperçut et dit gaiement: «Eh bien, mon garçon, ça y est». Césaire balbutia: «Ça y est... pas possible! —Oui, mon gars, mais point sans peine. Quelle vieille bourrique que ton père!» Le paysan répétait: «Pas possible! —Mais oui. Viens-t'en me trouver demain, midi, pour décider la publication des bans» (MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Père Amable, 1886, p.220). V. présent1 I A 1 a ex. de Prévert.
P. antiphr. [Marque la certitude que ce qui est exprimé va se produire] Le Fou a peur. Il parle seul. Le Fou. ... la lumière ... la lumière ... la lumière s'est arrêtée ... Il se retourne, il cherche: Le Fou. ... Il va se passer quelque chose ... c'est pas possible (M. DURAS, Nathalie Granger, Paris, Gallimard, 1973, p.119).
♦Populaire
(C')est-il Dieu possible de + inf., ce n'est pas Dieu possible que + subj. V. Dieu 2e section II B 2 a, épineux A 2 p.métaph. ex. de Triolet.
Ce n'est pas/c'est pas Dieu possible! —Je vas recommencer à travailler pour elle. —Pour elle, Gilbert! C'est pas Dieu possible! Pour une fille qui vous a manqué! (R. BAZIN, Blé, 1907, p.376).
d) [Possible marque une limite]
) [qualitative]
— Le/la meilleur(e) ... possible
♦Le/la meilleur(e) + subst. + possible. Lui, savait à quoi s'en tenir (...). Aussi, connaissant les hommes, ne songeait-il plus qu'à tirer le meilleur parti possible de la situation (ZOLA, Nana, 1880, p.1330). La récolte est (...) faite dans les meilleures conditions possibles (ROUBERTY, Sucr., 1922, p.28).
♦Le/la meilleur(e) des + subst. + possibles. [Leibniz établit] le plan du meilleur des mondes possibles sur la donnée de la perfectibilité indéfinie de tous les êtres (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p.175).
— Le mieux possible (loc. adv.). Gagner sa vie le mieux possible. V. emboutissage dér. s.v. emboutir ex. de Alain-Fournier.
♦Empl. subst. Cette recherche du mieux possible (...) dans les petites choses n'est souvent pas un avantage réel (SENANCOUR, Rêveries, 1799, p.207).
) [quantitative]
— Aussi ... que possible
♦Aussi + adj. + que possible. Le ministre de la Guerre belge demande au généralissime français l'appui aussi rapide que possible de l'armée française (JOFFRE, Mém., t.1, 1931, p.245).
— Autant qu'il est possible de + inf.; autant qu'il est possible; p.ell. autant que possible. —Voyons, franchement, vous m'aimez donc bien? —Autant qu'il est possible d'aimer, je crois (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p.105). Obtenir autant que possible, voilà ma devise (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p.XIX). Ces analystes se sont (...) aventurés dans des régions où règne l'abstraction la plus pure et se sont éloignés autant qu'il est possible du monde réel (H.POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p.151).
♦[Avec un sens restrictif (v. autant III B rem. 2)] Synon. de si possible. N'est-il pas juste et nécessaire de commencer, autant que possible sans idée préconçue, par une lecture sympathique des oeuvres, afin d'arriver à une définition de ce qu'elles contiennent d'original et de propre à l'écrivain? (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.245).
— Il n'y a pas d'autre + subst. + possible. Si maintenant on cherchait à caractériser cet acte, on verrait qu'il consiste essentiellement dans l'intuition ou plutôt dans la conception d'un milieu vide homogène. Car il n'y a guère d'autre définition possible de l'espace (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p.81). Je n'ai cessé de dire depuis longtemps qu'il n'y avait pas d'autre solution possible de la crise (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p.233).
— Sans + subst. + possible. C'est précisément au savant dont la prétention est de réduire la physiologie à la chimie (...) [que de telles questions] se posent sans échappatoire possible (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864 p.91). Le repas achevé et M. Jérôme sommeillant, les pieds aux chenêts, les deux époux, sans recours possible, se trouvaient face à face (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p.174). Le dessin préparatoire existe et il nous dévoile sans contestation possible le sens réel de la recherche qui dirige l'artiste (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.170).
— Le/la seul(e) + subst. + possible. La seule garantie possible contre les guerres inutiles ou injustes, c'est l'énergie des assemblées représentatives (CONSTANT, Princ. pol., 1815, p.104):
• 7. Identifiant la science de l'esprit humain et l'histoire de l'esprit humain, (...) [Renan] affirme la prétention de l'histoire à être une philosophie, une explication du réel, bien plus, la philosophie même, la seule explication possible.
MASSIS, Jugements, 1923, p.61.
— Tout(e) le/la + subst. + possible. Madame Leuwen croyait fermement avoir mis toute la délicatesse et toute l'adresse possibles à ses procédés (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1835, p.373). V. mal3 III A 1 synt., parti A 1 b synt.
♦Dans toute la mesure possible. Synon. de dans la mesure du possible:
• 8. ... les Membres du Conseil autres que le Président gardent naturellement la faculté de prendre la parole en de telles occasions, mais il y aurait intérêt à ce que, dans toute la mesure possible, ils fissent part de leur intention à cet égard lors de la séance privée qui précède la séance publique en question.
