arracher [ araʃe ] v. tr. <conjug. : 1> I ♦ V. tr.
1 ♦ Enlever de terre (une plante qui y tient par ses racines). ⇒ déraciner, déterrer, extirper. Défricher une terre en arrachant les broussailles, les mauvaises herbes. ⇒ débroussailler, déchaumer, désherber, essarter, sarcler. Arracher un arbre. Arracher les pommes de terre. ⇒ récolter.
2 ♦ Détacher avec un effort plus ou moins grand (une chose qui tient ou adhère à une autre). ⇒ 1. détacher, enlever, extirper, extraire, ôter. Arracher un clou avec un arrache-clou, une pince, des tenailles. Arracher une croûte avec ses ongles. S'arracher un cheveu, un poil. ⇒ épiler. Arracher à un animal sa peau (⇒ dépouiller, écorcher) , ses plumes (⇒ plumer) . Arracher par lambeaux. ⇒ déchirer, lacérer. « Arrachons, déchirons tous ces vains ornements » (Racine). Un obus lui a arraché le bras. ⇒ emporter.
♢ Fig. Arracher le masque, le voile. ⇒ démasquer, dévoiler. « il est souvent nécessaire d'arracher aux âmes ce masque de fausse humilité » (F. Mauriac). — Loc. fig. S'arracher les cheveux : être désespéré.
3 ♦ Vx ou littér. Arracher (qqch.) de (ou à) :extirper, retirer. « Arrache-lui du cœur ce dessein de mourir » (P. Corneille). — Littér. Arracher l'âme, la vie à qqn : le tuer. — Fig. Arracher l'âme, le cœur à qqn : lui causer une vive affliction. ⇒ désespérer, désoler . « Je ne pus la quitter [cette ville] sans me sentir arracher l'âme » (Stendhal).
4 ♦ Enlever de force à une personne ou à une bête, lui faire lâcher (ce qu'elle retient). ⇒ prendre, ravir. Arracher une arme des mains de qqn, un oiseau des griffes d'un chat. — Fig. Arracher qqn des bras de la mort, à la mort. ⇒ sauver. Arracher qqn à la misère, à un danger. ⇒ soustraire, tirer (de).
5 ♦ (XVIe) Obtenir (qqch.) de qqn avec peine, après quelque résistance. ⇒ obtenir; extorquer. Arracher de l'argent à un avare. ⇒ soutirer. Arracher des aveux, un secret, une promesse, une décision, un consentement. « J'avais obtenu, presque arraché l'estime de tout le monde » (Rousseau). « On ne pouvait lui arracher une parole » (France). (Choses) « Chacun de ses appels m'arrachait un gémissement » (Colette).
6 ♦ Arracher qqn à (qqn) : l'en séparer violemment. On l'a arrachée toute petite à sa mère.
7 ♦ (1690 ) Arracher qqn de (un lieu)... : faire quitter un lieu à qqn par force, violence, malgré lui. ⇒ tirer; chasser. Arracher qqn de sa place. Arracher qqn du lit, le forcer à se lever. — Par ext. ⇒ bannir, chasser, exiler, expulser. Arracher qqn de sa maison, de son sol natal.
8 ♦ Arracher qqn à un état, une situation, l'en faire sortir malgré les difficultés ou malgré sa résistance. Arracher qqn au sommeil, à ses rêves. Arracher qqn à ses habitudes. ⇒ 1. détacher, détourner (de). « ce passé terrible auquel ta tendresse m'arrache » (A. Daudet).
II ♦ S'ARRACHER v. pron.
1 ♦ (récipr.) Loc. fig. S'arracher les yeux : se disputer violemment.
2 ♦ S'arracher qqch. : se disputer qqch. pour se l'approprier. On s'arrachait les dernières places.
♢ S'arracher qqn : se disputer sa présence, sa société. Il plaît beaucoup, on se l'arrache.
3 ♦ (Réfl.) S'ARRACHER DE; S'ARRACHER À : se détacher, se soustraire avec effort, difficulté, peine ou regret. S'arracher des bras d'une personne. S'arracher à un souvenir. S'arracher d'un lieu, d'une habitude.
♢ Absolt, fam. Partir, s'en aller. Viens, on s'arrache. — Accomplir un effort important.
⊗ CONTR. Fixer, implanter, planter. Attacher.
● arracher verbe transitif (ancien français esrachier, du latin eradicare, enlever avec la racine) Enlever, détacher avec effort quelque chose de ce à quoi il tient : Arracher des pages à un carnet. Enlever, prendre par la force à quelqu'un quelque chose qu'il tient ou retient : Arracher l'arme des mains du meurtrier. Séparer par la violence quelqu'un de quelqu'un, le tirer brutalement du lieu ou du milieu où il vit : Arracher un enfant à sa mère. Littéraire. Soustraire avec peine quelqu'un à ceux qui le retiennent : Arracher un captif à ses geôliers. Tirer quelqu'un de quelque chose (situation, état…), l'en faire sortir brusquement ou avec difficulté : La sonnerie l'arracha à sa rêverie. Obtenir (de quelqu'un) quelque chose avec peine, au prix d'efforts considérables ou par la contrainte : Ils lui ont arraché ses aveux. Tirer de quelqu'un une réaction, donnée à regret ou malgré lui : La douleur lui arracha un cri. Familier. Déchirer quelque chose, et en particulier écorcher profondément la peau : Le coup de griffe lui arracha la joue. ● arracher (expressions) verbe transitif (ancien français esrachier, du latin eradicare, enlever avec la racine) Familier. Arracher la gorge, en parlant d'une boisson, produire une sensation de violente âpreté, de brûlure. Arracher un titre, un rang, etc., l'obtenir de haute lutte et de justesse. Je vais lui arracher les yeux, expression marquant l'exaspération à l'égard de quelqu'un. ● arracher (synonymes) verbe transitif (ancien français esrachier, du latin eradicare, enlever avec la racine) Enlever, détacher avec effort quelque chose de ce à quoi il...
