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enfoncer

enfoncer [ ɑ̃fɔ̃se ] v. <conjug. : 3>
• 1278; graphie mod. de enfonser, de fons, forme anc. de fond
I V. tr.
1Faire aller vers le fond, faire pénétrer profondément. 1. ficher, planter. Enfoncer un pieu en terre. Enfoncer ses ongles dans la chair. Enfoncer un couteau dans le dos de qqn. plonger. « S'il veut enfoncer un clou, il le frappe avec une pierre, ou avec un marteau » (Valéry). Par exagér. Il m'enfonçait ses coudes dans les côtes. rentrer. « Il arracha la taie et l'enfonça dans la poche de son veston » (Green). enfouir, fam. fourrer. Loc. Enfoncer le clou : recommencer inlassablement une explication afin de se faire bien comprendre ou de persuader. « Donc recommençons. Cela n'amuse personne [...] Mais il faut enfoncer le clou » (Sartre). J'essaie de lui enfoncer ça dans la tête, dans le crâne, de le lui faire comprendre, de l'en convaincre. ⇒ fourrer, mettre.
Mettre (un chapeau) de telle façon que la tête y entre profondément. Enfoncer son béret jusqu'aux oreilles.
Fig. Entraîner, pousser (dans une situation comparable à un fond, un abîme). Enfoncer qqn dans l'erreur. « Je n'ai réussi qu'à nous enfoncer [...] dans les dettes et la misère » (A. Daudet). Absolt Dénigrer, ravaler (qqn) auprès d'autrui. Il cherchait à l'enfoncer. Fam. démolir . « Ses spéculations l'enfonçaient chaque jour un peu plus » (Henriot).
2Briser, faire plier en poussant, en pesant. défoncer, forcer. Un camion a enfoncé le coffre de sa voiture. emboutir. Il s'est fait enfoncer trois côtes. briser, rompre. P. p. adj. Porte enfoncée. Loc. Enfoncer une porte ouverte : s'efforcer de démontrer une chose évidente ou admise depuis longtemps.
Par anal. Forcer (une troupe) à plier sur toute la ligne. culbuter. « Enfoncer les carrés, rompre les lignes » (Hugo) . (1820) Fam. Battre, surpasser, triompher de. On les a enfoncés, les fameux champions !
II V. intr.
1Aller vers le fond, pénétrer jusqu'au fond. Enfoncer dans le sable, dans la vase. s'enliser, s'envaser. « Les chevaux enfonçaient jusqu'aux paturons dans la boue » (Flaubert).
2Céder sous la pression. Sol qui enfonce sous les pas.
III V. pron.
1Aller vers le fond, vers le bas. « Les roues s'enfonçaient jusqu'aux moyeux dans les terrains mouvants » ( Gautier). s'enliser. Le navire s'enfonçait lentement. couler, plonger, sombrer. Par anal. Une nuée « opaque, derrière laquelle le soleil s'enfonce » ( Maupassant).
Pénétrer profondément. La vis s'enfonce dans le bois. (Personnes) S'installer tout au fond. S'enfoncer dans un fauteuil.
Fig. Être entraîné de plus en plus bas. « voir la société ennemie s'enfoncer ainsi dans sa pourriture » (Péguy). Absolt Se ruiner, se perdre. Affaire, entreprise qui s'enfonce. péricliter. S'enfoncer dans les difficultés, les contradictions. s'enferrer, s'enliser.
2Pénétrer, s'engager bien avant dans. s'avancer. S'enfoncer dans un bois. « Sous cet arc s'enfonçait la route mystérieuse » (F. Mauriac). Fig. S'abandonner à (qqch. qui absorbe entièrement). s'absorber, se plonger. « Et il s'enfonça dans une rêverie qui dura longtemps » (Saint-Exupéry). P. p. adj. « Plus buté, plus enfoncé dans son opinion » (A. Gide).
⊗ CONTR. Enlever, tirer. Remonter.

enfoncer verbe transitif (de fond) Faire pénétrer quelque chose profondément dans autre chose, le pousser vers le fond de quelque chose : Enfoncer un piquet dans le sol. Appuyer très fortement quelque chose dans le corps de quelqu'un, dans une matière souple, de telle sorte qu'un creux se forme : Il lui enfonça son revolver dans le flanc. Faire céder quelque chose, le briser sous l'effet d'une forte poussée, d'un choc violent : La voiture enfonça la barrière. Défaire, vaincre une armée, une troupe en brisant le front qu'elles constituent : Enfoncer les bataillons ennemis. Familier. Vaincre la résistance de quelqu'un, d'un groupe, les battre, les surpasser ou les mettre en difficulté : Enfoncer la concurrence. Aggraver l'état, la situation pénible dans laquelle se trouve quelqu'un : Ce nouveau malheur l'a enfoncé dans sa solitude.enfoncer (difficultés) verbe transitif (de fond) Conjugaison Le c devient ç devant o et a : j'enfonce, nous enfonçons ; il enfonça. ● enfoncer (expressions) verbe transitif (de fond) Enfoncer un chapeau sur la tête, le placer de telle sorte que la tête y entre profondément. Familier. Enfoncer une idée dans la tête de quelqu'un, l'en persuader, faire qu'il ne l'oublie pas. Familier. Enfoncer une porte ouverte, démontrer, expliquer une évidence ; se donner beaucoup de mal pour faire quelque chose qui a déjà été fait. ● enfoncer (synonymes) verbe transitif (de fond) Faire pénétrer quelque chose profondément dans autre chose, le pousser vers...