Cons. S.D.N., 1938, p.113.
— Tous/toutes les + subst. + possibles. Examiner, prévoir, voir tous les aspects, tous les cas, toutes les conséquences possibles; réunir toutes les chances possibles; faire toutes les démarches possibles; avoir tous les égards possibles pour qqn; prendre toutes les formes possibles; contraindre qqn de toutes les manières possibles; employer tous les moyens possibles; s'entourer de toutes les précautions possibles. [Les] trois manières [de Raphaël] résument toutes les phases possibles de la peinture (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p.30). Fais tous les efforts possibles pour rester à Paris (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p.216).
♦Tous les/toutes les + subst. + possibles et imaginables. Ils avaient pris à la radio toutes les informations possibles et imaginables et se reposaient maintenant, tous les deux seuls, elle et Alexis, renversés sur des sièges inclinés et confortables (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.235).
— Le plus/le moins (...) possible
♦Le plus/le moins possible, (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p.635). V. plus I B 1 ex. de Du Bos.
♦Le plus/le moins + adv. + possible. Il faut que je m'occupe de te trouver un remplaçant et qu'il entre en fonction le plus vite possible (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.196). En vain essayait-il de nous soustraire le plus souvent possible à cette atmosphère empoisonnée. Le génie de la méchanceté nous habitait tous (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.184).
♦Le plus/le moins + adj. + possible. Commençant ici par finir les fonds, je les ai faits le plus simples possible, pour ne pas paraître surchargés, à côté des masses simples que présentent encore les figures (DELACROIX, Journal, 1847, p.197). J'ai essayé d'être le plus sincère possible avec moi-même (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p.234).
♦Le plus de + subst. + possible. [Dire] le plus de choses possibles dans le moins de temps possible (DU BOS, Journal, 1924, p.45). Il faut en finir ici: nous avons besoin du plus d'hommes possible pour l'assaut (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p.252). [Il est nécessaire de recueillir] le plus de renseignements possible (Hist. sc., 1957, p.1533).
♦Le plus possible de + subst. Accumuler le plus possible d'informations (AMIEL, Journal, 1866, p.250).
Rem. Possible marque aussi une limite quantitative dans les expr. du type il y a/il n'y a que une/deux/trois, etc. + subst. possible(s). V. supra I A 1 a ex. de Cuénot, J. Rostand et Sardou.
) [temporelle]
— Aussitôt que possible. V. aussitôt ex. 25.
— Dès que possible. V. dès II C 2 a ex. de De Gaulle.
Rem. Selon les grammaires, possible reste inv. après une loc. superl. comme le plus, le moins, le mieux, le meilleur, mais l'usage reste flou (v. GREV. 1969, p.337 et supra I A 1 d ex. de Renouvier et I A 1 d ex. de Du Bos, Malraux et Hist. sc.).
2. P. ext. Qui existe en puissance; potentiel, virtuel. J'ai une tendance à toujours voir dans l'avocat le magistrat en herbe et possible (HUGO, Corresp., 1862, p.398). L'avenir est le lieu des actions possibles qui sont la vocation du pouvoir humain (V. JANKÉLÉVITCH, B. BERLOWITZ, Quelque part dans l'inachevé, 1978, p.59).
— [P. oppos. à réel, actuel, présent] Je songe que la patrie, c'est tout ce qui m'a fait ce que je suis; ce sont mes parents, mes amis d'à présent et tous mes amis possibles (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.126). L'analyse scientifique des conditions démographiques et économiques de chaque pays fournisseur, actuel ou possible, de touristes est essentielle (JOCARD, Tour. action État, 1966, p.240). V. actuel ex. 12, héraut A 2 ex. de Philos.
B. —[D'un point de vue subjectif; la notion d'incertitude quant à la véracité d'un fait passé ou présent, quant à la réalisation d'un événement futur prédomine]
1. a) [Gén. en parlant d'un événement à venir, d'un projet] Qui a quelques chances de se produire ou de se faire sans que l'on sache si et quand cela se produira ou se fera. Synon. éventuel (v. ce mot B); anton. certain, inéluctable, inévitable, nécessaire (v. ce mot B 2). Envisager, prévoir, s'assurer contre, prévenir un abus, un accident, une complication, un danger, une défaillance, une récidive possible; tenir compte d'une hausse possible des prix. À tout hasard, signaler son départ comme possible eût été de simple prudence (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p.295). Les Alliés débarquaient en Normandie. Les Allemands, à Lyon, se préoccupaient d'une évacuation possible (L. FEBVRE, Bloch et Strasbourg, [1947] ds Combats, 1953, p.407). V. admettre ex. 20, certain ex. 12, modalité ex. 5.
♦[Possible est renforcé par toujours] N'étaient ces difficultés, toujours possibles avec l'avenue Henri-Martin, la situation est nettement moins mauvaise que samedi (DU BOS, Journal, 1927, p.193). Attendre un retour toujours posible de la fortune (JOFFRE, Mém., t.1, 1931, p.426).
♦[Possible est antéposé] Une notion facile à penser et qui a sa place prévue dans une possible histoire du temps où j'ai vécu (J.BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p.62). Un fragment de son, considéré comme objet fixe, avant que d'être utilisé pour de possibles variations ou évolutions (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p.186).