Synonymes :
- déraciner
- déterrer
- extirper
Enlever, prendre par la force à quelqu'un quelque chose qu'il tient...
Synonymes :
- ôter
- prendre
- ravir
- retirer
Séparer par la violence quelqu'un de quelqu'un, le tirer brutalement...
Synonymes :
- détacher
- détourner de
- écarter
- éloigner
- tirer
Tirer quelqu'un de quelque chose (situation, état…), l'en faire sortir brusquement...
Synonymes :
- extirper
- extraire
Obtenir (de quelqu'un) quelque chose avec peine, au prix d'efforts considérables...
Synonymes :
- soutirer
arracher
v.
rI./r v. tr.
d1./d Déraciner (une plante, une racine). Arracher des mauvaises herbes.
— (Réunion) Fig. et Fam. Arracher sa vie: trimer, gagner sa vie avec peine.
d2./d Détacher avec effort. Arracher une dent.
d3./d ôter de force à une personne, à une bête, ce qu'elle retient. Arracher qqch des mains de qqn. Arracher qqch à qqn.
— Fig. Soustraire. Arracher qqn à la misère, à la mort.
d4./d Obtenir difficilement. Je lui ai arraché la promesse qu'il viendrait me voir.
rII./r v. Pron.
d1./d S'arracher à, s'arracher de: se séparer à regret, se détacher avec effort de. S'arracher à une passion. S'arracher du lit.
d2./d S'arracher qqch: se disputer qqch.
|| Fig. S'arracher qqn, se disputer sa compagnie.
— Fam. On se l'arrache.
|| Loc. fig. S'arracher les cheveux: être désespéré, ne plus savoir comment agir.
⇒ARRACHER, verbe trans.
I.— Emploi trans.
A.— [Le suj. désigne gén. une pers., une manifestation de la pers., parfois une force naturelle ou mécanique; un obj. secondaire, la prép. à précise, quand il y a lieu, la pers. à qui on a enlevé qqc.] Arracher qqc. (à qqn).
1. [L'obj. désigne une chose concr.]
a) [Une plante qui tient au sol par ses racines ou ses tubercules, etc.] Déraciner, extraire du sol avec effort. Arracher les pommes de terre, arracher les vignes. Anton. planter :
• 1. Un jour il voyait des gens du pays très occupés à arracher des orties. Il regarda ce tas de plantes déracinées et déjà desséchées, et dit : — c'est mort.
HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 206.
• 2. D'autres fois, il s'apaisait dans son cher jardinage. Jardinage simple, sorte de bricolage horticole, qui consistait à arracher les mauvaises herbes, tailler les arbrisseaux, tondre la pelouse, tailler le bois. Toujours détruire, comme dans sa vie. Il est vrai que, lorsqu'on surprend au travail des jardiniers professionnels, ils sont toujours eux aussi en train de couper quelque chose.
MONTHERLANT, Les Célibataires, 1934, p. 827.
— P. métaph., emploi abs. :
• 3. Imitez le temps; il détruit tout avec lenteur; il mine, il use, il déracine, il détache et n'arrache pas.
JOUBERT (Lar. 19e, 1866).
— Pop. En arracher. Avoir des difficultés.
b) P. anal. [Une partie du corps munie d'une racine ou de tout autre élément qui l'attache] Extraire avec effort de son logement naturel. Arracher une dent à qqn.
— P. métaph. [La pers. à qui on arrache est un avare qui donne difficilement] Je lui ai arraché une dent (Ac. 1835-1932).
— Par euphémisme, vieilli. Arracher la vie à qqn. Le faire périr de mort violente (Ac. 1835-1932).
♦ Détacher violemment. La machine lui a arraché un bras; arracher qqc. des mains de qqn.
— Syntagmes (emplois métaph.)
♦ Arracher le cœur à qqn. Lui causer une grande peine :
• 4. Son orgueil la cloua sur sa chaise. Elle voulut paraître calme, ne pas montrer au jeune homme, qui sifflait avec tranquillité, à quel point son départ lui arrachait le cœur.
ZOLA, Madeleine Férat, 1868, p. 41.
♦ Arracher à qqn une épine du pied. Tirer (quelqu'un, soi-même) d'affaire, d'embarras.
♦ Il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez (Ac. 1798-1932). Il vaut mieux supporter un petit mal que d'y remédier par de grands moyens qui peuvent en causer un plus grand.
♦ Vous lui arracheriez plutôt la vie (Ac. 1798-1932). Sous-entendu : que d'obtenir qu'il fasse telle chose qui lui inspire une répugnance extrême.