Synonymes :
- ficher
- planter
- plonger
Contraires :
- arracher
- déplanter
- déterrer
- extirper
- extraire
Appuyer très fortement quelque chose dans le corps de quelqu'un, dans...
Synonymes :
- fourrer (familier)
Faire céder quelque chose, le briser sous l'effet d'une forte poussée...
Synonymes :
- défoncer
- forcer
- percer
- renverser
- rompre
Familier. Vaincre la résistance de quelqu'un, d'un groupe, les battre, les...
Synonymes :
- battre
- écraser
- surclasser
- surpasser
Aggraver l'état, la situation pénible dans laquelle se trouve quelqu'un
Synonymes :
- enliser
Contraires :
- sortir
enfoncer verbe intransitif s'enfoncer verbe pronominal être enfoncé verbe passif Aller vers le fond et, en particulier, couler au fond de l'eau, être au fond ; sombrer : Navire qui s'enfonce dans les flots. Pénétrer dans une matière, à l'intérieur de quelque chose : La vis s'enfonce facilement. Pénétrer profondément dans une matière, en particulier dans le sol : On enfonçait jusqu'à mi-mollets dans la neige. S'étendre profondément à l'intérieur de quelque chose : Le chemin s'enfonce dans la forêt. Céder, se creuser sous la pression de quelque chose : La terre s'enfonce sous les pieds.

enfoncer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Pousser vers le fond, faire pénétrer dans qqch. Enfoncer un clou.
Fig., Fam. Il a essayé de lui enfoncer quelques principes dans la tête.
|| Enfoncer qqn, l'accabler. Loin de le défendre, ses complices l'ont enfoncé.
d2./d Rompre en poussant, en pesant sur. Enfoncer une porte. Syn. défoncer, forcer.
|| Loc. fig., Fam. Enfoncer une porte ouverte, découvrir une vérité évidente.
d3./d Par anal. Faire plier, rompre les rangs d'une troupe en les forçant. Enfoncer un bataillon ennemi.
Par ext. Vaincre, surpasser. Enfoncer l'adversaire par des arguments de poids.
rII./r v. intr. Aller vers le fond. On enfonçait dans la boue jusqu'aux chevilles.
rIII/r v. Pron.
d1./d Aller vers le fond, s'affaisser. Le navire commençait à s'enfoncer dans l'eau. Plancher qui s'enfonce.
Fig. Plus elle mentait et plus elle s'enfonçait.
d2./d Pénétrer bien avant (dans qqch). S'enfoncer dans la forêt.
d3./d Fig. S'adonner tout entier à. S'enfoncer dans l'étude. Syn. s'absorber, se plonger.

⇒ENFONCER, verbe.
I.— Emploi trans.
A.— Faire pénétrer quelque chose avec force (et de manière à vaincre d'éventuelles résistances) vers le fond ou jusqu'au fond.
1. Domaine concr. Il fallut donc enfoncer des pieux dans le lit de la rivière, afin de soutenir le tablier fixe du pont (VERNE, Île myst., 1874, p. 274). Il saisit une bouteille et enfonça le tire-bouchon dans le liège crissant (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 11) :
1. Quelle était la résistance de la chair? Convulsivement, Tchen enfonça le poignard dans son bras gauche.
MALRAUX, La Condition humaine, 1933, p. 182.
P. anal., dans un domaine abstr. Le jeune étranger enfonçoit ses regards dans ce dôme qui lui paraissoit d'une immense profondeur et transparent comme le verre (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 129).
Locutions
Enfoncer ses racines dans le sol. L'arbre tout entier, (...) avec ses pieds enfoncés dans le sol contre le vent et l'orage (TAINE, Philos. art, t. 1, 1865, p. 153).
P. métaph. Mais moi j'existe, la racine de mon âme enfoncée dans l'immortalité (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 284). S'ils avaient pu prévoir que l'entreprise aboutirait (...) à enfoncer en terre marocaine les racines de la puissance économique de l'Allemagne (JAURÈS, Eur. incert., 1914, p. 395).
Par hyperbole. Enfoncer son coude, son genou... dans le ventre... l'estomac... de qqn. Je profitais des bousculades (...) pour lui enfoncer mon coude entre les côtelettes (QUENEAU, Exerc. style, 1947, p. 31).
Enfoncer un chapeau, une coiffure dans (ou plus rarement sur) la ou sa tête; par brachylogie enfoncer son chapeau (Ac.). Abaisser avec force sa coiffure sur la tête de manière que celle-ci y entre bien avant, soit bien placée au fond. Tout à coup, il se lève, enfonce son chapeau sur son front, sort et clôt sa porte (BOREL, Champavert, 1833, p. 233).