— [P. oppos. à certain ou à probable] Une guerre avec la France serait, pour le cabinet de Saint-James, une guerre possible avec le continent, une guerre certaine avec la Russie (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.143). Pour le débutant, tout est sujet à expériences: les employés, le matériel, le produit, la clientèle, l'organisation. Les fautes, les bévues, les erreurs sont possibles, voire probables (PETHOUD, Organ. industr. et comm., 1931, p.157).
b) Tournures impers.
) Il est possible que + subj. On peut admettre, penser, supposer que; il n'est pas impossible que. Il est possible qu'un jour je me marie. Je ne le crois pas, mais, pour parler sagement, je te dirai, si tu veux, que l'avenir permet de tout admettre (FROMENTIN, Dominique, 1863, p.231). Il est possible que je me sois prononcé de façon rude —on sait que je n'ai pas la voix douce —mais il eût été viril à M. D... d'accepter la réprimande (BLOY, Journal, 1892, p.44). Mes pauvres enfants, votre mère est au plus mal: il est possible qu'elle ne passe pas la semaine (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.117).
♦P. ell., fam. Possible que. Je vous aurai cité Juliette; et, la citant, Possible qu'il me soit échappé de vous dire: «Je vous défierais bien, elle, de la séduire!» (AUGIER, Homme de bien, 1845, p.93).
— [Possible est renforcé par fort ou très] J'ignore si elle retournera chez le docteur. À vrai dire, je ne le pense pas. Mais qui sait si elle n'ira pas rôder autour de la maison? Il est fort possible aussi que demain elle se tienne sur le chemin de l'enterrement (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.62).
Rem. (Il est) possible que peut être constr. avec l'ind. pour marquer la réalité du fait: —(...) Et quand la patache est arrivée, pas plus de curé que sur ma main, c'est pas croyable. —Possible qu'il aura été retenu à Grenoble. Son bagage est déjà là depuis mardi (BERNANOS, Crime, 1935, p.729); avec le cond. si le fait est hypothétique: Si la guerre n'avait pas interrompu l'évolution en cours, il est possible qu'un «cycle du bâtiment» aurait atteint un maximum entre 1940 et 1945 après l'expansion très modérée qui s'observe entre 1934 et 1939 (Univers écon. et soc., 1960, p.32-10). Voir GREV. 1969 § 997, rem. I, p.1040.
) C'est possible. [Marque à la fois l'ignorance du locuteur et un certain crédit accordé à l'hypothèse ou à l'affirmation émise] Je veux bien l'admettre, je veux bien le croire; peut-être. Il se tut quelques instants, pour laisser Antoine tousser. —«C'est possible», reprit-il, sur un ton gouailleur, mais je laisse ces visions à votre messianique ami (...)» (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p.899):
• 9. Je suis profondément triste, et j'en ai l'air, c'est possible; mais voici pourquoi: c'est que j'attendais aujourd'hui mon tailleur qui devait m'apporter un habit neuf, et il n'est point venu; voilà, voilà pourquoi je suis ennuyé.
MURGER, Scènes vie boh., 1851, p.258.
♦P. ell. Possible. —Monsieur! s'écria le comte, vous connaissiez ma femme. —Vrai? —Elle est en puissance de mari. —Possible. —Elle n'avait pas le droit de disposer de ces diamants (...) —Juste (BALZAC, Gobseck, 1830, p.417). Non! s'écria-t-il, non! Il n'est pas mort! Non! Cela n'est pas! Lui! Allons donc! Moi! N'importe quel autre, possible! Mais lui! Jamais (VERNE, Île myst., 1874, p.39).
— [Possible est renforcé par bien ou fort] —(...) Nos hôtes... Ils sont à l'église où ils chantent tous ensemble. C'est dimanche, aujourd'hui, vous ne le saviez donc pas? —C'est bien possible, fit Suzanne. Je n'y avais pas pensé (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.110):
• 10. LE CONTRÔLEUR: (...) vous n'allez pas me dire, cher droguiste, que vous croyez vraiment que ce spectre existe. LE DROGUISTE: Qu'il existe déjà, je n'en suis pas sûr, en effet. Mais qu'il existera ce soir, c'est fort possible.
GIRAUDOUX, Intermezzo, 1933, II, 1, p.90.
2. [En parlant de la qualité d'une pers.] Qui a des chances d'être ou de devenir tel. Le vainqueur possible d'une compétition. C'est un vieil homme de lettres, bâtard possible de Tourguenev (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p.147). Faudra repasser, dit la possible amie de Pierrot. On ferme (QUENEAU, Pierrot, 1942, p.26).
II. —Subst. masc.
A. —Ce qui est possible.
1. [Corresp. à supra I A 1 a]
a) Au sing., avec l'art. déf.
) Ce qui est faisable, réalisable; l'ensemble des choses répondant à ce critère. Défier le possible; aller au bout/au delà du possible; se résigner au possible. Il demandait seulement le possible aux patrons, sans exiger, comme tant d'autres, des choses trop dures à obtenir (ZOLA, Germinal, 1885, p.1191). J'appelle expérience un voyage au bout du possible de l'homme (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p.22). Il faut accomplir le possible pour toucher l'impossible (S. WEIL, Pesanteur, 1943, p.125). V. avenir2 ex. 21, faisable B ex. de Michelet et supra I A 1 c ex. de Ricoeur.