♦ Arracher les yeux à qqn. Être à la vue de quelqu'un dans une irritation telle qu'on est capable d'en venir aux mains :
• 5. — Pauvre Gilbert, quel supplice, n'est-ce pas? Vous avez peur qu'on ne vous rencontre ainsi? Savez-vous que je ne suis pas rassurée non plus! Si l'une de vos belles connaissances nous voit, elle va m'arracher les yeux. Cette main qui s'appuyait sur le bras de Gilbert, ce corps que le hasard de la marche pressait parfois contre lui, et ces longues plaisanteries... quel énervement!
ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 229.
Rem. Cette expr. s'emploie dans le même sens avec la tournure pronom. S'arracher les yeux (infra II A 2).
— P. anal. Arracher le masque à qqn. Démystifier, faire connaître au grand jour les intentions de quelqu'un :
• 6. « — C'est faux! hurla Paulus, cette danseuse ment! J'arracherai son masque et le ferai connaître! ... »
BOUILHET, Melaenis, Chant cinquième, 1857, p. 193.
♦ Arracher à qqn le pain de la bouche. Lui enlever son gagne-pain.
c) P. ext. [L'obj. désigne une chose concr. fixée, attachée ou adhérant à qqc.] Enlever avec effort ou avec violence. Arracher une affiche, une page, un fil :
• 7. L'hôtel du Nord fut livré à un entrepreneur de démolitions. Des ouvriers arrachèrent les fils électriques, les tuyaux de plomb, enlevèrent les portes, les fenêtres, démantibulèrent la maison pièce par pièce, comme une machine, et entassèrent le matériel dans la cour de Latouche.
DABIT, L'Hôtel du Nord, 1929, p. 240.
— Spécialement
♦ CHAPELLERIE. Arracher le jarre. Arracher le poil luisant sur les peaux de castor.
♦ GÉOMORPHOLOGIE. [Le suj. désigne le courant d'un fleuve] Arracher des fragments de roche. Provoquer une érosion rapide.
♦ GRAV. Enlever des parties déjà gravées d'une plaque de cuivre afin de modifier l'ensemble de celle-ci.
♦ SP., au fig. HALTÉROPHILIE. Faire le mouvement de l'arraché avec un poids (cf. arraché). SP. CYCLISTE. Arracher une côte. La grimper rapidement et avec une remarquable énergie.
Rem. S'il y a une indication de lieu, elle est gén. introduite par la prép. de. Arracher un clou d'une muraille (Ac. 1835-1932).
— P. métaph. Arracher une opinion de l'esprit, de la tête de quelqu'un (Ac. 1835-1932) :
• 8. Caderousse regarda le jeune homme comme pour arracher la vérité du fond de son cœur. Mais Andrea tira une boîte à cigares de sa poche, y prit un havane, l'alluma tranquillement et commença à le fumer sans affectation.
A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 335.
2. [L'obj. désigne une chose plus ou moins abstr.]
a) [Une faveur, une chose difficile à obtenir] Obtenir péniblement, après un gros effort personnel. Arracher à qqn une somme d'argent, un aveu :
• 9. Les peuples murmuraient de ce qu'on leur arrachait ainsi leur argent, qui ne profitait jamais à la chose publique.
BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 2, 1821-24, p. 331.
• 10. On ne pouvait lui arracher une parole. Ses lèvres amincies et serrées semblaient arrêter au passage des plaintes et des reproches.
A. FRANCE, La Vie en fleur, 1922, p. 313.
SYNT. Arracher à qqn une approbation, une audience, une concession, une parole, une promesse, un secret.
b) [Le suj. désigne un événement très intense, gén. pénible; l'obj. désigne une réaction intense de la sensibilité] Obtenir péniblement grâce à la charge affective de l'événement. Arracher à qqn une exclamation, des larmes, un sourire :
• 11. La garde a tiré
Le sang a coulé...
Mille blessés, cent morts,
Est-ce assez?
L'affreux souvenir nous arrache
Des cris d'horreur.
LARBAUD, Journal, 1934, p. 298.
SYNT. Arracher à qqn une exclamation, une plainte, des soupirs.
B.— Arracher qqn à qqn, à qqc. Ôter en usant de violence.
1. [Avec un obj. secondaire précisant la pers. qui tient à la pers. arrachée] Arracher un enfant à sa mère :
• 12. Si elle avait vraiment voulu... Jacques Malessert... elle le savait bien : il lui aurait suffi de profiter du trouble que sa seule présence mettait au cœur du jeune homme; elle aurait pu le tenir en son pouvoir, le dominer, le lier à elle par les liens de la chair, et alors, en dépit de tout, l'entraîner, l'arracher à Irène... Elle haussa les épaules : il n'en valait pas la peine.
DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire? 1934, p. 110.
— [Emploi de la prép. de]
a) [Lorsque l'obj. secondaire désigne non pas la pers. mais la partie (le lieu) de son être qui tient la pers. qu'on lui enlève, la prép. est d'ordinaire de] Arracher un enfant des (d'entre les) bras de sa mère. (Au fig.) arracher un peuple des mains de l'occupant, de l'envahisseur :
• 13. ... le faux nègre s'était dit : « il est évident que Rocambole est mort, qu'il a livré le secret de sir Williams, et que, à cette heure, le comte et Baccarat ont pris toutes les mesures nécessaires pour sauver monsieur de Kergaz et l'arracher des griffes de son frère. (...) »
PONSON DU TERRAIL, Rocambole, t. 3, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 518.
b) [Il en est de même lorsque l'obj. secondaire désigne un lieu] :
• 14. LE BARON. — Fais-les avancer. Valentin se met à la tête de sa troupe, qui s'avance en bon ordre, et vient se ranger en bataille. Mes amis, le chef des brigands qui désolent l'Allemagne, Roger ose me menacer; il prétend arracher de ces lieux une victime que vous avez soustraite à sa fureur, mais je compte sur votre courage pour défendre une aussi juste cause.