2. Au fig.
Enfoncer qqc. dans qqc. ou dans qqn.
♦ [L'accent est mis sur une forte résistance] Enfoncer qqc. dans le crâne, la tête, l'esprit de qqn. En pénétrer sa pensée, son esprit. Il n'est pas de tâche plus noble que la nôtre! Enfoncez-vous bien ça dans la tête (ACHARD, Voulez-vous jouer, 1924, I, 3, p. 76) :
2. Elle avait ajouté l'idée presque unique qu'elle s'était spécialement forgée et qu'aussi elle répétait chaque fois qu'on la voyait, sans se lasser, et comme pour l'enfoncer dans la tête des autres : « elle aurait dû se soigner radicalement dès le début. »
PROUST, Le Côté de Guermantes 2, 1921, p. 331.
[P. méton. de l'obj. secondaire] Enfoncer qqc. en qqn. Il faut, une bonne fois, vous habituer à mon langage et enfoncer en vous cette idée simple que je n'appartiens à rien ni à personne (BLOY, Journal, 1899, p. 373). Était-ce le canon qui sonnait sans relâche, (...) qui enfonçait en nous cette certitude de vaincre? (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 181).
♦ [L'accent est mis sur une répétition, une accumulation] Enfoncer toujours le même clou. Répéter inlassablement la même chose (pour en pénétrer son interlocuteur). Pas de poésie qui puisse, pour s'exprimer, se passer de mots. Enfonçons toujours le même clou dans le même mur (BREMOND, Poésie pure, 1926, p. 97).
P. anal. Ce vieux clocher d'Eauze, semeur d'heures lentes, vides, pareilles, qui disaient toutes la même chose depuis l'enfance, qui enfonçaient toutes la même pensée, au même endroit du cœur (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 270). Cette attente trompée donnait l'illusion que le motif n'est qu'étanché, les redites ne l'ayant pas enfoncé comme un clou dans la mémoire (SAINT-SAËNS, Portr. et souv., 1909, p. 121).
Enfoncer qqn dans qqc.
Enfoncer qqn dans une opinion, un état d'esprit. Le confirmer, l'encourager dans cette opinion, cet état d'esprit. Chaque obus enfonce davantage le peuple de Madrid dans sa foi (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 755). Ceci ne ferait que l'enfoncer dans l'opinion qu'il a d'elle, qui n'est pas bonne (GIDE, École femmes, 1929, p. 1298).
Enfoncer qqn dans une situation (pénible, illicite). Accentuer, aggraver sa situation. Enfoncer qqn dans le vice, dans le mal. Car tout l'enseignement de celui-ci n'a servi qu'à enfoncer l'humanité un peu plus avant dans le gâchis (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1197).
B.— Faire céder par une violente poussée vers l'intérieur.
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] — Ouvrez, ou j'enfonce la porte (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 143) :
3. ... c'est une tempête. (...). Un coup de mer passa sur la proue du vaisseau, enfonça son pont, et, le traversant en diagonale, emporta sa yole et trois matelots.
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 139.
P. plaisant. Enfoncer une porte ouverte. Déployer beaucoup d'efforts pour prouver ce qui est avéré ou pour réaliser ce qui est accompli. La conséquence saute aux yeux. Réclamer cela, c'est enfoncer une porte ouverte (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 245).
2. [Le compl. d'obj. dir. désigne une ou plusieurs pers.]
a) Enfoncer une armée. Y faire une percée, la défaire. La cavalerie romaine s'ébranle pour enfoncer les barbares (CHATEAUBR., Martyrs, t. 1, 1810, p. 290). Au combat, ces garçons (...) enfonçaient n'importe quelle troupe et forçaient la victoire (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 224).
b) Enfoncer un adversaire
Le renverser, l'abattre. La révolte contre la vieille école éclatait dans toute sa fureur. On démolissait Voltaire, on enfonçait Racine (REYBAUD, J. Paturot, 1842 p. 4). Ce n'est pas une petite histoire besogne que d'enfoncer le ministre (BAUDEL., Hist. extr., 1856, p. 59).
Fam. Le convaincre, emporter son adhésion malgré ses résistances. Donne-moi le manuscrit de l'archer, après-demain nous déjeunons chez les libraires et nous les enfonçons! (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 471).
P. ext. et p. anal. [L'obj. désigne une création de l'esprit humain] Surclasser, surpasser quelque chose. Les pages 322-335 me paraissent enfoncer tout ce qui s'est fait dans ce genre-là (FLAUB., Corresp., 1866, p. 89).
II.— Emploi pronom. à sens passif.
A.— Aller vers le fond, jusqu'au fond. Les réservoirs s'emplirent, et le « Nautilus », s'enfonçant peu à peu, disparut sous la nappe liquide (VERNE, Île myst., 1874, p. 582). Il souleva la dalle funéraire sous laquelle s'enfonçait un escalier de marbre, et il descendit marche à marche (, Aphrodite, 1896, p. 98) :
4. C'était bien la vingtième échelle déjà, et la descente continuait. Alors, il les compta : vingt et une, vingt-deux, vingt-trois, et il s'enfonçait, et il s'enfonçait toujours. Une cuisson ardente lui enflait la tête, il croyait tomber dans une fournaise.