♦Possible + déterm.
[exprimant une qualité] Les idées précises qu'il [l'homme] prend de son expérience sont certainement une partie de la sagesse. Ce qui est, ainsi que le possible immédiat, occupent bientôt tout son esprit, et les chimères s'envolent (ALAIN, Propos, 1921, p.309).
[exprimant une relation] En constituant une certaine conduite comme possible et précisément parce qu'elle est mon possible, je me rends compte que rien ne peut m'obliger à tenir cette conduite (SARTRE, Être et Néant, 1943, p.69). V. supra II A 1 a ex. de G. Bataille.
♦[Possible en position de compl. déterm.] Le domaine du possible; avoir le sens du possible. L'étude de l'esprit est épuisée; elle a touché les bornes du possible en métaphysique: on peut la revêtir d'un nouveau langage, non l'enrichir d'une seule vérité (CHATEAUBR., Mém., t.1, 1848, p.620). [J'ai] depuis treize ans rempli ma vie jusqu'à la limite du possible (DU BOS, Journal, 1927, p.224). V. extrême ex. 7.
— Locutions
♦Dans (toute) la mesure du possible. V. mesure B 1 b .
♦Faire (tout) le/son possible pour. Il était sombre et préoccupé. La mort récente de son enfant lui revenait dans l'âme, et il faisait généreusement son possible pour ne pas communiquer sa tristesse à ses amis (SAND, Hist. vie, t.2, 1855, p.229). J'ai fait mon possible pour l'Église; il faut que je me repose et que je fasse enfin quelque chose pour moi (DUPANLOUP, Journal, 1876, p.93). Nous attendons un renfort d'Oviedo: faites le possible pour qu'il arrive au plus tôt (MALRAUX, Espoir, 1937, p.437).
♦Au possible, loc. adv. Autant qu'il est possible, beaucoup, extrêmement. J'étais touché au possible de ce que de jeunes doigts eussent brodé de la sorte sur le canevas d'un bonhomme (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p.367). Elle est emportée! Violente au possible!... C'est le revers de son bon coeur! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.492).
) [Le possible en tant que concept] V. possibiliser B ex. de Sartre.
b) Un/les possible(s). Chose(s) possible(s). Moment lourd de possibles; être doué du sens des possibles. Toute cette action non-seulement est dans l'ordre des possibles, mais même il serait difficile qu'elle se fût passée différemment ([L'HÉRITIER], Suppl. Mém. Vidocq, t.2, 1830, p.147). Tous les possibles additionnés ne font pas la liberté, mais l'impossible est esclavage. Le chaos lui aussi est une servitude (CAMUS, Homme rév., 1951, p.94). La réalisation de moyens de transport et de communication provoque des effets de jonction: elle augmente cumulativement les offres et les demandes, elle élargit le champ des possibles des producteurs locaux (PERROUX, Écon. XXes., 1964, p.169). V. inintelligible ex. 1, probable II A ex. de Goblot.
♦Possibles + déterm. désignant le domaine concerné. Avant de voyager dans l'espace interplanétaire, (...) [l'homme] doit progresser encore dans l'«espace» des possibles techniques (RUYER, Cybern., 1954, p.224). [Les sociétés effectuent des choix] dans la série des possibles institutionnels, dont la gamme n'est sans doute pas illimitée (LÉVI-STRAUSS, Anthropol. struct., 1958, p.147).
2. [Corresp. à supra I A 2]
a) Au sing., avec l'art. déf. [P. oppos. au réel, à l'actuel] Ce qui existe en puissance. Ah! nos aïeux, leurs vertus et tout ce possible qu'ils portaient en eux sont bien morts. Choses de musée maintenant et obscures perceptions d'analyste (BARRÈS, Homme libre, 1889, p.120). C'est le pouvoir dont le corps est chargé qui médiatise le possible ouvert par le projet (RICOEUR, Philos. volonté, 1949, p.54). V. actuel ex. 29 et 44.
b) Au plur. Choses possibles; potentialités, virtualités. Ce n'est pas la conscience humaine qui fait exister les thèmes artistiques ou techniques, pas plus qu'elle ne crée vraiment l'oeuvre. Elle est medium entre le monde des possibles et le monde des choses (RUYER, Cybern., 1954 p.154). V. advenu ex. 18, champ1 ex. 20, futur ex. 3, possibilisation rem. s.v. possibiliser ex. de Sartre:
• 11. ... il regardait les êtres avec bienveillance, et le monde comme une infinité de possibles. Maintenant, au plus profond de lui-même, les possibles ne trouvaient pas de place: il avait soixante ans, et ses souvenirs étaient pleins de tombes.
MALRAUX, Cond. hum., 1933, p.228.
3. [Corresp. à supra I B]
a) Au sing., avec l'art. déf. [P. oppos. au certain ou au vrai] Ce qui a quelques chances d'être ou de se produire sans que l'on ait de certitude à ce sujet. Je ne distingue plus le vrai du possible, du probable, le fabriqué du garanti de source (ARNOUX, Roi, 1956, p.75). V. certain2 ex. 14.
b) Au plur. V. examiner B 1 a ex. de Renouvier.