GUILBERT DE PIXERÉCOURT, Victor, 1798, I, 13, p. 22.
• 15. ... La cloche avant le jour m'arrache de mon lit :
Je crois entendre, au son de sa voix balancée
L'ange qui du sommeil appelle ma pensée,
Et lui donne à porter son fardeau pour le jour;
LAMARTINE, Jocelyn, 1836, p. 705.
• 16. Et c'était lui, maintenant, dont l'accent frémissait, tandis que Jacques, ramassé dans son fauteuil, tendait vers le poêle une figure farouche qui semblait dire : « Père va mourir, tu viens m'arracher d'ici, c'est bien, je partirai, mais qu'on ne m'en demande pas plus. »
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, p. 1204.
2. [Avec un obj. secondaire exprimant une chose abstr.] Détacher en usant de violence ou d'énergie (et parfois) délivrer quelqu'un de quelque chose.
a) [L'obj. secondaire désigne une occupation] Arracher qqn à ses études :
• 17. Il semble qu'un rêve soit dissipé, qu'une captivité magique arrive à son terme, que le chant du coq fasse évaporer les fantômes, dont nous entouraient la solitude et le crépuscule. Le milieu du jour nous plonge dans la réalité, et nous arrache à la contemplation. Cela est bon aussi à son heure. « Travaille pendant qu'il fait jour. »
AMIEL, Journal intime, 1866, p. 106.
b) [Il désigne une chose qui pèse sur un être comme une fatalité] Arracher l'homme à la tyrannie, à la solitude, à la torpeur morale :
• 18. « ... Je veux arracher mes frères à la misère et à l'ignorance! Je veux les instruire, les amener à connaître et à aimer Dieu! Je veux être missionnaire! »
VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 2, 1868, p. 138.
• 19. On peut imaginer beaucoup de moyens propres à donner satisfaction aux désirs les plus pressants des classes malheureuses. Pendant longtemps ces projets d'amélioration furent inspirés par un esprit conservateur, féodal ou catholique; on voulait, disaient les inventeurs, arracher les masses à l'influence des radicaux.
SOREL, Réflexions sur la violence, 1908, p. 194.
• 20. Ma vie — dans les premiers instants — n'avait qu'une idée; l'arracher à la mort, l'enlever, morte, à la mort, la forcer à revivre quelque part, en moi, en nous, la ressusciter, par force, au moyen d'une concentration de moi-même. Elle était peut-être morte pour d'autres; pas pour moi.
JOUVE, La Scène capitale, 1935, p. 253.
II.— Emplois pronom. S'arracher.
A.— [Le pronom exprime la pers., obj. second. indir. (me, se, etc.; à moi, à soi, etc.)] S'arracher qqn ou qqc.
1. [Le pronom a valeur de réciprocité; l'obj. dir. désigne une pers. ou une chose très appréciées] S'arracher qqc. ou qqn. Le rechercher avec empressement comme si on avait à se le disputer les uns aux autres :
• 21. ZOÉ. — Oui, mais comment avoir ces quatre voix? On a tant de peine à en avoir une!
BERNARDET. — Souvent la même sert à deux ou trois ministères successifs.
SCRIBE, La Camaraderie, 1837, III, 8, p. 306.
• 22. Ce qui offensait Antoine, c'était l'abominable imagerie religieuse que les pèlerins s'arrachaient, ces Jésus de bonbonnière, la poitrine ouverte, montrant leur cœur sanguinolent.
ZOLA, Paris, 1898, p. 244.
— Loc. proverbiale, fam. [L'obj. dir. désigne une pers. très recherchée pour toutes les formes de la vie de société] On se l'arrache.
2. [Le pronom a valeur de réfléchi; l'obj. dir. exprime une chose concr. ou abstr.; supra I A] S'arracher une épine du pied, etc.
— Loc. proverbiales
♦ Au sens littér. ou p. métaph. S'arracher les cheveux. Être au comble du désespoir :
• 23. John prévit que leur ivresse allait bientôt amener des scènes terribles. On ne pouvait compter sur le capitaine pour les retenir. Le misérable s'arrachait les cheveux et se tordait les bras. Il ne pensait qu'à sa cargaison qui n'était pas assurée.
VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 3, 1868, p. 42.
♦ S'arracher les yeux.
a) S'irriter :
• 24. Sous l'Empire, les personnes d'opinions contraires pouvaient se voir sans s'arracher les yeux...
Mme DE CHATEAUBRIAND, Mémoires et lettres, 1847, p. 19.
b) Éprouver de la difficulté à déchiffrer un texte mal écrit ou mal imprimé.
♦ S'arracher les yeux de la tête. Se priver d'un être précieux :
• 25. Je me suis arraché les yeux de la tête en me privant de mes vieux conseillers.
VITET (Lar. 19e, 1866).
B.— [Le pronom exprime l'obj. dir.]
1. Emploi passif :
• 26. Les plumes d'un oiseau mort s'arrachent difficilement.