ZOLA, Germinal, 1885, p. 1368.
P. ext. [Le suj. désigne une pers.]
1. [Avec un compl. prép.] Entrer profondément dans quelque chose.
♦ [dans l'espace] Il s'enfonçait dans l'ombre et la brume (HUGO, Fin Satan, 1885, p. 767). S'enfoncer dans un divan, dans un lit. Je m'enfonçai dans un fauteuil et pris un roman (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 69).
S'enfoncer dans un pays, s'enfoncer dans une direction. Progresser, s'engager profondément à l'intérieur de ce pays ou dans cette direction. Il fallait qu'il commençât par s'enfoncer dans l'intérieur du pays (STAËL, Lettr. L. de Narbonne, 1792, p. 66). En s'enfonçant vers l'ouest, que cherchait le grand marin génois, sinon à abréger les voyages au pays des épices? (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 26).
♦ [dans le temps] À mesure que nous enfonçons dans l'avenir (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 237).
♦ [Dans une situation] Plus je m'enfonçais dans mes pensées, et plus ma colère augmentait (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 102). Je m'enfonce ici dans le « farniente » et les délices de l'insouciance (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1834, p. 164) :
5. Nous nous enfonçons dans le bourgeois d'une manière épouvantable et je ne désire pas voir le vingtième siècle.
FLAUBERT, Corresp., 1865, p. 176.
♦ [dans une activité] S'absorber entièrement en elle. Toute l'Europe centrale se réfugie contre l'ennui, s'enfonce dans la lecture des journaux (THARAUD, An prochain, 1924, p. 278).
2. [Sans compl. prép.] Péj. Aller vers une situation de plus en plus grave. Je dis que ces gens-là s'enfoncent et se ruinent (PROUDHON, Propriété? 1840, p. 263). Saint-Bertrand s'enfonce, se dégrade! (FLAUB., Corresp., 1865, p. 105) :
6. Eh bien, c'est que, quelquefois, j'ai une espèce de jouissance à vous laisser vous enfoncer, vous enfoncer, vous enliser, à voir ce qui arriverait si cela continuait...
COCTEAU, Les Parents terribles, 1938, I, 2, p. 193.
B.— Céder, s'abaisser sous la pression de quelque chose. Voilà ses genoux qui se tordent; ses côtes s'enfoncent (FLAUB., Tentation, 1874, p. 140) :
7. ... le pied broyait des coupes d'or et des têtes humaines, et à chaque pas on sentait qu'on marchait sur de la chair, que quelque chose s'enfonçait sous vous et que des soupirs montaient.
FLAUBERT, Smarh, 1839, p. 67.
III.— Emploi intrans. Aller vers le fond, jusqu'au fond de quelque chose. La terre était humide, les chevaux enfonçaient (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1824, p. 74). Je sentais ta peau sous la chemisette, et mon doigt enfonçait un peu... C'était très bon... (ZOLA, Curée, 1872, p. 482) :
8. Brusquement, il enfonce. Il enfonce de deux ou trois pouces. Décidément il n'est pas dans la bonne route; il s'arrête pour s'orienter. Tout à coup il regarde à ses pieds. Ses pieds ont disparu.
HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 547.
Au fig. [En parlant d'une pers.] Être dans une situation qui empire, qui s'aggrave de plus en plus. On se sent enfoncer, pour ainsi dire, dans la barbarie (GUIZOT, Hist. civilisation, Leçon n° 6, 1828, p. 27). Je ne me heurtais pas : j'enfonçais; je perdais pied (GIDE, Journal, 1904, p. 145) :
9. Je vois la France baisser d'heure en heure, s'abîmer comme une Atlantide. Pendant que nous sommes là, à nous quereller, ce pays enfonce.
MICHELET, Le Peuple, 1846, p. 39.
Rem. La docum. atteste le subst. masc. enfonçage : cassage de carreaux et enfonçage de portes (GONCOURT, Journal, 1889, p. 1039) et le subst. fém. enfonçade : C'est une enfonçade qu'on te prépare, et sérieuse (FLAUB., Corresp., 1860, p. 366) qui signifient tous deux « action d'enfoncer quelque chose ».
Prononc. et Orth. :[], (j')enfonce []. Enq. : // (il) enfonce. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Prend une cédille devant a et o : nous enfonçons, j'enfonçai(s). Étymol. et Hist. 1. Ca 1150 « pourvoir d'un fonds » (Charroi Nîmes, éd. Mac Millan, 984); 2. 1278 enfonsé « chargé de » (SARRAZIN, Rom. de Ham, éd. A. Henry, 1488); ca 1393 yeuls enfoncés (Ménagier, II, 152 ds T.-L.); 3. 1587 « pousser afin de briser une unité » (LANOUE, Disc., p. 291 ds GDF. Compl.). Dér. de fons, fonds; préf. en-, dés. -er. Fréq. abs. littér. :4 112. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 349, b) 7 501; XXe s. : a) 6 954, b) 5 572. Bbg. CHAUTARD (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 66. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 198, 215, 280. — GUIRAUD (P.). Le Champ morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, pp. 96-109. — ORR (J.). Some ambivalent words and etymology. In : Words and sounds. Oxford, 1953, pp. 209-214. — QUEM. 2e s. t. 1 1970; t. 3 1972.