B. —Rare. [Le possible de qqc.] Le fait que quelque chose soit possible.
♦[Corresp. à supra I A 1 a] Synon. de possibilité (v. ce mot A 1). Le marquis, Andermatt et Charlotte écoutaient avec attention [la tireuse de cartes], attirés malgré eux par le mystère de l'inconnu, par le possible de l'invraisemblable, par cette crédulité invincible au merveilleux qui hante l'homme et trouble souvent les plus forts esprits devant les plus niaises inventions des charlatans (MAUPASS., Mt-Oriol, 1887, p.207).
♦[Corresp. à supra I A 2] Synon. de possibilité (v. ce mot A 2). L'avenir n'est pas, il est possible; et c'est l'idée de ce possible qui nous frappe et qui nous instruit (MARMONTEL, Essai sur rom., 1799, p.359).
REM. 1. Possibilisme, subst. masc., hist. pol. [Au sein du Parti ouvrier fr. et p.oppos. à la tendance des guesdistes] Tendance prônée par les possibilistes (infra). Dans l'histoire du mouvement socialiste français, le possibilisme apparaît comme une variante de l'option transformiste ou évolutionniste, que l'on retrouvera au sein de la S.F.I.O. (Encyclop. univ. t.20 1975, p.1548). 2. Possibiliste, adj. et subst. a) Adj. Qui est orienté vers ce qui est possible (supra I A 1 a). Dans un développement réciproque [des pays développés et sous-développés], où notre expérience économique s'affine et s'enrichit, nous redécouvrons la réalité de l'action consciente et volontaire, et d'une attitude possibiliste (PERROUX, Écon. XXes., 1964, p.249). b) ) Subst. masc. plur., hist. pol. ,,Fraction modérée du mouvement socialiste français formée au Congrès de Saint-Étienne, en 1882, sous l'impulsion de Paul Brousse et de Jean Allemane`` (BOUSS. Anarchie 1982). ) Adj. et subst. (Celui, celle) qui appartient à cette fraction. Renaudin, déconcerté s'il s'agissait de discourir et d'ailleurs antipathique, fit une campagne atroce d'injures, de dénonciations contre les chefs possibilistes qui tenaient pour Jacques (BARRÈS, Appel soldat, 1900, p.203). En France, les socialistes modérés groupés autour de Paul Brousse veulent «fractionner le but idéal en plusieurs étapes sérieuses, immédiatiser en quelque sorte quelques-unes de [leurs] revendications pour les rendre enfin possibles» (Le Prolétaire, 19 nov. 1881). Le nom de possibilistes leur restera, cependant que les révolutionnaires, sous la conduite de Guesde, choisissent la scission (Encyclop. univ. t.13 1972, p.1068). 3. Possiblement, adv., rare. D'une façon possible. a) [Corresp. à supra I A 1 a ] Il est curieux de relever que cette prime formule de «l'opéra français» mit d'emblée insciemment en pratique le système de dramaturgie lyrique édifié par le «théoricien» Wagner (...). Ici, la musique est vraiment «la servante du drame» (...). Dans cet art, en réalité, il y a fort peu de musique, et, avec Lully, de la moins captivante: partout, nulle émotion possiblement durable, et la «science» même de Rameau n'y put rien (MARNOLD, Cas Wagner, 1918, pp.96-97). b) [Corresp. à supra I B] Synon. éventuellement, peut-être, vraisemblablement. Il semble bien que (...) les démonstrations si sûres [de la métagéométrie] (...) si péremptoires doivent répondre à quelque chose qui existe (...) qui peut-être ne se trouve pas nécessairement dans l'espace où elle le situe, mais possiblement dans l'homme même qui, grâce à elle, croit sortir de soi et s'évader enfin des limites de son moi imaginaire (MAETERL., Vie espace, 1928, p.131). Chez Novalis est l'origine de ce qui resurgira chez Mallarmé et chez Valéry, à savoir que ces hommes sont (certainement pour les deux premiers, possiblement pour le dernier) ceux qui conçoivent deux choses et ne conçoivent qu'elles: des fragments innombrables, et le livre (il me faudrait ici trois majuscules) (DU BOS, Journal, 1923, p.361). [Dans un dialogue] Elle ajouta, comme si elle l'eût interrogé: —C'est à vous qu'ils en ont, je pense? Le gars baissa la tête, une seconde, mais la releva d'une secousse. Il prononça, d'une voix neutre et traînarde: —Possiblement... (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.219).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. Ca 1265 «qui peut se faire, qui peut arriver» (BRUNET LATIN, Trésor, éd. F.-J. Carmody, II, 30, p.200); 2. ca 1495 subst. (Roman de Jean de Paris, éd. E. Wickersheimer, 11: faire le possible); 3. 1558 adv. (BONAVENTURE DES PÉRIERS, Nouvelles récréations, 17, éd. K. Kasprzyk, p.90), qualifié de ,,vieux`` ds Ac. 1762; 1559 au possible (AMYOT, Agésil., 42 ds LITTRÉ). Empr. au lat. impérial possibilis «possible» (de posse «pouvoir»). Fréq. abs. littér.:17641. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 18523, b) 22727; XXes.: a) 23409, b) 32966. Bbg. GOHIN 1903, p.309. —GRUNDT (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p.53. —OFFROY (G.). Contribution à l'ét. de la synt. québécoise. In: Trav. de ling. québécoise. 1. Québec, 1975, p.290 (s.v. possiblement).
possible [pɔsibl] adj. et n. m.