Lar. 19e, 1866.
2. Emploi réfléchi (cf. tous les cas mentionnés sous I B) :
• 27. Vois : — je l'ai fait emplir de reliques, ma chère;
Puis je vais l'envoyer à Neubourg, à mon père;
Il sera très content!
(Elle rêve un instant, puis s'arrache vivement à sa rêverie. À part.)
Je ne veux pas penser!
Ce que j'ai dans l'esprit, je voudrais le chasser.
HUGO, Ruy Blas, 1838, II, 1, p. 368.
• 28. Gemon, crie, tentant de s'arracher à son étreinte.
Mais père, tu vois bien qu'ils l'emmènent! Père, ne laisse pas ces hommes l'emmener!
ANOUILH, Antigone, 1946, p. 197.
— Emploi abs., arg. milit. Il s'arrache (ESN. 1966). Il se distingue, accomplit une performance.
PRONONC. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[], j'arrache []. Enq. :// (il) arrache. 2. Hist. — FÉR. Crit. t. 1 1787 propose la graph. âracher (1re syllabe longue) et GATTEL 1841 note : ,,dans ce mot et ses dérivés, on ne prononce qu'une r mais fortement``. MART. Comment prononce 1913, p. 297 écrit à ce sujet : ,,Les composés qui commencent par ar-, notamment, ne font entendre qu'un r, sauf quelquefois, par exemple, dans ar-racher, ar-rogance ou ar-roger.``
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. Début XIIe s. « enlever de terre (une plante qui y tient par ses racines) » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, 128, 5 ds T.-L. : ainz que seit arachié, assecha [priusquam evellatur, exaruit]); 2. a) 1169 « détacher avec effort, enlever une chose qui tient ou adhère à une autre » (CHR. DE TROYES, Chevalier charette, 3070 ds GDF. Compl. : Mout tost rompus et arachiez Les membres du cors vous auront); d'où 1636 fig. « extirper, ôter (un inanimé abstr.) » (CORNEILLE, Cid, IV, 2 ds ROB.); 1668 « enlever à qqn une pers. » (RACINE, Andr., I, 1 ds LITTRÉ); b) av. 1564 « obtenir de qqn par un grand effort » (CALV., Lett., II, 221 ds GDF. Compl. : Vous n'ignorez pas a quoy ont pretendu ceulx qui ont arraché de vous d'estre present a leurs idolatries); 1671 « id., en parlant de l'argent » (MOLIÈRE, Scapin, V, 11 ds ROB.); c) 1665 « faire quitter un lieu à qqn par la force » (ID., Dom Juan ou Fest. [in de Pierre], II, 2 ds LITTRÉ); 1669 pronom. « se détacher, s'éloigner » (PASCAL, Pensées, t. II, sect. VII, 553 ds ROB.).
Empr. au lat. eradicare (VARRON, Rust., 1, 27, 2 ds TLL s.v., 741, 35); 2 a, PLAUTE, Rud., 1346, ibid., 742, 2; fig. (inanimé abstr.) fréquent en lat. chrét. (CASSIEN, Inst., 8, 22, p. 150, 23, ibid., 742, 64); 2 c, Itala, Deut., 4, 38, ibid., 742, 25. Issu par substitution de préf. (a- indiquant l'action de tirer à soi) de l'a. fr. esrachier (ca 1150, Charroi Nîmes, éd. Jonckbloet, 1318 ds T.-L.) qui s'est maintenu parallèlement à arrachier, arracher jusqu'au XVIe s. (HUG.).
STAT. — Fréq. abs. littér. :5 335. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 7 758, b) 8 287; XXe s. : a) 7 498, b) 7 116.
BBG. — BAULIG 1956. — BRUANT 1901. — Canada 1930. — CRIQUI 1967 →. — DARM. Vie 1932, p. 61. — ESN. 1966. — DUL. 1968. — FRANCE 1907. — FROMH.-KING 1968. — GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — GRAND. 1962, col. XXVIII. — GRUSS 1952. — JOSSIER 1881. — LARCH. 1880. — LARCH. Suppl. 1880. — LA RUE 1954. — LE BRETON 1960. — LE CLÈRE 1960. — LE ROUX 1752. — NOËL 1968. — NOTER-LÉC. 1912. — NYSTEN 1814-20. — PIERREH. Suppl. 1926. — POPE 1961 [1952] § 349. — REPINA (T.A.). K voprosu ob ispol'zovanii predlogov pri glagol' nom dopolnenii vo francuzwskom jazyke (Predlog à pri dopolnenii k glagolam prendre, enlever, emprunter, voler, ôter, arracher it. n). [L'Emploi des prépositions servant de complément aux verbes. Préposition à jointe aux verbes : prendre... etc.]. Ucenye . Leningradskij gosudarstvennyj institut. 1961, t. 299, vyp. 50, pp. 172-176. — SANDRY-CARR. Cycl. 1963. — TIMM. 1892.
arracher [aʀaʃe] v. tr.
ÉTYM. Déb. XIIe, arachié; du lat. exradicare, eradicare « déraciner », de ex-, et radix, radicis « racine » (→ Éradication), avec substitution de préfixe, le préfixe ad- (→ 1. A-) s'étant substitué au préfixe ex-, e-.