enfoncer [ɑ̃fɔ̃se] v. [CONJUG. placer.]
ÉTYM. 1278; de en-, fonds, sous la forme fons, et suff. verbal.
———
I V. tr.
A
1 Faire aller avec effort vers le fond; faire pénétrer profondément. || Enfoncer qqch., qqn dans la boue, dans le sable, dans la terre, la vase. Embourber, enliser, enterrer, envaser. || Enfoncer qqch. dans l'eau. Engloutir, immerger, plonger, submerger. || Enfoncer un pieu en terre. Ficher, planter. || Enfoncer un clou dans le mur; enfoncer une cheville, un coin, une épingle, une fiche dans qqch. || Enfoncer des pitons d'escalade dans le rocher. Pitonner (alpin.). || Enfoncer les ongles, les griffes dans la chair. || Enfoncer des clous dans le sabot d'un cheval. Brocher (4.). || Il enfonça sa cuiller dans le plat (→ Croquer, cit. 3). || Il enfonça son mouchoir dans sa poche. Mettre; fourrer, introduire.(Sans compl. de lieu). || Enfoncer des pavés avec une demoiselle, une hie. || Frapper, cogner pour enfoncer un clou. || Enfoncer le bouchon d'une bouteille : boucher ou reboucher la bouteille.
1 Il ne regarde que son but. S'il veut enfoncer un clou, il le frappe avec une pierre, ou avec un marteau qui est de fer, ou de bronze, ou même de bois très dur; et il l'enfonce à petits coups, ou d'un seul plus énergique, ou parfois par une pression; qu'importe à lui ?
Valéry, Eupalinos, p. 91.
2 J'étais, je suis encore comme quelqu'un qui s'enlise dans un marais puant, cherchant autour de lui quoi que ce soit de fixe, de solide, où prendre appui, mais entraînant avec lui et enfonçant dans cet enfer boueux tout ce à quoi il se raccroche.
Gide, Et nunc manet in te, 21 août 1938.
3 (…) il (…) arracha de l'oreiller la taie qui le recouvrait et l'enfonça dans la poche de son veston.
J. Green, Léviathan, I, XI, p. 106.
Plante qui enfonce ses racines dans le sol, dont les racines poussent profondément.Fig. || Civilisation qui enfonce ses racines dans le passé.
4 Si j'ai voulu ces analogies au début de l'œuvre, c'était afin d'affirmer le lignage beethovenien de mon héros et d'enfoncer ses racines dans le passé de l'Occident rhénan.
R. Rolland, Jean-Christophe, Introd., p. XVI.
Enfoncer une épée, un couteau dans le corps de son ennemi. Passer, plonger. || Il lui enfonça un couteau (cit. 10, 13) dans le cœur, dans le sein.
5 (…) il y en eut plusieurs qui m'apportèrent de petits clous fort jolis, pour m'enfoncer dans les bras et dans les cuisses en l'honneur de Brama.
Voltaire, Bababec et les fakirs.
Figuré :
6 Enfonçons dans son cœur le trait qui le déchire.
Voltaire, Brutus, II, 3.
Par exagér. || Mon voisin n'a cessé durant tout le voyage de m'enfoncer ses coudes dans les côtes. Rentrer.
Mettre (un chapeau) de telle façon que la tête y entre profondément.
7 Enfoncez bien votre bonnet jusque sur vos oreilles (…)
Molière, le Malade imaginaire, I, 6.
8 Ce particulier, enfonçant son chapeau sur sa tête, lui répondit qu'il ne s'entendait point en bas-reliefs.
Diderot, Salon de 1767.
Loc. fig. Enfoncer qqch. dans le crâne, dans la tête de qqn, l'en persuader ou le lui faire entendre de force. Apprendre, convaincre, expliquer. || Il a eu toutes les peines du monde à lui enfoncer ça dans la tête. Mettre.
Vx. || Enfoncer qqch. à qqn (même sens).
9 (…) Mme la duchesse d'Orléans n'aurait ni la grâce ni la force nécessaire pour le lui bien enfoncer (convaincre la duchesse de Bourgogne de l'importance du mariage du duc de Berry avec Mademoiselle)…
Saint-Simon, Mémoires, t. III, XXXII.
Fam. Enfoncer le clou : recommencer une explication, une argumentation sans craindre la répétition, afin de se faire bien entendre. Insister, répéter.
10 (…) on lit vite, mal et (…) on juge avant d'avoir compris. Donc, recommençons. Cela n'amuse personne, ni vous, ni moi. Mais il faut enfoncer le clou.
Sartre, Situations II, p. 58.
2 Fig. Entraîner, pousser dans une situation comparable à un fond, un abîme. || Enfoncer qqn dans le mal, le vice. || Cela n'a fait que l'enfoncer dans ses défauts (→ Conseil, cit. 12). || Sa prodigalité l'enfonce peu à peu dans la misère.Absolt. || Il était au bord de la banqueroute; ses concurrents ont fini de l'enfoncer.