ÉTYM. 1265; lat. impérial possibilis.
❖
♦ Dont l'apparition, l'existence, la réalité n'est pas écartée par l'esprit.
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I Adj.
1 (En parlant des activités, des réalités humaines). Qui peut exister, se produire, qu'on peut faire, qu'il est permis de faire, d'utiliser…, compte tenu des moyens dont on dispose, des circonstances, des lois, des règles… ⇒ Faisable, permis, réalisable. || Entreprise, événement, solution possible (→ Obstination, cit. 4). || C'est une hypothèse parfaitement possible. ⇒ Admissible. || Faire tout ce qui est humainement possible pour… (→ Litige, cit. 3). || Tout devenait possible (→ Capacité, cit. 9; insurmontable, cit. 3). || Rendre qqch. possible. ⇒ Permettre (→ Obéir, cit. 15). || Croire une chose possible (→ Impossible, cit. 15). || La seule voie possible pour…. ⇒ Praticable (→ Exécutif, cit. 3). — C'est possible, très possible. ⇒ Facile, faisable. || Même si c'était matériellement possible (→ 2. Marche, cit. 27). || Ce n'est pas possible autrement : il n'y a pas d'autre moyen. — Allus. hist. || « Si c'est possible, c'est fait… » (⇒ Impossible, supra cit. 14). — Venez demain à cinq heures ou même avant, si c'est possible, ou, ellipt, si possible. — Spécialt. || Si c'est possible, s'il est possible, si possible, employés dans une comparaison. || Je ne fréquente personne; moins encore qu'avant si c'est possible (→ Niquedouille, cit. 2; et aussi ardent, cit. 34; façon, cit. 27; métier, cit. 16).
1 Ce n'est pas possible, m'écrivez-vous; cela n'est pas français.
Napoléon, Lettre à Lemarois, 9 juil. 1813.
2 (…) un système de vie, où la règle primordiale serait de ne se dérober à aucune entreprise, dès qu'elle est théoriquement possible, et dès que l'amorce vous en est offerte par le hasard.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, II, p. 12.
♦ (Pour marquer l'étonnement). || Est-ce possible ? || Ce n'est pas possible ? — ☑ Pas possible !, exprimant l'étonnement, parfois avec une nuance d'ironie. — Pop. (Rural). || C'est-il Dieu possible ? || C'est pas Dieu possible.
3 Vous adorez un bœuf ! est-il possible ? dit l'homme du Gange. Il n'y a rien de si possible, repartit l'autre; il y a cent trente-cinq mille ans que nous en usons ainsi (…)
Voltaire, Zadig, XII.
4 — Avec l'argent d'un patriote que je lui ai fait connaître, ce cochon-là s'est établi marchand de chapelets ! — Pas possible !
Flaubert, l'Éducation sentimentale, III, IV.
♦ (Suivi d'un inf.). || Il est, il devient possible de… (→ Aspect, cit. 33; beauté, cit. 13). || Il me paraît, il me semble possible de… (→ Fausser, cit. 3). || Il est possible à qqn de… ⇒ Permettre (il est permis à qqn de…); → 2. Caravane, cit. 2; fatiguer, cit. 11. — Il est possible que…, suivi du subj. (→ Exister, cit. 7), et parfois (vx) de l'indicatif.
5 (…) il n'est possible d'être bon en ce monde qu'au prix des plus affreuses souffrances.
France, Thaïs, p. 94.
2 Qui constitue une limite, un maximum ou un minimum.
a (Avec tout). || « Ils ont vu, senti, éprouvé tout ce qu'il est possible de voir, de sentir, d'éprouver et d'entendre » (→ Ennuyer, cit. 9, Gautier). — REM. Lorsque le verbe être n'est pas exprimé, possible est toujours accordé avec le substantif. || Tirer tout le parti possible de… (→ 1. Écoute, cit. 1). || Toutes les extravagances possibles (→ Bouc, cit. 3; et aussi Facilité, cit. 3; malheur, cit. 6). — (Joint à imaginable, avec une simple valeur de renforcement). || Il a fait toutes les sottises possibles et imaginables.
b (Avec aussi, autant). || Il travaille autant qu'il est possible. || Autant qu'il est possible à quelqu'un, qu'il nous est possible (→ Dissection, cit. 3; inanité, cit. 3). || Aussi peu esclave des principes qu'il est possible (→ Changer, cit. 67).
6 Oui, je suis heureux autant qu'il est possible à un homme de l'être (…)
Courteline, Boubouroche, I, 2.
♦ (Le verbe être n'étant pas exprimé). || Faire autant que possible prévaloir les bons penchants sur les mauvais (→ Liberté, cit. 37). — Un article aussi persuasif que possible (→ Argumenter, cit. 5). || Aussi lentement (cit. 4) que possible. || Il a arrangé cela aussi bien que possible.
7 — Vous si au courant des choses de l'Angleterre contemporaine, vous avez, je pense, monsieur l'abbé, entendu parler du Sir David Osborne ? — Je ne parle que des choses que je connais, autant que possible, dit le premier vicaire. Je sais qui est Sir David Osborne, sans plus.