❖
1 Enlever de terre (une plante qui y tient par ses racines). ⇒ Déraciner, déterrer, extirper. || Nettoyer, défricher une terre en arrachant les broussailles, les mauvaises herbes (⇒ Débarrasser, débroussailler, déchaumer, défricher, essarter, nettoyer, sarcler). || Arracher les souches. ⇒ Essoucher. || Arracher un arbre pour le planter ailleurs. ⇒ Déplanter. || Arracher des betteraves, des pommes de terre, des navets. ⇒ Récolter, tirer (régional); arrachage, arracheur, arrachoir.
1 L'hirondelle leur dit : « Arrachez brin à brin
Ce qu'a produit ce maudit grain (…) »
La Fontaine, Fables, I, 8.
2 (…) cette ivraie de l'Évangile que l'on ne peut arracher sans déraciner en même temps le bon grain (…)
Bourdaloue, 7e dimanche après la Pentecôte, Dominicale.
♦ (Sujet n. de chose). || Le vent a arraché deux arbres.
2 Détacher avec effort (une chose qui tient ou adhère à une autre). ⇒ Détacher, enlever, ôter. || Arracher une dent avec un davier. ⇒ Extraire. || Arracher un polype. ⇒ Extirper. || Arracher un clou avec un arrache-clou, une pince, des tenailles. || Arracher les cheveux de qqn. → ci-dessous, S'arracher les cheveux. || Arracher les poils de qqn, des poils à qqn. ⇒ Dépiler, épiler. || Arracher une pellicule (cit. 1) avec ses ongles. || Arracher les plumes d'un oiseau. ⇒ Plumer. || Arracher qqch. par lambeaux. ⇒ Déchirer, lacérer. || Arracher une affiche. — Par exagér. et fig. (→ ci-dessous, cit. 3 et 4). || Arracher les yeux à qqn, le mettre à mal. || Arracher le cœur, les entrailles : tuer. → aussi ci-dessous, 4.
3 Je ne sais qui me tient, infâme,
Que je ne t'arrache les yeux (…)
Molière, Amphitryon, II, 3.
4 (…) c'est lui percer le cœur, c'est lui arracher les entrailles (…)
Molière, l'Avare, II, 4.
5 Arrachons, déchirons tous ces vains ornements (…)
Racine, Esther, I, 5.
6 (…) elle arracha de son doigt l'anneau royal, lui ôta le diadème (…)
Fénelon, Télémaque, VII.
7 De l'autre main il tâchait en vain d'arracher de dessus son dos la fatale tunique; elle s'était collée sur sa peau, et comme incorporée à ses membres. À mesure qu'il la déchirait (…)
Fénelon, Télémaque, XII.
♦ (Sujet n. de chose). || Un obus lui a arraché le bras. ⇒ Couper, emporter. || Le frottement lui a arraché un lambeau de peau. ⇒ Écorcher, dépouiller (qqn). — Figuré :
8 (…) le temps ne m'a arraché que les cheveux, comme il effeuille un arbre en hiver, mais la sève est restée au cœur.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, IV, I, 12 (Lettre du 9 nov. 1831).
♦ Passif et p. passé :
9 Une seule pierre arrachée de cet édifice, l'ensemble croule fatalement.
Renan, Souvenirs d'enfance…, V, 3.
3 Fig. Vx ou littér. || Arracher qqch. à qqn, à qqch. ⇒ Extirper.
10 (…) Quand la vérité est offensée par les ennemis de la foi, quand on veut l'arracher du cœur des fidèles pour y faire régner l'erreur (…)
Pascal, Pensées, XIV, 949.
11 Ne puis-je faire ôter les ronces, les épines,
Et des défauts sans nombre arracher les racines.
Boileau, Épîtres, XI.
12 Je te voudrais moi-même en arracher l'envie (de l'épouser).
Corneille, le Cid, IV, 2.
13 Arrache-lui du cœur ce dessein de mourir.
Corneille, Cinna, III, 5.
14 Tu vois, pour m'arracher du cœur de ses soldats,
Qu'il va chercher sans moi les sièges, les combats (…)
Racine, Bajazet, I, 1.
REM. Les emplois modernes ne sont pas figurés, mais métaphoriques :
15 J'aurais supprimé quelques verrues, que je n'ai pas pris la peine, n'étant qu'un laïque, d'extirper sérieusement, mais qu'il n'eût dépendu que de moi d'arracher.
Renan, Souvenirs d'enfance…, III, 1.
4 ☑ Loc. fig. ou prov. Il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez : il ne faut pas que le remède soit pire que le mal.
♦ Cour. ☑ Arracher une épine du pied de qqn. ⇒ Épine.
♦ ☑ Arracher à qqn le pain de la bouche. ⇒ Pain.
♦ ☑ Arracher le bandeau des yeux de qqn. ☑ Arracher le masque, le voile… ⇒ Découvrir, démasquer, dévoiler.
16 Combien de fois essaya-t-il d'arracher le bandeau fatal qui fermait ses yeux à la vérité !
Fléchier, Oraison funèbre de M. de Turenne.
17 Quand sera le voile arraché
Qui sur tout l'univers jette une nuit si sombre (…)
Racine, Esther, II, 9.
18 (…) il est souvent nécessaire d'arracher aux âmes ce masque de fausse humilité dont elles s'affublent.
F. Mauriac, la Pharisienne, p. 69.
♦ ☑ Vx. Arracher l'âme, la vie, le cœur à qqn, le tuer.