11 Quand les Juifs eurent vu par expérience que tous les messies qu'ils avaient suivis, loin de les tirer de leurs maux, n'avaient fait que les y enfoncer (…)
Bossuet, Hist., II, 10.
12 (…) j'espérais, à force de travail, arriver à reconstruire notre fortune; mais le démon s'en mêle ! Je n'ai réussi qu'à nous enfoncer jusqu'au cou dans les dettes et dans la misère (…) À présent, c'est fini, nous sommes embourbés (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, IV, p. 42.
13 (…) ses spéculations l'enfonçaient (Lamartine) chaque jour un peu plus.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 107.
B (Sans compl. de lieu).
1 (1635). Briser, faire plier en poussant, en pesant. Défoncer, forcer. || Enfoncer une porte, une grille. || Enfoncer un mur. Abattre, renverser. || Enfoncer le plancher. || Une bombe enfonça la voûte de l'abri. Crever. || Enfoncer une côte. Briser, rompre.
14 (…) il alla avec cinq ou six gardes (…) enfoncer la grille du couvent avec une bûche (…)
Mme de Sévigné, 534, in Littré.
15 Et nous convînmes qu'au premier cri, j'enfoncerais la porte (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre LXXI.
Loc. fig. Enfoncer une porte ouverte.
2 (1580). Par anal. Forcer (une troupe) à plier sur toute la ligne. Culbuter.
16 (…) enfin le nombre l'emporta; les Suédois furent rompus, enfoncés, et poussés jusqu'à leur bagage.
Voltaire, Charles XII, Livre IV.
16.1 À peine on est un peu tranquille dans ce creux : pan. Le 2e bataillon vient de se faire enfoncer : il faut contre-attaquer.
Drieu La Rochelle, la Comédie de Charleroi, p. 213.
3 (1820). Fam. || Enfoncer quelqu'un, se montrer très supérieur à lui. Battre, surpasser. || Il a enfoncé tous ses adversaires. || Cette équipe de football s'est fait enfoncer. fam. Piler, rosser; battre (à plate couture).
17 Darcet pioche comme un enragé pour le concours du bureau central. Mais il se fera probablement enfoncer.
Flaubert, Correspondance, 76, fin mars 1843, t. I, p. 133.
17.1 Oréa et Koukla vont faire un numéro de danses orientales. Tu viendras voir ça. Très original. Grande nouveauté. Ça enfonce les nègres.
R. Queneau, le Chiendent, p. 197.
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II V. intr. (1690). Aller vers le fond, pénétrer jusqu'au fond.(Sujet n. de personne). || Enfoncer dans le sable, dans la vase. || On y enfonce jusqu'aux genoux.(Sujet n. de chose). || Ce navire enfonce dans l'eau de tant de mètres. Caler.(1544). Absolt. || La barque enfonça brusquement. Couler.
18 Il ne pouvait déjà plus reculer. Il enfonçait de plus en plus. Cette vase, assez dense pour le poids d'un homme, ne pouvait évidemment en porter deux.
Hugo, les Misérables, V, III, VI.
19 Puis elle prenait à travers des champs en labour, où elle enfonçait, trébuchait et empêtrait ses bottines minces.
Flaubert, Mme Bovary, II, IX.
20 La route était si mauvaise que ces huit kilomètres exigèrent deux heures. Les chevaux enfonçaient jusqu'aux paturons dans la boue, et faisaient pour en sortir de brusques mouvements des hanches; ou bien ils butaient contre les ornières; d'autres fois, il leur fallait sauter.
Flaubert, Trois contes, « Un cœur simple », II.
tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
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s'enfoncer v. pron.
1 (1724). Aller vers le fond, vers le bas.(Sujet n. de personne). || S'enfoncer dans un marais, dans la vase, dans le sable, dans la neige. Embourber (s'), enliser (s'). || S'enfoncer dans un abîme. Abîmer (s'), engouffrer (s').(Sujet n. de chose). || Navire qui s'enfonce dans les flots. Couler, engloutir (s'), sombrer.
21 À la seconde journée deux de leurs moutons s'enfoncèrent dans des marais (…)
Voltaire, Candide, XIX.
22 Le sol devenait de plus en plus sablonneux, et les roues de la calessine s'enfonçaient jusqu'aux moyeux dans les terrains mouvants. Nous comprîmes alors pourquoi notre voiturin s'inquiétait si fort de notre pesanteur spécifique.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 242.
Pénétrer profondément. || La vis s'enfonce dans le bois. Mordre, percer. || Le fer s'était profondément enfoncé dans la plaie.
23 Et lorsque tu sentis s'enfoncer les épines
Dans ton crâne où vivait l'immense Humanité (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Révolte », CXVIII.
(Av. 1848). Par anal. Disparaître progressivement. || Le soleil s'enfonça derrière un nuage, derrière la montagne.
24 Le soir vient. Sur nos têtes le ciel est resté bleu, mais devant nous s'étale une nuée violette, opaque, derrière laquelle le soleil s'enfonce.