Pierre Benoit, Mlle de la Ferté, p. 173.
♦ ☑ Fam. Autant que possible, incitation à faire quelque chose. (Par plais. : autant que po-po).
c (Avec certaines locutions conjonctives). || Nous viendrons aussitôt qu'il sera possible. — (Sans verbe). || Il rembourserait dès que possible (→ Avance, cit. 21).
d (Avec le plus, le moins, avec un adjectif ou un adverbe au superlatif relatif). || Faites-lui le meilleur accueil (cit. 5) qu'il vous sera possible. Vx (avec le subj.). || « Tout va le mieux qu'il soit possible » (→ Aller, cit. 72, Voltaire).
♦ (Le verbe être n'étant pas exprimé et le plus, le moins possible modifiant un verbe ou un adverbe). || Un roi doit écrire le moins possible (→ Loquace, cit. 3). — Le plus vite, le plus tôt, le plus souvent, le moins mal, le moins souvent possible (→ Abréger, cit. 4; accepter, cit. 11; apporter, cit. 19; destinée, cit. 9). || Le mieux possible.
8 L'art de bien faire, n'est pas chimérique, mais il n'est autre que de faire le moins mal possible.
É. de Senancour, De l'amour, p. 144.
9 Vous dites non le moins souvent possible.
J. Romains, M. Le Trouhadec…, I, 3.
♦ (Le plus, le moins de… possible, employé avec un nom).
♦ Avec le plus de correction (cit. 13) possible. — (Avec un adjectif au superlatif relatif). || La plus grande quantité possible (→ Accaparement, cit. 1). || La meilleure place, la meilleure nourriture possible (→ Convoiter, cit. 4; gastronomie, cit.).
REM. Dans ce cas, bien qu'il soit préférable de laisser possible invariable : || « Pour courir le moins de risques possible » (Stendhal, la Chartreuse de Parme, II); || « Il lui adressait les compliments les plus justes possible » (Flaubert, l'Éducation sentimentale, III, III), certains écrivains le font accorder lorsqu'il suit un nom ou un adjectif au pluriel : Les plus bas salaires possibles (cf. Grevisse, Bon usage, §493; G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., §1021). — L'accord est normal quand possible est employé avec un superlatif relatif dont le complément est introduit par des. « Le meilleur (cit. 11, Voltaire) des mondes possibles ». La plus voluptueuse des danses possibles (→ Méduse, cit. 1).
10 Du haut en bas de l'échelle, c'était la même morale du plus de plaisir possible avec le moins d'efforts possible.
R. Rolland, Jean-Christophe, Foire sur la place, II, p. 763.
11 (…) son intérêt (…) c'était de nouer avec ces gens (…) le plus de liens possibles (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, VI, p. 57.
12 (…) j'inviterai quelques autres amis. le moins possible. Et les moins gênants possible.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. VI, VI, p. 50.
3 (En parlant de la réalité objective). Qui, n'étant pas encore réel, peut cependant se réaliser; qui, n'étant pas certain, peut cependant être vrai; qui peut être ou ne pas être (⇒ Contingent, éventuel). || Une aggravation possible de la maladie. || Le peuple était alarmé (cit. 2) d'une fuite possible du Roi. || Songer à des maux passés ou possibles. ⇒ Futur.
13 Hamlet était sans doute possible avant d'être réalisé, si l'on entend par là qu'il n'y avait pas d'obstacle insurmontable à sa réalisation. Dans ce sens particulier, on appelle possible ce qui n'est pas impossible (…) Mais le possible ainsi entendu n'est à aucun degré du virtuel (…) Pourtant du sens tout négatif du terme « possible » vous passez subrepticement, inconsciemment, au sens positif. Possibilité signifiait tout à l'heure « absence d'empêchement »; vous en faites maintenant une « préexistence sous forme d'idée », ce qui est tout autre chose.
H. Bergson, la Pensée et le Mouvant, p. 112.
♦ Vx. || Possible est : peut-être. || « Possible ferez-vous ce qu'on voudra » (Académie, 1694). — Mod. (dans une réponse). || Irez-vous à la mer cet été ! Possible. || Oui, possible. || C'est très possible, bien possible. ⇒ Probable.
14 Il arrivera possible que mon travail fera naître à d'autres (…) l'envie de porter la chose plus loin.
La Fontaine, Fables, Préface.
♦ C'est possible, mais…, marque que l'on admet qqch. avec réticence.
♦ Il est possible que…, suivi du subj. : il se peut que. ⇒ Pouvoir. || Il est possible qu'il fasse froid cette nuit. || Il est possible que Shakespeare ne soit pas l'auteur des pièces qu'on lui attribue. — Vx (suivi de l'indic.). → Apparence, cit. 16, Molière.
15 Il n'y a nulle certitude, dès qu'il est physiquement ou moralement possible que la chose soit autrement.
Voltaire, Dict. philosophique, Certain, certitude.
16 Il s'agit de payer toutes mes dettes avec mon prochain roman. Si l'affaire ne réussit pas, il est possible que je me pende.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », I.
♦ Ellipt. (Vx ou fam.). || Possible que… : peut-être que… (→ Essayer, cit. 14).