19 Qu'à ce monstre à l'instant l'âme soit arrachée.
Racine, Esther, III, 6.
20 (…) si vous me l'ôtez (Mélicerte), vous m'arrachez la vie.
Molière, Mélicerte, II, 5.
♦ ☑ Arracher l'âme, le cœur à qqn, lui causer une vive affliction. ⇒ Désespérer, désoler.
21 Tout ce que nous fîmes les derniers jours, tous les lieux où nous fûmes, toute la douleur dont j'étais pénétrée (…) tout cela m'arrache encore le cœur.
Mme de Sévigné, Lettres 425, 7 août 1675.
22 Cette ville (Milan) où je croyais ne pouvoir demeurer sans mourir, je ne pus la quitter sans me sentir arracher l'âme.
Stendhal, Souvenirs d'égotisme, éd. Hazan, p. 6.
♦ Arracher des pleurs, des gémissements à qqn. ⇒ Tirer.
23 Toute passion est éloquente; tout homme persuadé persuade; pour arracher des pleurs, il faut pleurer (…)
Hugo, Littérature et Philosophie mêlées, p. 42.
24 (…) chacun de ses appels m'arrachait un gémissement.
Colette, la Paix chez les bêtes, « Chienne jalouse ».
5 Arracher (qqch., qqn) de…, à… : enlever de force (qqch., qqn) à une personne ou à un animal, lui faire lâcher (ce qu'il tient, détient). ⇒ Détacher, enlever, ôter, prendre, ravir, séparer. || Arracher une arme des mains de qqn, un oiseau des griffes d'un chat. || Arracher une victime à ses bourreaux.
25 Ni crainte ni regret ne m'en peut détacher.
De mes bras tout sanglants il faudra l'arracher,
Aussi barbare époux qu'impitoyable père.
Venez, si vous l'osez, la ravir à sa mère.
Racine, Iphigénie, IV, 5.
26 L'enfant (…) s'était cramponné à sa jupe et la serrait si fort qu'il eût fallu lui faire du mal pour l'en arracher.
G. Sand, la Mare au diable, VI, p. 55.
27 Irma Borel tenait cette boîte et allait l'ouvrir. Je n'eus que le temps de m'élancer et de la lui arracher des mains.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, p. 312.
28 Une bonté infinie l'a saisi comme une proie inerte, l'a arraché des griffes et de la gueule de la bête.
F. Mauriac, Souffrances et Bonheur du chrétien, p. 153.
♦ Fig. || Arracher qqn des bras de la mort, à la mort. ⇒ Guérir, sauver. || Arracher qqn à la misère, à un danger. ⇒ Préserver, retirer, tirer (de); soustraire (à).
29 (…) de vieux soldats invalides qu'elle a arrachés à la mort (…)
Chateaubriand, le Génie du christianisme, I, I, 5.
6 (XVIe). Fig. Obtenir de qqn avec peine, après une résistance (ce qu'il n'accorde pas volontiers, ne cède qu'à regret). ⇒ Emporter, extorquer, obtenir. || Arracher la victoire à un ennemi. || Arracher de l'argent à un avare. ⇒ Soutirer. || Arracher à qqn des aveux, un mot, une parole, un secret, une promesse, une décision, un consentement, une faveur. || Arracher des applaudissements (cit. 2) à… || Arracher un rire, un sourire; une parole; des larmes à qqn.
30 Moi ? je ne vous l'ai point donnée de bon cœur (ma foi), et vous me l'avez arrachée.
Molière, George Dandin, II, 2.
31 Il ne peut digérer les cinq cents écus que je lui arrache.
Molière, les Fourberies de Scapin, II, 11.
32 Sa délicatesse s'offense d'un souris, d'un regard qu'on vous peut arracher (…)
Molière, le Sicilien, 6.
33 Entrons. C'est un secret qu'il leur faut arracher.
Racine, Iphigénie, II, 7.
34 J'avais obtenu, presque arraché l'estime de tout le monde.
Rousseau, les Confessions, t. I, III.
35 Une imagination vive, sensible et tendre, peut se fixer à quelque objet, à quelque ressouvenir douloureux, et se le représenter avec des couleurs si dominantes qu'elles lui arrachent des larmes.
Voltaire, Dict. philosophique, Larmes.
36 Si nous nous prêtions à nous-mêmes le serment de ne jamais nous laisser arracher une décision par surprise et de ne jamais porter par précipitation un jugement téméraire, nous aurions déjà fait un grand pas vers la sagesse cartésienne.
A. Maurois, Un art de vivre, I, 5.
37 Ce parti philosophique était encore trop puissant pour ne pas arracher, de temps à autre, au gouvernement lui-même des mesures contre la « réaction sacerdotale » (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, t. IV, 7.
38 On ne pouvait lui arracher une parole. Ses lèvres amincies et serrées semblaient arrêter au passage des plaintes et des reproches.
France, la Vie en fleur, II.
39 C'est presque toujours un regret qui m'arrache un sourire.
Colette, la Naissance du jour, p. 223.
7 (1690). || Arracher qqn de… (Sujet n. de personne ou de chose). Faire quitter un lieu à (qqn) par force, violence, contrainte, malgré sa résistance, contre son gré. ⇒ Tirer; chasser.
40 Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la puissance du peuple, et qu'on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes.
Mirabeau, Disc. du 23 juin 1789.