Maupassant, la Vie errante, p. 189.
(Sujet n. de personne). S'installer tout au fond. || S'enfoncer dans un fauteuil (→ Asseoir, cit. 17). || S'enfoncer dans son lit, sous les couvertures. Enfouir (s').
25 Il s'enfonça dans son lit et ne tarda guère à se rendormir.
A. R. Lesage, Gil Blas, III, 8.
26 Charlotte m'a dit : « Je suis en deuil de ma mère; mon père est mort depuis plusieurs années. Voilà mes enfants ». À ces mots, elle a retiré sa main et s'est enfoncée dans son fauteuil, en couvrant ses yeux de son mouchoir.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 101.
(1671). Fig. Être entraîné de plus en plus bas. || S'enfoncer dans l'ignorance, dans l'erreur, dans les préjugés. Enferrer (s').
27 Ils n'ont fait que s'enfoncer de plus en plus dans l'ignorance (…)
Bossuet, Hist., II, 10.
28 En ce sens il pouvait dans la fièvre du combat, crier la joie amère qu'il avait à voir la société ennemie s'enfoncer ainsi dans sa pourriture et précipiter sa propre ruine.
Ch. Péguy, la République…, p. 21.
S'enfoncer dans le passé, dans le néant. || Les années s'enfoncent dans l'abîme des temps (→ Détruire, cit. 6).
29 Cependant, avec lenteur, la journée s'enfonçait dans le néant.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VII, VII.
30 Il est assis au Luxembourg, sur une chaise de fer, il regarde pour toujours les marronniers en fleurs, la guerre s'est enfoncée dans le passé (…)
Sartre, le Sursis, p. 53.
2 Absolt. (Sujet n. de chose ou de personne). Se perdre dans une situation dangereuse. || Cette affaire s'enfonce de plus en plus. Péricliter.Avec de telles dépenses, il finira par s'enfoncer. Ruiner (se); → Boire la tasse.
3 (Sujet n. de chose). Être situé dans un fond. || Les fondations s'enfoncent à plus de dix mètres. || Ravin qui s'enfonce profondément. || Ici, la terre s'enfonce de deux mètres, forme un enfoncement de deux mètres.Être dans un retrait.
31 Un jardin fort élevé dans lequel la maison s'enfonçait sur le derrière (…)
Rousseau, les Confessions, I.
32 (…) l'on nous fit entrer sous un vestibule fort obscur, et dans lequel s'enfonçait, suivant l'usage, un divan en maçonnerie élevé de quatre pieds au-dessus du sol.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, III, p. 242.
33 La tête immobile s'enfonçait mollement dans l'oreiller; l'ombre des cils s'allongeait sur les joues, et les lèvres laissaient passer une haleine égale.
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 65.
4 (1695). Pénétrer bien avant; s'engager dans.(Êtres animés). Avancer (s'). || S'enfoncer dans une forêt, dans un bois, dans un chemin creux. || S'enfoncer dans une gorge, un tunnel.Se dérober aux regards. || Silhouette qui s'enfonce et disparaît (→ Décroître, cit. 2). || S'enfoncer dans le lointain, dans l'horizon. Disparaître (→ Amoindrissement, cit. 2).(Inanimés). Aller, se situer dans, à l'intérieur de (qqch.). || Route, rue qui s'enfonce entre les arbres, les maisons (→ Cime, cit. 2; desservir, cit. 2). || Golfe qui s'enfonce dans les terres.
34 (…) je m'enfonçai dans une sombre forêt (…)
Fénelon, Télémaque, II.
35 Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes;
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur (…)
Lamartine, Premières méditations, « L'isolement ».
36 Une allée sablonneuse, douce aux pieds, s'enfonçait dans l'ombre du taillis (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 258.
37 (…) comme elle allait s'enfoncer dans une rue obscure (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 122.
Fig. Avancer.
38 (…) plus ils sentent, et plus ils souffrent; plus ils s'enfoncent dans la vie, et plus ils sont malheureux.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, III, Lettre XXI.
Fig. S'adonner, s'abandonner à (qqch. qui absorbe entièrement). Absorber (s'), livrer (se). || S'enfoncer dans l'étude, dans la dévotion. Plonger (se). || S'enfoncer dans une rêverie, dans le mutisme, dans le sommeil. || S'enfoncer dans ses mauvaises habitudes. Encroûter (s'). || S'enfoncer dans de mauvaises pensées (→ Cœur, cit. 60), dans le désespoir ( Sombrer).
39 (…) Lantier n'écoutait plus, s'enfonçait dans une idée fixe.
Zola, l'Assommoir, t. I, p. 11.
40 (…) il avait résolu de s'enfoncer, comme il pourrait, dans ce silence, dans cette contemplation, dans ce crépuscule d'argent de l'oraison (…)
Léon Bloy, le Désespéré, p. 68.
41 À mesure qu'une âme s'enfonce dans la dévotion, elle perd le sens, le goût, le besoin, l'amour de la réalité.
Gide, les Faux-monnayeurs, I, XII, p. 138.