17 — Si tu veux me donner ton exemple, Bergère,Peut-être je le recevrai. — Si tu veux te résoudre à marcher la première,Possible que je te suivrai.
Molière, le Grand Divertissement royal…
18 Possible qu'entre la boutique verte et la boutique bleue, la foi me soit donnée tout à coup… Possible qu'à ce moment les raisons les plus absurdes me paraissent péremptoires.
G. Duhamel, Salavin, Journal, 21 oct.
4 Qui est peut-être ou peut devenir tel. ⇒ Virtuel. || Un passant (cit. 2) était un ennemi public possible. || Un groupement dans lequel il voit un concurrent possible. ⇒ Éventuel (→ aussi Lobby, cit. 1). || Les ministres possibles.
5 (1859). Fam. Qui peut être accepté, admis, reçu. ⇒ Acceptable, buvable, convenable, supportable. → l'emploi d'impossible (4. et 5.).
19 Ils me toisaient. Je croyais les entendre s'interroger les uns les autres : Le trouves-tu « sortable ?… » La mère n'est pas possible (…)
F. Mauriac, le Nœud de vipères, I, III.
20 Elle s'est laissée fiancer, puis marier, avec un garçon très possible; qu'elle a fini par aimer, je crois.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XI, XVIII, p. 184.
21 L'atmosphère de la maison n'était vraiment pas possible : Armand saisit avec plaisir le prétexte de s'éloigner.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, XXIII.
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II N. m. (XVIe).
1 (Dans des loc. figées). Ce qui est possible (au sens I, 1); ce qu'une personne peut. — ☑ Dans la mesure du possible : autant qu'on le peut (→ Évolution, cit. 10). — ☑ Faire tout son possible pour… (→ Biscornu, cit. 2) ou, vx, à…, suivi de l'inf. (→ Attachement, cit. 4), pour que…, suivi du subj. ⇒ aussi Essayer (de). — Vx. || Cela n'est plus en mon possible. || De tout son possible. ⇒ Pouvoir (substantif).
22 Je te réitère la promesse de mon engagement : je ferai tout mon possible pour que vous vous voyiez, pour que vous vous connaissiez.
Flaubert, Correspondance, 431, 7 oct. 1853.
♦ Loc. adv. (→ ci-dessus, I., 2.). — ☑ (1559). Au possible : autant qu'il est possible, au plus haut point. ⇒ Beaucoup, extrêmement (cf. Gastrique, cit. 1; pantoufle, cit. 2). || Il est gentil au possible (cf. Tout ce qu'il y a de plus gentil).
23 De ce chemin mondain, qui est dur et pénible,
Épineux, raboteux et fâcheux au possible (…)
Ronsard, le Livre des hymnes, « De la mort ».
2 Ce qui est réalisable (→ ci-dessus, I., 1.); ce qui est conçu comme non contradictoire avec le réel (→ I., 3.). → Ambitieux, cit. 8; frontière, cit. 8; imagination, cit. 23. — Spécialt. (Philos.). || L'idée du possible et celle du nécessaire (cit. 23). — Log. || Le possible et le certain, modes de la logique modale.
24 Le possible est donc le mirage du présent dans le passé; et comme nous savons que l'avenir finira par être du présent (…) nous nous disons que dans notre présent actuel, qui sera le passé de demain, l'image de demain est déjà contenue (…) Le possible aurait été là de tout temps, fantôme qui attend son heure; il serait donc devenu réalité par l'addition de quelque chose (…) On ne voit pas que c'est tout le contraire, que le possible implique la réalité correspondante avec, en outre, quelque chose qui s'y joint, puisque le possible est l'effet combiné de la réalité une fois apparue et d'un dispositif qui le rejette en arrière.
H. Bergson, la Pensée et le Mouvant, p. 111.
25 Nous ne saisissons nullement le possible, dans l'usage courant que nous en faisons, comme un aspect de notre ignorance, ni non plus comme une structure non contradictoire appartenant à un monde non réalisé et en marge de ce monde-ci. Le possible nous apparaît comme une propriété des êtres.
Sartre, l'Être et le Néant, p. 141-142.
3 (Au plur.). Les choses qu'on peut faire, qui peuvent arriver. || « O possibles qui sont pour nous les impossibles ! » (→ Erreur, cit. 19, Hugo). — Spécialt. || Réaliser tous ses possibles. ⇒ Possibilité (3.).
26 Un fait a cela de bon, si mauvais qu'il soit, qu'il met fin au jeu des possibles, qu'il n'est plus à venir, et qu'il nous montre un avenir nouveau avec des couleurs nouvelles.
Alain, Propos, 12 déc. 1910, Maux d'esprit.
27 Quelles vertus devons-nous souhaiter en celui auquel nous confions la direction de nos affaires ? Avant tout le sens des possibles. Il est vain, en politique, de former de grands et nobles projets si ces projets, le pays et le moment étant ce qu'ils sont, ne peuvent être exécutés.
A. Maurois, Un art de vivre, IV, 5.
28 (…) ces différences de pression créent précisément ce qu'on appelle au théâtre des situations c'est-à-dire des possibles et des choix.
R. Barthes, Mythologies, p. 90.
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CONTR. Impossible, impraticable, infaisable. Effectif. Invraisemblable.
Encyclopédie Universelle. 2012.