41 (…) et alors, le prenant à la gorge, je fis si bien, des pieds, des poings, des dents, de tout, que je l'arrachai de sa place et qu'il s'en alla rouler hors de l'étude (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, p. 114.
♦ Vieilli (langue class.). ⇒ Bannir, chasser, éloigner, exiler, expulser. || Arracher qqn de sa maison, de son sol natal.
42 (…) il ne tiendra qu'à vous que je vous arrache de ce misérable lieu (…)
Molière, Dom Juan, II, 2.
♦ Séparer par la force (qqn) de (qqn).
43 Adieu : de mon devoir l'étrange barbarie
Pour un temps m'arrache de vous (…)
Molière, Amphitryon, I, 3.
44 On me veut arracher de la beauté que j'aime.
Molière, l'École des femmes, V, 6.
♦ Arracher (qqn) du lit, le forcer à se lever.
45 Son chagrin inquiet l'arrache de son lit.
Racine, Phèdre, I, 2.
8 Arracher qqn à un état, à une situation (sujet n. de personne ou de chose), l'en faire sortir malgré les difficultés et sa résistance. || Arracher qqn au sommeil. ⇒ Soustraire (à), tirer (de). || Arracher qqn à son travail, à ses habitudes. ⇒ Détacher, détourner, écarter.
46 Belle, sans ornements, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.
Racine, Britannicus, II, 2.
47 La nuit me surprenait souvent ainsi, sans pouvoir m'arracher au charme des fictions dont mon imagination s'enchantait elle-même.
Lamartine, Premières méditations poétiques, Préface.
48 Le malheureux Petit Chose, arraché à son rêve, tombé de son ciel, promenait autour de lui de grands yeux étonnés (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, p. 333.
49 (…) ce passé terrible auquel ta tendresse m'arrache ne m'a laissé que des remords et pas un regret.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, p. 363.
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s'arracher v. pron.
1 S'arracher les cheveux, les poils.
50 Enfin, troublé, furieux, livré à son désespoir, il s'arrache les cheveux (…)
Fénelon, Télémaque, XI.
51 Le vieillard, après avoir écrit, s'arracha quelques poils de la barbe avec des pincettes (…)
A. R. Lesage, Gil Blas, IV, 7.
♦ ☑ Loc. fig. S'arracher les cheveux : être désespéré.
2 ☑ Loc. fig., fam. S'arracher les yeux. a (Récipr.). Se disputer violemment, en parlant de deux personnes.
b (Réfl.). || S'arracher les yeux à…, s'abîmer, se fatiguer les yeux à… || S'arracher les yeux à lire les petites lettres d'un livre.
3 (Récipr.). Chercher à obtenir au détriment d'autres personnes. || S'arracher qqn, se disputer sa présence. || On se l'arrache. — Par plais. || On se m'arrache (in Larousse du XIXe siècle). — S'arracher qqch. : se disputer une chose pour se l'approprier. || On s'est arraché les places à la dernière représentation de cette pièce.
52 Je le retrouvai brillant, les dames se l'arrachaient (…)
Rousseau, les Confessions, IV.
52.1 Ce doit être un excellent état à Paris que celui de coiffeur, car on ne peut jamais avoir ces messieurs : ils sont demandés, pris, retenus, promis dans vingt endroits à la fois; on se les arrache, il n'y a personne qui soit plus désiré qu'un coiffeur, et celui qui a de la réputation est un artiste, un véritable artiste dont le talent se paie au poids de l'or et qui ne daigne pas coiffer tout le monde.
Ch. Paul de Kock, la Grande Ville, t. I, p. 236.
52.2 On se l'arrachait. Tout le temps qu'il resta dans cette ville, il fut toujours reçu avec le même accueil, et cet accueil était une fougueuse recherche.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le dessous de cartes… ».
4 (Réfl.). || S'arracher de, s'arracher à (qqch., un lieu, une situation) : se détacher, s'éloigner, se soustraire avec effort, difficulté, peine ou regret. || S'arracher d'une étreinte. || S'arracher des bras d'une personne. || S'arracher d'un lieu, d'une habitude. || S'arracher au sommeil. || S'arracher à qqn.
53 Jésus s'arrache d'avec ses disciples pour entrer dans l'agonie; il faut s'arracher de ses plus proches et des plus intimes pour l'imiter.
Pascal, Pensées, VII, 553.
54 Arrachez-vous d'un lieu funeste et profané.
Racine, Phèdre, V, 1.
55 Vous osez dire que vous n'êtes point vaincu par l'amour, et vous ne pouvez vous arracher à la nymphe que vous aimez !
Fénelon, Télémaque, 6.
56 Le jeune Télémaque (…) s'arracha d'entre les bras du doux sommeil,
Fénelon, Télémaque, 15.
57 Le Petit Chose s'arrachant aux étreintes de ses amis franchit bravement la passerelle.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, p. 44.
5 (1966). Fam. || S'arracher : se distinguer, accomplir un effort. || Pour l'avoir, il a fallu s'arracher.
❖
CONTR. Clouer, enfoncer, enraciner, fixer, implanter, planter, replanter. — Attacher.
DÉR. Arrachage, arraché, arrachement, arracheur, arrachis, arrachoir, arrachure.
COMP. Arrache-clou, arrache-moyeu, arrache-pied (d'), arrache-racines. — V. Arrache-.
Encyclopédie Universelle. 2012.