42 Et il s'enfonça dans une rêverie qui dura longtemps.
Saint-Exupéry, le Petit Prince, p. 16.
5 Fam. || S'enfoncer qqch. Envoyer (s'), farcir (se).
42.1 Bourlinguer un cochon du boulevard de l'Hôpital à la rue Caulaincourt, s'enfoncer au pas de chasseur toute la traversée de Paris en plein noir, huit kilomètres au raccourci avec la montée de Montmartre en finale (…)
M. Aymé, le Vin de Paris, « La traversée de Paris », p. 30.
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enfoncé, ée p. p. adj.
1 Pieu à demi enfoncé dans la terre. || Clou enfoncé jusqu'à la tête. || Poings enfoncés dans les poches (→ Déformer, cit. 8).Épine enfoncée dans le pied. || Épée enfoncée jusqu'à la garde.Par ext. || Je l'ai trouvé enfoncé dans un fauteuil.
Fig. || Homme enfoncé dans le vice, dans l'ignorance.
Spécialt.Avoir l'esprit enfoncé dans la matière : être épais, borné, terre à terre.
43 Mon Dieu ! ma chère, que ton père a la forme enfoncée dans la matière ! que son intelligence est épaisse, et qu'il fait sombre dans son âme !
Molière, les Précieuses ridicules, 5.
44 Il te faut du positif, Jeanne, et tu as l'esprit un peu enfoncé dans la matière.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, t. I, V, p. 147.
2 (Personnes). Occupé complètement. Absorbé, plongé. || Être enfoncé dans une lecture passionnante, dans la méditation. || Enfoncé dans ses préjugés. Entêté. || Être enfoncé jusqu'au cou dans les affaires. Engagé.
45 L'introduction représente Don Quichotte enfoncé dans la lecture des romans de chevalerie (…)
R. Rolland, Musiciens d'aujourd'hui, p. 133.
46 Je retrouve Degas vieilli, mais toujours ressemblant; à peine un peu plus buté, plus enfoncé dans son opinion, exagérant sa hargne et grattant toujours le même endroit de son cerveau où le prurit se localise toujours plus.
Gide, Journal, 4 juil. 1909, p. 274.
47 Archimède est trop enfoncé dans sa méditation pour prendre garde au soldat qui lui porte le coup mortel.
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, IV, p. 123.
3 (Choses). Bas, profond; dedans (en), retrait (en). || Une alcôve (cit. 2) enfoncée. || Terrain enfoncé. Bas-fond.
Qui rentre dans le visage, dans le corps. (1690). || Avoir les yeux enfoncés. Cave, creusé, creux. || Lèvres enfoncées. (1714). || Avoir la tête enfoncée entre les épaules, la tête enfoncée. Rentré.
48 (…) un petit homme haut de trois pieds et demi, extraordinairement gros, avec une tête enfoncée entre les deux épaules : voilà mon oncle.
A. R. Lesage, Gil Blas, I, I.
49 Dom Claude écoutait en silence. Tout à coup son œil enfoncé prit une telle expression sagace et pénétrante, que Gringoire se sentit, pour ainsi dire, fouillé jusqu'au fond de l'âme par ce regard.
Hugo, Notre-Dame de Paris, II, I, II.
50 Il était de taille assez haute, les épaules bien carrées, la tête plutôt enfoncée, grosse, sans être énorme (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIII, p. 203.
4 Rompu, défoncé. Brisé, crevé. || Plafond enfoncé. || Porte enfoncée.Côte enfoncée. Rompu.Par ext. || Troupe, armée enfoncée par les ennemis. Battu, vaincu; déroute (en).
51 Les Parthes, au combat par les nôtres forcés,
Tantôt presque vainqueurs, tantôt presque enfoncés (…)
Corneille, Rodogune, I, 4.
Fam. || La partie est perdue, nous voilà enfoncés.
52 C'est encore un nouveau mot, mais il est adopté : maintenant les jeunes gens de la haute société, les petits maîtres, les lions, disent : Je suis floué ! comme ils auraient dit autrefois : Je suis pris pour dupe ! et dans le style plus familier : Je suis enfoncé !
Charles Paul de Kock, la Grande Ville, p. 81 (éd. 1842).
53 Garnotelle connaît le préfet de police, il vient de faire son portrait… Il nous aura une permission… Nous aurons un municipal à la porte… C'est ça qui aura de l'œil ! Enfoncés les bourgeois !
Ed. et J. de Goncourt, Manette Salomon, p. 226.
5 N. f. || Une enfoncée : partie en retrait dans une surface. Enfonçure. || Une enfoncée de terrain. Cavité.
54 (…) et maintenant Georges et Blum se tenaient debout sur le seuil de la grange, à l'abri de l'enfoncée du mur, en train de regarder (…)
Claude Simon, la Route des Flandres, p. 59.
CONTR. Arracher, enlever, extirper, sortir, tirer. — Remonter, surnager. — Apparaître, arriver, paraître, surgir, venir. — (Du p. p.) Élevé, haut, saillant.
DÉR. Enfoncement, enfonceur, enfonçoir, enfonçure.
COMP. Renfoncer.

Encyclopédie Universelle. 2012.